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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 074 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 juin 2007

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    J'aimerais déclarer ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. En ce mardi 5 juin 2007, nous allons étudier comme prévu le projet de loi C-32, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies) et d'autres lois en conséquence.
    Nous recevons une série de témoins aujourd'hui. En voici la liste. Nous allons commencer par Me Louis Belleau, président du Comité en droit criminel, et Me Nicole Dufour, avocate du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec. Du Conseil canadien de la sécurité, nous recevons M. Raynald Marchand, gestionnaire général des programmes; M. Emile Therien, ex-président, et Mme Ethel Archard, consultante. À titre personnel, nous recevons aussi Line Beauchesne, professeure titulaire au Département de criminologie de l'Université d'Ottawa. Enfin, nous accueillons Paul Burstein et Jonathan Rosenthal, respectivement directeur et représentant de la Criminal Lawyers Association.
    Bienvenue à tous.
    Je vais commencer par les représentants du Barreau du Québec. Allez-y.
    Est-ce Me Belleau qui va faire la déclaration?
    Me Dufour va présenter le point de vue du Barreau, et je pourrai répondre à vos questions plus tard.
    Très bien.
    Maître Dufour.

[Français]

    Bonjour. Comme vous l'avez dit, je suis responsable de la coordination des travaux du Comité en droit criminel du Barreau du Québec. Ce comité est formé à parts égales de membres émanant de la défense et de membres émanant de la Couronne. Le monde universitaire est également représenté au sein de ce comité. Je suis accompagnée de Me Belleau, qui répondra aux questions le moment venu.
    Permettez-moi d'abord de résumer la position du Barreau du Québec sur le projet de loi C-32. D'emblée, nous vous indiquons que nous sommes d'accord sur l'objectif visé par le projet de loi, à savoir de contrer la conduite avec facultés affaiblies par les drogues en établissant des règles assurant une intervention efficace. Nous avons cependant certaines préoccupations dont nous vous faisons part.
    Le projet de loi crée une nouvelle infraction, soit la conduite ou le fait d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule en étant en possession d'une substance désignée au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le Barreau du Québec soumet qu'il n'existe pas de lien rationnel entre l'objectif poursuivi par le projet de loi et l'infraction de possession. En l'absence d'un manquement à des obligations en tant que conducteur, il ne devrait pas y avoir l'infraction proposée. L'infraction de possession est déjà prévue, de toute façon, dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    De plus, les peines suggérées pour une première condamnation à la nouvelle infraction, soit l'imposition d'une ordonnance interdisant, notamment, la conduite automobile pour une période minimale d'une année, sans possibilité d'avoir accès à une mesure d'atténuation, nous paraissent inutilement sévères, étant donné l'absence de lien logique entre l'infraction de possession et l'interdiction de conduire.
    Nous agréons aux modifications prévoyant la possibilité, pour un agent de la paix, de procéder à l'enregistrement vidéo des épreuves de coordination des mouvements. Nous souhaitons que soit créée l'obligation de procéder systématiquement à ces enregistrements, afin de rendre disponible la meilleure preuve. Cela contribuerait sans doute à limiter la nature et l'étendue des débats judiciaires.
    En matière de détermination de la peine, le Barreau du Québec préconise le libre exercice de la discrétion judiciaire par les tribunaux, afin d'assurer, par un exercice de pondération, l'imposition d'une sanction juste. À cet égard, le Barreau du Québec ne peut appuyer les modifications suggérées par le projet de loi quant à l'amende minimale pour la première infraction et à l'emprisonnement minimal lors d'une infraction subséquente.
    Les effets de l'imposition d'une amende minimale varieront en fonction de la situation financière d'un inculpé. Le Barreau du Québec est préoccupé par les répercussions d'une telle sanction sur les proches du contrevenant. Par ailleurs, l'imposition d'une peine de plus de 90 jours pour une troisième infraction entraîne l'élimination de la possibilité de purger cette peine de façon discontinue. Cela peut entraîner des conséquences malheureuses telle la perte d'un emploi, par exemple, et aura des conséquences sur le reste de la famille de l'inculpé.
    Le projet de loi prévoit qu'en l'absence de toute preuve tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou l'utilisation incorrecte de l'alcootest approuvé, et que l'alcoolémie au moment où l'infraction aura été commise ne dépassait pas 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang, la preuve des résultats des analyses fera foi de l'alcoolémie de l'accusé au moment où l'infraction aura été commise.
    Le Barreau du Québec est préoccupé par cette double exigence de preuve et ses conséquences. Nous sommes d'avis que la preuve concluante quant à la défectuosité ou au mauvais usage de l'appareil devrait être suffisante pour entraîner le rejet du résultat du test. Autrement, nous soumettons que cette disposition est susceptible de porter atteinte à la présomption d'innocence.
    Le projet de loi propose également de rendre impossible la présentation d'une preuve directe d'un taux inférieur à 0,08 pour contrer le résultat de l'appareil. Nous nous inquiétons des risques de condamnation injustifiée. Pour illustrer notre propos, prenons l'exemple d'un inculpé qui, après avoir échoué un test, se rend, de sa propre initiative, dans un établissement de santé afin de faire déterminer par test sanguin son taux d'alcoolémie. Dans l'hypothèse d'un résultat inférieur à la limite permise, cette personne se voit empêchée d'utiliser cette preuve si elle n'a pas prouvé le mauvais fonctionnement ou l'utilisation incorrecte de l'appareil.
    Le Barreau du Québec est aussi préoccupé par les difficultés de preuve auxquelles sera confronté l'inculpé qui tentera de démontrer le mauvais fonctionnement ou l'utilisation incorrecte de l'appareil. À quoi aura-t-il accès?
    C'était nos commentaires.

  (0905)  

[Traduction]

    Avez-vous terminé votre déclaration?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est le tour du Conseil canadien de la sécurité. Monsieur, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais exprimer ma reconnaissance à Diane Diotte et à son personnel pour avoir rendu notre comparution ici possible aujourd'hui. Merci beaucoup.
    Notre déclaration sera brève, et je pense que vous avez tous reçu notre mémoire.
    Les Canadiens s'inquiètent beaucoup du problème des jeunes conducteurs avec les facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues et des conducteurs plus âgés avec les facultés affaiblies par des médicaments sur ordonnance. Le Conseil canadien de la sécurité considère la drogue au volant comme une grande priorité, et nous convenons que le gouvernement doit agir impérativement.
    Le gouvernement actuel et le précédent ont proposé les modifications présentées dans le projet de loi C-32 pour renforcer la mise en application des peines imposées pour conduite sous l'influence de la drogue en réponse à la grande préoccupation du public. Le Code criminel doit être à toute épreuve, parce que contrairement à d'autres règlements provinciaux sur la circulation, il prescrit que l'accusé est présumé innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité. La preuve doit être infaillible parce que pour l'accusé, l'enjeu est très grand. Toute personne reconnue coupable d'une infraction criminelle en porte la marque toute sa vie. Il y a donc tout lieu de s'attendre à ce que la loi soit contestée et à qu'on y trouve des échappatoires.
    La conduite sous l'influence de la drogue est une question très complexe. Tant que les problèmes énormes relevés dans le mémoire du Conseil canadien de la sécurité ne seront pas résolus, il sera prématuré d'adopter des dispositions pénales. Nous exhortons donc le gouvernement à mettre le projet de loi C-32 sur la glace jusqu'à ce qu'il réponde aux critères rigoureux d'un tribunal criminel. Il y a d'autres façons de remédier à ce problème grave, et nous vous recommandons des mesures en ce sens. Le conseil est d'accord qu'il convient de prendre des mesures de précaution immédiates, mais la priorité doit être de protéger le public contre les conducteurs avec les facultés affaiblies par les drogues plutôt que de simplement leur imposer des sanctions criminelles après coup.
    Les membres du comité sont sans doute au courant de l'existence de la Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies du Canada, la SRCFA. Cette stratégie est née en 1991 et reçoit l'appui total de toutes les provinces et de tous les territoires, de même que de Transports Canada. Justice Canada ne doit pas agir unilatéralement dans ce dossier.
    Les lois sur la conduite avec facultés affaiblies du Canada sont parmi les plus strictes au monde. Cela, combiné aux initiatives de la SRCFA, a permis de réaliser des progrès considérables dans la lutte pour contrer la conduite avec les facultés affaiblies. Entre 1995 et 2000, les accidents routiers mortels attribuables à un conducteur qui avait bu ont diminué du tiers. Cela dit, la conduite avec facultés affaiblies demeure un problème de sécurité de la plus grande importance au pays.
    En 2004, la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques détaillées, les collisions impliquant un conducteur sous l'influence de l'alcool ont tué 815 personnes. Chaque année, environ la moitié des personnes qui meurent dans ces accidents sont les conducteurs aux facultés affaiblies eux-mêmes — ce ne sont certainement pas des victimes innocentes.
    L'absence de statistiques nationales sur les accidents de la route causant la mort ou non et qui impliquent la drogue au volant devrait nous inquiéter. Les bonnes lois ne se fondent pas sur les sentiments et les sondages, mais sur des faits tangibles, des statistiques crédibles et des recherches solides.
    Je suppose que vous avez tous lu notre mémoire, donc j'aimerais passer en revue quelques-unes de nos recommandations.
    Il devrait être évident que nous estimons le projet de loi C-32 prématuré et que nous recommandons vivement qu'il soit mis de côté le temps de faire le travail de fond nécessaire. En effet, le gouvernement devrait accorder la priorité à l'octroi de ressources, dont du financement adéquat, pour que la future loi se fonde sur des bases scientifiques solides et des moyens techniques pour repérer les drogues pouvant affaiblir les facultés de conduite, établir des limites valables pour chaque drogue et prescrire des outils de mesure.
    Nous remarquons que de plus en plus de poursuites pour conduite avec facultés affaiblies ne se fondent pas sur le Code criminel. Le gouvernement doit s'interroger sur les raisons à cela avant d'adopter d'autres dispositions de droit pénal.
    Les suspensions administratives du permis de conduire sont des outils efficaces pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. En vertu des codes de la route, la plupart des autorités canadiennes imposent des suspensions de 12 à 24 heures aux conducteurs ayant un taux d'alcoolémie inférieur au seuil légal. Ces suspensions empêchent les conducteurs potentiellement dangereux de prendre le volant. Elles lancent aussi un avertissement sévère et efficace, sans le fardeau d'un casier judiciaire à vie et sans procès coûteux.
    Le Conseil canadien de la sécurité exhorte les gouvernements provinciaux et territoriaux à imposer des suspensions administratives du permis de conduire dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par des substances autres que l'alcool. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement fédéral réaffecte les ressources prévues pour la mise en oeuvre du projet de loi C-32, afin d'aider les provinces et les territoires à lutter contre la drogue au volant au moyen de leurs propres codes de la route.
    L'une de nos principales recommandations, c'est que Justice Canada participe à la SRCFA pour que toute modification apportée au Code criminel en matière de conduite avec facultés affaiblies par les drogues s'harmonise aux mesures déjà en vigueur. Je souligne qu'il pourrait être contre-productif que Justice Canada fasse promulguer une loi en ce sens qui interférerait avec la stratégie nationale et irait à l'encontre des mesures déjà en place.

  (0910)  

    Ceux qui ont proposé le projet de loi C-32 disent que les personnes ayant les facultés affaiblies par le cannabis représentent autant de risque que les conducteurs ayant un taux d'alcoolémie supérieur à la limite légale. Pour commencer, ce projet de loi ne se limite pas au cannabis. D'ailleurs, il n'y a aucune base scientifique pour déterminer que les facultés sont affaiblies par le cannabis ou une autre drogue.
    Il faut souligner que bien des études montrent clairement que l'alcool présente un plus grand risque que le cannabis. Le problème fondamental, c'est que le cannabis est une substance illicite et qu'un grand nombre de Canadiens en consomment. Ses effets néfastes sur la santé et la sécurité vont bien au-delà de la conduite avec facultés affaiblies. L'adoption d'une stratégie nationale visant à réduire la consommation de cannabis chez les jeunes et les habitués s'impose. À notre avis, c'est beaucoup plus urgent que d'adopter une loi en matière de droit criminel sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
    Étonnamment, il y a peu de preuves que les conducteurs ayant seulement consommé du cannabis sont plus susceptibles de provoquer les accidents que les conducteurs qui n'ont pas consommé de drogue. Le cannabis a des effets négatifs sur la conduite, mais de façon très différente de l'alcool. Le THC, la substance active du cannabis, peut être détecté dans l'organisme jusqu'à quatre semaines après sa consommation, mais ses effets néfastes ne durent pas. Il y a relativement peu de conducteurs causant la mort dans un accident de la route chez lesquels on ne détecte que du THC. Le plus souvent, il s'ajoute à de l'alcool, une combinaison qui fait augmenter radicalement le risque d'accident.
    Les ivressomètres utilisés sur le bord de la route permettent aux policiers de détecter et de mesurer la présence d'alcool. Il n'existe actuellement aucun moyen fiable, non intrusif de déterminer si une personne a consommé du cannabis, malheureusement. Même s'il en existait un, il faudrait établir une limite valable au-delà de laquelle un conducteur ayant consommé du cannabis serait reconnu comme ayant les facultés affaiblies au sens du droit pénal. Avant de mettre en oeuvre des dispositions criminelles, il faudra établir des critères valables sur les facultés affaiblies par le THC, seul et en combinaison avec de l'alcool, et le gouvernement devra approuver les outils de détection mis à la disposition de policiers qualifiés. À lui seul, ce processus pourrait prendre des années, mais sans lui, la loi ne pourra pas être appliquée.
    J'aimerais maintenant aborder la question des médicaments, qui sont aussi visés par le projet de loi C-32.
    Les Canadiens de 65 ans et plus prennent en moyenne neuf médicaments par jour, y compris des médicaments sur ordonnance, des médicaments en vente libre et des plantes médicinales. Les médicaments peuvent avoir des effets bénéfiques ou néfastes sur l'aptitude à conduire. Certaines personnes, notamment celles atteintes d'épilepsie, ne pourraient pas conduire sans médicaments. Les médecins prescrivent des benzodiazépines pour combattre l'anxiété et l'insomnie chez les personnes âgées. Ces médicaments peuvent provoquer des effets secondaires comme la somnolence, réduire les fonctions motrices et occasionner de la confusion. Ils jouent un rôle dans beaucoup de collisions.
    Les personnes âgées qui prennent des analgésiques peuvent éprouver une sensation de sédation et se retrouver avec des facultés légèrement affaiblies. Les antihistaminiques peuvent occasionner de la somnolence et réduire la capacité de concentration. Les calmants et les médicaments contre le rhume, tels que les comprimés contre le rhume, les sirops contre la toux et les somnifères peuvent réduire l'aptitude à conduire. La combinaison de médicaments peut aussi avoir de malencontreux effets secondaires et occasionner des réactions néfastes. Le fait de combiner de l'alcool et des médicaments peut être très risqué, particulièrement chez les aînés. Avec l'âge, la tolérance à l'alcool diminue de façon constante et le corps élimine l'alcool moins rapidement.
    En ce moment, près de 22 000 médicaments pour usage humain sont disponibles au Canada. L'identification de ceux pouvant nuire à la conduite, seuls ou en combinaison avec d'autres substances, la détermination d'une limite légale pour chacun de ces médicaments et l'approbation des outils d'évaluation représentent un défi colossal.
    Comme la population canadienne vieillit, la prise de médicaments légaux devient un défi permanent pour la santé et la sécurité, qui dépasse les limites de la conduite automobile. Ce phénomène doit être examiné dès que possible. Selon le conseil, il s'agit d'un enjeu très important pour la santé et la sécurité, mais non d'une question de droit criminel.
    Certaines stratégies sont déjà en place, mais il faudrait en élaborer d'autres qui seraient plus efficaces et appropriées que le Code criminel pour empêcher les gens de conduire sous l'influence de médicaments qui pourraient affaiblir leurs facultés. Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement fédéral élabore et finance une stratégie incluant un volet de sensibilisation du public portant sur l'affaiblissement des facultés par les médicaments. Justice Canada doit évaluer en profondeur les justifications et les conséquences possibles de l'utilisation du Code criminel comme outil législatif pour réglementer l'affaiblissement des facultés par les médicaments. À notre avis, cette question serait davantage du ressort de Santé Canada.
    À un moindre degré, la consommation illégale de médicaments sur ordonnance, notamment ceux ayant des effets psychotropes, et de drogues illicites comme la cocaïne sont des facteurs de la conduite avec facultés affaiblies. En ciblant le cannabis, on pourrait inciter les utilisateurs à se tourner vers d'autres substances, potentiellement plus nocives.

  (0915)  

    Bref, nous savons que des pressions s'exercent sur les politiciens pour qu'ils fassent quelque chose afin de contrer l'apparence d'augmentation de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Cependant, ce projet de loi de droit pénal risque de ne pas être efficace et même, d'être contre-productif. Nous vous sommons de ne pas risquer l'échec. Attaquez-vous plutôt au problème en collaboration avec les organismes compétents hors du contexte du Code criminel dès aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Merci infiniment, monsieur Therien.
    Le prochain témoin comparaît devant nous à titre personnel. Il s'agit de Mme Beauchesne.

[Français]

    Dans tout projet de loi, avant de pouvoir se prononcer sur la pertinence des moyens proposés, il faut d'abord considérer l'objectif poursuivi et relever les problèmes à résoudre. Dans ce cas-ci, l'objectif annoncé est d'améliorer la sécurité routière en empêchant les personnes ayant les facultés affaiblies de conduire leur véhicule, car elles peuvent constituer un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Une loi qui veut atteindre cet objectif doit résoudre les problèmes suivants.
    Le premier grand problème, qu'on a soulevé lors de débats parlementaires, est que jusqu'à maintenant, on a pratiquement focalisé les actions sur l'alcool, tant en prévention que sur le plan juridique, alors qu'il y a une multitude d'autres facteurs qui peuvent affaiblir les facultés, que ce soit la fatigue, les médicaments ou toute autre raison.
    Le deuxième problème, ce sont les récidivistes, qui semblent relativement insensibles aux campagnes de prévention. Les récidivistes sont peu nombreux mais sont responsables de la grande majorité des accidents. Selon les études, ces récidivistes sont de toute évidence dépendants d'une drogue, la principale étant l'alcool pour la majorité d'entre eux. L'alcool est une drogue, quoiqu'on semble l'oublier quelque peu dans certains débats.
    Ce projet de loi doit permettre de déterminer toutes les causes pouvant affaiblir les facultés et de mieux appréhender les récidivistes. Or, il ne réussit ni l'un ni l'autre.
    Quels sont les problèmes qui font en sorte que ce projet de loi rate la cible, soit améliorer la sécurité routière en empêchant la conduite avec facultés affaiblies?
    Le premier problème est que le projet de loi est pratiquement inapplicable sur le plan financier. Plusieurs parlementaires ont d'ailleurs soulevé ce problème et les débats sur le projet de loi C-16, l'ancêtre du projet de loi C-32, l'ont démontré. Les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre ce projet de loi partout représentent plusieurs millions de dollars. Même l'ajout de 1 000 policiers, comme l'a suggéré un parlementaire, ne réglerait rien en région rurale. On a créé une procédure lourde et pratiquement inapplicable.
    L'application du projet de loi est coûteuse. On pense généralement au coût de la formation des ERD et des policiers. Cependant, le renouvellement régulier des appareils de détection portables, la validation des tests de drogue en laboratoire et les procédures judiciaires coûtent également très cher. On a affaire ici à une classe moyenne qui se défendra. On est dans un dédale de possibilités. On voit déjà ce que le volet alcool coûte en termes de procédures judiciaires. On s'est lancé dans un créneau qui va créer des imbroglios fort coûteux.
    Le deuxième problème, qui a déjà été soulevé, est que les traces de drogue dans l'organisme ne permettent pas d'établir si la personne a les facultés affaiblies. Elles révèlent simplement qu'il y a eu consommation de drogue. Si, par exemple, une personne a consommé de la marijuana le vendredi soir et que le vendredi suivant, on procède à un test de drogue, on n'est pas en train de tester si elle a les facultés affaiblies par la marijuana. Cela nous indique seulement que dans les jours ou semaines précédents, cette personne a consommé de la marijuana.
    Le genre d'appareil qu'on prétend pouvoir utiliser est relativement discriminatoire. On a démontré scientifiquement qu'on ne pouvait pas dire que la personne avait les facultés affaiblies parce qu'on avait détecté des traces de drogue dans son organisme.
    Le troisième problème est que l'application de ce projet de loi s'annonce fort discriminatoire. Comme M. Therien l'a souligné, il y a 22 000 médicaments et une panoplie de drogues. De toute évidence, les appareils portatifs actuels se concentrent sur certaines drogues consommées par certaines clientèles.
     À cet égard, on peut se demander si le souci est d'attraper les gens qui consomment des drogues illégales ou de viser toutes les causes de la conduite avec facultés affaiblies, quelle que soit la drogue. Lors des débats portant sur le projet de loi C-16, certains ont souligné que s'il s'agissait de médicaments, on référerait la personne à un médecin ou à une instance autre que le pénal.

  (0920)  

    Le message de prévention que nous sommes en train d'envoyer avec ce projet de loi est qu'il y a de bonnes et de mauvaises raisons de conduire sa voiture quand on a les facultés affaiblies. Je vous donne un exemple.
    Une personne a travaillé un quart de travail imprévu et cela fait 30 heures qu'elle n'a pas dormi. Elle est pratiquement endormie, mais elle choisit quand même de prendre sa voiture et elle tue quelqu'un. Va-t-on lui dire qu'il est correct qu'elle ait tué une personne parce qu'elle avait beaucoup travaillé? Je ne pense pas que ce soit le message qu'on veut envoyer. Il peut aussi s'agir d'une personne âgée de 79 ans, à qui sa fille dit que sa médication l'endort et qu'elle ne devrait pas prendre sa voiture, mais qui choisit quand même de le faire et tue quelqu'un. Va-t-on lui dire qu'elle a le droit de tuer quelqu'un parce qu'elle est âgée et qu'elle a choisi de prendre sa voiture?
    Le message de prévention qu'envoie ce projet de loi n'est pas clair du tout. En fait, ce message semble davantage concerner la lutte contre certaines drogues illicites plutôt que la prévention de la conduite avec facultés affaiblies. Les millions de dollars qui sont investis inutilement dans ce projet de loi sont des millions qu'on ne peut investir dans la prévention.
    Que faire alors pour améliorer la situation en matière de conduite avec facultés affaiblies et prendre une autre direction en regard des deux problèmes que j'ai soulevés?
    Il est très clair que la prévention devrait élargir la publicité destinée à certaines clientèles de façon à y inclure les médicaments considérés comme des produits affaiblissant les facultés. La France a d'ailleurs fait un énorme travail à cet égard. À la télévision ou par d'autres moyens, il faut arrêter de dire que seul l'alcool affaiblit les facultés et inciter les gens à ne pas prendre leur voiture lorsqu'ils ne sont pas en état de conduire.
    Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Je ne parle pas de tests de sobriété, car l'enjeu ne se limite pas au fait d'avoir consommé quelque chose, mais de tests de réflexe effectués sur le bord de la route et filmés, qui deviendraient obligatoires. Ces tests permettraient de déterminer si la personne est en état de conduire. Peu importe la raison, si elle n'était pas en état de conduire, elle sera retirée de la route.
    Nous n'avons pas besoin de savoir si elle a consommé des drogues, si elle est fatiguée, si elle rentre chez elle ou si elle sort d'un bar. Elle vient d'être testée et filmée et elle n'a pas les réflexes nécessaires pour conduire adéquatement. On ne recherche plus uniquement les consommateurs de drogues. On garde à l'esprit le fait qu'il faut enlever de la route les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies.
    Un des concepts de base en criminologie est qu'un mécanisme d'application de la loi plus simple et appliqué plus souvent — et les gens ont la perception qu'il est appliqué — est préférable à un mécanisme complexe, coûteux et appliqué rarement, qui donne aux gens l'impression qu'ils ne se feront pas prendre parce qu'on hésitera à aller dans cette direction. Ils ont l'impression qu'ils ne seront pas visés parce que cela vise les consommateurs de drogues illicites.
    Il est beaucoup plus facile de former des policiers à faire subir un test de réflexes de base, qui consiste à faire marcher des gens sur une ligne droite ou à lever la jambe et à les filmer, que de former, à coup de millions de dollars, des ERD qui vérifieront, au moyen d'une procédure extrêmement complexe, si les gens semblent avoir consommé de la drogue.
    La France a fait davantage depuis un an et demi pour réduire la vitesse sur la route en installant des caméras qui prennent des photos régulièrement des automobilistes. Les accidents de la route y ont diminué du quart ou du tiers. J'attends tous les détails des études d'évaluation. Cette mesure entraîne des points d'inaptitude et des sanctions pécuniaires et a un effet beaucoup plus grand que si on avait placé 300 000 policiers de plus sur les diverses routes de la France.
    Par conséquent, la complexité des procédures, de toute évidence, fera en sorte qu'elles seront rarement appliquées et risqueront d'être fort discriminatoires.

  (0925)  

    Quant au deuxième problème, celui des récidivistes, les études indiquent qu'une très grande majorité d'entre eux ont un problème de dépendance à l'alcool. Dans leur cas, on leur retirerait leur permis. Il faudrait pour cela avoir un registre national beaucoup mieux organisé pour les repérer, de manière à leur retirer le permis tant qu'on n'a pas de garanties suffisantes que leur problème a été corrigé. C'est une question de traitement qui est en jeu.
    Quand on lit les témoignages des victimes d'accidents de la route, on se rend compte qu'elles ont souvent manqué d'appui après leur accident. On devrait peut-être consacrer davantage les millions de dollars au soutien des victimes d'accidents de la route.
    En conclusion, j'aimerais dire qu'il est temps de donner aux policiers les moyens de mieux prévenir la conduite avec facultés affaiblies, quelles qu'en soient les causes. L'action policière sera réussie si la procédure est plus simple et est assortie de points d'inaptitude, de hausses des primes d'assurance et d'un bon registre des infractions. Ces mesures, beaucoup moins coûteuses que celles qui sont présentées ici, permettraient également de prendre une série de mesures supplémentaires de prévention et d'aide aux victimes des accidents de la route.
    Malheureusement, ce projet de loi ne va pas dans cette direction et il risque même de diminuer l'efficacité policière dans ce domaine, aux dépens des nombreuses victimes de la route.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, madame Beauchesne.
    Écoutons maintenant les représentants de la Criminal Lawyers' Association.
    Allez-vous prendre la parole, monsieur Burstein?
    Nous allons présenter notre déclaration à deux, monsieur le président.
    Très bien.
    Encore une fois, c'est un honneur pour la Criminal Lawyers' Association de comparaître devant ce comité pour l'aider dans cette étude très importante.
    Jonathan Rosenthal m'accompagne. Il a presque 20 ans d'expérience comme avocat de la défense dans les affaires d'alcool au volant. Il donne des conférences à des étudiants en droit, à des avocats et à des juges sur le sujet; je vais lui demander de vous parler des modifications proposées dans le projet de loi à propos des enquêtes et les poursuites sur l'alcool au volant.
    Je dois admettre que je lui ai un peu menti pour l'attirer ici. Je lui ai promis que nous irions voir les Sénateurs, mais nous ne sommes pas encore allés jeter de coup d'oeil au Sénat. Je lui ai donc promis que nous irions après notre rencontre ici.
    Je m'appelle Paul Burstein. Je suis ici pour vous parler des nouvelles dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies. En plus d'être criminaliste, je suis professeur auxiliaire à l'École de droit d'Osgoode Hall et à l'Université Queen's. Je dirige la CLA depuis dix ans, et ce comité m'a invité à comparaître à diverses reprises pour témoigner sur des questions liées à la marijuana et au cannabis. Je dois dire que j'ai également travaillé comme avocat à la trilogie d'affaires qui se sont rendues jusqu'à la Cour suprême du Canada concernant la décriminalisation de la marijuana, en plus d'avoir travaillé à beaucoup de procès sur la marijuana utilisée à des fins médicales. Je le dis parce que même si je suis loin de prétendre être un scientifique, je considère être assez au courant de la science sociale concernant la marijuana, ses utilisations et ses abus.
    J'aimerais d'abord vous inciter à la plus grande prudence à l'égard des « études » qui vous sont présentées sur la marijuana quand vous déciderez quoi faire à ce sujet. Comme on le dit souvent au sujet des analyses statistiques, on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres. Le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a mis en lumière les faiblesses des nombreuses études concernant l'utilisation de la marijuana, ses symptômes et ses manifestations. Les sénateurs soulignent ce qui suit: « les avis divergent sur l'interprétation des études et leur signification quant aux effets spécifiques de la marijuana sur la conduite de véhicules. »
    Je vous le dis seulement parce que quand des groupes de policiers ou d'autres défenseurs du projet de loi viennent vous citer des chiffres et des statistiques, je pense que vous devez faire preuve de prudence avant de les accepter. Je pense que le sommaire de données le plus objectif et le plus complet, à tout le moins jusqu'à 2002, est celui présenté dans le rapport du Sénat, et je vous recommande vivement de le consulter. En effet, le Sénat a conclu, après avoir pris connaissance de toutes les études actuelles, que selon elles, la consommation de cannabis à elle seule n'augmente pas la probabilité de la responsabilité dans un accident. Les études confirment indéniablement le risque élevé que présente l'alcool, mais ne réussissent généralement pas à montrer que le cannabis à lui seul présente le risque que le conducteur soit responsable d'un accident fatal ou causant des lésions corporelles graves.
    Cela ne veut pas dire qu'il est judicieux de conduire après avoir consommé de la marijuana. C'est bien évident. Il faut toutefois nous demander si c'est suffisant pour invoquer l'outil radical que constitue le droit criminel. Je vous rappelle aussi que quand on essaie de faire vibrer votre corde sensible en vous racontant l'histoire des familles de victimes d'accidents mortels, il est essentiel que vous gardiez deux choses en tête. Comme certains de mes collègues vous l'ont déjà dit, ces dispositions ne feront pas grand-chose, voire rien du tout, pour empêcher le petit pourcentage de la population qui conduit après avoir fumé de la marijuana de le faire. Il serait bête de le croire. On vous a également dit qu'il y avait d'autres moyens à caractère non pénal qui seraient bien plus efficaces pour prévenir la conduite sous l'influence de drogues et en réduire l'incidence. À ce titre, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit M. Therien et Mme Beauchesne.
    Comme les membres de ce comité le savent sûrement déjà, le comité du Sénat a déjà très bien préparé le terrain pour vous. En effet, après avoir pris connaissance des données scientifiques sociales, le comité du Sénat a conclu qu'il « semble que l'adoption du DEC et la formation des policiers à la reconnaissance de la présence de drogues seraient hautement souhaitables ».
    Cependant, je dirais qu'il y a deux raisons pour lesquelles cette recommandation ne justifie pas l'adoption de cette loi, du moins pour l'instant. Premièrement, la recommandation du Sénat sur l'évaluation des drogues fait partie d'un ensemble qui favorise la décriminalisation de la consommation personnelle de marijuana, une mesure qui pourrait bien sûr faire augmenter non seulement la consommation de marijuana, mais aussi la probabilité que les gens conduisent après en avoir consommée. La recommandation de décriminaliser la consommation personnelle de marijuana a été présentée au comité du Sénat, de même qu'au comité de la Chambre parce que l'interdiction criminelle de la marijuana causerait un préjudice démesuré aux gens comparativement au préjudice potentiel que cette interdiction vise à prévenir. Cela ne fera donc qu'envenimer la situation. Nous faisons fausse route ici.

  (0930)  

    Concernant le paragraphe proposé 253.1(1), sur la conduite en possession de drogue, il n'y a rien dans cette disposition qui prévient les dangers. Il n'existe absolument aucune preuve scientifique ou logique que la simple possession de drogue fait augmenter les risques associés à la conduite avec facultés affaiblies. Si c'était le cas, pourquoi n'y a-t-il aucune province du Canada qui suspend le permis de conduire lorsqu'une personne est trouvée coupable d'une infraction liée à la drogue? On ne le fait nulle part dans le monde. N'oubliez pas que selon les statistiques qu'on vous a présentées afin de justifier pourquoi il fallait faire quelque chose, l'article proposé 253.1 frappera surtout les jeunes Canadiens, parce qu'il semble que ce comportement est surtout caractéristique des jeunes au Canada. Toutefois, selon les rapports du Sénat et du comité de la Chambre, l'interdiction pénale de la marijuana a déjà une incidence démesurée sur les jeunes. Cela va rendre la situation dix fois pire.
    La deuxième raison pour laquelle nous affirmons que ce projet de loi ne répond pas à la recommandation du Sénat, c'est que malheureusement, les mécanismes de dépistage ne répondent pas encore à nos espoirs et à nos attentes. Je ne pense pas que le comité du Sénat a entendu des témoignages sur l'état actuel des choses. Il fait mention de quelques études, mais M. Beirness de la Fondation de recherches sur les blessures de la route a reconnu dans son témoignage devant le comité sur le projet de loi C-16 que les mécanismes de dépistage étaient loin d'être parfaits. Même aux États-Unis, ils ne sont fiables, au mieux, que dans 80 à 90 p. 100 des cas. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'un Canadien sur cinq ou sur dix, fort probablement un jeune, sur la foi d'un test douteux, sera mis en garde à vue jusqu'à un hôpital et forcé, sous peine de faire l'objet d'une poursuite en droit criminel, de donner un échantillon de sang sans raison. C'est là un coût injustifié à notre avis.
    J'aimerais conclure ma partie en vous rappelant qu'il y a trois coûts importants pour le système de justice pénale dont vous avez déjà entendu un peu parler. Premièrement, il y a la formation des policiers. Il y a de bien meilleures façons d'utiliser les forces policières déjà insuffisantes que de les former pour cela. N'oubliez pas que ce n'est pas qu'un investissement unique. Si un policier avance dans sa carrière et passe de policier de première ligne à détective puis à administrateur, il faudra reformer des policiers. Un appareil, au moins, reste dans le service quand un policier est promu. Cela représente beaucoup d'argent. Deuxièmement, même si l'évaluation des drogues justifie le prélèvement d'échantillons de substances corporelles, l'analyse de cette échantillon comporte beaucoup de points d'interrogation. Quelle concentration de drogue doit-on trouver dans le sang ou l'urine pour conclure à l'affaiblissement des facultés? Les données scientifiques ne sont pas claires à ce sujet, ce qui m'amène à mon troisième problème, le coût des poursuites, comme on vous l'a déjà dit, qui sera très élevé chaque fois parce que les données scientifiques ne sont pas assez solides. La durée des procès va doubler ou tripler, comme mon collègue, M. Rosenthal, s'apprête à vous le dire.
    Pour conclure, nous nous opposons vivement à toutes les modifications sur l'évaluation des drogues, particulièrement à l'infraction créée à l'article proposé 253.1. La dissuasion est vaine. Si elle fonctionnait, pourquoi aurait-on besoin de cette disposition, parce qu'il est déjà criminel de posséder de la marijuana, on sait donc que c'est inefficace. Cela alourdirait beaucoup le système de justice pénale. En ce moment, dans le système, on ne conteste probablement jamais ou que rarement les accusations de possession de marijuana parce que la plupart des accusations sont écartées ou que les gens plaident coupables compte tenu des conséquences relativement bénignes. Personne n'acceptera de plaider coupable à une accusation de conduite automobile en possession de marijuana en raison de la gravité des conséquences.
    Enfin, pour ce qui est des autres modifications, personne ne veut de conducteurs gelés au volant, comme Mme Beauchesne l'a dit, ni de conducteurs somnolents, incompétents ou occupés à parler au cellulaire. Ces modifications vont faire augmenter les préjudices pour la société plutôt que de les faire diminuer. Nous préférerions que vous dépensiez pour outiller les policiers afin de lutter contre les armes plutôt que la drogue au volant.
    Monsieur Rosenthal.

  (0935)  

    Monsieur Rosenthal, allez-y.
    Je vais parler des amendements aux alinéas 258(1)c), d), d.01) et d.1) du Code, qui portent sur ce qui est communément appelé « la preuve du contraire ».
    Selon l'amendement proposé, toute personne inculpée devra désormais prouver la défectuosité ou le mauvais usage de l'alcootest pour éviter d'être condamnée pour une infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure à quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang. Si l'amendement est adopté et résiste aux contestations en vertu de la Charte, cela aura de nombreuses et profondes conséquences, et il faudra consacrer beaucoup de temps et d'argent au règlement des litiges.
    C'est une disposition inquiétante et sans précédent en droit criminel. Elle crée la possibilité d'une réfutation de la présomption. Étant donné que le taux d'alcoolémie ne peut être mesuré au moment de la conduite — on ne peut pas planter une aiguille dans le bras de quelqu'un qui conduit —, une disposition permet de prélever un échantillon de sang après les faits, ce qui facilite la tâche de la Couronne pour prouver que l'alcoolémie dépasse le coefficient de 0,08.
    Toutefois, avec cet amendement, on impose un fardeau considérable, voire impossible à porter, aux personnes innocentes dans les faits. Quand je dis qu'une personne est innocente dans les faits, je ne dis pas qu'elle est innocente au regard de la loi ou qu'elle fait l'objet d'un doute raisonnable, mais plutôt qu'elle a un taux d'alcoolémie inférieur à celui prescrit par la loi, au moment de l'infraction, qu'elle devrait n'avoir rien à se reprocher et qu'elle ne met pas sa vie ni celle des autres en danger.
    En vertu de cette mesure législative, des gens seront reconnus coupables, auront un dossier criminel et subiront toutes les conséquences découlant d'une condamnation au criminel — des gens qui sont innocents, aux yeux de la loi et dans les faits.
    Cet amendement repose sur l'hypothèse selon laquelle l'alcootest Intoxilyzer 5000C est infaillible. Aucun appareil n'est infaillible. En fait, celui-ci ne mesure pas le taux d'alcool dans le sang, mais fait plutôt une estimation en fonction du rapport sang-haleine. Ces appareils donnent des résultats instantanés et sont beaucoup plus rapides et moins coûteux que ceux utilisés dans les hôpitaux pour analyser les échantillons de sang.
    Cela nous amène donc à nous poser la question suivante: si ces appareils sont si précis et infaillibles, pourquoi alors les hôpitaux ne s'en servent-ils pas pour remplacer les autres qui livrent des résultats moins rapidement et qui coûtent cher?
    Un instrument amélioré n'est pas nécessairement infaillible. C'est pas non plus parce qu'il a été approuvé par notre comité des analyses d'alcool qu'il ne présente plus aucun défaut. D'ailleurs, on en a eu la preuve ici-même, en Ontario.
    Il y avait un alcootest appelé ALERT modèle J3A. Cet instrument avait réussi tous les tests et avait été approuvé en vertu du Code criminel. On l'a utilisé pendant près de 15 ans jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il n'était même pas homologué. On l'a donc rappelé.
    Si l'amendement est adopté, celui qui juge à partir des faits, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un jury, n'aura plus la capacité de déterminer si l'accusé est coupable ou innocent. Au fond, les procès criminels sont très simples: la Couronne et la police accusent une personne d'avoir commis une infraction; l'accusé se défend et justifie son acte; et le juge rend une décision. C'est la procédure.
    Avec l'amendement, les juges n'auraient plus cette possibilité. L'accusé sera automatiquement reconnu coupable, à moins qu'il ne réussisse à prouver que l'appareil était défectueux ou mal utilisé.
    Il s'agit d'un amendement extrême. Aucune autre disposition dans le Code criminel ne renferme ce genre d'exigence, que je qualifie d'érosion de la présomption d'innocence.
    J'aimerais vous citer quelques exemples de personnes innocentes au regard de la loi — leur taux d'alcoolémie étant inférieur à la limite prescrite —, mais qui ont été reconnues coupables.
    Mon collègue a donné, plus tôt, l'exemple d'une personne se rendant dans une clinique privée pour une analyse de sang. Assez souvent, à l'hôpital, les échantillons d'haleine sont prélevés en même temps que les échantillons de sang. S'il y a une différence entre les deux — autrement dit, si le taux d'alcool dans le sang est inférieur à la limite et que celui dans l'haleine est supérieur —, cela suscitera un doute raisonnable dans l'esprit de tous pouvant même aller jusqu'à l'acquittement. En vertu de cette mesure législative, l'accusé n'a aucune chance d'avoir gain de cause. Il est coupable jusqu'à ce qu'il puisse prouver la défectuosité ou le mauvais usage de l'alcootest.
    Il se peut qu'un juge ne considère pas que le témoignage d'un accusé soulève un doute raisonnable. Il peut même croire sa version des faits et celle de tous les témoins, mais cela n'a aucune importance car, en vertu de cette mesure législative, il sera forcé de le déclarer coupable.

  (0940)  

    Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Une personne arrive chez elle, stationne sa voiture dans le garage, s'enferme chez elle et boit quelques verres. Pour quelque raison que ce soit, un policier arrive sur les lieux et prélève des échantillons d'haleine. Il est évident que la personne n'avait pas bu avant. En vertu de cette mesure législative, cette personne sera déclarée coupable, à moins qu'elle ne parvienne à prouver certaines choses.
    Sachez qu'adopter ce projet de loi, c'est s'engager sur une pente très glissante et dangereuse.
    Permettez d'appliquer cette idéologie à d'autres cas, par exemple, l'ADN. Tout le monde sait que l'ADN est infaillible. Par une modification au Code criminel, pourriez-vous imaginer ce que ce serait de ne pas pouvoir invoquer de motif de défense dans une affaire d'agression sexuelle où on a relevé des traces de votre ADN sur les lieux du crime. Il n'y aurait tout simplement rien à faire. Vous auriez beau montrer un billet d'avion ou une vidéo prouvant que vous étiez à l'étranger au moment de l'infraction, vous n'auriez pas gain de cause.
    C'est pareil pour les empreintes digitales. Nous savons tous qu'elles sont infaillibles. Qu'arriverait-il si on modifiait la loi de façon à ce que si on trouve vos empreintes sur un document, vous êtes automatiquement désigné comme son auteur? Vous ne pouvez rien dire pour votre défense. C'est ce que font les juges. Ils prennent connaissance des faits et décident quelle partie croire.
    C'est la meilleure façon de multiplier les erreurs judiciaires.
    En tant qu'avocat de la défense spécialisé dans les cas d'alcool au volant — comme plusieurs autres ici —, si ce projet de loi est adopté, je peux vous garantir que nous ne nous laisserons pas faire. Tout le monde invoquera le mauvais fonctionnement ou usage de l'appareil et cela donnera lieu à d'importantes contestations. Les juges devront ordonner la production de fiches d'entretien et de manuels de formation. Les fabricants eux-mêmes feront l'objet de litiges et les procès seront plus longs.
    Il y a un amendement qui traite des certificats, pour que les éthyloscopistes ne soient pas obligés de comparaître. Désormais, vous pouvez oublier cela. Je peux vous dire que nous allons maintenant insister pour qu'ils viennent au tribunal. Nous avons le droit de contre-interroger les éthyloscopistes dans chaque cas.
     Nous assignerons des témoins, comme aux États-Unis, et nous exigerons que l'alcootest en question soit déposé devant le tribunal aux fins d'une analyse indépendante.
    Pour terminer, si l'amendement est adopté, croyez-moi, vous déclarerez beaucoup plus de personnes coupables, mais vous éroderez aussi la présomption d'innocence, et de nombreux innocents en feront les frais. Tôt ou tard, quelqu'un devra réparer les dégâts pour toutes ces condamnations injustifiées.
    Vous devrez aussi vous préparer à affecter beaucoup plus de ressources. Quiconque pratique le droit criminel dans une juridiction où il y a un arriéré — que ce soit un procureur de la Couronne, un avocat de la défense ou un juge — vous dira que ce sont les contestations dans les cas de conduite en état d'ivresse qui en sont à l'origine. Plus les sanctions sont sévères, plus les gens contesteront.
    Si vous voulez adopter ces amendements, qui feront en sorte d'étirer les procès, préparez-vous à construire beaucoup d'autres palais de justice et à recruter une multitude de juges et de procureurs de la Couronne.
    Et surtout, cela ne plaira pas du tout au fabricant de l'alcootest Intoxilyzer 5000C, CMI, qui devra vous fournir beaucoup de ces appareils. Bon nombre seront entreposés dans les salles de pièces à conviction et d'audience, plutôt que dans les postes de police.
    Merci.

  (0945)  

    Était-ce votre conclusion?
    Oui.
    D'accord.
    Merci pour votre intervention véhémente, monsieur Rosenthal. Elle suscite de nombreuses questions, mais ce n'est pas le moment de vous les poser.
    Monsieur Lee.
    Nous prenons bonne note de la mise en garde de la Criminal Lawyers’ Association.
    Très brièvement, je tiens à dire que je suis frappé de voir à quel point le gouvernement actuel semble obsédé par toutes les questions entourant le sexe et la drogue. Il y a un autre projet de loi présentement devant la Chambre des communes qui vise la restriction des permis de travail. Il s’agit d’une modification à la Loi sur l’immigration. Les communiqués de presse du gouvernement portaient précisément sur les stripteaseuses et les danseuses exotiques. Je suis curieux de voir comment tout cela s’articulera.
    Dans le cas qui nous occupe, il est question de drogues. Il y a deux aspects qui m’intéressent particulièrement et j’aimerais m’adresser à un des avocats ici présents — je pense que ce sont pratiquement tous des avocats. Tout d’abord, j’aimerais parler de l’article 253.1, auquel on a fait référence. Cette disposition traite seulement de la possession, et non des facultés affaiblies. Elle a la même teneur que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Il y a environ cinq ans, monsieur le président, je devais prendre l’avion, et suivant les conseils de ma femme, j’ai apporté un somnifère au cas où je voudrais dormir pendant le vol. Je ne l’ai pas pris et je l’ai toujours avec moi. Il traîne au fond de mon portefeuille, et je crois que si j’essayais de l’en sortir, je déchirerais mon portefeuille. Si je ne m’abuse, il s’agit d’une drogue figurant à l’Annexe 4. Par conséquent, si nous adoptons cet article, je serai en infraction aussitôt que je m'assoirai derrière un volant. N'est-il donc pas malavisé d’inclure dans ce projet de loi des drogues visées à l’Annexe 4? Ne faudrait-il pas l'éviter? C’est une erreur que le gouvernement n’a pas relevé; il n'y a pas pensé.
    Parmi les drogues énoncées à l’Annexe 4, on trouve aussi les stéroïdes. Je ne vois pas le lien entre le fait d’être en possession de stéroïdes ou même d’en consommer et les facultés affaiblies. Il n’existe aucun lien, du moins du point de vue du public.
    Monsieur le président, ma question s’adresse à quiconque veut y répondre. J’aimerais bien connaître l’avis de Mme Beauchesne ou des représentants de la Criminal Lawyers’ Association à ce sujet.

  (0950)  

    Madame Beauchesne, souhaitez-vous prendre la parole en premier, suivie des représentants de la Criminal Lawyers’ Association?

[Français]

    Vous avez raison. Ce projet de loi semble davantage s'inscrire dans la guerre contre la drogue plutôt que dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. On est davantage tenté de reproduire les échos de la prohibition que de réfléchir à ce qui diminuerait le nombre de conducteurs avec facultés affaiblies.
    Comme on l'a soulevé, un grand nombre de personnes innocentes risquent de se retrouver dans cette situation sans avoir les facultés affaiblies, et elles contesteront avec raison. Les résultats ont été relativement bien présentés par les avocats. À moins que le gouvernement ne juge que c'est à cela qu'il consacrera inutilement de l'argent, puisqu'il en a à perdre, je pense qu'il faut revenir à la question de la conduite avec facultés affaiblies.

[Traduction]

    Monsieur Belleau.

[Français]

    Les commentaires que vous faites sont très pertinents. Le risque qu'on cherche à prévenir en réglementant ou en prohibant la possession d'une drogue quelconque alors qu'on est dans un véhicule automobile, dans le contexte de ce projet de loi, est le danger causé par des individus qui ont consommé de la drogue et ne sont pas en état de conduire un véhicule de façon responsable. Si c'est l'objectif visé, il faut adopter des lois qui atteignent cet objectif. Ici, on tente de créer une infraction qui n'atteint pas cet objectif.
    Il n'y a pas de lien entre le fait que vous, par exemple, monsieur Lee, ayez un comprimé de somnifère dans votre portefeuille et conduisiez un véhicule automobile et la sécurité du public en termes de protection contre les conducteurs en état d'ébriété ou sous l'influence de la drogue.
    Si on veut être logique et considérer que c'est un moyen d'assurer la sécurité sur les routes, il faudrait créer une infraction correspondante pour toute personne qui se promènerait dans son véhicule automobile avec une bouteille de vin ou qui reviendrait du dépanneur avec une caisse de bière pour regarder une partie de hockey. La logique est exactement la même. Il n'est pas plus difficile de déboucher une bouteille de bière que de rouler un joint de marijuana pendant qu'on conduit un véhicule automobile.
    On voit alors de façon évidente qu'il n'y a pas de lien rationnel entre l'interdiction ou la prohibition et l'objectif poursuivi. Il n'est pas imaginable d'interdire à quelqu'un de transporter une bouteille de bière ou deux dans son automobile sous prétexte d'assurer la sécurité des routes.
    D'ailleurs, le Code de la sécurité routière du Québec prévoit l'interdiction de consommer de l'alcool dans un véhicule. Cela ne s'applique pas seulement au conducteur, mais à toute personne à bord du véhicule. Cette prohibition n'est cependant pas assortie d'une sanction de suspension du permis ou de points d'inaptitude ou de quoi que ce soit d'autre. Il y a une amende qui est consécutive à cette infraction, bien sûr, mais il n'y a pas de sanction aussi radicale que celle prévue au nouvel article 253.1.
    Il faut faire certaines autres observations à propos de cet article, notamment sur le plan de la peine. Cet article crée une peine plus sévère que celle prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, notamment en ce qui concerne le cannabis. La possession simple de cannabis est punie par une peine, celle de l'infraction sommaire réduite d'un maximum de 1 000 $ et six mois d'emprisonnement, alors qu'ici, vous avez la possibilité de poursuivre par acte criminel pour cinq ans d'emprisonnement dans le cas d'une infraction qui est, somme toute, identique à celle prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Cet article comporte une autre absurdité: la sanction de l'interdiction de conduire. L'article 253.1 proposé n'offre aucune possibilité au contrevenant d'avoir un antidémarreur avec éthylomètre. On pourrait se retrouver avec la situation suivante. Une personne est arrêtée avec un comprimé de somnifère dans son portefeuille et est condamnée, en théorie, à une peine plus sévère que celui qui serait passible d'une infraction en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. On interdirait à cette personne de conduire pendant un an et elle ne pourrait pas avoir un antidémarreur avec éthylomètre, alors qu'elle était parfaitement sobre et en état de conduire au moment de son interception. Par opposition, un individu pourrait être arrêté alors qu'il était ivre mort et pourrait, au bout de trois mois après l'interdiction, demander un antidémarreur avec éthylomètre pour conduire son véhicule.
    Vous voyez donc qu'il y a un déséquilibre absolu entre le traitement des deux sortes de délinquants, alors qu'en réalité, c'est le même mal qu'on cherche à prévenir. À notre avis, cette disposition, principalement pour la raison qu'il n'y a aucun lien logique entre la prohibition et l'objectif poursuivi, qui est d'assurer la sécurité sur les routes, est beyond repair.

  (0955)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Belleau.
    Monsieur Lee, merci.
    Monsieur Burstein, avez-vous quelque chose à dire?
    Je voulais simplement faire une remarque.
    L’exemple de M. Lee montre à quel point tout cela est illogique. Si vous êtes en possession d’une substance, c'est parce que vous ne l’avez pas encore consommée, n’est-ce pas? Si l’objet de cet article est d’empêcher que les gens conduisent sous l’effet de drogues ou de médicaments, condamner la simple possession est en fait paradoxal. Vous voulez accuser la personne qui a la facture des consommations dans ses poches et non celle qui a une caisse de 24 bières dans sa voiture et qui ne représente aucun danger; la personne qui nous intéresse, c'est celle qui a la facture de la caisse de 24, mais qui n’a plus les bières. Votre exemple montre parfaitement l’incohérence de la mesure législative.
    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Monsieur le président, vous voyez bien que le prochain geste qu'on devrait poser est de retirer le projet de loi, finalement.
    Je vais commencer par poser une question à Mme Beauchesne et une autre à M. Burstein ou M. Rosenthal.
    Elle vous cite personnellement. Comme l’a rappelé avec pertinence le député du Bloc québécois Serge Ménard aux audiences sur le projet de loi C-16, les mauvaises lois font la fortune des bons avocats. Et le projet de loi C-32, tout comme C-16, est particulièrement mauvais.
    Elle a cité M. Ménard.
    Il ne faut pas nous confondre! C'est Serge qu'elle a cité.
    L'auriez-vous invité?

[Traduction]

    Silence, je vous prie.
    Monsieur Ménard, la parole est à vous.

[Français]

    On dirait qu'on est un peu sous l'effet de l'alcool. Le party va prendre ici!
    Madame Beauchesne, lorsque le ministre a comparu, il nous a parlé de deux nouveaux tests, soit les tests standardisés de sobriété et les tests en reconnaissance de drogue. Vous semblez dire que tout cela sera coûteux et que ce n'est pas du tout évident que ce sera facilement applicable, sans parler d'une inefficacité totale.
    Dans votre témoignage, deux aspects m'intéressent. Vous avez dit que les tests les plus efficaces sont peut-être les plus simples. Vous nous avez rappelé que les tests en bordure de route sur l'acuité des réflexes, qui sont filmés et qui peuvent servir de preuve, sont probablement les plus efficaces. J'aimerais que vous reveniez là-dessus pour nous en parler davantage. On pourrait peut-être présenter un amendement au projet de loi sur le registre national.
    Dans votre mémoire, que j'ai lu hier soir au lit, il y avait beaucoup de références à la révocation des permis de conduire comme mesure plus dissuasive qu'autre chose. Les membres du Conseil canadien de la sécurité en ont parlé également. J'aimerais que vous reveniez sur le mérite de la révocation du permis de conduire et que vous précisiez quelles sont les modalités du registre national dont vous parlez.
    Ce sont les questions que j'ai pour vous et j'en aurai d'autres pour les passionnants avocats à vos côtés.
    Je n'irai pas dans le détail, mais je vais parler de l'enjeu de chacun des éléments que vous avez soulevés.
    En effet, je suis d'accord qu'il faut donner aux policiers la capacité d'obliger quelqu'un à passer un test de réflexes. En ce qui concerne le premier problème, à savoir si la personne est apte à conduire, il faut pouvoir donner aux policiers cette capacité. Il faut la filmer, parce que si la personne veut contester, on aura une preuve.
    Ces tests existent et les études montrent comment on pourrait les améliorer. Elles démontrent également qu'il y a un certain niveau de tests. Les pilotes d'avion effectuent des tests de réflexes et c'est la même chose pour eux. Je ne veux pas savoir s'il a baisé toute la nuit ou s'il a fumé de la marijuana, je veux savoir s'il est en état de piloter. On passe un test de réflexes pour savoir s'il est apte à piloter, peu importe les raisons. C'est le même principe qui est transposé ici.
    Quant au registre national, ce qui me l'a fait mentionner, c'est le deuxième problème, soit celui des récidivistes. Effectivement, les études soulignent qu'un grand nombre d'accidents sont liés à un petit nombre de personnes conduisant avec les facultés affaiblies. Une personne peut être dans une province, se faire punir dans une autre et répéter ce scénario allégrement. Lorsqu'il y a répétition — je ne parle pas d'une répétition de possession de drogue, je parle d'une répétition de conduite avec facultés affaiblies — je pense qu'il faudrait avoir des règles ou des moyens pour monter d'un cran les mesures.

  (1000)  

    Il y a le Centre d’information de la police canadienne, le CIPC.
     On nous dit que le Registre des armes à feu est consulté 6 500 fois par jour. Vous parlez d'un registre que tous les corps policiers au Canada pourront consulter pour vérifier si une personne a des antécédents de conduite avec facultés affaiblies, et cela, pour quelque motif que ce soit, mais pourvu qu'il y en ait assez pour que cela soit préoccupant. Ce que vous voulez, c'est que le policier puisse avoir accès rapidement à cette information, n'est-ce pas?
    Je n'ai pas réfléchi aux modalités. En outre, je ne connais pas exactement les modalités pour ce qui est des pays qui ont ce registre. J'ai toujours un pied sur le frein quand je pense aux modalités. Il faudrait que je les examine dans le détail. Ce qui m'importe, c'est l'accès à ce registre et ce qu'on pourrait en faire. J'ai toujours peur que cela tourne dans l'autre sens et qu'on s'en serve à d'autres fins.
    Je voudrais qu'il serve spécifiquement à identifier les personnes qui conduisent à répétition avec les facultés affaiblies. On doit réfléchir à une modalité qui fasse en sorte qu'on ait le droit de leur demander de subir un examen pour savoir s'ils ont un problème de dépendance ou autre, et qu'on ait le droit de les obliger à suivre un traitement ou à faire une action quelconque, jusqu'à ce qu'on ait la preuve que le problème est résolu. Encore une fois, je le souligne, cela ne concerne qu'une petite partie des conducteurs. Donc, c'est à cet effet que je proposais les deux solutions.
    J'insiste à nouveau sur la première ligne: les études sont aussi très claires à ce sujet. Comme on l'a souligné, si on me dit que je vais avoir des points d'inaptitude, que le coût de mon assurance augmentera, qu'on m'enlèvera éventuellement ma voiture pour 24 heures et que je devrai payer pour la récupérer, parce que j'ai les facultés affaiblies...
    Le caractère effectif de la punition est plus important que...
    La personne va faire attention. Par contre, si elle est menacée de poursuites, elle retient les services d'un avocat et c'est parti.
    Voici quel est l'aspect positif de ce projet de loi, pour lequel nous avions des réserves et nous allons en avoir davantage à la suite de vos témoignages. Dans ce qu'on appelle « la défense des deux bières », n'y a-t-il pas quelque chose de socialement préoccupant? On est peut-être allé trop loin. Le projet de loi érode peut-être, comme vous le dites, la présomption d'innocence d'une manière incompatible avec les libertés que l'on veut défendre. J'aimerais que vous nous en parliez davantage. Y a-t-il quelque chose qui puisse être fait à moyen terme ou, au contraire, est-ce irréversible dans sa forme actuelle? Socialement, il me semble qu'il y a quelque chose dont on doit se préoccuper comme législateurs.
    J'adhère à 100 p. 100 à la thèse défendue par Mme Beauchesne. En ce qui concerne la révocation du permis de conduire, je ne sais pas si, comme législateurs à Ottawa, nous pouvons proposer des amendements en vue de révoquer le permis de conduire tout en respectant les compétences des provinces. Socialement, en ce qui concerne la défense des deux bières, il me semble qu'il faut s'en préoccuper. J'aimerais que vous nous donniez des propositions d'amendements. Je ne vous demande pas de le faire sur le plan législatif mais de nous dire ce que vous pensez qu'on devrait faire.

[Traduction]

    Cela nous amène à nous interroger sur la notion d'infraction pour cause de conduite avec facultés affaiblies. Nous voulons éviter à tout prix les risques que pourrait poser une personne qui conduit en état d’ivresse. Toute l’idée du motif « des deux verres » ou « du dernier verre » remet en question la fiabilité de la science. Même si l’alcootest, utilisé quelque temps après l’infraction, indique que la personne a un taux d’alcoolémie inacceptable, il est faux de présumer que, peu importe si on a soumis la personne au test une heure ou une heure et demie plus tard, le résultat reflète nécessairement son état pendant sa conduite. Autrement dit, elle ne représentait pas vraiment un danger au moment où elle a été appréhendée.
    Il ne s’agit donc pas simplement d’un moyen de défense technique. Dans le contexte des infractions pour conduite en état d’ébriété, on voit souvent des motifs de défense technique — et M. Rosenthal pourra vous en parler. Par exemple, on peut invoquer qu'un agent de police n’a pas identifié l’appareil correctement ou n’a pas bien rempli les papiers. Il est vrai que c’est essentiel en droit criminel, et si voulez faire quelque chose pour cela, c’est une autre affaire, mais là où nous avons plutôt des réserves, c’est en ce qui concerne le fait d’empêcher une personne de se défendre, une personne qui présentait peut-être un risque pour les autres, mais qui était peut-être aussi innocente.

  (1005)  

    Si je peux ajouter une chose, rappelez-vous qu'il y a deux infractions ici: la conduite avec facultés affaiblies et une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes. Si une personne montre des signes physiques de facultés affaiblies — et au Canada, on établit cela lorsque la capacité de conduire un véhicule automobile est même légèrement affaiblie — la police porte l'accusation. En général, lorsqu'il s'agit d'une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes, c'est une infraction où les agents de police ne voient pas de perte de faculté physique, où la faculté de conduire un véhicule automobile n'est pas affaiblie, pour une raison quelconque.
    Alors il ne reste toujours que cette option à la police. Je crois que c'est l'une des choses que la Cour suprême du Canada a soulignées dans un certain nombre de décisions où une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes était en cause, en disant que cela ne donnait pas carte blanche aux gens pour conduire en état d'ébriété. Il y a aussi l'accusation de conduite avec facultés affaiblies.
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici.

[Français]

    Merci à Mme Beauchesne et aux représentants du Barreau d'être présents.
    Des études ont-elles été menées aux États-Unis?

[Traduction]

    Et je pose la même question à M. Burstein et M. Rosenthal. Savez-vous si des études ont été menées aux États-Unis — des études juridiques, et non les études statistiques que nous faisons l'erreur de suivre aveuglément, comme M. Burstein l'a si bien dit — des études faites d'un point de vue constitutionnel, du point de vue de la Déclaration des droits des États-Unis, qui remettraient en question ce type de procédé et plus particulièrement le droit des policiers d'exiger le prélèvement d'un échantillon?
    Permettez-moi de vous dire que jusqu'à présent, l'information que nous avons est que les contestations faites aux États-Unis, quelles qu'elles soient, n'ont pas été fructueuses. Alors ma deuxième question est la suivante: même si c'est le cas — et si vous êtes au courant de certaines études, j'aimerais que vous m'en fassiez part —, avons-nous une structure différente ici en vertu de la Charte qui pourrait compromettre la légitimité de ces procédés invasifs?
    Laissez-moi vous dire simplement que je ne crois pas pouvoir me prononcer là-dessus. Il y a environ 34 États américains qui utilisent l'approche ERD. Le rapport est de 25-0, ou à peu près, mais je crois comprendre, comme vous l'avez dit, que les contestations ont presque toutes échoué. Chose plus importante, je peux vous dire qu'ayant eu à défendre plus que ma juste part des contestations constitutionnelles à l'égard des lois que la Chambre a adoptées, je ne serais pas optimiste quant aux chances de réussite d'une contestation de la constitutionnalité de cette loi, qui remettrait en question le pouvoir de la police de forcer un conducteur à se soumettre au test de sobriété. La question est de savoir si les résultats du test pourraient être utilisés comme preuve dans un procès.
    Je crois qu'il existe des cas de jurisprudence — en fait, une des rares affaires que j'ai défendues avec succès, dans laquelle la Cour d'appel de l'Ontario disait que les tests de sobriété menés de force sur le bord de la route ne pouvaient être utilisés comme preuve durant un procès. Ils peuvent être utilisés comme preuve pour donner à la police des motifs pour entreprendre la prochaine étape du processus, mais le vrai problème qui se pose, je crois, c'est que la fiabilité des tests au Canada — c'est-à-dire la formation d'experts en reconnaissance de drogues — est peut-être beaucoup plus douteuse qu'elle ne l'était aux États-Unis lorsque les contestations ont été déposées. Alors en présumant que quelqu'un pourrait réunir les preuves — et ce serait une entreprise très coûteuse pour une partie à un litige — et pourrait démontrer que l'état actuel de la formation des ERD canadiens est si peu fiable que les tests menés, au Canada du moins, ne prouvent vraiment rien, alors cette personne pourrait peut-être avoir gain de cause. J'ai encore des doutes.
    Autrement dit, aux États-Unis, les contestations ont échoué parce que les Américains comptent de nombreuses années d'expérience. Les agents sont passablement fiables. Les agents au Canada... Je vous invite à lire un article de Kerry Diotte paru dans le Edmonton Sun le 17 février 2007, qui porte sur le programme de formation des ERD mené actuellement par la GRC. C'est étonnant à quel point ce programme n'est ni perfectionné ni uniforme. Alors peut-être que cela pourrait donner lieu à une contestation qui porterait fruit. J'en doute toutefois. Je crois que vous pouvez adopter ce projet de loi sans vous soucier de cette question.

  (1010)  

    Si je reviens à la question d'admissibilité, est-ce qu'un tribunal pourrait dire que le procédé n'est pas pertinent parce qu'il ne prouve rien, alors nous ne l'acceptons pas parce qu'il pourrait être préjudiciable?
    L'analyse ERD doit être menée presqu'à la perfection par l'agent. C'est l'une des raisons pour lesquelles on parle de la nécessité d'enregistrer l'intervention sur bande vidéo. Oubliez la réaction du sujet, si le test n'est pas administré parfaitement et uniformément, ses résultats ne sont pas fiables. Les gens qui ont conçu le test le disent. Ce n'est pas un argument invoqué par un avocat de la défense .
    C'est pourquoi nous disons que le procédé donnera lieu à des litige très longs et coûteux. Je vous le dis tout de suite: je ne connais aucun avocat de la défense qui se respecte au pays qui, dans ce cas, n'a pas contesté la pertinence des motifs invoqués pour exiger par la suite un échantillon de sang ou d'urine. C'est là le problème. Il n'y aurait pas de contestation constitutionnelle. On contesterait plutôt la fiabilité de l'agent, cas par cas.
    S'il y avait une seule contestation constitutionnelle, vous vous en tireriez bien, parce que ce ne serait pas très coûteux. Une action en justice serait entendue jusqu'aux plus hautes instances, et ce serait terminé. Mais vous parlez ici d'une contestation dans chaque cas.
    Je crois comprendre que ce n'est pas ce qui s'est passé aux États-Unis.
    Non. Dans des affaires distinctes, on conteste encore beaucoup la fiabilité. En fait, ce sont des procès devant jury que l'on tient aux États-Unis, mais au cas par cas. C'est là où la défense remet en question la fiabilité du procédé. On ne dit pas que la loi est inconstitutionnelle, mais l'application dans chaque cas n'est pas suffisamment fiable.
    Je ne sais pas si je m'exprime clairement.
    Monsieur Rosenthal, votre analyse de ce qui va se passer me pose problème également, parce que je crois au contraire qu'il y aura une diminution importante du nombre d'heures passées devant les tribunaux à l'égard de l'article 258. Vous avez dit que cette approche fait de l'infraction un crime absolu, un crime indéfendable; n'y a-t-il pas un autre endroit au Commonwealth, aux États-Unis ou ailleurs où on a fait l'expérience de ce que nous proposons de faire?
    Aucun gouvernement, je crois, n'a adopté une loi pénale qui impose un tel fardeau à un accusé. Ce que je peux vous dire par contre, c'est que plus les peines pour conduite avec facultés affaiblies deviennent sévères, plus les gens contestent ces choses avec vigueur. La modification la plus importante visant le redressement des peines a eu lieu quelques années avant que je sois admis au barreau en 1985, lorsqu'on est passé d'une suspension minimale de trois ans à un an, non pas en modifiant le Code criminel mais le code de la route, et cela a créé une industrie d'avocats spécialisés dans la conduite avec facultés affaiblies en Ontario, une industrie qui n'a cessé de prendre de l'expansion.
    Plus les peines sont sévères, plus les conséquences des déclarations de culpabilité sont grandes, plus les gens contestent ces choses. Alors lorsque vous imposez une peine plus sévère, les gens ne disent pas « D'accord, vous m'avez eu. Je vais encaisser le coup. Je vais avoir un casier judiciaire. Je vais faire en sorte de ne pas être cautionné. Je ne pourrai peut-être plus voyager aux États-Unis. Lorsque je reprendrai le volant dans un an, je devrai installer un antidémarreur et mes assurances vont grimper à 30 000 ou 40 000 dollars. » Ils ne vont pas dire « D'accord, vous m'avez eu ». Ils vont dire « Préparez-vous. Faites ce que vous pouvez. »
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur Dykstra.
    Monsieur Rosenthal, vous avez soulevé une question intéressante quand vous avez dit qu'une personne pouvait conduire jusqu'à chez elle, entrer dans la maison, prendre quelques verres et qu'elle pouvait ensuite être accusée de conduite avec facultés affaiblies et même être déclarée coupable. Par curiosité, j'aimerais savoir s'il est fréquent que la police se présente à la porte de quelqu'un et demande à cette personne de prendre un ivressomètre sans aucune raison?
    Eh bien, ce n'est peut-être pas sans raison. Bien souvent, la police reçoit des appels de gens qui signalent une conduite douteuse sur la route et comme ils ont l'obligation de mener une enquête, les agents se présentent à la porte. J'ai donné cet exemple du policier qui cogne à la porte, pour montrer qu'une personne peut boire après avoir conduit son véhicule. Je vais vous en donner un autre. Quelqu'un a un accident, et avant que la police ne soit sur les lieux ou que les alcootests ne soient administrés, la personne consomme de l'alcool.
    Pourquoi ferait-elle cela?
    Pourquoi? Les gens font beaucoup de choses stupides, mais juste parce qu'ils font pareilles choses...
    Écoutez, vous parlez de situations extrêmes par rapport à la règle de droit générale, et je présume que vous êtes beaucoup mieux placé pour le faire que moi, je vous le concède. En tant que représentant élu à la Chambre des communes, mes responsabilités consistent à essayer d'appliquer une règle de droit générale et de ne pas me laisser emporter par des exemples extrêmes, sinon nous n'aurons aucune loi, parce que chaque loi a ses limites, que ce soit très bon d'un côté, ou très mauvais de l'autre.
    Alors si on s'en tient à des exemples extrêmes, il devient parfois difficile d'adopter une loi. Je comprends que M. Comartin vous ait posé une question sur l'imposition de peines plus sévères, et vous avez dit alors ce qu'en seraient les conséquences. Si le projet de loi est adopté, de nouvelles mesures législatives plus sévères entreront en vigueur.
    J'aimerais connaître votre opinion sur ceci. On propose ici d'augmenter la peine de 600 à 1 000 dollars pour une première infraction, de 14 à 30 jours pour une deuxième infraction, et de 90 à 120 jours pour une troisième infraction. Dites-moi. Je ne trouve pas que c'est là un redressement important des peines. Bien sûr, elles augmentent, mais pas beaucoup.

  (1015)  

    Je vais essayer de répondre à toutes vos questions.
    En adoptant une règle de droit générale, comme vous dites, vous allez déclarer coupables des personnes innocentes. Je vous invite à trouver une autre disposition du Code criminel où une personne innocente dans les faits — quelqu'un qui n'a pas commis l'infraction... Elle peut avoir fait quelque chose que vous n'aimez pas ou que la société n'aime pas après l'infraction. Nous ne punissons pas cette personne sous le régime du Code criminel dans une société libre et démocratique.
    Quant aux peines...
    Il y a beaucoup d'exemples, par contre, de personnes innocentes qui sont reconnues coupables d'autres crimes, alors...
    C'est exact. Et voulons-nous adopter un texte législatif qui force les juges et leur enlève la tâche d'analyser les faits...
    Voilà un argument intéressant. Si nous prenons l'approche inverse de ce que vous proposez — c'est-à-dire que cette mesure n'empêchera pas quelqu'un de conduire avec facultés affaiblies, mais l'incitera seulement à la contester davantage — dans ce cas-ci, nous n'avons pas observé une diminution. Quand vous regardez les chiffres et que vous constatez que 67 000 conducteurs ont été accusés de conduite avec facultés affaiblies, je pourrais croire que certains d'entre eux l'ont été injustement, il n'y a aucun doute à ce sujet. Toutefois, diriez-vous que la plupart d'entre eux ont été accusés injustement?
    Non, je ne dis pas qu'ils ont été accusés injustement ou non; je dis que nous avons des tribunaux pour déterminer s'ils sont coupables ou non. Un texte législatif qui force un juge à déclarer coupable une personne innocente dans les faits est une chose dangereuse, monsieur.
    Je ne dis pas le contraire, mais en même temps, c'est théoriquement impossible d'adopter un texte de loi où pareille chose ne pourrait jamais se produire.
    Je crois que cela nous ramène à l'une des prémisses de base du droit criminel, c'est-à-dire qu'il vaut mieux laisser courir 10 000 personnes coupables que de condamner une personne innocente.
    Eh bien, diriez-vous le contraire, que si 9 999 personnes s'en tirent et qu'une personne est déclarée coupable, nous avons alors une meilleure loi?
    Je crois que c'est un système très dangereux et que nous allons déclarer coupables des personnes innocentes à défaut de ne pas avoir certains...
    Notre échange montre bien — du moins, pour moi — qu'il est difficile de présupposer un extrême ou un autre et que ce que nous essayons de faire, c'est de trouver un équilibre.
    Sauf une chose: vous n'avez aucune preuve que les personnes coupables sont acquittées à cause de la loi actuelle que vous avez. Autrement dit, s'il y a un corps de science sociale qui dit...
    Monsieur Burstein, comment allons-nous savoir qu'une personne est coupable si elle est reconnue innocente?
    Parce que vous avez des rapports des procureurs de la Couronne ou de la police. Je ne parle pas des gens qui s'en tirent sur une question de forme. Je pense aux personnes à qui le juge a dit « Je crois que vous n'êtes pas coupable. »
    Quelqu'un vous a-t-il dit que nous avons 200 personnes coupables dans les faits qui s'en sont tirées parce que le juge n'aurait pas dû les croire? À moins d'être certains de cela, vous ne devriez pas changer les choses.
    Comme mon grand-père le disait, si ça fonctionne bien, n'y touchons pas. Ce système fonctionne bien, alors n'y touchez pas.
    Et comme mon grand-père le disait, ne laissons pas des gens innocents s'en tirer s'ils sont coupables.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Rick Dykstra: Merci.
    Merci, monsieur Dykstra.
    M. Dykstra a demandé à M. Rosenthal pourquoi certains voudraient boire après un accident. En tant qu'ancien policier, je sais pourquoi: Ils veulent fausser la lecture de l'ivressomètre s'ils ont les facultés affaiblies. S'ils prennent un verre tout de suite après un accident, ils savent que leur capacité pulmonaire et la quantité d'alcool dans leur système à ce moment-là donneront une fausse lecture.
    C'est là une façon, si vous voulez, d'essayer de contrecarrer l'ivressomètre, même si leurs facultés peuvent être affaiblies. C'est une situation que chaque policier au pays connaît aujourd'hui et connaissait il y a 20 et 30 ans.
    Monsieur Bagnell.

  (1020)  

    Merci d'être ici. Votre témoignage est très utile.
    Je m'intéresse à la conduite sous l'effet des drogues et la façon d'attraper ces gens, et ma question portera là-dessus.
    Monsieur Rosenthal, je crois que vous m'avez convaincu sur le point que vous avez fait valoir. Je ne veux pas parler de la possession, bien que je commence à me laisser convaincre sur ce point également.
    Je ne m'adresse pas au barreau — puisque vous n'avez pas fait de commentaire à ce sujet — mais bien aux autres, et j'aimerais changer votre attitude. Vous semblez vouloir chercher la bête noire, alors que j'aimerais avoir une attitude positive. Nous essayons de sauver la vie d'un ou de deux enfants en attrapant certaines personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies.
    Bien sûr, nous voulons arrêter tous les conducteurs avec facultés affaiblies, et pour toutes les raisons, mais présentement nous avons un effet sur les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par l'alcool. La prochaine étape, ce sont les drogues. Et je ne sais pas pourquoi on parle toujours de la marijuana. Il y a des drogues plus graves qui peuvent avoir un effet plus sérieux sur les facultés. Je parle donc de toutes les drogues.
    Les drogues et l'alcool posent un énorme problème. Plus de la moitié des crimes sont commis sous l'influence de l'alcool ou d'une drogue, ou encore dans le but d'en obtenir, alors nous avons touché à quelque chose d'important. Tous les experts criminels qui ont comparu devant nous ont dit que le risque de se faire prendre a un effet dissuasif important. Alors, en ce qui a trait aux drogues, si nous pouvons adopter une mesure qui fonctionne techniquement, légalement, je crois que nous allons éviter que des personnes, y compris des enfants, se fassent tuer.
    Si je comprends bien, les dispositions vous permettraient d'effectuer un test sur le bord de la route. Ce serait différent de l'ivressomètre, parce que les effets de la cocaïne et de toutes les autres drogues sont différents de ceux de l'alcool. Mais vous feriez un test quelconque qui permettrait ensuite d'effectuer un test sanguin qui serait, scientifiquement du moins, assez précis pour obtenir des déclarations de culpabilité et prouver que les facultés d'une personne étaient affaiblies.
    N'est-ce pas de cette façon que le système fonctionnerait? Ne sauverions-nous pas des vies, comme le fait le système que nous avons en place à l'égard de l'alcool? Ce que je cherche, c'est une façon d'attraper ces gens et de sauver des vies. Je ne veux pas connaître les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas faire cela, mais je veux savoir comment nous devrions nous y prendre.

[Français]

    La première chose qu'il faut constater en matière de consommation d'alcool, c'est que la prévention a joué un rôle énorme. On a fait des campagnes de prévention énormes. Santé Canada a financé... L'une de mes étudiantes à la maîtrise a fait la liste des programmes financés par Santé Canada dans les écoles. Le ministère a fait une campagne magnifique et énorme pour expliquer aux gens comment l'alcool pouvait affaiblir les facultés. Si on me dit que c'est en raison de la présence policière et des risques de peines que le nombre de cas a diminué, je vous répondrai — et j'enseigne depuis plus de 25 ans à l'université —, que lorsque je présente cette partie du cours et que je demande aux étudiants s'ils connaissent les routes à prendre s'ils ont bu, tous sont capables de me nommer la route où il n'y a pas de patrouille policière. Si on compte sur la police pour convaincre les gens de ne pas conduire après avoir bu, on se trompe. Ils vont simplement trouver la bonne route à prendre car il n'y a pas de policiers sur chacune des routes, à moins qu'on ne veuille se retrouver dans un état policier.
    Ce sont vraiment les campagnes de prévention qui ont été les plus efficaces pour diminuer le nombre de cas et pour modifier les comportements en matière d'alcool au volant. Il est clair que de la même façon, c'est dans la prévention de l'ensemble des causes de facultés affaiblies... En ce qui concerne les médicaments, comme je le disais tout à l'heure, la France a fait énormément de progrès en apposant des pictogrammes sur les produits, auxquels on peut se référer.
    Il est certain que si on veut réduire le nombre de victimes de la route, c'est le comportement des gens qu'on doit changer. Ce n'est pas par l'augmentation des peines qu'on y arrivera. Le comportement des gens se transforme essentiellement par la prévention et par des peines plus légères mais plus fréquentes, car on sait qu'on risque d'en hériter, c'est-à-dire les peines usuelles: saisie de la voiture ou points d'inaptitude. L'objectif est de toucher le maximum de gens qui conduisent avec les facultés affaiblies.

  (1025)  

[Traduction]

    Vous soulevez deux questions, monsieur. Premièrement, nous devons concevoir un système où nous pouvons mener un test sanguin, ce qui nous donnerait une preuve fiable pour une déclaration de culpabilité; deuxièmement, ce système contribuerait essentiellement à réduire l'incidence de la conduite sous l'effet des drogues, comme moyen de dissuasion.
    J'aimerais parler de ces deux aspects. Tout d'abord, même si vous en arrivez au test sanguin, la science ne permet pas d'établir aisément quel niveau de drogue dans le sang ou l'urine prouve que les facultés sont affaiblies. Lisez le rapport du comité sénatorial. Les niveaux de référence varient d'un endroit à l'autre; certains scientifiques disent qu'il faut 10 nanogrammes, alors qu'en France, un nanogramme suffit. Alors le problème que vous aurez, d'autant plus que vous n'établissez même pas de normes dans la loi, c'est que dans chaque cas, vous allez devoir faire valoir qu'une quantité de drogue quelconque dans le système permet d'établir que les facultés sont affaiblies.
    Quant à l'effet dissuasif de la loi... Je me rappelle il y a plusieurs années, lorsque l'Ontario a procédé à la suspension des permis de conduire par voie administrative. Je crois que mes amis au conseil de la sécurité diront que la principale raison pour laquelle la conduite avec facultés affaiblies a diminué au Canada, c'est la suspension du permis par voie administrative, et non criminelle, dans l'ensemble du pays. Je me rappelle d'avoir contre-interroger le Dr Beirness à ce sujet et je me souviens de ce qu'il a dit: la chose la plus importante concernant la dissuasion, ou les caractéristiques les plus importantes d'une loi qui se veut dissuasive sont la rapidité, la certitude et la gravité. Autrement dit, la rapidité de l'aboutissement du processus ou de l'imposition de la peine après l'infraction; la certitude, c'est-à-dire que la peine est toujours imposée; et, évidemment, la gravité.
    Tout ce que vous avez dans cette loi, c'est la gravité. Vous n'avez ni la rapidité, ni la certitude. Pourquoi? Pour toutes les raisons que nous avons mentionnées précédemment. Chacun de ces cas fera l'objet d'un procès parce que la science est trop vague.
    Par exemple, une jeune personne aurait commis l'infraction, et la sanction qu'elle pourrait recevoir arriverait 15 mois plus tard — et je dis bien pourrait recevoir. L'effet dissuasif est nul. Il est préférable d'imposer des sanctions administratives, et non des sanctions pénales.
    Excusez-moi, monsieur le président.
    Merci, monsieur Burstein.
    J'aimerais maintenant que nous entendions M. Marchand.
    Merci, monsieur le président, et membres du comité.
    Le Conseil canadien de la sécurité a constaté au fil des ans que la prévention est une méthode qui fonctionne bien. Nos progrès sont en effet probablement attribuables en majeure partie à la prévention, comme le prouvent d'ailleurs les statistiques pour la population en général. Le buveur mondain moyen est au courant des sanctions et il agit en conséquence. Ce sont plutôt les personnes qui ont une dépendance à l'alcool, c'est-à-dire celles qui sont probablement alcooliques ou qui consomment de l'alcool de façon excessive régulièrement, qui constituent notre plus grand défi. Comment pouvons-nous atteindre ces gens? Un grand nombre d'entre eux craignent davantage d'être appréhendés que de subir la sanction. Après tout, dans près de la moitié des accidents mortels attribuables à la conduite avec facultés affaiblies, ce sont les conducteurs eux-mêmes qui reçoivent la peine la plus sévère, à savoir la mort. Et pourtant, cela n'a pas d'effet dissuasif.
    Je pense que oui.
    En fait oui, en ce sens qu'ils ne peuvent pas récidiver.
    Étant donné que cette possibilité de perdre la vie ne les dissuade pas, comment pouvons-nous alors atteindre ces personnes qui continuent de conduire sans permis ou sans assurance? Elles ont un problème d'alcool. Nous devons trouver de nouvelles façons d'atteindre ces gens. Ce n'est pas tant la peine qui leur fait peur que le fait d'être pris en faute et d'être poursuivi en justice.
    L'Ontario et le Québec, à l'instar d'autres provinces, ont trouvé des moyens d'empêcher ces gens d'acheter des véhicules. Par exemple, pour immatriculer un véhicule à son nom, un conducteur doit détenir un permis de conduire, ce qui signifie qu'il ne pourra pas s'acheter un véhicule s'il a perdu son permis. Ce n'est plus aussi facile que c'était auparavant.
    Nous devons trouver des façons d'empêcher ces personnes d'être sur la route tant qu'elles n'ont pas réglé leur problème, c'est-à-dire l'alcoolisme ou l'habitude de conduire en état d'ébriété.
    Merci.

  (1030)  

    Merci, monsieur Marchand.
    Allez-y, monsieur Therien.
    Je peux prendre la parole?
    Oui.
    Paul a parlé de la suspension sur-le-champ du permis de conduire. Les forces policières aiment bien cette mesure; ce qui est une bonne chose à mon avis. Nous avons exhorté l'ensemble des provinces et des territoires à harmoniser les peines imposées. Par exemple, en Ontario, il y a suspension du permis pendant 12 heures, et c'est tout; aucun rapport n'est envoyé à la compagnie d'assurances. Il faut harmoniser les sanctions à l'échelle du pays, car c'est tout à fait logique. Certaines provinces sont plus sévères que d'autres, comme la Saskatchewan je pense. Je crois qu'elle sert de modèle dans ce domaine.
    Aussi, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, de plus en plus de poursuites pour conduite avec facultés affaiblies ne se fondent pas sur le Code criminel. C'est particulièrement vrai en Colombie-Britannique. Je me demande si Paul et Jonathan pourraient nous dire si cela se produit souvent en Ontario et nous donner aussi les chiffres concernant les accusations au criminel.
    Ils ne voudront peut-être pas nous le dire.
    Je ne vais pas leur permettre de répondre maintenant; je préfère vous laisser continuer. Cette question reviendra; j'en suis certain.

[Français]

    Merci.
     La question que je vais poser s'adresse soit à Mme Beauchesne, soit à M. Rosenthal, qui est avocat. Dans la province de Québec, lorsqu'un accident d'automobile est causé par un criminel qui conduit sous l'effet de la boisson — parce que la drogue n'est pas encore incluse dans la loi —, tue quelqu'un et se blesse lui-même alors qu'il est responsable et qu'il a plaidé coupable, la Société de l'assurance automobile, une société d'État, lui verse une indemnité durant toute la période de son emprisonnement pour les séquelles qu'il a subies.
    Deuxièmement, je parle de drogues beaucoup plus puissantes que la marijuana comme la cocaïne, etc., mais vous semblez être obsédés par la marijuana. Je vais vous présenter une situation potentielle au Québec et en Ontario. Actuellement, si quelqu'un fume une cigarette dans un lieu public et qu'il est reconnu coupable, il reçoit une amende d'au moins 50 $. Par ailleurs, vous voudriez nous dire que si quelqu'un fume de la marijuana dans un lieu public, qu'il prend sa voiture et s'en va sur l'autoroute, on ne devrait pas le poursuivre ni le condamner. Vous semblez avoir des réticences par rapport à la marijuana mais en avez-vous par rapport à toutes les drogues? C'est la question que j'aimerais d'abord vous poser, maître Rosenthal.

[Traduction]

    Je crois que cette question s'adresse à moi.
    Monsieur, nous ne prétendons pas que les gens devraient prendre le volant après avoir consommé de la drogue. Notre préoccupation au sujet de l'article 253.1 ne concerne pas la conduite sous l'influence de la drogue mais plutôt en possession d'une substance de la sorte. S'il est possible de prouver de manière fiable qu'une personne conduit sous l'effet de la drogue, il s'agit d'une infraction en vertu du Code criminel, et cela ne nous pose aucun problème. Ce que nous voulons faire valoir, c'est que la loi que vous proposez n'aide pas la police à établir quoi que ce soit. Ce ne sera qu'un autre gâchis qui coûtera une fortune comme, j'oserais dire, le registre des armes à feu, même s'il s'agit peut-être d'un mot qu'il ne faut plus prononcer ici.

[Français]

    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    La question s'adresse de nouveau à M. Rosenthal parce que monsieur a répondu à votre place. J'aimerais vous poser la question à vous. Vous savez comme moi que lorsque nous représentons des clients dans le cadre d'une poursuite pour cause d'alcoolémie, que ce soit au Québec ou en Ontario — en Ontario, vous êtes même plus favorisés que nous, au Québec —, presque tous nos clients ont recours à l'aide juridique parce que, bien souvent, ils ont perdu leur emploi; ce sont des personnes qui ont des difficultés. Dans mon cas, c'est le gouvernement du Québec qui paye les frais d'avocat. Chez vous, vous êtes payés 85,19 $ l'heure pour représenter le même type de clients. Je comprends que ça vous permet de faire de l'argent et j'en ai fait également, n'ayez crainte, car j'ai travaillé dans le domaine assez longtemps.
    La question que je voudrais vous poser est importante parce que, grâce à vos conseils, on devra prendre des décisions. J'ai entendu Mme Beauchesne, j'ai entendu d'autres témoins et je vous ai entendu. Le problème est que vous attirez toujours notre attention sur la marijuana. Est-ce la marijuana qui pose problème ou si c'est la drogue en général? La drogue, selon moi, c'est autre chose que la marijuana. Vous semblez diriger toute notre attention vers la marijuana. Est-ce bien ce que vous voulez? Est-ce que c'est cet aspect qui vous inquiète dans le projet de loi ou est-ce que ce sont les drogues en général que vous voudriez exclure de la possibilité, je dis bien « la possibilité », d'être détectées?
    Je veux souligner un deuxième élément. Depuis le début, on parle de cas extrêmes. Je ferai remarquer qu'aussi bien au Québec qu'en Ontario, on utilise... Au Québec, l'article 215 du Code de la sécurité routière nous permet d'arrêter quelqu'un parce qu'un feu arrière de son véhicule est brûlé. Le policier s'approche du véhicule, demande au conducteur de descendre sa glace, il détecte une odeur d'alcool et il lui fait passer un test avec un dragueur, etc. Toutefois, il est possible que le policier n'ait pas de soupçons. Prenons le cas d'un conducteur qui n'a pas fumé de marijuana depuis déjà un mois, les feux de sa voiture fonctionnent tous, il n'y a pas de problème. Qu'est-ce qui vous préoccupe par rapport à cela? Que craignez-vous qu'il puisse se produire après un ou quatre mois? En tant qu'avocat, c'est à ce sujet que je veux vous entendre. Tout d'abord, il ne peut pas être arrêté puisque les policiers n'auront aucun indice, aucun soupçon pour l'arrêter. Que craignez-vous alors? C'est ce que je veux savoir.

  (1035)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit.
    Monsieur Rosenthal et madame Beauchesne, je sais que tous les deux vous voulez répondre, mais soyez brefs si c'est possible.
    Je peux dire que les frais de la grande majorité des défenses ne sont pas assumés par l'aide juridique. Comme peut sûrement le confirmer M. Burstein, je veille très bien à faire en sorte que mon client ne récidive pas. Je vois à ce qu'il en paie le prix d'une manière ou d'une autre.
    Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi nous pouvons aller de l'avant avec ce projet de loi.
    Je l'ai déjà expliqué. Plus les peines sont sévères, plus il y aura de procès. Je ne peux certes pas me plaindre de cela. Ce n'est pas pour cette raison que je suis ici.
    Je peux formuler des commentaires au sujet de la conduite sous l'influence de la drogue. Paul en a parlé davantage que moi bien entendu. Si un policier arrête un conducteur dont les facultés semblent affaiblies, il n'a pas à prouver que la personne est dans cet état parce qu'elle a consommé de la cocaïne ou de l'alcool ou bien qu'elle a pris le type de somnifère que M. Lee a dans ses poches. L'alinéa 253a) du Code criminel stipule seulement que la conduite sous l'influence de la drogue ou de l'alcool constitue une infraction. C'est donc dire que la sorte de drogue importe peu.
    Merci, monsieur Rosenthal.
    Madame Beauchesne.

[Français]

     C'est durant les débats ici que l'accent a porté surtout sur la marijuana parce qu'en ce qui me concerne, ma spécialité touche les facultés affaiblies. Si on veut parler de la clientèle qui fait probablement le plus grand usage de drogues et qui se retrouve avec des facultés affaiblies, ce sont probablement les personnes âgées. C'est la clientèle la plus à risque, comme consommateurs de drogue, à l'heure actuelle, d'avoir les facultés affaiblies. C'est dans ce sens que je posais la question: est-ce que ce projet de loi se préoccupe des facultés affaiblies, quelles qu'en soient les raisons, ou des usagers de drogues illicites?

[Traduction]

    Merci, madame Beauchesne.
    Merci, monsieur Petit.
    Monsieur Thompson, je crois que vous avez des questions à poser.
    Je trouve la discussion très intéressante. J'ai trouvé troublants bon nombre de vos propos.
    Je vais m'adresser d'abord aux représentants du Conseil canadien de la sécurité. Vous avez mentionné que dans la plupart des cas, il s'agit de personnes qui ont une dépendance à l'alcool, et qui sont donc probablement alcooliques. Pourtant, dans ma circonscription — je me renseigne au sujet des cas traités par les trois différents tribunaux qui s'y trouvent — un nombre phénoménal, je ne peux toutefois pas vous dire précisément combien, de jeunes âgés de 16, 17 ou 18 ans ont été arrêtés ces derniers temps pour conduite avec facultés affaiblies. Et il ne s'agit que d'une petite région rurale. Je peux seulement imaginer la situation dans des régions urbaines. Ces jeunes personnes n'ont pas nécessairement une dépendance à l'alcool ou à la drogue. Ils commencent à consommer. Ils ne savent probablement pas comment le faire modérément.
    On a aussi parlé de l'éducation. J'ai travaillé pendant 30 ans dans le système d'éducation, où j'ai vu toutes sortes de programmes être mis en place. Il est vrai qu'ils ont un effet positif sur un bon nombre d'étudiants, mais ils n'atteignent pas tout le monde. Cela ne fait aucun doute. Et bien entendu, notre brillante société a décidé de faire passer de 21 à 18 ans l'âge légal pour consommer de l'alcool, et croyez-moi, ce n'est aucunement une faveur qu'on a faite aux jeunes des écoles secondaires. En effet, nous avions déjà un problème avec les jeunes de 18 et de 19 ans qui consommaient de l'alcool, et nous nous sommes retrouvés avec un problème chez les 14 et 15 ans, ou même plus jeunes.
    Nous sommes parfois notre pire ennemi. J'ai entendu des gens affirmer que la consommation de marijuana n'est pas si grave. Je peux vous dire toutefois que lorsque j'enseignais, j'ai vu quel effet dévastateur cela pouvait avoir sur les jeunes.
    Je suis fatigué d'entendre certains commentaires émanant du milieu juridique. Il semble qu'il réussi à éviter l'application de peines sévères quand il les juge injustifiées. J'ai déjà entendu des gens de ce milieu dire que certaines peines sont sévères et injustifiées. Eh bien dites-moi comment une peine sévère peut être injustifiée aux yeux des victimes de ces personnes? À quel point l'infraction doit-elle être grave pour qu'on affirme qu'il s'agit d'une peine sévère justifiée? Sachez que les mesures de dissuasion ne fonctionnent pas. Malheureusement, la personne qui a déclaré cela, je ne me rappelle plus qui, a probablement raison dans la plupart des cas.
    Je me souviens en particulier d'une région, je crois que c'était Saguache County, je ne suis pas certain, où, dans les années 1960, on avait imposé une loi qui prévoyait que, si une personne était arrêtée en état d'ébriété, son véhicule devait être saisi. C'était aussi simple que cela. Que le véhicule appartienne au père du conducteur ou à une compagnie, peu importe. Je peux vous dire que cela a eu tout un effet de dissuasion. Il s'agissait d'une mesure très efficace, mais un peu trop sévère, je dois admettre.
    Alors où se trouve le juste milieu que cherche M. Dykstra? Nous allons d'un extrême à l'autre sans jamais parvenir à trouver un juste milieu. Et c'est toujours le système juridique qui intervient. Nous avons parlé de l'installation de caméras. Si nous faisions cela, ce ne serait pas long avant qu'on nous accuse d'enfreindre le droit à la vie privée. Nous nous éloignons. Pourquoi ne pas nous en tenir à l'essentiel?
    N'y a-t-il pas eu 815 décès en 2004? Pensez-y, 815. Nous sommes très attristés par le fait que 56 soldats canadiens ont perdu la vie en Afghanistan depuis 2002, mais rappelons-nous qu'en une seule année, 815 personnes sont décédées dans des accidents attribuables à la conduite avec facultés affaiblies. Si chaque année il y a autant de décès, combien de milliers de pertes de vie cela fait-il? Il faut cesser de discuter. Que devons-nous faire pour trouver ce juste milieu? Je n'ai toujours pas entendu de bonnes solutions. Je suis désolé, mais je ne trouve pas que les idées proposées jusqu'à maintenant méritent d'être étudiées.

  (1040)  

    Merci, monsieur Thompson.
    Vos propos vont susciter bien entendu des commentaires. Je vais donner la parole à chacun, mais je vais vous demander d'être brefs.
    Monsieur Belleau, vous avez dit...

[Français]

    Vous posez des questions tout à fait pertinentes. Que ce soit au Canada ou dans d'autres pays industrialisés, personne ne peut se vanter d'avoir obtenu des résultats absolument mirobolants en ce qui a trait à la répression du type de criminalité que constitue la conduite avec capacités affaiblies ou l'alcool au volant.
    On a parlé d'éducation. Lorsque le code a été amendé au Québec, en 1985, il s'agissait simplement de faire passer les peines minimales de 50 $ à 300 $. On a fait une campagne de publicité vraiment très visible à la télévision. Le slogan en était « L'alcool au volant, c'est criminel ». Après quelques années, on s'entend pour dire — et la chose fait consensus — que ce type d'intervention, qui inclut des barrages routiers visibles et des contrôles routiers stratégiques à plusieurs endroits, a contribué à réduire considérablement le nombre de cas d'arrestation pour cause de capacités affaiblies.
    On le constate non seulement parce que les policiers ont moins de travail, mais aussi parce qu'on a observé qu'il y avait en effet moins de conducteurs en état d'ébriété sur les routes. Ça nous indique qu'en matière d'éducation, une des solutions est d'introduire dans la conscience des gens l'idée qu'ils commettent un acte criminel, qu'ils seront arrêtés et punis. La certitude d'encourir une punition est 100 fois plus efficace que le fait de faire passer l'amende de 600 $ à 1 000 $. Cette dernière mesure ne change rien. Dans le cas d'une personne qui prend le volant après avoir bu quelques verres, ce n'est pas le fait que la sanction va augmenter de 400 $ qui va changer son comportement.
    On a utilisé l'expression unduly harsh penalty. Dans le projet de loi, on a soulevé un problème en ce sens. En effet, on augmente la peine minimale à 120 jours dans le cas de la troisième infraction. À première vue, ça paraît parfaitement raisonnable. Cependant, ça a comme résultat d'enlever au juge toute possibilité de moduler la peine. Dans certains cas, par exemple, l'accusé perdrait son emploi du fait qu'on l'empêcherait de purger sa peine de façon discontinue. La différence entre 90 et 120 jours n'est pas considérable, en termes de sanction, mais l'effet est malgré tout de faire perdre en partie au juge sa capacité de moduler la peine. Rien n'empêche le juge d'imposer 120, 160 ou 200 jours de prison à un délinquant lorsque c'est mérité.
    Comme vous le disiez, monsieur Thompson, il s'agit d'essayer de trouver un équilibre entre les peines extrêmes, qui ne donnent aucun résultat parce qu'elles n'ont pas d'effet dissuasif, et l'absence de mesures. En ce qui concerne les mesures relatives à la drogue, la préoccupation principale du Barreau du Québec est l'absence de statistiques permettant de déterminer si c'est un vrai problème, de même que l'absence de données scientifiques sur la validité des méthodes proposées pour régler le problème.

  (1045)  

[Traduction]

    Madame Beauchesne.

[Français]

    Vos questions visant à savoir ce qui pourrait modifier le comportement des gens qui conduisent avec facultés affaiblies sont pertinentes. J'ai parlé plus tôt des campagnes de prévention sur l'alcool. J'ai demandé à mes étudiants comment ils considéraient cette question. Ceux qui disaient ne pas conduire avec des facultés affaiblies n'invoquaient pas comme motif la peur des policiers.  Ils disaient vouloir éviter de tuer quelqu'un.  Ce sont les campagnes de prévention qui les avaient incités à modifier leur comportement. Par contre, ceux qui affirmaient conduire avec des facultés affaiblies disaient, par exemple, connaître une route où il n'y avait pas de policiers. Quoi qu'il en soit, c'est la prévention qui a eu le plus d'effet pour ce qui est de modifier le comportement des gens.
     Par ailleurs, vous avez parfaitement raison: il faut sensibiliser tout le monde, incluant les personnes âgées et les jeunes, à l'ensemble des causes. Il y a à ce sujet de nouvelles annonces que j'aime beaucoup. Je ne sais pas si elles sont diffusées dans toutes les provinces. Vous devez les connaître. Le message qu'on transmet est que conduire un véhicule et opter pour un comportement donné est d'abord une question de choix. 
     On a déjà souligné qu'il n'existait pas de solution parfaite. On doit donc se demander ce qui améliorerait le plus la façon de gérer le problème sur le plan judiciaire. Il y a des mesures immédiates et sûres. En matière de modification du comportement, le fait qu'une personne arrêtée par la police se fasse saisir son véhicule pendant 24 heures et perde des points est plus efficace qu'un long procès dont on ne connaît pas l'issue.
    Pour ce qui est des récidivistes, vous avez parfaitement raison: il y en a. À ma connaissance — et M. Therien pourra certainement le préciser mieux que moi —, les registres à l'échelle nationale ne sont pas uniformisés à l'heure actuelle, ce qui empêche de repérer adéquatement ces personnes et de prendre des mesures à leur égard.

  (1050)  

[Traduction]

    Merci, madame Beauchesne.
    Allez-y, monsieur Marchand.
    Merci, monsieur le président.
    Pour répondre à votre question à propos de ce que nous devrions faire, je dirais que nous devrions continuer de montrer que la loi est appliquée, de façon à dissuader la population de conduire en état d'ébriété.
    Quelles mesures devrions-nous prendre en ce qui concerne des groupes précis, notamment les jeunes? Nous savons que les jeunes n'ont peut-être pas encore une dépendance à l'alcool, mais qu'ils boivent de manière excessive à l'occasion, par exemple les fins de semaine. Dans les régions rurales, le problème, c'est que les jeunes pensent qu'ils ne se feront pas prendre. Dans ces régions, on dit souvent que le problème c'est plutôt la consommation d'alcool tout en conduisant. Il semble que les gens savent où aller ou bien ils croient qu'ils ne se feront pas prendre. Nous devons accroître nos efforts. Nous devons continuer notre travail de prévention auprès de ces personnes.
    Nous devons aussi travailler en collaboration avec les provinces, et je crois que nous l'avons d'ailleurs mentionné dans notre mémoire. Par exemple, l'Ontario a annoncé que la durée de suspension du permis de conduire passerait de 12 ou 24 heures à trois jours et que des sanctions plus sévères seraient prévues au code de la sécurité routière. Nous croyons qu'il s'agit là de mesures efficaces. Nous aimerions que les provinces harmonisent leurs lois dans ce domaine de sorte que nous puissions faire la même publicité dans l'ensemble du Canada.
    Si cela pouvait être fait, il y aurait un impact. À l'instar de Mme Beauchesne, je suis d'avis que la certitude d'être appréhendé a un effet beaucoup plus efficace sur bien des gens que la sanction rattachée à l'infraction, qu'il s'agisse de la suspension du permis de conduire ou bien de la mort, dans certains cas.
    Merci.
    Merci, monsieur Marchand.
    J'ai une question à poser. Les représentants du Conseil canadien de la sécurité ont clairement fait savoir que la plupart des cas sont traités hors cour. Je crois en effet que c'est ce qui se produit actuellement. Je crois que Mme Beauchesne a également fait un commentaire à ce sujet. Pouvez-vous nous dire quel est le pourcentage des accusations qui sont portées ainsi que le pourcentage de celles qui sont retirées?
    Je ne le sais pas, et c'est pour cette raison que j'ai posé la question à ces messieurs. Il y en a probablement beaucoup.
    Je crois qu'il est important de le savoir.
    Dans notre mémoire, nous mentionnons 20 p. 100, d'après une étude menée en Colombie-Britannique, mais il s'agit seulement d'une province.
    Vingt pour cent de quoi?
    Des accusations pour conduite avec facultés affaiblies. Dans 20 p. 100 des cas, les sanctions ont été moins sévères que celles prévues par le Code criminel.
    Il ne s'agit pas toutefois d'une donnée pour l'ensemble du pays.
    Je crois que le pourcentage pourrait être plus élevé.
    Monsieur Rosenthal, vous semblez impatient de prendre la parole.
    Je ne peux pas vous donner le pourcentage exact pour l'Ontario. Il est vrai que cela se produit, mais ce n'est certes pas encouragé. C'est seulement dans certaines situations que cela peut se faire, et il faut l'approbation du procureur de la couronne ou du procureur adjoint.
    Cela se produit principalement lorsqu'il est fort probable que les accusations soient retirées en raison d'un arriéré qu'accusent les tribunaux. C'est en Ontario que cela arrive le plus souvent. C'est dans des situations qui posent des problèmes considérables et où il vaut mieux obtenir une peine moins sévère qu'aucune sanction.
    Toute loi qui aura pour effet d'accroître le nombre de procès aura une incidence sur les ressources, qui sont de moins en moins nombreuses.
    Encore une fois, on parle davantage de la procédure que de la culpabilité ou de l'innocence.
    Qu'en est-il des cas — et cela se produit trop fréquemment — où un conducteur en état d'ébriété est arrêté et doit comparaître devant un tribunal. L'avocat qui doit le représenter lui dira que s'il paie 5 000 $ supplémentaires, il pourra faire témoigner un expert en ce qui concerne la violation de la Charte. Comme il existe une jurisprudence à cet égard, précisément sur l'utilisation d'un ivressomètre et d'autres instruments de la sorte, qui serait contraire à la Charte, l'avocat pourra faire en sorte que l'accusé soit acquitté.
    S'agit-il d'un argument de défense légitime?

  (1055)  

    Cela se produit fréquemment, car le problème, ce n'est pas le coût. Par exemple, quelqu'un a parlé de faire passer l'amende de 600 à 1 000 $, mais une hausse de 400 $ n'aura aucun effet.
    Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je peux dire que les frais juridiques pour une défense sont nettement supérieurs à l'amende maximale dans le cas de la conduite en état d'ébriété — et je dis bien maximale, non pas minimale.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Peut-être que le comité pourrait se pencher là-dessus plutôt que sur certains des points qui ont été soulevés.
    Madame Beauchesne, je crois que vous avez aussi parlé de cela.
    Oui.

[Français]

    Les études démontrent que si une personne décide de conduire avec des facultés affaiblies ou de commettre une autre infraction, ce qu'elle mesure, c'est le risque d'être arrêtée. Elle ne se demande pas quelle va être la sanction. Donc, le fait de modifier les sanctions ne change strictement rien au nombre de personnes commettant des infractions. Le facteur le plus important est la certitude d'être arrêté ou de ne pas l'être.

[Traduction]

    Monsieur Bagnell.
    Je vais d'abord laisser Derek Lee poser une question.
    J'ai une question à poser aux représentants du Barreau du Québec.
    Les paragraphes proposés 254(2) à 254(6) précisent que, si un agent de la paix a des raisons de soupçonner la présence d'alcool ou de drogue dans l'organisme d'une personne, celle-ci doit se soumettre à des tests et, si nécessaire, suivre l'agent de la paix, mais il n'est pas précisé où, ni pendant combien de temps.
    Les drogues contrôlées sont énumérées aux annexes 1 à 5. L'Annexe 4 inclut certains stéroïdes. Si vous utilisez des corticostéroïdes pour traiter par exemple un problème de peau, vous seriez en théorie assujetti à ces dispositions. Le policier serait tout à fait autorisé de vous demander d'effectuer un premier test et de le suivre pour qu'il puisse procéder à d'autres tests.
    Devrions-nous envisager de modifier le projet de loi pour limiter la portée de ces dispositions en ce qui concerne l'obligation de suivre le policier ou devrions-nous éliminer l'Annexe 4 ou bien la modifier?

[Français]

    En présence de stéroïdes ou d'une indication comme quoi il s'agirait d'une drogue figurant à l'annexe 4, il est certain qu'en théorie, le policier pourrait  demander au suspect de le suivre. Cependant, je pense qu'il faut garder à l'esprit qu'il doit y avoir une corrélation entre la drogue et la capacité de conduire de la personne. Évidemment, le policier ne peut pas simplement se contenter du fait qu'il y a de la drogue dans le véhicule ou sur l'individu.
    Ce qui nous préoccupe davantage — et on l'a déjà mentionné —, c'est la façon totalement incertaine dont on évalue la présence de drogue dans l'organisme d'un individu. Le côté intrusif des fouilles est un autre aspect du problème qui est apparu pendant les discussions du comité. Elles impliquent parfois de la manipulation physique. Nous avons tous tenté d'imaginer un Autochtone dans l'Ouest se faisant arrêter par la GRC. Il se ferait enfermer dans une salle obscure où toutes les lumières seraient éteintes, et on vérifierait si ses pupilles se dilatent trop ou trop peu. Évidemment, le policier l'obligerait à faire des gestes; il y aurait des manipulations physiques, etc.
    Nous étions d'avis, compte tenu des données scientifiques disponibles, que ces situations risquaient de conduire à des abus et à des violations de la vie privée assez considérables.

[Traduction]

    Merci.
    Je dois vous arrêter là, monsieur Belleau et monsieur Bagnell. Notre temps est écoulé.
    Je tiens à remercier les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Je crois que nous avons eu une discussion en profondeur. Il aurait été bien de pouvoir la poursuivre, mais nous manquons de temps. Je vous remercie encore ne fois de votre présence; nous vous en sommes reconnaissants.
    La séance est levée.