Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mai 2008

[Enregistrement électronique]

  (0835)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 33e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous sommes le jeudi 29 mai 2008.
    Nous poursuivons aujourd’hui l’étude du projet de rapport de notre sous-comité concernant le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne.
    Nous entendrons des témoignages par vidéoconférence. Au cours de la première heure, le révérend Jian Miller Zhuang comparaîtra à titre personnel. Né dans le sud de la Chine, M. Zhuang a été jeune communiste et jeune leader. Il est venu au Canada en 1981. Il s’est rendu en Chine à plusieurs reprises depuis 1996 pour faire du travail social et communautaire auprès d’orphelins, de jeunes travailleurs d’usine et de jeunes à risque. Il a également participé à des programmes de réadaptation destinés aux hommes, a œuvré dans le domaine de l’enrichissement conjugal et a offert des services de consultation et d’orientation aux forces de l’ordre chinoises.
    Grâce aux nouvelles technologies, nous sommes très heureux de souhaiter au révérend Jian Zhuang la bienvenue parmi nous.
    Pouvez-vous m’entendre, monsieur?
    Je vous entends très bien. Je veux vous dire bonsoir de Hong Kong.
    Et je vous dis bonjour d’Ottawa.
    Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de vous entendre. Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant un comité parlementaire. Nous vous serions reconnaissants de nous présenter un exposé d’une dizaine de minutes, après quoi nous aurons une période de questions et réponses. Les questions seront posées d’abord par des représentants de l’opposition officielle, qui seront suivis de représentants du Bloc québécois, du gouvernement et du Nouveau Parti démocratique.
    La parole est à vous, monsieur Zhuang.
    C’est un plaisir de vous voir tous d’ici, à Hong Kong, qui fait partie de la Chine.
    Je suis très heureux de travailler en Chine, à la fois à titre de Canadien et d’expatrié de retour, pour contribuer au développement social et à beaucoup d’autres domaines de développement dans un pays comme la Chine.
    Je voudrais dire tout d’abord que j’apprécie beaucoup ce que le gouvernement du Canada fait pour la Chine, même dans une perspective historique. Le gouvernement du Canada joue un rôle très important dans le développement social du pays. En ce sens, nous avons beaucoup de respect pour les Canadiens et pour leur contribution pendant toutes ces années.
    À titre de Canadien travaillant en Chine, même si rien ne me distingue, en apparence, des autres Chinois, je crois que les gens d’ici me respectent comme Canadien. Je suis très heureux de représenter le Canada dans mon travail en Chine. Comme je l’ai dit, je m’occupe surtout de développement social, ce qui me place à un niveau différent d’engagement et de service par rapport au gouvernement chinois et à un certain nombre de comités sociaux de la Chine.
    La Chine d’aujourd’hui est en pleine évolution. Les changements se manifestent de plus en plus, ce que j’apprécie beaucoup. Je m’attends à ce que le changement et le développement se poursuivent au niveau des individus et des collectivités. Je suis témoin de cette progression. Les dirigeants de la Chine sont plus ouverts qu’ils ne l’étaient auparavant aux suggestions et aux opinions. Je peux constater par exemple, après le tremblement de terre qui s’est produit au Sichuan, que le gouvernement chinois a considérablement changé. Il a ouvert la porte à l’aide étrangère dans beaucoup de domaines. Je dois d’ailleurs me rendre dans le Sichuan dès demain matin, tout de suite après cet entretien. Nous travaillons et collaborons ensemble en utilisant des méthodes et des systèmes canadiens pour aider les familles et les enfants qui ont survécu à vivre leur deuil et à surmonter leurs traumatismes.
    On m’a demandé d’obtenir des copies et des références au sujet des systèmes utilisés au Canada pour l’aide aux victimes et aux endeuillés. Je suis fier d’être Canadien et de participer à cet effort. Je dois rencontrer quelques importants conseillers en vue de la mise en place de cette approche.
    Par ailleurs, les Chinois se soucient vraiment des droits individuels. J’apprécie beaucoup le fait qu’ils veuillent reconstruire le pays et, en même temps, ouvrir la porte à l’aide étrangère. C’est ce que je constate à l’heure actuelle.
    Au cours des cinq dernières années, comme ma famille a toujours travaillé pour les forces de l’ordre, j’ai souvent eu l’occasion d’avoir des rapports assez étroits avec les services de police et de me renseigner sur les questions liées aux droits de la personne. Comme ces gens sont en première ligne, mes rapports avec eux sont très utiles. Je travaille avec eux et j’essaie de leur inculquer certaines des méthodes de notre GRC. J’ai déjà travaillé pour les services aux victimes de la GRC, ce qui m’a donné l’occasion de connaître leurs méthodes et leurs systèmes.
    Quoi qu’il en soit, j’ai pu constater que la Chine évolue vers une plus grande ouverture et un plus grand respect pour la valeur de l’être humain. Bien sûr, il y a des choses à considérer. La Chine a une culture orientale, une culture asiatique qui influe sur son évolution. C’est un peu différent de la culture occidentale. Les droits individuels ne sont pas au premier rang des préoccupations. Les droits de l'État constituent encore la première priorité.

  (0840)  

    Voilà où en est la culture chinoise à l’heure actuelle. Je peux cependant voir que le gouvernement est plus ouvert aux opinions et plus disposé à écouter la voix du peuple, et surtout celle des assemblées populaires. Chaque fois qu'une assemblée populaire a lieu, nous pouvons entendre les suggestions et les opinions de la base.
    Voilà ce que j’ai à dire.
    Merci beaucoup, monsieur Zhuang.
    Nous allons maintenant commencer notre premier tour de table. J’invite Raymond Chan à poser les premières questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue au comité, révérend Zhuang. C’est un plaisir de vous voir, même si ce n’est que sur un écran de télévision. Je crois que nous ne nous sommes pas vus depuis au moins cinq ou six ans.
    J’ai vraiment été très heureux d’entendre dire que vous faites tout ce bon travail en Chine. Notre comité examine de nombreuses questions, dont celle des églises clandestines. Je sais que vous avez collaboré avec un grand nombre d’entre elles au fil des ans. Pouvez-vous nous parler de la situation des églises chrétiennes clandestines ces dernières années? Comment cette situation se compare-t-elle à celle d’il y a cinq ou dix ans? À votre avis, que réserve l’avenir aux chrétiens chinois qui pratiquent leur religion dans la clandestinité?
    Je vais comparer la situation à celle d’il y a dix ans. J’ai commencé à collaborer directement avec les églises clandestines en 1996. Cinq ans plus tard, je collaborais en fait autant avec l’église gouvernementale qu’avec l’église clandestine. Même aujourd’hui, nous tenons des conférences et des séances de formation au leadership pour les deux. On peut constater plus d’ouverture et plus de sensibilisation des deux cotés.
    De plus, beaucoup d’églises clandestines s’inscrivent auprès du gouvernement et deviennent donc des églises ouvertes. Elles ont trouvé des avantages à la collaboration avec le gouvernement au niveau social. Les églises qui demeurent clandestines ne peuvent pas faire du travail social, ce qui explique que beaucoup d’entre elles s’inscrivent.
    En même temps, je crois que le gouvernement continue à surveiller l’activité de certaines églises clandestines. Si les autorités jugent ces activités illégales, elles interviennent. Toutefois, on peut constater de plus en plus d’ouverture, même à l’égard des églises clandestines. Si elles se limitent à la prière et respectent la loi, si le nombre de leurs adhérents se maintient dans certaines limites qui ne sont pas jugées menaçantes, elles peuvent poursuivre leurs activités. Dans certaines régions, et notamment les grandes agglomérations, le gouvernement tolère ces activités.
    Bien sûr, une partie de mon travail consiste à encourager les églises clandestines à s’inscrire auprès du gouvernement et à comprendre qu’elles doivent faire preuve de réserve et de modération en public. Mes activités s’étendent à l’ensemble du réseau d’églises clandestines, du nord au sud et de l’ouest à l’est du pays. Les gens apprécient notre contribution parce qu’ils peuvent en constater les avantages.
    Le tremblement de terre qui vient de se produire illustre bien la situation. Beaucoup de ces églises dites clandestines participent aux efforts déployés en faveur des victimes. Elles doivent pour cela s’inscrire auprès du gouvernement. Je peux donc constater que les persécutions dont on parlait auparavant sont de moins en moins fréquentes.

  (0845)  

    Quelle différence y a-t-il entre une église inscrite auprès du gouvernement et une église clandestine? Quel contrôle le gouvernement exerce-t-il sur les églises inscrites? Quand vous dites que les églises clandestines doivent se montrer très prudentes, est-ce parce que le gouvernement arrête des gens? Avez-vous eu connaissance d’arrestations de dirigeants de ces églises dans les cinq ou dix dernières années?
    Les arrestations étaient plus nombreuses il y a cinq ans. Aujourd’hui, beaucoup moins de dirigeants de ces églises sont arrêtés. Ces deux dernières années, le nombre de personnes jetées en prison a beaucoup diminué.
    La différence entre les églises inscrites et les églises qui tiennent des offices dans des maisons privées, c’est tout simplement l’inscription. Certaines églises ont dû cesser leurs activités parce qu’elles avaient trop de membres qui se réunissaient à des endroits qui ne répondaient pas aux normes de sécurité. Dans de tels cas, le gouvernement intervient pour donner un avertissement. En premier, c’est la police ou des représentants du Bureau des affaires religieuses qui interviennent. Ils vont relever les noms des personnes présentes et les avertir soit que l’endroit est jugé dangereux, soit que leur nombre est trop important, soit encore qu’ils dérangent les voisins. Ils leur demandent de respecter la loi. Si les membres de l’église poursuivent leurs activités, après trois ou quatre fois, la police ira les avertir. C’est la procédure qui est suivie.
    J’ai grandi dans une famille de policiers. La plupart de mes amis travaillent pour la police. C’est la façon habituelle de procéder. Les forces de l’ordre n’interviennent pas au départ. C’est le Bureau des affaires religieuses qui leur demande de le faire. Elles doivent alors agir conformément à la loi. Si une demande est faite par la police... L’église peut intenter des poursuites et demander à un avocat de la représenter. Elle peut aussi s’adresser à certaines personnes pour faire des démarches juridiques.

  (0850)  

    Le gouvernement est au courant de l’existence des églises clandestines. Il sait où elles se trouvent et connaît le nombre de leurs adhérents.
    Intervient-il quand le monde chrétien extérieur essaie de collaborer avec ces églises? Agit-il d’une façon quelconque?
    Oui, cela arrive, surtout dans le cas des étrangers. Les étrangers doivent agir avec prudence parce qu’ils sont encore surveillés par le gouvernement.
    J’ai quelques collègues que la police chinoise a très poliment priés de quitter le pays. Le chef du groupe a dû relever leurs noms et déclarer leurs activités, mais la police n’a procédé à aucune arrestation.
    Cela se produit à Beijing et à Shanghai. Les églises organisent parfois dans des hôtels des rencontres auxquelles assistent 100 à 200 personnes. Ces choses arrivent ordinairement parce que les activités n’ont pas été déclarées au gouvernement. Ce sont des activités étrangères qui doivent être déclarées au préalable. Si les églises agissent ouvertement et s’inscrivent auprès du gouvernement, elles peuvent avoir de telles activités.
    Merci beaucoup, monsieur Zhuang.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais maintenant donner la parole à notre collègue du Bloc québécois. Madame Barbot, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Zhuang, vous dites que la procédure est bien établie en ce qui concerne les religions illégales. Entre la procédure et la pratique, il y a bien souvent une différence. J'aimerais que vous nous disiez comment sont traitées actuellement les communautés religieuses dites illégales en Chine. D'abord, qu'est-ce qui les rend illégales, et comment sont-elles traitées quand il y a des problèmes?

[Traduction]

    Je crois que vous vous rendez tous compte du fait que la Chine a une population de 1,3 milliard de personnes et un immense territoire. Je peux dire qu’il y a des procédures et que les lois sont appliquées dans certaines régions. Les autorités ont encore besoin de temps pour avancer et pour éduquer les gens. Ces questions relèvent également des ministères et des régions...
    Bien sûr, en ce qui concerne les activités religieuses en Chine, les procédures sont déjà établies. Dans tous les cas, la première intervention vient du Bureau des affaires religieuses, qu’il s’agisse de musulmans, de chrétiens, de catholiques ou de bouddhistes. Le Bureau des affaires religieuses est le premier à s’occuper de ces affaires, partout dans le pays. La police n’intervient que pour dire, par exemple, que ces églises menacent ce qu’elle appelle la sécurité de la collectivité. C’est ainsi que les choses se passent.
    Je ne suis pas sûr d’avoir répondu à vos questions.

[Français]

    Oui, ça va.
    La question des droits humains est évidemment celle qui nous intéresse le plus. Actuellement, il y a des cas précis de violation des droits de la personne. Le gouvernement du Canada essaie de trouver la meilleure façon d'agir avec le gouvernement chinois. Étant donné que vous êtes à la fois canadien et chinois, vous pourriez peut-être nous dire quelle est la meilleure façon de faire. Faut-il interpeller publiquement le gouvernement chinois, donc porter à sa connaissance les cas qui nous inquiètent, ou faut-il présenter des listes? Je pense à la liste des sujets qui nous préoccupent et à celle de gens qui ont des problèmes de droits de la personne. Quelle est la meilleure façon d'intervenir, selon vous?

[Traduction]

    Mon avis, à titre de Chinois canadien, ou plutôt de Canadien chinois, c’est que dans la culture chinoise, l’une des choses les plus importantes consiste probablement à veiller à l’harmonie globale. L’idée qu’une personne représente une voix est très occidentale. En Chine, l’individu doit essentiellement respecter l’harmonie holistique.
    Je crois que le gouvernement canadien doit probablement essayer de maintenir de bonnes relations, puis d’établir des liens plus étroits avec le gouvernement chinois pour se faire entendre. Je crois que l’un des meilleurs moyens d’améliorer la situation des droits de la personne en Chine est de veiller à maintenir de bonnes relations, puis de renforcer les liens de gouvernement à gouvernement. Cela serait vraiment utile parce que les Chinois ont beaucoup de respect pour les Canadiens.
    Dans une perspective historique, les relations restent ouvertes. Je pense néanmoins que les Chinois peuvent tirer parti de ce qu’il y a de mieux dans le système canadien. Ils pourront ensuite, avec le temps, mettre en application ce qu’ils auront appris.

[Français]

    Si je comprends bien, selon vous, les relations entre la Chine et le Canada sont bonnes, et le Canada pourrait influencer la Chine en ce qui concerne les droits de la personne. Cependant, je n'ai pas très bien compris comment on peut faire cela. Le gouvernement devrait-il parler de cas précis au gouvernement chinois? Ou encore, devrait-il donner la liste des gens qui, à sa connaissance, ont des problèmes? En d'autres mots, doit-on le faire publiquement ou aller voir les membres du gouvernement directement et leur en parler?

  (0855)  

[Traduction]

    Je crois qu’il serait probablement possible d’agir des deux façons. Au niveau gouvernemental, il s’agit d’établir de bonnes relations. Il ne faut pas oublier non plus que nous parlons de la Chine. Pour les Chinois, il est toujours important de sauver la face. Je ne sais pas, mais l’Ouest devrait y penser. La Chine tient beaucoup à sauvegarder l’image de marque du gouvernement.
    S’il y a de bonnes relations entre les deux pays, je pense que nous pouvons mentionner directement certains noms aux responsables. En agissant d’une façon respectueuse, nous pouvons les amener à examiner ces dossiers ou à établir une certaine collaboration entre les deux gouvernements à ce sujet.
    Merci beaucoup.
    C’est maintenant au tour de M. Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez dit que l’Asie a une culture différente de celle de l’Ouest, qui fait passer en premier l'État plutôt que les citoyens. Le fait d’accepter cette notion comme postulat ne fait-il pas partie du problème? Je n’essaie pas de critiquer la Chine. Je mets plutôt en cause le processus que nous utilisons.
    Nous avons entendu beaucoup d’observations sur l’approche impropre et sur la nécessité de l’améliorer et de la renouveler. Je suis à la recherche d’idées concrètes sur la façon de le faire. Il a été question à un moment donné d’utiliser l’étude faite par notre comité d’un groupe de promotion de la démocratie pour voir s’il n’était pas possible de l'intégrer à notre approche.
    Le problème, c’est que si cette notion... Je ne suis pas sûr qu’elle s’applique à toute l’Asie, mais c’est peut-être vraiment le cas tandis que la Chine progresse vers l’économie mondiale moderne. Cette notion ne fait pas nécessairement partie de la culture établie. N’est-ce pas plutôt que la Chine n’avait pas eu dans le passé à tenir compte de l’interaction avec les citoyens et qu’elle apprend actuellement à le faire?
    Vous pouvez peut-être nous faire des suggestions sur les mesures à prendre pour rétablir de bonnes relations, si nous décidons de le faire. De quelle façon devrions-nous modifier notre approche pour tenir compte de ce facteur et pour progresser d’une façon plus concrète sur le plan des droits de la personne? Nous avons l’impression d’avoir atteint un plateau et de ne pas avoir avancé aussi loin et aussi vite que nous l’aurions voulu ou que nous aurions pu le faire.
    Je crois que la Chine progresse, mais probablement pas au rythme que nous souhaitons. Je voudrais moi aussi que ce rythme s’accélère.
    Je constate que la Chine se montre actuellement de plus en plus ouverte. Bien sûr, cette année est vraiment critique à cause de cet événement historique extraordinaire que représentent les Jeux olympiques de 2008. Les autorités chinoises doivent tenir compte de deux choses. Elles doivent s’occuper de la sécurité dans l’intérêt de tout le pays, mais elles doivent en même temps se montrer plus ouvertes dans toutes sortes de domaines. L’équilibre entre les deux est assez difficile à réaliser.
    Je constate que la Chine règle quelques-unes des grandes questions qui se posent selon son mode de gouvernement fondé sur les décisions collectives. Cela influence les Chinois et entrave peut-être leur action. De plus, il y a un fossé qui se creuse.

  (0900)  

    Ne devrions-nous pas nous montrer prudents dans cette discussion? Son objet réel est d’examiner les faiblesses du dialogue engagé jusqu’ici. Nous convenons tous qu’il y a eu des progrès, mais nous avons aussi l’impression qu’ils n’ont pas été aussi rapides qu’on l’aurait voulu.
    C’est tout l’objet des discussions de notre comité. Nous sommes à la recherche d’idées et de suggestions sur la façon de mieux mener ce dialogue. Nous convenons qu’il y a eu des progrès, mais nous ne sommes pas disposés à accepter l’idée que leur lenteur est attribuable à la culture ou à d’autres facteurs inhérents. Nous voulons donc trouver des moyens d’avancer plus rapidement.
    Je crois que la façon d’avancer consiste à intensifier le dialogue et peut-être même à inviter quelques importants dirigeants à venir au Canada pour apprendre. Ce serait une autre façon de faire que je vous suggère.
    Croyez-vous que ce que j’ai dit du groupe de promotion de la démocratie pourrait constituer la base d’une initiative particulière du gouvernement du Canada, s’il a l’impression qu’il peut en faire davantage dans ce domaine à l’échelle internationale?
    Oui, je le crois. Je pense que le Canada peut jouer un rôle assez particulier à cet égard. Il peut également éduquer les principaux dirigeants chinois. S’il est possible d’établir de bonnes relations, cette idée peut sûrement donner des résultats, compte tenu du caractère multiculturel du Canada. Je crois vraiment que c’est une excellente idée.
    Je vous remercie.
    À vous, monsieur Dewar.
    Je m’excuse d’être arrivé en retard. Je n’ai pas pu entendre la totalité des exposés. Je viens d’arriver d’une autre région du monde. J’étais en Afghanistan, et je ne suis rentré qu’hier. Je vous prie d’excuser mon retard.
    J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos observations ainsi que les questions et réponses. Je crois que votre approche repose sur les relations de gouvernement à gouvernement, mais aussi sur les liens entre Canadiens et Chinois. Ce sont de bons conseils.
    Vous avez parlé, il y a quelques instants, du Bureau des affaires religieuses et de ses relations avec la police. J’ai cru comprendre qu’en cas de problème, si un groupe ne s’est pas officiellement inscrit, le Bureau des affaires religieuses est le premier à intervenir.
    Oui, c’est exact.
    Si le groupe n’est pas disposé à s’inscrire, la police intervient ensuite, n’est-ce pas?

  (0905)  

    Oui, mais cela dépend du niveau d’activité. Quand la police intervient, c’est principalement pour des questions de sécurité ou parce que les activités dérangent les voisins.
    Les employés du Bureau des affaires religieuses ont-ils une formation d’enquêteurs ou bien s’occupent-ils surtout de questions culturelles? Quelle sorte de personnes le Bureau des affaires religieuses emploie-t-il? Ces gens collaborent-ils directement avec la police? Autrement dit, sont-ils installés dans des locaux distincts? Reçoivent-ils une formation différente? Peuvent-ils se substituer à des policiers?
    Ils reçoivent une formation différente. Le Bureau des affaires religieuses est distinct de la police. Il s’occupe de questions religieuses. Il est responsable de l’ensemble de ces questions. Bien sûr, le Bureau a différents services qui s’occupent des chrétiens, des bouddhistes ou des musulmans, mais il forme un département distinct.
    J’aimerais vous poser quelques questions sur les nombres. Y a-t-il des seuils jugés acceptables pour les communautés religieuses? Le Bureau des affaires religieuses concentre peut-être ses efforts sur les perturbations qui se produisent dans la collectivité. Si les membres d’une secte religieuse donnée augmentent au-delà d’un certain nombre, est-ce un motif d’intervention du Bureau des affaires religieuses?
    En principe, les groupes de 8 à 20 personnes sont jugés acceptables.
    C’est le critère?
    Oui. Si le nombre des membres va au-delà de cette limite, le gouvernement a le droit d’intervenir.
    Imaginons que j’organise un groupe religieux communautaire qui pratique une religion donnée. Si le groupe dépasse 20 membres, il y aura une enquête. Supposons qu’à ce stade, je présente une demande pour que le groupe soit officiellement reconnu. Si la demande est acceptée, y a-t-il une limite à la croissance de mon groupe?
    Si le groupe est approuvé, il peut aller jusqu’à 5 000 membres.
    Mais cela dépendrait de la secte religieuse.
    Y a-t-il des religions qui ne soient pas tolérées?
    Oui. Nous parlons ici des principales religions: catholiques, protestants, etc. Les musulmans ont un statut spécial très différent de celui des chrétiens. En Chine, l’Islam est assimilé à un groupe populaire. Les musulmans bénéficient d’une certaine autonomie locale et, en principe, n'ont pas à présenter une demande pour être reconnus. Ils peuvent directement former des groupes religieux parce qu’ils font partie d’un peuple. Quand ils se réunissent, il s’agit d’une réunion populaire. L’Islam est donc à la fois une religion et une ethnie. Les Tibétains sont dans la même situation. Ils constituent un groupe populaire, pas seulement un groupe religieux.
    Il s’agirait donc davantage d’organisations culturelles que d’organisations religieuses.
    C’est exact.
    Y a-t-il une liste? Nous ne sommes peut-être pas au courant, mais existe-t-il une liste des religions non reconnues par l’État? Les gens le savent-ils d’avance avant de présenter une demande de reconnaissance?
    Oui, vous avez raison. La Chine ne reconnaît que les principales religions. Les autres sont très rarement reconnues.
    Peut-on donc supposer que si un groupe religieux n’appartient pas aux principales religions, il ne devrait même pas prendre la peine de présenter une demande parce qu’elle serait automatiquement rejetée?
    C’est exact.

  (0910)  

    D’accord. Je pense que je vais en rester là. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Dewar. Bon retour.
    À vous, monsieur Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Révérend, j’ai trouvé votre point de vue très intéressant.
    Beaucoup de gens qui ont comparu devant le comité ont dit que la Chine avait énormément progressé. Je comprends. Le pays compte 1,3 ou 1,4 milliard d’habitants. L’évolution semble régulière et lente.
    Voici ce que je voudrais vous demander, monsieur. Vous avez déjà expliqué certains nombres, mais pouvez-vous me dire combien de chrétiens ou de musulmans il y a en Chine? Je voudrais connaître le nombre total de chrétiens, de catholiques, de protestants, d’adeptes de toutes les religions qu’il y a en Chine.
    Il y a actuellement presque autant de musulmans que de chrétiens, d’après les... Voyons, je crois qu’il y a 100 millions de chrétiens.
    Près de 100 millions. C’est vraiment un très grand nombre. Comment peuvent-ils se réunir pour prier quand la limite est de 8 à 20 personnes? Si vous dites qu’il y en a 100 millions, le nombre des églises clandestines ou officielles doit être énorme.
    Oui, c’est encourageant partout.
    Bien sûr, je crois que les musulmans sont considérés comme les groupes populaires. Si on va dans le nord-ouest de la Chine, on peut voir des mosquées partout.
    Y a-t-il une répartition régionale? Dans quelle région de la Chine les chrétiens vivent-ils?
    Il y a des chrétiens partout en Chine. Bien sûr, les gens se réunissent dans des maisons privées. Ils peuvent s’inscrire et tenir les réunions chez eux. Voilà pourquoi il y a tant de lieux de réunion. L’une des églises que nous aidons compte plus de 10 000 personnes. Ces gens ne peuvent pas tous se réunir au même endroit. Ils se retrouvent donc à différents endroits, dans des maisons ou même dans des usines ou des bureaux.
    L’opinion la plus répandue, c’est que le dialogue Canada-Chine sur les droits de la personne ne donne pas nécessairement les résultats attendus. Il n’a pas atteint son objectif et n’avance pas assez rapidement. Il fait donc l’objet de beaucoup de critiques. À votre avis, est-ce que ce dialogue a du succès ou bien n’en a-t-il pas?
    Pour être positif, je dirais que, oui, il peut aboutir à des résultats dans le contexte de relations spéciales entre le Canada et la Chine.
    D’après ce que vous nous avez dit, il n’y a pas de liberté de religion. Si les groupes se réunissent, la police intervient. Je sais que dans quelques autres domaines, à mesure que l’économie croît et que la classe moyenne se développe, le gouvernement fait preuve de plus de transparence, mais le processus est lent. Au niveau des villages, nous avons entendu dire que les membres du Falun Gong et d’autres sont encore persécutés. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
    Je crois personnellement qu’il est nécessaire pour le gouvernement chinois de contrôler le Falun Gong, qui représente pour lui une menace. Quand on voit un très grand nombre de personnes manifester et, ce faisant, détruire leur propre vie, j’ai l’impression qu’un tel mouvement doit être contrôlé. De plus, cette secte religieuse a d’autres aspects. Pour moi, ce n’est pas vraiment une religion ou une croyance. Le Falun Gong va nettement au-delà.
    Vous estimez donc que c’est un culte qu’il faut contrôler.
    Je le crois.
    Diriez-vous que chaque fois qu’il y a une association organisée, une communauté, une religion... Est-ce que le gouvernement se sent menacé par n’importe quel groupe organisé qui pourrait commencer à avoir des activités politiques? Est-ce la raison, ou bien y en a-t-il une autre?
    Je crois qu’il y a quelques autres raisons, monsieur.
    Pouvez-vous nous donner des précisions? Pouvez-vous nous parler sans crainte de ces raisons? Êtes-vous mal à l’aise d’en parler ouvertement parce que vous êtes en Chine?

  (0915)  

    Eh bien, de Canadien à Canadien, nous pouvons parler ouvertement.
    Je crois qu’il y a une menace dans certaines collectivités, pour des raisons de sécurité. Ils font aussi des choses absurdes quand ils pratiquent – je dis bien pratiquent – ces religions et encouragent les gens à ne pas prendre de médicaments, par exemple. Il nous arrive de voir ces choses et de penser qu’il est nécessaire de prendre des mesures, tout en faisant preuve de raison et de modération.
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur Khan.
    C’est maintenant au tour de M. Patry.
    Je vous remercie, révérend, de vous être joint à nous pour nous parler de votre expérience.
    Vous avez dit dans votre exposé préliminaire que vous travaillez pour les forces de l’ordre et que vous faites la promotion des droits de la personne. En 1996-1997, le gouvernement chinois a procédé à une réforme du droit criminel et des procédures pénales. Ces dernières années, je crois que c’était au 16e et au 17e congrès du Parti communiste, on a parlé de promouvoir l’équité et la justice partout dans la société chinoise et de faire respecter la primauté du droit dans le système judiciaire.
    Avez-vous pu constater dans votre travail des améliorations sensibles dans la société chinoise en matière d’application de la loi, non seulement dans l’accès à la justice, mais aussi dans l’application des règles de droit selon les normes internationales?
    Oui, le gouvernement travaille dans ce sens. Je vais vous donner un exemple qui vous permettra de tirer des conclusions.
    À un moment donné, nous avons fait venir des représentants des services de police des États-Unis pour visiter l’un des ministères chinois, le Bureau de la sécurité. Un exposé a été présenté. Il y a eu ensuite un échange de cadeaux avec la police locale. L’un des T-shirts offerts au chef du service local de police portait une liste des agents qui avaient été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Le chef a regardé le T-shirt et a demandé à quoi correspondaient ces noms. Nous le lui avons expliqué. Il s’est alors tourné vers ses collègues et leur a dit que c’était un excellent moyen d’honorer la mémoire des policiers tués.
    Tout de suite après, il nous a dit que, dans l’une des provinces chinoises, presque chaque jour un agent était tué dans l’exercice de ses fonctions. Il a ajouté que le métier de policier était très dangereux en Chine et qu’il était donc important d’honorer la mémoire de ceux qui mouraient en faisant leur devoir. Il nous a parlé de ce qui arrive aujourd’hui aux policiers en Chine. Ils doivent en fait apprendre à agir dans le respect de la loi. En même temps, ils doivent appliquer les procédures et agir d’une façon juste.
    Ce sont des choses qui se font aujourd’hui. Lorsque nous l’apprenons, nous estimons que cela fait preuve de respect. Encore aujourd’hui, le métier de policier est extrêmement dangereux en Chine.
    Je vous remercie.
    Avez-vous pu constater des améliorations dans le système judiciaire? Croyez-vous que cela entraînera une amélioration de la situation des droits de la personne? Pensez-vous qu’avec plus de démocratie et un meilleur système judiciaire, les droits de la personne seront respectés davantage?
    Oui, c’est exact. Je crois qu’il y a plus de démocratie en Chine qu’il n’y en avait quand j’ai vécu dans le pays, il y a dix ans. La situation est radicalement différente maintenant. Vivant et travaillant en Chine, je me sens personnellement plus en sécurité. Il en est de même des gens avec qui je travaille, aussi bien dans les régions rurales que dans les villes.
    En mars 2004, le gouvernement chinois a modifié pour la seconde fois la Constitution de 1979. L’une des modifications avait pour objet de reconnaître les droits de la personne comme principe constitutionnel. Le gouvernement a en outre signé un certain nombre de conventions internationales sur les droits des femmes, les droits de l’enfant et ainsi de suite.
    Est-ce que cela s’est reflété dans la réalité ou bien le gouvernement n’a-t-il signé que pour plaire à la communauté internationale? Pouvez-vous constater des changements en Chine?

  (0920)  

    Oui, je peux certainement constater des changements. Étant d’origine chinoise, j’ai pu voir que nos principaux dirigeants, le président et le premier ministre, par exemple, visitent les endroits où des catastrophes se sont produites, comme des tempêtes de neige ou des tremblements de terre. Pour la première fois de ma vie, j’ai vu le premier ministre arriver sur les lieux du séisme dès le premier jour et montrer de la sollicitude envers des personnes particulières. Je crois que c’est là un exemple qui aura de l’influence à différents paliers de gouvernement. Je pense que la participation des principaux dirigeants aux opérations de secours et le fait qu’ils ont jugé ces opérations plus importantes que leur travail quotidien constituent des exemples remarquables d’amélioration.
    Je vous remercie.
    Il y a aussi le fait que le gouvernement a ouvert la porte à l’aide étrangère, jusqu’aux limites de la zone sinistrée. Il n’y a pas de doute que quelque chose a changé en Chine.
    Merci.
    Merci, révérend Zhuang.
    Je vais user de ma prérogative de président du comité pour poser moi-même quelques questions parce que je trouve la discussion éminemment intéressante.
    Le Canada considère la Chine comme un partenaire commercial et un intervenant très important, compte tenu de la croissance de l’économie chinoise. Nous voulons certainement avoir des relations étroites avec la Chine. Nous comprenons l’importance des échanges bilatéraux, des exportations et des importations, mais nous voulons aussi favoriser des changements en ce qui concerne la violation des droits de la personne ou la perception que la mise en œuvre des principes liés aux droits de la personne est plutôt lente.
    Connaissez-vous le groupe La Voix des martyrs?
    Vous connaissez donc cette organisation. Elle a produit une vidéo, que j’ai reçue, dans laquelle on voit une grue en train de démolir une église en Chine.
    Est-ce que ces choses arrivent dans le pays?
    Pas souvent.
    Pas très souvent?
    Je connais l’église en question. Il y a d’autres facteurs qui ont joué. L’organisation a montré la démolition de l’église, mais on découvre parfois qu’il y a d’autres motifs. Il y avait d’autres problèmes liés à ce bâtiment. Les autorités doivent appliquer les lois locales relatives au code du bâtiment et à l’état de cet édifice.
    Je voudrais poser une autre question – j’en ai quatre au total – au sujet des provinces chinoises. Sont-elles toutes égales au chapitre de la gouvernance? Par exemple, y a-t-il plus de liberté religieuse dans certaines que dans d’autres? Y a-t-il par exemple des gouverneurs qui se montrent plus sévères que d’autres au sujet des églises? Bref, y a-t-il des différences entre les provinces et les administrations locales?
    Oui, il y a sûrement des différences. Les gouverneurs ne dirigent pas tous leur province de la même façon. Sûrement, oui, il y a des différences.
    Vous avez déjà parlé de la façon dont les autorités cherchent à réduire l’importance des groupes religieux, mais dans quelles circonstances jugent-elles qu’une église se livre à des activités illicites? Vous avez mentionné que certaines activités dérangent la collectivité. Donnez-moi donc un exemple de la façon dont une église peut causer des perturbations. Par exemple, est-ce que le fait de chanter des hymnes ou des prières constitue une perturbation de la collectivité? Serait-il illicite qu’une personne en aborde une autre à l’extérieur de l’église pour lui poser des questions sur sa foi?
    Eh bien, je crois bien qu’il y a plus que la question du bruit. Il y a parfois trop de gens de l’extérieur qui vont et viennent dans une collectivité. De plus, vous voyez, la Chine construit maintenant beaucoup de tours d’habitation et a, dans les villes, ce qu’on appelle des villages sûrs. C’est essentiellement ce que les autorités considèrent.
    Par ailleurs, certains groupes religieux font ce qu’on pourrait appeler de l’évangélisme agressif. Cela peut parfois occasionner des problèmes importants.
    Bien entendu, ce ne sont pas les seules questions qui se posent.

  (0925)  

    Le gouvernement essaie-t-il de contrôler le message de l’église? Vous vous occupez par exemple de développement social et communautaire auprès d’orphelins. Les autorités peuvent juger ces activités acceptables. Aide-t-on les jeunes à risque? Y a-t-il des programmes de réadaptation? Les autorités peuvent juger acceptable les programmes de nature sociale de l’église, mais essaient-elles de contrôler ce que nous considérons comme le message de l’Évangile, des Écritures?
    Le contrôle est uniquement exercé par le Bureau des affaires religieuses. Dans le temps, les églises devaient faire approuver d’avance les sermons, mais cela a changé dans les dix dernières années. Il n'est plus nécessaire de faire approuver les sermons. Le pasteur ou le curé peut écrire son propre texte.
    Il y a bien sûr une exigence à respecter: les sermons ne doivent pas aborder des questions politiques.
    D’accord.
    Vous avez dit que certains ont plus de difficultés que d’autres à obtenir un permis. À quelles communautés particulières les autorités pourraient-elles refuser l’autorisation de tenir des offices?
    Il n’y a pas vraiment de communautés en Chine, à part les protestants et les catholiques. Les églises peuvent se faire inscrire dans ces deux catégories. Ce n’est pas comme au Canada ou aux États-Unis, où l’on trouve des baptistes et des pentecôtistes. Nous n’en avons pas ici. En principe, si une église se dit chrétienne, elle peut s’inscrire en Chine.
    Très bien. Je vous remercie.
    Malheureusement, notre temps est presque écoulé. Nous tenons à vous remercier très sincèrement de votre témoignage.
    Encore une fois, le Canada et la Chine ont ce que nous appelons un dialogue bilatéral sur les droits de la personne. Il ne s’agit pas seulement d’un dialogue générique dans lequel les interlocuteurs s’assoient ensemble pour discuter. C’est une démarche dans le cadre de laquelle chacune des deux parties peut se présenter devant l’autre pour parler des droits de la personne. C’est l’objet de notre étude. Nous essayons de déterminer les meilleurs moyens de communiquer avec la Chine. Nous tenons donc à vous remercier. À cause de votre connaissance des deux systèmes juridiques, des deux systèmes de police et de tous les aspects religieux, vous nous avez certainement beaucoup aidés aujourd’hui.
    Merci encore. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos activités à Hong Kong. Dieu vous bénisse.
    Et vous de même. Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes avant d’entendre le témoin suivant.

    


    

  (0930)  

    Membres du comité, nous allons reprendre la séance.
    Au cours de notre seconde heure, nous aurons le plaisir de nous entretenir avec Thomas In-Sing Leung, président de la Culture Regeneration Research Society.
    Tout le long de ses études et jusqu’à présent, M. Leung s’est spécialisé dans l’étude de l’histoire et de la philosophie chinoises. En 1999, le Centre biographique international lui a rendu hommage comme l’un des grands érudits du siècle. Il a également été élu membre du groupe des 500 dirigeants les plus influents à Cambridge, en Angleterre. Il est l’auteur de 29 livres, de plus de 150 articles savants, de plus de 5 000 articles et d’une centaine d’enregistrements sur bande et sur CD. C’est également un animateur bien connu de tribunes radiophoniques.
    Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous, monsieur Leung. Nous écouterons avec le plus grand intérêt ce que vous avez à nous dire. Nous vous invitons à présenter un exposé d’une dizaine de minutes, après quoi nous vous demanderons de répondre aux questions de plusieurs députés, ici à Ottawa.
    J’espère que vous nous entendez bien.
    J’ai rédigé un mémoire assez long – huit pages – sur le respect des droits de la personne en Chine, mais j’en ai fait un résumé de quatre pages.
    Je suis né à Hong Kong et j’y ai fait ma scolarité de base. J’ai ensuite obtenu un doctorat en philosophie chinoise aux États-Unis.
    J’ai commencé à travailler en Chine en 1993 au nom de la Culture Regeneration Research Society, ou CRRS, dans le but de promouvoir le concept de compassion et de dignité humaine en remplacement de l’idéologie de la lutte des classes en Chine communiste.
    La CRRS est un organisme caritatif non gouvernemental sans but lucratif, d’esprit chrétien, constitué au Canada. Elle est entièrement financée par des dons venant de l’étranger et a des chapitres aux États-Unis et à Hong Kong. La CRRS exerce ses activités depuis 14 ans, à titre bénévole et sans liens avec des entreprises. Elle n’a jamais réalisé des bénéfices en République populaire de Chine.
    Mon travail à la CRRS se fait à trois niveaux.
    Premièrement, j’ai dialogué avec d’éminents intellectuels chinois et j’ai publié une revue universitaire en langue chinoise intitulée Chine culturelle.
    Deuxièmement, la CRRS et moi avons tenté d’aider la Chine à se doter d’une meilleure forme de gouvernance. En 1999, l’ACDI a parrainé notre projet de lutte contre la corruption nommé Culture pur cœur. La CRRS a invité des représentants de la Chine au Canada pour qu’ils observent le mode de gouvernement canadien. Ce projet a été bien soutenu par les deux gouvernements.
    Depuis, le gouvernement chinois m’invite à lui présenter des suggestions de réformes sociopolitiques. J’ai écrit plus de dix textes pour proposer des projets de réformes politiques se rapportant à des questions telles que les droits de la personne, la liberté de religion, la réforme sociale et la régénération des idéaux communistes.
    Troisièmement, la CRRS s’occupe de promouvoir l’éducation parmi les Chinois défavorisés. Depuis 2002, dans la seule province de Guangxi, nous avons aidé six comtés et parrainé plus de 3 000 élèves et enseignants pour qu’ils puissent réaliser leur rêve de faire des études.
    Les six considérations suivantes découlent de 14 années d’observation de la Chine.
    J’ai été invité à plusieurs reprises à rencontrer de hauts représentants du Conseil d’État et du Front uni pour exprimer une opinion critique sur les questions des droits de la personne et de la liberté religieuse. Mes interlocuteurs ont répondu à mes critiques à l’aide d’une documentation bien structurée et m’ont expliqué qu’une grande partie de l’information véhiculée par la presse étrangère hostile est erronée. Le gouvernement chinois m’a autorisé à voyager librement en Chine afin de juger par moi-même si les renseignements transmis par la presse occidentale sont exacts.
    Depuis que je suis en Chine, j’ai visité de nombreuses provinces. J’ai pu discuter avec beaucoup de gens: journalistes, éditeurs, professeurs de communications. J’ai également eu l’occasion de parler à de nombreux intellectuels et à des gens de toutes les classes de la Chine. D’après ce que j’ai pu voir, la presse est libre à 90 p. 100, les 10 p. 100 restants étant soumis à des restrictions – bien sûr ce n’est pas l’équivalent de la presse canadienne, mais les restrictions se limitent à 10 p. 100 – surtout dans le domaine de la politique et des questions pouvant influencer les masses et créer des sentiments négatifs à l’égard du gouvernement.
    Des universitaires qui travaillent à la réforme législative du pays m’ont dit qu’ils s’occupent actuellement de nouvelles lois touchant les droits de la personne. Ils ont découvert que le chaos et les troubles auxquels ils s’attendaient ne se sont pas produits. Au contraire, les nouvelles lois de protection des droits de la personne ont rendu la société plus stable, de sorte que le gouvernement est aujourd’hui plus disposé à adopter d’autres réformes allant dans le même sens. J’ai pu constater que certaines émissions de la télévision d’État renseignent les citoyens de la Chine sur leurs droits.
    Un jour, on m’a invité à donner mon opinion dans un groupe de consultation interne sur la question de la politique religieuse. J’ai osé dire qu’il faudrait abandonner l’athéisme et permettre aux gens qui professent une foi religieuse de se joindre au Parti communiste.

  (0935)  

    J’ai proposé que l’on confie le contrôle et la supervision du Mouvement patriotique des trois autonomies à la collectivité chrétienne de Chine plutôt qu’au gouvernement. J’ai aussi proposé que le gouvernement chinois renonce à ses lois contre la religion et accorde l’entière liberté de culte. Mes propositions ont été hautement appréciées et mes textes ont servi de point de départ à la discussion au cours de la réunion des représentants du gouvernement. Certains représentants ont indiqué que le Parti communiste avait déjà discuté de toutes ces questions. Un sous-ministre qui s’occupe de la politique religieuse en Chine m’a dit qu’il porterait mes suggestions à l’attention du président Hu Jintao.
    Quatrièmement, je travaille dans le monde universitaire depuis 14 ans. En 2005, j’ai été nommé professeur titulaire d’études chrétiennes à l’Université du Sichuan. À l’heure actuelle, il y a plus de 50 centres d’études chrétiennes dans les universités chinoises. J’ai été autorisé à enseigner la foi chrétienne pendant un mois entier sans aucune restriction. Je n’ai reçu ni conseils ni critiques des responsables du gouvernement. Il n’y a qu’une seule restriction: les chrétiens ne doivent ni baptiser un étudiant ni donner la communion sur le campus.
    La CRRS a en outre parrainé la création d’un Centre d’études chrétiennes à l’université de Lanzhou. Nous favorisons le dialogue religieux entre musulmans et chrétiens sur le concept de la paix. Certains fonctionnaires chinois sont venus observer la conférence, et le gouvernement a dit avoir apprécié le dialogue religieux.
    Cinquièmement, depuis que je suis en Chine, des Chinois chrétiens, dont certains font partie de l’église clandestine, m’ont dit que le gouvernement ne les empêche pas de se réunir, même si leur existence même est considérée illégale, tant qu’ils n’occasionnent aucun trouble. Il n’y a eu aucune persécution lorsque j’ai été invité par un groupe chrétien à prononcer un discours à l’occasion de l’Action de grâces. Plus de 500 étudiants d’université sont venus m’écouter à cette réunion organisée dans un hôtel.
    Sixièmement, depuis 2002, dans le cadre de mon travail en région rurale, la CRRS a demandé l’autorisation de vérifier l’utilisation des ressources et les états financiers de ses projets éducatifs. Six comtés sur sept ont très bien collaboré. Nous avons eu des contacts directs avec les étudiants parrainés et avons reçu d’eux des lettres écrites individuellement.
    Je peux dire en conclusion que, pendant mes 14 années de travail en Chine, j’ai pu constater des progrès très rapides dans les efforts de réforme du système judiciaire et d’adoption de lois protégeant les droits de la personne. Par rapport à il y a dix ans, l’ambiance est bien plus détendue. Et par rapport à il y a 30 ans, on peut dire que les changements survenus tiennent du miracle.
    Pour comprendre la Chine, il faut se rendre compte qu’elle a été humiliée par les puissances occidentales pendant plus de 150 ans. Ces événements historiques ont profondément blessé le peuple chinois, comme nation et comme culture. Une nation blessée a besoin de temps pour guérir, et non de critiques qui aggravent ses blessures. Il faut aider la Chine à développer une notion des droits de la personne adaptée à sa culture. Le recours à des conseils et des encouragements amicaux, et non à des critiques hostiles, constitue le seul moyen d’aider le pays à progresser pour atteindre les normes internationales en matière de droits de la personne.
    À un pays ayant la maturité du Canada, je ne peux que suggérer le respect et l’encouragement plutôt que les critiques hostiles. Toute attitude hostile ne fera que blesser davantage la Chine et l’inciter à refuser toute réforme des droits de la personne. Je crois que le gouvernement du Canada doit apprendre à adopter une attitude plus positive à l’égard de la Chine.
    Je vous remercie.

  (0940)  

    Merci beaucoup, monsieur Leung.
    Nous entreprenons maintenant notre tour de table. Monsieur Raymond Chan, vous avez sept minutes.
    Monsieur Leung, c’est un plaisir de vous voir, même si ce n’est que sur un écran de télévision. Je trouve remarquable que la technologie ait avancé au point de nous permettre de converser de cette façon.
    Je sais que vous avez passé beaucoup de temps en Chine à parler à des responsables de différents niveaux. J’aimerais vous demander de parler au comité de vos observations concernant les changements politiques qui se sont produits dans les 10 à 15 dernières années au sein du gouvernement chinois. Quels changements politiques ou structurels avez-vous pu observer, tant sur le plan de la structure que sur celui de la qualité de la gouvernance?

  (0945)  

    Je crois que le gouvernement commence à permettre des élections dans les régions rurales. C’est un changement important sur le plan de la démocratie de la base, mais nous n’en sommes pas encore à l’application de la démocratie dans les villes. Le gouvernement tolère plus de liberté d’expression, de sorte que les gens peuvent le critiquer au niveau individuel. Autrement dit, ils ne peuvent pas se réunir par milliers pour manifester dans la rue, mais si une personne a une critique ou une suggestion à formuler au gouvernement, elle peut dire n’importe quoi.
    D’après ma propre expérience, j’ai trouvé que le gouvernement se montre très ouvert lorsque j’ai des suggestions critiques à faire. Les responsables essaient de faire quelque chose. Ils ne se limitent pas à dire: C’est très bien, maintenant passons à autre chose. Ils essaient vraiment d’agir.
    Dans les universités, on est libre de dire n’importe quoi, pourvu qu’on ne prêche pas la révolution. Si on veut enseigner les principes du christianisme, du bouddhisme ou du taoïsme, il n’y a pas de restrictions au sujet de la doctrine religieuse. La seule restriction, c’est qu’on ne peut pas baptiser des étudiants sur le campus.
    Il y a une chose qui aidera la Chine à modifier ses structures. C’est l’existence d’un Parlement, même si ses membres ne sont pas directement élus par le peuple. Ils sont indirectement élus par le peuple dans les régions rurales, puis sont envoyés à l’Assemblée législative. Si nous pouvions conseiller à la Chine de modifier son régime parlementaire de façon à permettre des élections plus directes, ce serait bon pour le pays.
    J’ai envoyé par écrit une suggestion aux responsables, proposant qu’au moins un tiers des membres du Parlement – qui porte ici le nom d’Assemblée populaire nationale – soient directement élus par le peuple. Un autre tiers serait indirectement élu par les autres groupes de la société, et le tiers restant pourrait se composer de communistes. Il serait possible ainsi d’établir une structure plus démocratique. J’ai présenté cette suggestion. Les responsables l’ont reçue et sont en train de l’examiner.
    Sur le plan des structures, la Chine n’est pas encore un pays démocratique, mais c’est un pays à l’esprit ouvert. La Chine a un régime politique d’inspiration plus ou moins confucéenne. Étant un expert en culture et en philosophie chinoise, je trouve que la Chine fonctionne actuellement avec des méthodes proches du confucianisme: il s’agit de se montrer bon envers les gens et de gouverner d’une façon morale, mais pas tellement démocratique.
    Le système se distingue cependant du confucianisme des temps anciens. La Chine avait alors un empereur. Elle n’en a pas aujourd’hui, mais elle a une élite élue par le Parti communiste. Cela signifie que le Parti a certaines procédures démocratiques qui lui permettent d’élire les gens haut placés. C’est la façon dont le système fonctionne.
    Il y a aussi le fait, par rapport à l’ancien temps, que les empereurs gouvernaient jusqu’à leur mort. Aujourd’hui, tous les gens au pouvoir ont un mandat limité. Ils doivent prendre leur retraite conformément à la loi. Il y a donc des changements à ce niveau, et aussi au niveau du système judiciaire.
    La Chine est vraiment influencée par le Canada. C’est du moins l’impression que j’ai. Les responsables ont dit que le gouvernement canadien peut leur donner beaucoup de conseils sur la façon de gérer le dialogue sur les droits de la personne. Ils croient qu’il serait à leur avantage de publier un livre sur les droits de la personne. Ils souhaitent vraiment en apprendre davantage du Canada.

  (0950)  

    Par exemple, lorsque je fais venir au Canada des responsables chinois et que je les présente à des députés fédéraux et provinciaux, ils sont très heureux d’apprendre. Ils sont très impressionnés par le système de gouvernement du Canada. Au départ, ils essaient d’apprendre de quelle façon le Canada veille à l’intégrité du gouvernement et à empêcher la corruption. J’ai pu constater qu’ils ont beaucoup appris à ce sujet. Ils veulent établir un système semblable.
    J’ai entendu dire que le président Hu Jintao a demandé à ses conseillers ou aux intellectuels de son entourage d’étudier le système canadien. Il veut en apprendre davantage sur le Canada.
    Par conséquent, je crois qu’un dialogue plus positif peut aider les Chinois à évoluer davantage vers une société démocratique.
    Merci beaucoup, monsieur Leung.
    C’est maintenant au tour du Bloc.

[Français]

    Madame Barbot, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Toujours en ce qui concerne les droits humains, vous nous avez bien dit que des changements s'effectuaient en Chine. Ce système étant complètement différent, cela prend du temps avant que l'on puisse voir des résultats, mais la Chine apprend des pays occidentaux.
    J'aimerais savoir jusqu'à quel point l'aide canadienne apportée à la Chine a une influence dont on peut voir les résultats. Je comprends que les Chinois écoutent ce que dit le Canada et qu'ils sont intéressés, mais pouvez-vous nous donner des exemples de changements réels?
     En ce qui concerne la question du droit des travailleurs, il y a eu une nouvelle loi-cadre sur le travail en Chine l'année dernière. J'aimerais savoir jusqu'à quel point le Canada peut aider en ce sens.

[Traduction]

    Je crois que la Chine examine toutes sortes de changements possibles du système judiciaire. Nous essayons actuellement de consolider le domaine des droits des travailleurs.
    Nous aidons les travailleurs migrants à Shanghai et essayons d’aider les étudiants à s’instruire. Nous payons leurs frais de scolarité. Ils ne sont pas intégrés dans le système d’éducation public, qui est gratuit. Nous les avons aidés à construire une école secondaire. Nous avons payé les frais de scolarité pour permettre aux travailleurs migrants de faire des études. Lorsque nous avons essayé de suggérer au gouvernement d’accorder plus de droits à ces travailleurs, nous avons découvert que la question était déjà à l’étude à l’Assemblée populaire. De plus, le premier ministre s’inquiétait des travailleurs migrants qui vivaient en ville.
    La façon chinoise de procéder consiste à honorer les travailleurs migrants. Je parle ici d’aliments, de la télévision et de la presse. Les responsables honorent les travailleurs migrants en montrant qu’ils ont beaucoup contribué à la société. En effet, ce sont eux qui ont construit toutes les tours d’habitation. Toutefois, les étudiants et les enfants sont défavorisés. Les autorités cherchent donc à honorer les enfants des travailleurs migrants à la télévision en leur demandant de venir chanter des chansons. Certains d’entre eux chantent vraiment bien. Il y a des gens qui ont du talent. Le gouvernement chinois s’est efforcé d’utiliser ses moyens de propagande pour aider les travailleurs migrants à gagner le respect de la société.
    Les autorités envisagent de lever les restrictions qui empêchent les ruraux d’étudier en ville. Par suite de ces restrictions, une personne ne peut entrer dans le système scolaire urbain qu’en obtenant un certificat. Un rural qui n’est pas inscrit dans une ville n’est pas autorisé à accéder au système scolaire, qui est gratuit. Il y a eu des discussions, au gouvernement et dans la presse, visant à lever ces restrictions. Je pense que, d’ici quelques années, de nouvelles lois donneront aux travailleurs migrants les mêmes droits que les citoyens de la ville. Les choses vont donc changer.
    Il y a encore autre chose. Quand j’ai commencé à travailler dans les régions rurales, nous avons essayé d’aider les étudiants à faire des études. À cette époque, il fallait payer des frais de scolarité. J’ai suggéré au gouvernement central de leur accorder une éducation gratuite, en donnant l’exemple du Canada. Les choses ont changé depuis environ deux ans. Le gouvernement a adopté une loi assurant à tous les enfants cinq années d’études gratuites. Nous avions un programme de parrainage pour aider les étudiants des régions rurales. Une fois la nouvelle loi appliquée, nous avons dû modifier notre politique à cause de ces études gratuites. Nous n’avons plus besoin de donner de l’aide pour les frais de scolarité. Nous avons pu consacrer nos fonds aux aliments, au logement, etc.
    Notre régime de financement a donc changé. Aujourd’hui, nous finançons les étudiants du secondaire, qui doivent encore payer leurs études pendant trois ans. Comme les cinq premières années sont gratuites, nous concentrons nos fonds sur les trois années du secondaire, puis sur les quatre années d’université. Peu après, nous avons découvert que le gouvernement comptait offrir plus de subventions et de prêts aux étudiants d’université. Nous avons donc changé encore une fois notre politique. À titre d’organisme caritatif, nous cherchons constamment des moyens d’aider les étudiants à mieux s’instruire.
    Je trouve que la Chine évolue. Chaque fois que nous constatons des problèmes, nous en parlons au gouvernement et lui demandons d’intervenir. Ensuite, les choses changent.

  (0955)  

    J’ai par ailleurs constaté en travaillant avec les pauvres qu’ils avaient de grandes difficultés s’ils tombaient malades. Ils ont à acquitter des frais importants pour consulter un médecin. Les pauvres n’ont pas les moyens de le faire. Nous essayons de les aider. J’ai envoyé des suggestions à ce sujet au gouvernement. La politique à cet égard est en train d’être modifiée. Il est bien possible que les pauvres n’aient plus à payer qu’une faible somme pour une assurance, comme au Canada. Une fois assurés, ils peuvent consulter des médecins et obtenir des traitements.
    En fait, j’apprends beaucoup du système canadien. Ensuite, je dis aux responsables qu’ils peuvent changer telles et telles choses de telle et telle façon. J’ai constaté que le gouvernement s’en occupe vraiment. Il apprend vraiment des choses du Canada. J’espère que le Canada pourra mieux dialoguer avec la Chine pour favoriser la réforme.
    La dernière réforme qui reste à réaliser, c’est la transition vers une société démocratique. Il faudrait peut-être faire plus d’efforts de ce côté dans le cadre du dialogue.
    Merci, monsieur Leung.
    C’est maintenant au tour de la partie gouvernementale. À vous, monsieur Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur, d’avoir accepté de comparaître devant le comité. Je suis heureux d’entendre vos commentaires positifs sur la Chine et d’apprendre que les choses sont en train de changer et que vous recevez des réponses écrites du gouvernement au sujet de vos suggestions et critiques. C’est certainement un progrès.
    Mes questions sont très simples. J’aimerais les poser toutes, puis vous donner le temps d’y répondre.
    Pouvez-vous nous dire si le dialogue Canada-Chine sur les droits de la personne a des résultats? Est-ce ou non un succès?
    Pouvez-vous nous indiquer dans quels domaines le succès a été le plus faible et dans quels autres il a été le plus fort?
    Enfin, croyez-vous vraiment qu’un pays aussi grand, aussi peuplé et aussi puissant, un pays qui connaît une croissance aussi forte que la Chine puisse être influencé par un seul pays, et même par le Canada?

  (1000)  

    Merci, monsieur Khan.
    Je crois que le dialogue du Canada avec la Chine... Vous pouvez avoir l’impression que chaque fois que vous dialoguez avec la Chine, vos interlocuteurs disent que c’est très bien, qu’ils vont voir ce qu’ils peuvent faire et qu’ensuite, il n’y a plus rien qui se produit. Ils se montrent très ouverts et très intéressés, mais vous ne savez rien de ce qu’ils font ensuite. Pourtant, il arrive que, quelques années ou peut-être six mois plus tard, ils adoptent une nouvelle loi correspondant exactement à vos suggestions.
    Par conséquent, je crois que le dialogue Canada-Chine a beaucoup de succès. Les Chinois écoutent très attentivement si vous vous montrez amical. Ils n’écouteront pas si vous êtes hostile. Cela explique qu’ils ne veulent pas écouter les États-Unis, mais ils sont disposés à écouter le Canada, qui s’est montré très amical envers la Chine dans le passé.
    C’est une question de culture. Il faut avancer lentement et bâtir les relations en premier. Si on est amical, si on ne leur dit pas qu’ils ont tort, si on leur dit plutôt qu’ils ont raison dans beaucoup de domaines, mais qu’ils peuvent faire mieux sur tel ou tel aspect, ils écouteront.
    Je crois que l’influence canadienne s’est fait sentir le plus dans le domaine de la loi anticorruption. Ils ont appris du système canadien. J’ai travaillé dans ce domaine aussi bien avec le gouvernement chinois qu’avec le gouvernement canadien, sous l’égide de l’ACDI. Il s’agit de la loi anticorruption et de l’établissement d’un système de responsabilisation. Le Canada a d’excellentes procédures à cet égard. Chaque responsable doit rendre compte de l’argent dépensé, de l’objet des dépenses et de l’endroit où l’argent est gardé.
    Si le système comptable est indépendant de ceux qui paient les factures, il est possible d’avoir de l’intégrité et de vérifier ce qu’on a fait de tous les fonds attribués. Il est alors beaucoup plus difficile de tricher.
    Voilà donc une chose que les Chinois ont apprise du Canada. Le gouvernement de Shanghai avait envoyé des représentants au Canada à cette fin, et a ensuite eu beaucoup de succès dans la lutte contre la corruption. Il a même été possible d’évincer le chef du parti à Shanghai, qui se laissait corrompre.
    Je crois que c’est le plus grand succès réalisé pour ce qui est l’influence du Canada sur la Chine.
    Il y a un autre domaine qui a bien réussi, je crois. Dans le cadre du dialogue, le gouvernement chinois s’est montré très intéressé par le système d’éducation et le système de santé du Canada, qu’ils ont trouvés proches de l’idéal socialiste. Les Chinois rejettent tout ce qui vient des États-Unis, mais ils aiment emprunter des choses au Canada, qui partage le même idéal socialiste.
    J’ai donc pu constater que la Chine évolue dans la direction d’un système gratuit de consultation et de traitement médical, de soins de santé et d’éducation, comme au Canada. La Chine est influencée par le Canada et par d’autres pays, comme la Suède.
    On parle aux responsables, on leur envoie une suggestion par écrit, puis on constate plus tard que les choses ont changé. Le domaine dans lequel notre influence a été la plus faible, c’est la démocratie. Le Canada a un excellent régime démocratique. La Chine aussi souhaite devenir plus démocratique, mais la transition est plutôt lente. N’empêche, par rapport au passé, la Chine accorde beaucoup plus de liberté qu’auparavant. Les universitaires, la presse, les gens sont plus libres que du temps de Mao Zedong.

  (1005)  

    Au chapitre des droits de la personne, la Chine écoute attentivement. Elle a adopté une nouvelle loi qui protège les droits individuels. Par exemple, si la police arrête une personne et la jette en prison, elle ne peut pas la garder plus de 48 heures. Je sais que cette nouvelle loi a été adoptée. On ne peut pas garder plus longtemps en prison une personne arrêtée. Il faut la libérer. Cela s’applique même aux arrestations politiques. J’ai pu voir dans les journaux que les autorités avaient arrêté des gens, mais les ont remis en liberté à cause de la nouvelle loi. Il y a donc eu un changement à cet égard.
    Toutefois, la démocratie est le domaine où notre influence s’exerce le moins. Bref, l’influence canadienne est bonne, je crois, si elle s’exerce d'une façon amicale pour la Chine.
    Merci beaucoup, monsieur Leung.
    À vous, monsieur Dewar.
    Je vous remercie, monsieur, de nous avoir présenté cet exposé et d’avoir accepté de comparaître devant le comité aujourd’hui.
    J’ai quelques questions à poser au sujet des gens qui travaillent pour le gouvernement, à titre de fonctionnaire ou encore de policiers, etc. Ces gens peuvent-ils être des chrétiens pratiquants ou appartenir à une autre religion? Autrement dit, est-il possible pour un fonctionnaire, un agent de police, etc. de dire ouvertement qu'il fait partie d’une communauté religieuse?
    Je crois que c’est une question extrêmement importante, que la Chine examine actuellement. L’année dernière, le gouvernement chinois m’a invité à présenter un exposé sur la liberté religieuse. Il examine vraiment cet aspect, surtout dans le cas des membres du Parti communiste. Les membres du parti peuvent-ils adhérer à une religion? Dans le passé, ceux qui étaient admis au parti devaient prêter le serment de professer l’athéisme. Par conséquent, un communiste n’est pas autorisé à adhérer à une religion. Pour leur part, les simples fonctionnaires sont libres de le faire, mais les membres du parti n’y sont pas autorisés, qu’ils soient ou non fonctionnaires.
    Il y a actuellement de grands changements au niveau du peuple. La religion se propage rapidement en Chine. Beaucoup de membres du parti deviennent croyants. Les autorités doivent donc s’occuper de la question. Elles tentent de réaliser de petites réformes, de modifier les principes du Parti communiste pour permettre aux membres de pratiquer une religion et pour faire la distinction entre la foi dans la vie et la foi dans le régime politique. On peut croire aux idéaux communistes tout en étant chrétien. Cette question fait encore l’objet de discussions. Aucune loi n’a été adoptée à ce sujet, mais j’ai pu constater que le document sur la réforme mentionnait la chose. Les autorités ont publié ce document sur le Parti communiste, qui a été rédigé par un expert communiste. L’idée fait donc son chemin dans le parti.
    Lorsque j’en ai parlé avec des responsables, ils m’ont dit qu’ils s’en occupaient déjà. Ils m’ont cependant lancé un défi comme chrétien. Ils m’ont dit que si le Parti communiste ouvrait ses portes à des croyants, qu’il s’agisse de chrétiens ou d’autres, les chrétiens pourraient avoir à faire des choix difficiles. Bien sûr, l’accès au parti est assez limité. Ils m’ont cependant lancé ce défi. C’est pour cette raison que je sais que le parti envisage d’avancer dans cette direction d’ici quelques années.
    Je sais qu’un chrétien très connu est considéré comme l’un des meilleurs économistes de la Chine. Jeune érudit spécialisé dans la théorie économique, il occupe un poste très élevé. Il a dit ouvertement que lorsqu’il est devenu chrétien très pratiquant, il a posé des questions au Parti communiste, auquel il a ensuite remis sa démission. Le chef du parti a dit: « Ne posez tout simplement pas de questions, et vous pourrez garder vos croyances religieuses. Si vous posez des questions, nous sommes obligés de prendre des décisions. Or nous n’avons pas encore de solution. Ne posez donc pas de questions. »
    À ma connaissance, le Parti communiste a permis à ce membre de pratiquer sa religion. Il n'est plus nécessaire de démissionner du parti. Je crois qu’on en est déjà à ce point.

  (1010)  

    Ils se sont peut-être inspirés de la stratégie du président Clinton à l’égard des militaires: Ne demandez rien et ne dites rien.
    J’avais l’intention de poser une question sur le Parti communiste, mais vous venez de nous expliquer qu’il est possible d’être pratiquant et d’appartenir à l’administration publique.
    Vous avez également répondu à une autre question que je voulais vous poser sur la question de savoir si le Parti communiste envisageait d’établir des relations quelconques avec les communautés religieuses. Vous nous avez expliqué que la situation évolue à cet égard.
    Toutefois, au sujet de l’administration publique, je faisais la distinction entre les fonctionnaires, d’une part, et la police et les militaires, de l’autre. Peut-on pratiquer une religion et appartenir à la police ou à l’armée? La levée des restrictions se limite-t-elle aux membres du Parti communiste?
    C’est un domaine que je ne connais pas. J’ai des contacts dans le monde culturel et universitaire, mais je n’ai pas d’amis dans la police, l’armée, etc.
    Un membre du parti qui occupe un poste extrêmement élevé m’a dit qu’il voudrait que je le baptise après qu’il aura pris sa retraite. Autrement dit, les responsables aimeraient avoir une religion, mais pas maintenant, parce que, tant que le parti n’a pas vraiment proclamé la liberté de religion, il est encore délicat pour eux de dire qu’ils sont croyants. Quoi qu’il en soit, la liberté religieuse est actuellement limitée au parti. Elle ne s’étend pas à l’extérieur.
    Merci, monsieur Leung.
    Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, de même que son sous-comité sur les droits de la personne, le gouvernement du Canada et tous nos partis politiques s’intéressent beaucoup aux outils politiques dont le Canada se sert pour influencer les pays du monde, et notamment la Chine, de façon à promouvoir les droits de la personne. Le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne constitue l’un de ces outils politiques. Il ne s’agit pas de dire d’une façon générale que nous allons dialoguer avec les Chinois. Je parle d’un outil politique dont nous nous servons et qui fait l’objet de critiques.
    Ainsi, notre ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a reçu beaucoup de critiques au sujet de cet outil. À tel point, que le ministère a demandé en 2005 à M. Charles Burton de produire un rapport d’évaluation. Dans son rapport, M. Burton a été très clair. Il a dit que la Chine avait évolué sur le plan des droits de la personne, qu’il y a eu des progrès à ce chapitre, de même qu’en ce qui concerne la liberté de la presse, la liberté religieuse, etc.
    Toutefois, en ce qui concerne cet outil politique – qui nous permet de discuter en particulier de certaines questions telles que les services consulaires ou des cas précis mettant en cause les droits de certaines personnes –, M. Burton a abouti à la conclusion qu’il n’a pas trouvé beaucoup de résultats observables et vérifiables. Le dialogue bilatéral ne semble pas atteindre suffisamment son objectif dans les cas particuliers.
    Ma question porte donc, non sur les progrès généraux réalisés en Chine en matière de droits de la personne, mais plutôt sur la façon dont le Canada peut mieux aborder ces cas particuliers. Connaissez-vous cet outil politique que nous appelons le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne? De quelle façon pouvons-nous agir plus efficacement sur la Chine en vue de la promotion des droits de la personne?

  (1015)  

    J’ai entendu parler de ce dialogue. Je crois qu’il y a une meilleure façon de procéder que de tenir simplement ce dialogue: nous devrions d’abord avoir davantage d’échanges culturels avec la Chine. De tels échanges permettraient d’influencer non seulement les gouvernements, mais aussi les enseignants et les étudiants. Nous devons avoir plus d’échanges culturels. Un plus grand nombre d’intellectuels canadiens devraient se rendre en Chine pour discuter avec des intellectuels chinois, et pas seulement avec des responsables du gouvernement. Beaucoup d’intellectuels ont de l’influence auprès du gouvernement, qui se montre plus ouvert et qui écoute le point de vue des érudits et des professeurs. Par conséquent, je crois que le dialogue sur les droits de la personne devrait s’accompagner d’un programme d’échanges culturels. Si le Canada veut, de bonne foi, amener la Chine à avoir une meilleure gouvernance, les échanges culturels peuvent jouer un rôle important.
    Je m’occupe d’échanges culturels depuis 14 ans. J’estime qu’il est très important que les professeurs, les érudits, les étudiants et les intellectuels soient en contact avec de nouvelles idées, qui peuvent avoir une influence sur le gouvernement. D’ailleurs, quelques-unes de ces personnes peuvent par la suite occuper des postes influents au gouvernement et montrer alors plus d’ouverture parce qu’elles ont été exposées au point de vue canadien.
    De plus, le dialogue ne devrait pas se limiter à une ou deux rencontres entre nous, le ministre ou des députés et des responsables du gouvernement. Il faut du temps et des périodes de dialogue plus longues, non seulement sur des questions particulières, mais aussi sur l’idéologie de base et le concept même des droits de la personne. N’oublions pas que la culture chinoise a subsisté pendant 5 000 ans sans ce concept de droits de la personne. Il n’est donc pas facile de leur dire que certaines choses vont mal en fonction des valeurs et des normes relatives aux droits de la personne. Il faudrait essayer de trouver un terrain d’entente qui s’inspire de leur propre culture. On peut leur dire par exemple que la culture chinoise respecte la dignité humaine. Plus tard, cette notion peut s’étendre aux droits de la personne et à la démocratie.
    J’ai également présenté par écrit des suggestions à ce sujet. Les autorités chinoises ont beaucoup apprécié mon recours à la culture chinoise comme base de mes arguments. Je crois qu’il est utile de procéder ainsi.
    Merci beaucoup, monsieur le docteur.
    Je vais maintenant donner la parole à un autre docteur. À vous, docteur Patry.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur, d’avoir pris le temps de comparaître devant le comité.
    Vous dites dans votre mémoire qu’il y a plus de 50 centres d’études chrétiennes dans les universités chinoises et que l’Université du Sichuan, où vous enseignez, est la plus connue pour son département d’études religieuses.
    Je voudrais cependant vous poser une question au sujet de l’Université de Lanzhou, où votre groupe parraine un centre d’études chrétiennes et fait la promotion d’un dialogue religieux entre musulmans et chrétiens sur le concept de la paix. J’aimerais que vous me donniez beaucoup plus de précisions sur ce dialogue dont je ne connais pas grand-chose. Qui exactement a participé à ce dialogue? Des chefs religieux, des enseignants? Qui représentait le groupe islamique? Était-ce un imam? Combien d’étudiants ont assisté à ces rencontres? S’agissait-il d’une conférence d’une journée ou d’une session d’étude? Quel était l’objet du dialogue et quelle en a été la conclusion? En un sens, je suis surpris qu’un tel dialogue ait eu lieu avec la communauté islamique.
    Je vous remercie.
    C’était un dialogue bilatéral dans le cadre duquel j’ai souligné que le monde entier est témoin d’un conflit entre l’Islam et la chrétienté. J’ai dit ensuite qu’en Chine, il n’y avait pas de conflit entre musulmans et chrétiens. Alors, pourquoi ne pas tenir un dialogue de paix pour essayer d’influencer le reste du monde? J’ai fait remarquer que ce serait bon pour l’image de marque de la Chine.
    Le gouvernement chinois a pensé que c’était une bonne idée. Nous avons déjà des musulmans et des chrétiens qui vivent ensemble à des endroits comme Lanzhou. La moitié de la population de Lanzhou est musulmane, et on trouve là un certain nombre de chrétiens et de bouddhistes. Je me suis dit qu’il serait bon de les réunir. Bien entendu, le gouvernement craignait que des conflits ne surviennent au cours de notre dialogue. Il a donc envoyé des représentants pour observer et s’assurer qu’il n’y aurait pas de troubles. Autrement dit, le gouvernement voulait veiller à ce qu’il n’y ait pas de querelles ou d’échanges d’injures entre nous. Mais rien de cela ne s’est produit.
    L’objet de notre dialogue était de... Je suis chrétien, mais j’avais pris contact auparavant avec un éminent professeur musulman de Lanzhou avec qui j’ai engagé un dialogue personnel. Nous nous sommes écrit et avons publié des articles dans notre journal. J’ai posé beaucoup de questions que les Occidentaux demandent aux musulmans. Je lui ai dit qu’il avait tort sur tel et tel point, puis je l’ai laissé répondre en toute liberté. Il a beaucoup apprécié le fait que j’ai écouté attentivement son point de vue.
    Par la suite, j’ai présenté cette grande idée d’un dialogue entre musulmans et chrétiens. Mes interlocuteurs ont été très heureux. Le représentant chrétien de Hong Kong... Beaucoup de professeurs et de dirigeants chrétiens venant de là ainsi que quelques dirigeants chrétiens de Lanzhou ont assisté à la conférence. Les musulmans ont fait venir leur imam et les membres de leur clergé. Il y avait une vingtaine de musulmans dirigés par le chef religieux de la mosquée. Ils ont invité les participants chrétiens à aller dans leur mosquée et nous ont offert un repas. Nous avons eu un excellent entretien. Ensuite, nous les avons invités à l’église, où ils ont posé beaucoup de questions sur le christianisme. Puis nous sommes allés à l’université où a eu lieu le vrai dialogue entre érudits et dirigeants chrétiens et musulmans.
    Tout cela a duré deux jours, avec de très bons résultats. Les deux parties étaient heureuses qu’il n’y ait pas eu de conflit. Nous pouvons être amis. Nous pouvons être frères et sœurs.
    Nous avons ensuite invité les dirigeants musulmans à venir au Canada pour discuter avec un professeur de l’Université chrétienne Trinity Western. Les deux parties ont été très heureuses. Le gouvernement aussi était heureux. Il a apprécié ce dialogue parce qu’il peut contribuer à la paix et à l’harmonie. L’harmonie représente actuellement un idéal de la Chine.
    Les autorités nous permettront de tenir une conférence internationale la prochaine fois. Elle aura lieu l’année prochaine. Nous inviterons un chef religieux musulman du Moyen-Orient et un dirigeant chrétien de l’Ouest, qui viendra des États-Unis ou du Canada. Ce sera une grande rencontre qui contribuera à la paix entre ces deux religions.
    Je serais très heureux que vous veniez aussi.

  (1020)  

    Merci, monsieur Leung.
    À vous, monsieur Goldring. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie aussi, monsieur Leung.
    Des témoins nous ont mentionné à plusieurs reprises que la culture asiatique est différente de celle de l’Ouest. Vous avez dit plus tôt que la culture chinoise tend à faire passer les droits de l’État avant ceux des citoyens et qu’il faut attendre assez longtemps pour que cet aspect évolue suffisamment pour atteindre tous les domaines, comme les droits de la personne, etc.
    J’ai de la difficulté à comprendre cela. C’est pour nous une préoccupation réelle. Nous avons l’impression que le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne est insuffisant et qu’il est en quelque sorte bloqué par ce genre d’approche philosophique selon laquelle les questions culturelles mettent longtemps à évoluer.
    Nous avons pu constater, par ailleurs, qu’il n’a pas fallu longtemps pour adapter avec un très grand succès l’approche et la philosophie de la Chine au concept de la mondialisation, qui a probablement exigé un changement radical de la philosophie du pays dans une très courte période. De toute façon, nous voulons déterminer ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation des droits de la personne.
    Vous avez également dit que la presse est à 90 p. 100 libre et que les restrictions ne représentent que les 10 p. 100 restants. J’aimerais savoir de quelle façon cela se manifeste. En effet, vous avez produit 29 livres ainsi que 150 articles et messages qui ont circulé en Chine et à l’échelle internationale. Par conséquent, comment les restrictions se manifestent-elles?
    Comment arrivez-vous à réaliser cet équilibre? Comment faites-vous pour vous exprimer dans vos écrits et vos suggestions tant en Chine qu’à l’étranger tout en veillant à être accepté en Chine? De plus, y a-t-il des sujets que vous traitez avec beaucoup de délicatesse et d’autres dont vous pouvez parler très ouvertement? Y a-t-il eu des réalisations positives qui ont découlé de questions que vous avez abordées ouvertement en essayant de proposer des améliorations constructives?
    Pouvez-vous nous dire comment les choses se manifestent et de quelle façon vous affrontez la situation?

  (1025)  

    Parce que je suis expert en culture chinoise, je connais la façon chinoise de me comporter.
    Il s’agit de montrer du respect d’abord et de ne pas dire aux interlocuteurs qu’ils ont tort. Il faut se montrer respectueux envers la Chine. C’est une civilisation vieille de 5 000 ans. C’est comme un vieil homme à qui on doit témoigner du respect. C’est une ancienne nation digne de respect.
    En même temps, au chapitre du modernisme, la Chine n’a qu’une expérience d’une trentaine d’années. À cet égard, c’est encore un enfant, un enfant qu’on doit encourager au lieu de lui dire qu’il fait des erreurs ou de le battre. Mon approche consiste donc à manifester mon respect pour l’ancienne civilisation et, parallèlement, à donner des encouragements, comme à un enfant qui se développe. Ainsi, si vous avez une bonne attitude, les autorités vous écouteront parce qu’elles sauront que vous n’êtes pas contre elles.
    Il y a 14 ans, à mon arrivée en Chine, je n’utilisais pas l’expression « droits de la personne », parce que c’était trop délicat. Je me servais d’une autre expression, « dignité humaine », dont le concept est accepté dans la culture chinoise. Nos ancêtres soulignaient que les humains avaient une dignité. Nous espérons donc que la Chine, le peuple chinois et chaque individu ont droit à la dignité.
    Aujourd’hui, nous pouvons parler des droits de la personne parce que la Chine se montre disposée à accepter cette nouvelle expression. J’ajoute que je n’aurais jamais osé parler de démocratie à l’époque. C’est seulement plus tard que je l’ai fait. Je disais simplement que nous avons besoin d’un gouvernement qui ait vraiment l’appui du peuple. C’est la même chose que la démocratie, mais je n’utilisais pas ce mot. Je disais aussi que nos ancêtres comprenaient cela. Aujourd’hui, le gouvernement chinois se sert lui-même du mot démocratie, ce qui me permet de l’utiliser ouvertement.
    Voilà donc ce qu’il en est. Il faut se montrer habile en utilisant la façon chinoise de traiter avec les autorités.
    Au sujet du développement de la culture...
    Je suppose que c’est là que je voulais en venir, monsieur Leung. Vous trouver des façons de communiquer et de progresser en adoptant, si vous voulez, votre propre forme de dialogue. Cela revient à ce que j’ai dit: la Chine a la capacité – elle l’a montré sur la scène internationale – d’avancer à très grand pas.
    Par conséquent, il ne suffit peut-être pas de dire simplement que les choses avancent à leur propre rythme dans le respect du contexte culturel. Certains croient qu’on peut en faire davantage pour favoriser des progrès plus rapides tout en ménageant les susceptibilités culturelles.
    Merci, monsieur Goldring.
    Je vous remercie, monsieur Leung. Vouliez-vous en dire un peu plus à ce sujet? J’espère que je ne vous ai pas interrompu.
    Oui, j’aimerais peut-être ajouter quelque chose.
    Très rapidement, s’il vous plaît.
    J’ai étudié l’histoire de la démocratie dans l’Ouest. Il a fallu 200 ans ou plus pour en arriver à une vraie démocratie en Angleterre. La Déclaration des droits remonte, il est vrai, à 1689, mais ce n’est qu’en 1938 que les droits individuels ont été reconnus en accordant à chacun le droit d’élire le gouvernement. Il a donc fallu 200 ans ou plus aux Britanniques pour comprendre le vrai sens de la démocratie.
    On peut en dire autant des États-Unis. Le Canada a profité de meilleures conditions parce qu’il pouvait suivre à la fois le système britannique et le système américain.
    Au départ, la Chine s’est conformée au système russe. Elle n'a commencé que très récemment à suivre le modèle occidental.
    La meilleure stratégie consiste donc à dire aux Chinois qu’il faut se maintenir au rythme de la communauté internationale, qui est celui des pays occidentaux. Cette façon de s’exprimer est courante en Chine. Les Chinois disent: Nous voulons devenir un bon pays, comme les pays occidentaux. Nous n’avons pas encore développé le même système, mais donnez-nous du temps.
    L’adaptation culturelle nécessite du temps, mais la Chine connaît toutes sortes de réformes. Les choses vont peut-être lentement, mais les progrès sont réels.
    Voilà mes observations sur la Chine.

  (1030)  

    Merci beaucoup, monsieur.
    Je voudrais dire, pour conclure, que le comité procède à cette étude parce que la Commission des droits de l’homme des Nations Unies était dans l’impasse. La Chine et d’autres pays avaient l’impression qu’il n’y avait plus moyen d’avancer.
    Par la suite, d’autres pays ont commencé à prendre de plus en plus la voie des discussions bilatérales. C’est ainsi que nous en sommes arrivés au dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne. Mais nous avons maintenant l’impression de nous enliser de nouveau chaque fois que nous abordons des questions précises.
    Vous nous suggérez d’avoir plus d’échanges culturels tout en continuant à discuter. Nous sommes tous d’accord. Toutefois, nous avons quand même besoin de pouvoir, à un moment donné, faire état de préoccupations particulières et discuter ouvertement de certaines questions, en dehors des échanges culturels.
    Que faut-il faire quand les autorités chinoises empêchent un citoyen canadien d’avoir accès à nos services consulaires? Comment pouvons-nous réagir dans une telle situation?
    C’est la raison pour laquelle notre sous-comité a entrepris l’étude de cet outil politique. Nous allons poursuivre cette étude. Nous voulons bien sûr maintenir les échanges culturels. Nous apprécions certainement l’influence réciproque. Nous trouvons très positif que des étudiants aillent dans les universités et collèges du Canada, puis rentrent en Chine. C’est favorable aux droits de la personne et à d’autres domaines aussi, comme le commerce avec les économies émergentes. Tout cela est très bon.
    Nous avons cependant des préoccupations particulières. Nous avons besoin d’une politique, d’un outil pour réagir. Voilà pourquoi nous poursuivons notre étude et essayons d’apprendre.
    Nous vous remercions de votre exposé et de votre témoignage d’aujourd’hui. Vous nous avez montré un autre aspect de la Chine et nous avez expliqué qu’il y a de l’espoir et des progrès.
    J’ai particulièrement apprécié votre analogie de l’ancienne culture et de l’enfant en développement qui grandit et commence à agir.
    Nous vous remercions de votre contribution.
    Nous allons maintenant lever la séance. Avons-nous à discuter aujourd’hui des travaux du comité? Non?
    Encore une fois, je vous remercie tous. La séance est levée.