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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à tous. Nous sommes ici aujourd'hui dans le cadre d'une vaste tournée pancanadienne.
    D'abord et avant tout, je veux vous remercier, madame la mairesse, de nous accueillir si gentiment et de nous ouvrir les portes de votre hôtel de ville pour la tenue de nos réunions. Je veux aussi bien sûr remercier M. Telegdi, votre député, qui nous reçoit dans sa circonscription.
    Merci, Andrew, de nous avoir invités chez vous.
    Comme vous le savez, nous sommes le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. On nous a confié le mandat de tenir des réunions concernant trois questions importantes qui, à n'en pas douter, vous préoccupent et vous intéressent beaucoup. Il s'agit des travailleurs sans papiers et des travailleurs étrangers temporaires, des consultants en immigration et du problème des réfugiés irakiens, que nous connaissons tous très bien.
    Nous allons tenir des séances dans presque toutes les provinces du Canada. Nous allons terminer notre tournée à la mi-avril à St. John's, Terre-Neuve. Nous avons déjà tenu des réunions à Vancouver la semaine dernière, ainsi qu'à Edmonton, en Saskatchewan et à Winnipeg. Cette semaine, après la séance d'aujourd'hui à Kitchener-Waterloo, nous nous rendrons à Toronto pour quelques journées d'audiences avant d'aller à Montréal. À partir de là, nous nous dirigerons vers l'Est du Canada. Nous n'allons pas chômer au cours des prochains jours. Nous passerons par Québec et Montréal, notamment.
    Nous allons rencontrer approximativement 52 groupes de personnes qui souhaitent nous parler de ces questions très importantes. Nous sommes accompagnés de fonctionnaires du ministère et du gouvernement qui vont nous aider dans la rédaction du rapport que nous devons produire. À la fin du processus, nous présenterons ce rapport à la Chambre des communes.
    Je suis très heureux d'être ici et c'est un sentiment que partagent tous les membres du comité. Je vous remercie encore, madame la mairesse, d'avoir eu l'obligeance de nous accueillir.
    Je vous inviterais maintenant à nous dire quelques mots pour débuter la réunion. Madame la mairesse.
    Merci beaucoup.
    Bonjour à tous.
    Je veux vous dire, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, et bien sûr aux participants aux audiences d'aujourd'hui, un grand merci pour votre visite dans notre ville. Je vous souhaite la bienvenue au nom du conseil de ville et des citoyens de Waterloo.
    Il va de soi que nous nous estimons privilégiés d'accueillir aujourd'hui l'une des deux étapes ontariennes de la tournée du comité de la citoyenneté et de l'immigration. Je dois tout spécialement remercier l'honorable Andrew Telegdi, notre député, qui a joué un rôle déterminant dans la tenue de la toute première rencontre de ce comité à Waterloo, et qui a également contribué au choix de notre ville pour les audiences pancanadiennes encore une fois cette année.
    Dans notre rôle de représentants de la population, il est important que nous profitions de toutes les occasions pour engager nos commettants et l'ensemble des intervenants dans le débat sur la façon d'améliorer nos politiques et nos processus. Ce n'est pas toujours chose facile pour les élus locaux, et je suis persuadée que cela peut être encore plus complexe pour nos partenaires du gouvernement fédéral. C'est pour cette raison que je me réjouis de cette initiative et que je vous souhaite tout le succès possible pour vos réunions d'aujourd'hui ainsi que pour toutes celles qui suivront. Comme il s'agit d'une démarche très importante pour nous tous, je me réjouis vraiment de voir que vous avez été si nombreux à prendre le temps, malgré vos horaires très chargés, de vous présenter ici pour transmettre de l'information aux membres de ce comité et leur faire part de vos préoccupations. Je suis très fière de pouvoir participer à ce processus et de voir que Waterloo peut apporter sa modeste contribution à cette initiative qui ne manquera pas d'être déterminante pour notre pays.
    Je vous remercie, et je remercie tous les membres du comité qui sont présents aujourd'hui.

  (1110)  

    Merci, madame la mairesse.
    Nous nous réjouissons grandement d'être ici. Nous aurons droit ce soir à une visite guidée par votre député, M. Telegdi, qui nous montrera quelques-unes des beautés de Kitchener-Waterloo. J'ai bien hâte de voir tout cela.
    Merci, nous vous sommes très reconnaissants.
    Monsieur Karygiannis.
    J'ai une demande à formuler, monsieur le président.
    Je sais que notre greffier s'est efforcé d'établir un horaire en tenant compte des requêtes et des ajouts de dernière minute. Nous accueillons un plus grand nombre de témoins que prévu. Dans certains cas, et notamment dans celui des réfugiés irakiens, il faudra certes continuer demain.
    Comme certaines de ces personnes ont dû faire un long déplacement pour se rendre jusqu'ici, je me demandais simplement si nous ne pourrions pas avoir la générosité de leur accorder un peu plus de temps. Je sais que nous sommes censés nous réunir de 11 heures à midi. Peut-être pourrions-nous prolonger la séance jusqu'à 12 h 30 ou 12 h 45 pour leur laisser la possibilité d'exprimer leurs préoccupations, plutôt que d'accorder seulement deux minutes à chacun d'entre eux. Le temps de vous présenter, et vos deux minutes sont écoulées. Peut-être pourrions-nous donc nous entendre pour accorder cinq minutes à chacun pour présenter son témoignage.
    Tout à fait, le temps qu'il faudra. Nous allons viser un maximum de flexibilité. Nous ne sommes pas ici pour rappeler à l'ordre ceux qui prendront trop de temps. Nous allons être totalement souples et aussi décontractés que possible. Nous voudrions bien aller au fond des choses, mais je suis tout à fait d'accord avec ce que vous proposez et je suis persuadé que tous les membres du comité sont du même avis. Les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui n'ont donc aucunement à s'inquiéter des questions de temps et des préoccupations semblables.
    Je vais céder le fauteuil à M. Telegdi dans quelques minutes. Comme il est vice-président de notre comité et que nous nous retrouvons dans sa circonscription, je pense qu'il serait approprié qu'il préside nos réunions d'aujourd'hui.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins — et j'ai déjà indiqué qu'il n'y aurait plus de caméras après leur présentation.
    Nous accueillons aujourd'hui, de l'Iraqi Canadian Society of Ontario, Ghina Al-Sewaidi, présidente, ainsi que Falah Hafed, Hessan Mashkour et Yanar Mohammed; de l'Iraqi Federation of Refugees, Jalal Saeed; de l'Assyrian Aid Society of Canada, Mariam Georgis; et de la Mandaean Canadian Community Association, Salam Gatih.
    Bienvenue à tous. Je vais maintenant quitter le fauteuil et demander à M. Telegdi de présider la réunion.

  (1115)  

    Est-ce que cela signifie que M. Doyle a changé de parti?
    Non, il est neutre, comme l'ensemble de notre comité pendant qu'il est en déplacement.
    D'abord et avant tout, je veux souhaiter la bienvenue aux membres du comité dans cette salle du conseil où j'ai travaillé pendant huit ans. Je crois que nous avions convenu la dernière fois de prendre quelques photos des membres pour utilisation ultérieure. Nous allons faire la même chose. Nous voulons nous assurer que chacun ait de bonnes photos pour témoigner de ses déplacements.
    Est-ce que les caméras vont continuer à tourner?
    Cela ne me dérange pas, mais je ne crois pas que nous voulions nécessairement en discuter, alors...
    J'aimerais dire aux réfugiés irakiens que nous recevons aujourd'hui que je suis moi-même arrivé au Canada à titre de réfugié en 1957. C'était après la révolution hongroise. Les politiques canadiennes ont alors été modifiées considérablement pour tenir compte de l'afflux important de réfugiés. Les choses se sont beaucoup améliorées depuis. Je suis persuadé que vos témoignages seront très touchants et nous allons vous accorder plus de temps qu'à l'habitude pour que nous puissions examiner la question en profondeur.
    Nous pourrions faire livrer un repas.
    Le repas sera servi dans la salle d'à côté qui a été nommée en l'honneur de l'un des fondateurs de la communauté mennonite.
    Je demanderais à nos témoins de s'en tenir à une déclaration d'environ cinq minutes de telle sorte que les membres du comité puissent participer au débat. Vous allez donc présenter vos exposés, après quoi les membres poseront leurs questions ou vous demanderont des éclaircissements.
    Si je peux vous interrompre un moment, j'aimerais mentionner que certains témoins ont indiqué avoir besoin d'un peu plus de cinq minutes et demandent qu'on leur accorde un peu de temps supplémentaire. Je leur ai confirmé que c'est ce que nous ferons, quitte à prolonger la séance au besoin.
    Les discussions permettront sans doute de clarifier plusieurs points également. Nous voulons voir des échanges entre les témoins et les membres du comité. Si on a des questions, il faut les poser. Il ne faudrait pas commencer à se demander ce que veut dire telle ou telle chose à l'étape du rapport.
    Nous allons d'abord entendre Mme Ghina Al-Sewaidi, de l'Iraqi Canadian Society of Ontario.
    Je suis présidente de l'Iraqi Canadian Society of Ontario. Deux personnes m'accompagnent. Nous allons vous parler pendant deux minutes à tour de rôle, chacun abordant des enjeux différents. M. Falah Hafed va d'abord vous entretenir de la situation globale des réfugiés irakiens. Mme Yanar Mohammed traitera ensuite des femmes réfugiées en Irak. Et, en tant qu'avocate pratiquant ici, au Canada, je vous exposerai les problèmes juridiques auxquels font face les réfugiés.
    Peut-être que M. Hafed pourrait commencer.
    J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités aujourd'hui pour discuter d'une question très importante en Irak: les réfugiés.
    Sur une note personnelle, j'aimerais remercier Immigration Canada, qui m'a été d'une aide inestimable il y a cinq ans pour l'adoption de mon enfant.
    Nous ne sommes toutefois pas satisfaits de la façon dont Immigration Canada traite les réfugiés irakiens à l'heure actuelle. Nous le savons tous, les revendications du statut de réfugié et les demandes d'asile que reçoit le Canada ne représentent que la pointe de l'iceberg. Les pays occidentaux ne traitent en effet que 1 p. 100 de toutes les demandes d'asile provenant d'Irak. Depuis le début du conflit, quatre millions et demi de réfugiés irakiens ont été déracinés, et de ce nombre, deux millions et demi ont été déplacés à l'intérieur du pays et deux millions dans les pays voisins, c'est-à-dire la Syrie et la Jordanie.
    En examinant les statistiques provenant du Haut-Commissaire des Nations Unies, j'ai été très étonné de constater l'écart qui sépare le Canada et la Suède. La Suède ne fait pas partie du G8 et compte une population d'à peine neuf millions d'habitants. Pourtant, la Suède a accueilli 36 000 Irakiens en 2007, ce qui représente quatre personnes par tranche de 1 000 habitants. Le Canada, avec une population de 33 millions, accueille moins d'une personne par tranche de 1 000 habitants. Même si l'économie est meilleure et que le pays est plus grand, nous accueillons beaucoup moins de gens que la Suède. Je crois que nous avons besoin de réponses sérieuses pour expliquer cet écart.
    J'aimerais également faire mention de quelques problèmes dont m'ont fait part des réfugiés en Jordanie et en Syrie. Évidemment, les réfugiés n'ont pas le temps de se préparer ni d'apprendre l'anglais avant de quitter leur demeure — ils cherchent simplement à sauver leur peau. Alors, quand Immigration Canada demande aux réfugiés d'apprendre l'anglais avant de pouvoir mettre les pieds au pays, on a vraiment un problème. Ce qui complique aussi leur situation, c'est qu'ils n'ont pas de travail et qu'ils vivent grâce à leurs économies. La plupart d'entre eux épuisent toutefois leurs réserves en attendant que quelqu'un examine leur demande. Certains décident de risquer leur vie et de retourner en Irak pour travailler afin de nourrir leur famille qui se trouve encore en Syrie ou en Jordanie.
    L'ambassade canadienne et les gens qui traitent avec les réfugiés à l'étranger, en Syrie et en Jordanie, demandent qu'on leur fournisse des documents officiels — des certificats de mariage ou des diplômes d'études —, mais c'est le genre de choses qu'il est impossible d'attraper à la dernière minute, lorsqu'on vous chasse de votre demeure, souvent sous la menace d'un fusil.
    Les réfugiés irakiens font également face à une multitude de problèmes de santé. Des amis et des membres de ma famille m'écrivent souvent à ce sujet. Ces gens n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments pour leurs enfants. En Syrie et en Jordanie, l'économie est chancelante et il est difficile de trouver du travail. Les Irakiens nous demandent de les aider, et c'est ce que nous essayons de faire.

  (1120)  

    J'aimerais également mentionner qu'Immigration Canada sous-utilise notre communauté ici, au Canada. On devrait davantage faire appel à nous, car nous pouvons aider. Il faut faire quelque chose.
    Nous travaillons seuls. Nous allons à la rencontre des gens qui arrivent d'Irak pour les aider, et nous pouvons mobiliser notre communauté. L'hiver dernier, je conduisais près du centre-ville de Kitchener quand j'ai vu une femme portant des vêtements traditionnels irakiens marcher dans la rue. Il faisait environ moins 8 ou moins 10 degrés, et la femme était vêtue très légèrement. J'ai demandé à mon épouse d'aller lui parler pour savoir ce qui se passait et pourquoi elle marchait dans un secteur à peu près désert. Nous avons appris qu'elle était arrivée au pays trois jours plus tôt. Elle cherchait une épicerie ou un magasin du genre. Nous l'avons convaincue de venir avec nous et nous l'avons ensuite ramenée chez elle.
    Quand on accueille des réfugiés, il faut leur dire quand appeler le 911, quand aller au bureau de l'assurance-santé, qui peut les aider, etc. Alors, je vous en prie, écoutez notre communauté, car nous pouvons vous être utiles.
    Merci beaucoup. Je crois que c'est tout le temps que j'avais.

  (1125)  

    Nous allons maintenant entendre Mme Yanar Mohammed.
    Je m'appelle Yanar Mohammed, présidente de l'Organization of Women's Freedom in Iraq. Je suis heureuse d'être au Canada et de pouvoir vous parler de ce qui arrive aux femmes en Irak, ainsi que des raisons qui doivent pousser cette partie-ci du monde à nous tendre une main secourable.
    Nous nous efforçons actuellement de protéger les Irakiennes contre les meurtres d'honneur. Nous avons ouvert des refuges pour femmes. Je ne sais pas si c'est connu de ce côté du monde, mais les lois irakiennes permettent encore les meurtres pour l'honneur. Dans une seule ville du sud du pays, 133 femmes ont été tuées au cours de la dernière année. Il ne s'agit là que des annonces officielles, car le nombre de femmes tuées en Irak chaque année se situe en réalité entre 500 et 1 000, tous des meurtres permis par la loi. Les autorités respectent encore ce qu'on appelle la question de l'honneur.
    Ces femmes n'ont nulle part où aller. Nous pouvons accueillir quelques femmes dans nos refuges, mais nous subissons maintenant des pressions de la part du gouvernement, qui tente de rendre nos refuges illégaux. Ces femmes quittent l'Irak pour aller en Syrie ou en Jordanie. Elles font partie de ces deux millions de personnes qui meurent de faim, qui sont humiliées et qui ne sont acceptées nulle part. On estime qu'entre 10 000 et 50 000 femmes sont forcées de se prostituer chaque jour pour être en mesure de joindre les deux bouts et de garder leurs enfants en vie.
    On doit informer ces femmes des politiques canadiennes. Elles ne méritent pas toute cette humiliation que leur font vivre les politiques irakiennes, qui découlent des enjeux politiques du pays.
    Notre organisation s'est rendue dans des prisons pour femmes en Irak. Nous avons découvert que les femmes sont violées dans les centres de détention. Nous avons été mis au courant de sept cas où des femmes avaient été agressées sexuellement par des policiers irakiens. Nous avons soumis le dossier au ministère de l'Intérieur, qui n'a toujours pas donné suite à nos démarches. Cela fait maintenant un an.
    Pour ce qui est du trafic, entre 5 000 et 50 000 femmes ont été vendues dans les pays voisins, où elles sont victimes d'exploitation. Pourquoi je dis entre 5 000 et 50 000? C'est que cela dépend de la façon dont on définit le trafic. À l'heure actuelle, les femmes d'Irak vivent dans une énorme prison. Elles ne sont les bienvenues nulle part.
    J'aimerais également parler brièvement des jeunes. Quand les jeunes, généralement des garçons, veulent se déplacer à Bagdad ou dans une autre ville ou simplement passer d'un secteur à l'autre, ils doivent se munir de faux papiers d'identité. S'ils ne montrent pas les « bons » papiers, ils sont jetés en prison. Ils disparaissent et ne revoient plus jamais leurs parents. S'ils sont sunnites, ils ne reviennent pas à la maison.
    Les milices contrôlent les points de vérification, et contrôlent aussi le gouvernement. On voit bien à la télévision maintenant que la guerre des milices a pris en otage des millions de personnes en Irak. Les jeunes sont pris en otage.
    Selwan, par exemple, s'était enrôlé dans la police. Il y a travaillé pendant plusieurs mois, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus vivre avec toute la torture dont il avait été témoin. Il voyait des sunnites être torturés par la police. Selwan a quitté les forces. Aujourd'hui, dans la région où il habite et les villes voisines, le Jaysh al-Mahdi recrute des jeunes. Cette milice s'oppose au gouvernement. Une guerre en règle a éclaté, et les Irakiens sont tenus en otage comme des réfugiés dans leur propre ville, dans leur propre maison.

  (1130)  

    Comme il ne nous reste plus beaucoup de temps, j'aimerais parler au nom des autres personnes qui m'accompagnent.
    Je veux mentionner que la religion chrétienne est en proie à des actes de sabotage en Irak. En effet, l'archevêque a été kidnappé et assassiné; un prêtre qui prenait part à un cortège funéraire a été tué par un chauffard qui a pris la fuite; l'emprise qu'exercent les partis islamiques sur la ville de Basra, dans le sud de l'Irak, a forcé l'exode massif de la population. C'est d'ailleurs une exagération de qualifier ces groupes de partis islamiques, car il s'agit en fait de milices qui contrôlent nos villes et qui les ont transformées en zones dangereuses pour tous ceux qui adhèrent à d'autres religions, de même que pour les femmes, qui n'obtiennent aucune considération. Il faut aussi tenir compte des autres religions dans cette situation.
    J'aimerais insister sur l'importance d'accepter les femmes qui sont victimes de discrimination dans cette nouvelle ère dans laquelle est entré l'Irak. Les articles du code criminel légalisant les meurtres d'honneur servent toujours de prétexte pour tuer des femmes sans subir de conséquences. Entre 500 et 1 000 femmes sont ainsi tuées chaque mois.
    J'aimerais vous raconter une courte histoire, qui s'est passée il y a deux jours à Sadr City, là même où des combats ont éclaté tout récemment. Mais personne ne parle de la guerre faite aux femmes.
    Zainab a été trouvée seule en compagnie d'un homme qui n'est pas son mari. Des membres de la milice Jaysh al-Mahdi l'ont sortie de la voiture. On lui a enlevé tous ses vêtements et on l'a forcée à marcher nue dans toute la ville. Si on l'a humiliée de la sorte, c'est simplement parce qu'elle est une femme et qu'on estimait l'avoir prise en flagrant délit d'immoralité. Les miliciens l'ont ramenée chez elle et ont ordonné à sa famille de quitter la ville. Zainab est très chanceuse de ne pas avoir été tuée. Le pays est une énorme prison pour les femmes, pour les autres communautés religieuses et pour tous ceux qui ne font pas partie du groupe sectaire du gouvernement, qui est chiite islamique.
    Ce n'est pas quelque chose que je dis généralement, mais je suis moi-même de religion chiite musulmane, et je considère que ce genre de choses ne devraient jamais arriver, ni là-bas, ni ailleurs. Mais que puis-je répondre à ces jeunes, à ces femmes qui m'entourent, lorsqu'ils me parlent du Canada? Devrais-je leur dire que c'est un des pays les plus développés au monde? Que le Canada impose les normes les plus strictes qui soient? Qu'il n'accepte pas d'immigrants en ce moment et qu'il entend adopter des critères encore plus sévères? Que puis-je dire à Eman, forcée de se prostituer et victime d'une exploitation atroce, qui a vu la dépouille ensanglantée d'une de ses compagnes qui avait été mutilée de la tête au pied à l'aide de perceuses électriques?
    C'est la réalité que vivent les minorités dans un pays comme l'Irak. L'occupation nous a plongés dans des conditions tout à fait inhumaines, et le Canada doit malheureusement réparer les pots cassés et aider les moins fortunés qui se trouvent de l'autre côté du monde. C'est pourquoi je tenais à vous parler, et je me compte très chanceuse d'être au Canada aujourd'hui.
    Merci beaucoup de nous avoir accordé de votre temps. Nous souhaitons continuer le dialogue avec vous.

  (1135)  

    Nous allons écouter maintenant Ghina Al-Sewaidi.
    Je vais prendre la parole pour éviter de perdre du temps.
    Je suis avocate en exercice ici, et mes commentaires seront brefs et porteront sur l'aspect juridique du système d'immigration. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui parce que j'ai toujours voulu faire part de la frustration que j'éprouve devant le traitement que reçoivent les demandes d'immigration provenant d'outre-mer.
    À cause de cette frustration, j'ai réduit le nombre de demandes d'immigration que je peux accepter de mes clients. Les demandes s'étirent sur des années. Je peux vous parler précisément de demandes de parrainage de la catégorie du regroupement familial qui ont pris plus de huit ans à être traitées, même si un appel avait été accueilli, et une erreur a entraîné le rejet de la demande une autre fois. Nous avons multiplié la correspondance et il a fallu des mois avant que l'ambassade — en Syrie, puisque la plupart de mes demandes passent par la Syrie — finisse par répondre, quand je lui ai envoyé une lettre disant, par exemple, si vous ne répondez pas, je vais m'adresser à la Cour fédérale et cette dernière exigera le paiement des dépens. C'est essentiellement à ce moment-là qu'elle a répondu.
    C'est très frustrant pour nous, les avocats. Les employés des ambassades demandent constamment la même information — les mêmes documents, les mêmes photocopies. Ils tardent à répondre aux questions ou aux demandes d'information que leur adressent les avocats d'ici. Ils nous envoient de la correspondance avec des dossiers sans nom — seulement des numéros de dossier — et nous devons leur écrire de nouveau pour leur demander le nom du client. Il faut attendre encore deux mois avant de recevoir une réponse. Ils envoient des lettres datées d'un certain jour et l'enveloppe est oblitérée un mois plus tard, et ils donnent au client un délai d'un mois à partir de la date de la lettre. Nous devons encore une fois leur écrire, leur envoyer des copies de l'enveloppe, des copies de la lettre et demander une prolongation du délai. Il s'ensuit un autre retard.
    On pourrait croire qu'ils n'examinent pas les dossiers. Chaque fois que nous demandons une mise à jour, ils demandent la même chose, la même lettre type. Si les clients se rendent à l'ambassade, à la section des visas, pour demander où en est leur demande, il semble, premièrement, qu'on ne les traite pas comme des êtres humains. On les traite différemment des gens d'autres nationalités et on leur dit: « Allez demander à votre avocat au Canada. Votre avocat ne nous a pas envoyé ce que nous lui avons demandé ». Ils viennent alors nous voir. Nous leur montrons la preuve que nous avons envoyé à l'ambassade ce qu'elle avait demandé.
    Alors tout cela est très frustrant. Remédier à la situation contribuerait énormément à traiter l'arriéré qu'ils ont à l'ambassade, en particulier dans le cas des réfugiés, parce que beaucoup ont des membres de leur famille ici qui sont prêts à les parrainer, à les soutenir. S'il y avait une volonté de s'occuper des demandes et de la paperasse, nous n'aurions pas l'arriéré que nous avons maintenant ici.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Jalal Saeed. Je veux m'assurer que nous ne faisons pas d'erreur.
    Je m'appelle Jalal Saeed. Je travaille pour l'Iraqi Federation of Refugees. Je suis aussi membre du Conseil canadien pour les réfugiés. Je travaille en outre pour l'Iraqi Canadian Society.
    En fait, je suis revenu d'Irak la semaine dernière.
    Soit dit en passant, je suis nerveux. Je n'ai pas l'habitude de présenter des exposés. Quelqu'un d'autre devait venir à ma place. Il devait être ici aujourd'hui, mais il n'est pas venu. Enfin, je suis venu seulement pour écouter et dire un mot à notre réunion.
    Notre organisation a été créée en 1991 à l'époque de Saddam Hussein, lorsque la première guerre a été déclenchée. Tous les Kurdes irakiens s'étaient enfuis dans les montagnes. Il y avait près de trois millions de personnes. À cette époque, notre organisation a été mise sur pied afin d'aider les gens. Lorsque les Irakiens ont commencé à s'enfuir en Europe ou au Canada, notre organisation a été créée pour aider les réfugiés irakiens dans ces pays.
    Je suis arrivé au Canada en 1998 à titre de réfugié. À cette époque, j'ai créé cette organisation et j'ai commencé à parrainer des gens dans le cadre du programme de parrainage par le secteur privé au Canada. Nous avons fait venir au Canada plus de 100 personnes dans le cadre de ce programme, grâce à des groupes de cinq personnes ou des organismes comme l'Église luthérienne du Canada, la Canadian Reform Church et d'autres organisations.
    Voici ma question. Jusqu'en 2003, le processus de demande était très rapide. En l'espace d'un an, tous les demandeurs recevaient une réponse favorable ou ne pouvaient venir au Canada.Toutefois, après 2003, lorsque les États-Unis ont envahi l'Irak, le traitement des demandes a été très long. Même au Canada, le processus, qui prenait auparavant quatre semaines, peut maintenant prendre huit mois, un an, et même davantage. Il faut un an pour arriver au numéro B au bureau local de CIC. Nous avons arrêté ce processus pour cette raison. Voilà ce qui est arrivé.
    Ma voix n'est pas très bonne, et je m'en excuse, mais j'aimerais vous dire simplement ce qui se passe en Irak, d'où je suis revenu la semaine dernière.
    Si vous posez la question à quiconque en Irak — je ne parle pas des réfugiés irakiens qui se trouvent en Syrie, en Jordanie ou en Turquie, mais bien des personnes en Irak — tout le monde veut s'en aller, mais ignore comment s'y prendre. Tous, des enfants jusqu'aux personnes âgées, me demandent de les aider, mais ne savent pas comment. Nous ne savons pas par où commencer. Au Kurdistan à l'époque, nous avons reçu de l'aide du gouvernement britannique. Ils ont déporté 60 Kurdes d'Angleterre au Kurdistan. Nous nous sommes entretenus avec le président du Parlement au Kurdistan au sujet des réfugiés kurdes irakiens en Angleterre, mais ils n'avaient pas de réponse pour nous. On nous a dit: « Ce sont nos gens, et nous ne pouvons pas leur dire de ne pas revenir ». Nous avons découvert par la suite que tout le monde avait reçu de l'aide à l'aéroport du gouvernement kurde. Cela s'est produit au Kurdistan, en Irak.
    J'ai rencontré des gens de Bassorah et de Kirkouk, etc. Tout le monde veut partir. Voilà ce qui se passe en Irak.
    Excusez-moi, je ne peux pas parler davantage.

  (1140)  

    Nous allons maintenant entendre Mariam Georgis.
    J'aimerais tout d'abord remercier le comité — et le Canada également — de me donner l'occasion de venir ici aujourdhui et de parler au nom de l'Assyrian Aid Society of Iraq.
    L'Assyrian Aid Society of Iraq a été créée au printemps 1991 pour pallier les difficultés que connaissait notre peuple à cause de la guerre du Golfe. Par la suite, des filiales ont été ouvertes aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie afin de recueillir des fonds pour les programmes mis en place par l'organisation.
    Les programmes mis en oeuvre avant 2003 visaient à aider les Assyriens, que l'on appelle aussi Chaldéens et Syriaques et que j'appellerai ici Assyro-Chaldéens, des réfugiés de Turquie et de Syrie, à se réinstaller dans leurs villages, détruits par le régime précédent. On leur fournissait les nécessités de base, comme un abri, de la nourriture et de l'eau. Les programmes ont permis d'installer des systèmes d'irrigation et de fournir du matériel agricole. Ils ont contribué à des initiatives dans le domaine de l'éducation en permettant de construire des écoles, d'imprimer des curriculum et d'établir des dortoirs et des moyens de transport pour les élèves et les enseignants. Ils ont aussi permis d'ériger des cliniques médicales et des pharmacies. Grâce à ces programmes, l'Assyrian Aid Society a réussi à empêcher un exode massif de la communauté assyro-chaldéenne et à préserver la diversité des gouvernements de Dohouk et Erbil.
    Depuis la chute du gouvernement précédent, les responsabilités de notre organisme ont augmenté puisqu'un plus grand nombre d'Assyro-Chaldéens ont été déplacés des régions de conflit pour trouver refuge dans les plaines de Ninive et dans les pays voisins, en raison de la menace imminente à leur sécurité. Ils ont souvent été victimes d'attaques et plusieurs sont morts. Ils représentent une vague de déplacement qui fait partie d'une campagne de purification ethno-religieuse en Irak. À L'heure actuelle, un Assyro-Chaldéen sur trois est un réfugié, et les données sur les personnes déplacées dans tout l'Irak montrent un déplacement interne encore plus grand.
    Malheureusement, bien des gens font fi de cette situation tragique, ce qui ne fait qu'accroître les sentiments de désespoir des communautés. Par conséquent, on fuit davantage vers les pays voisins, parce qu'on veut quitter l'Irak et le Moyen-Orient.
    Depuis le début de 2007, les mesures ciblées qui ont provoqué l'arrivée massive des personnes déplacées à l'intérieur du pays en 2006 n'ont fait qu'augmenter. Selon les données conservatrices du gouvernement des États-Unis, au moins un Assyro-Chaldéen sur trois est un réfugié. Une évaluation des besoins réalisée par l'UNHCR en 2007 montre qu'ils représentent 85 p. 100 des personnes déplacées à l'intérieur du pays qui arrivent dans des gouvernorats comme le Dohouk. On considère qu'il s'agit d'un diaspora de retour au pays.
    Toutefois, l'épuration ethno-religieuse qui connaît un grand succès dans ces régions s'inscrit dans un effort massif, délibéré et ciblé qui est dirigé vers la population chrétienne vulnérable d'Irak Au fil des années, les plaines de Ninive sont devenues une région sous-développée par suite de la campagne d'arabisation et de discrimination du régime précédent. Par conséquent, cette région n'a pas l'infrastructure de base pour soutenir sa population actuelle, sans parler des milliers de familles déplacées qui y déferlent. Pour les chrétiens assyro-chaldéens, ces importantes attaques ne font qu'illustrer ce à quoi ils font tous face: meurtres, enlèvements, viols et conversions forcées qui conduisent à des déplacements à grande échelle.
    Le Département d'État devait produire un rapport sur la situation dans les plaines de Ninive. Le rapport résume effectivement la situation que vivent ces personnes et confirme qu'une grande proportion arrive dans les plaines de Ninive. Leur sécurité et leur situation économique se sont détériorées dramatiquement au cours des dernières années. Un grand nombre de personnes ont cherché à fuir le centre de l'Irak par crainte d'être attaquées, enlevées et assassinées.
    À l'heure actuelle, on compte plus de deux millions de réfugiés irakiens, dont plus de 350 000 sont des chrétiens. De plus, environ deux millions d'Irakiens sont considérés comme des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. L'Assyrian Aid Society of Canada s'inquiète plus particulièrement des chrétiens assyro-chaldéens non seulement parce que nous croyons que ce sont les plus vulnérables, mais aussi parce que leur survie est bénéfique pour l'Irak dans son ensemble, en assurant la diversité de l'Irak et en empêchant l'éradication de son peuple indigène.
    L'Assyrian Aid Society apprécie énormément les efforts faits par le Canada pour venir en aide aux réfugiés irakiens. Bien que nous appuyions l'acceptation des réfugiés irakiens au Canada, nous croyons que la façon la plus efficace et pratique d'aider ces réfugiés, c'est en empêchant qu'un autre exode de masse ne se produise et en offrant à ceux qui sont déjà considérés comme des réfugiés un moyen de retour.
    Avec une inflation excessive et une piètre infrastructure pour la population de base en 2003, l'escalade des mesures ciblées et l'exode accru vers les plaines de Ninive, la région est sur le point de s'écrouler. En aidant l'Assyrian Aid Society of Iraq à reconstruire cette région, non seulement on évitera l'exode de la communauté assyro-chaldéenne, mais on permettra aussi à ceux qui se sont réfugiés dans les pays voisins de revenir sur leurs terres ancestrales s'ils le souhaitent.
    L'expérience acquise par notre organisation et l'aide du Canada peuvent contribuer à mettre fin à cette catastrophe humanitaire et à apporter l'espoir d'un meilleur lendemain.
    En révisant à la hausse les besoins alimentaires et non alimentaires de base des personnes déplacées, on peut apporter un soulagement à l'économie locale et à la population locale. Cela permettra de répondre aux besoins nutritionnels quotidiens de la population et de réduire la concurrence pour les denrées limitées qui empêche présentement de répondre aux besoins fondamentaux des gens.

  (1145)  

    En outre, en fournissant un logement de base aux personnes déplacées, on peut atténuer la pression que subissent les communautés des plaines de Ninive. Les membres de la communauté assyro-chaldéenne sont prêts à revenir sur leur terre d'origine, mais ils doivent y trouver quelque chose.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre Salam Gatih.

  (1150)  

    Bonjour, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité permanent. Nous vous remercions de nous donner la chance d'être ici pour nous faire connaître.
    Je m'appelle Salam Gatih. Je représente la Mandaean Canadian Community Association, et je suis originaire d'Irak. Je vis au Canada depuis 1979. Je suis citoyen canadien et fier de l'être.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de notre peuple, les mandéens. Le mandéisme est l'une des plus vieilles religions d'Irak. Elle date d'au moins 5 000 ans. Nous vivions à proximité des Sumériens, des Syriens et des autres.
    Les mandéens sont, comme on dit, le maillon le plus faible de la société irakienne. Nous sommes un peuple pacifique, contre la guerre. En gros, nous pratiquons notre religion comme des disciplines de Jean-Baptiste. Nous le faisons encore dans la rivière, comme nous le faisions il y a plus de 2 000 ans. Nos gens travaillent surtout dans le domaine des sciences, de l'éducation et de la conception de bijoux.
     Tous les Irakiens ont souffert du régime de Saddam Hussein, de la guerre qu'il a lancée contre ses voisins, de la destruction qu'il a causée et de la situation créée après son départ. Les mandéens sont les plus vulnérables du fait qu'ils n'ont aucun gouvernement ni aucune organisation pour les appuyer. Qu'ils se trouvent en Irak ou qu'ils réussissent à quitter l'Irak, ils sont laissés à eux-mêmes, parce que les voisins — les pays comme la Syrie, la Jordanie et de nombreux autres — ne les connaissent pas. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils sont, parce que les mandéens ont vécu seulement en Irak et dans le sud de l'Iran. Pendant un millier d'années, ils n'ont jamais quitté ce pays. Les gens savent que l'Irak est principalement une société de musulmans ou de chrétiens, mais ils ne connaissent pas les mandéens.
    Lorsqu'ils quittent l'Irak, les mandéens sont, comme on dit, poussière au vent. Ils ne savent pas où aller. Ils ne reçoivent pas d'appui. Ils ne peuvent compter que sur leurs économies, l'argent qu'ils ont obtenu en vendant leurs biens avant de partir. Lorsque cet argent est épuisé, ils ne savent que faire et ils sont coincés. Quelques-uns ont des familles et ils n'ont pas d'autre choix que de retourner travailler en Irak, où certains se sont fait tuer et d'autres se sont fait enlever et seront libérés en échange de rançons.
    Je suis venu aujourd'hui pour demander votre aide, à titre d'Irakien, mais aussi à titre de Canadien, que je suis fier d'être. Je sais que le Canada est un grand pays qui ouvre son coeur lorsque des problèmes humanitaires touchent des enfants et des familles.
    Je suis fier de dire que durant toutes ces années, la seule façon dont notre peuple en Irak a pu faire ses preuves — nous ne pouvons pas prendre les armes, parce que nous ne croyons pas à la guerre — a été de s'éduquer et de faire de son mieux. C'est ainsi que vous obtenez le respect, en fonction de votre intelligence.

  (1155)  

    Si vous avez la gentillesse — et je parle en général, en tant qu'Irakien — d'aider les Irakiens, concentrez-vous plus particulièrement sur les mandéens, parce qu'ils n'ont nulle part où aller. Ils ne reçoivent aucune aide. Il n'y aucune organisation. Il n'y a absolument rien pour eux, ils ne peuvent que se tourner vers vous, vers ce pays pacifique et démocratique qui montre toujours, par son exemple, comment nous devons nous accepter et nous tolérer les uns et les autres, et comment nous pouvons prospérer grâce à l'éducation et l'intelligence et devenir compétitifs par nos habilités personnelles, et non nos habilités physiques.
    Je vous demande de bien vouloir augmenter le nombre d'Irakiens à au moins 10 000. Ouvrez vos coeurs, parce que 1 000 ou 2 000 personnes ne sont absolument rien à comparer aux quatre millions d'Irakiens qui n'ont nulle part où aller. C'est ce que nous vous demandons, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité: concentrez-vous sur les Irakiens. Je dirais même que 10 000 personnes ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais que c'est au moins un bon début, et ils verront ainsi que le Canada ne les a pas abandonnés.
    Lorsque les Albanais étaient en crise et que de nombreux autres sociétés souffraient, je me rappelle que le Canada a toujours été là. Nous en sommes fiers. C'est pour cette raison que je vis ici depuis 30 ans et je suis fier d'être Canadien. Mes enfants sont nés ici, ma famille est ici et je fais tout ce que je peux pour assurer mon avenir ici au Canada. J'utilise toujours cet exemple lorsque je vais au Moyen-Orient, et je dis toujours que je suis fier de revenir au Canada.
    Le temps est donc venu d'aider les Irakiens. C'est tout ce que je demande.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que M. Asaad Daihgan va maintenant prendre la parole?
    Non, il fait partie de la communauté mandéenne, et j'ai parlé en son nom. Merci.
    Très bien, merci beaucoup.
    Mon bureau a été très touché par ce qui s'est produit en Irak. J'ai lu dans les journaux que neuf personnes portant le même nom qu'un de mes employés de longue date avaient été tuées dans un bombardement qui visait Ali le chimique. Ce n'est pas lui qui a été tué, mais bien son oncle, ses cousins et ses enfants. Mon bureau a beaucoup entendu parler de ce qui se passait.
    Je sais qu'il s'agit d'un plaidoyer difficile à faire et je tiens à vous remercier tous parce que vos exposés étaient excellents. Compte tenu du fait que nous avons déjà beaucoup d'Irakiens au Canada, le parrainage devrait être simple.
    Je vais maintenant donner à chaque membre du comité un maximum de cinq minutes pour que tout le monde puisse poser une question.
    Je vais commencer avec M. Jimmy Karygiannis, qui tenait beaucoup à ce que nous étudions cette question.
    Monsieur Karygiannis.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à tous et vous remercie d'être venus. Je sais que certains d'entre vous arrivent de Toronto, alors que d'autres étaient déjà ici. Comme nous entendrons d'autres témoignages demain, vous comprendrez certainement qu'il y aura quelques recoupements.
    Je tiens à vous faire remarquer que le vice-président et moi-même sommes deux immigrants un peu particuliers, car nous avons demandé le statut de réfugié au Canada. Nous avons connu certaines des situations auxquelles vous êtes confrontés. Je sais que certains autres participants ont immigré au Canada, et nous comprenons combien cela peut être éprouvant.
    Je compte également dans mon personnel quelqu'un qui est marié à une personne originaire d'Irak et dont des membres de la famille proche vivent dans ce pays. J'entends donc parler de la question quotidiennement. Comme je suis moi-même né dans un camp de réfugiés en Grèce, je sais à quel point votre situation est difficile.
    J'ai quelques questions à poser. Sentez-vous tous libres d'y répondre par la suite.
    Pendant plusieurs années, et notamment la dernière, certains d'entre vous ont fait remarquer que les croyants d'une religion étaient davantage persécutés que d'autres. Je ne fais que soulever ce point pour lancer la discussion sur le sujet. Laissez-moi quelques instants pour terminer. Je vais énoncer les questions et que ceux qui souhaitent y répondre le fassent.
    Je vois que des gens de différentes confessions sont présents aujourd'hui. Je suis très honoré que Mme Yanar Mohammed soit venue de Bagdad. C'est un privilège pour nous de vous accueillir, car nous aurons ainsi l'occasion d'entendre le témoignage d'une personne qui arrive directement d'Irak et pas seulement celui de ceux qui sont au Canada depuis 50 ans.
    Donc, la question de la religion est posée à ceux qui veulent bien y répondre.
    Monsieur Salam, vous avez dit que 1 000, c'est insuffisant. Cette motion a été proposée l'an dernier, et le ministre a pris des mesures en octobre pour permettre le traitement accéléré des demandes de personnes faisant partie de la catégorie du regroupement familial et des conjoints. Ces mesures n'auraient pas été prises sans la motion. Le ministre, sachant parfaitement que nous allions nous rencontrer aujourd'hui et probablement aborder le sujet — et j'essaie d'être aussi apolitique que possible — a placé la barre à 1 000. Maintenant, vous dites que ce chiffre n'est pas suffisant et proposez 10 000.
    Je voudrais également discuter de Citoyenneté et Immigration Canada, qui ne collaborerait pas avec la communauté et les partenaires pour leur permettre de parrainer des réfugiés.
    Madame Al-Sewaidi, vous avez parlé de Damas. La semaine dernière, un membre du comité a évoqué un cas de grossière incompétence à Vancouver ainsi que a situation des gens à Damas. Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Cela fait le tour de mes questions. Si quelqu'un a quoi que ce soit à dire, qu'il se sente libre de le faire. Il est d'abord question du nombre, puis de la religion, et ensuite de Damas et de la situation qui y règne.

  (1200)  

    Parle-t-on en premier du nombre ou de la religion?
    Des réfugiés irakiens se trouvent actuellement dans les pays voisins. On en compte environ 4 millions. Certains attendent depuis plusieurs années d'être parrainés dans d'autres pays. On ne règle vraiment pas le problème en accueillant mille personnes sur 4 ou 4 millions et demi de réfugiés.
    Ce que je propose, c'est que le gouvernement du Canada — un pays ouvert à l'immigration, surtout quand on parle de gens qui sont en grande partie instruits — pourrait fixer le seuil à 10 000. Ce ne serait pas le maximum, mais bien le minimum. L'idéal serait d'en accueillir encore plus, compte tenu de la situation extrêmement difficile et des souffrances que l'on observe au Moyen-Orient. Les gens sont des victimes tant en Irak qu'à l'intérieur du pays où ils ont trouvé refuge.
    Il faudrait donc envisager d'accueillir au moins 10 000 immigrants et, espérons-le, de rehausser ce seuil par la suite.
    À ce sujet, est-ce que vous voudriez que ces mesures soient élargies, par exemple, à un frère ou une soeur célibataires qui ne seraient pas visés actuellement par la demande de Citoyenneté et d'Immigration Canada? Voudriez-vous que la famille parraine ces personnes pendant trois ou quatre ans?
    Oui. Il existe, au sein de la Mandaean Canadian Community Association et, je crois, d'autres associations irakiennes, des familles qui seraient plus qu'heureuses d'aider de nouveaux réfugiés cette année, de les accueillir chez elles, de les orienter et de les parrainer pour les aider à commencer à travailler. Je sais qu'il s'agit de personnes très travailleuses, qui ont quitté l'Irak parce qu'elles y étaient obligées. Beaucoup sont instruites. Nous en avons la preuve aujourd'hui: la majorité des Irakiens établis au Canada travaillent, paient des impôts, respectent les lois et sont reconnaissants d'être ici.
    Je vous assure que si nous avons le feu vert, la Mandaean Canadian Community Association sera la première à garantir le parrainage des familles qui arrivent ici.
    Nous laissons maintenant la parole à M. St-Cyr.
    Monsieur le président, certains membres ont dit qu'ils aimeraient répondre en ce qui concerne la religion et ce qui se passe à Damas. Je fais appel à votre indulgence et vous demande de leur donner l'occasion d'exprimer leurs points de vue.

  (1205)  

    Nous y reviendrons, monsieur Karygiannis.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui et de nous avoir fait vos présentations.
    Pour la plupart, vous avez fait état des délais de traitement exagérés auxquels font face les réfugiés irakiens qui veulent s'établir au Canada. C'est une situation intolérable et inacceptable. Mme Al-Sewaidi a aussi expliqué à quel point la bureaucratie pouvait parfois être pénible et difficile à supporter. À mon avis, on est pas mal tous d'accord là-dessus. Le gouvernement actuel et le précédent, par leur inaction et leur propre turpitude, nous ont placé dans cette situation.
    Cependant, l'aspect sur lequel le comité devra se pencher et que les gens soulèveront est le suivant: cette situation n'est pas propre aux réfugiés irakiens. Évidemment, dans un système qui est déjà au ralenti, surchargé et qui connaît des ratés majeurs, tout gain significatif pour les immigrants d'Irak se fera nécessairement aux dépens d'autres réfugiés qui connaissent les mêmes difficultés.
     Comment peut-on justifier un programme spécial pour les réfugiés irakiens ou l'accélération de l'étude des dossiers irakiens? Que répondez-vous à ceux qui se demandent si les gens vivant une situation extrêmement difficile en Haïti, au Sri Lanka ou au Darfour risquent d'être pénalisés dans un système où il y aurait des programmes spéciaux? Serait-ce acceptable? Qu'avez-vous à répondre à ce sujet?

[Traduction]

    J'aimerais répondre.
    Je crois que le nombre total de demandeurs du statut de réfugié dans le monde s'élève à environ 110 000, comme l'a indiqué le haut-commissaire. Le Canada en accueille seulement 28 000, alors que la Suède en reçoit 36 000 et les États-Unis, 49 000. Le chiffre pour le Canada me semble très bas compte tenu de la capacité économique, de la population et de la superficie de ce pays. Je crois que nous devrions l'augmenter. Au lieu de voir un nombre toujours croissant de réfugiés se déplacer d'un endroit à l'autre aux dépens du pays d'accueil, nous pourrions simplement augmenter le nombre de réfugiés que nous accueillons.

[Français]

    Si j'ai bien compris, vous ne demandez pas de programme particulier pour les réfugiés irakiens, vous ne demandez pas de traitement de faveur. Vous voulez qu'au total, on accueille plus de réfugiés et que la machine fonctionne mieux. Par définition, cela réglerait une partie des problèmes des réfugiés irakiens. Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

    En effet. En fait, la moitié de ces réfugiés étaient Irakiens en 2007. Ils étaient 49 000. Si l'on examine la situation à l'échelle mondiale — j'ai quelques chiffres avec moi aujourd'hui —, l'Irak est le pays d'où provenait le plus grand nombre de réfugiés en 2000. Viennent ensuite la Fédération de Russie — je n'ai pas les chiffres exacts sous la main, mais je peux vous les fournir —, la Chine et d'autres pays.
    Comme je l'ai dit, il y a approximativement 110 000 réfugiés, dont environ la moitié sont Irakiens. Lorsque vous augmentez les chiffres, vous considérez qu'il s'agit d'un traitement spécial. Mais si le Canada n'accueille que 28 p. 100 des réfugiés, alors nous serons évidemment très peu nombreux. Étant donné qu'il arrive des gens de Chine, de Russie et d'autres pays, nous passerons en dernier et ne serons qu'un petit nombre.

  (1210)  

[Français]

    Madame Mohamed, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je préfère voir la situation sous un autre angle. Si l'on compare la situation de l'Irak à celle du Darfour ou du Soudan, il existe une différence notable, car la population irakienne a dû faire face à une situation humanitaire déchirante et très inhabituelle parce que la communauté internationale n'a pu mettre fin à la guerre illégale qui fait rage en Irak. C'est une intervention internationale qui a bouleversé nos vies, et nous considérons qu'il est maintenant temps pour le Canada de faire preuve de leadership et de montrer la voie au sein de la communauté internationale afin d'aider les populations à s'établir dans d'autres pays pour améliorer leur sort.
    Je crois que ce qui est arrivé en Irak — l'intervention qui a transformé ce pays de 25 millions d'habitants en une énorme prison et a fait quatre millions de déplacés et de réfugiés — découle directement du manque de leadership de la communauté internationale. Qui peut mieux corriger cette situation que le gouvernement du Canada?
    Bien. Nous avons tous ces renseignements ici. Nous avons dépassé notre temps, mais nous...
    Je pourrais peut-être répondre à une autre occasion.
    La personne suivante est Nina Grewal. C'est le seul membre du comité qui était du voyage la dernière fois que nous sommes venus à Waterloo.
    C'est un plaisir de vous accueillir de nouveau, Nina.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui pour nous exposer vos points de vue.
    Nous savons tous que le Canada est un pays d'immigrants. L'immigration a contribué grandement à façonner le Canada moderne. Les immigrants continueront de jouer un rôle significatif dans les sphères sociale, économique et culturelle. Comme vous le savez probablement tous, notre gouvernement est favorable à l'immigration. Notre système doit permettre de répondre adéquatement aux besoins de notre pays et d'assurer le traitement équitable de tous les immigrants.
    Je sais à quel point la situation des candidats à l'immigration au Canada est difficile, car j'ai vécu moi-même dans un pays ravagé par la guerre: le Libéria, en Afrique de l'Ouest. La situation est la même partout où se trouvent des réfugiés, que ce soit en Irak, au Vietnam ou en Afrique.
    J'aimerais vous poser quelques questions. Des répondants privés ont fait savoir qu'ils parraineraient un plus grand nombre de réfugiés s'ils le pouvaient. Les listes d'attente témoignent de leur volonté d'être utiles. Quelles mesures pourrait-on prendre pour tirer parti de ce potentiel inexploité?
    J'aimerais également savoir si d'autres pays accueillent ces réfugiés.
    Pourriez-vous répondre à ces deux questions en premier, s'il-vous-plaît?
    D'autres pays accueillent des réfugiés irakiens. J'ai mentionné la Suède parce que c'est un merveilleux pays qui apporte une aide immense à ces gens. La Suède a doublé ses quotas, si quotas il y a. Je ne sais pas ce qu'il en est, mais le nombre de réfugiés qu'elle accueille a doublé.
    La Syrie et la Jordanie font également leur part. Cependant, ces pays ne peuvent absorber l'afflux massif de réfugiés qui se présentent à leurs frontières. Près d'un million de personnes ont trouvé asile dans ces deux petits pays relativement pauvres qui, en temps normal, ne peuvent offrir de système de soins de santé adéquat ni de bons emplois à leur population, et avec un million de personnes en plus, cela devient intenable; c'est là que la communauté internationale doit prêter main forte.
    La Syrie et la Jordanie sont les pays voisins de l'Irak qui accueillent le plus de réfugiés. La Turquie et l'Iran en reçoivent aussi, mes ces gens-là ont tous besoin du monde occidental, qui n'accueille que 1 p. 100 des Irakiens faisant une demande de statut de réfugié.

  (1215)  

    Et concernant les deux millions, qu'auriez-vous à répondre?
    Pourriez-vous répéter votre question?
    Des deux millions d'Irakiens déplacés, combien ne pourront jamais retourner vivre en sécurité dans leur pays, à votre avis? Comment savoir qui a le plus besoin d'aide parmi ces gens?
    Je vais laisser Yanar vous répondre, parce que cette question la concerne plus directement.
    Nous pouvons répondre ensemble.
    À l'heure actuelle, tous mes amis à Sadr City sont littéralement pris en otages. Certains ont dû chercher du travail et se sont adressés à l'armée. On leur a répondu qu'ils ne pouvaient obtenir d'emploi sans recommandation de Sadr. Mais maintenant que le gouvernement et Sadr ne s'entendent plus, le camp de Sadr leur affirme que ces gens font partie de son armée, alors que le gouvernement leur dit qu'ils mourront s'ils se tournent vers Sadr.
    Alors les jeunes — qui se comptent par centaines de milliers — sont tiraillés entre les deux camps et sont menacés de toutes parts. Ceux qui ont réussi à fuir le pays sont humiliés, mais vivants. S'ils retournent en Irak, rien ne peut garantir leur survie dans l'avenir.
    Quant aux femmes, leur situation ne cesse de se dégrader. Le pays est comme une immense prison. Je me demande pourquoi, avec le chiffre de 10 000 qui a été avancé ici, il n'existe pas de quota pour les Irakiennes. À ce que je sache, les femmes représentent 60 p. 100 de la population et sont victimes de discrimination. Et elles ne sont même pas des citoyennes de seconde zone. Les tueries sectaires ont un autre visage: celui d'une entreprise d'élimination systématique des femmes.
    Si vous vous trouvez en Syrie, en Jordanie ou même en Turquie et que vous envisagez de retourner en Irak — et personne n'y pense, à moins d'être expulsé —, rien ne garantit votre sécurité, et votre quotidien est un enfer.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Je citerai M. António Guterres, haut-commissaire aux Nations Unies pour les réfugiés. M. Guterres a fait savoir qu'il existait une norme internationale très claire sur les conditions qui doivent régner dans un pays pour que les réfugiés puissent y retourner volontairement, et que l'Irak ne satisfaisait pas à cette norme actuellement. C'était en mars.
    Monsieur le président, est-ce que mon temps est écoulé?
    Oui. Nous allons revenir à M. Karygiannis, qui n'a pas obtenu de réponse à sa question. Nous passerons ensuite à M. Carrier et terminerons par le secrétaire parlementaire.
    Allons-y rapidement, s'il-vous-plaît.
    Est-ce que nous disposons de cinq minutes, monsieur le président?
    Non, nous avons trois minutes.
    Je vais répéter les mêmes questions, même si je sais que certaines ont déjà été posées.
    Y a-t-il des problèmes sur le plan de la religion? Est-ce que les croyants d'une religion sont davantage ciblés que d'autres? Je sais qu'il y a ici aujourd'hui des gens de différentes confessions; si vous désirez répondre, je serai heureux de vous entendre.
    Est-ce que les chiites, les sunnites ou les communautés chrétiennes assyriennes, mandéennes ou chaldéennes sont plus touchés?
    J'aimerais également que vous nous parliez des problèmes de l'ambassade à Damas et des difficultés que vous éprouvez. Le comité pourrait décider d'inviter des représentants de Damas pour connaître le fin mot de l'histoire.
    Pour ce qui est du nombre de réfugiés, vous avez proposé de fixer le seuil à 10 000. Je sais que certains de mes collègues se demanderont pourquoi il faudrait privilégier les réfugiés d'Irak. De toute évidence, ce pays a besoin d'aide actuellement. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur la question.
    Merci.
    Je pourrais peut-être répondre au sujet de l'ambassade, car je connais le dossier et c'est une source inépuisable de frustrations.
    Il faut absolument mettre fin au chaos qui règne dans cette ambassade. Certaines personnes qui patientent depuis cinq ou six ans, dont des travailleurs qualifiés, ne peuvent retourner en Irak et doivent donc attendre à Damas. Elles présentent également des demandes auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ce qui a pour effet de doubler les listes d'attente et de submerger les deux institutions. Je crois qu'il est impératif de régler les problèmes de l'ambassade — la paperasserie, la désorganisation des dossiers et du système.
    Prenez, par exemple, son numéro de télécopieur, qui n'est pas toujours le même. Lorsque j'essaie d'envoyer un document et qu'il ne passe pas, je vérifie le numéro sur Internet et je vois qu'il y en a deux, qui changent en alternance. J'en essaie un et, si j'ai de la chance, je réussis à envoyer le document. En cas d'échec, je dois envoyer la demande par courrier recommandé, par express ou par DHL pour être sûre qu'elle se rende.
    Par ailleurs, nous devrions accueillir des Irakiens plutôt que des habitants du Darfour ou d'autres régions parce que des Irakiens établis au Canada sont prêts à aider financièrement des membres de leur famille, comme des frères et des soeurs. Ce facteur était pris en compte auparavant, puis le système a changé.
    Je reçois de nombreuses questions d'Irakiens qui veulent faire venir leur frère ou leur soeur au Canada et qui sont disposés à se plier à toutes les exigences du gouvernement pour y parvenir. Ils sont prêts à déposer le montant nécessaire pour être certains que leurs parents ne seront pas un fardeau pour la société canadienne.
    Il devrait donc exister un programme spécial pour les Irakiens, comme celui destiné aux Bosniaques lorsque leur pays était ravagé par la guerre. Quand des troubles ont éclaté au Liban, les Libanais sont entrés en grand nombre au pays, et le gouvernement du Canada a appuyé financièrement les organisations qui leur venaient en aide.
    Pourquoi est-ce différent pour les Irakiens, alors que leur situation est bien pire?

  (1220)  

    D'accord, merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Carrier. Le Québec est à la recherche de nombreux réfugiés, donc quiconque parle français a...
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Je vous remercie d'être présents pour nous sensibiliser aux problèmes de la population irakienne. Par ailleurs, M. Hafed parlait des problèmes que les réfugiés rencontrent ici une fois qu'on les accepte. Ça prend aussi une capacité d'accueil pour recevoir des réfugiés. La solution n'est pas parfaite. Si on accepte plus de réfugiés, il faut pouvoir s'en occuper soi-même et non pas leur créer d'autres problèmes à leur arrivée.
    Nous deux, nous venons du Québec. Là aussi, on tente de bien accueillir les immigrés et les réfugiés afin de les intégrer à notre société. On fait beaucoup d'efforts de ce côté, mais ce n'est pas automatique. Prenons l'exemple des questions religieuses. Au Québec, il y avait une religion très majoritaire dont on a essayé de se départir dans le but d'accueillir des gens d'autres religions, d'être accueillants non seulement pour les catholiques, mais aussi pour les gens d'autres religions qu'on accueille dans notre pays. La solution n'est pas simple.
    Par contre, Mme Mohammed et Mme Al-Sewaidi nous parlaient des problèmes existants. Elles disaient que l'Irak est devenu une prison pour les femmes. C'est incroyable que l'intervention de la plus grande puissance au monde, qui est dans ce pays depuis cinq ans, ait créé une telle situation.
    Je suis d'un parti politique qui préconise davantage les actions humanitaires et diplomatiques sur place plutôt que l'invasion armée, qui ne règle pas les conflits. Je me demande ce que vous pensez des efforts du Canada dans le but d'apporter une aide humanitaire aux réfugiés sur place. Il me semble que la meilleure solution pour les Irakiens serait de pouvoir vivre dans leur pays, de pouvoir se recréer une vie harmonieuse dans leur propre pays, plutôt que d'être obligés de partir à l'extérieur, sur un autre continent. Souhaitez-vous aussi qu'on accentue nos efforts d'aide sur place au lieu d'accueillir davantage de gens pour qu'ils sortent du pays?

  (1225)  

[Traduction]

    Je crois que le Canada devrait travailler sur les deux fronts. En ce moment, il faut aider les réfugiés irakiens dans les pays voisins, surtout la Syrie et la Jordanie, qui sont les plus durement touchés. La Turquie et le Yémen, je crois, le sont moins, mais ils accueillent tout de même des réfugiés.
    Il faut les aider parce que la Syrie et la Jordanie disposent de ressources très limitées. On y compte plus de quatre millions de personnes qui ont besoin de l'assistance du Canada, à tout le moins. Voilà ce qu'il faut faire, d'une part.
    De l'autre, je crois qu'il faut réduire le fardeau que font peser les nouveaux arrivants sur la société canadienne. Je pense que la moindre des choses est de permettre le parrainage familial cette année. La Madaean Canadian Community Association est disposée à vous transmettre la liste des familles au Canada qui sont prêtes à prendre en charge leurs parents arrivant au pays, et je crois que les autres communautés sont dans la même situation.
    De cette façon, ces gens ne seront pas un poids additionnel pour le Canada. Beaucoup de ceux qui n'ont eu d'autre choix que de fuir l'Irak sont instruits; donc, à leur arrivée, ils veulent travailler et se faire une place dans la société.
    Je dirais donc qu'on peut faire les deux: suppléer aux ressources limitées pour aider les réfugiés, tout en acceptant que des familles au Canada parrainent leurs parents et les aident à s'intégrer à la société. Nous respecterions ainsi notre engagement d'aider d'autres pays — un pays merveilleux comme le Canada.
    Merci.

[Français]

    Quelqu'un voudrait peut-être donner une autre réponse.

[Traduction]

    Oui, j'aimerais revenir à l'intervention non militaire du Canada et à la question de savoir s'il devrait fournir une aide humanitaire aux Irakiens.
    Nous avons dit à d'autres gouvernements, y compris celui de la Suède, que ce qu'il fallait maintenant, c'était une intervention civile. On doit s'assurer que le gouvernement irakien rend des comptes, garder l'oeil ouvert et surveiller de près la façon dont il traite le peuple.
    Par exemple, il faut inspecter les prisons irakiennes; ne pas aider financièrement le gouvernement s'il ne respecte pas les droits de la personne et s'il n'adopte pas des lois stipulant que les femmes sont égales aux hommes, qu'elles sont des êtres humains à part entière. On doit également appuyer les institutions civiles, parce qu'elles sont les forces vives porteuses d'espoir pour les Irakiens.
    Malheureusement, ce sont des groupes radicaux et fondamentalistes qui forment le gouvernement, qui tiennent les rênes du pouvoir. Toutefois, la solution pourrait venir de la société civile, mais celle-ci a besoin du soutien des gouvernements, de l'ACDI, qu'on ne voit pas encore beaucoup sur le terrain en Irak. On doit soutenir la société civile.
    Il faut dénoncer en permanence les violations des droits de la personne perpétrées par le gouvernement, notamment celles permises par la constitution, qui stipule que les femmes et les autres minorités sont inférieures en droit. C'est là qu'une intervention civile est nécessaire.
    On pourrait en parler davantage, peut-être au cours d'une autre séance. Nous invitons le gouvernement canadien à engager un dialogue avec la communauté irakienne sur les modalités d'une telle intervention.
    Passons maintenant à M. Komarnicki.
    Merci, monsieur le président. Je suis conscient de l'heure qu'il est, alors je ne vais pas poser de question, mais plutôt conclure par quelques observations.
    J'ai bien apprécié vos témoignages. Vous dites vouloir que le Canada prenne l'initiative dans ce dossier. Il faut beaucoup de compassion, ça ne fait aucun doute.
    Mariam dit que c'est très déchirant de voir ce qui se passe sur le terrain. C'est très important d'avoir accès à un logement, à de la nourriture et à de l'eau.
    Je sais que le Canada fait sa part de travail humanitaire. De tous les pays, il accepte environ un réfugié sur dix. C'est non négligeable, mais il faut faire davantage. En outre, nous aidons financièrement les pays où se réfugient des millions de personnes, et il faut continuer à le faire. Nous avons déjà donné plus de 400 millions de dollars.
    Comme Jalal Saeed l'a dit, il faut aider à tous les niveaux, mais comment? Quelle est la méthode la plus efficace? Je prends cette question à coeur, bien sûr. Je remercie Yanar de nous avoir parlé de la situation des femmes en Irak et du traitement inhumain qu'elles y subissent. Il est essentiel de tenir compte de tous ces éléments dans l'élaboration de notre stratégie. Il faut probablement regarder le problème sous plusieurs angles, ne pas se limiter à un seul.
    Le Canada en fait déjà beaucoup, et la ministre a en outre indiqué qu'elle allait accepter davantage de réfugiés irakiens, soit 1 800 ou 2 000 — plus du double. Je comprends le point de vue de Jalal. Il veut que nous allions plus loin encore. C'est le genre de choses qu'il faut prendre en considération au moment de déterminer quelle approche nous permettrait d'obtenir les meilleurs résultats.
    Les réfugiés se comptent par millions, alors en aider quelques milliers, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Il faut tenir compte de tout ça.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître et d'avoir présenté des témoignages percutants. C'est évidemment une question très douloureuse, et je suis ravi d'avoir pu entendre ceux qui ont vu ce qui se passe sur place.
    Merci beaucoup.

  (1230)  

    Nous allons maintenant conclure.
    J'aimerais encore une fois vous remercier tous, au nom du comité, d'être venus témoigner. Je n'ai rien à ajouter, sinon qu'il est dans l'intérêt stratégique de tous les pays d'apaiser le plus possible les tensions dans cette région du monde pour assurer la stabilité. Nous savons que la Syrie et la Jordanie s'inquiètent du nombre de réfugiés irakiens sur leur territoire, et qu'elles ont donc pratiquement fermé leurs frontières.
    Nous vous remercions d'avoir comparu. Nous poursuivrons nos audiences ailleurs au Canada.
    Nous reprendrons nos travaux à 13 heures, pour étudier la situation des travailleurs sans papiers et des travailleurs étrangers temporaires.
    La séance est levée.