Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 029 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. La séance est ouverte. Bienvenue à tous ceux ici aujourd'hui alors que nous poursuivons nos réunions à travers le pays.

[Français]

    Je remercie M. Luc Harvey et Mme Raymonde Folco d'être présents parmi nous aujourd'hui. Je remercie également les députés du Bloc québécois qui ont assisté à toutes nos réunions.

[Traduction]

    Merci. Si vous n'avez pas compris, bienvenue à Luc Harvey et à Mme Folco à notre réunion d'aujourd'hui.
    À titre d'information pour nos témoins, nous constituons le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous avons été chargés de tenir des réunions sur trois thèmes: les travailleurs sans papiers et les travailleurs étrangers temporaires, les consultants en immigration et les réfugiés irakiens.
    Nous tiendrons des réunions dans presque toutes les provinces et les terminerons la semaine prochaine à St. John's, Terre-Neuve. Quand nous aurons fini, nous aurons entendu 50 groupes de témoins, comme le vôtre, qui auront présenté leurs points de vue sur l'un de ces sujets ou sur tous les trois. Ensuite, nos greffiers et nos attachés de recherche prépareront, bien sûr, un rapport qui sera présenté à la Chambre des communes.
    Nous accordons une grande importance à vos points de vue. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Bienvenue aux témoins Sylvie Gravel, professeure, Santé et sécurité au travail, École de gestion, Université du Québec à Montréal et Félicien Ngankoy de la Communauté catholique congolaise de Montréal. Bienvenue. Je pense qu'un autre témoin, Solidarité sans frontières, arrivera un peu plus tard.
    Vous avez environ sept minutes pour faire votre déclaration préliminaire, si vous le souhaitez, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Vous pouvez commencer quand vous voulez.
    Allez-y, madame Gravel.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée. Ce matin, je vais vous présenter mes travaux et la réflexion que j'ai préparée pour ce comité. Pour respecter le temps qui m'est imparti, je vais suivre fidèlement mon texte.
     En tant que spécialiste des lésions professionnelles et de l'accès à l'indemnisation chez les travailleurs immigrants, je voudrais attirer l'attention des membres de ce comité sur les accidents et les maladies professionnelles chez les travailleurs immigrants. Quand je parle de lésions professionnelles, ça inclut les accidents et la maladie.
    Depuis les années 1970, maints travaux européens et nord-américains ont documenté deux problèmes importants chez les travailleurs immigrants: la surexposition aux lésions professionnelles et la sous-déclaration des lésions pour des demandes d'indemnisation.
    Dans plusieurs pays importateurs de main-d' oeuvre transnationale, dont la France, l'Allemagne, la Suède, l'Australie et les États-Unis, on estime que chez les travailleurs immigrants, le risque relatif d'être victime d'une lésion professionnelle est de deux à trois fois plus élevé que chez les travailleurs nationaux. Il s'agit ici d'études épidémiologiques. De plus, les lésions sont généralement plus graves et irréversibles. En effet, les taux de cancer des voies respiratoires, les brûlures de tout genre, soit aux yeux, aux muqueuses et aux mains, les amputations des extrémités, c'est-à-dire des doigts et des mains, et les décès par homicide sont beaucoup plus fréquents chez les travailleurs immigrants, et ce, sans égard à leur statut, soit permanent, temporaire ou sans papiers, ou à la durée de leur séjour au Canada.
    Les causes de cette surexposition sont nombreuses et se conjuguent. Il y a les causes structurelles liées au marché de l'emploi et aux entreprises et les causes personnelles. Les causes structurelles incluent les emplois disponibles pour les travailleurs immigrants en quête d'un travail leur permettant de s'insérer économiquement. Ils sont majoritairement dans des secteurs industriels où les conditions de travail sont précaires, le taux de roulement du personnel important et les risques de blessure très élevés. Il s'agit entre autres des secteurs de l'agriculture, de la construction, de la manutention et des services. Par exemple, dans le secteur de la culture maraîchère, l'exposition aux pesticides et aux insecticides est associée aux cancers et aux brûlures. Dans le secteur agricole, l'exposition aux machines coupantes, tranchantes, entraîne des amputations. Dans le secteur des services, les services de nuit comportant de la manipulation d'argent, par exemple dans les stations-service ou les haltes routières, sont des secteurs où les risques d'agression physique et d'homicide sont élevés.
    Bien que dans ces secteurs d'emploi les risques relatifs à la santé et à la sécurité au travail soient connus, peu de programmes de formation, voire aucun, sont offerts systématiquement. Les entreprises de ces secteurs, à cause de leur petite taille, ne sont pas nécessairement assujetties au contrôle des services de surveillance de la santé et de la sécurité au travail. Les travailleurs de ces secteurs sont rarement regroupés en association ou syndiqués, alors que ces associations ont le pouvoir d'influencer la mise en vigueur et le respect des mesures de santé et de sécurité au travail.
    Lorsque l'entreprise dispose d'une infrastructure pour initier systématiquement ses nouveaux travailleurs et former en cours d'emploi toute sa main-d'oeuvre aux nouveaux procédés ou aux nouvelles mesures de santé et sécurité au travail, l'exposition aux risques diminue en général grandement. Toutefois, rares sont les entreprises qui adaptent leur formation aux habiletés linguistiques de leurs travailleurs immigrants ou allophones.
    Généralement, les formations, les consignes de sécurité sont données dans la langue ou les langues officielles du pays. Mais lors d'une mesure d'urgence, le stress, le mouvement et la confusion diminuent la capacité de compréhension des gens en général, et des allophones de surcroît. Les travailleurs immigrants qui maîtrisent le mieux les consignes de sécurité sont ceux qui ont été initiés par leurs compatriotes dans leur langue maternelle.
    Parmi les autres causes personnelles qui expliquent la surexposition des travailleurs immigrants, il y a leur niveau d'éducation. On retrouve deux catégories de travailleurs: ceux qui sont sous-scolarisés et qui proviennent de pays où les mesures de santé et sécurité au travail sont quasi inexistantes ou simplement ignorées; ceux qui sont issus de milieux très scolarisés et qui proviennent de pays en développement ou non, qui sont formés pour exercer des professions libérales, c'est-à-dire les médecins, ingénieurs, etc., et qui acceptent des emplois de manutentionnaires pour survivre économiquement. Ces travailleurs surqualifiés s'exposent davantage aux lésions professionnelles parce qu'ils n'ont pas développé d'habiletés pour exécuter des tâches de manutention exigeantes en termes d'efforts physiques ou de mouvements répétitifs.
    Toutes ces études auxquelles nous faisons référence ici n'ont pas distingué les travailleurs selon leur statut. Toutefois, les secteurs d'emploi où se concentrent les risques de lésion grave et irréversible sont les secteurs où il manque chroniquement de main-d'oeuvre et où l'on embauche des travailleurs saisonniers venus du Sud, des travailleurs immigrés récemment ou des travailleurs sans papiers.

  (0910)  

    En général, ces travailleurs connaissent tous, au cours d'une année, un épisode de lésion, mais ils ne déclarent celle-ci que rarement.
     Tout comme pour la surexposition aux lésions professionnelles, la sous-déclaration des lésions chez les travailleurs immigrants s'explique par des causes structurelles et personnelles.
    Les études sur l'accès à l'indemnisation, qui ont été davantage réalisées au cours des 10 dernières années, démontrent qu'un système de barrières fait obstacle à l'accès aux systèmes d'indemnisation. Ces obstacles surviennent aux différentes étapes du processus: lorsque l'événement se produit, c'est-à-dire l'accident, ou que les symptômes de la maladie apparaissent, le milieu de travail n'encourage pas le travailleur blessé ou souffrant d'une maladie d'origine professionnelle à déclarer sa situation et à réclamer des indemnités; lorsque le travailleur amorce les démarches de réclamation, les médecins traitants, le syndicat, les services administratifs de l'indemnisation sont autant d'acteurs nécessaires et incontournables du processus, mais qui peuvent, par inadvertance ou négligence, freiner ou bloquer les démarches; lors de la réintégration au travail, le travailleur ayant obtenu des indemnités, idéalement, peut réintégrer son travail, mais plusieurs peuvent se voir refuser leur poste, leurs tâches et même être congédiés.
    Les craintes de représailles de la part des employeurs incitent les travailleurs immigrants à ne pas déclarer ces lésions. Dans certains secteurs, dont celui de l'hôtellerie à San Francisco, la très grande majorité des travailleurs, soit 97 p. 100, ont connu une lésion professionnelle au cours de l'année, et aucun n'a fait de réclamation. Ces travailleurs, d'origine hispanophone ou asiatique pour la plupart, craignaient les représailles, et ce même si, dans certaines communautés, des services cliniques sont consentis à la communauté pour que ces travailleurs puissent avoir droit à des consultations et déclarer leurs lésions.
    Les travailleurs immigrants ont peur de perdre leur droit à la citoyenneté, leur droit de parrainage et celui à la résidence. Ces craintes ne sont pas fondées et reposent sur l'ignorance de leurs droits de travailleurs et de citoyens.
     Tous les travailleurs bas salariés, immigrants ou non, craignent les pertes financières encourues par le temps d'arrêt de travail, les coûts de procédure de l'indemnisation et, surtout, les frais juridiques lorsque l'employeur conteste leur droit aux prestations. Ces craintes d'appauvrissement sont malheureusement fondées, puisque 40 p. 100 des travailleurs ont une perte de revenu substantielle liée au délai de carence.
    Tous ces travaux menés auprès des travailleurs immigrants ont été réalisés sans égard à leur statut, à cause des données. Au Canada, comme dans bien d'autres pays, il est impossible de réaliser une étude spécifiant le statut des travailleurs, puisque les fichiers de santé et sécurité au travail ne consignent aucune information sur l'origine des travailleurs, la langue maternelle ou le statut. Les données sont généralement obtenues par des sources indirectes. Ici, on parle de croisement entre des lésions et les dossiers médicaux.
    Que doit-on penser de la condition des travailleurs admis par l'intermédiaire des programmes canadiens de travailleurs temporaires? Présentement, les secteurs industriels bénéficiant des ententes bilatérales pour l'immigration temporaire des travailleurs sont justement des secteurs reconnus pour être à haut risque de lésion professionnelle: le secteur agricole, par les ententes bilatérales entre le Québec et le Mexique, ainsi que le secteur manufacturier et de la manutention, par les ententes bilatérales entre le Canada et le Salvador.
    Malgré ce large mouvement pour l'immigration temporaire, bon nombre de questions ne semblent pas avoir actuellement de réponses claires. Quelle est la couverture en santé et sécurité au travail de ces travailleurs temporaires? Ont-ils les mêmes droits que les travailleurs réguliers, au chapitre des soins, des indemnités, de la réadaptation et de la réinsertion au travail, au cours de leur séjour et pour les années à venir? Qui les initie aux mesures de santé et de sécurité au travail?

  (0915)  

    Madame, je vais vous demander de conclure rapidement.
    Je pense que les membres du comité devraient se poser des questions sur les conséquences d'un traitement inégal ou inéquitable des travailleurs immigrants temporaires sur les conditions de santé et sécurité au travail de la main-d'oeuvre en général. Quelle est la responsabilité, en matière de santé et sécurité au travail, des entreprises ou des secteurs industriels qui ont accès à cette main-d'oeuvre? Quelles sont les instances responsables du respect des normes de santé et sécurité dans ces secteurs, si les instances sont de compétence provinciale et les programmes d'immigration de compétence fédérale? Quelles instances assureront la surveillance épidémiologique de la santé des travailleurs immigrants temporaires?
     Rappelons que la santé et sécurité au travail est un fleuron de notre démocratie et qu'elle assure la santé, la sécurité et la dignité des travailleurs. Je pense que traiter les travailleurs temporaires différemment serait une atteinte à notre démocratie.
    Merci beaucoup, madame Gravel. Vous aurez l'occasion, lors de la période des questions et commentaires, d'ajouter les parties de votre présentation que vous n'avez pas eu le temps de présenter.
    Madame Folco, c'est à vous.
    Je voudrais dire une chose à Mme Gravel par votre entremise, monsieur le greffier. Compte tenu du fait qu'elle n'a pas eu le temps de lire tout son texte et que le texte est en français seulement, elle pourrait le faire parvenir à notre président. Je pense qu'on pourra le faire traduire et le distribuer aux membres du comité.
    Vous avez soulevé un bon point, madame Folco.
    Monsieur Ngankoy, vous avez sept minutes.
    Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, je tiens à vous remercier de l'honneur et de l'occasion que vous m'offrez de témoigner aujourd'hui sur la question des travailleurs sans papiers.
    Pour votre information, je me nomme Félicien Ngankoy et je suis originaire de la République démocratique du Congo. Je me suis marié au Canada et je suis également père de deux enfants qui sont nés ici. Je suis un des leaders et membre de la Communauté catholique congolaise de Montréal. Mais aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de mon expérience personnelle en tant que travailleur sans papiers au Canada.
    Je suis arrivé au Canada le 29 septembre 1999, et ce n'est que quelques années plus tard que ma demande d'asile sera entendue devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, soit en septembre 2002. J'écrivis personnellement au président de la commission dans le but de lui exprimer mon inquiétude à la suite du délai. Il ne me répondra que pour m'exprimer ses regrets. Ce n'est qu'en juillet 2004 que je recevrai une décision négative de la commission m'expliquant que j'étais exclu sur la base de l'article 1F) de la loi sur l'immigration.
    Après plusieurs démarches vaines, j'introduisis une demande d’examen des risques avant renvoi qui sera rejetée en septembre 2005. Grâce à la demande de contrôle judiciaire qui m'avait été accordée par la Cour fédérale en novembre 2005, j'ai pu obtenir un sursis de renvoi vers mon pays, qui est d'ailleurs sous moratoire pour le simple raison que celui-ci ne s'applique pas à mon cas.
    Nous avons présenté une deuxième demande d’examen des risques avant renvoi et une dispense de visa pour des considérations humanitaires basée sur le fait que j'étais marié et également père de deux enfants au Canada. J'ai présenté une preuve de revenus, du soutien de mon employeur, l'archevêché de Montréal, et de plusieurs organismes dont la Croix-Rouge, où je suis bénévole. Nous avons même ajouté une décision d'un juge anglais suspendant tout renvoi vers la République démocratique du Congo à cause de l'insécurité et des tortures. Malgré toutes ces preuves, ma demande sera rejetée en décembre 2007. Je pourrais incessamment être renvoyé dans mon pays.
    Si je peux encore parler devant vous aujourd'hui, c'est grâce à un sursis obtenu grâce à l'intervention du Comité des droits de l'homme de l'ONU, qui estime que mon renvoi vers le Congo est risqué, et parce que le Canada reconnaît l'insécurité généralisée qui règne au Congo en maintenant le moratoire sur les déportations dans ce pays. Le ministère des Affaires étrangères déconseille aux Canadiens, dans son site Web, de se rendre au Congo à cause de l'insécurité qui y règne.
    Je vais maintenant parler de mon expérience en tant que travailleur sans papiers. J'ai fait des études universitaires et je suis détenteur d'une licence en droit de mon pays, mais mon diplôme n'est pas reconnu ici. Je ne peux donc pas étudier ni travailler, vu que je suis dans l'incapacité de faire des équivalences simplement parce que je n'ai pas les moyens d'étudier en tant qu'étudiant étranger.
    Soulignons que j'ai commencé à travailler trois mois après mon arrivée au Canada en 1999, entre autres dans une usine, en faisant du télémarketing, et j'en passe. Limité par l'absence de statut, je dois chaque année renouveler mon permis de travail, et rien n'est certain. Je suis compétent et capable de faire mieux pour ma famille, mais ayant les mains et les pieds liés, je suis obligé de travailler afin de pouvoir m'occuper de ma petite famille. Quand bien même mes enfants sont nés ici, ils ne jouissent pas des tous les droits, avantages et privilèges que ceux dont bénéficient les autres enfants, simplement parce que je suis sans statut. Mes enfants sont sans doute des Canadiens de seconde zone.
    Nous sommes bloqués partout. Je n'ai aucun plan d'avenir et je ne peux pas me permettre d'avoir des projets, car je ne sais pas si je serai encore ici demain. Il n'y a aucune façon de vous décrire comment je me sens. Je ne suis qu'un survivant parmi tant d'autres qui croisent les doigts dans l'espoir qu'un jour le gouvernement canadien se rendra compte que notre situation est inhumaine, pour qu'enfin on voie le bout du tunnel, après avoir passé tant d'années à broyer du noir.
    Nous sommes angoissés à l'idée de penser qu'on puisse tomber malades, car le papier de soins de santé intérimaire ne couvre pas tous les soins. Nous vivons dans le stress lié à notre condition de sans-papiers et nous finissons par craquer en tombant malades. C'est ce qui m'est arrivé personnellement. J'ai été hospitalisé durant deux mois, dont deux semaines aux soins intensifs dans le coma à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, en avril et mai 2007. J'allais mourir et abandonner à leur triste sort mon épouse et mes deux enfants. Mais gloire à Dieu, je suis encore vivant aujourd'hui.

  (0920)  

    Je viens de mettre en lumière la situation que vivent plusieurs travailleurs sans statut, moi-même y compris. Il en résulte que la vie de toutes ces personnes vivant au Canada est en suspens et sans perspectives certaines d'accéder à une résidence permanente. Dans mon cas, seulement deux options s'offrent à moi: celle d'accepter de retourner chez moi, être arrêté et peut-être me faire tuer ou celle de rester ici sans statut et mourir à petit feu. Ceux qui comme moi se trouvent dans un vide juridique vivent des conséquences dramatiques et pénibles: leurs perspectives en matière d'emploi sont précaires et restreintes; ils ne peuvent pas aller à l'école et poursuivre leur formation; ils sont inadmissibles à des prestations fiscales canadiennes pour enfants, même s'ils travaillent et paient des impôts comme tous les citoyens; ils n'ont accès qu'aux soins de santé urgents; ils ne peuvent voyager à l'extérieur du Canada; et ils luttent contre de grands sentiments d'injustice, de désespoir et d'impuissance. Tous ces cas soulignent les besoins plus criants que jamais d'une solution globale.
    Voici quelques recommandations: demander au gouvernement du Canada de créer une catégorie réglementaire qui accorderait la résidence permanente à tous les travailleurs sans statut qui vivent au Canada depuis au moins trois ans, en clarifiant des critères spécifiques tels que le manque d'antécédents criminels et le degré d'intégration dans la communauté d'accueil; améliorer la formation des agents d'Immigration Canada et des services frontaliers pour leur permettre de mieux saisir les enjeux internationaux des phénomènes migratoires et des questions des réfugiés, afin d'éviter des décisions très souvent contestables; prévoir des moyens pour la mise en oeuvre de la Section d'appel des réfugiés comme le prévoit la Loi sur l'immigration; le gouvernement du Canada finance plusieurs programmes pour aller chercher la main-d'oeuvre et des immigrants ailleurs, pourtant, une bonne partie de la main-d'oeuvre est déjà ici dans ces murs, travaille déjà et participe par ses impôts au développement socioéconomique du Canada et ne demande qu'à être reconnue; permettre aux enfants canadiens, si possible, de parrainer leurs parents travailleurs sans statut qui sont ici et qui travaillent depuis au moins trois ans, car le droit canadien reconnaît l'intérêt supérieur de ces enfants de vivre et de grandir entourés de leurs parents.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci, monsieur Ngankoy.
    On va passer aux questions.
    Monsieur Telegdi, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je partagerai mon temps avec Mme Folco.
    Merci beaucoup d'être venus.
    Professeure Gravel, hier, nous avons entendu le témoignage d'une professeure de l'Université York sur la question des travailleurs sans papiers. Au lieu de les appeler des sans-papiers, ce qui fait penser à tous les Mexicains qui entrent aux États-Unis sans statut, elle a dit que dans le cas du Canada la plupart sont en situation précaire; la plupart des travailleurs sans papiers entrent légalement au Canada et dépassent la période prévue dans leur visa ou se débrouillent autrement. Ils sont très peu nombreux.
    Il y a longtemps que je parle de la question des travailleurs sans papiers, mais le témoignage de cette professeure nous a vraiment permis de porter un nouveau regard sur cette question car certains peuvent penser que les « sans-papiers » dans notre pays pourraient être des terroristes ou des personnes qui n'ont jamais reçu l'autorisation d'entrer au Canada. C'est l'impression que peut donner ce terme. À mon avis, lorsqu'on dit d'une personne que sa situation au chapitre de l'immigration est précaire ou que son visa est arrivé à terme, cette personne me semble moins menaçante que si on la qualifiait de sans-papiers. Il y a des années que je parle des travailleurs sans papiers, mais j'ai trouvé ce point de vue intéressant.
    Je conviens que les personnes sans papiers sont dans une situation terrible. Je pense qu'il serait préférable de les régulariser au moyen d'un processus de régularisation pour les sortir de l'ombre et les inclure dans la société canadienne.
    C'est ce que je voulais dire; vous pouvez faire un commentaire, puis je céderai la parole à Mme Folco.

  (0925)  

[Français]

    Je voudrais d'abord préciser que la majorité des études auxquelles je fais référence et celles que j'ai menées moi-même portent sur les travailleurs avec papiers. On n'y parle pas des travailleurs sans papiers. Notre échantillon en comportait très peu. Les travailleurs sont très réticents et soupçonneux à l'idée de participer à des études qui portent sur les lésions professionnelles, car même avec des papiers, ils sont dans une situation précaire.
    La dernière étude que j'ai menée ne parlait que d'un seul de ces travailleurs, et nous l'avons perdu en cours d'étude parce qu'il est retourné chez lui à la suite d'une lésion non indemnisée et non reconnue alors que normalement, les commissions de santé et de sécurité au travail reconnaissent tous les travailleurs, sans égard à leur statut. Certains travailleurs temporaires et permanents sont ici depuis 10, 12 et 15 ans. Leur condition de santé et sécurité au travail les surexpose à des lésions et ils sous-déclarent celles-ci.
    Je pense que le problème est beaucoup plus large que les travailleurs sans papiers. En permettant de façon massive l'immigration temporaire, on est en train, encore et davantage, de fragiliser la santé et la sécurité des travailleurs immigrants. Ces travailleurs n'auront pas de levier ni d'association pour faire respecter leurs droits. Ils oeuvrent dans des secteurs industriels qui ne sont pas nécessairement surveillés par les inspecteurs de santé et sécurité au travail. On fragilise l'état de santé des travailleurs en général parce qu'on va introduire ici une main-d'oeuvre qui, en raison de son roulement, ne pourra pas revendiquer la stabilité et le respect des normes. C'est ce qui est préoccupant.
    Les problèmes des travailleurs immigrants aux États-Unis concernent surtout la communauté hispanophone de ce pays. Le taux de cancer, entre autres le cancer des voies respiratoires, est de 20 fois supérieur chez les travailleurs agricoles que dans la population en général. Ces travailleurs reviennent année après année. Ils sont peut-être sans statut, mais ils constituent une main-d'oeuvre relativement stable dans ce secteur. C'est ce que nos ententes bilatérales sont en train de créer. On a une main-d'oeuvre temporaire qui revient année par année et c'est tant mieux pour les entreprises agricoles. Toutefois, quelle est la situation de ces gens? Personne ne fait la surveillance épidémiologique de leur état de santé. C'est préoccupant parce que ces gens sont surexposés.
    Notre pays, dont la croissance démographique et économique s'appuient en partie sur la main-d'oeuvre étrangère, fait face à un sérieux problème éthique. On va également faire face à un problème de cette nature à l'égard de tous les autres travailleurs qui demeurent dans ces secteurs et qui ne sont pas des immigrants temporaires ni des immigrants tout court. Dans certaines régions au Canada, ce phénomène prend une telle expansion que ça en devient sérieusement inquiétant, même sur le plan social.

  (0930)  

    Madame Folco, il vous reste une minute quinze secondes.
    Je vais passer mon tour. Aurai-je droit à cinq minutes la prochaine fois?
    Vous aurez trois minutes au deuxième tour.
    Mme Raymonde Folco: Deux minutes quinze secondes.
    Le vice-président (M. Thierry St-Cyr): Je reporterai votre minute à vos trois minutes lors du prochain tour.
    Monsieur Carrier.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis touché par le témoignage de M. Ngankoy sur la situation des travailleurs temporaires qui deviennent des travailleurs sans papiers. Depuis le début de notre tournée, on a grandement été sensibilisés à l'exploitation dont ces gens font l'objet. Ils sont sans défense et dans l'ignorance de leurs droits. C'est inquiétant. Il faudrait tout un changement de cap au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
    Lors de la première séance du comité à laquelle j'ai participé, en octobre ou en novembre, la ministre se glorifiait du fait qu'elle avait augmenté le nombre de travailleurs sans papiers. C'était sa grande satisfaction. On voit maintenant que c'est s'engouffrer davantage dans d'autres problèmes. On travaillera dans le but de régulariser la situation de ces gens au plus tôt, bien que cela représente tout un travail, tout un changement qu'il est important d'apporter au ministère.
    Entre-temps, je vais m'adresser à Mme Gravel, qui a étudié la situation actuelle. Celle-ci existe et durera encore plusieurs années avant que le ministère la rééquilibre. Les travailleurs ne sont pas au courant qu'ils ont droit à un travail sécuritaire. Vous avez sûrement étudié la situation au Québec, où il y a la Commission de la santé et de la sécurité au travail. Qu'est-ce qui manque dans tout cela? C'est le gouvernement fédéral qui accorde le permis de travail, mais les travailleurs sont assujettis aux normes du travail du Québec ou de la province où ils travaillent. Que manque-t-il pour que ces gens soient bien informés de leurs droits et qu'ils soient traités correctement?
    Il y a plusieurs acteurs en santé et sécurité au travail: l'entreprise, le syndicat, les [Note de la rédaction: difficultés techniques] quand il y a des [Note de la rédaction: difficultés techniques] et la CSST. Chacun est partiellement responsable d'informer un travailleur. Il ne faut pas perdre de vue que lorsqu'un travailleur arrive, comme monsieur, et qu'il est en quête d'un emploi par assurer sa survie économique, sa priorité est évidemment de trouver un emploi, sans égard à ces conditions. Ce sont souvent de très petits milieux où il n'y a ni syndicat ni association de travailleurs. Les travailleurs sont donc un peu laissés à eux-mêmes et ils apprennent leurs droits en termes de santé et sécurité au travail au gré des événements. L'employeur ne le fait pas nécessairement. Ce sont les très grandes entreprises qui ont des règles et une conformité aux normes de santé et de sécurité, alors que les petites entreprises peuvent facilement déroger à ces règles pour des questions de concurrence, de marché, de survie, de production, etc.
    Dans les milieux de travail, il faut penser que c'est souvent le médecin traitant qui est la porte d'entrée à l'indemnisation et aux soins des travailleurs immigrants. Les travailleurs étrangers n'ont pas de médecin traitant. Ils entrent dans le système de santé par l'urgence et passent d'un médecin à l'autre avec des diagnostics parfois incohérents. Chaque acteur a une part de responsabilité. On ne peut pas présumer que les travailleurs immigrants doivent faire un effort supplémentaire.
    Vous décrivez la situation actuelle dans les détails, c'est bien, mais que recommandez-vous? Que devrait-on améliorer? Le gouvernement provincial, le ministère du Travail de chacune des provinces devrait-il assurer un suivi, puisqu'il est informé des travailleurs temporaires autorisés sur son territoire? Devrait-il s'assurer que ces gens connaissent leurs droits et qu'ils peuvent revendiquer de bonnes conditions de travail comme tous nos travailleurs? Ceux-ci, d'ailleurs, sont quand même informés de leurs droits et ne se laissent pas exploiter, en général, même s'ils travaillent pour de petites entreprises. Si personne ne prend en charge ceux qui ne sont au courant de rien, comme les travailleurs étrangers, et ne leur résume leurs droits, à qui vont-ils s'adresser en cas de problème? C'est pourquoi je voudrais savoir si vous avez une recommandation à faire pour améliorer ce système.

  (0935)  

    Je pense que les commissions de santé et de sécurité au travail sont partiellement responsables de s'assurer que tous les travailleurs ont accès à l'information et sont au courant de leurs droits. Il devrait y avoir une surveillance accrue dans les secteurs qui embauchent majoritairement des travailleurs immigrants, qu'ils soient temporaires ou permanents. Il devrait aussi y avoir un soutien de la part des organismes communautaires pour leur faire comprendre leurs droits et, à la limite, pour les traduire dans leur langue et traduire les étapes à suivre en cas de besoin.
    Si le Canada ouvre massivement ses programmes à l'immigration temporaire, il devra au moins y avoir une surveillance de l'état de santé de ces gens. S'ils se blessent, il faudra savoir dans quelles circonstances cela s'est produit et comment ils sont pris en charge sur le plan de la santé à la suite de leur lésion professionnelle.
    Je voudrais revenir à M. Ngankoy. Vous préconisez que les gens qui sont ici depuis quelques années puissent faire une demande de résidence permanente en tenant compte de leur expérience et du fait qu'ils n'ont pas de dossier criminel.
    Dans votre cas, était-ce une question de permis de travail temporaire qui vous amené ici ou était-ce à titre de réfugié? Je n'ai pas saisi, au début.
    Je suis arrivé ici à titre de réfugié.
    Pour quelle raison votre permis de résidence a-t-il été révoqué? Vous dites que vous êtes pratiquement dans l'illégalité, que vous êtes sans papiers. Si vous avez été accepté à titre de réfugié, y a-t-il eu une enquête, votre dossier a-t-il été révisé et a-t-on décidé que vous deviez repartir?
    En effet, je l'ai dit dans mon exposé. Ma demande d'asile a été refusée. J'ai fait ma demande quand je suis arrivé, en 1999. Elle a été étudiée en 2002. Cela a pris des mois. Je n'avais pas de nouvelle, j'ai dû moi-même écrire au président de la commission pour lui exprimer mon inquiétude. En 2004, c'est-à-dire quatre ans et demi après mon arrivée, la commission m'a fait part de sa réponse, qui était négative. On a fait des démarches, mais comme il n'y a pas vraiment d'appel...
    C'est ce qui manque.
    C'est ce qui manque. Quand je suis arrivé en 1999, l'ancienne loi était en vigueur. En principe, je devais avoir accès à deux ou trois commissaires. En 2002, la nouvelle loi avait été adoptée et j'ai comparu devant un seul commissaire. Quand on a décidé qu'il y avait un commissaire, on prévoyait une procédure d'appel. Il y avait une deuxième possibilité, on avait un appel. J'avais rencontré un commissaire, mais je n'ai pas eu droit à un appel. Cela a pris des années de procédures et j'ai fait des demandes, notamment pour l'examen des risques avant renvoi. J'ai déposé des documents prouvant l'insécurité qui régnait au Congo et sur le fait que présentement, le Congo est toujours sous moratoire pour des questions de sécurité. Le gouvernement canadien déconseille aux Canadiens de se rendre au Congo en raison de l'insécurité qui y règne, mais ma demande a été refusée...
    Vous avez répondu à la question de M. Carrier.
    Madame Chow, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Je remercie M. Ngankoy d'être ici aujourd'hui. Il est bon de vous voir en personne, devant nous et vous entendre parler de votre situation.
    Beaucoup de députés ne savent peut-être pas ce qui se passe au Congo. Je connais un peu la situation dans ce pays. Je suis certainement au courant des événements violents qui ont eu lieu au Congo.
    Si votre demande a été examinée par trois membres du conseil, et si elle doit l'être de nouveau, en se fondant sur la législation et les faits — dans le cas où il y avait une section d'appel des réfugiés approuvée par le Parlement, si la mise en oeuvre avait eu lieu — qu'auriez-vous dit à la section d'appel ou à une autre Commission de l'immigration et du statut de réfugié?
    Qu'auriez-vous dit sur la situation au Congo, ce qui s'est passé avant? Quelle est la raison pour laquelle un retour là-bas poserait un problème? Qu'auriez-vous dit — mis à part le fait qu'il y a neuf ans que vous êtes ici, vous avez travaillé, vous avez contribué, etc.? Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?

  (0940)  

[Français]

    Je vous remercie de votre question, madame Chow. C'est vrai, je considère que si j'avais eu la possibilité d'être entendu par deux ou trois commissaires, le résultat aurait été différent.
    Mon histoire est claire. Dans la décision du commissaire, j'ai constaté qu'il y avait des choses que je n'avais moi-même jamais dites à l'audience. Puisque la décision a été prise deux ans après l'audience, je me suis demandé s'il se rappelait encore de ce qui s'y était vraiment passé. En appel, j'allais avoir la possibilité de corriger ce qui était dans la décision.
    Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, le Congo est en guerre depuis 1994, depuis le génocide rwandais. La guerre au Congo est une conséquence de ce qui s'est passé au Rwanda, même si on ne parle pas beaucoup du Congo. Depuis 1998, avec l'arrivée de Kabila au pouvoir, la guerre continue encore à ce jour. On parle de plus 4,5 millions de morts au Congo. C'est plusieurs fois le nombre de morts lors du génocide rwandais, plusieurs fois le nombre de morts lors du tsunami et plusieurs fois le nombre de morts lors de catastrophes dont on parle souvent. Aujourd'hui encore, je lisais qu'il y a chaque jour pratiquement plus de 45 000 morts au Congo, et ce, pour différentes raisons: la maladie ou la guerre à l'Est. La guerre à l'Est continue encore aujourd'hui. Il est reconnu que la sécurité ne fonctionne pas au Congo aujourd'hui. D'ailleurs, c'est documenté.
    J'ai parlé de la formation des agents qui prennent des décisions pour l'immigration et les services frontaliers. Il serait important qu'ils soient informés de ce qui se passe dans ces pays avant de prendre des décisions. Déjà, dans mon cas, sur la décision, il était écrit « République dominicaine du Congo ». Quand j'ai vu cela, je me suis dit qu'il y avait déjà un problème. « République dominicaine du Congo » était inscrit sur la première page.

[Traduction]

    Mon Dieu.

[Français]

    En voyant cela, je me suis dit que celui qui avait pris cette décision avait un problème. Cette décision touchait l'avenir de toute une famille et de ceux qui sont derrière moi, pas seulement le mien. Vous me voyez ici, mais en tant qu'Africain, j'ai une grande famille derrière de moi. Cette décision ne concerne pas que moi. En prenant cette décision... Déjà, en première page, il était écrit « République dominicaine du Congo ». Je me suis dit qu'il y avait un problème.
    Je ne veux pas abuser de votre patience et de votre temps, mais je peux vous faire parvenir une copie de la décision. Vous la lirez et vous verrez qu'il y a des incohérences, même du côté des preuves. Dans des preuves, on disait que les gens qui sont allés au Congo et qui ont été refoulés par le gouvernement anglais ont été arrêtés et torturés. On a une décision d'un juge anglais qui a demandé de suspendre toute déportation vers le Congo. On a présenté cette décision, mais pour eux, ce n'était pas une preuve.
    C'est la situation, madame.

[Traduction]

    J'ai entendu parler de cas de centaines de jeunes garçons, des enfants qui se déplacent la nuit dans la partie nord du Congo pour trouver de la nourriture, un lieu sûr, etc. Il est difficile de croire que nous déporterions quelqu'un au Congo.
    Je n'ai vraiment pas beaucoup de questions à vous poser. Je tiens seulement à vous remercier d'être venu.
    J'ai seulement une question, si j'en ai encore le temps, pour la professeure. Les compétences fédérales et provinciales sont toujours un problème. La législation relative au travail relève évidemment de la province, du gouvernement du Québec. Des témoins précédents ont suggéré l'établissement d'une certaine coordination, d'un effort collectif, étant donné qu'aujourd'hui le gouvernement fédéral dit que ce doit être le gouvernement provincial et le gouvernement provincial dit que ce doit être le gouvernement fédéral. Par conséquent, personne ne visite les lieux de travail pour s'assurer que les travailleurs ne sont ni exploités ni maltraités.
    Quelle est, d'après vous, la meilleure solution, étant donné les conflits intergouvernementaux ou la lacune?

  (0945)  

[Français]

    Je pense que le gouvernement fédéral, qui va autoriser et promouvoir les programmes d'entrée des travailleurs temporaires, devrait conclure des ententes particulières avec les commissions de santé et sécurité au travail des provinces les plus concernées par l'arrivée d'une main-d'oeuvre temporaire importante. Ces ententes devraient porter sur la surveillance de l'application des normes de santé et sécurité au travail et sur le suivi de santé de ces travailleurs, en termes de lésions ou de maladies professionnelles.
    Lors d'une conférence à laquelle j'ai assisté le 12 mars dernier, des représentants de certaines provinces ont affirmé vouloir la majorité des travailleurs temporaires. On parle entre autres de l'Alberta et du Manitoba. Si ces provinces accueillent 500 000 ou 600 000 travailleurs temporaires, imaginez le déséquilibre que ça peut créer dans certains secteurs industriels. Je pense que dans une perspective citoyenne, il faudrait qu'il y ait un arrimage entre l'acceptation de la main-d'oeuvre temporaire, d'une part, et, d'autre part, la responsabilité de la santé et sécurité au travail, qui est du ressort des provinces.
    Un minimum d'arrimage doit se faire pour établir une cohérence entre le fait de faire venir de la main-d'oeuvre pour combler notre pénurie de travailleurs et pallier le vieillissement de ceux-ci, et celui de nous assurer de maintenir collectivement nos normes de santé et sécurité au travail. Le danger est que nous réduisions ces normes, comme ça s'est fait dans plusieurs pays européens.
    Merci, madame Gravel et monsieur Ngankoy. Je vous demanderais de faire parvenir vos documents au greffier pour qu'il les distribue à tous les membres du comité.
    Monsieur Harvey, vous disposez de sept minutes.
    Je tiens d'abord à vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je sais qu'habituellement, les dossiers concernant les communautés culturelles sont sensibles et suscitent beaucoup d'émotion. Je suis conscient de cette situation, d'autant plus que mon épouse est elle-même une immigrante. Elle a été donnée à une famille canadienne à l'âge de 11 ans. Je suis donc en mesure de savoir ce que peut représenter son cheminement et à quel point ce genre de situation, parce qu'elle touche la famille, est sensible. Je suis député depuis deux ans.
    Ma question s'adresse à M. Ngankoy.
    On parle de réfugiés politiques et je comprends très bien, pour avoir visité votre pays, la République démocratique du Congo, et rencontré personnellement M. Kabila, que les choses ne sont pas nécessairement évidentes là-bas. Comme vous le disiez, vous êtes ici depuis 1999. Votre demande fait donc l'objet d'examens, de réexamens, de contestations, et ainsi de suite depuis neuf ans.
    Dernièrement, une jeune femme âgée de 21 ans provenant de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, s'est présentée à mon bureau. Elle s'est déclarée réfugiée politique. Or, elle est tout sauf une réfugiée politique, et elle l'a elle-même admis. Elle s'est retrouvée enceinte d'un Québécois. Elle a déclaré ne pas vivre avec cette personne. À l'heure actuelle, elle a déjà donné naissance à son enfant. Elle demeure présentement à Québec et possède une carte d'assurance-maladie et une carte d'assurance sociale, notamment.
    Selon vous, quel genre de traitement devrait-on lui accorder?
    En fait, il y a de l'abus en ce qui concerne le statut de  réfugié politique. Je sais que ce n'est possiblement pas votre cas, mais les gens sont nombreux à recourir massivement à ce statut parce que c'est la façon facile de demander la résidence permanente au Canada.

  (0950)  

    Monsieur Harvey, je ne mets pas en cause votre intention, mais je trouve qu'il est vraiment délicat de poser ce genre de question à une personne qui est elle-même sans papiers, donc qui vit illégalement au Canada et prend des risques importants en comparaissant devant nous. Je souhaiterais que vous retiriez cette question. Posez-la à quelqu'un d'autre, mais pas à ce monsieur.
    Un instant. Madame Folco, je vous remercie de votre intervention, même si je considère qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. M. Harvey dispose de son temps comme il le veut.
    Monsieur Ngankoy, vous êtes libre de répondre ou de ne pas répondre, comme ça vous convient.
     Madame Gravel, qu'en pensez-vous?
    Je préfère m'abstenir. Je suis spécialiste en matière de santé et sécurité au travail et non de droit à l'immigration. Je trouve très mal élevé, surtout en ce qui concerne monsieur, qu'on pose une question touchant des gens arrivés ici dans des circonstances qui, bien que peut-être malheureuses, ne correspondent pas à des notions de droit expliquées dans la Convention de Genève. Compte tenu que je suis spécialiste en matière de santé et sécurité au travail, je peux parler des règles de droit et des lois qui régissent ce domaine au Québec et au Canada.
    D'accord. Madame Gravel, lorsque vous réalisez des études sur les entreprises qui engagent des travailleurs saisonniers, s'agit-il d'entreprises régies par une charte canadienne ou par une charte québécoise?
    Je n'ai jamais travaillé à des études portant sur les travailleurs saisonniers. Mes travaux portaient entre autres sur les gens ayant déposé des demandes d'indemnisation. Nous avons étudié de très près leur parcours à partir du moment où ils déposaient une requête à la CSST. Nos échantillons de travailleurs provenaient des cliniques médicales, des bureaux d'avocats et de la FATA, un organisme qui offre un service de défense aux travailleurs victimes de lésions professionnelles. Donc, nous n'avons pas eu recours à un champ particulier des secteurs industriels.
    Savez-vous si ces gens étaient couverts par une charte canadienne ou une charte québécoise? Qu'on le veuille ou non, il y a un Code du travail.
    Notre comité d'éthique a refusé que nous posions à ces personnes la moindre question sur leur statut.
    Qu'en est-il des entreprises qui les avaient engagées?
    Dans le domaine de la recherche, les comités d'éthique sont extrêmement sévères. Dans ce cas-ci, le comité considérait qu'il n'était pas pertinent de recueillir cette information pour les fins de la recherche, que ça pouvait porter préjudice aux individus concernés. Je suis liée au comité d'éthique qui chapeaute nos travaux.
    Êtes-vous d'accord sur cette décision?
    Oui.
    Vous êtes d'accord pour dire qu'on n'avait pas le droit de savoir pour quelle entreprise ou quel type d'entreprise...
    Ce n'était pas pertinent. L'objet de ma recherche consistait à savoir ce qui s'était produit au cours des 12 mois suivant la lésion professionnelle, soit à partir du moment où ces personnes s'étaient blessées. Je n'avais pas à tenir compte de ce qu'était leur statut avant que survienne la lésion. Nous voulions seulement savoir si gens étaient nés au Canada ou à l'étranger. En épidémiologie, on utilise des groupes contrôle. Nous demandions aux travailleurs non canadiens depuis combien de temps ils étaient au Canada, de façon à pouvoir déterminer dans quelle mesure le fait qu'ils connaissent leurs droits de citoyen et de travailleur depuis leur arrivée avait un effet.
    Madame Gravel, vous savez qu'au Canada, le fédéral et les provinces ont chacun leur Code du travail. S'il s'agit d'entreprises régies par une charte provinciale, c'est vraiment à la province qu'incombe cette responsabilité. Dans le cas du Québec, c'est la CSST qui prend en charge ces travailleurs. Donc, le type de charte régissant une entreprise est un facteur crucial pour ce qui est de déterminer qui est responsable de ces travailleurs.
    En effet. Pour cette raison, je pense que la situation des travailleurs temporaires va devenir drôlement complexe. Le fédéral va admettre les travailleurs temporaires, mais chaque province, en fonction de sa propre structure de santé et sécurité au travail, va gérer cet aspect. Au Québec, un seul organisme régit la santé et la sécurité au travail, mais en Ontario, il y en a deux.
     Je ne vais pas nier le fait que si l'on décide de faire venir massivement au pays des travailleurs immigrants et qu'on veut, sur le plan éthique, s'assurer que ces gens ont les mêmes droits et le même accès aux soins et services, ça va demander une organisation fort complexe.
    Pour ce qui est de votre question, même si les travailleurs à l'emploi d'une entreprise fédérale — qu'il s'agisse du domaine des postes, des transports maritimes ou aériens, entre autres — ne reçoivent par les services de santé et sécurité au travail de la province, il reste que les travailleurs immigrants ne travaillent pas dans ces secteurs. Je pense que ça ne va pas être un enjeu pour ce qui est de la difficulté à coordonner tout ça. La difficulté va se situer bien davantage dans les secteurs industriels, qui, dans la majorité des cas, sont de compétence provinciale en matière de santé et sécurité au travail.

  (0955)  

    Merci beaucoup. Malheureusement, votre période de temps est écoulée, mais on va avoir un deuxième tour.
    Madame Folco, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Moi aussi, je voudrais vous remercier. Je voudrais remercier tout particulièrement M. Ngankoy pour sa présence. Je l'ai dit, il est ici à ses propres risques. Nous apprécions votre présence.
    J'aimerais avoir des réponses succinctes parce que vous voyez à quel point le temps est limité.
    Tout d'abord, vous avez dit, monsieur Ngankoy, que vos enfants nés au Canada, qui sont donc des citoyens canadiens puisque c'est un droit territorial, sont des citoyens canadiens de seconde zone. Que vouliez-dire par cela?
    Je voulais dire tout simplement qu'ils sont nés ici, il sont citoyens canadiens, ils ont un passeport canadien, mais ils ne bénéficient pas de tous les droits dont bénéficient les autres Canadiens.
    C'est-à-dire?
    C'est-à-dire qu'ils n'ont pas droit aux prestations... Comment on appelle ça?
    Prestations pour enfants?
    Les prestations pour enfants, que ce soit au palier provincial ou fédéral, et même en ce qui concerne l'assurance-maladie, c'est comme un peu limité. Alors, je ne comprends pas. Dans certaines pharmacies, quand on présente la carte d'assurance-maladie, on paie plus que dans d'autres. Je n'ai jamais compris quel est exactement le problème et je me demande toujours pourquoi leur sort est lié au nôtre. C'est quelque chose que je ne m'explique pas.
    Je comprends. Je ne sais pas si vous faisiez partie du groupe qui est venu à Ottawa. Je sais que plusieurs Congolais étaient présents. Le groupe est venu il y deux ans ou deux ans et demi, à peu près.
    Oui, j'étais présent.
    Oui. C'était justement pour revendiquer le droit de personnes comme vous dont le statut se trouve, en fait, dans les limbes.
    M. Félicien Ngankoy: Absolument
    Mme Raymonde Folco: On dit aux Canadiens de ne pas aller au Congo parce que c'est trop dangereux et, en même temps, on y renvoie des gens comme vous en leur disant que pour eux, ce n'est pas dangereux, que tout va très bien. Si j'ai bien compris, il n'y a absolument rien, du côté du gouvernement, qui a changé dans la façon de traiter des cas comme le vôtre.
    Non, il n'y a absolument rien, madame Folco. Vous savez, le cas du Congo, je l'ai dit plus tôt... Je sais qu'actuellement, une partie de votre étude porte sur les réfugiés irakiens. Je sais qu'il y a quelques années, il y a eu une étude sur des réfugiés algériens. Il y a trois ou quatre ans, je pense, il y a eu des décisions sur des cas de réfugiés algériens. Il y a eu des décisions en rapport avec les Libanais quand il y a eu la guerre et tout, mais pour ce qui est du Congo... Les Congolais forment la plus grande communauté noire d'Afrique au Canada, mais il n'y a rien qui...
    Je ne veux pas vous interrompre, mais vous connaissez le problème.
    Madame Gravel, d'abord, j'ai besoin d'une clarification. Vous avez, à plusieurs reprises dans votre présentation, fait référence à des études qui ont été faites à San Francisco et ailleurs. Avez-vous des chiffres par rapport à votre étude ou à l'ensemble de vos études qui touchent la situation au Canada en général et au Québec en particulier?
    Non.
    Non. Donc, ce que vous avez à dire est plus général.
    En fait, peu de pays sont en mesure de documenter de façon systématique les lésions professionnelles chez les travailleurs en fonction de leur statut.
    Dans les fichiers des provinces canadiennes, il n'y a pas de variables qui nous permettent de décrire le pays de naissance, la langue maternelle, l'origine ou le statut des travailleurs. Ce sont souvent des études faites à partir d'échantillons indirects. Quelques travaux sont faits par rapport à l'indemnisation, mais ce sont souvent des croisements de fichiers entre les recensements canadiens et des fichiers de demandes d'indemnisation. À ce moment-là, on peut le faire, mais on ne peut pas, de façon annuelle, faire une surveillance de l'exposition et des réclamations pour des lésions professionnelles.

  (1000)  

    Le phénomène des croisements des fichiers, on l'a vécu il y a quelques années au gouvernement du Canada et au Parlement en particulier. J'étais secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources humaines à l'époque et on nous a dit...
    Madame Folco, votre période de temps est écoulée, y compris la minute supplémentaire qu'on vous avait remise.
    Monsieur Carrier, vous avez trois minutes.
    De mon côté, ça va. Je laisserai peut-être la parole à un de mes collègues.
    D'accord. Monsieur Harvey.
    Monsieur Félicien, qui est votre député au fédéral?
    Quand j'ai commencé mes démarches, j'habitais dans Hochelaga—Maisonneuve, et pour mon dossier, j'ai eu le soutien de M. Réal Ménard, qui me connaît personnellement. Présentement, j'habite dans l'est, ma députée est Mme Francine Lalonde, qui me connaît aussi personnellement. Il y a aussi Mme Meili Faille, qui siégeait à ce comité et qui a écrit une lettre pour soutenir ma cause. Elle me connaît aussi personnellement.
    Vous avez eu des lettres. Est-ce tout ce que vous avez eu?
    C'était du soutien des organismes, aussi bien de la Table de concertation pour les personnes réfugiées et immigrantes que de tous ces organismes qui aident les réfugiés et les immigrants, étant donné que je participe toujours à des travaux...
    Je vous invite à rencontrer Patrice, mon assistant, après la rencontre. On examinera comme il le faut votre dossier. Je ne vous fais pas de promesses, mais...
    Merci.
    Madame Gravel, plus tôt on en était au Code du travail. On disait que ces gens étaient possiblement assujettis à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et qu'ils relevaient donc de la CSST. Ici, c'est un comité permanent, mais de niveau canadien. Les représentations que vous faites ici aujourd'hui ont-elles pour but de demander au Canada de surveiller ou de superviser ce qui se fait à Québec? J'aimerais comprendre.
    Je n'avais pas l'intention de représenter qui ou quoi que ce soit en venant ici. J'ai répondu à un appel, vendredi dernier, qui me demandait de venir parler de santé et de sécurité au travail. Je ne représente aucune institution ni aucun gouvernement; je ne fais que présenter les résultats de mes travaux, c'est tout.
    D'accord. C'est toujours un peu difficile lorsqu'il s'agit de compétences un peu partagées. Choisir la bonne voie à suivre pour l'application d'une chose en particulier devient passablement complexe. C'est pourquoi je voulais savoir ce que vous proposez. Vous avez soulevé beaucoup de problèmes et j'aurais aimé que vous parliez davantage de solutions que de problèmes. Vous savez qui devrait s'occuper de quelle chose, mais vous ne l'avez pas dit. Vous avez dit qu'il faudrait établir qui fait quoi. Une spécialiste comme vous aurait pu profiter de l'occasion pour nous dire comment les choses devraient se passer.
    Écoutez, j'ai oeuvré pendant 22 ans dans le réseau de la santé. S'il y a deux groupes que je veux représenter, ce sont les travailleurs immigrants qui sont victimes de lésion professionnelle et les systèmes de santé qui se retrouvent devant ces cas. Ils ne savent pas quoi en faire parce que, tout à coup, ils ne relèvent, administrativement parlant, d'aucune juridiction ou n'ont pas la totalité de la protection à laquelle un travailleur aurait droit. De plus, dans bien des cas, ils sont obligés de les soigner sans faire de réclamation à qui que ce soit, parce que ces travailleurs ne sont pas couverts. Je trouve inquiétant qu'on importe une main-d'oeuvre et que ces gens se retrouvent tout à coup dans une zone grise en termes de soins et de santé et sécurité au travail.
    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, madame Gravel.
    Je vous remercie, monsieur Ngankoy.
    On va maintenant faire une pause d'une minute. J'invite les députés à rester à la table pour éviter d'empiéter sur le temps du prochain groupe de témoins. J'invite d'ailleurs ce groupe à s'approcher.

  (1000)  


  (1005)  

    Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Vous disposerez chacun de sept minutes pour vous exprimer et faire une déclaration préliminaire. Pour vous faciliter les choses, je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute. Vous saurez alors que le moment est venu de conclure rapidement. Il y aura ensuite une période de questions et réponses avec les députés, qui vous permettra de compléter votre présentation.
    Ce matin, nous recevons M. Mowafaq Thomas, de l'Église chaldéenne des Saints-Martyrs-d'Orient, ainsi que MM. Abbass Alnajar et Hala Alobaidi, du Centre communautaire irakien.
    Vous comprenez que votre organisme dispose de sept minutes et que vous devrez vous les partager. Je vous laisse le soin de déterminer comment vous le ferez.
    Monsieur Thomas, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Honorables députés, bonjour, mesdames et messieurs.
    Après la chute de Saddam Hussein en 2003, les gens du monde entier s'attendaient à ce que l'Irak devienne un pays démocratique et prospère au Moyen-Orient. Cinq ans plus tard, la réalité est tout à fait à l'opposé des espérances. Le pays est presque divisé; le non-respect de la loi, l'anarchie et le chaos sont présents partout. Tous les citoyens de ce pays sont touchés par cette situation et particulièrement les minorités chrétiennes.
    On pourrait se demander qui sont les chrétiens d'Irak? Les ancêtres des chrétiens d'Irak remontent aux anciens Assyriens et Babyloniens. Ils sont connus sous diverses appellations, par exemple les Assyriens; les Chaldéens qui suivent l'enseignement de l'Église chaldéenne; et les Syriaques qui sont membres de l'Église orthodoxe syrienne.
    La majorité des Assyriens se sont convertis au christianisme au IIe siècle, ce qui leur donne le droit de se revendiquer comme étant la première nation chrétienne de l'histoire. Pendant des siècles, ils ont été persécutés et victimes du terrorisme. La situation des premiers habitants de ce pays, les chrétiens, est très difficile aujourd'hui en Irak.
    Il n'existe pas de statistiques particulières sur le nombre de chrétiens en Irak. On estime qu'ils sont environ un million.
    Saddam  Hussein assurait aux chrétiens une certaine protection pour une raison toute simple — les chrétiens sont de bons travailleurs, ils sont pacifiques, ils respectent la loi et n'ont jamais représenté une menace. Proportionnellement au reste de la population, leur contribution au développement de la société irakienne dépasse de loin leur nombre.
    Depuis la chute de Saddam Hussein, les chrétiens ont été victimes de nombreuses attaques commises par des extrémistes. Pour beaucoup de milices sunnites et chiites qui vivent en Irak, les chrétiens représentent l'ennemi de l'intérieur. Au cours des cinq dernières années, plus de la moitié de leurs églises, de vrais monuments historiques, ont été détruites ou très endommagées partout dans le pays. Des milliers d'enfants, de femmes et d'hommes ont été tués suite à ces attentats à la bombe, sans compter les milliers de blessés.
    Les militants considèrent que les chrétiens irakiens sont des alliés de fait des chrétiens de l'Occident, aussi les rendent-ils responsables de l'invasion et des difficultés qui en ont résulté.
    Après les caricatures publiées dans un journal danois, comme vous vous en souvenez peut-être, mesdames et messieurs, des voitures piégées ont explosé devant des églises le 29 janvier et il semble que ces attentats aient été coordonnés. Deux églises à Kirkuk et trois autres dans la capitale de Bagdad, ont été visées. Plus de cinq personnes, y compris un garçon âgé de 13 ans, ont été tuées et plus de 20 personnes ont été blessées.
    Les groupes de militants ciblent les chrétiens de toutes les couches de la société. Que ce soit pour des raisons financières, religieuses ou territoriales, les militants ont un objectif commun: ils veulent que les chrétiens se convertissent à l'islam ou qu'ils quittent le pays.
    Bon nombre de gens, médecins, enseignants et même coiffeurs sont perçus comme étant anti-islamiques en raison de leur appartenance religieuse, de leur situation économique et de leur profession.
    Les lettres anonymes envoyées à des familles chrétiennes dans la ville de Mossoul au nord du pays en décembre dernier se passent de commentaires: « Croisés, quittez le pays ou nous vous couperons la tête. »

  (1010)  

    Dans le sud du pays dominé par les chiites, on rapporte que de nombreux entrepreneurs chrétiens ont été tués par balles dans les rues parce qu'ils avaient un magasin de vente d'alcool ou de produits interdits par la loi islamique.
    À Dora, un quartier de Bagdad, les chrétiens vivent dans de très mauvaises conditions. Toutes leurs églises ont été la cible d'attentats à la bombe. Ils doivent payer une taxe locale spéciale pour vivre dans leur propre maison et donnent en mariage leurs soeurs ou leurs filles à des musulmans pour qu'elles se convertissent à l'islam. S'ils n'acceptent pas, ils devront quitter leur maison où être tués.
    L'année dernière, un évêque catholique américain a dit que la persécution des chrétiens d'Irak a atteint un point critique et a mentionné, entre autres atrocités, la crucifixion d'un adolescent à Bassora. En juillet, l'ambassadeur d'Irak au Vatican a condamné les atrocités et a déclaré que personne ne peut nier que les chrétiens sont les victimes d'une véritable persécution en Irak.
    Le 29 février, après avoir célébré le chemin de croix à l'Église du Saint-Esprit à Mossoul, l'archevêque Rahho a été kidnappé. Des hommes armés ont abattu son chauffeur et deux compagnons. Son corps a été retrouvé quelques jours plus tard. Ce n'est qu'un autre exemple de la menace qui pèse aujourd'hui sur la minorité chrétienne en Irak. Tout le monde s'accorde à dire que les chrétiens et la majorité de la population musulmane du pays ne sont pas exposés au même danger.
    Le soutien de notre pays bien-aimé, le Canada, pour le règlement de cette question humanitaire est crucial. Les personnes torturées et détenues, celles qui risquent d'être déportées de Jordanie, de Syrie ou du Liban et les enfants orphelins ont tous un besoin urgent d'être réinstallés et protégés. Les retards peuvent avoir des conséquences désastreuses sur leur vie.
    Il est prouvé que les Irakiens qui arrivent au Canada s'assimilent à la société canadienne tout en partageant leur culture haute en couleurs. Par conséquent, les Canadiens d'origine irakienne devraient avoir le droit, par le biais du bureau d'immigration et de leurs églises locales au Canada, de parrainer leurs parents et les personnes qui leur sont chères à immigrer au Canada. Le monde entier reconnaît le rôle de premier plan du Canada pour alléger la souffrance et assurer la sécurité de centaines de milliers de réfugiés partout dans le monde. Il faut que vous sachiez que les chrétiens d'Irak ont le sentiment d'avoir été abandonnés et oubliés par la communauté internationale. Ceux qui n'ont pas pu quitter le pays attendent maintenant leur tour pour mourir.
    Les réfugiés irakiens, et les chrétiens en particulier, qui ont été déplacés en Irak et dans les pays avoisinants font appel à la conscience de la grande nation canadienne pour qu'elle s'intéresse à leur sort, qu'elle les aide et contribue au règlement de ce problème humanitaire.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention et que Dieu bénisse le Canada.

  (1015)  

[Français]

    Merci monsieur.
    Nous allons poursuivre avec Mme Alobaidi. Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup. J'ai remis des copies de mon mémoire afin que tout le monde en ait.
    J'aimerais vous dire quelques mots sur le Centre communautaire irakien et sur ce que nous faisons.
    Le Centre communautaire irakien a été créé en 1986. Quand la première vague d'immigrants irakiens est arrivée dans les années 1980, nous avons constaté qu'il n'y avait aucune organisation pour les aider. Donc, des familles irakiennes se sont regroupées pour ouvrir le centre communautaire. L'objectif du centre est d'aider les Irakiens à s'installer au Canada. Les Irakiens ne sont pas habitués à émigrer; leur société n'est pas une société portée sur l'immigration. Quand ils arrivent ici, ils sont un peu perdus, et nous avons jugé qu'ils avaient besoin d'être aidés, surtout à Montréal, car la plupart des Irakiens parlent anglais, mais pas le français, donc c'était difficile pour eux.
    Nous ne recevons pas de financement et nous n'avons pas d'employés. Nous sommes des bénévoles qui travaillons ensemble pour essayer d'aider le plus grand nombre d'Irakiens possible. Nous allons les accueillir aux aéroports, puisque nous avons tous une voiture. Quand ils débarquent, ils ne peuvent pas trouver de logement, donc nous les aidons à trouver un logement. Il arrive que quand des familles arrivent, nous les hébergeons dans des mosquées. Elles nous téléphonent pour nous annoncer leur arrivée. La dernière fois, elles ont téléphoné à 16 membres et elles avaient besoin de quelque chose immédiatement, donc nous les avons hébergées dans la mosquée. C'est tout ce que nous pouvons faire, nous n'avons pas d'autres moyens à part nos maisons et les endroits de culte.
    Nous les aidons à trouver un avocat et aussi dans la traduction. Les problèmes sont différents avec chaque nouvel arrivant. Les nouveaux immigrants — pas seulement les réfugiés, mais les immigrants — ont des besoins différents, et nous devons nous y adapter. Voilà ce que fait le centre communautaire irakien, nous essayons d'organiser différentes activités pour accueillir ces gens.
    Nous essayons d'obtenir des statistiques sur le nombre de personnes qui arrivent au Canada. C'est très difficile. Je suis allée à Statistique Canada et j'ai consulté les chiffres qui, en fait, ne représentent pas le vrai nombre de Canadiens d'origine irakienne, parce que leur nombre est supérieur à celui des statistiques; nous le savons. Mais, c'est ce que j'ai vu à Statistique Canada.
    Il y a aussi le problème de la perception changeante qu'ont les Canadiens à leur égard, à cause de l'image des Irakiens à la télévision. Arriver au Canada est déjà difficile, mais le vrai problème est d'affronter l'image que se font les Canadiens. Cette image rendra difficile leur vie, pour trouver un logement et un emploi. Notre nation n'est pas une nation violente, mais vous savez comment les médias représentent la situation. C'est un problème que nous essayons de changer. C'est la raison pour laquelle nous organisons des activités diverses avec des artistes irakiens, pour montrer à la collectivité que nous ne sommes pas mauvais.
    Parmi les problèmes liés au statut de réfugié, il y a le fait que de nombreux pays essaient de recevoir des gens venant de pays différents, surtout la Jordanie et la Syrie. Je me rends souvent en Jordanie. Certains de mes amis, employés par l'ONU en Syrie, m'ont dit qu'il y a des millions de personnes et que cela cause un énorme problème. Tout le monde m'approchait, comme si j'étais la responsable des réfugiés pour le Canada, pour me demander ce qu'ils devaient faire pour venir ici.
    Souvent, ce sont des médecins qui ne peuvent pas travailler en Jordanie, mais ils y vivent. Leur niveau de vie a vraiment chuté; vous devriez voir l'état de leurs maisons. C'est malheureux de voir des gens rendus à cette condition. Le minimum a été fait; aujourd'hui ils peuvent avoir une carte qui leur permet de rester en Jordanie. En fait, on les renvoyait. La plupart d'entre eux, s'ils retournent, seront menacés. C'est la raison pour laquelle ils sont partis. Pour quelle raison quelqu'un voudrait souffrir et quitter le pays où il se sent en sûreté?
    Avec la carte remise par l'ONU indiquant qu'ils sont réfugiés, ils doivent attendre. Quelquefois, la Jordanie et la Syrie respectent ces cartes, mais pas toujours, et elles sont très difficiles à obtenir. Les gens ne sont pas renseignés, alors ils ne savent pas ce qui se passe.
    Beaucoup de familles ont des membres bloqués en Irak et c'est un problème. Je ne suis pas sûr que vous puissiez comprendre ce qui se passe aux frontières de la Jordanie et surtout en Syrie. Les gens arrivent, en avion maintenant, et soit on les renvoie soit on les laisse entrer. Alors ils ne savent pas ce qui se passera à leur arrivée dans ces pays; c'est un risque qu'ils doivent prendre.

  (1020)  

    Certains n'ont même pas les moyens de partir; ils n'ont pas de passeport, pas de papiers et pas l'argent pour quitter le pays. Mais tous les gouvernements s'intéressent aux réfugiés qui se trouvent en Syrie, en Jordanie et à l'extérieur de l'Irak. Je ne sais pas qui s'intéressera à ceux qui sont bloqués en Irak. Je n'en ai aucune idée.
    Puis ceux qui arrivent à quitter le pays se heurtent à un autre problème, l'argent. Alors ils demandent le statut de réfugié, puis retournent en Irak, mais lorsqu'ils se présentent à l'entrevue, on leur dit: « Oh, vous êtes retournés en Irak, donc vous n'êtes pas vraiment dans le besoin. » Ils rétorquent: « Mais nous n'avons pas d'argent. Qu'allons-nous faire? » Ils sont bloqués par ces procédures et ces règlements et ne savent que faire pour s'en sortir.
    Nous avons rencontré quelqu'un de la Coalition pour les réfugiés. Elle nous a dit de demander aux gens de ne pas retourner en Irak, mais ils n'ont pas le choix, ils doivent y retourner. C'est la seule solution, quand on n'a pas d'argent. C'est la raison pour laquelle on entend ces histoires horribles qu'en Syrie, des gens prostituent leurs filles et d'autres histoires aussi horribles, et il n'y a ni écoles ni moyens de subvenir à ses besoins.
    On a plusieurs fois dit que le processus est très long, qu'il faut fournir beaucoup de documents que les gens ne peuvent pas obtenir, surtout si on leur demande des documents qui existent en Irak, mais pas en Syrie. Et qui veut aller maintenant en Irak pour chercher ces papiers? Habituellement, le père ou le fils retourneront en Irak pour essayer d'avoir ces documents, et ils perdront leur chance d'obtenir le statut de réfugié.
    Vous avez mon document concernant les problèmes. Je vais vous dire ce que le Centre communautaire irakien aimerait voir.
    Nous aimerions qu'un plus grand nombre de réfugiés soient acceptés. Les statistiques disaient qu'il y a 29 000 personnes, et je crois comprendre que seulement 2 000 réfugiés ont été acceptés. Chacun d'entre nous a de la famille là-bas, et tout le monde veut faire venir sa famille. Un grand nombre d'entre nous sont prêts à parrainer nos familles. Donnez-nous seulement la chance de leur accorder notre soutien.
    Nous aimerions que le processus soit accéléré et aussi une aide accrue pour les réfugiés irakiens en Jordanie et en Syrie.
    Je vous remercie.

  (1025)  

[Français]

    Merci beaucoup. Vous aurez l'occasion de compléter votre présentation lors de la période des questions et commentaires.
    Monsieur Telegdi, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je n'interviens que rapidement car je cède la parole à ma collègue.
    Nous pouvons faire venir des réfugiés et le faire rapidement. En 1956-1957, j'ai fait partie de l'exode venant de Hongrie pendant la révolution. Deux cent mille réfugiés ont traversé la frontière surtout vers l'Autriche et quelques autres pays voisins. Le Canada en a accepté 20 p. 100 et je dirais que 95 p. 100 des réfugiés, dont les 40 000 acceptés par le Canada, sont arrivés au Canada en moins de six mois. Donc je n'ai aucun doute que c'est quelque chose que nous pouvons faire, et vous pouvez exercer des pressions dans ce sens. Surtout en considérant les parrains privés que vous avez mentionnés, nous devrions faciliter ces mesures.
    Cela aidera aussi à stabiliser la situation dans cette région, qui est très instable. Je crois que si nous voulons faire quelque chose de bien au Moyen-Orient, voici une façon de le faire.
    Je cède la parole à ma collègue.
    Merci beaucoup, Andrew.
    Que puis-je dire? Merci, madame Alobaidi et monsieur Thomas.
    Comme vous le savez, j'ai travaillé avec la communauté irakienne d'ici — en particulier la communauté chrétienne d'Irak — et bien sûr, je vous prie d'accepter mes condoléances suite à l'assassinat de Monseigneur. Je sais que nous nous rencontrerons à l'église dans quelques jours.
    Il y a quelque temps — je pense qu'il y a deux ou peut-être trois ans — nous avons sérieusement parlé de la possibilité du parrainage par l'église des réfugiés irakiens se trouvant en Irak, en Syrie et en Jordanie. Cela n'a abouti à rien. Je le mentionne parce que j'aimerais qu'il soit inscrit au compte rendu que je pense que le comité devrait étudier très sérieusement le parrainage privé, tel que vous l'avez mentionné, madame Alobaidi, mais aussi le parrainage par l'église.
    Ce que j'avais compris, quand je suis allée voir la ministre de l'Immigration, c'était que les églises chrétiennes n'étaient pas elles-mêmes très enclines à parrainer les chrétiens pour qu'ils quittent l'Irak et l'Iran. J'ajoute l'Iran parce que la présence pendant des milliers d'années de chrétiens irakiens, de chrétiens iraniens et toute la culture chrétienne au Moyen-Orient risque de disparaître.
    Savez-vous si les supérieurs de l'église ont changé leur position à cet égard et s'ils sont prêts à s'engager à régler cette question avec l'aide de divers gouvernements?
    C'est ma première question, et elle s'adresse à quiconque veut y répondre.
    Si je parle des chrétiens, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, c'est qu'ils étaient évidemment les premiers occupants de ce territoire. Ils ont une histoire très riche dans ce pays. Ils aiment ce pays, et aucun d'eux ne veut le quitter, mais la situation est devenue difficile, insupportable en fait, au point que leurs vies sont désormais en danger et qu'ils ont peur de continuer d'y vivre.
    Monsieur Thomas, permettez-moi de vous interrompre. On a très peu de temps, et je risque de ne pas obtenir de réponse à ma question, qui est importante, à mon avis. Je la répète: quelle est la réaction, quelle est la position des Églises, chaldéenne et catholique en général, pour aider les chrétiens d'Iran et d'Irak à quitter leur pays? C'est ma question.
    Elles sont disposées à aider. Que je sache, elles sont prêtes à venir en aide à ceux qu'elles croient en danger. Et comme je l'ai dit, je recommanderais et demanderais vraiment que vous permettiez aux Églises d'ici de parrainer, par l'entremise du bureau de l'immigration, ces gens, et pas forcément juste des chrétiens. Je suis ouvert d'esprit. Même mes frères musulmans ici — je les respecte, nous les aimons, nous sommes une partie d'eux — pourraient venir grâce à nos Églises, et ils pourraient parrainer leurs familles, et nous parrainerons nos familles et ceux qui sont dans le besoin.

  (1030)  

    Je suis ravie de vous l'entendre dire, car c'était l'un des problèmes auxquels je me suis heurtée pendant le processus de parrainage, que le Canada ne pouvait évidemment pas être vu comme parrainant des gens d'une seule religion. Mais si je comprends bien, M. Alnajar et Mme Alobaidi sont tous les deux musulmans et devraient donc évidemment être inclus si un tel programme existait.
    J'exhorte certainement le comité à formuler des recommandations au ministère au sujet du parrainage.
    M. Telegdi a parlé de son expérience personnelle en tant qu'ancien réfugié hongrois. Nous avons aussi accueilli les Vietnamiens. Le Canada a reçu la Médaille Nansen pour l'aide qu'il a offerte aux réfugiés vietnamiens lors de la chute du Vietnam aux mains du Nord-Vietnam et des pays communistes.
    Pour ma part, j'ai l'impression que le Canada devrait aller de l'avant, pas en faisant venir quelques centaines de familles mais à grande échelle, pour aider les habitants de l'Irak et de l'Iran — et j'inclus l'Iran —, qu'ils soient chrétiens, musulmans ou autres. Ce sont des réfugiés; ils ont besoin de notre aide, et je crois que le Canada devrait aller de l'avant. Et j'attends impatiemment aussi l'aide des chrétiens et des musulmans d'ici, des communautés organisées, pour épauler le gouvernement canadien et faire des représentations auprès de celui-ci par l'entremise du comité de l'immigration afin que ce projet puisse progresser.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Carrier, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à cette rencontre.
    Madame Alobaidi, vous avez mentionné que les Irakiens ou les candidats réfugiés parlaient plutôt l'anglais et que c'était un problème au Québec, mais j'aimerais savoir si certains candidats réfugiés parlant déjà le français pourraient être orientés vers le Québec.
    Contrairement aux Libanais et aux Marocains, les Irakiens parlent en général l'anglais et non le français. J'ai appris le français en Irak, où il y a un centre culturel français. Les Irakiens sont doués pour les langues; c'est pourquoi ils sont nombreux à en parler plusieurs. Ce n'est pas un problème pour eux.
    Les choses ont changé pendant les années 1980. Maintenant, les gens provenant d'Irak sont vraiment instruits. Ils connaissent plusieurs langues. En outre, il y a au Québec beaucoup de cours de français. Le Centre communautaire irakien encourage les gens à apprendre la langue. Si vous venez participer à nos activités, vous allez constater qu'il y a eu beaucoup de changements au sein de notre communauté.
    Merci. Cela me rassure, parce que je vois que vous parlez très bien français aussi. Ce n'est donc pas un problème.
    Vous dites être en faveur d'une augmentation du nombre de réfugiés au Canada. Par contre, comme vous l'avez mentionné, ce n'est pas facile pour les gens de changer de culture et de s'acclimater à un nouveau pays. Ce n'est pas toujours évident.
    Pensez-vous que le Canada pourrait faire plus d'efforts sur place, avec le Haut-Commissariat des Nations Unies, afin d'essayer de rapatrier les gens dans leur pays d'origine? Est-il envisageable de faire cela tout en acceptant des réfugiés? Notre pays pourrait-il améliorer la situation là-bas, sur place?
    Je pense que oui.
    C'est difficile pour moi de répondre à des questions comme celle-là. Moi, je suis nouvelle dans le dossier des réfugiés et de l'immigration. Personnellement, je fais partie d'un différent dossier. Mais comme je suis irakienne et que les besoins sont nombreux, je m'intéresse à ce dossier. J'apprends, comme tout le monde. C'est seulement parce que je suis irakienne et que j'ai un peu d'information.
     En ce qui a trait à des suggestions comme celle-là, je dois consulter les gens. Douze personnes travaillent pour le Centre communautaire irakien. Pour des questions comme celle-là, je consulterai celles qui s'y connaissent plus que moi.

  (1035)  

    Étant donné que M. Thomas a bien décrit les persécutions vécues par sa communauté en Irak, je voudrais qu'il me dise si c'est vraiment un problème inhérent au pays, un problème déjà existant. Est-ce une situation sans avenir qui demande qu'on accueille davantage de réfugiés afin de régler le problème qu'il a décrit? Y aurait-il d'autres efforts à fournir sur place pour que les gens vivent plus en harmonie au sein du pays?
    Vous avez mentionné que pendant que Saddam Hussein était là, vous étiez reconnus pour être de bons travailleurs pas très revendicateurs. Est-ce le gouvernement qu'on tente de mettre en place depuis cinq ans qui fait défaut ou est-ce la façon dont on réoriente le pays, dont les États-Unis disent qu'il va très bien et qu'on y atteindra le succès dans peu de temps?

[Traduction]

    Permettez-moi de vous expliquer.
    Au début du XXe siècle, les chrétiens en Irak n'avaient pas de problème. En fait, ils faisaient partie de la société, étaient bien acceptés et étaient traités comme tout le monde. J'en suis un exemple. J'ai reçu une bourse d'études du gouvernement irakien pour étudier aux États-Unis et retourner au pays par la suite. J'étais comme n'importe quel autre citoyen d'Irak. Je n'avais jamais quitté le pays avant de venir au Canada en 1996 parce que la situation s'était détériorée.
    Maintenant, il ne s'agit pas juste de Saddam Hussein; j'ai juste fourni un exemple de Saddam Hussein. Pour ce qui est de la situation en Irak, on dit maintenant que la présence des États-Unis, c'est de la haute politique. Cela a quelque chose à voir avec l'Irak, la région et la géopolitique qui sous-tend notre discussion ici. C'est beaucoup plus compliqué que je ne le crois.
    Mais pour les chrétiens, il y a maintenant tellement de facteurs en cause. Les militants ne viennent pas uniquement d'Irak, mais de partout. Ces exécutions et ces atrocités ne sont pas vraiment commises par des Irakiens, mais par des gens d'ailleurs, qui viennent de l'Arabie saoudite, de l'Iran et peut-être de la Syrie. Ce sont tous les pays voisins. C'est l'Afghanistan aussi, qui travaille avec certaines communautés et sèment le chaos au pays. C'est politique. Tout le monde s'en mêle, y compris les pays voisins.
    La victime, c'est la minorité. Parce que l'association avec l'Occident... Les chrétiens sont traités de la sorte parce qu'on les associe à l'Occident. Ils tentent de causer le plus de torts possible, indiquant à l'Occident, « Ce sont vos gens ». En réalité, ils les rejettent pour la simple raison qu'ils sont chrétiens.
    Vous avez parlé d'assimilation, de faire venir ces gens et de les assimiler au pays. Le Canada s'y connaît en la matière puisqu'il intègre depuis très longtemps des immigrants de partout dans le monde, qu'ils viennent du Vietnam, de pays d'Europe de l'Est ou même de pays d'Amérique latine. Le Canada possède l'expérience, le savoir-faire et...

[Français]

    Je dois vous arrêter, car le temps de M. Carrier est écoulé depuis longtemps. Peut-être d'autres députés voudront-ils continuer.
    Madame Chow, vous avez la parole.

  (1040)  

[Traduction]

    J'ai une conception légèrement différente. J'ai commencé en politique en 1979 à l'époque des réfugiés vietnamiens, communément appelés réfugiés de la mer. J'ai fait du lobbying auprès du gouvernement canadien pour qu'il autorise le parrainage privé afin d'instaurer un programme d'envergure pour faire venir le plus de réfugiés possible. Je travaillais avec des Églises et des groupes communautaires à ce moment-là.
    En 1980 et durant les quelques années qui ont suivi, un nombre considérable — des dizaines de milliers — de réfugiés de la mer vietnamiens sont venus au Canada. J'ai travaillé à une campagne très réussie avec, entre autres, Howard Adelman d'Opération Survie.
    C'est juste un peu d'histoire.
    Bien entendu, ils se sont très bien acclimatés au Canada. C'est un bel exemple de réussite, et je n'ai aucun doute que les réfugiés irakiens s'intégreront bien si nous rétablissons un tel programme, car ils sont instruits et auraient la volonté de réussir au Canada. Je n'en doute pas.
    Cela dit, je sais à quel point le programme a donné de très bons résultats dans le passé. Il y avait énormément de volonté politique à cette époque pour le concrétiser, et la communauté et le gouvernement ont fait front commun.
    D'après vous, combien d'immigrants serait-il approprié d'accueillir? Ces dernières années, on en a reçu 300, 400, 800 — c'est ridiculement faible. On en a récemment annoncé 2 000 — c'est encore très peu. Je crois que 1 p. 100 des 2,2 millions d'habitants du pays correspondrait à 20 000. C'est ainsi que je le calcule.
    Avez-vous une estimation? Il y a certainement le parrainage de parents, l'élargissement de la catégorie du regroupement familial pour que les oncles, les tantes, les frères et les soeurs puissent venir. Comment envisagez-vous cela? Premièrement, vous pouvez peut-être me donner un nombre, un chiffre approximatif de ce qui serait approprié, à votre avis.
    Deuxièmement, comment pensez-vous qu'un tel programme fonctionnerait? Reflète-t-il ce que nous avons fait à l'époque des réfugiés de la mer vietnamiens ou est-ce autre chose? Comment concevez-vous sa mise en oeuvre? Si vous étiez ce comité, quelles recommandations concrètes feriez-vous?
    Je me suis adressée à Statistique Canada pour obtenir des chiffres exacts — pour vous donner des chiffres —, mais je n'ai pu les utiliser car quand je les ai vus, ce n'était pas les bons.
    Mais si nous examinons les données de Statistique Canada et parlons uniquement de Montréal et des 1 000 Irakiens qui y vivent, la plupart d'entre eux — je ne dirais pas tous — font venir au moins un membre de leur famille. Nous parlons donc de 2 000 personnes si chacun fait venir une seule personne — une mère, un père, une soeur. Je ne parle pas de la famille. C'est tout; nous n'en avons besoin que de 2 000 à Montréal, et vous parlez de 29 000.
    Je ne demande pas que le Canada accepte tous ces gens; c'est impossible. Mais...
    Une voix: Non, ce n'est pas impossible.
    Mme Hala Alobaidi: Vraiment? C'est bien. Je suis ravie de l'entendre car des gens sont désespérés. Je le vois tous les jours, surtout maintenant que nous avons reçu la coalition canadienne. Elle nous a dit que 50 Églises parrainent des gens chaque année. Depuis son exposé, nous recevons des appels tous les jours. On nous dit: « Nous aimerions parrainer une famille. Que pouvons-nous faire? Que voulez-vous que nous fassions? »
    Donc, 50 membres de l'Église étaient... À l'heure actuelle, nous avons présenté une demande pour cinq Irakiens, et nous en avons beaucoup. Je ne fais de promesses à personne. Je ne les encourage pas, car nous ne voulons pas perdre notre crédibilité en tant que centre communautaire, mais on a du mal à mobiliser les Irakiens parce que la situation politique nous touche. Nous parlons ici des chrétiens et des musulmans. C'est moitié-moitié dans ma famille: ma mère est Arménienne chrétienne et mon père est musulman. Les Irakiens sont comme ça; nous sommes un mélange de chiites et de sunnites. Nous n'avons pas une seule étiquette. Nous sommes des Irakiens.
    J'aimerais vraiment que notre organisation soit crédible car aucun Irakien... nous ne pouvions pas avoir une organisation autrefois. Le concept d'organisation à but non lucratif n'existait pas, mais maintenant qu'il existe, nous aimerions que les associations se regroupent. Il faudrait leur faire des promesses, mais je ne voudrais pas le faire avant de savoir qu'il y a un engagement de la part du gouvernement, et que nous pouvons le faire et qu'ils y sont disposés.
    Ce sont de bonnes personnes. Elles sont ici depuis 25 ans. Elles sont bien établies et sont même disposées à embaucher leurs concitoyens à leur arrivée. J'ai vu beaucoup de réfugiés irakiens ici qui ont immédiatement été pris sous l'aile de groupes irakiens et qui se sont vus offrir des emplois. Ils sont embauchés dès qu'ils ont leur permis de travail; la volonté est là. Je peux vous garantir que c'est ce que ferait la moitié, sinon la totalité des 2 000 réfugiés.
    Mais on a besoin d'un processus plus rapide. J'ai un ami à Toronto dont le père est décédé pendant qu'il attendait. Il a dû aller chercher sa mère, qui est très âgée, et il a fallu du temps. Il s'est rendu en Syrie et en Jordanie et personne ne s'est montré compatissant, ce qui l'a mis terriblement en colère.
    Nous devons nous assurer que le processus est bon et que les gens ne dépenseront pas une fortune. Bon nombre d'entre eux sont disposés à parrainer leur famille pour qu'elle quitte l'Irak, mais pour combien de temps? Combien de ménages peuvent-ils aider?
    Je peux parler pour Montréal. La volonté est là. Un grand nombre de familles sont disposées à parrainer leurs parents, mais le processus et les promesses...

  (1045)  

    Eh bien, dans le cas des réfugiés de la mer vietnamiens, un grand nombre d'Églises ont parrainé des gens et des familles. Cinq personnes peuvent en parrainer une. Le parrainage privé dure un an. Le parrainage gouvernemental est différent.
    Par après, des groupes ont aidé les réfugiés de la mer vietnamiens à s'adapter au Canada, et la plupart y sont très bien parvenus. Il existe des modèles sur la manière de s'y prendre.
    Je constate que vous n'avez toujours pas fourni de chiffre approximatif de ce qui serait approprié, selon vous. Je sais que pour raccourcir la liste d'attente, il faut évidemment plus de personnel, de soutien et d'objectifs, mais pourriez-vous donner un chiffre approximatif?
    Permettez-moi de souligner à cet égard que ce n'est évidemment pas tout le monde qui veut venir au Canada.
    Bien entendu.
    Nous allons accepter ceux qui sont réellement en danger, qui sont vulnérables et qui sont disposés à venir, à s'intégrer à la société et à devenir Canadiens. Si quelqu'un veut immigrer, nous n'allons pas juste le faire venir. Il ne s'agit pas d'eux, mais de ceux qui sont en danger et qui sont disposés à venir et à s'intégrer à la société.
    Le chiffre que j'ai à l'esprit, c'est qu'environ 60 000 personnes viendront sur une période de trois ans, soit 20 000 chaque année. À mon avis, c'est le chiffre approprié.

[Français]

    Je vais devoir vous arrêter. Merci beaucoup pour votre réponse.
     Avant de passer à M. Harvey, je dois vous dire que l'interprétation est rendue difficile en raison de l'interférence causée par vos téléphones BlackBerry. Donc, je vous demanderais de les garder inactifs et le plus loin possible des micros.
    Monsieur Harvey, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Madame Alobaidi, merci beaucoup d'agir comme bénévole pour venir en aide à vos confrères d'Irak, pour les aider à devenir des citoyens canadiens ici à Montréal. Merci beaucoup. Je sais que ce peut être très difficile parfois. Je n'arrive pas à imaginer. Merci.

[Français]

    Vous parlez de l'Irak, mais il y aussi le Kenya, le Rwanda, l'Afghanistan, le Congo et Haïti. Il y a également plusieurs autres pays où les citoyens vivent des tourments et qui, un peu comme vous, ont peur pour leur famille et pour leurs concitoyens. Je le comprends très bien.
    Ce n'est pas facile non plus pour le gouvernement. Il m'apparaît ironique que mes collègues libéraux qui, après 13 ans au pouvoir, n'ont rien fait semblent en mesure de régler les problèmes et forcer le gouvernement à les régler, à présent qu'ils sont dans l'opposition. Je ne suis pas ici pour parler, je suis ici pour travailler avec vous, avec mes collègues, pour essayer de faire avancer le dossier. On comprend bien la situation. Peut-être que mes collègues continueront à poser des questions ou à faire pression sur nous pour qu'on fasse le travail qu'ils n'ont pas fait.
    Vous avez fait des présentations, et à la toute fin, vous avez dit que vous calculiez qu'il y aurait à peu près 60 000 réfugiés irakiens qui pourraient venir au Canada au cours des trois prochaines années, c'est-à-dire à peu près 20 000 réfugiés par année. Ce sont tous des réfugiés, mais y en a-t-il à qui on devrait donner la priorité? Comment voyez-vous cette question? Comment choisit-on ces 20 000 réfugiés?
    Monsieur Thomas.

  (1050)  

[Traduction]

    Vous avez posé une question concernant les critères. Je ne connais pas très bien la législation en matière d'immigration au Canada. Le chiffre de 20 000 personnes que je propose n'est qu'une suggestion, d'après ce que je sais de la situation. Je ne connais pas les critères. Bien entendu, comme vous l'avez mentionné, les libéraux et vous, les conservateurs... je vois la situation du point de vue du Canada, et non pas en tant que citoyen canadien; et nous devons faire quelque chose ensemble. Vous devez probablement le faire conjointement, ou par l'entremise du Parti conservateur. J'ignore comment y arriver.
    Mais c'est le problème auquel je fais face à l'heure actuelle, la souffrance de mon peuple.

[Français]

    Monsieur Thomas, je vais vous dire une chose. Peu importe le gouvernement, qu'il soit libéral ou conservateur, ce n'est pas une loi libérale ou une loi conservatrice, c'est la loi du Canada qui régit l'immigration. Donc, qu'on essaie de vous faire croire que ce sont les libéraux, c'est une erreur, ou qu'on essaie de vous faire croire que ce sont les conservateurs, c'est une erreur. C'est la loi du Canada. Le parti politique au pouvoir n'a rien à y voir, c'est la loi du Canada concernant l'immigration.
    Je vous pose la question suivante parce qu'au Canada, comme vous le savez, on a des manques de main-d'oeuvre importants. Recevoir un immigrant, quelqu'un qui vient d'un autre pays, c'est une chose, mais une fois qu'il est rendu ici, il faut être capable de le faire travailler et que lui soit capable d'agir, d'avancer. Si on ne fait que le sortir d'un camp pour le mettre dans un autre camp au Canada, on n'a pas beaucoup avancé. Il faut s'assurer qu'il est capable d'interagir avec les Canadiens, de se trouver un travail et de mettre à profit ses compétences.
    Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

    C'est bien connu. Quand quelqu'un vient au Canada ou émigre n'importe où dans le monde, il doit intégrer le marché du travail, contribuer au bien-être du pays et s'acclimater — aux lois, aux règlements et au mode de vie. Tout le monde sait cela. Aucun pays n'acceptera d'immigrants à moins d'en avoir besoin. C'est la loi de l'offre et de la demande.
    À leur arrivée, ces Irakiens auront sans aucun doute une certaine expérience. Ils posséderont des compétences. Certains seront médecins et d'autres, enseignants ou infirmières. Avec ces qualifications, il leur suffit de s'intégrer au pays, qui est l'objectif même de faire venir des gens au Canada. C'est la population active qu'il vous faut. Oui, bien entendu, il y a une question d'ordre humanitaire pour laquelle les Canadiens se trouvent en tête de peloton car ils la perçoivent mieux que quiconque. J'imagine que c'est à cause de leur passé ou de leur nature, peut-être. Mais c'est l'ensemble de ces éléments. Il est vrai, monsieur, que ces gens viendront et contribueront au bien-être du pays.
    Maintenant, vous dites qu'il y a de la souffrance ailleurs dans le monde. C'est vrai. Tant qu'il y aura des êtres humains, il y aura malheureusement des conflits, de la souffrance et des réfugiés. La population de la planète augmente, et il y aura des pénuries de telle et telle autre nature. Il y aura des guerres locales. Cette situation se poursuivra.
    Il y a cinq ans, elle n'existait pas, mais maintenant, à cause de... je vais l'appeler l'invasion, c'est arrivé. Nous faisons actuellement face à un problème, un problème tragique.

  (1055)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant procéder à un deuxième tour de trois minutes précises, afin de respecter notre horaire.
    Monsieur Telegdi.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de souhaiter à M. Harvey la bienvenue au comité. C'est la première fois que je le vois. Je siège au comité depuis dix ans.
    Il a soulevé une question intéressante. Il affirme que les libéraux n'ont rien fait. J'aimerais juste dire que les libéraux ont, entre autres, réglé une crise énorme qui existait à la CISR, à savoir l'arriéré dans le traitement des dossiers. Nous avons ramené l'arriéré à un niveau record de 20 000 personnes, et nous avions dix postes sur les 160 que compte la commission.
    Le gouvernement actuel a créé une crise au sein de la Commission. Il y a 58 postes vacants. L'arriéré, à l'heure actuelle, n'a jamais été aussi élevé. D'un arriéré de 20 000 dossiers, nous sommes passés à 42 300, et ce chiffre devrait atteindre 62 300, selon la CISR.
    Je pensais donc que nous avions fait une importante réalisation. Nous avons dépolitisé le système, mais voici que les conservateurs sont venus faire table rase et ont politisé le système. La question des réfugiés ne devrait pas être une question partisane. Je suis d'accord avec vous. Ce devrait être une question canadienne. Mais malheureusement, la mentalité des néo-conservateurs est vraiment au premier plan. J'en parle parce que je crois que c'est un point très important à soulever.
    Monsieur Harvey, bienvenue au comité, mais je vous prie de ne pas inventer de l'information, et peut-être que vous devriez y réfléchir.
    Parmi mon personnel, j'avais un employé de longue date, du nom de Mohamed Hamoodi. Neuf membres de sa famille ont été décimés durant les recherches pour débusquer Ali le Chimique. Les soldats croyaient bombarder Ali le Chimique, mais ils ont bombardé un bunker, avec des bombes casse-casemates, où la famille de Mohamed Hamoodi s'était réfugiée.
    Les horreurs qui se produisent en Irak, le berceau de la civilisation, sont juste inconcevables. Nous devons exercer de plus en plus de pressions. Nous devons faire entrer au pays un grand nombre de réfugiés parce que non seulement nous aidons la situation immédiate là-bas, mais nous aidons aussi la situation au Moyen-Orient. Le problème des réfugiés irakiens déstabilise toute la région.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes.

[Traduction]

    [Note de la rédaction: Inaudible] ... la CISR, la Section d'appel des réfugiés, que nous allions mettre sur pied une fois que nous avions réduit l'arriéré, mais avec les conservateurs, l'arriéré est maintenant passé de 20 000 à 60 000. C'est une honte.

[Français]

    Monsieur Carrier, vous avez trois courtes minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai suivi le comité depuis le début de la semaine dernière, à partir de Vancouver jusqu'ici. Je me rends compte de toute l'ampleur des règlements et des améliorations qu'on doit apporter à la Loi sur l'immigration. On en a abordé certains concernant les travailleurs temporaires et il y a des situations complexes à régler, au point où nous, au Bloc québécois, nous demandons que cette question soit traitée dans un projet de loi particulier, après une étude sérieuse de la part du gouvernement formé actuellement par les conservateurs.
    Je suis surpris de la déclaration d'un nouveau membre du comité, ce matin, qui arrive en disant que son parti veut régler la situation. Son gouvernement veut régler l'immigration par un article à la fin d'un projet de loi concernant le budget. Ça me semble immoral et hypocrite, de la part d'un gouvernement.
    Je vais maintenant poser une question à M. Thomas concernant sa religion, dont les adeptes sont persécutés dans son pays.
    Pensez-vous que vous serez mieux accueilli ici si on accepte davantage de réfugiés qui adhèrent à votre religion? Les conditions d'accueil vous sont-elles favorables ici au point de favoriser l'immigration ou d'accepter plus de réfugiés de votre appartenance religieuse qui pourraient s'adapter au Canada?

  (1100)  

[Traduction]

    Les Irakiens, dans l'ensemble, sont des gens qui peuvent s'adapter facilement, et particulièrement les chrétiens parce que leur religion facilite davantage leur adaptation. L'intégration des Irakiens dans la société n'est pas du tout difficile. Bien sûr, il y a certaines difficultés. Rien n'est facile dans la vie, mais s'il y a de la volonté, les gens peuvent y arriver.
    Si vous prenez les immigrants irakiens qui se sont installés au Canada, vous verrez qu'ils ont tous été en mesure de s'assimiler très rapidement, de s'intégrer facilement dans la société, qu'ils soient musulmans ou chrétiens. Bien entendu, pour les chrétiens, c'est manifestement plus facile. Je ne parlerais pas d'une société chrétienne, mais disons qu'il règne une ambiance chrétienne. Appelons cela une ambiance. L'ambiance y est propice. Ils célèbrent Noël, et ils célèbrent ensemble. À Pâques, c'est la même chose. Il y a donc une ambiance favorable, mais cela ne signifie pas que le Canada est un pays chrétien.
    Donc, l'assimilation ne sera pas difficile. Même les Églises sont disposées à faire leur part pour aider ces gens. C'est une question humanitaire. Si nous voulons amener quelqu'un ici, ce n'est pas vraiment juste pour qu'ils aient une vie meilleure, par exemple; c'est parce que la vie même de cet individu est en danger et parce qu'il se sent menacé.

[Français]

    Merci, monsieur Thomas. Je veux garder trois minutes pour M. Harvey, en conclusion.
    Oui, encore une fois, c'est bien ironique d'entendre mon collègue libéral se vanter de ses réalisations. Quand eux sont arrivés au pouvoir, il y avait 50 000 personnes sur la liste d'attente, et ils ont fait grimper le nombre à 800 000. Si c'est ça une réussite, je me priverai de leur type de réussite.
    Également, la loi qui apporte une modification qui semble l'offusquer. C'est que présentement, la loi fait que c'est en fonction de... C'est un peu comme chez le boucher: on a un numéro et on attend qu'il soit le bon. Le projet de loi que nous proposons vise à permettre, en fonction de certaines priorités, de prendre quelqu'un qui mérite d'entrer plus rapidement, par exemple quelqu'un dans votre situation, de choisir cette personne et de la placer au début de la liste.
    Ce qui est important, c'est d'être capable d'analyser, de voir en fonction d'une situation comme celle qui est vécue en Irak, de se dire qu'il y a une priorité en Irak, de prendre des groupes et de les considérer en priorité, plutôt que d'attendre six, sept ou huit ans avant de pouvoir étudier les demandes des gens qui en font partie. C'est une des priorités qu'on se donne. On est conscients, on est sensibles à vos demandes et on s'assure qu'on sera en mesure de vous donner un meilleur résultat. À la manière dont les choses sont traitées présentement, en 2012, on évalue que le délai d'attente sera d'environ 10 ans pour pouvoir traiter une demande d'immigration, une demande d'asile ici, au Canada. En 10 ans, si c'est une demande... À ce moment-là on arriverait à des...
    Un instant, s'il vous plaît.
    Oui, monsieur Telegdi.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, je souhaite la bienvenue au nouveau membre, mais donner de fausses informations... Les réfugiés ne sont pas dans l'arriéré. Si le Canada veut déplacer des réfugiés, il peut le faire très rapidement. Nous n'avons qu'à prendre l'exemple des Kosovars. Nous avons pu en amener un grand nombre très rapidement.
    C'est un rappel au Règlement parce qu'il est en train de donner des renseignements erronés au comité

[Français]

    Monsieur Telegdi, vous savez pertinemment que ce n'est aucunement un rappel au Règlement.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Oui, madame Folco.
    Je voudrais ajouter qu'il y a maintenant 60 vacances à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui veut dire que tous les jours, 60 réfugiés ne sont pas entendus par la commission.

  (1105)  

    Madame Folco, est-ce là votre rappel au Règlement?
    Monsieur Harvey, vous pouvez poursuivre.
    Il y a un ménage à faire dans les processus d'immigration. Nous y travaillons. Nous mettons beaucoup d'efforts pour faire évoluer les choses.
    Il y a également un autre problème. Nous sommes en situation minoritaire, et les partis de l'opposition ne nous aident pas à vous aider. C'est également important de le comprendre. Comme je l'expliquais lors de ma première intervention devant le groupe précédent, ma femme est immigrante. Elle est arrivée à l'âge de 11 ans. Son père l'a donnée à une famille canadienne. Je vis cette situation. Lorsque vient le temps de recevoir ma belle-mère ou des membres de la famille, je sais ce que représentent les paperasseries. Je sais le poids de tout cela et je connais surtout l'émotivité qui y est rattachée. Je peux simplement vous dire que nous y sommes sensibles et que nous comprenons vos besoins. Nous essaierons de vous aider le mieux possible pour faire avancer les choses en conséquence.
    Je vous remercie de votre présence.
    Merci beaucoup.
    Il ne reste plus de temps pour les questions. Je remercie les panélistes d'avoir participé à notre séance.
    Nous allons maintenant faire une très courte pause pour permettre au prochain groupe de témoins de s'approcher de la table. Je demanderais aux députés de ne pas trop s'éloigner.

  (1105)  


  (1110)  

    Je souhaite la bienvenue aux témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui.
     Comme vous le savez sûrement, vous êtes au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
    Vous disposerez de sept minutes pour faire une déclaration initiale. Je vous préviens que c'est très court, beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Pour vous aider, lorsqu'il restera une minute, je vous ferai signe en levant un seul doigt afin que vous puissiez conclure. Il s'ensuivra une période de questions et commentaires avec les députés.
    Nous recevons ce matin, à titre personnel, Jill Hanley, professeure adjointe de l'École de service social de l'Université McGill. De l'Union des producteurs agricoles, nous recevons le premier vice-président, Pierre Lemieux, et Hélène Varvaressos, directrice générale d'AGRIcarrières, le Comité sectoriel de main-d'oeuvre de la production agricole. Vous partagerez à votre guise les sept minutes dont vous disposez.
    Voilà, on peut commencer. Madame Hanley, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde. Je suis très heureuse d'être des vôtres, aujourd'hui.
    Mon exposé portera principalement sur le programme des travailleurs étrangers temporaires.
    Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de chercheuse. Mes observations reposent sur huit ans de recherche effectuée en collaboration avec d'autres chercheurs universitaires et avec des organismes communautaires qui offrent des services aux travailleurs migrants.
    Notre recherche a porté sur ceux que nous appelons les travailleurs migrants ayant un statut précaire. Il s'agit de gens qui arrivent au Canada, non pas en tant que résidents permanents, mais avec différentes formes de statut temporaire, allant des sans-papiers aux victimes de la traite des personnes jusqu'aux travailleurs étrangers temporaires. Il arrive souvent que même les résidents permanents s'identifient comme ayant un statut précaire pour ce qui est de leur droit permanent de rester au Canada.
    Une préoccupation que je veux exprimer très fortement, c'est le recours au programme des travailleurs étrangers temporaires pour faire entrer au Canada un plus grand nombre de travailleurs sans leur donner un statut permanent. Notre travail sur les travailleurs ayant un statut précaire a montré clairement qu'il y a un problème dans la perception de ces travailleurs qui pensent avoir les mêmes droits que les travailleurs canadiens. Que ce soit le droit du travail, la santé, l'éducation, la séparation et la réunification des familles, le sentiment d'appartenance et la syndicalisation — dans tous ces domaines —, les travailleurs étrangers temporaires font face à des obstacles importants. Parfois, les obstacles sont d'ordre juridique — ils sont exclus, en principe, de certains avantages — et d'autres fois, ce sont leurs conditions de travail ou la peur d'une déportation ou d'un refus éventuel du statut permanent au Canada.
    Ce qui nous inquiète, c'est que si on utilise un programme de travailleurs étrangers temporaires, conjugué à la catégorie de l'expérience canadienne, comme moyen de rendre notre système d'immigration plus réceptif au marché du travail, il y aura, selon nous, des conséquences à long terme. Lorsque des gens arrivent à titre de travailleurs étrangers temporaires — et selon les dispositions proposées de la catégorie de l'expérience canadienne, ils devraient garder ce statut pendant deux ans avant de pouvoir devenir résidents permanents — pendant ces deux ans, ils n'ont pas droit aux services d'établissement. D'après nos observations, cela a un impact à long terme sur les gens.
    Il est également très difficile pour les gens, surtout dans les catégories de niveaux de compétence peu élevés, d'être accompagnés de leur famille lorsqu'ils ont ce statut et ce, sur une période de deux ans ou plus... Jusqu'à présent, dans le cas des aides familiaux résidants, dont le programme suit essentiellement le modèle du programme des travailleurs étrangers temporaires, ainsi que de la CEC, nous constatons qu'ils doivent souvent être séparés de leur famille pendant quatre ans ou plus.
    Je mets en doute la sagesse de recourir à un programme de travailleurs étrangers temporaires dans un sens plus large. À mon avis, cette approche a des répercussions négatives sur le plan des droits de la personne et des droits sociaux pour le Canada et pour les gens qui arrivent dans le cadre de ce programme. Au lieu de recourir à des travailleurs étrangers temporaires, on devrait accorder le statut de résident permanent aux gens qui sont en mesure de travailler au Canada et qui ont des offres d'emploi.
    Nous constatons que le système canadien de points d'appréciation pour la résidence permanente est très asymétrique car il favorise les migrants très qualifiés et très scolarisés, alors qu'en réalité, dans notre économie, nous avons une forte demande pour des migrants peu spécialisés. De toute façon, ceux qui viennent en tant que résidents permanents finissent habituellement par occuper des types d'emplois à faible niveau de compétence; il y a donc, selon nous, un décalage entre l'évaluation exclusive de la résidence permanente et la demande sur le marché du travail.
    Pour résumer, j'espère que les gens auront des questions, mais essentiellement dans ma recherche, tout ce que j'ai observé sur le plan des répercussions en matière de droits sociaux pour les travailleurs étrangers temporaires semble indiquer que la nature très temporaire de leur statut crée des obstacles au niveau des droits de la personne et des droits sociaux. À mon avis, il est tout aussi facile d'atteindre les objectifs du Canada en matière d'immigration et de développement social en accordant à ces gens le statut permanent dès le départ.

  (1115)  

    Je crois que la plupart des provinces souhaitent accroître l'immigration en fonction de l'emploi, et on pourrait jumeler cela à une politique qui permet d'accorder la résidence permanente dès l'arrivée de ces gens qui ont des offres d'emploi. Et ce serait une meilleure façon de donner suite à toutes leurs préoccupations en matière de droits de la personne et de droits sociaux.
    J'ai essayé d'être brève, mais c'est le point principal que j'examinerais.

[Français]

    Merci beaucoup.
     C'est maintenant le tour de M. Lemieux ou de Mme Varvaressos.
    Vous avez sept minutes.
     L'UPA regroupe les producteurs agricoles sous deux formes d'entités. Il y a les fédérations régionales ou l'occupation du territoire et il y a des groupes de production dans lesquels les producteurs veulent bien se regrouper pour commercialiser leurs produits agricoles.
    L'UPA compte sur l'engagement direct de plus de 3 000 producteurs et productrices à titre d'administrateurs. Les 50 000 agriculteurs et agricultrices québécois investissent, bon an mal an, plus de 600 millions de dollars dans l'économie du Québec. De plus, 35 000 producteurs de bois, quant à eux, récoltent annuellement environ 8 millions de mètres cubes de matières ligneuses d'une valeur de quelque 450 millions de dollars, contribuant ainsi aux 16 000 emplois que génère l'industrie forestière en région.
    Plus de 30 000 exploitations agricoles, majoritairement familiales, procurent de l'emploi à quelque 59 000 personnes. L'Union des producteurs agricoles est impliquée sur le plan de la main-d’œuvre agricole temporaire par l'entremise d'une corporation sans but lucratif que s'est donnée l'UPA. Cette corporation est supervisée par le conseil d'administration et les membres du conseil général de l'UPA. Cette corporation a une directrice générale, Mme Hélène Varvaressos, et constitue l'un des trente comités sectoriels de la main-d’œuvre du Québec.
    Je vais demander à Mme Varvaressos de vous présenter la suite du mémoire.
    Au Québec, la demande de travailleurs étrangers s'est accrue de façon très importante en raison d'une pénurie de main-d'oeuvre. En 2007, selon les données de Service Canada, on accueillait environ 5 175 travailleurs agricoles étrangers temporaires du Mexique, des Antilles et du Guatemala.
    Au cours des dernières années, plusieurs changements ont été apportés au programme afin d'améliorer les outils et les processus. Les programmes qui étaient réservés uniquement aux productions horticoles sont maintenant ouverts à l'ensemble des productions agricoles du Québec.
    L'UPA a conclu des ententes avec Service Canada pour que les Centres d'emploi agricole régionaux, dont 14 sont situés au Québec, analysent les dossiers de main-d'oeuvre étrangère pour répondre aux besoins des producteurs.
    Les modifications proposées par le gouvernement canadien sont intéressantes et de nature à appuyer le secteur de la production agricole. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour stabiliser les besoins de main-d'oeuvre des entreprises agricoles.
    Le premier point le plus important, selon nous, est le volume important de travailleurs étrangers temporaires dans un même lieu de travail, sur des fermes souvent isolées. Cela nécessite des mesures particulières pour s'assurer que ces travailleurs sont bien intégrés.
    L'UPA est d'avis qu'il faut accroître le soutien aux entreprises agricoles en ce qui a trait à l'approche de gestion des ressources humaines. Les Centres d'emploi agricole déjà présents sur le territoire peuvent jouer un rôle intéressant dans la mise en place d'un réseau pour échanger sur les bonnes pratiques, les succès et les préoccupations par rapport à l'embauche de travailleurs étrangers temporaires.
    On veut explorer la possibilité de jouer un rôle actif dans la mise en place d'un processus de conciliation volontaire sur le plan des relations de travail entre les employeurs et les travailleurs étrangers temporaires, ainsi que dans la formation des employeurs et des superviseurs. Les Centres d'emploi agricole pourraient jouer un rôle intéressant à cet égard.
    Le deuxième élément important est l'intégration des travailleurs étrangers temporaires dans les communautés rurales. L'intégration de plusieurs milliers de travailleurs dans des petits villages au Québec pose des défis et peut avoir des répercussions importantes sur les populations locales et les services d'accueil à offrir à ces travailleurs. Or, les employeurs et les communautés n'ont pas les outils pour le faire adéquatement. Nous proposons donc que les gouvernements concernés mettent des moyens à la disposition des communautés rurales pour les aider à accueillir et à intégrer des travailleurs étrangers temporaires de la meilleure façon, et ainsi faciliter les échanges avec la population locale.
    Le troisième point important concernant les modifications à apporter au Programme des travailleurs étrangers temporaires est d'améliorer les outils et les processus. Pas moins de 13 acteurs institutionnels interviennent à une étape ou à une autre du processus de demande de main-d'oeuvre étrangère temporaire. Il faudrait alléger le processus et éliminer les dédoublements.
    Il y a actuellement 5 000 travailleurs étrangers temporaires et on prévoit que leur nombre augmentera de façon importante. On s'interroge sérieusement, compte tenu de la capacité actuelle du système, sur la possibilité de satisfaire adéquatement les besoins sans assister à une baisse de la qualité du service.
    Une des améliorations importantes apportées par le gouvernement fédéral est le dépôt en ligne des demandes des employeurs. On se questionne sérieusement sur cette mesure puisque l'accès à Internet haute vitesse en milieu rural est loin d'être évident. Actuellement, ce sont les Centres d'emploi agricole qui aident les producteurs à présenter leurs demandes. Nous proposons que Service Canada maintienne les ententes avec les Centres d'emploi agricole pour aider les producteurs à présenter leurs demandes de main-d'oeuvre étrangère.
    Comme les fermes ne peuvent pas compter sur des ressources humaines spécialisées dans leur domaine, elles ont besoin de ressources externes. On recommande que soient proposés des guides de gestion simplifiés, parce qu'il est très difficile de s'y retrouver présentement. On veut aussi plus d'information sur les possibilités de recruter des travailleurs à l'étranger. Présentement, l'employeur est laissé à lui-même et doit faire ses propres démarches, ce qui n'est pas facile.
    Nous recommandons également que le passage du statut de travailleur temporaire à celui de résident permanent soit facilité. Présentement, certains travailleurs temporaires mexicains, par exemple, sont ici depuis 10 ou 15 ans. Si on veut les faire immigrer, les contraintes et les critères en matière d'immigration ne les favorisent pas. C'est bien dommage parce qu'il s'agit d'immigrants potentiels extraordinaires puisqu'ils ont déjà l'expérience du travail et du Québec.

  (1120)  

    En conclusion, le secteur agricole souhaite pouvoir encore compter sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il faut porter une attention particulière à la situation des travailleurs étrangers, en raison de leur vulnérabilité. Les médias s'intéressent beaucoup à ce dossier, mais il faut que le gouvernement soutienne les entreprises adéquatement de façon à montrer à la population que ce programme génère des bénéfices.
    J'aimerais évidemment aborder d'autres éléments, mais je terminerai en vous rappelant que les travailleurs agricoles saisonniers sont importants pour l'industrie agricole. C'est grâce à eux qu'elle peut se développer. En raison de ses politiques sociales, le Canada a un léger déficit au chapitre des mesures visant à appuyer l'embauche et la fidélisation dans les entreprises de travailleurs agricoles saisonniers.

  (1125)  

    Merci. Vous aurez sûrement l'occasion de développer davantage votre point de vue lors la période des questions.
    Pour faire un deuxième tour satisfaisant, nous passons à Mme Folco. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue. Je suis extrêmement contente de vous voir tous les trois ici parce que les travailleurs agricoles est une question qui me préoccupe depuis plusieurs années. J'ai déjà rencontré des gens qui voulaient se syndicaliser. On sait qu'il y a eu des problèmes à cet égard par le passé.
    Madame Varvaressos, que pense l'UPA de la possibilité, pour les travailleurs agricoles, de se syndiquer lorsqu'ils sont au Canada? M. Lemieux peut également répondre, s'il le désire. Je vous demanderais de répondre brièvement, car notre temps est limité.
    L'Union des produits agricoles n'a pas nécessairement pris position: elle n'est ni contre ni pour la syndicalisation des travailleurs agricoles. C'est la relation normale entre employeur et travailleurs qui s'applique...
    C'est à l'employeur de décider des conditions, etc.
    Il faut quand même faire attention aux conditions. C'est certain qu'on essaie d'offrir les meilleures conditions possible aux travailleurs, que ce soit en ce qui concerne le lieu de travail ou d'autres aspects. On offre beaucoup de formation à nos gens. Quoi qu'il en soit, notre organisation ne veut pas s'engager dans un débat sur la syndicalisation.
    Madame Hanley?
    On a fait des entrevues avec des travailleurs agricoles. Le fait que leur statut soit temporaire et directement lié à l'employeur joue sur leur niveau de confiance pour prendre le risque d'essayer de se syndiquer. De plus, la plupart des provinces canadiennes imposent des barrières juridiques à la syndicalisation, plus particulièrement pour les travailleurs agricoles saisonniers. La volonté de l'employeur est une chose, mais le fait qu'ils soient des travailleurs temporaires les empêche de se syndiquer librement.
    Merci. Je sais que c'est un problème et c'est pourquoi je voulais le soulever.
    Par rapport aux travailleurs agricoles, je reçois avec beaucoup d'enthousiasme la recommandation de Mme Varvaressos en ce qui a trait à la diversification de l'offre d'emploi. Déjà, vous avez diversifié à l'extérieur du secteur horticole, un secteur très en demande dans mon comté de Laval—Les Îles. Comme vous le savez, c'est la route des fleurs. Vous êtes donc allés plus largement vers l'ensemble des travailleurs agricoles.
    Je souhaite justement que d'autres intervenants puissent participer au processus. Il ne s'agit pas ici d'avoir plusieurs paliers, mais il faudrait que diverses personnes puissent servir d'intermédiaires entre le travailleur en pays étranger et l'employeur au Canada. En d'autres termes, si un nouvel entrepreneur veut s'impliquer dans ce processus, a-t-il le droit de le faire ou doit-il passer par une ou deux personnes qui travaillent ensuite avec les divers consulats et ambassades?
    C'est possible présentement, selon les règles de Service Canada. Dans les faits, il y un genre de fast track . En effet, certains producteurs horticoles se sont donné un mécanisme — FERME — qui facilite le recrutement à l'étranger. Dans le domaine de l'agriculture, la seule façon de faire du recrutement à l'étranger, notamment au Mexique, au Guatemala et dans les Antilles, est de recourir à un groupe qui s'est donné un mandat spécialisé d'intermédiaire.
    Nous trouvons que c'est un peu dommage. Des employeurs voudraient faire leur propre recrutement, mais aucune information n'est disponible sur l'endroit où l'on peut aller, les personnes qu'il faut rencontrer et les groupes qui sont crédibles. En outre, on se demande si les permis de travail pour le Canada vont être délivrés une fois qu'ils sont au pays.

  (1130)  

    Tout monopole est dangereux, selon moi, et ça inclut les monopoles d'État.
     Au sujet des conditions de travail, j'ai entendu des histoires absolument horribles au Québec. Des gens que j'ai rencontrés m'ont décrit des situations proches de l'esclavage.
    Madame Varvaressos, l'UPA, par l'entremise de son conseil d'administration, a-t-elle pris des mesures à ce sujet? Avez-vous établi des règlements? Pour ce qui est des conditions de travail, je ne parle pas seulement de l'isolement de ces gens, mais aussi de la manière dont on les traite, du salaire qu'on leur offre. Ont-ils le droit de faire des appels téléphoniques, combien sont-ils par chambre, et ainsi de suite?
    En fait, l'UPA travaille à ce dossier depuis 20 ans, de concert avec ses organismes partenaires. Des lignes directrices ont été établies. L'UPA, qui est un des partenaires, a d'ailleurs proposé dès le départ de mettre en vigueur des normes en matière de logement.
    De plus, les Centres d'emploi agricole aident les producteurs en région à déterminer les conditions de travail susceptibles de convenir à l'accueil des travailleurs étrangers temporaires dans le contexte actuel. Les consulats et les gouvernements sont également concernés.
    Dans quelle mesure ces gens...
    Malheureusement, madame Folco, votre temps est écoulé. J'ai même octroyé quelques secondes de plus pour qu'on puisse entendre la réponse.
    Monsieur Carrier, vous disposez de six minutes.
    Merci.
    Je vous souhaite la bienvenue. Je suis bien content que vous soyez ici. En effet, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers est celui que le public québécois connaît le mieux.
    Vous avez dit plus tôt, madame Varvaressos, que vous attendiez davantage du gouvernement fédéral pour ce qui est de la [Note de la rédaction: inaudible] des entreprises. Je n'ai pas très bien saisi vos propos. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
    En fait, je parlais essentiellement de la gestion des ressources humaines. Dans une ferme moyenne, il n'y a pas de service de ressources humaines. La fonction « ressources humaines » n'est en effet pas très développée dans ces entreprises. On parle ici de PME. Il y a des ressources extérieures. Les Centres d'emploi agricole, par exemple, qui visent à aider les producteurs à développer leurs ressources humaines, sont appuyés en partie par l'État, mais pas suffisamment.
     Un des éléments importants de notre travail consiste à essayer de développer l'ensemble de la gestion des ressources humaines. Ça demande des ressources externes. Nous pensons que les Centres d'emploi agricole peuvent jouer un rôle plus important pour ce qui est du développement des ressources humaines relatif aux entreprises agricoles. Évidemment, ça implique des moyens financiers, de l'appui, et ainsi de suite. Dans notre mémoire, nous insistons sur l'aide à la gestion des ressources humaines. Il faut des ressources externes pour aider les entreprises à développer et gérer leurs ressources humaines.
    Vous avez dit que le nombre de travailleurs temporaires était actuellement de 5 175. Est-ce que ça répond à votre demande?
    Oui, pour le moment, les besoins sont satisfaits.
    C'est satisfaisant?
    C'est le cas en effet en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires. Par contre, on doit recourir assez largement à des travailleurs étrangers temporaires dans le domaine de l'agriculture parce que le recrutement de travailleurs locaux cause problème. On essaie d'avertir les entreprises de ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier. Il faut trouver une alternative. On ne peut pas dépendre d'un seul bassin de main-d'oeuvre. Malheureusement, le recrutement des travailleurs locaux est davantage un problème que l'embauche des travailleurs étrangers.
    Certains témoins ont suggéré que la résidence permanente soit accordée aux travailleurs temporaires qui reviennent chaque année. Cette suggestion semble correspondre à ce que veulent les gens de ce milieu. Ces travailleurs seraient prêts à demeurer ici en permanence plutôt que de travailler à contrat chaque année, quitter le Canada, puis y revenir. Observez-vous le même phénomène chez vos travailleurs agricoles ici, au Québec?

  (1135)  

    Absolument. Ce n'est pas généralisé, mais il reste que certaines demandes nous ont été faites. Nous avons essayé de référer ces gens au ministère concerné, mais ce n'était pas facile. Aucun mode d'emploi n'est disponible pour aider les travailleurs temporaires étrangers à faire une demande d'immigration. En fait, nous avons fait à plusieurs reprises une recommandation à cet égard. Il faudrait trouver une façon d'expliquer à ces gens que la chose est possible, mais dans les faits, les critères visant à favoriser ce type d'immigration ne sont pas en vigueur.
    Quel pourcentage de travailleurs seraient intéressés à demeurer ici en permanence plutôt que de retourner dans leur pays chaque année?
    On n'a jamais fait d'analyse à ce sujet. On n'a donc aucun chiffre.
    On sait que bien souvent, nos ouvriers agricoles ne répondent même pas aux critères de base en matière d'admissibilité. Je pense que dans l'avenir, il pourrait être intéressant de développer cette porte d'entrée, de façon à permettre à ces gens de devenir citoyens canadiens. Éventuellement, ils auraient accès aux mêmes mécanismes de formation que les autres et travailleraient pour d'autres employeurs. Ce serait une porte d'entrée supplémentaire.
    Madame Hanley, vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Il est très important que les deux parties soient d'accord sur le fait que les critères en matière de résidence permanente excluent dans bien des cas les gens qui font normalement ce genre de travail peu spécialisé.
    On parle des conditions de travail et de la situation des travailleurs agricoles. Les employeurs ont peut-être pour la plupart un comportement correct, mais dans le cas contraire, le fait que les travailleurs soient saisonniers et qu'ils veuillent vraiment être embauchés de nouveau l'année suivante les empêche de déposer des plaintes. J'ai mené des entrevues auprès de plusieurs travailleurs agricoles, et ceux-ci m'ont dit qu'ils ne pouvaient simplement pas envisager de déposer une plainte auprès de la Commission des normes du travail ou de la CSST. Ils considèrent que c'est extrêmement difficile. Je pense qu'un seul travailleur a réussi à le faire au Québec.
    Le fait que ces gens aient peur de ne pas être réembauchés l'année suivante et que le recrutement pour tous les employeurs soit fait par la même personne est vraiment un obstacle. Même si la majorité des employeurs ont un comportement correct, on peut empêcher ceux dont le comportement est inacceptable de continuer à agir comme ils le font, en accordant à ces travailleurs le statut de résident permanent.
    Madame Chow, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Merci.
    Nous connaissons le problème: nous l'avons entendu tout au long des témoignages dans les autres villes. Certains ont recommandé de faire en sorte que les recruteurs n'exigent pas d'argent et qu'ils soient légitimes. Pour les travailleurs étrangers temporaires, nous devons veiller à ce qu'ils reçoivent, à leur arrivée au Canada, une séance d'orientation; il faut aussi faire un suivi pour s'assurer que les employeurs ne les exploitent pas, etc.
    Pour revenir à ce qu'on vient d'entendre, j'aimerais demander à Mme Hanley de nous en dire plus sur le système de points qui a été changé. Vous pourriez peut-être nous donner un contexte historique parce que les catégories — A, B, C, D — étaient auparavant assez équilibrées. Maintenant, dans les catégories à faible niveau de compétences — le C et, en particulier, le D — on n'accorde presque aucun point. Comme résultat, nous constatons que la plupart des gens qui viennent au Canada devraient parler couramment l'anglais ou le français, détenir des diplômes, etc.
    Quand a-t-on instauré ce changement? Quelle en était la raison? Dans les années 1980, ce n'était pas le cas; c'est vers le milieu des années 1990 que j'ai remarqué ce phénomène. À l'époque, quel était l'argument du gouvernement canadien — et je crois que c'était le Parti libéral  — pour faire ce changement?
    Ce qui s'est passé ensuite, c'est que le nombre de travailleurs étrangers temporaires a augmenté, puis celui des travailleurs sans papiers parce qu'il n'y avait pas d'autres moyens pour certaines de ces personnes d'entrer au pays.

  (1140)  

    Dans une perspective historique, il est intéressant de jeter un coup d'oeil à l'étude longitudinale de Statistique Canada sur l'immigration, publiée l'année dernière. Cette étude montre que les immigrants des années 1950, 1960 et 1970, dont les antécédents scolaires étaient plus variés, ont mieux réussi à s'intégrer. À l'époque, il y avait beaucoup plus de cols bleus qui sont entrés au pays et qui ont occupé des emplois manuels. Pour eux, ce n'était pas une régression de leur statut; ce n'était pas une expérience déprimante.
    Il faut dire aussi qu'à l'époque, les emplois manuels étaient mieux payés et étaient syndiqués, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
    J'ai déjà pris connaissance de ces statistiques.
    Il est important d'examiner cette différence. Vers le milieu des années 1990, on a tenu de longs débats sur la raison de ce changement. Certains disaient que c'était en réaction à la récession du début des années 1990; on craignait aussi de ne pas avoir réduit le taux d'immigration à l'époque; selon moi, c'était également en partie à cause d'idées préconçues sur... L'immigration changeait de visage, avec de plus en plus de gens provenant du Sud; on craignait que le Canada ne soit pas en mesure d'intégrer des gens considérés comme étant si différents du Canadien moyen. Donc, en fixant des critères d'éducation élevés, on pensait probablement attirer des immigrants qui ressembleraient davantage aux Canadiens même si, quand vous regardez notre profil, ce n'est pas le cas.
    À mon avis, le tout n'était pas vraiment motivé par une bonne raison de planification socio-économique, à part l'argument que nous voulions la crème de la crème, sans que cela corresponde vraiment au réseau social canadien.
    C'était en quelle année?
    Je ne suis pas sûre de l'année exacte.
    C'était vers la fin des années 1990. Je crois que c'était autour de ces années-là.
    Au Québec, par exemple, l'industrie forestière a été décimée. On y trouve un taux de chômage élevé, et il en va de même pour l'industrie manufacturière où l'on compte beaucoup de chômeurs plus âgés. Aucun programme de formation n'a vraiment été créé pour aider les gens à trouver des solutions de rechange; par conséquent, dans certaines régions du Québec, les gens s'en vont en Alberta pour les sables bitumineux et pourtant, entre-temps, nous faisons entrer des travailleurs étrangers temporaires.
    Une petite voix me dit de se rendre à l'évidence, que cette approche ne porte pas fruit parce qu'elle fait vraiment baisser les salaires. Et certaines régions affichent un taux chômage élevé; dans d'autres régions, nous avons besoin de beaucoup de travailleurs et pourtant, ils ne viennent pas comme résidents permanents. Par conséquent, ils reviennent année après année, sans avoir l'occasion de rester ici de façon permanente. Ils n'ont pas accès aux soins de santé, ils n'ont aucun droit au lieu de travail, etc. Ils ne peuvent pas amener leur famille au Canada, et ils sont séparés de leurs proches huit mois par année.
    C'est pourquoi beaucoup de gens se demandent s'il y a vraiment une pénurie d'emplois au Canada pour combler ces types d'emplois ou si ce sont les conditions des emplois qui font en sorte que les chômeurs d'ici sont réticents à les occuper.
    J'étais à la Conférence nationale de Métropolis la fin de semaine passée, et il y avait des représentants de RHDSC et de CIC qui disaient que le programme des travailleurs étrangers temporaires ne fait que répondre à la demande des employeurs, qu'il n'y a pas de plan gouvernemental derrière le tout et que les employeurs ont l'impression que les travailleurs étrangers temporaires constituent une solution rapide — ils viennent ici, font ce qu'on leur demande de faire et, lorsqu'on n'a plus besoin d'eux, ils s'en vont.
    Donc, je crois que c'est un reflet de la gestion juste-à-temps à une échelle internationale, sans tenir compte des besoins à long terme du Canada quant à l'intégration de ces gens. Nos autres objectifs d'immigration visent à bâtir une société diversifiée et solide et à se doter d'une main-d'oeuvre performante.

[Français]

    Merci beaucoup. Malheureusement, je dois vous arrêter.
    Monsieur Harvey, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie d'être présents aujourd'hui.
    C'est la première fois que je siège à ce comité et je suis content d'avoir l'occasion de voir comment les choses se passent au Québec et au Canada relativement aux immigrants.
    Monsieur Lemieux, j'aimerais que vous me décriviez l'historique d'une embauche. Si vous aviez besoin de 25 travailleurs demain matin, que feriez-vous?

  (1145)  

    Je communiquerais avec les gens de mon Centre d'emploi agricole en région et je leur demanderais de m'aider à trouver 25 employés. Comme producteurs, on a besoin de main-d'oeuvre saisonnière, principalement pendant des périodes de pointe précises. Il y a d'abord la période de l'ensemencement, puis celle des récoltes, où les besoins en main-d'oeuvre sont très élevés.
    En ce qui concerne l'historique, les gens des Centres d'emploi agricole tentent de nous trouver de la main d'oeuvre-locale, mais bien souvent, leur réponse n'est pas assez rapide. C'est pourquoi nous faisons appel à de la main-d'oeuvre de l'extérieur, que nous sommes autorisés à employer. Cependant, certains critères de base s'appliquent. Il faut quand même démontrer qu'il y a un manque de main-d'oeuvre locale avant de pouvoir embaucher de la main-d'oeuvre étrangère.
    Les payez-vous au même taux que la main-d’œuvre locale?
    Oui. En vertu de notre politique sur les Centres d'emploi agricole, ce sont les mêmes critères et les mêmes conditions de travail qui s'appliquent.
    Paient-ils des cotisations d'assurance-emploi et à la CSST, entre autres?
    Oui.
    D'accord.
    Mme Sylvie Gravel nous a dit plus tôt qu'il y avait beaucoup de dommages: il y a pratiquement 20 fois plus de cancer chez les travailleurs étrangers que chez les travailleurs locaux.
    Vingt fois?
    De 20 fois supérieur.
    Vous parlez du rendement?
    Non, je parle de cancer ou de traces de cancer.
    Avez-vous vu des cas où des gens auraient perdu une main ou des doigts, mais on ne l'aurait pas rapporté et on les aurait mis dans un avion et retournés chez eux?
    Non, pas à ma connaissance.
    Madame Varvaressos?
    Voulez-vous parler de cancers qui se seraient développés ici?
    Oui. D'après Mme Gravel, c'est ce que les études démontrent.
    Sa recherche porte sur les travailleurs migrants en général. C'est quelque chose que j'ai vu parmi les aides domestiques. L'Hôpital général juif a même créé un groupe de travail sur le cancer chez ces femmes. Cela a quelque chose à voir avec le stress et avec le fait que ces gens ont un statut temporaire. Ils ont de la difficulté à accéder aux soins de santé préventifs et on les voit une fois que les maladies sont plus avancées.
    Quand Mme Gravel en a parlé, cela semblait concerner davantage les travailleurs temporaires du domaine agricole ou forestier. C'est ce que j'avais compris. Vous n'avez rien à rapporter à cet égard?
    Non. Il y a peu de main-d’œuvre agricole étrangère en foresterie. Il y a très peu d'ouvriers dans ce domaine. À ma connaissance, il n'y en a pas. Ce n'est pas favorisé non plus.
    Il y a plus de travailleurs étrangers dans le milieu agricole. Ces travailleurs sont là pour faire la récolte comme telle. En général, ils ne sont pas plus exposés à des conditions de travail dangereuses que les autres employés. Ils travaillent tous ensemble.
    C'est la même chose.
    Le Code canadien du travail s'applique aux entreprises à charte fédérale. Êtes-vous régi par le Code du travail du Québec ou par le Code canadien du travail?
    Nous sommes régis par le Code du travail du Québec.
    D'accord.
    Le service que vous recevez du gouvernement fédéral correspond-il à vos besoins?
    Parlez-vous du Programme des travailleurs étrangers temporaires?
    Oui. Répond-il bien à vos besoins? Pourrait-on l'améliorer?
    Certaines modifications ont été proposées et seront mises en vigueur. Entre autres, la demande de main-d’œuvre étrangère en ligne. Remplir un formulaire en ligne quand on vit en milieu rural est irréaliste, car l'Internet haute vitesse n'existe à peu près pas au Québec. J'imagine que c'est pareil dans le reste du Canada. C'est très long et on n'est pas encore prêts à faire des demandes en ligne.
    Ce qui importe, c'est qu'on continue d'aider les producteurs à préparer leurs demandes, à rassembler leur paperasse et à évaluer différentes options avant d'envisager la solution de dernier recours, qui consiste à embaucher de la main-d’œuvre étrangère.

  (1150)  

    D'autant plus que les entreprises québécoises sont plus petites que la moyenne. Il y aussi d'autres éléments. On a parlé de la formation des producteurs en gestion des ressources humaines. On le fait déjà, mais il y a place à l'amélioration.
     L'intégration sociale dans les petites communautés locales est un autre élément. Bien souvent, on entend des gens dire que leurs conditions ne sont pas bonnes, mais ils ne parlent pas uniquement de leurs conditions de travail. Le milieu dans lequel ils vivent après leur journée de travail comporte peu d'activités sociales. Les petites communautés ne sont pas équipées pour satisfaire ces besoins. À l'avenir, on devrait miser beaucoup sur l'aide aux petites communautés, afin qu'elles puissent recevoir de 200 à 300 travailleurs étrangers dans une période précise de l'année.
    Merci beaucoup. On va passer à un deuxième tour.
    Madame Folco.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur une question que j'ai déjà posée.
    Madame Varvaressos, vous avez parlé de l'UPA et de votre groupe en particulier et de la façon qu'il essaie de poser des critères. Prend-on des mesures disciplinaires contre les employeurs qui ne respectent pas les critères que vous avez vous-mêmes mis de l'avant? Les employeurs savent-ils que s'ils ne respectent pas ces critères, ils feront face à des mesures disciplinaires?
    Bien sûr. Chaque année, on donne de la formation et de l'information aux employeurs sur les pratiques qu'ils doivent mettre en place et sur les contrats de travail. C'est extrêmement documenté et contrôlé par Service Canada, par les consulats, par FERME. Il y a beaucoup d'encadrement et on surveille de près le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
    Et les mesures disciplinaires qui en découlent?
    Oui. Par mesure disciplinaire, entendez-vous exclure une personne du programme, par exemple? Je n'ai jamais vu ça. On ne s'occupe pas de ces questions. Service Canada, l'organisme qui accepte les demandes, intervient probablement, dans ce cas. C'est Service Canada et le consulat. Ce sont les consulats qui acceptent les conditions de travail et la façon que cela se passera sur les fermes.
    Je vais apporter un élément d'information pour qu'il figure au compte rendu.
    M. Harvey a posé une question sur les diverses cotisations que les travailleurs étrangers doivent payer, par exemple l'assurance-emploi. Cependant, il ne faut pas oublier qu'ils ne reçoivent pas de prestations d'assurance-emploi parce que quand arrive le moment d'être au chômage, ils rentrent dans leur pays.
    Donc, étant donné qu'ils ne sont jamais admissibles à l'assurance-emploi, je recommanderais ils n'aient pas à payer de cotisations. Je pense que c'est un élément important.
    On est d'accord sur cette question. Ce problème ne relève pas de l'employeur, mais de la politique canadienne.
    Bien sûr. On va faire des recommandations au ministre, et j'en profite pour faire les miennes.
    Madame Varvaressos, vous avez lu vos recommandations très rapidement. Je remarque qu'elles ne sont pas dans le dépliant que vous nous avez donné. Pourrait-on les avoir par écrit?
    On a fait un mémoire. Alors, je suppose que vous l'aurez dans les prochains jours.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Carrier, vous avez trois minutes.
    Merci.
    Monsieur Lemieux, on a parlé plus tôt de syndicalisation possible des travailleurs agricoles. Vous avez semblé nous dire qu'il n'y avait pas de problème à cet effet. Il y a quelques jours, on nous a parlé d'un travailleur du Québec qui avait fait des démarches en vue de la syndicalisation. En principe, il était reconnu qu'il pouvait travailler dans ce sens. Cet employeur revenait travailler au Québec année après année. Or, cette année, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a refusé de lui accorder un permis de travail. Il affirmait que son employeur habituel était prêt à le réengager et qu'il ne semblait pas y avoir de problème.
    Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce cas, dont j'ai oublié le nom?
    C'est la première fois que j'entends parler de cela.
    L'UPA ne prend pas position par rapport à la syndicalisation. On pense que c'est la règle normale du processus de syndicalisation qui s'applique aux travailleurs et aux employés. L'exécutif d'AGRIcarrières va même jusqu'à dire que la syndicalisation a de bons et de mauvais côtés. Cela fait partie de la game sociale.

  (1155)  

    Mme Varvaressos a-t-elle plus d'information à ce sujet?
    Vous soulevez le cas d'un travailleur qui dit n'avoir pas obtenu son permis de travail. Vous dites que l'employeur l'attendait. Je ne peux pas vous répondre. Vous devriez peut-être vous adresser aux autorités du pays.
    Cette personne a fait des démarches auprès des travailleurs dans le but de les syndiquer. Ce cas doit être assez connu. Je ne l'ai pas pris en note, mais de toute façon...
    Sur 5 000 travailleurs... Si vous me dites en plus que l'employeur voulait le recevoir, je ne sais pas ce qui s'est passé.
    Donc, vous n'êtes pas au courant de ce cas?
    Existe-t-il des syndicats de travailleurs chez vos producteurs agricoles? Est-ce que cela existe chez un employeur en particulier ou chez un regroupement d'employeurs?
    On a fait une analyse de la situation des formes associatives et de la syndicalisation en agriculture, chez AGRIcarrières, pour savoir ce qu'il en était exactement. On a répertorié, au ministère du Travail, 22 conventions collectives qui touchent surtout des fermes avicoles, des fermes porcines et des serres. Ces conventions collectives existent. On entend beaucoup plus parler de travailleurs syndiqués dans les entreprises de serres. Des travailleurs étrangers temporaires ont récemment fait une demande de syndicalisation dans une serre — je pense qu'il s'agit d'Hydroserres Mirabel —, et les travailleurs temporaires de cette entreprise ont réussi à se syndiquer.
    Merci beaucoup. Malheureusement, je dois parler à M. Harvey. Peut-être voudra-t-il vous laisser un peu de temps pour compléter.
    Allez-y, vous avez 30 secondes.
    Je veux simplement dire que sur la plupart des fermes, on empêche les travailleurs agricoles saisonniers de se syndiquer en vertu d'un règlement québécois qui dit qu'il faut qu'il y ait trois employés au travail durant toute l'année avant qu'ils puissent se syndiquer. Cette année, il y a trois fermes où des Mexicains ont essayé de se syndiquer, mais ils en ont été empêchés. Présentement, il y a un procès pour contester ce règlement. Peut-être qu'il y a des entreprises syndiquées, mais la plupart des travailleurs saisonniers ne peuvent pas y arriver.
    Vous avez répondu à la question que je voulais poser. Le problème de syndicalisation n'est-il pas plutôt lié au fait qu'il s'agit d'un travail saisonnier? Dans les autres fermes, les travailleurs saisonniers sont-ils en mesure de se syndiquer? Je ne connais pas assez le monde syndical pour dire s'ils sont en mesure de le faire, en fonction des périodes couvertes. Je ne crois pas que ce soit un problème de travailleurs immigrants ou quoi que ce soit. Je pense que c'est un problème lié au travail saisonnier.
    Les trois seules requêtes en accréditation syndicale que l'on connaît, ce sont les requêtes des travailleurs étrangers temporaires pour se syndiquer. Les autres conventions collectives qui existent sont signées, pour la plupart, par des syndicats locaux. Il y en a qui sont affiliés à la FTQ, mais on n'a jamais eu besoin d'aller en cour pour faire valoir ces droits. Cela s'est réglé au sein de l'entreprise.
    Y a-t-il des revendications dont vous avez entendu parler par rapport à cela, de la part des travailleurs saisonniers?
    On les connaît. Ces requêtes en accréditation syndicale ont été...
    Vous dites en avoir vu trois?
    Ce sont trois requêtes qui ont été faites et qui ont été... Il y en a deux qui ont été finalement refusées, et une qui a été acceptée.
    C'est le Code du travail du Québec qui s'applique comme tel.
    C'est l'exclusion qui fait partie du Code du travail du Québec, oui.
    Le débat porte beaucoup sur la syndicalisation des travailleurs. Nous, à AGRIcarrières et à l'Union des producteurs agricoles, nous sommes un intermédiaire entre des travailleurs et des employeurs. On essaie d'améliorer le plus possible la relation pour offrir du personnel à des producteurs et à des productrices qui en ont besoin, qu'ils viennent de chez nous ou de l'extérieur.
    AGRIcarrières essaie toujours d'améliorer la formation et la connaissance auprès des employeurs pour leur dire que pour avoir un bon rendement, les ressources humaines doivent être valorisées et certaines conditions de travail doivent s'appliquer. Nous avons même tenu un colloque, au printemps, pour dire aux employeurs que nous pensons qu'il y a des solutions gagnantes pour avoir une main-d'oeuvre performante.
    Derrière tout cela, l'objectif est que les producteurs agricoles aient de la main-d'oeuvre, qu'ils soient capables de la trouver et de la conserver, que la main-d'oeuvre soit étrangère ou locale. Il faut conserver la main-d'oeuvre le plus longtemps possible. Lorsque les travailleurs sont bien formés, il y a automatiquement un rendement additionnel. En plus, les producteurs agricoles sont en compétition avec un marché mondial.
    Bien souvent, en tant qu'employeur agricole, on aimerait être un peu plus protégés des contraintes extérieures qui ont mené à la mondialisation des marchés. Bien souvent, en tant qu'employeur, on a aussi à faire face à des employeurs des autres États, des autres pays. Bien souvent, ils ont aussi de la main-d'oeuvre agricole dont les conditions de travail sont loin d'être reluisantes.
    Nous sommes d'accord sur les mesures sociales, mais...

  (1200)  

    Je vais vous interrompre, monsieur Lemieux, parce que Mme Hanley voulait dire quelque chose. Je vais lui laisser quelques secondes pour répondre.
    Il faut simplement souligner qu'il y a une grande différence pour les travailleurs temporaires dans tous les secteurs, agricole ou non, entre leurs droits en vertu de la loi et leurs droits réels. La plupart de ces droits dépendent du travailleur. C'est à lui de faire une plainte ou d'indiquer qu'il veut se syndiquer.
    Au Canada, comme leur statut est complètement dépendant de l'employeur, c'est très risqué pour eux de faire quelque chose qui pourrait être vu comme une démarche contre l'employeur. Pour cette raison, parmi les travailleurs temporaires, il y a vraiment beaucoup de réticence à se syndiquer, à porter plainte en vertu des normes du travail ou à demander l'intervention de la CSST. Il ne faut pas oublier que leur statut temporaire crée une différence entre leurs droits en vertu de la loi et leurs droits réels.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous d'avoir participé à cette séance.
    Mesdames et messieurs les députés, à titre d'information, le déjeuner sera servi à la salle Soulanges. Je vous demanderais donc d'être de retour dès 13 heures afin que nous puissions avoir le plus de temps possible pour entendre nos invités de cet après-midi.
    La séance est levée.