Passer au contenu
Début du contenu

ETHI Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

RAPPORT SUR LES DEMANDES D’ACCÈS À L’INFORMATION CONCERNANT LE RAPPORT INTITULÉ AFGHANISTAN 2006 :
BONNE GOUVERNANCE, DÉMOCRATIE
ET DROITS DE LA PERSONNE

INTRODUCTION

            Au cours de la première session de la 39e législature, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes a entrepris une étude sur quatre demandes d’accès à l’information concernant un rapport interne du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) intitulé Afghanistan 2006 : Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne. Ces demandes, soumises en janvier et en mars 2007 en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), visaient à obtenir de l’information sur les droits de la personne en Afghanistan, à une époque où les Forces canadiennes étaient engagées dans le conflit qui faisait rage dans ce pays et où cela suscitait de vives préoccupations au sein de la population canadienne. Devant l’inquiétude soulevée par les médias au sujet de la piètre réponse faite par le MAECI aux demandes d’information présentées en avril et mai 2007 en vertu de la LAI, le Comité a décidé de tenir une série de réunions pour se pencher sur la question.

LA LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION

            La Loi sur l’accès à l’information, en vigueur depuis 1983, donne aux Canadiens un droit général prévu par la loi à l’égard de l’information enregistrée sous quelque forme que ce soit et relevant des institutions gouvernementales fédérales. Toute personne peut déposer une demande d’accès à certains renseignements et, à moins que l’information demandée ne soit visée par des exceptions particulières et limitées, la Loi prévoit la divulgation de l’information dans des délais prescrits. Les exceptions sont énoncées dans la Loi et, en général, elles concernent la vie personnelle, le secret commercial, la sécurité nationale ou tout autre renseignement obtenu à titre confidentiel aux fins d’élaboration des politiques. Les documents confidentiels du Cabinet sont également exclus du champ d’application de la Loi.

            Le régime actuel des exceptions à la LAI comprend deux catégories d’exceptions : les exceptions de catégorie et les exceptions fondées sur le préjudice probable. Les exceptions de catégorie s’appliquent quand les renseignements tombent dans la catégorie décrite dans l’exception. Elles supposent, ou il a été précédemment déterminé au moyen d’un mécanisme quelconque, que l’information est intrinsèquement délicate et que sa divulgation entraînerait systématiquement un tort ou un préjudice[1]. Pour les exceptions fondées sur le préjudice probable, il faut démontrer l’existence d’un préjudice avant de pouvoir réclamer l’exception[2]. Les exceptions peuvent être obligatoires ou discrétionnaires. Dans le premier cas, le responsable d’une institution gouvernementale est tenu d’appliquer l’exception alors que dans le second cas, il peut décider de divulguer ou non l’information, même s’il y a risque de préjudice.

            L’article 10 de la LAI impose au responsable d’une institution gouvernementale qui refuse l’accès d’informer le demandeur, en termes généraux, des dispositions précises de la Loi sur lesquelles se fonde le refus ou sur lesquelles il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait (les institutions ne sont pas tenues de confirmer l’existence d’un document contenant de l’information pouvant faire l’objet d’une exception)[3]. Une institution doit prélever les parties de documents visées par des exceptions et donner accès au reste[4].

            Le commissaire à l’information, Robert Marleau, a fait remarquer qu’une modification à la LAI prévue dans la Loi fédérale sur la responsabilité (LFR), qui a été adoptée en décembre 2006 et qui est entrée en vigueur en septembre 2007, pourrait contribuer à améliorer la façon dont les ministères traitent les demandes d’accès en vertu de la LAI.

Les amendements que le Parlement a apportés à la loi au paragraphe 4(2.1), qui seront en vigueur en septembre prochain seulement, ajoutent maintenant une obligation supplémentaire d’offrir un service, c’est‑à‑dire a duty to assist, en anglais, et, en français, d’offrir toute assistance raisonnable pour répondre aux demandes des citoyens. (31 mai 2007)

            Le nouveau paragraphe oblige les dirigeants des institutions gouvernementales à déployer tous les efforts raisonnables pour aider les personnes à présenter leur demande, répondre aux demandes d’une manière exacte et complète et, conformément au règlement, fournir un accès rapide aux dossiers dans le format demandé.

            Au cours de leur témoignage, Jim Alexander, dirigeant principal adjoint de l’information, et Donald Lemieux, directeur exécutif de la Division de l’information et de la protection des renseignements personnels, ont expliqué le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) dans la mise en œuvre de la LAI au sein du gouvernement fédéral. Le SCT soutient le président du Conseil du Trésor en élaborant des politiques et des lignes directrices régissant l’application de la Loi, et en assurant la formation continue des agents des services d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). La politique et les lignes directrices du SCT sont regroupées dans un volumineux manuel sur lequel s’appuient les agents de l’AIPRP dans l’exercice de leurs fonctions. Le Comité a constaté avec intérêt qu’il est précisé, à la page 2 du manuel, aux parties 2 à 4, que l’agent de l’AIPRP, lorsqu’il traite une demande exprimée en termes généraux, doit communiquer avec l’auteur de la demande pour obtenir des précisions sur la nature de la demande et fournir de l’assistance.

            Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, lorsque le Cabinet du ministre veut obtenir une copie des documents qui seront communiqués dans le cadre de la procédure, un code d’alerte « CMAE, CMAE/CMCT ou CMCT » est indiqué. Les alertes figurent sur une liste des nouvelles demandes de communication reçues par le Ministère, qui est distribuée chaque semaine. Les représentants du MAECI ont indiqué au Comité que les documents visés par une alerte CMAE, qui font l’objet d’une demande de communication, sont examinés par le Cabinet du ministre avant d’être transmis à l’auteur de la demande. Si les documents en question sont édités, alors le Cabinet du ministre ne reçoit que la version éditée. Aux membres du Comité qui ont dit craindre que cette pratique n’aboutisse à une certaine ingérence politique dans le processus de traitement des demandes d’accès, des représentants du MAECI ont fait observer que l’attribution d’un code d’alerte CMAE ne survient qu’à la fin du travail d’édition et n’a aucune incidence sur l’analyse des possibilités d’application d’une exception en vertu de la LAI. Ce serait, semble-t-il, une pratique relativement courante au MAECI[5], ainsi que dans d’autres ministères, qui aurait pour but de tenir le ministre au courant des sujets qui pourraient être soulevés au cours de la Période des questions, par exemple, ou à l’occasion des mêlées de presse, ce qui exclurait donc toute manifestation d’ingérence politique.

            L’auteur d’une demande de communication aux termes de la LAI, qui n’est pas heureux du temps que l’on met à répondre à sa demande ou du contenu de la réponse, peut adresser une plainte au commissaire à l’information du Canada, lequel est investi de vastes pouvoirs d’enquête sur tout aspect du traitement d’une demande d’accès effectué par une institution gouvernementale. Le commissaire à l’information a aussi le pouvoir d’exiger que l’information demandée soit soumise à un examen dans sa forme originale, c’est-à-dire avant censure, dans le but de déterminer si une exception s’imposait.

            Selon le témoignage du commissaire à l’information du 26 avril 2007, lorsque le commissaire fait enquête sur l’application d’une exception discrétionnaire, par exemple aux termes du paragraphe 15(1) de la LAI, il demande au responsable de l’institution gouvernementale concerné de lui expliquer les facteurs (les pour et les contre) qu’il a pris en considération avant d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Il évalue ensuite la justesse de ces facteurs et si on leur a accordé le poids qu’ils méritent. Lorsqu’il s’agit d’une exception fondée sur le préjudice probable, le commissaire tâche également de s’assurer que les craintes de préjudice, advenant la divulgation de l’information, sont raisonnablement fondées.

            Dans son rôle de protecteur du citoyen, le commissaire peut seulement faire des recommandations aux institutions gouvernementales. Si l’une de celles-ci refuse de divulguer de l’information comme il le recommande, il doit s’adresser à la Cour fédérale, avec le consentement de l’auteur de la demande, ou conseiller à ce dernier de le faire lui-même, pour obtenir un examen judiciaire.

LES TÉMOIGNAGES

            Dans son quatrième rapport, le Sous-comité du programme et de la procédure fait la recommandation suivante :

Que le Comité commence son étude du rapport interne du ministère des Affaires étrangères intitulé Afghanistan 2006 : Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne concernant les demandes qui sont présentées relativement à ce document aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, en invitant les personnes suivantes à comparaître à la séance du jeudi 17 mai 2007 — Jeff Esau, le professeur Amir Attaran et Jocelyne Sabourin, du ministère des Affaires étrangères — et que le greffier du Comité demande une copie de la version censurée du rapport au ministère des Affaires étrangères.

            Ce rapport a été approuvé, et l’étude a débuté le 17 mai 2007 par la comparution de Jeff Esau, journaliste pigiste, et Amir Attaran, professeur à l’Université d’Ottawa. Les deux témoins ont affirmé avoir présenté une demande d’accès en vertu de la LAI relativement à un rapport sur les droits de la personne en Afghanistan[6].

            M. Esau a présenté une première demande au MAECI en mars 2007, dans le but d’obtenir « un exemplaire du rapport annuel ou semi-annuel du MAECI pour l’exercice 2005-2006 (ou 2006-2007, s’il y en avait un), portant sur le respect des droits de la personne dans les différents pays du monde ».


            Cinq jours plus tard, le Ministère lui a répondu, dans une lettre signée au nom de Jocelyne Sabourin, directrice responsable de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels : « Sachez que le Canada ne produit pas de rapport annuel sur les droits de la personne semblable à ceux qui sont produits, par exemple, par les États-Unis ou le Royaume-Uni. Il n’existe donc pas de tel rapport sur le respect des droits de la personne dans d’autres pays. »

            Par la suite, au cours d’un échange de courriels avec le bureau de Mme Sabourin, M. Esau a pris soin de clarifier sa demande parce qu’il avait l’impression qu’il existait bel et bien un document que le Ministère refusait de produire.

            Pressentant que ce document ne lui serait jamais communiqué, M. Esau a profité de l’occasion pour demander « un exemplaire de la plus récente évaluation faite par le MAECI des pratiques en matière de droits de la personne et du respect de ces droits en Afghanistan ».

            En réponse à cette requête, le MAECI a informé M. Esau qu’il avait demandé une prolongation de 90 jours du délai de production du rapport, ce qui portait la date de production bien après la parution dans les journaux d’extraits « édités » ou censurés du rapport. M. Esau a donc décidé de porter plainte auprès du commissaire à l’information le 26 avril 2007, conformément à la procédure établie dans la LAI, accusant le MAECI d’avoir refusé de lui communiquer les documents demandés et d’avoir sciemment et faussement affirmé que ces documents n’existaient pas. Il a fini par recevoir un exemplaire édité du rapport après sa comparution devant le Comité, le 17 mai.

            Le professeur Attaran a présenté sa demande d’accès à l’information le 24 janvier 2007; il voulait obtenir des exemplaires des rapports sur les droits de la personne en Afghanistan et aux États-Unis. Le 5 février, le MAECI lui a répondu qu’il recevrait les rapports dans les 30 jours, mais le délai n’a pas été respecté. Le 29 mars, le professeur Attaran a soumis une seconde demande d’accès, en précisant le titre du document. Le 4 avril, suivant la procédure établie dans la LAI, il a déposé une plainte auprès du commissaire à l’information à propos de sa demande du 24 janvier, demeurée sans réponse même si les délais prévus par la Loi étaient échus[7]. Dans la semaine qui a suivi, il a été informé à plusieurs reprises par le Ministère qu’on était en train de réviser et de préparer les documents en vue de leur communication. Le 23 avril 2007, il a reçu les rapports de 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 sur l’Afghanistan. Il a informé le Comité qu’il n’avait pas reçu le rapport sur les États-Unis, qu’il avait également demandé.


            Dans le rapport envoyé au professeur Attaran, de nombreuses parties du texte étaient censurées, la plupart du temps avec la mention que le Ministère s’appuyait sur le paragraphe 15(1) de la LAI pour justifier leur non‑divulgation[8]. Dans son témoignage devant le Comité, le professeur Attaran s’est plaint de l’édition du rapport, mentionnant que « les parties expurgées étaient très nombreuses » et qu’il y avait eu « violation prima facie de l’alinéa 67.1c) de la LAI », lequel interdit à quiconque de cacher un dossier « dans l’intention d’entraver le droit d’accès prévu » par la Loi.

            Le Comité a entendu des fonctionnaires du MAECI, dont Lillian Thomsen, directrice générale du Bureau des services exécutifs, et Jocelyne Sabourin, directrice responsable de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels. D’entrée de jeu, Mme Thomsen a admis « qu’au cours des dernières années, la conformité globale du ministère à ses obligations en vertu de la Loi sur l’accès à l’information a été régulièrement inférieure aux normes, selon les conclusions du commissaire à l’information énoncées dans ses “fiches de rendement” et dans son rapport annuel au Parlement (29 mai 2007) ». Elle a ajouté que le rendement du ministère s’était considérablement amélioré depuis la mise en œuvre d’un plan d’action en 2006.

            Mme Sabourin a expliqué au Comité qu’à titre d’autorité responsable déléguée du MAECI en vertu de la LAI, elle avait le pouvoir de décider quelles parties du rapport Afghanistan 2006 devaient être censurées, ajoutant qu’elle prenait ses décisions sur les recommandations de son personnel. Mme Sabourin a également répondu aux questions des membres du Comité sur la manière dont les demandes de MM. Esau et Attaran ont été traitées par le Ministère. Il semble que la demande initiale de M. Esau ait été rejetée parce que les fonctionnaires ont compris qu’il cherchait un rapport international regroupant des chapitres sur différents pays et n’ont pas songé à lui offrir les rapports par pays individuel[9]. Lorsque M. Esau a communiqué une seconde fois avec le Ministère pour préciser sa demande, il avait déjà déposé sa deuxième demande concernant le rapport sur l’Afghanistan.

            À propos de la demande de M. Attaran, Mme Sabourin a déclaré :

Je souhaite confirmer, aux fins du compte rendu, qu’il n’y aucune tendance à vouloir cacher des éléments des rapports sur les droits de la personne en Afghanistan. La demande a été reçue par mon bureau et a été examinée; nous avons cherché, obtenu et traité les dossiers, conformément aux dispositions de la Loi. Il est vrai que nous n’avons pas respecté l’échéance. Comme je l’ai dit, je suis vraiment désolée du fait que nous n’ayons pas respecté l’échéance. Oui, nos activités étaient paralysées, mais nous avons continué le traitement. Au bout du compte, le 23 avril, nous lui avons fourni une réponse sur les rapports portant sur l’Afghanistan et nous lui avons dit que le rapport américain n’existe pas. Nous avons effectué des recherches, et ce document n’existe pas au sein du ministère. (29 mai 2007)

            Durant son témoignage, Mme Sabourin a été incapable de fournir au Comité les renseignements chronologiques détaillés qu’il demandait au sujet des quatre demandes présentées aux termes de la LAI parce que, a‑t‑elle précisé, elle n’avait pas les dossiers « à sa portée ». Certains membres du Comité ont eu l’impression que sa réponse entravait leurs efforts pour clarifier le cours des événements qui ont mené à la controverse. Ils ont déploré le fait que des hauts fonctionnaires comme Mmes Thomsen et Sabourin se présentent devant un comité de la Chambre des communes pour discuter d’un dossier ou d’une question sans notes, sans documents ni chronologie des événements à l’étude. Ils ont donc demandé à Mme Sabourin des détails chronologiques concernant chacune des quatre demandes. L’annexe du présent document résume l’information fournie par le Ministère faisant état des événements les plus importants.

            Ont également comparu devant le Comité le commissaire à l’information, Robert Marleau et Daniel Brunet, son directeur des Services juridiques, ainsi que Robert Walsh, légiste et conseiller parlementaire, et Denis Kratchanov du ministère de la Justice. Le commissaire à l’information a confirmé les propos des fonctionnaires du MAECI selon lesquels la conformité du Ministère avec la LAI s’était améliorée au cours de la dernière année.

La situation s’est sensiblement améliorée cette année. Dans mon rapport annuel déposé cette semaine, la note accordée au ministère est passée de F à D. Cela ne semble peut-être pas beaucoup, mais le taux de demandes de traitement en retard est passé de 60 p. 100 à 17,2 p. 100. (31 mai 2007)

            Le Comité a aussi entendu le témoignage du sous‑ministre du MAECI, Leonard Edwards, et de plusieurs autres fonctionnaires du Ministère, dont la directrice responsable de la Direction des droits de la personne, de l’égalité entre les sexes, de la santé et de la population, le bureau de première responsabilité pour trois des quatre demandes examinées par le Comité. Dans son témoignage, M. Edwards a réitéré les conclusions du commissaire Marleau en réponse à la plainte déposée par le professeur Attaran, à savoir que, malgré son retard à répondre à la demande, le MAECI n’a pas caché de dossiers de manière à violer un droit d’accès conféré en vertu de l’article 67.1 de la LAI.

LE PROBLÈME

            Les témoins qui s’étaient vu refuser leur demande d’accès ont donné leur avis quant aux raisons de l’incapacité du MAECI à respecter les délais prévus dans la LAI. Selon le professeur Attaran, il existe un problème systémique au sein du gouvernement fédéral en ce qui concerne la communication d’information au sujet de l’Afghanistan. M. Esau a confirmé qu’il avait entendu dire que l’information sur l’Afghanistan, la torture et les détenus causait un certain « malaise » au sein du gouvernement fédéral. Il a également laissé entendre que l’une des causes du problème est la réticence naturelle de la part des auteurs de documents gouvernementaux à communiquer ces documents, faute bien souvent de pouvoir faire la différence entre l’importance de ceux-ci et le besoin de confidentialité.

            M. Esau a clairement expliqué qu’il s’agissait, à son avis, d’un problème d’interaction entre les agents de l’AIPRP et le personnel des ministères en possession des documents :

Je sais d’expérience que le service de l’AIPRP dans une institution fédérale cherche à tout prix à répondre au vœu de celui qui fait une demande. Dans la quasi-totalité des cas que je connais, le rôle du service est de communiquer les documents demandés. Il veut servir ses clients. La difficulté, la dynamique que j’ai observée à la Défense nationale et dans d’autres institutions fédérales — surtout les grandes, celles qui sont très
visibles — c’est que les responsables de l’AIPRP doivent s’adresser à ceux qui, au ministère, détiennent les dossiers.
Les obtenir de ceux qui les créent ou les détiennent est quelque chose de très difficile pour un agent de l’AIPRP. (17 mai 2007)

            Comme l’a fait savoir M. Esau dans son témoignage, la capacité des agents de l’AIRPR à obtenir de leur ministère les documents demandés afin de les communiquer au demandeur dépend également de la manière dont l’information est stockée au ministère et de la facilité à la retrouver pour répondre à une demande.

NOS CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

            Malgré un important consensus entre les membres à la fin de leur étude, on ne peut pas dire qu’il y avait unanimité. L’enquête du Comité a, à tout le moins, révélé l’incapacité d’un ministère à respecter les délais prescrits par la LAI, un problème qui a été amplement démontré et que le MAECI s’efforce de corriger. Certains membres du Comité étaient aussi convaincus de l’existence d’un malaise que suscitent au sein du gouvernement les documents portant sur des sujets délicats comme l’Afghanistan, la torture et les détenus. Tous ont convenu que les dispositions de la LAI, du moins celles concernant les délais de traitement, n’avaient pas été respectées dans le cas des demandes présentées par Jeff Esau et Amir Attaran en vue d’obtenir le rapport Afghanistan 2006.

            Malgré quelques divergences d’opinion, les membres du Comité se sont entendus sur certaines mesures à prendre pour éviter que le problème se reproduise. Le Comité a entendu peu de témoignages sur la manière d’améliorer le rendement du Ministère ou de toute autre institution gouvernementale à l’égard de la LAI. Il présente néanmoins les recommandations qui suivent, fruits de son étude et de l’intérêt de longue date qu’il porte à la réforme de la LAI.

1.      Le Comité réclame depuis longtemps la présentation, par le gouvernement du Canada, d’une nouvelle Loi sur l’accès à l’information. Cette étude a confirmé les informations qu’avaient les membres du Comité et les inquiétudes qu’ils entretenaient à l’égard du piètre rendement de certains ministères fédéraux en ce qui a trait à l’application de la LAI, un problème que les rapports annuels du commissaire à l’information avaient déjà bien mis en évidence. Presque depuis sa création, le Comité s’intéresse à la réforme de la législation concernant l’accès à l’information. Il a adopté au cours des ans des motions et des rapports, dont son premier rapport à la première session de la 39e législature, priant le ministère de la Justice de rédiger un avant-projet de loi sur le sujet, aux fins d’étude.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement présente une nouvelle Loi sur l’accès à l’information et qu’il s’inspire, au moment de sa rédaction, du contenu du présent rapport ainsi que d’autres rapports du Comité.

2.      Lorsque la directrice responsable de la Direction des droits de la personne du ministère des Affaires étrangères a reçu de M. Esau une demande d’accès à un rapport général sur la situation des droits de la personne dans différents pays, elle a cru, à tort, qu’il cherchait un document comportant de multiples chapitres et a répondu à l’agent de l’AIPRP qu’un tel document n’existait pas. Si elle avait parlé à M. Esau, ce dernier aurait probablement compris la nature du malentendu et aurait précisé qu’il cherchait un rapport sur l’Afghanistan. Le fait qu’un agent de l’AIPRP, même hautement expérimenté et compétent, ait servi d’intermédiaire a compliqué les choses, et la demande n’a pas été traitée rapidement. Comme il est mentionné précédemment, la politique et les directives sur l’accès à l’information sont regroupées dans un volumineux manuel dont se servent les agents de l’AIPRP dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le cas qui nous occupe, il est clair que les fonctionnaires ne se sont pas efficacement acquittés de leur responsabilité, énoncée à la page 2 du manuel, aux parties 2-4, qui consiste à communiquer au besoin avec le demandeur pour préciser la nature de la demande et lui proposer de l’aide. Cette controverse aurait pu être évitée en grande partie si les fonctionnaires avaient mieux fait leur travail à cet égard, surtout dans le cas de la première demande de M. Esau. Il y aurait peut-être lieu d’exiger que les agents de l’AIPRP, lorsqu’ils traitent une demande provenant d’une personne bien renseignée et qui sait pertinemment que le document existe, demandent au spécialiste en la matière du bureau concerné de communiquer directement avec cette personne.


Recommandation 2

Le Comité recommande que le Secrétariat du Conseil du Trésor mette à jour la politique et les lignes directrices concernant l’accès à l’information pour mieux éviter les malentendus entre les demandeurs et les agents de l’AIPRP ou le personnel des ministères concernés.

3.      La formation des agents et des coordonnateurs de l’AIPRP est abordée dans un certain nombre de rapports sur la réforme de la Loi sur l’accès à l’information. Les coordonnateurs de l’AIPRP devraient être tenus de suivre une formation approfondie et être accrédités en fonction de normes nationales. Une des priorités de l’actuel commissaire à l’information est de persuader le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur fédéral, d’appuyer le Programme de certificat sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels offert par l’Université de l’Alberta, et de reconnaître de nouvelles normes nationales de recrutement et de nouvelles politiques d’avancement pour les agents de l’AIPRP. Le commissaire a établi le parallèle suivant pour le Comité :

Le gouvernement du Canada, le Conseil du Trésor, ont établi des normes pour le recrutement des vérificateurs internes. Ils établissent les normes pour le recrutement des agents financiers pour lesquels une accréditation est exigée. Je pense qu’il faudrait faire de même pour les coordonnateurs de l’accès à l’information, afin qu’un sous-ministre qui reçoit un rapport du bureau de son coordonnateur qui indique que l’information doit être communiquée, puisse examiner ce rapport avec la même confiance que s’il le recevait d’un agent financier supérieur ou d’un vérificateur interne. (26 avril 2007)

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement exige que tous les coordonnateurs de l’AIPRP reçoivent une formation approfondie, comme celle offerte dans le cadre du Programme de certificat sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels de l’Université de l’Alberta, ou une formation compatible avec le programme de l’AIPRP, qu’ils soient accrédités en fonction de normes nationales et que tous les programmes de formation soient offerts dans les deux langues officielles.

4.      La création d’une nouvelle fonction d’aide aux demandeurs dans la LAI, par le biais de la Loi fédérale sur la responsabilité, contribuera peut‑être à améliorer l’accès à l’information dans des cas comme ceux que l’on vient de voir. Le paragraphe 4(2.1) de la Loi oblige les responsables d’une institution gouvernementale à faire tous les efforts raisonnables pour aider les demandeurs
et leur fournir l’accès aux documents en temps opportun. Cette nouvelle fonction ajoutera aux obligations du gouvernement et nécessitera l’établissement de nouvelles lignes directrices pour aider les fonctionnaires à s’en acquitter.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le Secrétariat du Conseil du Trésor établisse de nouvelles lignes directrices pour aider les fonctionnaires à s’acquitter de leur nouvelle fonction d’aide aux demandeurs, prévue au paragraphe 4(2.1) de la Loi sur l’accès à l’information.

5.      Comme il était indiqué précédemment, certains membres du Comité étaient très mécontents de la qualité de l’aide fournie par Lillian Thomsen et Jocelyne Sabourin lors de leur comparution devant le Comité à titre de représentantes du MAECI. Ils en avaient particulièrement contre le fait que ces témoins n’étaient pas préparées pour rencontrer le Comité et avaient négligé d’apporter avec elles le moindre document pertinent. Il existe un guide pour les sous-ministres et les fonctionnaires fédéraux qui sont appelés à témoigner devant des comités parlementaires. Conformément à l’article 16.4 de la Loi fédérale sur la responsabilité, les sous-ministres, maintenant reconnus comme des administrateurs des comptes de leur ministère aux termes de cette Loi, ont l’obligation légale de comparaître devant les comités du Sénat et de la Chambre des communes et de répondre à des questions dans leurs domaines de responsabilités de gestion énoncés à l’article 16.4 de la LFR. D’après le document intitulé « Administrateur des comptes : Lignes directrices concernant leurs rôles et leurs responsabilités, et leur comparution devant les comités parlementaires», apparaissant dans le site Web du Bureau du Conseil privé, l’administrateur des comptes est censé être fin prêt à discuter des questions pertinentes au moment de comparaître devant un comité parlementaire. Il lui est permis de se faire accompagner de fonctionnaires, mais le moins possible et, autant que faire se peut, le rôle de ces derniers doit se limiter à celui de ressources pour l’administrateur, plutôt que de témoins. Les fonctionnaires présents doivent néanmoins être bien préparés, au cas où ils seraient appelés à répondre à des questions. À la lumière de ce qui s’est passé au cours de sa rencontre avec les fonctionnaires du MAECI, le Comité pense que le Bureau du Conseil privé devrait clarifier ou exposer dans le détail ces lignes directrices aux sous-ministres et aux fonctionnaires de l’État, afin de leur rappeler la nécessité de bien se préparer en vue de leurs comparutions devant des comités parlementaires, y compris d’apporter avec eux tous les documents pertinents auxquels ils pourraient avoir à se reporter.


Recommandation 5

Le Comité recommande que le Bureau du Conseil privé modifie son document intitulé « Administrateur des comptes : Lignes directrices concernant leurs rôles et leurs responsabilités, et leur comparution devant les comités parlementaires », et qu’il prenne toutes les autres mesures nécessaires pour s’assurer que les sous-ministres et les autres fonctionnaires soient toujours fin prêts au moment de comparaître devant les comités parlementaires, et notamment qu’ils aient avec eux tous les documents pertinents auxquels ils pourraient avoir à se reporter durant leur comparution.




[1]        L’article 13, assurant la protection des renseignements obtenus à titre confidentiel d’autres gouvernements, et le paragraphe 21(1), traitant des avis ou recommandations au gouvernement, offrent des exemples d’exceptions de catégorie.

[2]        L’article 14, sur les renseignements dont la divulgation pourrait porter préjudice à la conduite des affaires fédérales-provinciales, l’article 17; visant les renseignements dont la divulgation risquerait de nuire à la sécurité des individus; les alinéas 18b), c) et d), sur les renseignements dont la communication risquerait de nuire ou de porter préjudice aux intérêts économiques du Canada, et l’article 15, sur les renseignements dont la divulgation risquerait de porter préjudice à la conduite des affaires internationales ou à la défense du Canada, fournissent des exemples d’exceptions fondées sur le préjudice probable.

[3]        Dans Vienneau c. Canada, 1988 3 F.C. 336, la Cour fédérale a statué qu’il n’est pas nécessaire de préciser, dans le document communiqué, les numéros des articles applicables en regard des suppressions, en ajoutant cependant que cette pratique était fort louable et conforme aux objectifs fondamentaux de la Loi et qu’elle devrait être maintenue.

[4]        Commissaire à l’information du Canada, Réponse au rapport du groupe d’étude de l’accès à l’information : Rapport spécial au Parlement, 2002, p. 69.

[5]        Au cours des huit premiers mois de 2006-2007, 43 % des demandes d’accès reçues par le MAECI étaient assorties d’une alerte CMAE. Commissariat à l’information du Canada, rapports annuels, fiches de rendement 2006‑2007, ministère des Affaires extérieures et du Commerce extérieur du Canada, à http://www.infocom.gc.ca/reports/Cards/2006-2007/dfait-f.asp.

[6]        En fait, les témoins ont soumis en tout quatre demandes. Le Ministère a attribué les numéros 466 et 649 à celles du professeur Attaran, et 604 et 605 à celles de M. Esau.

[7]        Si le Ministère avait l’intention d’annoncer une prolongation du délai en février, on aurait omis, par mégarde, d’envoyer la lettre à cet effet selon la chronologie des événements fournie par le Ministère (voir à l’Annexe les indications fournies concernant le 28 février 2007).

[8]        Dans certains cas, les paragraphes 13(1) et 21(1) ont également été invoqués. Le paragraphe 15(1) de la Loi autorise le chef d’une institution gouvernementale à refuser de communiquer un dossier, ou une partie d’un dossier, lorsqu’il est raisonnable de croire qu’il pourrait porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou à la détection, la prévention ou la répression d’activités hostiles.

[9]        La directrice responsable de la Direction des affaires humanitaires, de l’égalité des sexes, de la santé et de la population, a affirmé dans son témoignage avoir répondu « que le Canada ne produisait par de rapport sur la situation générale des droits de la personne dans le monde » parce qu’elle a eu « l’impression que le demandeur était bien informé ». 19 juin 2007.