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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue à Pierre Marc Johnson.
    Nous avons M. Morton, au téléphone, qui pourra entendre ce que nous allons dire.
    Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous avons envoyé à chacun de ces messieurs une liste des questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses. Je les passe en revue très rapidement.
    Nous leur avons demandé ce qu'il en était des rôles et responsabilités des conseillers et de la nature des conseils qu'ils ont donnés au ministre. Des documents écrits officiels ont-ils été donnés au ministre en prévision de la conférence? Dans l'affirmative, le comité aimerait en obtenir des exemplaires. En tant que profanes intelligents, qu'avez-vous appris de ce processus? Où pensiez-vous que le processus se dirigeait? Où pensez-vous qu'il se dirige? Êtes-vous optimistes?
    Bien entendu, nous accordons à chacun de nos invités 10 minutes pour nous faire leur exposé, après quoi nous passerons, comme c'est notre habitude, aux questions.
    Je crois que tout le monde a reçu copie des dépenses, des coûts engagés, comme il avait été demandé. Je suppose que vous avez tous reçu cela dans vos bureaux aujourd'hui. J'inviterais Pierre Marc à nous faire une exposé d'au plus 10 minutes.

[Français]

    Je vais faire ma présentation à la fois en français et en anglais, bien qu'il y ait des interprètes chevronnés dans la pièce.
    J'ai assisté à la Conférence de Bali à titre de conseiller. J'étais accompagné de Mme Elizabeth Dowdeswell, ancienne sous-ministre adjointe au ministère de l'Environnement du Canada et ancienne directrice du Programme des Nations Unies pour l'environnement; de Mme Mary Simon, l'une des figures les plus connues du Grand Nord canadien, et de M. Ian Morton, que vous allez entendre plus tard. Nous y étions à titre personnel. Nous faisions partie de la délégation, sans pour autant représenter les positions canadiennes. Nous avons apprécié, d'ailleurs, que le ministre nous donne l'occasion d'intervenir auprès de lui.

[Traduction]

    Notre mandat et notre fonction étaient essentiellement de conseiller le ministre lorsqu'il souhaiterait — et il se trouve que nous l'avons aussi conseillé lorsque nous le souhaitions — sur divers éléments de ce qui se passait à la conférence. Les conseils portaient surtout sur le processus. Comme vous les savez, la plupart de ces conférences se concentrent principalement sur le processus. Deuxièmement, certains d'entre nous ont donné des conseils au ministre sur diverses délégations qui étaient présentes à la conférence ou sur les divers organismes qui y étaient représentés. Enfin, nous avons offert au ministre des commentaires sur certains événements qui se produisaient .
    En ce qui concerne nos activités, nous étions à la disposition du ministre et nous assistions aux diverses séances d'information données par les fonctionnaires. Nous avons accompagné le ministre à diverses rencontres bilatérales — nous n'étions pas tous là en tout temps, mais certains d'entre nous y étaient à certains moments. Nous nous sommes entretenus avec certaines des délégations. Pour ma part, je me suis surtout entretenu avec les délégations européennes parce que je connais depuis quelques années déjà certains de ceux qui en font partie. C'était également le cas d'Elizabeth Dowdeswell, qui connaissait des gens de tous les pays du monde qui étaient à cette conférence. Enfin, nous avons participé à certains types d'événements, y compris à des événements qui se tiennent en marge des conférences de ce genre. J'ai assisté à une conférence donnée par le chef de l'opposition, M. Stéphane Dion.
    Je suis prêt à répondre à toutes les questions possibles, bien que je considère que les conseils donnés au ministre lui ont été donnés sous le sceau de la confidentialité. Le ministre était bien sûr appuyé par des hauts fonctionnaires très compétents, diligents et expérimentés. Deuxièmement, il avait été bien informé et il était évident qu'il connaissait les enjeux — je dirais qu'il les connaissait mieux que la plupart d'entre nous qui étaient ses conseillers, parce que nous n'avions pas pu assister à la séance d'information à laquelle il avait eu droit à Ottawa avant de se rendre à la conférence.
    Je dois dire qu'il était très ouvert pour ce qui est d'accepter nos conseils. Il y était réceptif. Il était également très ouvert pour ce qui est d'accepter, ou du moins d'écouter non pas seulement par politesse, ce que nous avions à dire individuellement ou collectivement aux diverses réunions.
    Voilà quelle était essentiellement notre fonction, monsieur le président.

  (1540)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Morton, nous aimerions bien entendre votre exposé maintenant, après quoi nous passerons aux questions.
    Pour que vous sachiez un peu qui je suis, je dirige une petite entreprise, ici à Toronto, qui offre ses services aux entreprises de services publics au Canada et aux États-Unis. Nous travaillons avec Hydro Manitoba et B.C. Hydro. Nous travaillons auprès de 30 entreprises de services publics en Ontario et aux États-Unis, à l'élaboration de programmes de conservation et de gestion de la demande, et nous offrons aussi des services d'expert-conseil à de grandes entreprises comme Home Depot, General Motors, Winners et HomeSense. J'ai une quarantaine d'employés à temps plein ici à Toronto, et je retiens aussi les services de 300 entrepreneurs dans les différentes régions du pays.
    Avant de lancer ma propre entreprise, j'ai travaillé pour Pollution Probe.
    Je vais maintenant redonner la parole au comité. Ce que j'aurais à dire ressemblerait fort à ce qu'a dit Pierre Marc. Quand j'étais à Bali, mon rôle consistait à conseiller le ministre. Nous voyions le ministre tous les jours. Nous avions généralement une rencontre d'une heure avec lui le matin. J'ai participé à des rencontres bilatérales avec le ministre et son personnel, où on nous présentait la position d'autres pays et où nous exposions la position canadienne. Tout comme les autres conseillers, j'ai eu l'occasion de rencontrer nos négociateurs. Je tiens à dire que leur dévouement, leur expertise et leur passion pour la question me rendaient fier d'être Canadien. Matt Jones et Jennifer Kerr, en particulier, ainsi que Ian Shugart et David McGovern, étaient des personnes très impressionnantes et dévouées qui ont travaillé de très longues heures là-bas.
    J'ai participé à beaucoup de séances, quand je n'étais pas à des rencontres bilatérales, où il était question de l'élaboration des politiques et des processus connexes qui circonscriraient la position canadienne. J'ai participé à des séances en soirée qui étaient organisées soit par d'autres pays soit par des organismes sans but lucratif. J'ai tendu la main à plusieurs reprises aux groupes environnementaux canadiens qui étaient présents à la conférence afin de leur demander leurs avis et conseils pour pouvoir en faire part au ministre et à son personnel. J'ai essayé, tout comme les autres conseillers, de me mettre à la disposition des négociateurs et du personnel politique lorsqu'ils avaient besoin de conseils, et j'ai aussi apporté mon expertise chaque fois que cela était possible.

  (1545)  

    Excellent. Merci beaucoup.
    Vous avez très bien fait cela tous les deux. Je n'ai même pas eu besoin d'utiliser mon chronomètre.
    Nous allons entendre M. McGuinty.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Johnson. Je suis heureux de vous revoir après tout ce temps.
    Merci beaucoup, monsieur Morton, de vous joindre à nous par téléphone. C'est très aimable à vous de vous mettre ainsi à notre disposition.
    J'ai une question qui s'adresse à vous deux, parce que vous êtes tous deux des Canadiens qui ont beaucoup d'expérience et qui s'occupent de ces questions depuis un certain temps déjà.
    Dans votre cas, monsieur Johnson, je crois que vous participez aux négociations internationales depuis une vingtaine d'années sans doute.
    Monsieur Morton, je ne sais pas si nos chemins se sont déjà croisés, mais il me semble que je me rappelle de vous de l'époque où vous étiez à Pollution Probe.
    Puis-je vous demander tout d'abord si vous vous rappelez qu'il soit déjà arrivé depuis 1992, année où une bonne partie du travail fondamental a été fait à Rio de Janeiro, que les porte-parole de l'opposition n'aient pas été invités à faire partie de la délégation officielle du Canada aux rencontres de la Conférence des Parties?
    Non.
    Monsieur Morton?
    Non, je ne me rappelle pas que cela soit arrivé.
    Je passe maintenant au plan d'action gouvernemental appelé Prendre le virage, parce qu'il suscite la discussion, comme il se doit. C'est un plan d'action. Nous avons posé des questions au sujet du contenu de ce plan et des preuves qui le sous-tendent, de l'analyse qui a peut-être été faite pour l'appuyer et de la modélisation sur laquelle il pourrait se fonder. Depuis que le plan a été rendu public, nous n'avons cessé de demander s'il existe la moindre analyse dont les résultats pourraient être communiqués aux Canadiens, à l'opposition, pour nous montrer comment le gouvernement est arrivé à cette proportion de 20 p. 100 d'ici à 2020 pour les cibles d'intensité, par exemple.
    Monsieur Johnston, je crois que, lorsque vous étiez là-bas, vous avez aussi aidé à convoquer des réunions et vous avez présidé quelques séances, etc. Le plan d'action du gouvernement appelé Prendre le virage a-t-il en fait été présenté publiquement, à part aux membres de la délégation officielle, comme nous l'a dit Ian Shugart, dans le discours officiel du ministre? Le plan a-t-il été présenté publiquement?
    J'ai effectivement présidé une rencontre, dans le cadre d'un soi-disant événement parallèle organisé par la délégation canadienne, qui devait comprendre deux parties, la première étant un exposé sur le captage et le stockage du carbone par des spécialistes de l'industrie. À ma connaissance, ces spécialistes faisaient partie de la délégation uniquement pour qu'ils puissent présenter leur exposé à ce groupe. Je ne les ai jamais vus à des séances d'information et je n'ai jamais vu non plus d'ONG ou d'autres groupes.
    La deuxième partie de la réunion était réservée au plan d'action que devait présenter le ministre — et j'ai dû l'excuser parce qu'il a été appelé à un des comités, des groupes ou des séances informelles justement au moment où il devait faire ce discours-là.
    Je ne me sentais pas en mesure de présenter le plan d'action moi-même; il n'entrait pas dans mon mandat de le faire. Je ne sais pas si le ministre l'a présenté par la suite. À ma connaissance, il ne l'a pas fait — mais la réalité est peut-être différente.

  (1550)  

    Ma question suivante s'adresse à vous deux. Avez-vous lu le plan d'action du gouvernement?
    Oui, je l'ai vu quand il a été publié.
    Monsieur Morton?
    Oui, j'ai lu le document, mais il y a déjà un certain temps de cela, alors je ne me rappelle pas très bien de toutes les dispositions qu'il contient, et je ne l'ai pas sous les yeux en ce moment.
    Une bonne partie du débat sur la déclaration finale, d'après ce qu'on nous a dit — et il y a des députés autour de cette table qui étaient présents et, même si je n'y étais pas moi-même, mon chef y était — concernait la question de savoir si la déclaration devrait refléter le consensus parmi les signataires de Kyoto voulant que nous nous efforcions d'atteindre une réduction absolue de 25 à 40 p. 100 par rapport à 1990. Au bout du compte, d'après ce qu'on m'a dit, le ministre a fini par céder aux pressions — comme nous l'ont dit d'autres délégations — et a appuyé la déclaration.
    Je vais vous poser la question directement. L'un ou l'autre de vous a-t-il pu réconcilier le fait que le ministre ait dit sur la scène internationale que nous allions effectuer une réduction absolue de 25 à 40 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 — comme l'atteste le document qu'il a signé et approuvé à Bali — avec le plan d'action national dont aucun observateur tiers ne pense qu'il permettra d'obtenir une réduction même de 20 p. 100 d'ici à 2020, en se servant des cibles d'intensité et de 2006 comme année de référence?
    Vous êtes deux experts qui vous occupez de ce processus relatif aux changements climatiques depuis longtemps. Pourriez-vous nous aider à comprendre cela? Avez-vous pu réconcilier le plan d'action national du gouvernement et le fait qu'il ait donné son accord à la déclaration finale de Bali?
    À ma connaissance, le ministre a parlé dans le discours qu'il a prononcé en séance plénière d'une réduction de 20 p. 100 d'ici à 2020. C'est ce que je l'ai entendu dire.
    Monsieur Morton?
    Monsieur McGuinty, je ne fais pas partie du gouvernement, alors je ne peux pas défendre sa position à cet égard.
    Je crois que le ministre Baird a reconnu en séance plénière que le Canada devait faire plus. Comme vous le faites remarquer, je crois que le plan que nous avons jusqu'à maintenant n'est peut-être pas suffisant par rapport à ce qu'il nous faudra atteindre d'après ce que nous dit la science, à savoir une réduction de 80 p. 100 d'ici à 2050.
    Les rencontres de Bali devaient servir à établir une feuille de route pour l'avenir. Or, à l'honneur du gouvernement, il faut reconnaître que, à l'issue de ces rencontres, le Canada s'était engagé à appuyer cette feuille de route et les réunions qui vont avoir lieu en Pologne cette année et qu'il s'était engagé à participer aux négociations de 2009 qui définiront l'après-2012.
    Est-ce que l'un d'entre vous a conseillé au ministre d'adopter cette déclaration et ces cibles pour le Canada?
    Ce n'était pas mon rôle.
    Ni celui de M. Morton, je présume.
    C'est bien cela.
    D'accord.
    Puis-je demander à mon collègue de combler les dernières minutes du temps qui nous est imparti?
    Oui, il peut avoir deux minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Johnson, d'être venu ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Lorsque vous dites que votre rôle n'était pas de conseiller le ministre, qu'entendez-vous exactement?
    C'était le dernier jour; j'avais déjà pris l'avion.
    D'accord. Vous étiez déjà en chemin?
    Oui.

  (1555)  

    Très bien.
    Laissez-moi vous expliquer. C'est arrivé à de nombreuses personnes. La conférence s'est prolongée de 24 heures — ce qui est normal — et de nombreuses personnes ont eu à choisir entre deux options, soit celle de manquer la dernière journée soit celle d'attendre une semaine avant de pouvoir retourner à la maison. Puisque j'étais conseiller — et qu'en plus je n'étais pas payé — j'ai décidé de revenir après sept jours à Bali.
    C'est certainement comprenable. La seule chose, c'est qu'on serait porté à penser que les 24 dernières heures puissent être les plus critiques pour ce qui est de tenter de conclure une entente finale. On entend souvent parler de négociation — puisqu'il s'agit clairement de négociation — dont l'issue est incertaine jusqu'au bout. Je ne dis pas qu'il ne soit pas incompréhensible que, pour ces bonnes raisons, vous voudriez partir. Toutefois, compte tenu de l'importance de votre rôle, j'aurais pensé qu'on aurait voulu que vous restiez pour ces 24 dernières heures.
    Je ne voudrais pas exagérer l'importance du rôle que M. Morton, Mary Simon, Elizabeth Dowdeswell ou moi-même avons joué. Je crois que nous étions là pour donner des conseils au ministre, certains sollicités, d'autres à notre gré. Il a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit à cet égard.
    Ceci dit, nous n'étions pas en négociation. J'aurais pourtant peut-être aimé l'être, mais c'est une tout autre question. Je ne faisais pas partie de l'équipe de négociation, ni M. Morton. Nous participions à une pratique commune à l'ONU, soit des rencontres informelles en coulisses entre personnes qui se connaissent ou qui se sont déjà connues. Il y a des spécialistes et des négociateurs. Je dois dire que l'équipe de la délégation canadienne était remarquable. Je suis bien placé pour le dire, à mon avis, parce que j'ai acquis pas mal d'expérience dans ce domaine au cours des 20 dernières années. Je dirais que l'équipe qui était là était remarquable, autant pour son expérience et son énergie que sa capacité de s'occuper de nombreux dossiers à la fois. Mais il ne s'agit pas de négociateurs. Aucun des conseillers ne prenait part à la négociation. Nous conseillions le ministre relativement à diverses questions.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Bigras. Allez-y.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je tiens aussi à remercier les témoins de leur présence au comité. Ce ne doit pas être facile, pour des conseillers du ministre, de comparaître ici devant des parlementaires. Je les remercie de leur présence.
    Néanmoins, ils ont été conseillers du ministre et on est en droit d'avoir quelques explications. La première, monsieur Johnson, concerne votre déclaration du 12 décembre 2007. J'étais à Bali, tout comme vous, et j'ai été un peu surpris de lire votre déclaration dans La Presse. Vous affirmiez que: « Le Canada a un problème de crédibilité qui vient du fait qu'il n'a pas livré la marchandise depuis 15 ans. » On va vous donner la chance de vous expliquer parce que bien souvent, on ne retient que les titres des articles.
     Pourriez-vous nous dire ce que vous vouliez indiquer par cette déclaration à Bali?
    Oui, monsieur le député Bigras.
    Le Canada a été remarquablement proactif dans le secteur des négociations environnementales à compter de la fin des années 1980, soit au moment du rapport Brundtland. À la Conférence de Rio, le Canada a fait un apport substantiel. Il a pris un certain nombre d'engagements, notamment en matière de transferts financiers, de réorientation du CRDI, entre autres, vers les questions de développement durable, etc.
    Cependant — et je dois le dire parce que je l'ai beaucoup entendu aux Nations Unies depuis quelques années —, le Canada a perdu de sa crédibilité. Et cela n'a pas commencé hier. Il y a un sentiment, dans les délégations — ce sont des choses qui ne se disent jamais publiquement —, que le Canada a épousé un certain nombre de principes en 1992 qu'il n'a pas nécessairement appliqués. Encore une fois, je tiens à préciser que je n'ai pas entendu cela cette année seulement, j'entends cela depuis des années. Je pense qu'il y a toutes sortes de raisons à cela. D'ailleurs, je suis convaincu que vous avez pris connaissance des rapports du vérificateur général, tout comme moi et même probablement plus que moi, puisque c'est dans vos fonctions.
    Le Canada ne s'est pas vraiment équipé, à compter de 1992 jusqu'à tout récemment, pour répondre à ses engagements internationaux. On peut se demander pourquoi. Est-ce que ce sont des problèmes administratifs qui durent depuis 10 ans? Peut-être, mais il y a peut-être aussi d'autres raisons, comme des raisons politiques plus importantes, notamment en matière de changements climatiques. À mon avis, la problématique en matière de changements climatiques, pour le Canada, est fait d'un mélange d'un effort essentiel à faire comme pays développé pour répondre aux exigences qui nous viennent de la science, si on veut envisager un avenir qui ait du sens pour nos enfants, mais aussi d'un certain nombre de contraintes, dont la proximité du voisin américain, qui lui n'a pas été extrêmement dynamique, en tout cas, pas au niveau central aux États-Unis, même si beaucoup d'États et de municipalités le sont.
    Deuxièmement, les États-Unis n'ont pas adopté le Protocole de Kyoto. Cela pose l'éternel problème à savoir dans quelle mesure on peut, lorsque les Américains ne le font pas, exposer notre industrie à cela, etc. Ce n'est pas un problème nouveau, il existe régulièrement dans d'autres secteurs. L'autre raison, qui m'apparaît fondamentale et que je trouve qu'on n'évoque pas souvent, c'est que le Canada fait partie de l'équation énergétique, pour les Américains, ce qui entraîne l'exploitation des sables bitumineux, qui sont responsables, à cause des techniques d'exploitation, d'une grosse partie de l'augmentation des gaz à effet de serre qu'on connaît depuis 1997. Cela fait partie des contraintes, sur le plan des politiques publiques, qui m'apparaissent évidentes.
    Cela signifie-t-il qu'il ne faut rien faire? Non, je ne le pense pas. Je n'ai pas à porter de jugement sur la politique du gouvernement. Je pourrais simplement vous dire qu'il m'apparaît essentiel de faire des pas importants, mais que les contraintes internes du gouvernement du Canada ne peuvent malheureusement pas être invoquées dans des forums internationaux: ça ne fonctionne pas comme cela. On peut le dire une fois, mais ce n'est pas une réponse.

  (1600)  

    C'est comme quand vous avez emprunt à la banque: vous pouvez bien expliquer que votre beau-frère est tombé malade, que vous lui avez donné un coup de main et que vous avez un enfant dont les frais de scolarité ont été plus élevés, le banquier vous dira qu'il faut payer. On pourra peut-être renégocier le prêt.
    Je pense qu'en matière de changements climatiques et d'engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto, le Canada est un peu dans cette situation où il ne peut pas livrer toute la marchandise anticipée en vertu de ses engagements, mais où les raisons pour lesquelles il ne peut le faire ne sont pas des raisons qu'il peut invoquer constamment, parce que les forums internationaux sont comme les banques: ils ne sont pas intéressés à cela.
    D'accord. J'aime bien le parallèle que vous faites avec les prêts et la renégociation. Une des conclusions des discussions qui ont été tenues à Bali a été la date de référence qui doit être prise en considération dans l'établissement des cibles futures. D'un côté, l'Europe tenait mordicus à l'année 1990, tel que prévu dans le Protocole de Kyoto, et d'un autre côté, il y avait la position d'autres pays, dont le Canada qui non seulement a inclus l'année 2006 dans son plan de lutte contre les changements climatiques, mais qui a de plus poussé les autres pays à s'en rapprocher.
    Quand un individu qui a fait des efforts par le passé et décidé de se serrer la ceinture décide de rembourser une partie de sa dette, je veux bien croire que le banquier veuille renégocier, mais ne croyez-vous pas qu'il serait plus respectueux et plus équitable de reconnaître les efforts que des pays, des États, des entreprises ont faits par le passé? Ne croyez-vous pas que l'année de référence ne devrait pas être négociable? Ne croyez-vous pas qu'on devrait reconnaître que ces pays, ces États, ces entreprises, qui quelquefois, pour des raisons économiques, ont fait des changements dans leurs procédés industriels qui ont fait en sorte qu'ils sont devenus plus productifs, bien sûr, ont tout de même fait des gains d'efficacité? Ne croyez-vous pas qu'il serait équitable, pour ces derniers, de reconnaître les efforts faits par le passé?
    Lorsque cette question a été mise sur la table à Bali, qu'avez-vous recommandé au ministre Baird? Lui avez-vous dit qu'il vous semblait que le Canada, en toute équité, devait défendre l'année de référence 1990?

  (1605)  

    J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure que je n'étais pas là au moment où cette décision a été prise. Elle a été prise à la toute dernière minute. Cependant, le ministre est arrivé à Bali avec, de toute évidence, un mandat du Conseil des ministres ou un mandat qu'il avait élaboré lui-même. Vous savez comme moi qu'un ministre n'engage pas la responsabilité du gouvernement tout seul le soir en pensant que les choses devraient mieux aller, même après avoir consulté ses conseillers. Il doit fonctionner dans le cadre d'un gouvernement et d'un mandat du Conseil des ministres.
    Alors, quand j'ai entendu le ministre évoquer les perspectives de 20 p. 100 pour 2020 et évoquer assez clairement qu'il s'agissait de 2006, je n'ai donc pas été surpris, par la suite, que ce soit cela. De toute évidence, cela découlait d'un mandat qu'il avait.
    Mais il y a une autre négociation...

[Traduction]

    Je me demande si M. Morton veut répondre à votre question. On ne l'a pas entendu depuis une ou deux minutes.

[Français]

    Monsieur le président, il me semble que c'est mon droit, à titre de parlementaire, de poser des questions au témoin auquel je souhaite m'adresser.

[Traduction]

    Très bien.

[Français]

    J'ai une dernière question. Vous étiez présent lors de cette rencontre à Bali, et il y a un sujet dont on a discuté alors que vous y étiez. C'était la proposition d'inclure le rapport du GIEC mais d'inclure la limitation de l'augmentation de 2° C par rapport à l'ère industrielle à l'intérieur du document final. Certains ont préféré que cette référence, à la fin de la rencontre, soit mise en bas de page, ce qui fut le cas. Le Canada, je crois, s'y opposait.
    Avez-vous conseillé au gouvernement, en respect pour le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, d'intégrer cette notion du 2° C de façon claire et évidente dans la feuille de route de Bali, et non pas en bas de page?
    Encore une fois, la question ne s'est pas posée dans un tel cadre, mais oui, on a eu l'occasion de discuter de l'ensemble des enjeux, tant aux niveaux de l'atténuation et de l'adaptation qu'aux niveaux de l'avancement technologique, du financement et aussi de toute la partie scientifique. Ce qui s'est passé relativement à la question du 2° C ne m'étonne pas beaucoup. Le GIEC existe depuis 1988, il a été créé par l'Organisation météorologique mondiale, et c'est la base de la science qu'on utilise pour parler de changements climatiques. Le quatrième rapport du GIEC, qui est sorti en 2007, couvre des dimensions que les autres rapports ne couvraient pas. C'est un rapport assez définitif quant à un certain nombre de choses. Premièrement, il est absolument définitif, quant à moi, quand il affirme que les changements climatiques sont là et qu'ils continueront. Deuxièmement, il est définitif quand il affirme que cela provient, entre autres, d'une activité anthropogène. Troisièmement, on a établi assez clairement quelles étaient les conséquences des changements climatiques sur un certain nombre de pays. On a même identifié, notamment au niveau de l'adaptation, un certain nombre de choses qui s'imposent.
    La question du 2° C est relativement nouvelle dans l'analyse et dans la science qui est présentée. Il est sûr que les groupes qui ont intérêt à ce que les choses aillent lentement invoquent habituellement le fait que c'est de la science un peu nouvelle. Je vous rappellerai que ces mêmes groupes, il y a quelques années, mettaient en doute le fait que l'activité humaine puisse générer une situation qui elle-même amène des changements climatiques avec les conséquences qu'on connaît. Il y a peut-être une question de maturité quant à l'acceptation des affirmations scientifiques qui se pose une fois de plus. Cette fois, cela s'est posé sur le 2° C. Quant à moi — est-ce ici une affaire d'intuition et non plus de science? —, je vous dirais que si le GIEC a le même succès en termes d'approfondissement à l'égard du 2° C qu'il a eu dans le passé, c'est un concept qui va s'imposer de lui-même d'ici la Conférence du Danemark, à la fin de 2009.

  (1610)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Bigras.
    Monsieur Stoffer.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs Morton et Johnson, je vous remercie de votre présence.
    Monsieur Morton, avez-vous participé de près ou de loin aux discussions de Kyoto ou de Rio avec les gouvernements précédents?
    Non, c'était un peu avant mon temps. Je suis encore relativement jeune — au début de la quarantaine. Je n'ai participé à aucune de ces négociations.
    Comme je l'ai dit à M. McGuinty plus tôt, mon expertise en matière de politique publique est davantage liée aux activités en Ontario et au processus lié au plan d'action sur les changements climatiques qui a été mis sur pied à la fin des années 90. Je participe à ces processus depuis quelques années seulement.
    Merci.
    Monsieur Johnson, avez-vous participé aux discussions de Rio avec les gouvernements précédents?
    J'ai participé au processus de Rio pendant presque quatre ans. Puis en 1993 ou 1994, j'ai été impliqué dans la convention sur la désertification, soit l'une des promesses à Rio faites en grande partie aux pays africains. J'ai été médiateur entre les pays du G-77 et les pays de l'OCDE relativement aux aspects financiers de la convention. J'ai participé à diverses activités de mise en oeuvre et publié un livre à ce sujet à Londres il y a quelques mois. Voilà mon expérience.
    Merci.
    Messieurs, même si je n'étais pas là, j'ai suivi les procédures de très près, pas seulement sur Internet, mais aussi à la télévision. Il semble, du moins aux gens à qui j'ai parlé et à notre parti, que le Canada s'est rendu là-bas dans l'intention de tricoter avec la rondelle, si vous me permettez l'expression. On aurait dit que le Canada n'était pas vraiment convaincu de la pertinence des engagements de Kyoto. Certains des groupes et pays y étaient représentés.
    De l'extérieur, on aurait dit — et corrigez-moi si j'ai tort — que le Canada a été forcé de participer à la négociation finale, laquelle, évidemment, comme vous le savez, a dû être prolongée pour en venir aux résultats escomptés.
    Mon problème, c'est la perception — et je ne vous demanderai certainement pas si vous avez parlé personnellement àM. Bairdde ces questions — que le gouvernement n'est pas tout à fait convaincu que les changements climatiques sont attribuables à l'activité humaine ou que nous jouions vraiment un rôle à cet égard. Vous avez parlé de la très bonne équipe de professionnels dont vous faisiez partie et d'avoir tenté de convaincre le ministre autrement.
    Monsieur Morton, même si vous et M. Johnson n'étiez pas à la conférence de Kyoto, vous êtes-vous servi de conseils ou de discussions avec des gens qui étaient à la conférence de Kyoto pour poursuivre ces discussions à Bali, ou vous êtes-vous simplement rendu là avec l'information immédiate?
    Eh bien, je crois que nombre des négociateurs qui travaillent au Bureau des changements climatiques à l'échelle internationale d'Environnement Canada participent aux négociations depuis le début et ont à la fois les connaissances historiques et l'expertise nécessaires pour conseiller le gouvernement en ce qui a trait aux divers aspects des négociations, qu'il s'agisse de transfert de technologies, d'adaptation ou d'autres domaines dans lesquels le Canada peut jouer un rôle très constructif à l'avenir.
    Je crois, et c'est tout à l'honneur du gouvernement, que certaines choses n'ont pas été beaucoup abordées dans les médias ici au Canada, comme notre contribution aux installations environnementales mondiales, qui est deuxième en importance je crois, et le rôle important que nous avons joué en matière d'adaptation et d'engagement.
    Je crois qu'il y aura toujours des gens qui pourront donner des conseils, et j'espère que les gouvernements, peu importe leurs couleurs, tiendront compte de ces conseils. J'aimerais simplement signaler au comité qu'à Environnement Canada, nous avons de nombreux grands spécialistes qui ont joué un rôle très important, non seulement dans la prestation de conseils au personnel politique à Bali, mais aussi de par leurs connaissances historiques, puisque nombre d'entre eux sont là depuis les négociations de Rio et de Kyoto, afin d'aider le Canada à élaborer de nombreux éléments de son plan.

  (1615)  

    Monsieur Morton, je veux vous interrompre une seconde. Ici Nathan Cullen, et je vais prendre les relais de mon collègue, M. Stoffer, pendant un instant.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Moi aussi je vous présente mes excuses parce que mes vols dans le nord de la Colombie-Britannique ont été annulés. Tout ça c'est à cause des changements climatiques que nous connaissons.
    J'ai deux questions. La première s'adresse à M. Johnston. Nous nous sommes rencontrés à la conférence et une des questions dont nous avons discuté à plusieurs reprises, c'est le manque de crédibilité croissant du Canada sur la scène internationale. Souvent le gouvernement actuel ainsi que les précédents ont dit que si les autres pays ne coordonnent pas leur action avec les nôtres, il sera dangereux pour l'économie canadienne de faire quoi que ce soit de majeur, surtout en ce qui concerne les gros pollueurs.
    Je m'adresse à vous, monsieur Johnson. Quelle est la crédibilité du Canada dans la voie qu'il emprunte depuis 1992, quand il exhorte la Chine et exerce des pressions sur les pays du monde comme l'Inde pour qu'ils se rallient énergiquement à l'instauration de plafonds fermes sur les émissions?
    C'est vraiment le coeur du problème. Ou bien nous estimons que les changements climatiques sont quelque chose d'important ou bien ils ne le sont pas. Moi je crois qu'ils le sont. J'ai aussi l'impression que le ministre aussi le croit. Il l'a dit et l'a répété devant nous — et au public aussi je crois — qu'il accepte les conclusions scientifiques du GIEC. Deuxièmement, il accepte les principes de la CCNUCC, la convention cadre, dont le principe de la responsabilité commune mais différenciée des divers pays.
    Une trentaine de pays du monde, qui représentent environ 30 p. 100 des émissions, ont accepté d'imposer des restrictions. Certaines d'entre elles, en vertu du Protocole de Kyoto, qui ne s'appliquent qu'aux pays de l'OCDE et à une ou deux des économies nouvelles d'Europe de l'Est, créent des contraintes, mais, du même coup, donnent le ton de ce qui doit être fait. Mais s'il n'y a pas plus de 30 pays, nous n'irons nulle part: nous allons frapper un mur.
    C'est donc dire qu'en ce qui concerne l'importance ou l'influence du Canada comme puissance intermédiaire, comme pays qui cherche, comme le gouvernement le prétend, à jouer un rôle plus fort sur la scène internationale, il me semble qu'il y a en vérité deux politiques internationales différentes pratiquées par le gouvernement. On le voit quand il est question de l'Afghanistan. Quand il s'agit d'être sur le pied de guerre, il est très fort, et veut avoir un rôle et une voix plus efficace, mais quand il s'agit de l'environnement, il s'efface, et n'a pas l'influence qu'il affirme dans ses discours.
    Avez-vous vu des signes que le Canada arrive à persuader ces pays en développement, les autres pays, ceux qui ne s'occupent pas des émissions de gaz dans le monde? Avons-nous fait des efforts? Avons-nous eu de l'effet? A-t-on pu peser aussi lourd que les Européens, par exemple?

  (1620)  

    Nous n'avons évidemment pas les mêmes intérêts que les Européens. Nos pressions ne vont pas exactement dans le même sens que celles des Européens; notre effort va dans le même sens mais est plus large. Dans les faits, il y a 20 ans, les Européens ont décidé de fermer les installations au charbon — peu importent les raisons, y compris à cause d'un anti-syndicalisme puissant en Grande-Bretagne à un moment donné. Ensuite, la France a décidé de passer au nucléaire. Quand on passe au nucléaire, on ne s'inquiète pas trop des émissions sauf pour le béton qui est produit pour les bâtir, ce qui est beaucoup.
    En pratique, nos intérêts sont légèrement différents sur le plan économique de ceux des Européens parce que nous n'avons pas la même marge de manoeuvre. Le Canada n'est pas le seul pays qui n'atteindra pas ses objectifs d'ici à 2012. L'Espagne et le Portugal ne les atteindront pas non plus. Je pense que c'est aussi le cas de l'Irlande, mais je n'en suis pas absolument sûr. Ce qui les sauvera, c'est d'être englobés dans l'Europe.
    Que doit faire le Canada dans un contexte comme celui-là? Eh bien, je pense que les négociations de Bali ne sont pas l'instance où le Canada peut avoir le plus d'importance.
    C'est clair qu'il n'en avait pas.
    Mais j'estime que ce n'est pas la meilleure façon de faire, pour exercer la pression que le Canada peut exercer. Après tout, le Canada est un pouvoir moyen — le Canada, ce n'est pas les États-Unis.
    Il est donc intéressant de voir que le Canada ait décidé d'allouer tant de ressources à cela. Le gouvernement a envoyé beaucoup de gens à Bali. Vous l'avez vu, tout comme moi.
    J'ai juste une dernière question, parce qu'il ne me restera plus de temps.
    Une question brève, monsieur Cullen. Vous avez déjà bien dépassé votre temps.
    Voyez-vous des indications que le Canada négocie un plafond, un régime d'échanges avec les États-Unis, l'Europe ou un autre pouvoir? De nombreux groupes du monde des affaires ont comparu devant nous, et nous ont exhortés à clarifier le prix du carbone.
    Je ne vois pas de négociation là-dessus. Comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas dans toutes les phases des négociations, mais je pense que le but devient de plus en plus évident. Nous devons passer vers un plafond et un régime d'échanges.
    Mais vous n'avez pas vu des indications que le Canada allait dans cette direction, vous n'avez pas vu d'indications que le Canada négociait...
    Monsieur Morton, avez-vous de telles indications?
    Non, je n'en ai pas vues.
    Bon. Merci.
    Mais cela ne veut pas dire que de telles négociations n 'ont pas eu lieu.
    Monsieur le président, si vous me permettez de finir mon commentaire sur cette question, j'estime que le meilleur forum où le Canada pourrait agir de concert avec ses alliés habituels, dans un contexte où il accepte la science et considère qu'il y a des pas en avant à faire dans les années à venir, c'est le G-8 et le G-8 plus les cinq de Gleneagles — la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud. Il y a aussi les MEM, les réunions économiques importantes auxquelles l'Indonésie, la Corée du Sud et l'Australie, et les institutions de l'ONU et de l'Union européenne, s'ajoutent au G-8 et au Gleneagles +5.
    J'estime que c'est là que le travail peut se faire. Pourquoi? Parce que ces forums comprennent 85 p. 100 du PIB mondial, et 80 p. 100 des émissions planétaires. C'est là la vraie table de négociation. Je dis cela sans nier l'importance du processus multilatéral de l'ONU. Si les pays qui représentent 85 p. 100 de l'économie mondiale et 80 p. 100 des émissions planétaires ne peuvent pas se mettre d'accord sur une orientation à prendre, une assemblée de 194 pays ne pourra certainement pas le faire.
    Il faut voir où le Canada pourrait mieux jouer son rôle. D'après moi, c'est dans le contexte des forums que j'ai décrits.
    Bon. Merci beaucoup, monsieur Johnson.
    Monsieur Warawa.
    Messieurs Morton et Johnson, merci beaucoup d'être ici. Vous êtes tous les deux très bien respectés, et les commentaires que vous avez présentés ici aujourd'hui nous ont beaucoup éclairés.
    Monsieur Morton, vous avez dit que vous étiez très fier de l'équipe canadienne. Monsieur Johnson, vous avez dit que l'équipe canadienne était remarquable.
    Des questions ont été posées au sujet de l'objectif du Canada à Bali. Quel était l'objectif pour l'équipe canadienne? Que voulait accomplir le Canada en envoyant cette mission à Bali?

  (1625)  

    D'après moi, c'était d'abord et avant tout de s'acquitter de ses responsabilités en tant que membre du concert des nations.
    Deuxièmement, c'était d'occuper un espace très inconfortable, du fait que le gouvernement du Canada a dit, ni plus ni moins tout haut, ce que d'autres pays croient, à savoir que le processus a atteint son point culminant dans le contexte de Kyoto et que l'étape suivante doit être beaucoup plus englobante.
    Cela dit, jusqu'à maintenant, le Canada n'a pas respecté ses obligations aux termes de Kyoto, et il est fort probable qu'il ne le fera pas d'ici à 2012. Voilà pour l'aspect pratique, et c'est ce qui fait qu'il est difficile pour le Canada de se présenter devant une tribune aussi importante et de dire aux autres quoi faire. Mais je pense que le Canada, dans le contexte du G-8, du groupe Gleneagles +5 et aussi du MME, peut jouer un rôle plus important justement parce que j'estime qu'il est dans l'intérêt du Canada d'élargir la gamme d'instruments que nous allons nous donner pour faire face à ce qui est un problème mondial réel et qui concerne, non pas seulement le Canada, mais toute la communauté internationale.
    Et l'éventail des options, qui par définition sera ouvert dans un dialogue avec les principaux pays industrialisés, que j'appelle pour ma part les nouveaux pays industrialisés, pourrait permettre au Canada d'apporter une contribution majeure dans un contexte où ce serait toute la communauté internationale, plutôt que certains pays seulement, qui iraient de l'avant.
    Monsieur Morton, quels étaient d'après vous les principaux objectifs du Canada à Bali?
    D'après moi, le Canada avait pour objectif d'obtenir un mandat en vue de négocier, d'ici à la fin de 2009, un nouvel accord mondial pour lutter contre les changements climatiques après 2012. Je crois que le ministre, à diverses réunions avec les permanents de l'ONU, a indiqué que le Canada appuyait le processus de l'ONU et qu'il était prêt à y participer au meilleur de ses compétences.
    Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, après avoir eu l'occasion d'interagir avec nos négociateurs et de participer à un certain nombre de séances de négociation, qui portaient aussi bien sur les transferts technologiques que sur le déboisement, l'adaptation et le renforcement des capacités, j'en suis venu à apprécier la très grande expertise des négociateurs d'Environnement Canada et le grand dévouement dont ils ont fait preuve pour tenter d'obtenir des résultats positifs. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, leur dévouement et leur travail acharné me rendaient fier d'être Canadien.
    Comme l'a fait remarquer M. Johnson, les négociations se sont poursuivies presque sans interruption pendant les trois ou quatre derniers jours. Notre ministre et les équipes de négociation travaillaient jusque très tard le soir, et je crois que les processus en tant que tels qui nous ont aidés à en arriver à une feuille de route et aux divers repères qui s'échelonnent au cours de l'année à venir montrent très bien que le Canada avait à tout le moins atteint son objectif, qui était de réaliser l'objectif global, à savoir d'en arriver à une feuille de route à Bali et à un mandat pour en arriver, d'ici à la fin de 2009, à un nouvel accord mondial pour lutter contre les changements climatiques après 2012.

  (1630)  

    J'ai une question pour vous. Les médias ont donné l'impression que le ministre n'était pas très présent à la conférence, qu'il n'avait pas participé à des rencontres clés. Pensez-vous que leur couverture était juste?
    Je ne sais pas ce qui constitue une couverture juste; il y a tellement d'années que je ne suis plus dans le milieu politique. Je dirais que, d'après moi, le ministre était très présent. Je suis un lève-tôt, surtout quand je souffre de décalage horaire. Je pense que nous souffrions tous de décalage horaire, et je le voyais à 6 h 30 le matin et encore à minuit le même jour; il travaillait comme un fou, comme tout le monde. Il a participé à un de ces soi-disant groupes de contacts. Il y en a un auquel il n'a pas participé, parce que le président de la séance avait décidé de choisir ceux qui seraient dans la salle et qu'il n'avait pas invité le Canada, tout comme d'autres pays du G-8, à y être.
    Mais le ministre participait à beaucoup de rencontres bilatérales en même temps, et je sais qu'il a rencontré à un moment donné le secrétaire général de l'ONU. Alors, je dirais que le ministre était effectivement présent; il travaillait très fort, c'est sûr — il avait l'air exténué à la fin, comme nous tous —, et je crois que sa participation était déterminée en partie par ce dont nous parlons ici depuis une demi-heure, à savoir le fait que le Canada est plutôt malmené à cette tribune, et ce, depuis un certain temps.
    Je vous demanderais à tous les deux de nous donner plus de détails au sujet des conseils que vous avez donnés au ministre. Le ministre était-il...? Il était très occupé, comme vous nous l'avez dit — comme vous l'étiez tous —, mais à quelle fréquence le rencontriez-vous et quel genre de conseils lui donniez-vous? Vous écoutait-il?
    Je ne pourrais malheureusement pas répondre à la deuxième question, qui est visée par la règle de confidentialité qui s'applique au rapport avec un ministre de la Couronne.
    Tout le groupe se réunissait avec lui au moins deux fois par jour, et nous nous réunissions toujours pour le petit déjeuner; nous le rencontrions parfois seul et parfois avec ses collaborateurs. Nous faisions de même en soirée. Parfois, il nous demandait de le rencontrer à un moment précis pendant la journée. Alors, nous le rencontrions au moins deux fois par jour, parfois trois, en tant que groupe, et nous participions aussi, bien sûr, aux séances d'information avec les haut fonctionnaires, parce que nous avions le droit d'être dans la salle; cela nous était très utile pour ce qui est de nous faire une idée de l'orientation que suivait la délégation canadienne.
    Pour ma part, je peux dire, au cours de la semaine, j'ai rencontré le ministre, 12 ou 15 fois peut-être. Je ne les ai pas comptées, mais je passais 15 minutes ici, 30 minutes là, avec lui et un ou deux de ses collaborateurs. J'ai aussi passé beaucoup de temps avec les hauts fonctionnaires.
    Merci, monsieur Johnson.
    Monsieur Morton, pourriez-vous répondre à la question, vous aussi? Le ministre s'en est pris à l'opposition et aux médias. Pensez-vous qu'il a été attaqué injustement? Avez-vous pu constater, vous aussi, qu'il était très occupé? Pourriez-vous nous dire combien de fois vous l'avez rencontré et conseillé?
    Le ministre avait un emploi du temps très chargé. Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit Pierre Marc.
    Pierre Marc a déjà parlé de l'incident dont les médias d'information ont parlé ici au Canada. C'est que le Canada faisait partie du groupe restreint de 30 pays appelés les amis de la présidence, et que leur nombre est tombé de 30 à 20 pour l'occasion. Il s'est présenté à une séance d'information, et on lui a fait savoir qu'il ne pouvait pas y participer. Je crois que les médias ont indiqué qu'il n'était pas allé à la séance pour négocier au nom du Canada, mais le fait est que les amis de la présidence, pour cette séance-là, en tout cas, n'étaient plus que 20 au lieu de 30, de sorte que le Canada n'a pas pu participer à la discussion.
    J'ai vu le ministre travailler extrêmement fort, et j'ai eu l'occasion de participer à diverses rencontres bilatérales. J'étais là pour sa rencontre bilatérale avec Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU. Comme l'a dit Pierre Marc, nous avons eu l'occasion de le rencontrer presque tous les jours au petit déjeuner, vers 7 heures, pour revoir l'itinéraire et lui faire part de nos observations. Chacun de nous apportait une perspective et une expertise différentes, bien sûr. Il nous écoutait. Il considérait ce que nous disions. Tout au long de la journée, nous pouvions être appelés sans guère de préavis pour donner notre avis sur différentes questions et différents enjeux sur lesquels il devait en arriver à une position de concert avec nos négociateurs principaux. Dans certains cas, nos conseils ont été retenus.
    Je dirais que, de manière générale, il était prêt à nous écouter. Si nous entendions des choses, soit dans les séances en petits groupes soit à des événements en marge de la conférence, il était très réceptif. Il a travaillé très fort tout au long de la semaine pour représenter les intérêts du Canada.

  (1635)  

    Merci, monsieur Warawa.
    J'ai été assez indulgent avec tout le monde pour ce qui est du temps de parole pendant ce premier tour. Nous passons maintenant au deuxième tour, le tour de cinq minutes. Je vous demanderais de bien vouloir vous en tenir à cinq minutes, et je demanderais à nos invités d'essayer d'être aussi brefs que possible pour que tout le monde puisse poser des questions.
    Monsieur Scarpaleggia, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Johnson.
    Je vois dans votre biographie que vous avez été président du comité de la politique étrangère de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie de 1990 à 1997. Vous avez donc été nommé par l'ancien gouvernement conservateur, c'est sûr.
    J'ai été nommé par M. Mulroney, mais j'ai aussi été reconduit dans mes fonctions pour deux ans par M. Chrétien.
    Je suis sûr que c'était là une excellente décision.
    Auriez-vous conseillé à M. Chrétien de signer le protocole de Kyoto?
    Sans doute que non, étant donné le niveau d'engagement qui avait été pris à l'époque.
    Alors, vous ne lui avez pas conseillé de signer pour le Canada?
    Non, parce que nous étions alors à la table ronde.
    Alors, même à cette époque, lorsque Kyoto était...
    Le premier ministre ne nous a pas demandé s'il devait signer ou pas ni comment nous pourrions en arriver aux 6 p. 100. À ma connaissance, nous n'avions pas fait d'études approfondies sur les conséquences qui en seraient découlées.
    J'essaie simplement de comprendre quel était le rôle de ce comité de la politique étrangère, si ce n'était pas de conseiller le premier ministre qui vous avait reconduit dans vos fonctions quant à ce qu'il devrait faire relativement au seul instrument international qui existait finalement à l'époque.
    Mais ça va. Vous ne l'avez pas conseillé, soit.

  (1640)  

    La raison est simple: les questions de politique étrangère liées au développement durable sont très diverses et multiples, et la question énergétique est extrêmement explosive sur le plan politique au Canada.
    La table ronde est un organisme neutre et c'est précisément parce qu'il est neutre qu'il est conscient de l'importance de ne pas mettre le premier ministre dans une situation difficile.
    Je comprends.
    Si vous me permettez de revenir à votre rôle de Bali, j'aimerais savoir pourquoi vous y avez été invité. Je crois que c'est à cause de votre très grande crédibilité sur la question, et je crois que Mary Simon y a aussi été invitée à cause de sa très grande crédibilité sur la question, tout comme Elizabeth Dowdeswell et M. Morton. Mais j'ai plutôt l'impression d'après ce que vous dites que vous étiez tous là simplement comme observateurs.
    Je comprends que vous ne vouliez pas nous dire exactement quel genre de conseils vous avez donné à M. Baird. Et soit dit en passant, je ne doute pas que M. Baird ait beaucoup d'énergie; l'opposition ne n'en doute aucunement. Mais pourriez-vous nous donner une idée du type de conseils que vous lui avez donnés, de manière générale, pour ce qui est de la décision du Canada de s'engager ou de faire partie du consensus de Bali, qui s'est produit le dernier jour, alors que vous étiez tous sur le chemin du retour. Vous avez dit qu'il avait été très bien informé par les hauts fonctionnaires d'Environnement Canada qui étaient présents, ce qui laissait entendre qu'il n'était pas nécessaire que vous lui donniez des conseils supplémentaires, etc. J'essaie simplement d'avoir une idée du type de conseils génériques que vous auriez pu donner à M. Baird sur ces questions.
    Je comprends exactement votre question, et je n'en suis pas surpris.
    Il faut d'abord préciser que, à mon avis, le ministre reconnaissait qu'il n'avait pas participé à beaucoup de conférences internationales auparavant et qu'il lui serait utile de s'entourer non pas seulement de ses hauts fonctionnaires; c'est ce que nous ont dit les hauts fonctionnaires. Ils étaient en fait heureux de nous voir là, notamment Elizabeth et moi, parce que nous avions participé au processus de Rio pendant bien des années.
    Et en quoi votre présence lui a-t-elle été utile?
    Dans la pratique, cela permet de donner des conseils notamment sur le processus, c'est-à-dire sur le choix du moment opportun, sur les efforts qui ont porté fruit, sur le fait que ce n'est peut-être pas le bon moment de parler aux Français...
    Tout cela est très vague, monsieur Johnson.
    ... qu'il vaudrait peut-être mieux attendre à demain à cause de ce qu'ils ont dit.
    Tout cela est très vague. Votre voyage a été payé par les contribuables canadiens, et je ne partirai pas d'ici sans en avoir appris davantage sur votre rôle que ce que j'ai lu à ce sujet dans le Globe and Mail.
    J'aimerais bien que vous me laissiez répondre.
    Voilà pour le processus. Il y avait aussi les questions de fond: par exemple, Bali est considéré comme une contribution assez importante au processus sur les changements climatiques dans la communauté internationale. Pourquoi? Parce qu'une décision importante devait être prise quant à l'opportunité d'avoir deux voies et quant à la nature de ces deux voies qui nous mèneraient à Copenhague en 2009?
    C'est le genre d'évaluation qui peut être fait par les hauts fonctionnaires, et qui l'est généralement, mais il s'agit aussi d'une question où le jugement politique a sa place, et je dirais que les conseillers avaient un rôle à jouer, non pas dans le sens de la partisanerie politique, mais en ce sens qu'ils pouvaient se prononcer sur l'opportunité pour les ministres de se parler entre eux plutôt que de s'en remettre à leurs hauts fonctionnaires.
    Il n'est pas facile de prendre des décisions de ce genre à des conférences internationales, et je crois que la présence de certains d'entre nous dans l'entourage du ministre a facilité les choses en quelque sorte. Mais je n'irai pas jusqu'à dire qu'il ne l'aurait pas fait si nous n'avions pas été là. Il est très difficile d'évaluer l'impact que nous avons eu. C'est à lui qu'il faudra poser la question.
    Bien. Merci.
    À vous, monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être là aujourd'hui.
    Pour faire suite à l'échange que nous venons d'entendre, si je comprends bien, messieurs Morton et Johnson, votre présence était importante parce qu'elle permettait de dépolitiser ce qui est devenu une question très politisée. Cela est tout particulièrement évident pour ceux qui sont dans la salle aujourd'hui et qui entendent tous ces propos polémiques. Il a beaucoup été question dans les journaux de l'obstructionnisme du Canada à Bali, du fait que le ministre était absent, qu'il n'était pas présent. Nous avons entendu les ONG le confirmer même si elles n'ont pas vraiment participé directement à la conférence.
    Le fait que vous ayez été présents là-bas dépolitise en quelque sorte la question. Ce que j'ai entendu aujourd'hui diffère beaucoup des oui-dire rapportés par les médias qui venaient de certaines des autres personnes qui étaient à Bali mais qui ne participaient pas directement à la conférence comme vous. Votre présence ici aujourd'hui est donc très importante.
    Monsieur Johnson, vous avez dit que vous êtes allé à un des événements parallèles, notamment à la conférence de M. Dion. M. Dion, le chef libéral, le chef de l'opposition officielle, quand il était à Bali, a publiquement critiqué le gouvernement pour son obstructionnisme. Nous vous avons entendu dire que vous ne pensiez pas que cette critique était juste. Était-il utile que le chef de l'opposition officielle soit là-bas en train de critiquer le gouvernement? Cela allait-il à l'encontre de ce que nous cherchions à accomplir? Quelle incidence cela a-t-il eue sur les efforts que vous déployiez de concert avec le ministre pour faire avancer les choses de façon productive?

  (1645)  

    J'ai assisté au discours qu'a donné M. Dion à un de ses événements parallèles et qu'il avait intitulé « De Montréal à Copenhague »; quelque 75 personnes de diverses régions y ont assisté. Il a apporté une importante contribution au débat dans ce contexte-là. Je n'ai pas suivi M. Dion quand il a donné des entrevues destinées à la population canadienne, où il a sans doute tenu des propos un peu différents.
    J'ai entendu un jour un journaliste dire qu'il considérait M. Dion comme un spécialiste de la question, et j'ai entendu quelqu'un d'autre dire: « Oui, mais il a peut-être aussi d'autres objectifs en tête ». Je suppose que M. Dion portait en fait deux chapeaux quand il était là-bas. À Bali, aux rencontres officielles, il n'a pas matraqué le gouvernement canadien, mais je crois savoir qu'il l'a fait souvent à la télévision.
    Je voudrais poursuivre la discussion un peu plus pour en arriver au coeur du sujet. Cela revient encore une fois à la question de savoir pourquoi on vous a amenés là-bas vous et les autres. Vous avez parlé justement de la politisation qui, à mon avis, est la raison fondamentale pour laquelle vous avez été invités à participer au voyage en tant que conseillers du ministre, et c'est ce que vous avez essayé de faire.
    Je crois que notre collègue d'en face, M. Scarpaleggia, vous a demandé quel genre de conseils vous pouviez donner au ministre, et je lui ai répliqué que ses conseils étaient sans doute plus viables que ceux qu'auraient pu apporter les critiques de l'opposition.
    J'invoque le Règlement.
    Monsieur Scarpaleggia.
    J'ai énormément de respect pour M. Johnson, et j'avais précédé ma remarque d'un préambule. Je sais quel genre de conseils il pouvait apporter, et je crois qu'il a peut-être été sous-utilisé par le ministre.
    Ma question visait à savoir quel genre de conseils il avait fini par donner. Elle ne visait pas...
    Une voix: En quoi cela est-il un rappel au Règlement?
    Très bien, allez-y, monsieur Watson. Il vous reste une minute.
    Merci, monsieur le président, et merci à l'honorable député d'avoir interrompu le fil de ma pensée.
    Vous voyez comme nous sommes ici dans une arène politique?
    M. Geoff Regan: Le train a déjà dérapé.
    M. Jeff Watson: Merci, monsieur Regan.
    D'après vous, est-il vrai, comme le disent certains, que le Canada s'est montré obstructionniste en Indonésie?
    Monsieur Morton, j'aimerais que vous répondiez à la question aussi.
    Non. C'est une interprétation.
    La terminologie est très chargée de sens à l'ONU. Bien entendu, la position canadienne — et le Canada ne s'en est pas du tout caché — était que poursuivre le processus de Kyoto et s'en tenir uniquement à ceux qui participent et qui ne représentent que 30 p. 100 des émissions dans le monde était insuffisant.
    Certaines personnes qui étaient là, et qui cherchaient peut-être à faire avancer leurs objectifs — je ne sais pas, ce n'est pas à moi de le dire — ont interprété cela comme étant un effort pour perturber le processus. Je ne suis pas de cet avis. Je n'y ai pas vu un effort pour perturber le processus à l'ONU.
    Deuxièmement, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un membre d'une ONG pour qui j'ai beaucoup de respect, parce qu'il a beaucoup d'expérience de ce genre de choses. Je lui ai demandé s'il croyait vraiment en son for intérieur qu'un ministre canadien se présenterait à une conférence de l'ONU pour essayer de perturber le processus. C'est quelque chose de tellement incompatible avec ce qu'est le Canada, ce qu'il a toujours été et ce qu'il sera toujours.
    C'est vraiment une question de perception. En ce sens, je crois que le ministre a fait tout ce qu'il a pu dans des circonstances difficiles. Il faut savoir aussi qu'il était pas mal sur la sellette parmi ses compatriotes. Je sais ce qu'il en est, car il ne comptait pas que des amis parmi les groupes canadiens qui étaient là-bas. J'ai été à même de le constater. Certains l'ont abordé de façon assez impolie et pas très aimable. Mais je crois savoir que les ONG avaient leurs propres objectifs et qu'elles n'avaient guère apprécié de ne pas avoir été invitées à faire partie de la délégation officielle; c'était là un changement assez important par rapport aux années précédentes.
    J'en ai parlé avec le ministre. Il m'a répondu — et je crois qu'il l'a dit publiquement, si bien que je me sens autorisé à le répéter — que si les ONG n'avaient pas été invitées à faire partie de la délégation, c'est que l'année précédente, à Nairobi, elles n'avaient pas respecté les règles fondamentales de participation. La règle fondamentale de la participation des ONG aux délégations officielles du Canada veut que quiconque a accès aux séances d'information officielles ne sorte pas ensuite de la salle pour se mettre à parler aux journalistes ou monter une campagne contre celui qui les a invités dans la salle. C'est une règle sous-entendue qui est dictée par le bon sens.
    Les ONG qui ont accès aux documents d'information dans certains pays, comme dans les pays nordiques — et c'est souvent le cas au Canada et parfois aussi en Grande-Bretagne, mais pas vraiment en France ou dans bien d'autres...

  (1650)  

    Monsieur Johnson, je m'en veux de vous interrompre...
    Je suis désolé. Je terminerai là-dessus, si vous le permettez.
    Les ONG qui ont cet accès peuvent exercer un bien plus grand leadership au sein de la communauté des ONG à ces conférences, ce qui leur vaut un certain respect.
    La parole est à M. Lussier.

[Français]

    Monsieur le président, ma première question s'adresse à M. Johnson.
    Vous savez que l'Union européenne a conclu un accord sur le partage de la charge des gaz à effet de serre. L'entente européenne est un modèle, je pense, de partage des responsabilités entre les États. C'est pondéré et responsable. Cette entente a été signée en 1997.
    Comment se fait-il qu'une entente semblable n'ait pas été transposée au Canada et qu'il n'y ait pas eu, entre les provinces, d'ententes territoriales semblables pilotées par le Canada? Selon vous, qu'est-ce qui a manqué dans les discussions au Canada?
    Un jour à l'une de ces conférences, j'ai eu l'occasion de rencontrer Fidel Castro. Au cours d'une conversation de quelques minutes, M. Castro m'a demandé pourquoi, selon moi, l'Amérique latine n'avait pas réussi à s'unir alors qu'elle a la même langue, à l'exception du Brésil, et que les Européens, dans toute leur diversité, y étaient parvenus. J'ai répondu qu'il était plus facile d'unifier la diversité mais surtout que, lorsque les gens veulent éviter une guerre parce qu'ils en ont connu deux, ils en arrivent à des compromis. Je pense qu'il faut une très grande volonté, qui découle souvent de la menace potentielle d'un conflit brutal, pour réussir à s'entendre sur des choses. Ce n'est pas le cas du Canada.
    Vous n'avez jamais constaté de volonté provinciale de s'unir?
    Oui, je vois en ce moment une volonté manifeste de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec et même, dans certains cas, de grandes municipalités, de s'impliquer dans des mesures qui permettraient de contribuer à l'effort de diminution des gaz à effet de serre. Je pense que c'est de cette façon qu'il faut le définir. Or, on n'y est pas arrivé encore au Canada, c'est vrai. Pourquoi? Je pense, monsieur le député, que vous êtes probablement plus en mesure que moi de le dire, mais en tant qu'observateur de l'extérieur, je vois la filière énergétique de l'Alberta, qui est le pétrole, et en plus un type d'exploitation des sables bitumineux qui implique une contribution considérable aux gaz à effet de serre. Je vois aussi la filière nucléaire en Ontario et je vois la filière hydro-électrique au Manitoba et au Québec. Vous essayez de mettre tout cela dans la même salle pour que les gens s'entendent, mais ce n'est pas simple, évidemment. Encore une fois, il faut une motivation considérable pour que les gens trouvent un terrain d'entente ou alors ils agissent unilatéralement, ce qu'ils sont en train de faire en ce moment.

  (1655)  

    Monsieur Johnson, vous avez assisté à un événement parallèle où il était question de séquestration du carbone. Qui était présent?
    L'auditoire était composé d'au moins une centaine de personnes, dont la plupart étaient des Canadiens. Beaucoup venaient d'ONG et plusieurs venaient d'un groupe qui s'appelait, je crois, Canadian Youth Delegation.
    Qui avait la responsabilité de la présentation?
    On m'a demandé d'être un genre de président, d'animateur du groupe, de présenter les trois panélistes et d'animer la discussion.
    S'agissait-il de trois spécialistes?
    En fait, c'étaient trois représentants d'entreprises, spécialistes du secteur de la séquestration du carbone. Ils devaient venir faire état de l'importance de ces technologies.
    Venaient-ils de l'industrie pétrolière?
    L'un d'eux venait de l'industrie pétrolière et les deux autres étaient spécialisés dans les technologies.
    Un deuxième événement qui m'intrigue, c'est la présentation du fameux plan du gouvernement à laquelle M. Baird n'a pu se présenter.
    Qui a fait la présentation?
    Il n'y en a pas eu. C'était à l'occasion de la même soirée. M. Baird devait clôturer l'événement et on m'a annoncé qu'il ne pouvait pas se présenter.
    Monsieur Morton, vous dites dans votre curriculum vitae que vous êtes le papa de deux garçons, Jackson et Charlie. Vous êtes un représentant de plusieurs mouvements qui luttent contre les gaz à effet de serre et vous parlez de maisons saines au Canada.
    Quelle est l'attitude des jeunes par rapport à la mission qu'on vous avait confiée à Bali? Vous a-t-on fait des reproches?

[Traduction]

    Monsieur le président, je suis unilingue. Vous pourriez peut-être faire traduire la question pour moi?
    Je crois qu'il parlait essentiellement de vos fils et de leur participation à divers mouvements et groupes environnementaux. Je crois que M. Lussier se demande si, lorsque vous rentrez chez vous le soir, vous avez des discussions ou des débats avec vos fils.
    Ai-je bien traduit vos propos, monsieur Lussier?
    Oui.
    Mes enfants ont neuf et six ans.
    Ah, ils sont jeunes.
    Ils sont très jeunes. Nous leur faisons la lecture, et nous les amenons avec nous pour participer aux travaux de nettoyage dans notre quartier.
    Le but de mon entreprise est d'apporter des changements et d'améliorer les choses. Je serais heureux de rencontrer M. Lussier pour lui expliquer tout ce que nous avons pu accomplir jusqu'à maintenant. Le travail que nous avons réalisé est que nous continuons à réaliser dans de nombreuses localités canadiennes a été primé: nous sommes très bien connus pour les résultats que nous obtenons en matière de réduction des émissions climatiques et pour le fait que nous travaillons en étroite collaboration avec les entreprises.
    Je suis pour ma part très préoccupé par l'avenir de notre planète. C'est vraiment pour cela que j'ai lancé mon entreprise et que j'emploie tellement de gens au Canada et que nous étendons maintenant notre activité aux États-Unis. Il s'agit d'une question fondamentale pour les générations futures, et je me soucie énormément de la santé de notre planète, et je suis convaincu que le Canada a la possibilité de jouer un rôle de leadership à cet égard.
    Merci, monsieur Morton.
    Je suppose que j'aimerais aussi répondre à votre question, monsieur Lussier, parce que j'ai des enfants plus grands à la maison, et nous avons de vives discussions, c'est sûr. Deux d'entre eux ont même un doctorat, et ils aiment bien discuter à fond. Nous pourrons reparler de cela plus tard.
    Monsieur Harvey.

[Français]

    Monsieur Johnson, compte tenu de ce que vous voyez aujourd'hui et du fait que vous êtes là depuis quelques années, croyez-vous que le gouvernement Chrétien a été prudent et réaliste quand il a signé le Protocole de Kyoto?
    Étant donné que je dispose de cinq minutes seulement, je vous demanderais de répondre très brièvement: j'ai d'autres questions à poser.
    Je dirai simplement ceci: il s'avère que ça ne s'est pas réalisé.

  (1700)  

     J'ai parlé à des fonctionnaires responsables au ministère des Finances. On m'a dit qu'une étude sur les coûts avait été réalisée en 1993, mais qu'il n'y avait pas eu d'étude avant 1997 pour évaluer la réduction de 6 p. 100 par rapport à 1990.
    À ma connaissance, ça s'est passé au moment où M. Clinton est allé aux Nations Unies. Il a annoncé, je pense, un taux de réduction de 5 p. 100. Il aurait pu en annoncer un de 25 p. 100, mais il savait très bien que le Sénat américain n'adopterait pas cela. Bref, c'était facile pour lui de donner un chiffre.
    Au Canada, en revanche, quand le premier ministre prend position sur un traité, c'est adopté. En effet, c'est lui qui contrôle le Conseil des ministres, par définition. S'il y a un Conseil des ministres, c'est qu'il y a un vote de confiance. Du moins, il n'y a pas eu de vote de confiance devant le Parlement en l'occurrence.
    Par ailleurs, l'enjeu se résume aux sables bitumineux, au transport et à l'industrie. En ce qui a trait aux sables bitumineux, la réponse est l'énergie nucléaire. Il s'agit de fournir l'énergie nécessaire au processus d'extraction. Il y a aussi la captation et le stockage du carbone. Reste à savoir si oui ou non nous sommes assez avancés sur le plan technologique pour que ça ait du sens.
    D'autre part, le secteur industriel est responsable de 43 p. 100 des émissions au Canada. Il va falloir serrer la vis. Je présume que ça va se faire avec le temps, du moins je le souhaite. Enfin, il y a le transport automobile. On parle ici des habitudes des citoyens, que ce soit à la maison ou ailleurs. Le changement de nos habitudes de vie, ce n'est pas simple, mais c'est l'enjeu principal. Pour ma part, je souhaite non seulement qu'on fasse des campagnes d'éducation publique, mais aussi qu'on utilise des instruments fiscaux pour en venir à changer des comportements.
    Vous savez peut-être qu'un projet de loi a été déposé en ce sens. Il s'agit du projet de loi C-377, dans lequel on demande une réduction de 53 p. 100 d'ici 2020. On a demandé à M. Layton s'il avait fait des études de faisabilité sur le plan monétaire.
    De votre côté, qu'en pensez-vous?
    Je souhaiterais qu'on soit aussi efficace que la plupart des pays européens. On n'en est pas là. La vraie question consiste à savoir quand on va y arriver et dans quelles conditions. Dans notre cas, ces conditions reposent d'abord et avant tout sur la proximité des Américains. C'est la raison pour laquelle je réitère mon point de vue à savoir que pour sortir de cette situation, il faut une entente entre les grands émetteurs. C'est là qu'il faut être présent.
     Kyoto a une valeur symbolique fondamentale pour le progrès de l'humanité, mais il faut se sortir de ce débat, bien qu'il soit important. L'avenir est aussi dans tout ce qui reste à négocier. Prendre position uniquement en fonction des contraintes de Kyoto, c'est vraiment passer à côté de l'enjeu.
    Monsieur Morton, vous n'avez pas d'interprétation.

[Traduction]

    Oui, il a l'interprétation.

[Français]

    Oui? Est-ce que ça va, monsieur Morton?

[Traduction]

    Excusez-moi, vous me demandez...? Je n'ai pas compris la question.
    Pouvez-vous me donner une réponse au sujet du dernier échange?
    Je vous ai entendu faire une espèce de mise en contexte. Me demandez-vous ce qu'il faudrait en fait de plan d'action national?
    J'ai du mal à entendre.
    Je crois que ce que veut savoir M. Harvey finalement, c'est ce que vous pensez de la réduction de 20 p. 100.
    Vous pouvez répondre en anglais, et M. Harvey entendra votre réponse en français.

  (1705)  

    Tel qu'il a été dit plus tôt, et comme le ministre l'a indiqué à Bali, le Canada doit renforcer son plan national visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de nombreux experts sont d'avis que le Canada aura beaucoup de difficultés à réaliser ses objectifs au sein du cadre stratégique actuel.
    Je ne suis pas expert en matière de politique publique, mais je crois qu'il est évident que le Canada devra investir considérablement dans des normes et des lignes directrices qui vont améliorer de façon marquée l'efficacité énergétique de nos véhicules et de nos parcs de voitures, de nos appareils, ainsi que celle de nos maisons et de nos édifices. Il nous faudra également établir un plan vigoureux en matière d'énergie renouvelable et, en bout de ligne, attribuer une valeur au carbone. Je ne propose pas une imposition, mais je crois que tant que les émissions n'auront aucune valeur, il sera très difficile à long terme de réduire les émissions de 80 p. 100 d'ici 2050.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Harvey.
    Madame Bennett.
    J'aimerais retourner au début, lorsque la délégation a été constituée. Vous avez dit qu'à Nairobi certains intervenants étaient d'avis que le rôle des ONG n'était pas positif. A-t-on parlé du rôle des députés de l'opposition lors de ce voyage?
    Non, je n'en ai pas entendu parler. J'ai entendu dire que le ministre de l'Environnement avait été transformé en pinata à Nairobi.
    Mais la pinata, je crois c'étaient les médias, et non les députés de l'opposition.
    Non, je ne vous parlais pas des députés de l'opposition mais bien des ONG. Ce qui a été dit c'était qu'à Nairobi, certains éléments au sein des ONG n'ont pas respecté la consigne habituelle obligeant à la discrétion sur les séances d'information avec les représentants gouvernementaux et les ministres. C'est tout.
    C'était du jamais vu que les députés de l'opposition n'aillent pas à Bali...
    Oui, je suis au courant.
    Je vais céder la parole à M. McGuinty, mais en ce qui concerne l'exposé de Stéphane Dion, vous avez dit qu'il était considéré comme expert et qu'il s'agissait d'un exposé important. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous dites que M. Dion porte deux chapeaux? À mon avis, ce serait parce que Stéphane Dion s'exprimait à titre personnel sur ce qu'il faudrait faire pour sauver la planète.
    C'est ce qu'a fait M. Dion. Il a parlé en marge de la conférence, en décrivant le processus depuis Montréal jusqu'à Copenhague ainsi que certaines des questions qui allaient survenir. Mais j'ai également vu M. Dion interviewé à la télé, à Radio-Canada par exemple, et là il n'y avait nul doute que c'était le chef de l'opposition qui parlait. J'ai toujours compris, moi qui ai déjà été chef de l'opposition dans ma province, que le rôle principal du chef de l'opposition c'est d'essayer de remplacer le premier ministre, et je crois que ce rôle a eu préséance sur le respect des consignes visant les discours prononcés lors d'une conférence organisée par l'ONU.
    C'est ce que je vous dis. J'éprouve du respect pour M. Dion, nous avons été collègues à divers moments de nos vies. J'aimerais vous dire que M. Dion n'a pas entretenu des propos perturbateurs à la conférence au sujet du Canada. Je crois toutefois qu'il avait quelques arrière-pensées lorsqu'il parlait aux journalistes canadiens.

  (1710)  

    Avez-vous participé à la conférence tenue à Montréal?
    Non. M. Dion ne m'y avait pas invité.
    Merci, madame Bennett.
    Nous allons passer à M. Vellacott, s'il vous plaît.
    J'ai des questions premièrement pour M. Johnson, et ensuite pour notre invité à distance.
    Ces critiques très sévères de la part de certaines ONG envers le ministre à Nairobi sont sans précédent. Ce n'est pas habituel, ni normal. Vous pouvez y réagir.
    Je suis député depuis 11 ans, et j'ai voyagé avec des délégations outre-mer. Vous avez une vaste expérience en tant que premier ministre provincial et vous connaissez le protocole et le processus, est-il habituel dans de tels événements internationaux que les représentants de l'opposition critiquent le gouvernement et présentent des positions dissidentes? Cela me semble nouveau, à tout le moins différent. J'aimerais que vous répondiez à cette question. Quant à la présence de M. Dion et qu'il présente une position... Je ne sais pas si c'est quelque chose d'habituel. Je suppose que c'est ma question.
    Premièrement, monsieur Johnson.
    Nous voyons souvent, surtout dans le système parlementaire, mais les États-Unis le font aussi, que des députés de l'opposition sont invités à assister à ces rencontres. D'après ce que j'ai vu, mais je n'ai pas tout vu, normalement la règle veut qu'ils soient informés de ce qui se passe. Et normalement il y a un peu de transposition des questions nationales dans les forums internationaux, même dans la presse nationale locale. Même si je n'étais pas à Nairobi, j'ai vu l'effet dans les journaux ici. J'ai été frappé par le fait que le Canada paraissait profondément divisé, lorsque j'ai lu les journaux il y a deux ans. C'était inhabituel, parce que j'avais souvent vu des délégations avec des députés de l'opposition et ce n'était pas l'image que j'ai projetée. Je ne dis pas que c'est à cause des députés qui étaient là-bas, mais très certainement les ONG ont joué un rôle.
    Lorsque j'ai participé à des délégations outre-mer, et j'ai peut-être été trop poli, j'ai toujours présenté un certain niveau de respect à la position du gouvernement libéral. Cela ne me plaisait pas toujours, mais bon...
    Voilà le bon mot. Il y a un certain respect que l'on offre à la position gouvernementale. Je pense que c'est ce qui se passe normalement. Lorsque les gens reviennent, ils en débattent au Parlement.
    Ah oui, certainement.
    Tout ce que je dis, c'est que la situation semblait différente et inhabituelle, si vous me le permettez, d'après mon expérience qui est plus limitée que la vôtre.
    C'est moins habituel.
    Moins habituel, oui.
    Comme je l'ai dit, cela ne donne pas une bonne image du pays et ne le représente pas bien. Je pense que cela laisse une mauvaise impression du pays. Au retour on peut en débattre tant qu'on veut à l'intérieur de nos frontières, c'est toujours ce que j'avais compris.
    Monsieur Morton, avez-vous des commentaires à ajouter?
    Je n'ai aucun commentaire à faire sur cette question.
    Bien, merci beaucoup.
     Merci, monsieur Vellacott.
    Si vous me le permettez, très brièvement, je ne peux pas résister, tout simplement parce que j'ai participé si souvent et j'ai assisté à beaucoup de rencontres de CdP, et bien sûr j'étais à Johannesburg et j'ai eu l'occasion de parler à M. Chrétien de ce qu'il s'apprêtait à faire, et ensuite j'ai eu l'occasion de revenir et de présenter ma position ici au Canada, au Parlement.
    Je veux aussi ajouter que M. Wilfert et moi avons passé la semaine dernière au Brésil. Nous avons passé trois jours à Brasilia, à discuter du G8+5, parce que le Brésil est un de ces pays, et nous avons discuté de la prochaine rencontre au Japon, où nous enverrons le communiqué final, c'est un processus qui dure trois ans et mis en place par Tony Blair. Ces communiqués sont préparés des mois à l'avance. Il y a certaines parties insérées, et lors de la dernière journée, c'est normalement d'une de ces parties insérées que l'on débat; il y a déjà un accord sur le reste. Je sais que vous y avez participé souvent, monsieur Johnson. Voilà comment cela fonctionne.
    La situation en est rendue, je pense au point où tel que discuté la semaine dernière, le captage et le stockage du carbone sont la solution sur laquelle on compte. Les membres du G8+5 et de l'Union européenne comptent vraiment sur cette solution. Nous devrions mettre l'accent sur cela. Cela représente 76 p. 100 des émissions. Si ces 13 pays ne participent pas et ne font rien, la situation sera très difficile. Bien sûr, nous sommes l'un de ces pays, et je crois que nous allons jouer un rôle très très important dans ce domaine. C'est quelque chose que vous avez mentionné, et il est important pour les membres de comprendre l'importance du rôle. Nous avons l'occasion d'être des chefs de file. Est-ce que nous y arriverons, je ne sais pas, mais voilà une fantastique occasion pour les Canadiens. J'aimerais que le comité entier adopte ces solutions, pour que nous puissions travailler ensemble et obtenir du succès. Quelle réalisation cela serait pour le comité de l'environnement. J'espère que nous y réfléchirons.
    J'aimerais maintenant donner la parole à M. McGuinty, ensuite à M. Warawa, et votre temps sera probablement écoulé ensuite. Et M. Bigras aura deux minutes parce que nous devons sortir de la salle à 17 h 30, comme je l'ai mentionné au début.
    Monsieur McGuinty, des questions précises, vous avez cinq minutes.

  (1715)  

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Johnson et Morton, je m'excuse des questions que je vous poserai. Je vais vous poser des questions assez directes, et j'ai besoin de réponses assez brèves.
     En tant que porte-parole de l'opposition, je dirais que je n'accepte pas que ces quatre personnes éminentes qui ont assisté à la rencontre à Bali puissent venir dire à notre comité qu'elles ne peuvent pas divulguer les conseils donnés au ministre. On ne parle pas de relations contractuelles pécuniaires ici. J'ai devant moi les lettres de nomination, messieurs. Comme vous le dites, il n'y a pas eu de paiement. Il n'y a pas de secret professionnel. Vous n'êtes pas des fonctionnaires qui sont liés par la Loi sur la fonction publique. Je n'accepte pas pour un seul instant que vous ne puissiez pas parler aux Canadiens. Ce voyage a coûté 45 000 $. C'est 10 000 $ de plus que le revenu moyen de ma province natale de l'Ontario cette année.
    Ce que j'aimerais savoir, est-ce que pour les 45 000 $ déboursés pour votre participation à Bali, vous avez fourni des conseils écrits ou est-ce que l'on vous a demandé de fournir un rapport écrit au ministre?
    Le travail de notre comité est de demander au gouvernement de rendre des comptes.
    Non.
    Très bien.
    Je pense simplement qu'il est important que les Canadiens sachent que le gouvernement n'est pas prêt à nous dire quels conseils les panélistes lui ont fournis. Je ne comprends pas pourquoi les panélistes refusent de dire aux Canadiens, qui ont payé leurs frais de participation, ce qui s'est passé là-bas. Voilà le premier point que je voulais faire inscrire au compte rendu.
    Mon deuxième argument, monsieur Johnson, est plus complexe. Savez-vous que quand vous étiez à Bali, le ministre faisait la une du Ottawa Citizen, pas une fois, mais deux jours de suite en rapport avec une affaire de corruption impliquant le maire d'Ottawa? Le saviez-vous? C'était dans les manchettes et dans les articles. Avez-vous vu ou entendu quoi que ce soit au sujet de cette discussion durant votre séjour à Bali?
    Monsieur Johnson, vous êtes libre d'y répondre ou non. La question déborde quelque peu du mandat du comité.
    À mon avis, la question touche directement le rendement du ministre.
    Tout d'abord, monsieur McGuinty, dans mes échanges avec le ministre, j'ai eu accès à des documents confidentiels du Cabinet. Dans ces circonstances, je ne vais pas vous révéler un mot de ce qui s'est passé entre le ministre et moi, à moins que le ministre ne décide de dire quelque chose publiquement. C'est pourquoi je ne peux pas vous en dire davantage.
    Ensuite...
    Avez-vous prêté serment, monsieur Johnson?

  (1720)  

    En ce qui me concerne, j'ai prêté le serment d'office. J'ignore ce qu'il en est de mes collègues, mais en ce qui me concerne, j'ai prêté le serment d'office en raison du poste que j'ai déjà occupé. Lorsque j'ai accès à des documents confidentiels du Cabinet, je garde ces informations pour moi et ne parle pas de ce qui s'est passé après cela.
    Par ailleurs, en ce qui concerne vos autres questions, la réponse est oui. J'ai entendu parler de certaines interrogations internes au sujet du ministre à un moment donné. Je sais que l'affaire a accaparé un peu son énergie, mais je peux vous dire que le sujet n'a pas été évoqué dans nos rencontres. Nous n'en avons pas discuté. En fait, c'est un de ses collaborateurs qui m'en a informé. Le ministre n'a pas fait de commentaires.
    Monsieur Johnson, vous avez évoqué le G-8+5, Gleneagles+5, l'Indonésie, la Corée du Sud, l'Australie et la feuille de route de Bali, et vous avez essentiellement dit qu'à votre sens, il serait plus profitable pour le Canada de suivre cette voie-là tout en gardant l'oeil ouvert sur les négociations des Nations Unies.
    Les déclarations du gouvernement au G-8+5 ont été parfaitement constantes, à savoir qu'il faudrait abandonner les cibles fixes au profit de cibles souhaitables. Des discours dans ce sens ont été prononcés aux Nations Unies, de même qu'aux réunions du G-8+5. Croyez-vous que c'est...
    Une voix: Ce n'est pas vrai.
    M. David McGuinty: Ce n'est pas vrai? Désolé, mais j'ai lu le discours du premier ministre aux Nations Unies, et il a effectivement parlé de cibles souhaitables.
    Peut-être là, mais pas au G-8+5.
    Pouvez-vous réagir à cette notion de cibles souhaitables?
    Dans le même ordre d'idées, à Bali, y avait-il un autre État nation qui a changé unilatéralement les modalités et les conditions du traité international appelé Kyoto, c'est-à-dire le protocole rattaché à la CCNUCC, notamment en faisant passer l'année de référence de 1990 à 2006 et en annonçant publiquement que nous n'essaierons même pas d'atteindre nos cibles? Y a-t-il un autre État nation qui a fait la même chose?
    La réponse à votre deuxième question est que je l'ignore. Je n'en ai pas entendu parler, et c'est peut-être parce qu'il n'y en a pas d'autre.
    En ce qui concerne votre première question, je soumettrai aux membres du comité, humblement, monsieur le président, que la vraie question est de savoir comment faire adhérer la Chine et l'Inde. Il s'agit d'être pragmatique.
    Nous savons que l'humanité ne pourra pas contrer le changement climatique, sauf en s'y adaptant, si les grandes économies ne participent pas en réduisant leurs émissions. C'est un fait. C'est là le point de départ.
    Comment y parvenir? Je pense que le processus de Bali est très important, mais ce serait néanmoins une erreur monumentale de ne pas utiliser la processus du MEM à l'avenir. C'est un processus qui est beaucoup plus raisonnable, à mon sens, si l'on veut réaliser des progrès à ce stade-ci, et il peut s'avérer particulièrement utile pour Bali. J'espère que l'issue de la conférence du Japon, puis de l'Italie l'année prochaine et du Canada en 2010 feront avancer le monde sur ces questions.
    Je vous remercie.
    Monsieur Warawa, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Quand les membres du comité ont demandé à connaître les coûts assumés par Environnement Canada pour envoyer d'éminents conseillers à la CdP 13 à Bali, j'ai acheminé leur demande. Les renseignements ont été fournis aujourd'hui aux membres du comité. Le coût total était de 44 252 $.
    Dans un esprit de transparence et d'ouverture, j'ai également demandé à obtenir le coût de déplacement des députés de l'opposition à la CdP 12. Les frais de déplacement de M. Godfrey, pour le Parti libéral, M. Bigras, pour le Bloc, et M. Cullen, pour le NPD, ont été de 53 000 $. J'ai donc été très ravi des résultats de la décision d'envoyer d'éminents conseillers avec le ministre, surtout quand on sait ce qui s'est passé à la CdP 12, où certains députés de l'opposition se sont attaqués avec véhémence au gouvernement. Nous avons entendu dire que ce n'était pas la norme.
    Monsieur le président, je voudrais donc revenir à... C'est en réponse à des questions et des observations de M. McGuinty. Je voudrais demander à M. Johnson et à M. Morton de poursuivre leurs propos au sujet de l'importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. L'environnement ne respecte pas les démarcations politiques comme nous le constatons ici à Ottawa ou dans d'autres pays. En effet, les émissions continueront d'augmenter si nous ne les réduisons pas. Pour réduire les émissions à l'échelle mondiale, le monde entier doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
    Monsieur Johnson, vous travaillez à ce dossier depuis des années, et vous avez recommandé l'approche G-8+5 comme étant une approche post-Kyoto. D'après vous, quel rôle le Protocole de Kyoto jouera-t-il après 2012?

  (1725)  

    Le Protocole de Kyoto sera la référence par excellence pour les pays qui se développent rapidement et qui invoquent l'argument de l'équité, argument qui est fondamental. Ces pays nous disent qu'en 150 ans de révolution industrielle, c'est vous qui avez créé le problème, pas nous. Pourquoi devons-nous alors payer les pots cassés? Les pots cassés, c'est Kyoto.
    Quand vous examinez les faits et les projections relatives aux émissions pour les 20 prochaines années, les concentrations de dioxyde de carbone et d'équivalents de dioxyde de carbone vont atteindre un sommet dépassant ce qui est souhaitable, après quoi, il nous faudra revenir à une stabilisation à 450 particules par million. Pour cela, il faudra s'assurer la coopération de tous, et paradoxalement, nous n'en sommes qu'au tout début de ce processus. Quand vous regardez les courbes et la différence entre la demande et l'offre de combustible liquide, vous verrez alors que cela favorise un engouement pour le charbon. Vous pouvez voir les prévisions pour les 20 prochaines années. C'est effrayant.
    Nous devons être crédibles, mais nous devons aussi atteindre nos objectifs, e pour cela nous devons nous donner les moyens d'y parvenir.
    J'aimerais beaucoup entendre le point de vue de M. Morton. Je pense qu'il me reste encore quelques minutes...
    Non, en fait, il vous reste environ 30 secondes.
    Je pense que M. Bigras aimerait dire quelques mots.
    Oui, effectivement. Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Bigras.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je veux en profiter pour dire au gouvernement qu'il peut être assuré que je serai à Copenhague, par mes propres moyens, comme notre parti l'a déjà fait. On a assumé nos responsabilités, on a été présents.
    Je vous dirai une chose: je ne veux pas défendre les libéraux, mais tous les ministres de l'Environnement antérieurs — je suis en poste depuis 1997 — de M. Anderson en passant par Mme Stewart, incluant le premier ministre d'alors, ont au moins eu la décence d'inviter les membres de l'opposition chaque fois, et cela s'est fait dans un respect mutuel.
    Donc, lorsqu'on essaie d'accuser l'opposition de vouloir torpiller le gouvernement, c'est totalement faux. On agit de façon responsable, de notre côté. On peut aussi vous dire qu'on représente la majorité à ce Parlement et qu'on estime que l'opinion qu'on a défendue sur la scène internationale, de Nairobi en passant par Bali, est partagée par la majorité de la population québécoise et canadienne. Il n'y a pas un gouvernement qui va empêcher des membres de l'opposition, des parlementaires, d'être présents à une conférence internationale. On y sera la prochaine fois. Si c'est pour dénoncer le gouvernement, on y sera.
    C'était mon seul commentaire à ce sujet. On va maintenant attendre le budget de demain.

[Traduction]

    Je ne sais pas comment nos invités pourraient répondre à cette question.
    M. McGuinty est le prochain à intervenir sur un rappel au Règlement.
    J'invoque le Règlement. Nous avons reçu copies de lettres avec en-tête d'Environnement Canada nous informant de la nomination de M. Johnson et de trois autres participants à ce groupe composé d'éminentes personnalités. Le greffier me dit qu'un membre du personnel du ministre lui a assuré que les invitations originales avaient été envoyées par courriel. Or, cette lettre ne porte pas de date.
    Je demande donc que nous soient envoyés d'ici la prochaine réunion les courriels originaux qui avaient été envoyés aux quatre personnes éminentes portant mention des dates exactes. J'aimerais savoir exactement quand ces lettres d'invitation ont été envoyées, car je ne crois pas qu'on puisse envoyer une lettre en format papier sans indiquer la date. Le gouvernement du Canada ne nomme pas quelqu'un, et je sais qu'en l'occurrence il s'agit de l'équivalent d'un sous-ministre, même à titre de participant à une réunion comme celle-ci, sans préciser de salaire ou d'honoraires, sans indications claires des dates de début et de fin du service.

  (1730)  

    Nous allons en faire la demande.
    J'aimerais avoir la confirmation que nous allons recevoir les courriels originaux qui avaient été envoyés aux quatre membres d'ici la prochaine réunion.
    Très bien, nous allons en faire la demande. Nous venons d'avoir l'assurance d'un de nos collègues que nous allons les obtenir.
    C'est d'accord.
    J'aimerais remercier nos deux témoins. Vous avez pu constater que nous sommes un groupe très amical et que nous nous entendons à merveille. J'ai bien aimé cette séance en raison de ma longue participation. Je vous en remercie infiniment.
    La séance est levée.