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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 novembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. J'aimerais remercier les témoins de leur présence.
    Il y a eu quelques changements concernant le premier groupe de discussion. Afin que nous puissions entendre les cinq groupes de témoins, chacun aura cinq minutes pour faire sa déclaration. Nous entendrons des représentants du Conference Board du Canada, de Key Porter Books, de l'Association des produits forestiers du Canada, de l'Association de l'industrie touristique du Canada et, enfin, de la Ville de Hearst.
    Nous avons devant nous nos témoins, dont nous attendons les témoignages. Messieurs, nous apprécions votre comparution ici, dans le cadre du processus de consultation prébudgétaire.
    Nous allons commencer par Paul Darby. Monsieur, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Merci beaucoup d'avoir invité le Conference Board du Canada à témoigner aujourd'hui. Je centrerai mon propos sur les effets de la montée du dollar canadien pour l'industrie canadienne du tourisme.
    Je précise, pour vous mettre en contexte, qu'il s'agit d'une industrie manifestement capitale pour le Canada. Notre balance des paiements, seulement du côté des exportations, devrait atteindre environ 21 milliards de dollars d'ici 2011. De toute évidence, le secteur touristique contribue de façon importante à l'activité économique au Canada.
    Néanmoins, il est assez clair que les importations de services de voyages augmentent plus rapidement que leurs exportations, une situation partiellement attribuable à la hausse du dollar canadien.
    D'autres facteurs sont également en cause, tels que l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental, qui obligera éventuellement les Américains, comme vous le savez, à détenir un passeport s'ils veulent revenir aux États-Unis. À notre avis, cela aura un impact sur les futurs déplacements des États-Unis vers le Canada.
    Les Américains représentent certainement la plus importante part du marché canadien des voyages au chapitre des visiteurs étrangers au Canada. L'an dernier, en 2006 — il s'agit de données pour une année complète —,76 p. 100 des Américains voyageant au Canada y restaient pour au moins 24 heures.
    D'après nos prévisions, cependant, les dépenses effectuées par les Américains de passage au Canada pour des raisons autres que pour affaires — ici, on parle vraiment d'un contexte touristique — auront diminué d'environ 1,9 milliard de dollars par année entre 2005 et 2008. D'ici à 2008, cette activité aura connu une baisse de 1,5 milliard de dollars par rapport à 2005. Il s'agit d'une valeur nominale; en chiffres absolus, cette somme serait encore plus importante. De toute évidence, la situation est grave.
    Il est loin d'être facile de remplacer ces visiteurs Américains par des visiteurs d'autres pays, simplement en raison de l'ampleur du marché américain.
    À l'évidence, il sera très difficile d'attirer au Canada des étrangers, et surtout des Américains, mais nous avons un problème encore plus important au chapitre des Canadiens qui voyagent à l'étranger, ce qu'on qualifie d'importations touristiques. Nous prévoyons que les dépenses de Canadiens en déplacement à l'étranger augmenteront d'environ 25 p. 100 entre 2007 et 2012.
    En faisant le calcul, on verra que sur le plan du tourisme, le déficit relatif au commerce extérieur devrait passer d'environ 6,7 milliards de dollars en 2006 à environ 9,5 milliards en 2012. Au cours de cette période de cinq ou six ans, nous prévoyons une chute de 41 p. 100 dans cette portion relative aux voyages, qui se traduit par presque 3 milliards de dollars par année. Ces chiffres sont importants.
    Je profite du temps qu'il me reste pour mentionner qu'en ce qui a trait à l'analyse de sensibilité que nous effectuons, nous affirmerions normalement qu'une hausse de 10 p. 100 du dollar canadien par rapport à l'américain devrait réduire de 15 à 16 p. 100 les voyages de plus de 24 heures effectués par des Américains; c'est très élastique, en fait. Or, plus récemment, nous avons évalué que maintenant, cette sensibilité connaîtra probablement une baisse de l'ordre de 0,8 à 0,9 p. 100. Autrement dit, une appréciation de 10 p. 100 du dollar canadien devrait entraîner une diminution de 9 p. 100 du nombre de voyageurs américains séjournant au Canada pour plus de 24 heures.
    Cette situation est due au fait que de façon générale, les États-Unis n'exercent pas le même attrait que par le passé. Nous avons vu grand nombre de géants du commerce du détail faire leur apparition au Canada; la même sensibilité n'est donc plus la même. Mais nous présumons, compte tenu de cette récente hausse du dollar d'environ 18 p. 100 ces neuf derniers mois, que les séjours de plus de 24 heures de Canadiens aux États-Unis devrait augmenter d'environ 16 p. 100.
    L'autre facette de la question, soit les visiteurs américains au Canada, n'est pas aussi sensible que par le passé, mais fondamentalement, nous estimons qu'il y a une élasticité d'environ 0,5 à 0,6 p. 100. Alors, encore une fois, cette appréciation de 10 p. 100 du dollar au cours des neuf derniers mois devrait réduire d'environ 6 p. 100 le nombre de séjours de plus de 24 heures faits par des Américains.

  (1535)  

    Nous considérons donc qu'il y aura une hausse approximative de 16 p. 100 des déplacements de Canadiens aux États-Unis, et une baisse d'environ 6 p. 100 des déplacements d'Américains au Canada, et les deux tendances vont dans la mauvaise direction, si vous voulez, en ce qui a trait à notre balance de paiements.
    Ces chiffres découlent uniquement de l'augmentation du dollar ces neuf derniers mois. Évidemment, l'appréciation du dollar au cours des années précédentes a entraîné des répercussions.
    Pour des raisons de temps, monsieur le président, je vais m'arrêter là.
    Merci beaucoup. Je l'apprécie.
    Le vice-président de Key Porter Books, Jordan Fenn, est le suivant. Monsieur, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je m'appelle Jordan Fenn, et je suis l'éditeur de Key Porter Books. Ayant reçu une invitation à comparaître ici aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous exposer les répercussions d'un dollar canadien vigoureux sur le secteur canadien de l'édition.
    Située à Toronto, Key Porter est l'une des rares maisons d'édition encore entièrement détenues et gérées par des intérêts canadiens, et son chiffre de vente la place en compétition avec de grandes filiales de multinationales comme HarperCollins, Penguin et Random House.
    Nous publions depuis près de 30 ans des ouvrages importants pour le Canada et les Canadiens, et au cours de notre histoire, nous avons eu l'insigne honneur de collaborer avec de nombreux auteurs talentueux en plus de les représenter, y compris l'ancien premier ministre Jean Chrétien et les chefs de partis actuels Jack Layton et Elizabeth May.
    L'industrie canadienne de l'édition a produit un nombre incroyable d'auteurs de renommée internationale et a assisté à un respect croissant envers les auteurs d'ici, surtout ces 30 dernières années.
    Il est important de préserver cette voix unique de la culture canadienne et de s'assurer qu'une industrie en santé aujourd'hui soit garante d'une industrie solide pour les futures générations d'écrivains et leurs lectorats respectifs.
    Notre secteur a affronté de nombreux défis au fil des ans et, malgré quelques pertes, nous avons survécu. Cependant, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui à cause d'un dollar fort sont importantes, à tel point qu'elles auront de graves répercussions sur l'ensemble de la communauté de l'édition ainsi que sur les intervenants connexes, dont nos détaillants partenaires, les imprimeurs, les distributeurs, les sociétés de transport et, bien sûr, le syndicat des écrivains. À la suite de la hausse du dollar, les médias, les politiciens et les consommateurs ont contesté le prix de vente des livres et ont réclamé la parité des prix.
    Je ne pense pas qu'on a adéquatement expliqué le problème sur le marché. On en a très peu parlé, et cela a suscité un sentiment de frustration et de colère encore plus grand dans le secteur de la consommation. Au lieu de brandir un exemplaire du livre d'Harry Potter en contestant son prix de vente au Canada, le ministre des Finances aurait pu expliquer les facteurs économiques relatifs à la publication de livres pour un marché de 30 millions de personnes comparativement à un autre de 300 millions de personnes.
    Pourquoi un livre à 24,95 $US est-il vendu à 32,95 $ au Canada? Avec un dollar à parité, les prix ne devraient-ils pas immédiatement être changés pour refléter cette réalité?
    L'élaboration d'un ouvrage nécessite un travail qui commence en moyenne 18 mois avant son arrivée sur les présentoirs. Tous les coûts des titres publiés aujourd'hui ont donc été encourus et budgétés bien au-dessus d'un an à l'avance, et au taux de change en vigueur à ce moment-là. Pour les éditeurs canadiens, tous ces coûts sont en dollars canadiens.
    On pourrait croire qu'une monnaie à la hausse est bénéfique pour notre secteur; cependant, les éditeurs canadiens ne tirent aucun avantage d'un dollar fort, car la majorité de nos publications sont acquises par des agents canadiens représentant des auteurs canadiens, en vertu d'un contrat en dollars tout aussi canadiens. Nos coûts d'opération et nos frais généraux, dont les salaires, les baux, les coûts de promotion, les services, etc., sont tous en dollars canadiens, et puisque la majorité des éditeurs du pays appuient les imprimeurs du Canada, les coûts liés à l'imprimerie, la reliure et la livraison des livres sont également en dollars canadiens.
    Après avoir examiné toutes les facettes de notre milieu relativement à la mise au point de chaque livre, je n'ai rien vu qui permette aux éditeurs canadiens de tirer profit d'un dollar fort. Nos coûts sont fixes, si ce n'est à la hausse, et pourtant, pour pouvoir être compétitifs par rapport aux publications américaines à moindre coût qui traversent la frontière, nous sommes contraints d'ajuster nos prix, ce qui porte directement atteinte à la rentabilité et, par conséquent, à la santé et à la viabilité de notre industrie.
    Dans l'industrie de l'édition, la marge de profit est déjà mince. C'est un secteur fragile; cette situation a donc potentiellement un effet dévastateur pour les éditeurs canadiens, car il est facile de prévoir ce qu'impliquent des revenus réduits par rapport à des coûts fixes.
    Les livres ont longtemps été assujettis à des niveaux de prix à la consommation. Chaque format, qu'il s'agisse d'un livre relié ou de poche, d'un grand livre illustré ou de livres pour enfants, est assorti d'un prix de vente résultant d'un budget établi par les éditeurs en fonction de mesures leur permettant d'acquérir le titre, de rémunérer l'auteur, de produire le livre — y compris tous les frais connexes liés à l'édition, la conception et la production —, ainsi que de fournir aux détaillants un rabais qui leur procure la marge nécessaire. De plus, chaque livre a un coût fixe servant à couvrir les frais généraux et les coûts de commercialisation, de promotion et de distribution.
    Sur le marché américain, ces mêmes formats ont un prix établi en fonction du pouvoir du dollar américain. Le taux de change a déterminé le prix des livres importés au Canada; cependant, si un titre a été produit au pays, les prix sont tels que mentionnés.

  (1540)  

    Pour illustrer la situation que nous vivons, prenons le cas d'un titre de fiction canadien en version poche qui se vend en moyenne 21,95 $; ce livre sera vendu 6 ou 7 $ de moins au sud de la frontière. Bien que les éditeurs canadiens ne bénéficient pas de la valeur élevée du dollar, on les a mis au défi de baisser leurs prix pour les aligner à ceux des titres américains du même genre. Si l'on ne réduit pas nos prix, cela aura un impact sur notre capacité à concurrencer les importations, bien qu'en baissant ces prix, nous nous retrouvons en fait à éliminer tous les niveaux de rentabilité. Sans cela, nous perdons la capacité d'offrir des incitatifs à la vente, de promouvoir efficacement nos auteurs et de commercialiser les livres. Or, à défaut de soutenir chaque publication au moyen de campagnes de marketing et de mise en marché, les titres d'auteurs canadiens prendront la poussière sur les tablettes et la possibilité de les vendre sera sérieusement réduite. Cela ne touchera pas seulement les éditeurs, mais aussi les auteurs et les détaillants.
    Du côté des détaillants, divers partenaires m'ont appris qu'en étant sur la ligne front du problème des prix, ils étaient tous les jours confrontés à des consommateurs courroucés réclamant la parité des prix. J'ai même entendu parler d'un consommateur évacué d'une librairie de Toronto par la police pour avoir jeté des livres aux employés à cause de leur prix. Ce que ce consommateur n'a pas saisi, c'est que même dans le cas des livres importés d'éditeurs américains, les prix ont été fixés au moins 12 mois à l'avance, et que pour l'entreprise canadienne représentant les publications américaines, tout se fait en dollars canadiens: la rémunération du personnel, le règlement des frais généraux et des factures et l'établissement de budgets en fonction des revenus de ventes prévus pour une année. Une simple réduction du prix de vente, pour ces entreprises, revient à...

  (1545)  

    Très rapidement, maintenant.
    Je vais accélérer.
    Mon temps est écoulé?
    Oui, on peut le dire.
    D'accord, les effets sont là. Je pourrais poursuivre, mais je m'arrête ici.
    Je n'en doute pas, et vous le ferez probablement au cours de la période de questions, mais je crois que vous avez clairement fait comprendre votre point de vue.
    En fait, nous avons légèrement dépassé l'ordre du jour, mais ce n'est pas grave. Nous recevons maintenant Avrim Lazar, président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada.
    Monsieur, vous avez la parole pour cinq minutes.
    J'aimerais remercier les parlementaires de tenir ces audiences. Je sais que vous recevez beaucoup de témoins, et que cela peut même devenir lassant, parfois; mais je tiens à vous dire que toutes ces questions sont vraiment importantes à nos yeux et que nous apprécions réellement l'attention que vous nous accordez. Cela compte beaucoup.
    Ce qui est en jeu, dans l'industrie forestière, c'est un million d'emplois, 3 p. 100 du PIB, le plus important employeur de Canadiens autochtones au pays et 300 villes qui fermeront si nous en faisons autant avec les usines. Dans ces localités, on ne peut tout simplement passer à une autre industrie. Et pour beaucoup d'entre elles, il n'y a rien d'autre à faire que d'aller vers le nord, à Prince Albert, ou vers le sud, à Toronto.
    Il est question de l'assise économique d'une bonne partie du Canada rural, et d'un nombre considérable d'emplois.
    Il y a quelques bonnes nouvelles. Premièrement, notre industrie est la championne canadienne sur le plan de la productivité depuis huit ou neuf ans. De tous les secteurs manufacturiers, aucun autre n'a amélioré sa productivité autant que le secteur forestier.
    Deuxièmement, dans le secteur du bois, nous avons surpassé les États-Unis sur le plan de la productivité année après année, et avons soutenu le rythme dans le secteur des pâtes et papier.
    Troisièmement, notre industrie est également championne en matière de performance environnementale, puisque nous avons atteint les cibles de Kyoto à sept reprises, en plus d'avoir pris l'engagement de présenter un bilan de carbone neutre sans acheter des crédits de carbone. Par ailleurs, le Canada est exemplaire pour ce qui est de l'exploitation forestière sans déforestation. Nous n'avons pratiquement pas de déforestation, contrairement à la plupart de nos concurrents.
    Quatrièmement, la demande globale pour nos produits augmente de 3 p. 100 annuellement, ce qui équivaut au double de la production annuelle du Québec. Bien peu de pays sont positionnés pour répondre à cette demande, car ils éprouvent des problèmes d'utilisation des terres, ou encore des problèmes liés à l'eau, à l'énergie ou à l'environnement.
    Nous avons donc une formidable industrie, un employeur important, une forte demande et une grande productivité, mais nous sommes terrassés par une hausse de 40 p. 100 de notre structure de coûts. La totalité de nos coûts de production sont établis en dollars canadiens, alors que toutes nos ventes sont en dollars américains. Peu importe à quel point on est productif, brillant, innovateur ou entreprenant; quand notre structure de coûts augmente de 40 p. 100, on ne sait plus quoi faire.
    Qui plus est, la volatilité du dollar canadien a fait en sorte que de nombreuses entreprises internationales se disent qu'elles feraient mieux d'aller ailleurs, là où la monnaie est plus stable que les valeurs minières. On traite l'avenir de notre monnaie comme on marchanderait des flancs de porc. Les spéculateurs réalisent d'énormes profits ou perdent des sommes considérables en pariant sur les fluctuations de notre dollar, tandis que notre infrastructure industrielle déménage au sud de la frontière.
    Mettez-vous à la place d'une entreprise canadienne qui a des usines au Canada et aux États-Unis, sans parler des entreprises américaines et scandinaves. Vous ignorez si votre structure de coûts sera établie à 98 ¢, ou encore, à 1,02 $ ou 1,10 $ pour un dollar. Vous n'avez aucune idée du sens que cela prendra. Même si vous pouviez réaliser des profits à parité, prendriez-vous le risque d'investir au Canada, ou transféreriez-vous votre argent aux États-Unis?
    De nombreux économistes ont dit que le Canada affrontait bien la tempête, et que les choses se passaient étonnamment bien. Mais les économistes vivent dans le monde des chiffres qui sont publiés, tandis que les gens d'affaires, eux, vivent dans le monde des chiffres à venir, car ils voient où s'en va l'investissement. Et l'argent s'en va ailleurs, en raison de l'instabilité du dollar et de sa valeur élevée.
    Alors, nous disons d'abord aux banques que notre économie n'est pas un sport dont on est spectateur, qu'elles ne sont pas impuissantes, et que permettre à notre dollar de fluctuer comme s'il s'agissait d'une action à rabais est une erreur. Les banques devraient envoyer un signal puissant au moyen des taux d'intérêt pour que la valeur du dollar baisse; et dire aux spéculateurs qu'ils ne peuvent faire des profits sur le dos de l'infrastructure du Canada.
    Ces économistes qui disent qu'il n'y a rien à faire ont tort — la banque peut agir, envoyer un message — et ceux qui prétendent qu'il faut laisser le marché décider vivent le nez dans leurs manuels d'économie, plutôt que dans la réalité économique d'aujourd'hui.
    Notre deuxième déclaration s'adresse non pas aux banques, mais à l'ensemble des parlementaires. Il existe un rapport unanime, un rapport de tous les comités, qui porte sur l'avenir du secteur manufacturier canadien. Ce rapport comporte 30 excellentes recommandations visant la création d'un climat commercial favorisant les investissements ici.
    Il y a là-dedans des recommandations fondamentales, dont le remboursement des crédits pour la recherche — les crédits pour la RS et le DE — et la prolongation à cinq ans de la déduction pour amortissement. Cela changerait beaucoup de choses et donnerait l'impression aux gens que nous croyons en notre économie.
    Laissez-moi vous parler une minute de la SR et du DE. En ce moment même, nous obtenons ce crédit d'impôt si nous réalisons des profits. Sinon, le gouvernement nous répond qu'il n'y a rien à faire avec nous.
    Pourquoi refuser de permettre un soutien à l'innovation pour les industries qui subissent une transformation? Pourquoi seulement soutenir l'innovation chez ceux qui se portent déjà bien? Et pourquoi le gouvernement, le ministre des Finances et le Canada voudraient-ils s'en laver les mains, abandonner les efforts innovants en matière de fabrication dans l'industrie forestière, de même que ces industries qui doivent trouver de nouvelles solutions pour se tirer d'embarras? Refuser de rendre remboursables les crédits d'investissement signifie qu'on parie sur notre faillite, et que nous n'obtiendrons jamais ces crédits. Nous avons besoin d'argent maintenant. Il s'agit d'argent que nous avons dépensé pour l'investissement; il nous reviendra quand nous serons rentables; et il devrait être versé sous forme de crédits remboursables pour aider les secteurs de la fabrication.

  (1550)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Christopher Jones, vice-président des Affaires publiques à l'Association de l'industrie touristique du Canada, pour cinq minutes.

[Français]

    Premièrement, je voudrais remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de présenter et de partager nos principaux points de vue en ce qui concerne votre enquête sur les impacts de l'augmentation de la valeur du dollar canadien dans plusieurs secteurs économiques.

[Traduction]

    D'abord, laissez-moi vous remercier de me donner l'occasion de comparaître pour faire connaître notre opinion dans le cadre de votre étude de l'impact de l'appréciation du dollar.
    Au Canada, l'industrie du tourisme, qui a une valeur de 66,9 milliards, est directement responsable de plus de 630 000 emplois à temps plein, et emploie de façon indirecte 1,66 million de Canadiens. Ses impacts économiques se font ressentir dans toutes les régions et communautés du pays. De plus, l'industrie est une source essentielle de revenus d'impôts pour les gouvernements des trois niveaux. En 2006, on estime que 19,4 milliards de recettes fiscales ont été générées, dont 9,1 milliards pour le palier fédéral.
    Il va sans dire que le secteur du tourisme canadien est fortement touché par la récente hausse de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain. Plutôt ce mois-ci, l'AITC a tenu son sommet annuel du leadership touristique à Victoria, en Colombie-Britannique. Nous avons intitulé ce sommet : « Toutes couleurs unies — Renouveler le voyage américain au Canada », et le programme était axé sur la baisse significative de visites de nos voisins du sud que nous avons observée.
    En cinq ans, nous avons vu la quantité de consommateurs en provenance des États-Unis baisser d'un important 34 p. 100, un chiffre est particulièrement inquiétant pour le secteur, si l'on considère que les Américains représentent 86 p. 100 des déplacements de non-résidants au Canada. De plus, cette baisse date d'avant l'appréciation historique de la valeur du dollar canadien au cours des derniers mois.
    Les raisons de cette diminution du nombre d'Américains visitant le Canada ne sont pas uniquement liées au dollar. L'économie américaine globalement en récession et la hausse importante du prix de l'essence ont créé un dissuasif pour les visiteurs du Canada en voiture. Les prix de l'essence encouragent davantage d'Américains à prendre l'avion plutôt que l'automobile pour se rendre à leur destination de vacances, et les coûts relativement élevés du transport aérien au Canada créent un désavantage sur le plan des coûts, en comparaison avec les destinations intérieures des États-Unis ou le Mexique, les Caraïbes et certains pays européens.
    Il y a également d'importants problèmes à nos postes frontaliers pour les Américains, comme de longues périodes d'attente et une confusion au sujet des documents nécessaires pour pouvoir retourner aux États-Unis. Ces facteurs ont contribué à modifier des habitudes de voyage qui existent depuis longtemps, tant pour les résidants du nord des États-Unis que pour ceux des provinces canadiennes.
    Ces facteurs auraient tous eu un impact sur l'industrie canadienne du tourisme indépendamment de la hausse du dollar. Mais ce que nous savons, d'après nos observations des habitudes de voyage ces 25 dernières années, que le nombre de visites au Canada suit habituellement de très près — comme mon collègue Paul l'a indiqué — la valeur du dollar américain. À mesure que la valeur de la devise américaine s'élevait au cours des années 1990, le nombre de déplacements par personne à destination du Canada augmentait de plus de 45 millions. Mais au cours des quatre dernières années, à mesure que le billet vert chutait comparativement au dollar canadien, le nombre de visites par personne est tombé au niveau le plus bas en 30 ans.
    La valeur plus élevée de leur dollar encouragera également les Canadiens à voyager et à dépenser leur argent touristique à l'étranger, ce qui accroîtra de plus bel notre déficit dans le secteur du tourisme. Nous mesurons ce déficit en déterminant le montant dépensé par les Canadiens à l'étranger et en le comparant au montant dépensé par les étrangers en voyage au Canada. Depuis 2002, ce déficit a crû de façon exponentielle, passant de 1,7 milliard en 2002 à 7,2 milliards actuellement. Selon ce que nous avons observé cet été et cet automne, nous pouvons seulement déduire que ce chiffre augmentera. Les chiffres publiés cette semaine par Statistique Canada ont démontré qu'en septembre, avec la valeur du dollar établie à 95 cents, les voyages avec nuitées en automobile aux États-Unis atteignaient leur niveau le plus élevé depuis 1993.
    Je sais qu'il y a ici des membres qui viennent de la région de Niagara, et j'ai l'impression que demain matin, il y aura un important exode de leurs électeurs, qui traverseront le pont Rainbow Bridge pour chercher des aubaines de type « vendredi funeste ». Cela ne veut pas seulement dire que les détaillants locaux subiront un coup dur financier à une période cruciale de l'année, mais aussi que ces familles dépenseront pour de la nourriture, un hébergement et des attractions, dépenses qu"ils auraient autrement faites ici au Canada. En même temps, l'agence de tourisme de Niagara Falls nous dit avoir constaté une baisse de 16 p. 100 cette année en ce qui a trait au nombre de personnes faisant des voyages d'une journée aux États-Unis. Nous entendons le même son de cloche d'autres villes frontières comme Windsor et Victoria.
    Quelles mesures pouvons-nous prendre pour nous assurer que le tourisme retombe sur ses pattes? Tout d'abord, laissez-moi souligner qu'en raison des gains en devises générés par le tourisme, cette industrie a toujours été considérée comme une industrie d'exportation. Elle est minée par la hausse du dollar de la même façon que la foresterie et le secteur manufacturier peuvent l'être. Par conséquent, nous vous enjoignons de ne pas oublier le tourisme si vous recommandez une quelconque politique d'ajustement ou d'atténuation pour contribuer à contrecarrer les effets du dollar à la hausse.
    Nous pouvons également vous assurer que nous investissons suffisamment dans les infrastructures physiques aux postes frontaliers du Canada, notamment grâce à un investissement accru dans le développement de nouvelles formes d'identification faisant appel à la biométrie, telles qu'un permis de conduire perfectionné.

  (1555)  

    Afin d'aider à gérer la circulation de personnes à la frontière, nous devrions faire en sorte que l'Agence des services frontaliers du Canada surveille et évalue activement les périodes d'achalandage à la frontière dans le but de réduire les délais de traitement vécus par les visiteurs.

[Français]

    On peut également faire des investissements dans nos points de passage pour leur permettre d'analyser et d'évaluer les temps d'attente à la frontière, dans le but de réduire les délais subis par nos visiteurs et aider à gérer le flux des gens qui traversent notre frontière commune.

[Traduction]

    Nous devons également évaluer comment nous pourrions faire du Canada une destination plus économique par la voie aérienne. Le secteur touristique, l'économie canadienne et les citoyens canadiens bénéficieront d'autres négociations sur l'ouverture de l'espace aérien, qui auraient pour effet d'accroître la compétition et d'augmenter le nombre de voyages à destination du Canada.
    J'aimerais finalement souligner qu'accorder une aide à la promotion à la Commission canadienne du tourisme serait extrêmement utile.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin.
    Nous recevons le maire de la Ville de Hearst, M. Roger Sigouin. Monsieur, vous avez cinq minutes; allez-y, je vous prie.

[Français]

    Merci de me permettre de m'adresser à ce comité.
    Le dollar canadien élevé a jeté plus d'huile sur le feu dans la situation de crise de l'industrie forestière dans le nord de l'Ontario, et cause de l'incertitude et de la crainte dans les petites collectivités du Nord.
    L'économie entière du nord de l'Ontario et l'essence même de nos vies sont en danger. Bien que je représente la Ville de Hearst, cette présentation pourrait facilement être faite par Longlac, Smooth Rock Falls, Wawa, White River, Atikokan, Nippigan, des communautés du nord de l'Ontario qui ont perdu leur industrie unique de façon permanente, ou par Kapuskasing, Opasatika, Cochrane, Dryden, Kenora, Timmins, Kirkland Lake, qui font face en ce moment même à des coupures et à des mises à pied massives dans le secteur forestier.
    Ma municipalité est située à une distance de 500 kilomètres de Thunder Bay, Sudbury et Sault Ste Marie, à 600 kilomètres de North Bay et à 955 kilomètres d'Ottawa et de Toronto. La plus grande partie du nord de l'Ontario située au-dessus de 50e parallèle est habitée par les premières nations qui vivent dans des collectivités isolées, généralement seulement accessibles par voie aérienne, bien que l'une d'entre elles, Moosonee, puisse être rejointe par chemin de fer.
    Hearst a une population de 5 620 habitants, mais ma collectivité dessert une beaucoup plus grande zone géographique de 10 000 habitants. Le nord de l'Ontario, c'est la forêt boréale qui détient la plupart de la richesse naturelle de l'Ontario. Avec seulement 7 p. 100 de la population de l'Ontario, nous sommes des exportateurs par nécessité.
    Au cours des années, les exploitations locales ont subi soit la consolidation ou la fermeture. Hearst a expérimenté une perte nette de quatre usines majeures de conversion du bois, et deux des trois exploitations récentes appartiennent maintenant à des consortiums nord-américains. L'industrie a toujours fait face au défi de survivre dans les cycles emballement-effondrement, qui sont typiques de notre économie nordique basée sur les richesses naturelles.
    Cela n'est plus le cas. La situation du marché global rend la crise à laquelle nous faisons face aujourd'hui beaucoup plus sérieuse, un défi jamais vu que l'industrie forestière ne pourra surmonter sans l'implication du gouvernement. L'industrie forestière, c'est notre gagne-pain quotidien et l'énergie motrice derrière toute notre économie locale.
    Trois fabricants dans la région immédiate de Hearst — Columbia Forest Products, Tembec Industries Inc. et Lecours Lumber dans la première nation de Constance Lake — employaient 765 personnes directement en 2006 et 171 dans des industries secondaires de soutien et de service. Pour ma communauté de 5 620 habitants, le secteur forestier est manifestement l'employeur majeur et affecte au moins 43 p. 100 de la population active dans son ensemble.
    À Hearst, les industries Tri-Cept (Hearst) Inc. ont fermé de façon permanente leur usine de rabotage, entraînant une perte de 40 emplois en 2006. Columbia Forest Products a fermé son usine de panneaux de particules à Hearst au début du mois présent, entraînant une perte de 83 emplois. Mille deux cents mises à pied furent annoncées le 9 novembre 2007 par Buchanan Forest Products dans toutes ses exploitations, à la fois dans le nord-est et le nord-ouest de l'Ontario, Bowater à Dryden et NorBoard à Cochrane.
    D'innombrables familles sont affectées, non pas parce qu'elles travaillent dans l'industrie mais parce qu'elles fournissent des biens et services au secteur forestier et à ses employés. Les travailleurs plus âgés qui travaillent en usine à Hearst n'ont aucune éducation. Ils n'ont même pas terminé leur secondaire et c'est sans aucune éducation qu'ils font face maintenant à des mises à pied.
    Les valeurs immobilières, à la fois résidentielles et commerciales, s'effondrent parce que les industries majeures ferment. C'est ce à quoi nous faisons face. Nos jeunes quittent la ville. Ils s'en vont à l'extérieur pour pouvoir trouver un emploi permanent.

  (1600)  

    L'industrie du nord de l'Ontario et, conséquemment, nos collectivités du nord de l'Ontario font face aujourd'hui à leurs défis les plus difficiles. Je pense que mon voisin a fait face au facteur du dollar qui entre en jeu.
    Le coût de l'électricité très élevé dans les usines de conversion du bois locales a augmenté de 10 à 12 p. 100 au cours des dernières années. Les coûts de l'essence ont augmenté en flèche, mais ces coûts ne peuvent être transmis aux consommateurs, car le marché ne peut supporter de coûts additionnels.
    En ce qui a trait au transport, l'infrastructure nationale de chemins de fer dans le nord de l'Ontario est en mauvaise condition, bien que critique pour le déplacement de nos produits vers leurs marchés. Le chemin de fer Ontario Northland avait coupé la ligne qui desservait Lecours Lumber, mais le gouvernement est intervenu et on a pu sauver le chemin de fer, ainsi que des emplois des réserves des premières nations.
    Les premières nations qui sont isolées dans le Grand Nord n'ont aucun accès leur permettant de se déplacer vers le Nord. Certains membres des premières nations n'ont aucune éducation ni services sociaux pour les instruire et les intégrer à notre population. Je crois que le gouvernement devrait voir à ce qu'ils aient un accès au Nord. Le Grand Nord a des ressources, et le gouvernement devrait veiller à ouvrir le Grand Nord pour sauver le Nord. Les ressources sont en place et les premières nations veulent travailler. Il faut travailler ensemble.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions de la séance, en commençant par M. McCallum, du Parti libéral, pour sept minutes.

  (1605)  

[Français]

    Premièrement, je remercie tous les témoins pour leur présence et surtout M. Sigouin, car il a dû faire un voyage de six heures pour venir ici.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par parler des blessures qu'on s'est soi-même infligées, en m'adressant d'abord à M. Jones, en ce qui a trait au tourisme. Je ne crois pas que le gouvernement puisse faire quoi que ce soit relativement à la valeur du dollar. Je crois que la banque est peut-être juste... Il y a là matière à débat. Mais en ce qui a trait aux mesures fiscales, êtes-vous d'avis que l'annulation du remboursement de la TPS aux visiteurs était importante?
    Êtes-vous d'avis qu'il serait hautement, ou très peu profitable pour le Canada d'obtenir le statut de destination approuvée par la Chine? Je sais, pour avoir visité l'Australie, qu'il y a là des milliers de touristes chinois, car l'Australie a obtenu ce statut. Est-ce que ce serait significatif pour l'industrie du tourisme?
    Merci de votre question, monsieur McCallum.
    Il est clair que l'industrie a été préoccupée, l'an dernier, de l'annulation du remboursement de la TPS aux visiteurs. Nous avons été encouragés de le voir remplacé aux deux tiers par une mesure visant les marchés des voyages organisés et des conférences, sous forme de Programme d'incitation aux congrès étrangers et aux voyages organisés. Ce programme est maintenant en place depuis avril 2007.
    Nous avons indiqué à la ministre Ablonczy, la responsable de ce secteur, que nous serons heureux de revoir avec elle ce programme au bout d'un an, en avril 2008, et de voir s'il y a moyen d'y apporter des modifications pour améliorer sa fonction en tant que régime d'incitatifs.
    La perte du programme individuel nous préoccupait. Nous l'avons fait savoir à l'époque. Beaucoup d'autres pays qui appliquent une taxe à valeur ajoutée remboursent la TVA aux gens qui visitent leur pays; mais c'est la vie.
    En ce qui concerne le statut de destination approuvée, ou SDA, nous voudrions obtenir cette désignation. Nous sommes préoccupés de voir que les États-Unis sont très près de l'obtenir, et c'est un marché... Bien que le marché chinois prenne de l'expansion de façon importante sans SDA, en raison de visites à des amis ou à des parents, ou de déplacements pour affaires. Ce marché croît donc de façon importante, mais nous aimerions éventuellement être capables d'exploiter le marché des voyages organisés, comme le font les Australiens en ce moment.
    Ne serait-il pas juste de dire que si les États-Unis obtiennent ce SDA avant nous, ce sera une très mauvaise chose pour le Canada? Si les Chinois visitant l'Amérique du Nord pouvaient seulement venir au Canada, nous aurions un certain monopole, du moins pour un petit bout de temps. Si nous livrions concurrence dans un face-à-face avec les États-Unis, ne serait-ce pas un grand désavantage? Et si les États-Unis obtenaient ce statut avant nous, ne serait-ce pas encore pire?
    Ce serait une source d'inquiétude considérable, mais nous faisons ce que nous pouvons pour le moment. Nous nous préparons à faire la promotion des Olympiques de 2010, et le gouvernement a récemment fait un investissement important et fort apprécié dans cet effort de promotion.
    Alors, oui, à long terme, nous voudrions profiter de ce marché, surtout si le marché américain continue d'être au plus mal. Mais nous avons confiance que notre ministère des Affaires étrangères fera avancer ce dossier.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à nos deux témoins du secteur forestier.
    Je pense que vous avez tous les deux connaissance du plan qu'avait le gouvernement libéral. C'était juste avant les élections; il était de 1,5 milliard de dollars, ou 600 millions, exception faite des garanties de prêt. Il comprenait notamment un soutien aux travailleurs des communautés à hauteur de 150 millions de dollars, un programme de technologie de la transformation de 215 millions de dollars, un volet pour l'innovation forestière et les produits à valeur ajoutée de 90 millions de dollars, etc.
    Je ne voudrais pas sembler trop partisan, alors je ne demanderai pas si le gouvernement a été avisé de l'éliminer. Laissez-moi le dire de façon plus positive. Ce programme serait-il une bonne chose aujourd'hui, s'il devait être réintroduit? Ces composantes telle que l'assistance à la communauté et la technologie de la transformation seraient-elle utiles pour votre industrie?
    Peut-être pourriez-vous vous prononcer tous les deux.
    Nous avons été très clairs à propos de ce qui serait utile aujourd'hui: les crédits remboursables pour la RS&DE; la prolongation à cinq ans du délai de deux ans pour amortissement accéléré; davantage d'argent pour la recherche et l'innovation; et un soutien multipartite au projet de loi C-8, qui introduit la concurrence dans la Loi sur les chemins de fer. Tout ce qu'on pourra faire pour améliorer l'accessibilité de la technologie sera très utile, et bien sûr, les communautés ont besoin d'appui pour effectuer leur transition.
    Ce qu'on peut faire de mieux pour les communautés, c'est créer un climat commercial qui incitera les gens à investir au Canada. Des crédits de RS et DE remboursables, la déduction pour amortissement et des fonds pour la recherche et le développement seraient des plus utiles.
    J'aimerais établir très clairement, cependant — et je crois que c'est une chose pour laquelle il y a eu un malentendu: nous ne voulons pas de subventions. Nous ne souhaitons pas que vous arriviez pour sauver une usine qui n'est pas profitable. Ce que nous voulons, c'est créer un contexte d'usines rentables.

  (1610)  

    Merci.
    Je pense que c'était une excellente façon d'aider les industries, mais pour ma propre municipalité, et même pour d'autres, j'irai encore plus loin. Nous sommes confrontés à des coûts d'énergie de plus en plus élevés, et j'ignore à quel point nous avons prise là-dessus.
    À Hearst, nous voulons une technologie verte, et nous avons besoin de soutien en ce sens. Je crois que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient participer au développement économique. La ville de Hearst a injecté 250 000 $ à cette fin. Quand une ville est en difficulté, je pense que le gouvernement devrait dire qu'à condition qu'on investisse 250 000 $, il investira à son tour 100 000 $ à titre d'appui pour que des champions étrangers investissent dans cette communauté. Il y a un manque d'argent, et nous avons besoin d'aide.
    Merci beaucoup.
    Je retiendrai de vos deux interventions que la réponse est oui, mais qu'il y aurait d'autres mesures que vous souhaiteriez également, comme celle concernant la RS et le DE, la déduction pour amortissement accéléré, de l'argent pour les coûts énergétiques, et bien d'autres choses —
    La plupart ressortent des recommandations multipartites au sujet du secteur manufacturier. Tous les parlementaires qui se sont penchés sur le dossier, au Comité de l'industrie, en ont convenu, et maintenant, je veux qu'on agisse. Ça devrait être —
    Le gouvernement a ces recommandations entre les mains depuis longtemps, et il n'en a mis en oeuvre qu'une seule, en partie.
    Puis-je poser une dernière question rapide?
    Non; en fait, votre temps est écoulé, et je cède maintenant la parole à M. Crête.

[Français]

    On va continuer sur ce sujet, justement. On parle du rapport unanime du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie signé le 5 février dernier. Ce n'est pas de la publicité pour les libéraux, c'est un député conservateur qui l'a signé, M. James Rajotte. C'était en février 2007, et je vous en lis rapidement un extrait :
Alors que le reste de l’économie est généralement très dynamique, beaucoup d’industries manufacturières ont du mal à demeurer concurrentielles dans le contexte, notamment, de l’appréciation de plus de 40 p. 100 du dollar canadien par rapport au dollar américain [...]

[Traduction]

    Réduisez votre consommation de caféine, et tout ira bien.

[Français]

    On était alors en février 2007, donc toutes les hausses de cet automne n'avaient pas encore eu lieu.
    Je poursuis ma lecture :
Le Comité estime que le gouvernement du Canada doit se fixer comme objectif national de préserver la compétitivité du secteur manufacturier et devrait rapidement donner suite aux recommandations présentées ici, compte tenu de la gravité des difficultés que vit le secteur.
    Monsieur Lazar, trouvez-vous que le gouvernement fédéral a fait suffisamment d'efforts pour réaliser les 22 recommandations? Selon moi, il en a adopté la moitié d'une, soit celle sur l'amortissement accéléré. Les autres ne sont pas mises en vigueur.
    Pouvez-vous commenter sur le sujet?
    Certainement.
    Je dois avouer que les députés ont fait du bon travail ensemble. C'est une vraie démonstration de la capacité de nos Chambres de travailler de façon non partisane, intelligente et basée sur le bien-être du pays. Donc, je félicite à tous les partis à cet égard.
    Deuxièmement, ce n'est pas assez. On doit agir plus rapidement. On a fait un pas dans la bonne direction, on a diminué certains impôts, mais avec la crise qui existe dans le domaine manufacturier, on a besoin d'une action plus urgente.

[Traduction]

    Nous avons des gens qui se retrouvent sans emploi; dont les maisons, qui valaient auparavant 500 000 $, en valent maintenant 50 000 $. Ils ne savent pas où aller; on n'a pas le temps pour des réflexions savantes sur l'aspect économique de la question. Nous avons un rapport multipartite.

[Français]

    Au moins, on doit travailler vite pour mettre en oeuvre ce rapport

[Traduction]

    et la priorité est le remboursement des crédits pour la RS et le DE. Vous savez, nous avons nos entreprises maintenant qui sombreront, peu importe ce que vous dites ou faites du dollar. Elles n'y arriveront tout simplement pas. Nous en avons d'autres qui se tireront bien d'affaire. Même si elles se plaignent, et qu'elles vivent des difficultés, elles survivront. Mais au milieu, il y en a une foule qui, avec un brin d'action du Parlement en ce qui concerne une question comme la RS et le DE, pourraient entrer dans la catégorie des gagnants au lieu de celle des perdants. Ce n'est qu'une question de deux ou trois ans de lutte pour survivre à cette période de transition extrêmement difficile.
    Alors, non; ce n'est pas une solution miracle pour l'ensemble d'entre eux. Il y en a parmi eux qu'on ne peut aider. La science économique n'aidera pas. Certains d'entre eux sont si habiles qu'ils survivront. Mais pourquoi laisser tomber des villes entières quand une mesure aussi clairement concurrentielle que les crédits d'impôt à la recherche et à l'innovation les aiderait à innover pour se sortir de la crise?

  (1615)  

[Français]

    Monsieur Sigouin, si le gouvernement conservateur s'en tient à sa politique de baisser les impôts uniformément en 2008 et qu'il n'y a pas de programme qui permette des actions ciblées comme celle-là, les baisses d'impôt engendreront-elles des profits qui reviendront dans votre communauté?
    Monsieur Lazar, est-ce que votre industrie forestière va générer des profits en 2008 à un point tel que vos entreprises vont être suffisamment relancées, grâce à ces baisses d'impôt uniformes?
    Je crois que s'il y a des baisses d'impôt, au bout du compte, c'est le gouvernement local qui paiera.
    Les gens ne comprennent pas la situation. Une baisse d'impôt fédéral, c'est une baisse d'impôt provincial; une baisse d'impôt provincial, c'est une augmentation de l'impôt municipal. Je pense que c'est logique, c'est clair et net.
    Les gens doivent comprendre que si on veut une communauté en santé, ils devront envisager le fait qu'une baisse d'impôt, c'est de l'argent en moins de la part du fédéral pour aider notre industrie forestière et notre communauté sur le plan économique. On est sur une transcanadienne à deux voies. La province de l'Ontario a la pire condition sur une transcanadienne à deux voies, alors qu'il y a quatre voies partout ailleurs. Le chemin de fer descend. Le chemin de fer n'a aucune qualité. On a des ressources au Nord, mais on est incapable d'y avoir accès. Qui se questionne au sujet des gens du Nord? Or, c'est là que le gouvernement devrait regarder afin de voir le grand portrait de la situation.
    Dans la liste des villes, vous auriez pu ajouter le nom de plusieurs villes forestières du Québec.
    M. Roger Sigouin: Exactement.
    M. Paul Crête: Monsieur Lazar, j'ai une question à vous poser sur les baisses d'impôt uniformes versus les...
    Les baisses d'impôt, c'est brillant, mais ce n'est que la moitié de la solution.

[Traduction]

    Alors je vous remercie chaudement pour la réduction globale du taux d'imposition des entreprises, car c'était nécessaire. Mais cela ne sera d'aucune utilité pour la transformation du secteur manufacturier, car pour en profiter, on doit être rentable. Nous sommes au beau milieu d'une transformation, et certaines compagnies ne se rendront pas au point d'arrivée.
    On prend donc une bonne mesure, mais ces économistes qui disent qu'il suffit de réduire les taux d'imposition globaux pour que tout aille bien sont simplement un peu naïfs. Divers secteurs de l'économie en sont à des points différents. Les subventions n'aideront pas à la transformation, mais le remboursement des crédits d'impôt pour l'innovation et la recherche aideront les intéressés à vivre leur transformation.

[Français]

    Ma dernière question porte sur les dernières hausses du dollars qu'on a connues depuis un mois. Si la valeur du dollar reste autour de 1 $, quelles seront les conséquences pour l'industrie touristique?
    Hier, le ministre des Finances a dit que le dollar avait baissé de 2 ¢, que ça recommençait à bien aller. Quelle sera la réalité si le dollar reste autour de 1 $ et qu'on ne prend pas d'autres mesures?

[Traduction]

    Je crois que nous allons assister à une aggravation considérable du déficit de la balance touristique, car de plus en plus de Canadiens sont incités à voyager au sud de la frontière. Certaines de nos villes frontalières vont connaître des perturbations et des difficultés. Je pense que les villes les plus importantes vont bien s'en tirer, mais des agglomérations plus petites, qui comptent sur un achalandage régulier de visiteurs américains, vont sans doute commencer à souffrir de la situation.
    Comme dans les autres secteurs, bon nombre de nos entreprises fonctionnent à partir d'un modèle de gestion fondé sur un dollar à 0,63 $. Lorsque cette réalité est devenue désuète avec un dollar au pair, il a fallu apporter des changements et faire les choses différemment. Les meilleurs vont survivre, mais les autres vont probablement disparaître. J'estime toutefois qu'à long terme, nous devons surtout nous préoccuper des problèmes structurels qui affectent notre secteur, notamment au niveau de la mise en marché et des coûts structurels de l'aviation au Canada. Ce sont les deux principaux facteurs.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant aux conservateurs.
    Monsieur Wallace, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Et je remercie nos témoins qui se sont rendus jusqu'ici cet après-midi malgré la mauvaise température. J'ai quelques questions et je vais commencer par le Conference Board.
    Monsieur Darby, merci d'être des nôtres. On indique sur notre liste de témoins que vous êtes économiste en chef adjoint et vous n'avez parlé que de tourisme. Voilà quelques jours déjà que nous recevons ici des économistes, y compris M. McCallum, qui aime s'attribuer ce titre — il a déjà travaillé dans une banque. Il nous a dit que le gouvernement n'avait pas la capacité de changer la valeur du dollar, que ce n'était pas son rôle. C'est ce qu'il nous a affirmé ici même aujourd'hui.
    Vous avez traité principalement de tourisme. Nous avons pris d'autres mesures, dont la réduction des impôts des sociétés, pour essayer de faire en sorte que notre climat commercial soit concurrentiel. Avez-vous des observations à formuler, autrement que par rapport à l'industrie touristique, quant à la récente mise à jour économique de notre ministre des Finances?

  (1620)  

    Je crois certes que le maintien de la déduction pour amortissement au-delà de la date prévue, sans compter la possibilité d'en faire une mesure permanente, est assurément un pas important dans la bonne direction, et je crois que l'énoncé économique a tout au moins fait allusion à cette option .
    Quant à la réduction des impôts des sociétés, comme Avrim l'a signalé, il s'agit d'une mesure appropriée qui stimule les investissements dans les entreprises. Mais il faut être rentable pour pouvoir en tirer parti, et j'estime qu'il est très important de le souligner. Cette réduction a, de toute évidence, un impact positif sur le secteur manufacturier. Mais pour certaines des industries les plus durement touchées par la hausse du dollar canadien, il faudra peut-être envisager des mesures un peu plus ciblées.
    D'une manière générale, il va de soi que l'énoncé économique a été une bonne source de stimulation. En effet, il contrebalance, tout au moins dans une certaine mesure, les répercussions néfastes de la hausse du dollar sur notre PIB et, dans cette perspective, on peut dire qu'il est utile. Mais je répète que certains dossiers régionaux particuliers et certaines différences intersectorielles fort intéressantes compliqueront la tâche des gouvernements dans la recherche de politiques appropriées pour contribuer à atténuer les impacts de ce que M. Lazar, par exemple, appelle une période de transformation. J'estime important que le gouvernement prenne tout le temps nécessaire pour bien réfléchir afin de trouver des solutions efficaces et efficientes à ces problèmes, parce que les subventions ne sont généralement pas considérées comme une bonne stratégie à long terme. Nous avons également constaté d'autres formes de soutien artificiel à l'industrie, ce qui ne s'inscrit pas non plus dans une approche efficace à longue échéance.
    Mais, à l'instar de M. Lazar et d'autres témoins ici présents, je pense qu'il faut surtout miser sur des stratégies susceptibles d'encourager les investissements, de favoriser l'innovation et de réduire les coûts pour faire en sorte que les entreprises manufacturières puissent demeurer concurrentielles malgré la hausse du dollar, et pour les aider au cours de cette période de transition.
    J'ai une question très élémentaire à poser à M. Fenn. Je peux certes comprendre les problèmes qu'un dollar fort peut causer au secteur de l'édition. Je n'ai pas l'intention de mettre en doute cette réalité ni les effets que vous pouvez ressentir. Pourriez-vous me dire pourquoi les prix différenciés sont indiqués sur vos livres longtemps avant qu'ils ne soient...? J'ai essayé en vain de trouver un autre produit pour lequel on indiquerait le prix au Canada et le prix aux États-Unis longtemps avant la mise en marché. Est-ce qu'une loi vous y oblige?
    Non, il n'y a absolument aucune loi qui nous y oblige. Je suppose que c'est la façon dont nous avons toujours procédé. Les éditeurs le font depuis de nombreuses années. On indique un prix de détail suggéré pour les livres. Alors que vous pourrez très bien voir un détaillant vendre un vêtement à un prix et un autre l'offrir à un prix différent, nous avons ce prix qui est inscrit directement sur nos livres. Il est possible que des libraires le vendent à un prix inférieur à celui qui est suggéré, mais c'est le maximum que l'on peut demander pour ce livre. Nos livres sont imprimés quelques mois avant leur publication, et comme je l'ai déjà mentionné, les coûts de production d'un livre sont établis 18 mois avant qu'il ne se retrouve sur les tablettes.
    À mon point de vue — et je me suis retrouvé du côté des vendeurs dans de nombreuses industries — il y a un prix de vente suggéré par le fabricant ainsi qu'un prix de détail suggéré. Je trouve étrange que votre industrie se prive d'une grande souplesse qui lui permettrait de mieux suivre l'évolution des choses.
    Et je vais maintenant m'adresser à M. Lazar. Soit dit en passant, votre exposé était fort intéressant. Vous avez parlé d'une hausse de 3 p. 100 de la demande annuelle. Pourriez-vous m'indiquer d'où vient cette augmentation?
    La hausse de la demande est principalement attribuable à la croissance rapide des économies asiatiques. Il y a également une demande accrue en provenance de l'Amérique du Sud. La demande vient de plus en plus de pays comme l'Inde, la Chine et l'Indonésie.
    L'industrie du bois d'oeuvre vit une période de ralentissement cyclique en Amérique du Nord, mais est en pleine croissance structurelle partout ailleurs. Il y a un déclin structurel dans le secteur du papier journal en Amérique du Nord. La tendance est irréversible. Il est possible que l'on connaisse une certaine reprise, mais le secteur perd du terrain; les gens se tournent vers Internet. Par ailleurs, on assiste à une véritable explosion de la richesse à l'échelle planétaire. Dans toute l'Asie, on voit des paysans s'intégrer à la classe moyenne; ils veulent pouvoir se moucher, lire leur journal, emballer leurs cadeaux, se construire une bibliothèque. Il y a une rareté de ressources naturelles à l'échelle planétaire. Il est possible de faire pousser des arbres au Brésil, mais vous devrez batailler ferme avec ceux qui veulent utiliser la terre pour s'alimenter. Dans ce contexte, notre situation est très privilégiée.

  (1625)  

    Je peux comprendre ce qui se passe du côté de la demande. Vous avez indiqué, avec raison je crois, qu'il y a une combinaison de facteurs, et pas seulement l'augmentation de la valeur du dollar, qui influent sur le volume d'affaires. Pour l'industrie forestière, quels ont été les effets de la baisse de la demande en provenance des États-Unis en raison du ralentissement du marché immobilier?
    La situation est particulièrement difficile en raison de la crise de l'habitation, des taxes à l'exportation ou des quotas sur le bois d'oeuvre, du dendroctone qui mange notre pin. C'est une véritable accumulation de crises. Mais toutes les mesures que nous aurions pu prendre pour assurer notre survie sont devenues impossibles en raison de l'augmentation de 40 p. 100 de nos coûts attribuable à la hausse du dollar. Le dollar constitue donc de loin notre plus important problème.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mulcair, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, ma première question s'adresse à M. Lazar.
    J'ai écouté patiemment les questions qui vous ont été posées par les députés conservateur de notre comité, mais je ne les ai jamais entendus répondre à votre requête pour ces allègements, notamment pour une réduction accélérée des dépenses de coûts en capital.
    Alors, je vais vous poser ma question, puisque je ne peux m'adresser à mes collègues conservateurs. Que vous répondent-ils quand vous leur demandez de comprendre qu'il faut faire des différences, ne pas diminuer aveuglément les impôts parce qu'une compagnie qui n'a pas fait de profit n'a pas payé d'impôt. Que répondent-ils quand vous leur expliquez cela et quand vous leur demandez les allégements fiscaux dont vous venez de parler au comité? De toute évidence, ils ne vous répondent pas ici.

[Traduction]

    Lorsque nous avons parlé au ministre des Finances, au ministre de l'Industrie et à celui des Ressources naturelles, ils nous ont dit bien comprendre notre situation et s'y intéresser sincèrement, même s'ils n'écoutent pas nécessairement. Nous ne doutons aucunement que le gouvernement prendra les mesures qui s'imposent. Je sais bien que vous voulez mettre ces gens sur la sellette. Il est normal qu'il en soit ainsi; c'est ce qu'on fait avec n'importe quel gouvernement. Croyons-nous que le gouvernement fera le nécessaire en portant de deux à cinq ans la déduction pour amortissement et en s'assurant que les crédits de recherche soient vraiment remboursables? Oui, nous lui faisons confiance.

[Français]

    Merci.
    Je vais adresser ma prochaine question à M. le maire de Hearst. Monsieur le maire Sigouin, avez-vous eu l'occasion d'agir en commun avec les gens des autres municipalités qui vivent le même drame, que ce soit dans le nord de l'Ontario ou même dans d'autres provinces, par le moyen d'instances nationales, par exemple la Fédération canadienne des municipalités? Le diagnostic que vous faites de la situation, à savoir que ce sont des collectivités entières qui vont disparaître si on n'agit pas, semble être partagé par d'autres gens ailleurs, sauf le caucus du Parti conservateur du Canada. Que faites-vous pour travailler avec les autres municipalités dans ce dossier?
    Je suis le président de l'association NEOMA, qui s'étend de Matheson à Hearst, soit sur une distance d'environ 4 heures de route. Je représente toutes les communautés du nord de l'Ontario. La façon dont fonctionne l'industrie forestière fait en sorte que chacune des communautés dépend des autres pour survivre. Les usines ont besoin l'une de l'autre, soit pour les copeaux, la poussière, etc. Tout est interrelié. Quand une usine ferme ses portes, cela déséquilibre le reste de l'industrie forestière. C'est là où c'est important.
    Je pense qu'il faut que le gouvernement ait une vision différente en ce qui concerne l'industrie forestière. Cela fait deux ans que Hearst a adopté la voie verte, une vision axée sur l'environnement, l'humain et le développement économique. Je pense que le gouvernement en parle, mais il faut qu'il agisse, qu'il donne un appui aux communautés qui veulent s'ajuster.
    À Hearst, on a le projet Bio-Com, qui vise à renseigner les gens sur la biotechnologie, la conversion de la biomasse à l'éthanol, le méthanol, la technologie de l'information, l'automatisation, les nouveaux procédés, les nouveaux matériaux ou un produit à valeur ajoutée. Dans notre coin de pays, on a l'habitude de faire des 2 x 4, des 2 x 6, des 2 x 8. Il faut se rajuster à la demande pour que les communautés puissent survivre à la crise.

  (1630)  

    Monsieur le président, en terminant, je conclus des interventions de M. Lazare et de M. le maire Sigouin que ce qui manque cruellement du côté du gouvernement, c'est la compréhension qu'on ne peut appliquer le même remède partout, dans tous les secteurs de l'économie. Ça ne sert à rien d'accorder des réductions d'impôt dans des secteurs qui ne font pas de profits. Ça prendrait un peu plus que de l'idéologie économique et davantage d'actions et de vision à long terme pour répondre à des communautés comme celles-là. Par exemple, transformer la biomasse en méthanol pourrait être une solution de développement durable qui répondrait aux besoins des générations futures. Le problème, c'est que le gouvernement actuel n'a aucune vision et ne croit strictement pas au développement durable.

[Traduction]

    Nous discuterons de ces aspects lorsque nous préparerons notre rapport. Vous êtes ici en présence de témoins et j'aimerais que vous leur adressiez vos questions; nous pourrons débattre des mérites de tout cela après coup.

[Français]

    C'est bien ce que j'ai fait, monsieur le président, justement parce qu'il n'y a jamais eu de réponse de la part du gouvernement.

[Traduction]

    Je pense que nous avons compris où vous vouliez en venir.
    Nous passons maintenant à M. St-Denis qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins pour leur présence aujourd'hui. S'il nous reste du temps, je reviendrai à M. Fenn pour lui demander ce qu'il pense de la conférence de presse très médiatisée du ministre des Finances où il a raconté à quel point il était difficile d'acheter le plus récent Harry Potter au Canada — un commentaire qui l'a mis dans l'embarras par la suite, mais nous y reviendrons.
    J'espère également avoir l'occasion d'interroger Chris Jones au sujet du tourisme, mais comme ma circonscription du Nord de l'Ontario a la chance d'inclure Hearst à l'intérieur de ses 110 000 kilomètres carrés, je tiens à remercier le maire de cette ville qui a fait ce long voyage pour venir nous aider dans nos travaux aujourd'hui. Je dois préciser que le maire de Hearst est également président de la Northeastern Ontario Municipal Association, ce qui fait qu'il est fort bien placé pour nous parler d'un grand nombre de collectivités de cette région.
    Il nous a mentionné différentes communautés qui vivent des périodes difficiles en raison de la crise de l'industrie forestière, et je pourrais ajouter à cette liste des villes comme Espanola, pour les pâtes et papiers; Nairn pour sa scierie qui a fermé ses portes; Thessalon, dont la scierie Midway Lumber Mills est sur le point de faire de même; et Chapleau... mais il connaît toutes ces histoires.
    Supposons, monsieur Sigouin, que le gouvernement fédéral ait un programme de partenariat pour travailler avec vous et les autres collectivités de votre région. Vous avez des idées pour le développement économique. Vous souhaitez opérer la transition vers le prochain cycle de l'industrie forestière, ce qui se traduira par des changements. Vous voulez tirer parti des possibilités d'extraction de diamant dans la région de la baie James. Ce ne sont là que quelques-unes des options qui s'offrent à vous. La situation n'est pas désespérée. C'est la raison pour laquelle vous êtes ici. Il y a de l'espoir, mais des efforts de transition et de changement s'imposent. Avec les fonds fédéraux et provinciaux qui seraient ainsi injectés dans votre collectivité, pouvez-vous nous parler de quelques-unes des mesures que vous prendriez?
    Samedi dernier, nous avons commencé à échanger avec les représentants des premières nations, face à face.

[Français]

    Nous, le conseil de Ville de Hearst, et le conseil de bande de Countess Lake 92 avons échangé et avons appris à nous comprendre. Je pense que nous dépendons du Grand Nord. La solution consiste à développer le Grand Nord, aller aux ressources, tout en respectant les premières nations et à ce à quoi elles font face. Il faut les aider à faire avancer les choses. Il va sûrement y avoir des hauts et des bas, mais en tant qu'élus, il faut se comprendre, se soutenir et avancer.
    Aujourd'hui, certaines premières nations du Nord vont payer 8 $ pour une pinte de lait. Ces gens vivent dans des conditions inacceptables. Il faut essayer de les aider. Au bout du compte, nous allons bénéficier des ressources qui se trouvent dans le Grand Nord. Il faut travailler ensemble, respecter la culture des premières nations et aller de l'avant. Sinon, nous allons tous couler, nous serons incapables d'avancer. Je crois que les premières nations sont ouvertes à l'idée de travailler avec nous dans cette direction. Cela va très bien.
    J'encourage le gouvernement à investir de l'argent dans FedNor afin de nous aider à faire avancer des projets, surtout dans les communautés en difficulté qui ont besoin d'aide. Entre-temps, il y beaucoup de bureaucratie. Je m'excuse si j'insulte certaines personnes, mais la bureaucratie est très dure. On n'avance pas. Bien souvent, nous recevons de l'argent de la province, mais le gouvernement fédéral a tendance à mettre les freins pour ne pas nous aider. Je pense qu'il faut ouvrir les portes pour avancer, pour aider le nord de l'Ontario.

  (1635)  

[Traduction]

    Monsieur Lazar, vous nous avez souligné que le secteur forestier était celui qui offrait le plus grand nombre d'emplois à nos concitoyens autochtones. Je pense que beaucoup de gens l'ignoraient. Il s'agit d'une bonne nouvelle en soi, mais cela pose également des défis considérables.
    Je sais que votre organisation représente les employeurs, surtout les grands employeurs. Je sais aussi que les communautés sont importantes aux yeux des employeurs que vous représentez. Lorsque en période de ralentissement, les entreprises perdent leurs gens de métier au profit de l'exploitation pétrolière ou des mines de diamant des Territoires du Nord-Ouest, entre autres, c'est tout votre secteur qui en souffre à long terme.
    Mais vous nous avez également dit prévoir une reprise d'ici une trentaine de mois. Pensez-vous que l'industrie sera la même dans deux ou trois ans, ou aura-t-elle un nouveau visage?
    Vous parlez des employés autochtones, mais il est plus intéressant encore de noter que nous transigeons avec quelque 1 600 entreprises appartenant à des Autochtones. Non seulement les Autochtones comptent-ils pour une part importante de notre main-d'oeuvre, mais ils sont également très actifs au niveau entrepreneurial, et connaissent beaucoup de succès à ce chapitre.
    L'industrie va certes être différente. Il ne fait aucun doute que les usines seront moins nombreuses, mais plus efficientes. Il y aura de petites et moyennes entreprises qui auront fait le choix éclairé de se spécialiser dans certains créneaux; et il y aura également certaines très grandes entités qui miseront sur les économies d'échelle. Mais nous sommes voués à l'échec si nous essayons de maintenir le statu quo. Nous devons vivre un processus d'adaptation et c'est la raison pour laquelle nous vous demandons de ne pas verser de subsides, de ne pas intervenir. Si notre industrie essaie d'amorcer une transformation, aussi douloureuse puisse-t-elle être, laissez-nous aller, mais aidez-nous au chapitre des investissements et de l'innovation.
    Il est question de transition vers la biomasse. Notre secteur tire maintenant 60 p. 100 de son énergie de la biomasse renouvelable. Le gouvernement peut contribuer à accélérer cette transformation. Les efforts de développement de nouveaux produits, processus et marchés sont tous appuyés par les crédits d'impôt à la RS-DE qui ne nous sont pas accessibles, sans vouloir trop insister sur ce point.
    Merci.
    Merci beaucoup. Je pense que nous vous avons compris.
    Monsieur St-Cyr, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie tous d'être là.
    L'un d'entre vous, lorsqu'il a commencé, a dit que cela se répétait un peu et que nous entendions probablement toujours les mêmes choses. Je dois dire que c'est le cas. Mais personnellement, j'en suis très content. J'espère que cela va ouvrir les yeux de notre gouvernement et de notre ministre des Finances, que je qualifie de « jovialiste » puisqu'il dit toujours que tout va bien et qu'il n'y a pas de problèmes.
    C'est d'autant plus vrai que les 22 recommandations du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie dont on parlait plus tôt ne sont toujours pas mises en oeuvre, alors que le gouvernement a eu tout le temps de le faire. Il en a eu le temps lors du dernier budget de 2007 et il en a eu le temps lors du dernier énoncé budgétaire. Encore une fois, il n'y avait rien. Il y a deux ou trois semaines, le Bloc québécois a proposé une motion à la Chambre. Elle demandait au gouvernement d'intervenir. Le gouvernement a voté contre cette motion. Il ne semble pas voir l'urgence de la situation.
    Faisons-nous fausse route en disant que c'est urgent et qu'il faut agir dès maintenant? Nous avons entendu des spécialistes — vous êtes tous des spécialistes dans votre domaine — qui nous ont dit que la situation actuelle est en bonne partie une conséquence de la hausse du dollar à 80 ¢ et que le pire est à venir. Avons-nous raison de dire qu'il faut agir sans délai et qu'on ne peut plus attendre? Est-ce le cas? Est-ce que je me trompe en disant cela?
    Nous sommes entièrement d'accord avec vous. C'est très urgent; on ne peut pas attendre.

  (1640)  

[Traduction]

    C'est simplement parce que nous devons déterminer dès aujourd'hui où nous allons investir. Les décisions sont prises au jour le jour : faut-il investir au Canada ou plutôt privilégier les installations plus au Sud? Ainsi, plus nous donnons suite rapidement aux recommandations formulées par le comité sur le secteur manufacturier dans son rapport unanime, plus les investissements au Canada seront importants. On a tendance à examiner les données sur l'emploi pour évaluer la situation. C'était un bon indicateur à une certaine époque. Il faut maintenant voir où les investissements s'en vont et nous n'agirons jamais assez rapidement à ce chapitre. Il est très urgent que nous apportions ces changements.
    En toute équité, le gouvernement a pris bon nombre de mesures pertinentes et nous lui en sommes fort reconnaissants. Il faut aussi penser aux répercussions de cette hausse sans précédent — l'augmentation a atteint 65 p. 100 sur une période de cinq ans, ce qui ne se produit à peu près jamais. En Allemagne, la valeur de la devise a augmenté de 10 p. 100 et le ministre des Finances déclarait déjà qu'il y avait lieu de s'inquiéter, que l'on ne pouvait pas permettre une telle fluctuation. Le grand patron de la Banque européenne a commencé à parler des répercussions sur l'industrie d'une fluctuation de 10 p. 100 de la valeur de l'euro par rapport au dollar. Il semble que nous ayons simplement laissé aller les choses, et je ne critique personne en particulier pour cette attitude. Je pense que nos économistes, peu actifs sur la scène politique, se sont croisé les bras et n'ont fait que constater la situation. Les choses devraient se passer différemment.
    Je ne pense pas que le gouvernement soit impuissant face aux fluctuations du dollar. Il y a une philosophie qui guide les décisions de la Banque du Canada. C'est une philosophie basée sur la valeur nominale comme moyen de contrôle de l'inflation et un point de vue voulant que l'interventionnisme ne fonctionne pas. Cependant, lorsque M. Dodge et M. Flaherty ont exprimé leurs sérieuses inquiétudes, les spéculateurs ont saisi le message et la valeur du dollar a commencé à redescendre.
    J'estime donc que nous devons agir de façon plus responsable à l'égard de notre devise, car elle est à la base de notre économie. Je ne dis pas que nous devrions fixer la valeur du dollar ou intervenir de manière à l'établir à un niveau qui ne serait pas logique du point de vue économique, mais il faut bien admettre que la vigueur économique du Canada par rapport aux États-Unis ne peut pas varier de 20 p. 100 par année. Notre productivité n'a pas augmenté suffisamment pour justifier une hausse de 20 p. 100. Pas plus que la productivité des Américains n'a diminué d'ailleurs. Les fluctuation du dollar sont le fait des spéculateurs, plutôt que des caractéristiques fondamentales de l'économie. Il va de soi que notre dollar ne devrait pas valoir 70 ¢, mais il ne devrait pas non plus grimper autant aussi rapidement. Sa valeur devrait varier en fonction de la conjoncture économique, plutôt que de l'appétit des spéculateurs.
    Merci beaucoup monsieur Lazar, et merci à M. St-Cyr. Vous n'avez plus de temps.
    Nous passons maintenant à M. Dykstra pour une période de cinq minutes.
    J'aimerais poursuivre dans le même sens. On peut toujours se livrer au jeu de la politique pour essayer de savoir qui agit assez rapidement, qui n'en fait pas suffisamment, qui devrait en faire plus, et quelles mesures devrait prendre le gouvernement. C'est un gouvernement minoritaire; nous n'avons pas de majorité. Nous ne pouvons pas mettre en oeuvre toutes les solutions que nous jugeons pertinentes, car nous devons travailler de concert avec nos collègues. C'est une réalité que nous devons rappeler à l'opposition de temps à autre.
    Vous avez traité de la hausse effrénée du dollar, et c'est un point très important. Chose intéressante, nous n'avons que très peu parlé de cette question, même si c'est la raison pour laquelle vous avez été convoqué ici aujourd'hui. Nous avons consacré beaucoup de temps aux recommandations concernant les mesures que nous devrions prendre pour améliorer la situation dans les différents secteurs que vous représentez. C'est à la fois intéressant et utile parce que nous tenons également nos consultations prébudgétaires.
    Pour revenir à la question du dollar, sa montée irrésistible est uniquement attribuable, à mon sens, aux visées spéculatives des investisseurs. C'est ainsi que les choses se passent et on ne peut pas vraiment y faire quoi que ce soit. Lorsque la situation évolue aussi rapidement, il devient très difficile pour une organisation, et même pour un gouvernement, d'adopter une approche qui n'est pas uniquement réactive et fondée sur des solutions de fortune, pour plutôt se tourner vers des transformations fondamentales qui seront bénéfiques à long terme.
    Vous avez mentionné la montée en flèche de la valeur du dollar. N'aurait-on pas raison d'affirmer que si nous souhaitons aller de l'avant, nous devons nous assurer de prendre les mesures qui s'imposent, plutôt que de concentrer nos efforts sur les problèmes qui nous apparaissent urgents?
    Je ne vais certes pas prétendre qu'il ne faut pas prendre les mesures qui s'imposent, mais nous devons aussi régler les problèmes urgents. Autrement dit, il faut prendre les mesures qui s'imposent de toute urgence. Est-ce que nous allons vous exhorter à opter pour des solutions qui semblent appropriées à court terme, mais qui seraient stupides à long terme? Non, ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous ne voulons pas de subsides. Nous ne voulons pas que vous vous ingériez dans l'économie d'une manière qui pourrait miner notre capacité concurrentielle. Mais il y a certaines mesures que vous pouvez prendre sur-le-champ pour créer un climat commercial plus propice.
    Je sais que cela nous ramène à l'amélioration du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental et à la possibilité de le rendre entièrement remboursable. Nous avons tout au moins lancé des consultations quant aux moyens à prendre pour nous assurer qu'il fonctionne mieux. Je présume que vous allez contribuer également à cet exercice. S'il nous faut aller de l'avant et consentir un investissement de cet envergure, nous voulons nous assurer de faire les choses correctement de telle sorte que les entreprises que vous représentez puissent en tirer un véritable avantage, car il ne suffit pas de foncer et de faire des annonces. On peut projeter une image d'efficacité en annonçant différentes mesures, mais si on ne joint pas le geste à la parole, vos industries ne s'en porteront guère mieux.

  (1645)  

    Il est tout à fait louable de faire montre de la diligence voulue, pour autant que cela mène à des actions concrètes. Nous trouvons certes normal que l'on veuille intervenir sans tarder et effectuer les recherches nécessaires, mais il faut que cela se traduise par des actions tangibles.
    Vous devez également comprendre le point de vue des villes qui dépendent de ces industries en pleine transformation: si ces investissements sont dirigés vers les États-Unis demain, ils ne nous reviendront pas le lendemain lorsque le comité présentera son rapport. Le temps est donc une considération importante.
    Cela ne fait aucun doute. Mais lorsque la valeur du dollar grimpe de 10 ¢ en moins de 10 jours, il devient très difficile de pouvoir affirmer que nous allons mettre en oeuvre des politiques qui auront pour effet immédiat d'améliorer considérablement le sort d'une entreprise, parce que ce n'est tout simplement pas le cas.
    Même si les crédits de recherche dont il est question devenaient totalement remboursables, vous devriez tout de même investir ces fonds au départ. Dès le début, vous devez déterminer quel sera le produit développé et vous n'obtenez le remboursement qu'à la fin du processus. Vous devrez tout de même consentir ces investissements et les entreprises qui ne réalisent pas de bénéfices ne pourront pas faire de recherche scientifique parce qu'elles ne disposent pas des fonds nécessaires au départ.
    Je voudrais seulement faire une petite vérification auprès de mon économiste en chef. Nos investissements ne se chiffrent-ils pas à 4 milliards de dollars par année?
    Il y a donc de l'argent qui est injecté. Suivant le mode de fonctionnement actuel, les crédits d'impôt s'accumulent de telle sorte que les investissements passés puissent être reconnus. Cette reconnaissance est obtenue lorsque la rentabilité est établie. Nous demandons que cela se fasse dès maintenant, en période d'adaptation.
    Nous savons que vous n'avez pas de baguette magique. Nous savons que la fée des dents ne fait pas partie du gouvernement et que vous n'allez pas faire disparaître tous nos problèmes. Mais nous savons aussi que l'effort d'adaptation doit surtout venir de nous, que nous devons procéder à une transformation. Nous souhaitons simplement que vous créiez un climat commercial qui nous faciliterait la tâche, c'est tout.
    En tout cas, c'est certainement ce que nous avons essayé de faire avec les budgets de 2006 et 2007. Les voici. Je les ai examinés encore une fois pendant que nous discutions et lors de ma préparation à cette réunion. L'énoncé économique et toutes ces mesures sont des éléments moteurs qui indiquent bien que notre gouvernement s'efforce d'aider les entreprises — nous essayons de nous assurer de pouvoir continuer à soutenir la concurrence et nous nous efforçons d'en arriver au taux d'imposition le plus bas parmi les pays du G-7. À la lumière de tout cela, je constate que nous devons bien évidemment continuer de travailler ensemble pour obtenir des résultats qui seront bénéfiques pour tous.
    Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'aurais une question rapide à adresser à M. Jones. Vous avez parlé de mise en marché aux États-Unis. Vous avez fait allusion aux députés de la région du Niagara dont je fais partie. Il va de soi que je vous suis reconnaissant pour cette mention ainsi que pour les efforts que vous déployez pour l'industrie touristique, non seulement au Canada mais aussi dans la région du Niagara.
    Je m'intéresse à l'aspect marketing de la question. S'il doit y avoir un avantage direct, pourriez-vous nous indiquer très brièvement quelle en serait la nature?
    Très rapidement.
    Au cours des dernières années, nous avons observé un déplacement de la population et de la richesse économique du nord-est des États-Unis vers les États du sud-ouest et du Midwest — la région des Rocheuses. On parle ici de marchés américains à moyenne et à longue distance. Il n'est plus question d'États frontaliers. Pour intéresser ces gens, nous devons faire de la promotion au Nevada; nous devons être présents au Colorado. Nous devons étendre notre mise en marché à des endroits qui ne sont pas nécessairement adjacents aux provinces canadiennes.
    La Commission canadienne du tourisme a besoin d'argent pour se rendre dans ces endroits et présenter ses produits de telle sorte que les gens qui y vivent puissent envisager des vacances au Canada, plutôt que d'aller au Mexique ou dans les Antilles.
    Il nous faut donc un financement accru pour la Commission canadienne du tourisme. Par ailleurs, nous tenons à remercier le gouvernement pour son annonce concernant les fonds consentis relativement aux Jeux Olympiques. Son aide nous est très profitable.
    Merci beaucoup.
    Monsieur McKay, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais m'adresser à M. Darby et M. Fenn qui semblent un peu délaissés à l'autre bout de la table.  
    Monsieur Fenn, vous avez parlé brièvement de la performance du ministre des Finances avec l'un de vos Harry Potter, et même de ces querelles qui éclatent dans vos librairies lorsque les détaillants se retrouvent dans la position très inconfortable d'avoir à expliquer à leurs clients les coûts des intrants d'un produit, mais pouvez-vous nous dire quels ont été les effets de la volatilité du dollar sur le volume de vos ventes au cours des six dernières semaines?
    Dès que le dollar américain a commencé à perdre du terrain, les consommateurs se sont mis à s'intéresser aux écarts dans le prix au détail. Les éditeurs ont dû réagir immédiatement en baissant les prix pour suivre ce qui se produisait sur le marché américain. Nos prix ont ainsi chuté de près de 25 p. 100, ce qui a réduit d'autant nos revenus.
    Comme il se doit, tous nos budgets sont établis au début de notre exercice financier, quand ce n'est pas encore plus tôt. Nous avons donc subi une baisse de revenus. Comme tous nos coûts demeurent inchangés, l'impact est dévastateur pour tout le secteur de l'édition; pas seulement pour les entreprises canadiennes, mais aussi pour les multinationales.

  (1650)  

    Ainsi, ce qui s'annonçait comme une bonne année serait en train de tourner au cauchemar?
    Nous connaissions une année extraordinaire. Notre exercice financier se termine le 30 avril et nous savons que le dernier trimestre sera très difficile, car nous venons à peine de finaliser notre liste de publications pour le printemps. Nous avions fixé des prix pour tous les ouvrages dont nous avons fait l'acquisition il y a 18 ou 24 mois, et nous avons dû réduire tous ces prix pour essayer de soutenir la concurrence. En conséquence, nos activités ne seront plus rentables.
    Dans un tel contexte, je pense que nous verrons un grand nombre de petits éditeurs indépendants canadiens connaître des difficultés, si ce n'est carrément disparaître.
    Merci.
    J'aimerais bien entendre le ministre des Finances se lancer dans l'une des ses diatribes à des fins positives.
    Je vais adresser ma prochaine question à M. Darby.
    Nous avons l'exemple d'une situation où le ministre des Finances nous a livré l'une des ses diatribes dans un but louable, c'est-à-dire pour tenter d'exprimer ses inquiétudes quant à la volatilité du dollar canadien. Bien évidemment, le gouverneur de la Banque du Canada s'est également servi de son pouvoir de persuasion de manière responsable en essayant de faire baisser la valeur du dollar, ou de lui insuffler une certaine stabilité.
    Monsieur Darby, presque tous les témoins provenant de la sphère économique affirment que nous disposons d'une marge de manoeuvre suffisante pour que la Banque du Canada réduise les taux d'intérêt. Je présume que vos êtes du même avis, mais je ne sais pas si vous pourriez me dire, d'un point de vue économique, en quoi une réduction des taux d'intérêt pourrait aider, par exemple, le secteur de M. Lazar ou les autres industries, et quels seraient les impacts sur l'inflation d'une telle décision de la Banque du Canada?
    L'impact le plus direct pour l'industrie représentée par M. Lazar viendrait de la fluctuation du dollar canadien en raison des taux d'intérêt moins élevés. Les actifs financiers canadiens deviendraient ainsi moins attrayants par rapport aux actifs américains. Les rentrées de fonds pour l'acquisition de ces actifs au Canada seraient inférieures, ce qui atténuerait les pressions s'exerçant sur le dollar canadien alors que les investissements s'effectueraient ailleurs. Comme le secteur des produits forestiers est largement dépendant du dollar canadien, j'estime que les impacts d'une réduction des taux d'intérêt se feront d'abord et avant tout ressentir par le truchement d'un dollar plus faible.
    Lorsque nous parlons d'une marge de manoeuvre pour réduire la valeur de notre dollar, je pense que nous songeons surtout à la possibilité d'un ralentissement aux États-Unis et au fait que nos voisins du Sud ont déjà baissé leurs taux d'intérêt dans une certaine mesure. Et je dois dire en toute franchise que je ferais montre de prudence à cet égard, car les aspects liés à l'inflation ne sont pas négligeables à ce moment-ci. Le Canada se retrouve dans une situation étrange en raison d'une économie que j'estime légèrement scindée du point de vue géographique; il faut s'attendre à d'importantes pressions inflationnistes dans l'Ouest, comme nous le savons. Il semble bien que l'économie canadienne dans son ensemble, si l'on fait abstraction des secteurs qui éprouvent des difficultés en raison du dollar, se rapproche grandement du plein emploi, si elle ne l'a pas déjà atteint. Je dirais donc qu'il n'est pas nécessairement très prudent de recourir à une nouvelle solution choc pour stimuler l'économie, si vous me permettez l'expression, en réduisant considérablement les taux d'intérêt.
    Si vous me laissez encore deux secondes.
    Est-ce qu'un baisse de 50 points de base aurait un effet qui durerait plus de cinq minutes?
    Vous avez cinq secondes pour répondre.
    Oui, une diminution de 50 points de base aurait un impact qui durerait plus de cinq minutes.
    Monsieur Fast, vous avez cinq minutes.
    Je vais céder mon temps de parole à M. Wallace.
    D'accord, monsieur Wallace.
    Merci, monsieur le président. J'ai le plaisir de pouvoir intervenir de nouveau, ce qui est formidable.
    Le sujet est assez semblable, mais nous avons parlé de la demande et des facteurs de ce genre et je voudrais poser une question à nos amis du secteur forestier.
    Vous aimez parler des recommandations et je ne veux pas discuter avec mes collègues de ce qui a été effectivement mis en oeuvre, par rapport à ce qui a été annoncé. J'étais auparavant dans le secteur privé; j'ai travaillé pour ces vilaines compagnies pétrolières, pour Imperial Oil et pour Texaco Canada lorsque cette entreprise était encore en opération dans ce pays. J'ai également travaillé au sein de très petites entreprises. La vitesse de réaction varie d'une entreprise à l'autre. Plus une entreprise est grande, plus elle est lente à réagir, cela ne fait aucun doute. Le gouvernement ne fait pas exception à cette règle. Nous essayons de faire de notre mieux, mais l'une des recommandations — et je parle des recommandations du comité, car vous les avez toutes citées — concernait une analyse d'impact relativement à d'éventuels accords de libre-échange avec la Corée du Sud et l'Association européenne de libre-échange. Est-ce que votre organisation, qui représente le secteur forestier, a des observations à formuler concernant ces ententes possibles avec la Corée du Sud et l'Europe?

  (1655)  

    Nous sommes entièrement favorables au libre-échange tous azimuts. Il n'y a pas de tarifs douaniers sur les produits forestiers qui entrent au Canada, mais il y en a pour les produits qui en sortent pour certains de nos clients. Nous exhortons le gouvernement à mettre tout en oeuvre pour ouvrir les voies commerciales toutes les fois que cela est possible. Les travailleurs canadiens voient leur production se retrouver sur les marchés internationaux, sans bénéficier d'aucune protection au pays, et nous voudrions que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.
    Sur le marché canadien — et je sais que sa taille est très réduite par rapport à certains autres — quelle est la proportion de produits forestiers qui sont importés? En avez-vous la moindre idée?
    C'est sûrement très faible. Nous sommes le plus grand pays exportateur de produits forestiers au monde. Personne n'est aussi efficace que nous en matière d'exportation sur les marchés internationaux. Nous exportons presque deux fois plus que notre plus proche concurrent, les États-Unis, et autant que la Finlande et la Suède réunies. Très peu de produits forestiers sont importés au Canada. Ce sont nos gros clients qui importent certains produits pour nous rappeler à l'ordre relativement aux prix. Ainsi, lorsque nous essayons d'augmenter d'un sou le prix de la tonne de pulpe, nos clients se mettent tout à coup à appeler les Chinois et nous faisons marche arrière. Mais nous sommes d'abord et avant tout une industrie d'exportation.
    Merci.
    J'ai une question pour M. Jones, si cela est possible.
    J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur la politique d'ouverture des espaces aériens. Je pense que nous avons signé récemment un accord avec un nouveau partenaire en la matière. Si nous sommes capables de permettre une plus grande concurrence étrangère susceptible de stabiliser l'offre de vols, en quoi cela est-il important pour votre industrie? Et quel devrait être notre premier objectif dans ce dossier?
    Merci. C'est une bonne question.
    En guise de contexte, je vous dirais que le Canada a conclu jusqu'à maintenant deux ententes relativement à l'ouverture des espaces aériens; les États-Unis en ont environ 70. Nous venons d'amorcer la négociation d'un nouvel accord avec l'Union européenne.
    Il serait extrêmement avantageux pour notre industrie de pouvoir compter sur un plus large éventail de destinations étrangères reliées au Canada, une plus vaste gamme d'options de vols et de tarifs et un plus grand nombre de compagnies aériennes. Du point de vue du Canada, plus il y en a, mieux c'est. De nombreux marchés canadiens, de Terre-Neuve jusqu'à la Colombie-Britannique, signalent un manque de ponts aériens et de capacité de vol pour l'entrée de visiteurs au Canada. Les accords semblables sont extrêmement utiles et nous devons encourager les responsables de Transports Canada à en négocier encore plus.
    Si vous me laissez encore quelques secondes, je vous dirai que le plus important problème réside dans le coût structurel de l'aviation au Canada qui constitue un frein important aux déplacements, tant par les Canadiens à l'intérieur du pays que par les étrangers. Les loyers des aéroports, les droits pour la sécurité des passagers du transport aérien et un ensemble d'autres droits et frais ont pour effet combiné de faire de l'aéroport Pearson le plus dispendieux au monde pour faire atterrir un avion, selon l'IATA. L'impact est dévastateur pour le tourisme, l'industrie du congrès et toutes ces activités qui ont besoin de Pearson comme porte d'entrée pour les étrangers. Toute mesure visant à réduire les coûts structurels de l'aviation au Canada serait donc fort bien accueillie par notre industrie.
    Je vous remercie beaucoup et je remercie tous nos témoins.
    Au bénéfice de nos témoins, et en guise de rappel aux membres du comité, je reviens à la référence faite au rapport unanime d'un comité qui a travaillé sans considération partisane dans les meilleurs intérêts des Canadiens. Nous allons nous aussi produire un rapport. Nous essayons d'agir dans le même sens. Malgré les quelques attaques politiques que vous avez pu relever, je peux vous garantir que la présidence s'efforce d'emprunter la même avenue dans le cadre des travaux de ce comité.
    Je vous remercie donc pour vos exposés et nous allons maintenant accueillir un nouveau groupe de témoins.
    Nous vous écoutons, monsieur Crête.

[Français]

    Monsieur le président, je veux simplement annoncer que mercredi prochain, je souhaite que l'on dispose de la motion que j'ai déposée et qui se lit comme suit :
Que conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité permanent des Finances recommande au gouvernement de mettre en place, le plus rapidement possible, les mesures fiscales comprises dans le rapport unanime concernant le secteur manufacturier de février 2007, intitulé : [...]
    Il faut insérer le titre du rapport.
    Je souhaite que mercredi prochain, à la fin de la rencontre, on dispose de la motion, qui aura été déposée 48 heures auparavant.

  (1700)  

[Traduction]

    D'accord. Nous allons en discuter à la fin de la prochaine réunion. C'est très bien. Nous allons simplement modifier l'ordre du jour en conséquence.
    Cela nous convient très bien. Merci.
    Bien. Merci.
    Nous allons interrompre nos travaux pendant une minute ou deux, le temps que l'on procède aux ajustements nécessaires.

    


    

    Nous reprenons nos travaux en souhaitant d'abord la bienvenue à nos témoins.
    Nous recevons M. Stephen Jarislowsky qui témoignera via téléconférence.
    Monsieur Jarislowsky, pouvez-vous nous entendre?
    C'est parfait de notre côté également. Merci d'être des nôtres. Nous allons vous laisser la parole le moment venu; je voulais simplement m'assurer que nos microphones fonctionnent bien.
    Nous accueillons aussi un représentant du Conseil canadien des chefs d'entreprise,

[Français]

l'Union des producteurs agricoles,

[Traduction]

    David Tougas, et je viens de présenter M. Jarislowsky.
    Nous allons débuter avec M. David Stewart-Patterson, vice-président exécutif du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre exposé.

  (1705)  

    Je ferai de mon mieux, monsieur le président. Merci.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité pour discuter de l'incidence de l'appréciation du dollar canadien sur notre économie. Il me semble qu'il y a à peine quelques années, nous nous inquiétions de la faiblesse de notre dollar. Cette faiblesse était attribuable, entre autres, à notre situation financière précaire et au bas cours des produits de base. Nous nous plaignions que celle-ci nuisait à notre productivité, ajoutait aux pressions inflationnistes, et nous rendait vulnérables aux prises de contrôle étrangères. Quand j'y pense aujourd'hui, je me remémore le vieil adage : méfiez-vous de ce que vous souhaitez.
    Une monnaie forte présente tout de même de nombreux avantages. Les consommateurs paient moins cher les produits importés des États-Unis. Si le dollar se maintient à un niveau élevé, les prix continueront de diminuer à mesure que les produits entreront sur le marché. Les entreprises peuvent aussi tirer profit de la force du dollar. Étant donné que les prix à l'importation sont à la baisse, il est plus rentable d'investir dans l'achat de machinerie et d'équipement importés, que nous fournissent, en grande partie, nos voisins du Sud. La pression à la baisse exercée sur les coûts pour les entreprises et les consommateurs rend plus facile, pour la Banque du Canada, de justifier les bas taux d'intérêt, ce qui, évidemment, profite aux entreprises et aux familles.
    Toutefois, ne vous méprenez-pas, la valeur actuelle de notre dollar et l'incroyable rapidité de son appréciation posent de réels problèmes pour notre économie. Dans le secteur des ressources, le resserrement du marché de la main-d'oeuvre a une incidence à la hausse sur les coûts du dollar canadien même si le taux de change qui nous est favorable atténue grandement la montée des cours mondiaux des produits de base exprimés en dollars américains. Le secteur manufacturier a déjà dû supprimer des centaines de milliers d'emplois, et ce n'est qu'un début.
    Les exportateurs de services sont aussi durement touchés puisqu'ils doivent payer en argent canadien, ce qui représente leur plus gros poste de dépenses. Cela comprend l'industrie touristique, d'une importance vitale, qui subit les conséquences de la flambée du dollar et des exigences plus sévères en matière de sécurité, actuelles et prévues, à la frontière américaine.
    À l'avenir, le plus gros risque réside dans les causes de la dépréciation du dollar américain, non seulement par rapport au nôtre, mais aussi par rapport à toutes les grandes devises. Les États-Unis accusent d'énormes déficits budgétaires, commerciaux et courants; une situation dont le Canada se souvient très bien. Le véritable danger, c'est que ces facteurs négatifs, amplifiés ces derniers mois par la crise sur les marchés financiers et hypothécaires aux États-Unis, pourraient plonger ce pays dans une récession. Le déclin de notre principal marché d'exportation aggraverait certainement les dommages déjà causés par la chute du dollar américain.
    Mais, le pire dans tout cela, ce n'est pas le niveau absolu de notre dollar par rapport au billet vert, mais plutôt la vitesse et la volatilité des fluctuations. Avec le temps, les entreprises canadiennes pourront absorber la hausse du dollar, soit en déménageant soit en achetant à l'étranger, soit en investissant dans de nouvelles technologies, ici au Canada, qui offrent une meilleure qualité à un coût moindre. Je privilégierais la dernière solution.
    En revanche, ce type d'investissements ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut du temps pour développer de nouvelles technologies, les acheter puis les mettre en place. Récemment, lorsque le dollar a atteint un sommet pour s'établir à 1,10 $, il avait enregistré une hausse incroyable de 29 p. 100 depuis le début de l'année — et de 74 p. 100 par rapport aux cinq dernières années. Même si les entreprises investissent de manière audacieuse, elles ne pourront pas composer avec la rapidité des mouvements.
    Il faut reconnaître que, jusqu'à présent, le Canada a remarquablement bien réussi à remplacer les emplois perdus dans le secteur manufacturier. Certaines études révèlent même que les nouveaux emplois créés sont meilleurs. Toutefois, je dirais qu'une telle performance ne peut pas durer indéfiniment face à la montée du dollar canadien et à une économie américaine chancelante.
    Ce que les gouvernements peuvent et doivent absolument faire, c'est aider les entreprises à intensifier leurs investissements, lesquels sont nécessaires si nous voulons continuer à créer des emplois dans ce pays.
    Les gouvernements fédéraux qui se sont succédés ont fait du bon travail en réduisant progressivement le taux de l'impôt fédéral des sociétés prévu par la loi. Mais vu les délais associés aux grands investissements de capitaux, à mon avis, le gouvernement fédéral devrait prolonger la déduction pour amortissement accéléré, comme il l’a annoncé dans le dernier budget, ce qui permettrait aux manufacturiers d’amortir leurs investissements en équipements plus rapidement. Il devrait également envisager de soutenir les moteurs de l’innovation, notamment par un crédit d’impôt pour le développement expérimental et la recherche scientifique.
    Même s’il est bien d’encourager les investissements des entreprises par le biais du régime fiscal, nous devons néanmoins savoir quoi faire lorsque les entreprises ne réalisent aucun profit imposable et comment nous assurer que nos mesures incitatives seront efficaces.
    Dans tous les cas, l’aide sur le plan fiscal ne doit pas venir uniquement du gouvernement fédéral; les gouvernements provinciaux doivent aussi collaborer. Il est très urgent d'agir, particulièrement au coeur du secteur manufacturier du pays : l’Ontario, qui affiche actuellement l’un des taux d’imposition réels les plus élevés sur les nouveaux investissements du monde industrialisé. Les provinces réduisent progressivement l’impôt sur le capital — ce qui est une bonne chose —, mais la prochaine étape importante doit viser l’Ontario, la Colombie Britannique et les autres provinces qui perçoivent encore une taxe de vente sur les intrants d’entreprises. Ces dernières devraient plutôt prélever une taxe sur la valeur ajoutée, de préférence harmonisée, semblable à la taxe fédérale sur les produits et services. Les gouvernements provinciaux devraient également éliminer rapidement leur impôt sur le capital et faire des efforts pour réduire le taux d’imposition des sociétés.

  (1710)  

    Si les gouvernements veulent assurer la croissance économique du pays, alors que notre plus grand marché traverse une importante crise, ils ne doivent pas seulement s’attaquer à la politique fiscale, mais bien à toutes les politiques qui font augmenter inutilement les coûts d'exploitation.
    Le gouvernement fédéral doit se conformer à l’initiative de la réglementation intelligente, en réduisant de 20 p. 100 le fardeau réglementaire pesant sur les entreprises canadiennes. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent continuer de lever les obstacles à la circulation des biens, des personnes et des investissements à nos frontières provinciales — et aussi s’assurer qu’on atteigne les autres objectifs importants, par exemple en ce qui a trait aux changements climatiques —, de façon à accroître la compétitivité du Canada et non pas le contraire.
    J’aimerais ajouter, monsieur le président, que le Canada doit veiller à ce que les personnes et les marchandises franchissent librement les frontières du pays. Pour ce faire, il faut investir massivement dans les transports et les infrastructures transfrontalières, et il n'en est que plus important d’accroître l’efficacité de l’économie nord-américaine, en particulier en s’assurant que la frontière canado-américaine demeure ouverte et organisée. Des services frontaliers efficaces sont essentiels pour que les entreprises canadiennes puissent continuer à livrer concurrence aux entreprises étrangères. En outre, la combinaison possible d’une frontière trop axée sur la sécurité et restrictive et d’un dollar canadien fort encourage les entreprises à investir aux États-Unis plutôt qu’au Canada.
    J’admets que les recommandations visant à réduire l’impôt sur les investissements, à simplifier la réglementation et à assurer une bonne circulation à la frontière canado-américaine ne datent pas d’hier. Elles s’appliquaient même lorsque le dollar était faible. Ce que j’aimerais vous dire aujourd’hui, monsieur le président, c’est que ces solutions sont non seulement plus pertinentes dans le contexte actuel, mais elles sont devenues une nécessité, étant donné l’envolée rapide du dollar.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup. Vos observations sont très appréciées.
    Nous allons maintenant entendre notre prochain témoin. Nous passons d’un économiste à un président. Il me semble que c’est un échange équitable.
    Accueillons Laurent Pellerin, président. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je remercie d'abord les membres de ce comité d'avoir accepté d'entendre nos propos sur la situation et sur les effets de l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain plus particulièrement, mais aussi, plus largement, par rapport à d'autres devises du monde.
    La plupart d'entre vous connaissez notre organisation, l'Union des producteurs agricoles. Cette organisation représente les producteurs agricoles et forestiers du Québec. Du côté agricole, nous comptons 43 000 agriculteurs regroupés dans une trentaine de milliers fermes partout au Québec, avec un chiffre d'affaires de vente à la ferme de 6,2 milliards de dollars.
    Le secteur forestier, que nous représentons par l'entremise de la Fédération des Producteurs de Bois du Québec, compte 130 000 propriétaires de forêts privées dont la mise en marché de produits forestiers représente 20 p. 100 de l'approvisionnement des usines du Québec. Il s'agit donc de presque 30 000 emplois directs sur ces superficies forestières, sans parler des effets d'entraînement dans les secteurs de la transformation.
    D'entrée de jeu, nous tenons à souligner que l'appréciation relative du dollar canadien par rapport au dollar américain génère des effets sans précédent qui déstructurent notre secteur d'activité. L'ampleur et la rapidité de la hausse de notre devise nationale — près de 30 p. 100 d'appréciation par rapport au dollar américain en deux ans seulement — est liée en très grande partie à la hausse du baril de pétrole. À cet effet, j'ai inclus un graphique qui illustre cette variation. La hausse du coût de l'énergie et la difficulté de mise en marché augmentent nos coûts de production. Ce changement structurel et quasi instantané a eu pour effet de réduire grandement la compétitivité des filières agricole et forestière québécoises.
    Comme la politique monétaire est de compétence fédérale, il nous apparaît essentiel que le gouvernement du Canada assume son leadership en introduisant des mesures d'accompagnement à notre secteur qui traverse cette crise.
    Lors de la rencontre des ministres de l'Agriculture, les 16 et 17 novembre derniers à Toronto, l'industrie a illustré les effets néfastes de la hausse du taux de change sur le secteur agricole, notamment dans le secteur des viandes, et cela a occupé une partie très importante de la discussion des ministres de l'Agriculture.
    Voici plusieurs répercussions de l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain : l'impact sur le revenu des producteurs; la baisse des prix du marché; les pertes de marchés; la hausse des importations sur nos marchés; la baisse de nos exportations — particulièrement celles du secteur forestier qui, dans son ensemble, subit un dur coup —; et l'inefficacité des mesures canadiennes pour pallier cette crise, tant forestière qu'agricole.
    Vous devez savoir que dans le secteur agricole, la plupart des prix de nos denrées agricoles sont fixées d'après le Chicago Exchange, qu'il s'agisse des céréales, du boeuf, du porc ou de certains produits maraîchers. Tout ce qui se répercute sur cette bourse a un effet sur le marché canadien, une fois le taux de change appliqué.
    Pour le seul secteur porcin québécois, cela représente un manque à gagner net de près de 200 millions de dollars, seulement pour l'année 2007. Si je fais le même calcul à l'échelle du Canada, ce montant est de l'ordre de 600 millions de dollars de pertes de revenus pour l'ensemble du secteur de la production canadienne de porc. Lorsque je parle de production, cela ne comprend pas l'abattage. Vous savez que c'est notre deuxième exportation agricole en importance, et parfois notre première. C'est donc un coup extrêmement dur.
    Cela a aussi un impact sur le marché intérieur. La baisse substantielle de la valeur du dollar américain rend ces mêmes denrées très attrayantes sur le marché canadien parce qu'elles sont maintenant offertes ici à des prix beaucoup plus bas que les nôtres. Cela crée un effet de substitution sur nos propres marchés.
    Par ailleurs, sur les marchés d'exportation autres que ceux des États-Unis, où nous sommes en compétition avec les produits américains, ceux-ci nous font une rude concurrence et nous font perdre des marchés d'exportation.

  (1715)  

    Selon une étude d'une université américaine, chaque fois que le dollar canadien s'apprécie de 1 p. 100, 0,2 p. 100 de nos exportations vers les États-Unis disparaissent à court terme et, à moyen terme, 0,5 de 1 p. 100 de nos exportations disparaissent. Il ne faut donc pas minimiser l'impact à moyen terme de ce qui est en train de se produire. Ce que l'on voit à court terme n'est que la pointe de l'impact total que cela pourrait représenter. L'Impact se situera entre 1,5 milliard de dollars et 4 milliards de dollars à la ferme au cours des prochaines années.
    Dans le secteur forestier, 66 usines ont fermé leurs portes au Québec. Des producteurs de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, de l'Abitibi-Témiscamingue n'ont aucun canal de mise en marché, à cause de l'impact de la valeur dollar canadien sur nos exportations.
    À l'occasion de cette séance du comité, nous faisons aujourd'hui quatre demandes : mettre en place un plan d'action d'urgence pour pallier les effets néfastes de la valeur du dollar canadien; donner suite à l'initiative de M. Charest, premier ministre du Québec, de tenir dans les plus brefs délais un forum entre les premiers ministres provinciaux et le premier ministre du Canada; mettre rapidement en place, en lien avec la récente rencontre des ministres de l'Agriculture, des mesures pour les secteurs porcin, bovin et maraîcher, car en plus nous sommes en train de perdre nos abattages, qui s'en vont de plus en plus vers les États-Unis; mettre en place, tel que demandé par la Fédération canadienne de l'agriculture, un programme agri-flexibilité permettant aux provinces d'accéder à du financement fédéral pour des programmes provinciaux.
    Merci de votre attention.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C’est maintenant au tour de M. Jarislowsky, président et directeur de Jarislowsky Fraser Limited.
    La parole est à vous. Nous vous accordons cinq minutes.
    Je ne me suis pas vraiment préparé aujourd'hui car je ne savais pas de quoi nous allions parler, mais comme c'est un dossier que je connais particulièrement bien, je ne pense pas avoir trop de problèmes.
    Il y a environ trois ans, j'ai rencontré M. Dodge et je lui ai dit que la valeur du dollar avait déjà augmenté considérablement. Dans un pays où le tiers du produit brut dépend des États-Unis et où 85 p. 100 des exportations sont destinées aux Américains, on ne peut pas se permettre de traverser, tous les 20 ans, une période où le secteur des produits de base se porte bien et où l'industrie manufacturière tire littéralement le diable par la queue. Toutes nos usines de fabrication pâtissent de la force du dollar et, si le taux de change se maintient à un niveau élevé, elles devront soit déclarer faillite, soit déménager.
    Je lui ai dit, à ce moment-là, que l'inflation était un facteur, mais que, pour un pays aussi dépendant d'un autre, le taux de change avait une incidence énorme.
    Même vos députés des partis les plus socialistes diraient que si vous aviez haussé vos salaires de 29 p. 100 en un an — comme nous l'avons fait cette année en raison du taux de change entre le Canada et les États-Unis — et de 74 p. 100 sur une période de quatre ans, les syndicats seraient intervenus. Je ne peux pas concevoir que des entreprises en soient capables sans courir le risque de faire faillite.
    Jusqu'à tout récemment, j'étais directeur de Canfor, la plus grande scierie au Canada. Même si je ne siège plus au conseil d'administration, je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, toutes les scieries au Canada perdent de l'argent à cause du taux de change, malgré le fait que nous ayons investi des centaines de millions de dollars dans l'achat de nouveaux équipements lorsque nous en avions les moyens.
    On nous dit très souvent que c'est le moment d'investir, mais si vous êtes au bord de la faillite et que le dollar continue de s'apprécier, je vous répondrais que ce serait gaspiller de l'argent. Tant qu'à faire faillite, aussi bien investir son argent ailleurs plutôt que d'injecter des capitaux dans l'entreprise.
    Un pays qui entretient une relation aussi étroite avec un autre, comme le Canada avec les États-Unis — et je pense à long terme —, aura beaucoup de difficulté à attirer des investisseurs dans le secteur manufacturier, puisque ces 60 dernières années, soit depuis la Seconde Guerre mondiale, nous essayons de développer cette industrie. Toutefois, d'après ce qu'on a pu voir au cours des dernières années, celle-ci a été complètement démembrée.
    Si le taux de change se maintient à son niveau actuel, je pense que l'industrie des produits forestiers fera faillite, entraînant d'énormes pertes d'emplois. Quand on sait qu'un million de personnes sur 30 sont tributaires de la forêt, imaginez les ravages que cela causerait dans les villes qui dépendent des scieries, surtout dans des provinces comme la Colombie-Britannique, où il faut rivaliser avec les salaires offerts en Alberta.
    Si on regarde le Canada, particulièrement le coeur du pays, où il n'y a pas de production pétrolière, on se rend compte que ce sont environ les 70 000 habitants de Fort McMurray, c'est-à-dire une goutte d'eau dans l'océan, qui sont le moteur de l'industrie pétrolière.
    À l'heure actuelle, le forage classique du pétrole est quasi inexistant en Alberta, et on n'y retrouvera bientôt plus de grandes réserves. Compte tenu de l'écart entre les prix du gaz et du pétrole à l'échelle internationale, pour ce qui est du forage gazier — et c'est ce que fait la province, mis à part Fort McMurray et les sables bitumineux —, il y a très peu d'activités, et celles-ci ont beaucoup diminué par rapport à l'année dernière. Par conséquent, c'est cette goutte d'eau qui fait monter le niveau du dollar.
    L'autre chose qui a eu une grande incidence au cours des derniers mois, c'est le fait que nous ayons laissé certaines de nos plus grandes entreprises passer aux mains d'intérêts étrangers. Je pense que la récente poussée du dollar, qui a atteint 1,10 $, était en partie attribuable à la conversion de la valeur d'Alcan en dollars canadiens. Notre firme a estimé que cette transaction à elle seule représentait environ 20 milliards de dollars.

  (1720)  

    Si BCE en fait autant, les investisseurs américains associés à Teachers nous permettront probablement d'engranger 20 milliards de dollars de plus.
    En Alberta, l'exploitation excessive des sables bitumineux me rappelle ce qui s'est produit pendant le boom de l'uranium, il y a 40 ans, en Ontario. Toutes ces entreprises devront assumer des coûts énormes, beaucoup plus élevés que si elles avaient exploité seulement les gisements prévus au départ.
    À mon avis, le Canada ne peut pas se permettre d'avoir un dollar aussi flottant, et je pense que nous devrions sérieusement envisager d'adopter une monnaie continentale, comme en Europe. Nous devrions nous pencher là-dessus, évidemment pas au taux actuel, mais à un taux moyen.
    Malgré tout, il faut garder à l'esprit que dans un pays aussi froid et éloigné que le Canada, il y a un problème de productivité. Notre productivité continuera de croître à un rythme moins rapide qu'aux États-Unis.

  (1725)  

    Merci beaucoup. C'est très apprécié. Nous allons maintenant passer à la période de questions, et je vais d'abord céder la parole au Parti libéral.
    Monsieur Pacetti, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Stewart, je ne veux pas m'attarder là-dessus, mais vous avez parlé un peu des difficultés ou plutôt des taux d'imposition fédéraux et provinciaux. N'y a-t-il rien qui vous dérange dans la taxation municipale?
    Bien sûr que si. En fait, lorsque les entreprises évaluent le Canada pour déterminer si cela vaut la peine d'y investir, elles examinent le fardeau fiscal total. Nous menons actuellement un projet de recherche là-dessus, et j'espère que celui-ci nous donnera une meilleure idée de la situation fiscale aux trois ordres de gouvernement et du fonctionnement de tout cela. C'est au niveau fédéral que nous avons observé les progrès les plus notables jusqu'à présent, grâce aux mesures prises par le gouvernement actuel et le précédent. Je tenais à le souligner. Le plus urgent, pour l'instant, c'est de convertir la taxe de vente provinciale en une TPS ou l'équivalent.
    Mais non, je suis d'accord pour dire que l'imposition municipale est élevée, et probablement encore plus pour les petites ou moyennes entreprises.
    C'est ce que je pensais. Merci.
    Comme le temps est limité, si vous aviez comparu il y a un mois ou deux, la séance aurait porter sur la faible productivité et le sort des entreprises. On a assisté à certains changements au cours des dernières années au chapitre de la politique fiscale, puisque les entreprises peuvent désormais injecter des capitaux et investir dans l'achat de nouveaux équipements. Maintenant, compte tenu de la force du dollar canadien et de la dépréciation du dollar américain, les compagnies devraient probablement en profiter pour investir dans l'achat de nouveaux équipements. Est-ce ce que font vos entreprises, ou s'agit-il simplement d'une autre excuse pour demander plus  — je déteste employer le terme « subventions » — d'aide financière?
    Je crois que les pressions incitant à investir s'exercent déjà. Depuis cinq ans, la devise s'apprécie et, chaque année, cela pose un problème. Plus elle s'apprécie, plus les pressions exercées sur les entreprises en vue d'investir sont grandes. Par contre, comme les deux autres témoins l'ont fait remarquer, quand l'appréciation se fait à un rythme très rapide, alors que les pressions en vue d'investir sont extrêmement fortes, la capacité de le faire diminue parce qu'on ne fait pas d'argent.
    Donc, il est légitime de dire que, lorsque le dollar canadien ne valait que 64 ¢ américains, les entreprises canadiennes ont fait la belle vie. Ce fut le cas de trop d'entreprises. Elles en paient maintenant le prix.
    Par contre, comme l'a souligné M. Jarislowsky, des entreprises comme Canfor ont lourdement investi. À la lecture des données statistiques sur la productivité relative, on note des secteurs où la productivité nationale du Canada et celle des entreprises canadiennes sont plus élevées que celles des États-Unis et des entreprises américaines. Donc, la situation n'est pas uniforme au niveau de la productivité. Compte tenu de la force du dollar actuellement, de son appréciation très rapide, il faut se demander quel moyen est le plus efficace pour survivre à la crise.
    Voilà qui m'amène à la question suivante.
    Étant donné la rapidité à laquelle s'apprécie le dollar, pendant combien de temps les entreprises pourront-elles absorber cette appréciation? Cela fait partie du marché, je crois, si nous allons laisser les forces du marché dicter le cours des événements. Pendant combien de temps pouvez-vous continuer ainsi? Nous avons vu la valeur de notre devise baisser de 10 p. 100 presque durant les deux dernières semaines uniquement. Allez-vous vous en tirer? Vous avez affirmé qu'au cours des cinq dernières années, le dollar s'est apprécié à un rythme relativement moindre. Est-ce que ça va? Envisagez-vous de demander à ce qu'on contrôle le taux à un certain niveau?
    Il est tout à fait inutile d'essayer de prédire les fluctuations à court terme de la devise. Sur le plan statistique, c'est à peu près impossible. Toutefois, une appréciation soutenue sur une période de cinq ans reflète, selon moi, l'existence de nouvelles différences structurelles entre l'excellente façon dont nous avons géré notre économie et la piètre façon dont les Américains ont géré certains aspects de la leur.
    Monsieur Pellerin, le temps dont nous disposons est limité.

[Français]

Je vous remercie encore de votre présence.
    J'aimerais vous poser une brève question. Prenons l'exemple du porc. Vous avez dit que si le taux de change augmente, cela affecte moins le porc. Mais un prix inférieur sur le marché n'a pas de rapport avec le prix auquel on vend le porc, parce que c'est contrôlé.

  (1730)  

    Le prix du porc n'est pas contrôlé. C'est un libre marché. Ce sont les bourses de viande qui fixent ces prix, comme c'est le cas pour le prix du boeuf, des céréales et de plusieurs produits maraîchers. C'est donc le libre marché et l'augmentation de la valeur du dollar canadien par rapport à la valeur du dollar américain qui ont des impacts directs.
    Alors, si on n'est pas capable de vendre le porc parce que le prix n'est pas assez élevé, est-ce qu'on aura plus de porcs ici, au Canada, qu'on pourra vendre à un prix moins élevé?
    Ce n'est pas parce que les producteurs vendent leurs produits moins cher que les consommateurs en bénéficient. Cette semaine, le porc à la ferme est payé 35 ¢ la livre. On n'a pas vu cela depuis 25 ans. Pourtant, les consommateurs paient le même prix au magasin, à cause de la concentration du secteur de la distribution.
    Le malaise est encore plus grave dans la production des viandes, autant la production porcine que la production bovine. Nos animaux sont dorénavant livrés vivants aux États-Unis. Les porcelets sont exportés vivants aux États-Unis et sont préparés aux États-Unis pour la valeur ajoutée, le processing, l'abattage. C'est la même chose pour les boeufs. Les boeufs sont vendus aux États-Unis pour être abattus là-bas.
    Est-ce que l'inverse se produit lorsque le taux de change baisse?
    C'est sûr que quand le taux de change était de 85 ¢ pour le dollar canadien, ou de 60 ¢ pendant certaines périodes, ces industries se sont développées et ont pris des marchés ici, en Amérique du Nord, et partout dans le monde.
    Vous avez dit qu'un changement de 1 p. 100 du taux de change représente un changement de 0,2 p. 100 sur le marché, n'est-ce pas?
    Cela représente 0,2 p. 100 de pertes d'exportations à court terme et 0,5 p. 100 de pertes d'exportations à long terme. Pour le secteur agricole, on parle de pertes de l'ordre de 4 milliards de dollars à moyen terme. Donc, ce sont des secteurs d'activité qui risquent de disparaître, comme le secteur de la forêt est en train de disparaître du paysage canadien.
    Il ne restait pas beaucoup de temps à votre présentation, mais une des solutions que vous avez demandées était un programme de financement.
    Est-ce remboursable ou est-ce seulement un programme de soutien?
    Les demandes que nous faisons consistent à mettre en place des mesures d'urgence pour soutenir cette industrie. Pendant de nombreuses années, pendant des décennies, l'agriculture et la foresterie québécoises et canadiennes ont été les sources d'entrées de fonds, en matière de taxes, pour le gouvernement fédéral en particulier, sources très lucratives de financement pour la société canadienne.
    Maintenant que nous sommes dans une période plus difficile et que ce sont des industries telles que celle du pétrole qui font entrer des revenus exceptionnels dans les coffres des gouvernements, il serait temps qu'il y ait un retour de balancier, parce que les industries agricole et forestière ont fait vivre ce pays pendant plusieurs années. Parce que nous traversons une mauvaise passe, il serait temps que nous ayons un retour d'ascenseur.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    La parole va maintenant à M. Crête.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pellerin, je comprends bien votre question sur le plan d'urgence, mais j'aimerais que vous expliquiez davantage votre appui à l'initiative de M. Charest. Ici, on voit la même réalité. Les gens de certaines régions du Canada disent qu'il faut de l'action, qu'il faut intervenir, et le gouvernement fédéral dit qu'il faut laisser l'économie rouler.
    Qu'attendriez-vous de cette initiative, s'il y avait une réponse du premier ministre du Canada en ce sens?
    Par définition, un gouvernement fédéral qui chapeaute 10 provinces et des territoires ne peut pas avoir une vue détaillée de ce qui se passe dans chacune des régions. Il a sa propre vision des choses. S'il ne réunit pas les 10 partenaires provinciaux et ceux des territoires pour avoir le détail de cette vision dans chacune des régions du Canada, il va continuer à encaisser des revenus qui proviennent du pétrole — ça fait son affaire —, mais il ne verra pas les désastres qui sont en train de se créer dans d'autres secteurs canadiens d'activité extrêmement importants pour la société canadienne, tels que la foresterie et le secteur de l'agriculture, au chapitre de la production.
    Or, je pense qu'il est extrêmement important d'avoir cette vision, de partager cette vision. Pour nous, il n'est pas question de demander au premier ministre canadien d'intervenir auprès de la Banque du Canada. Ce n'est pas la stratégie. La stratégie consiste à voir ce qui se passe dans chacun des secteurs d'activité et de minimiser les impacts négatifs pour la population qui travaille dans ces secteurs. On n'en est pas rendu à fermer tous ces secteurs d'activité. Si rien n'est fait, c'est ce qui va arriver. On achève de fermer le secteur de la foresterie au Québec et au Canada, et ce sera la même chose pour l'agriculture s'il n'y a pas un coup de barre solide, un leadership exercé afin, à tout le moins, de réunir les premiers ministres des provinces et les représentants des territoires pour voir à adapter des mesures à chacune des régions du pays.

  (1735)  

    Monsieur Jarislowsky, on a entendu M. Pellerin parler de mesures d'accompagnement pour régler la crise. De votre côté, vous avez apporté une possibilité de solution structurelle, c'est-à-dire la question de la monnaie continentale.
    Le 5 mai dernier, au Comité permanent des finances, j'ai demandé à M. Dodge à quel moment la hausse du dollar fera en sorte qu'il deviendra trop coûteux de continuer à avoir deux monnaies différentes. J'aimerais que vous développiez ce sujet. Quel genre d'avenir s'annonce si on continue à jouer au yo-yo comme on le fait présentement? La solution d'une monnaie continentale est-elle économiquement viable, selon vous? Les seuls obstacles sont-ils plus d'ordre émotif?
    Il y a pas mal de pays où la monnaie est liée au dollar américain. Si on regarde ce qu'a fait la Chine, on constate qu'elle a lié le yuan au dollar américain. Il y a de petits ajustements à faire, mais je crois qu'on pourrait faire la même chose avec le dollar canadien. On pourrait avoir 5 p. 100 de chaque côté d'une valeur qui serait logique pour le dollar canadien, qui se chiffre autour de 80 ¢, d'après moi. Le dollar peut monter de 5 p. 100 d'un côté ou de l'autre selon la période dans laquelle on se trouve. Je trouverais cela acceptable.
    Or, si on considère le succès de la Chine, on constate qu'il est attribuable au fait qu'elle a lié sa monnaie à la monnaie américaine. Beaucoup d'autres pays, dont l'Arabie Saoudite, ont lié leur devise de la même façon au dollar américain.
    Dans notre cas, bien qu'un tiers de notre produit brut soit lié aux Américains et que 85 p. 100 de nos exportations vont là-bas, tout ce qu'on fait aujourd'hui c'est d'accepter de devenir des [Note de la rédaction: inaudible] à cause des Américains. En fait, les Américains importent les industries canadiennes aux États-Unis, et les nôtres font faillite. C'est tout simple. En anglais, on dirait:

[Traduction]

    qu'ils sont en train de nous réduire à la pauvreté.

[Français]

    C'est quelque chose dont on parlait déjà lors de la Grande Dépression des années 1930. D'après moi, il faut en arriver à une solution où on adopterait la monnaie américaine pour le continent entier ou une marge de 5 p. 100 d'un côté ou de l'autre d'une monnaie dont la valeur répondrait à la valeur du produit brut réel du pays comparativement à celle de l'autre.
    Toutefois, ce qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on perd des revenus énormes, des taxes et des profits. Même le pétrole se vend aujourd'hui, en comparaison avec son prix d'il y a cinq ans, à 50 $ au lieu de 95 $.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Dykstra. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur Pellerin.
    Vous avez entre autres recommandé, en ce qui concerne l'industrie forestière, dans l'optique que vous avez décrite, c'est-à-dire ce que vous estimez que le gouvernement devrait faire — et je suppose, d'après vos observations, que vous appuyez le rapport « Les défis qui se posent au secteur manufacturier canadien », qui a été achevé.... Une des parties du rapport qui ont un lien direct avec l'industrie forestière est l'impact positif qu'aurait un accord de libre-échange entre le Canada et la Corée. Je me demande si vous pouvez nous dire si vous appuyez cet aspect du rapport, s'il y aurait manifestement, dans l'industrie forestière, un avantage direct lié à un accord conclu entre la Corée du Sud et le Canada.

[Français]

    Toute cette théorie

[Traduction]

    Toute cette théorie au sujet du libre-échange, de la libre entreprise, du libre tout.... La conjoncture réelle est mauvaise. Certains continuent de croire que le marché résoudra le problème de lui-même, ce qui est faux. La situation est tellement mauvaise que le ministre des Finances a dû appeler les entreprises de distribution du pays et leur dire de vendre les produits qu'ils vendent au Canada actuellement à des prix inférieurs en raison de l'impact de la valeur de la devise. Le marché comme tel est incapable de redresser la situation. Le ministre des Finances a dû appeler les grands propriétaires des grandes sociétés pour leur rappeler que le marché ne fait pas ce qu'il est censé faire.
    Je n'ai donc pas confiance dans tous ces accords ou pourparlers de libre-échange — de présumé libre-échange —, car dans la vraie vie, certains s'enrichissent sur le dos des autres. C'est le cas pour tous les Canadiens. M. Jarislowsky l'a très bien illustré: les États-Unis sont en train de réduire nos secteurs économiques à la pauvreté. L'agriculture, la forêt et les matières brutes sont en train de se déplacer vers le Sud. La propriété se déplace vers le Sud, et nous sommes tous en train de perdre le contrôle de l'industrie de la transformation au Canada. Si rien ne change, nos travailleurs de la prochaine génération seront très peu rémunérés. Donc, n'attendez pas un libre marché, le libre-échange ou d'autres mesures analogues pour résoudre ce genre de problème.

  (1740)  

    Donc, bien que ce soit un appui dans le rapport, vous n'appuyez pas cet élément.
    Je ne crois que ce sera une solution au problème de l'industrie canadienne.
    Monsieur Stewart-Patterson, vous avez présenté plusieurs recommandations, dont certaines ont déjà été mises en oeuvre, et affirmé qu'il faudrait prolonger d'autres mesures. Je trouve intéressant que plusieurs mesures que nous avons recommandées dans le rapport ont déjà été mises en branle, par exemple l'investissement dans la machinerie et l'équipement de fabrication et de transformation qui donne droit à une radiation directe de 50 p. 100 et à un taux provisoire de déduction pour amortissement accéléré, et qu'elles fourniront quelque 1,3 milliard de dollars d'aide aux entreprises durant les périodes 2007-2008 et 2009-2010. Je soupçonne que le montant sera marginalement plus élevé lors que nous les prolongerons. Je l'affirme en supposant au départ que les entreprises apprendront qu'elles peuvent s'en prévaloir et, ensuite, détermineront que les investissements dont il est question s'insèrent dans un plan d'entreprise.
    Il me semble que nous avons déjà fait les premiers pas dans la bonne voie, après la parution du rapport, pour ce qui est de mettre en oeuvre probablement les plus grandes parties de ce document.
    Nous avons longuement débattu, durant la session précédente, de l'aspect recherche scientifique. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus sur la façon dont nous pourrions le faire de manière à ce que, évidemment, elle ait un impact immédiat. J'aimerais aussi savoir quel impact vous prévoyez à plus long terme. Je soupçonne que l'impact ne se fera pas sentir sur une période de quatre à six mois, mais bien sur une période plus longue, car il faudra du temps pour mettre en oeuvre les recommandations et avoir un impact durable.
    Cela ne fait pas de doute. Il faudra du temps pour mettre en place quoi que ce soit qui alimente la recherche, de toute évidence, d'abord pour mener à des découvertes, puis pour permettre aux découvertes de se traduire sur le marché en nouveaux produits et procédés.
    Si vous me permettez de revenir rapidement sur les radiations accélérées pour l'équipement manufacturier, à mon avis, si le gouvernement décide de les prolonger, l'impact sera plus que marginal. Cette initiative particulière a été surtout critiquée parce que, lorsqu'on parle d'importants investissements, étant donné le temps voulu pour les planifier, pour obtenir les approbations environnementales, la longueur des cycles de réglementation et d'investissement, il est très difficile de réellement faire l'investissement en deux ans. Je crois donc que, si la période est limitée et demeure limitée à deux ans, moins d'entreprises que prévu s'en prévaleront.
    Si la période est prolongée, on pourra alors s'en servir.
    Je suppose que vous entendez par là que la croissance serait exponentielle.
    Je crains que beaucoup plus d'entreprises que vous le croyez ne s'en prévalent pas durant une période de deux ans du fait simplement qu'il faut plus de deux ans pour faire les lourds investissements requis, les plus importants investissements.
    Vous faites valoir un point valable.
    L'autre point que vous avez commenté concerne tout l'aspect de... Vous n'avez pas forcément parlé d'environnement, mais vous avez parlé de changements climatiques. Et il existe bien sûr un grand débat sur la façon d'agir sur le plan des changements climatiques et les questions relatives à l'environnement sans avoir un impact important ou, du moins, direct sur la capacité des entreprises et de l'économie de poursuivre leur croissance au Canada. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus à ce sujet, nous faire part de vos réflexions concernant notre approche — celle du gouvernement, de toute évidence, mais également celle du Canada sur le plan de l'environnement et des changements climatiques.

  (1745)  

    C'est une question à laquelle nos membres ont beaucoup réfléchi au cours des six derniers mois en particulier et il y a quelques mois, nous avons énoncé une série de principes qui décrivaient essentiellement ce que nous estimions être la voie d'avenir, un cadre si vous préférez, qui nous permettrait d'accomplir de réels progrès en tant que pays sur le plan des changements climatiques tout en permettant à notre économie de croître, plutôt que d'aggraver les problèmes de croissance.
    Un des éléments clés était de comprendre l'importance, si nous souhaitons vraiment réduire considérablement nos émissions de gaz à effet de serre, de mettre au point de nouvelles technologies et de les mettre en place au niveau tant du consommateur que des entreprises. Voilà ce qui serait très avantageux en termes de production.
    Toutefois, en ce qui concerne votre première question, je signale que le cycle de recherche peut être très long et il faut faire en sorte d'abord que la politique gouvernementale reconnaît l'importance des améliorations technologiques pour relever le défi environnemental et, ensuite, que la politique économique, le cadre commercial, favorise cette recherche.
    Avec votre permission, simplement sur le plan des crédits d'impôt à la recherche scientifique, monsieur le président, une des importantes suggestions à court terme est de rendre ces crédits remboursables aux entreprises qui ne sont pas rentables, mais qui aimeraient faire l'investissement. Nous travaillons actuellement de concert avec Industrie Canada, dans le cadre d'une étude mixte, à mieux comprendre comment ce crédit d'impôt et d'autres incitatifs à l'innovation pourraient être bonifiés.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Mulcair, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Pellerin.
    Monsieur Pellerin, vous avez évoqué des pertes éventuelles de 1,5 milliard à 4 milliards de dollars. Cela laisse présager une dégringolade dans le secteur agricole au cours de la prochaine année. En termes concrets, puis-je vous demander si vous avez des statistiques sur le nombre de faillites dans le domaine agricole au cours des deux dernières années, et ce que vous prévoyez pour l'année prochaine ou les deux prochaines années?
    Habituellement, le nombre de faillites dans le secteur agricole est peu élevé, mais il y a beaucoup de liquidations. Actuellement, le changement de propriétaires des fermes, la consolidation et la concentration de la propriété s'accroissent à un rythme accéléré, particulièrement dans le secteur porcin.
    Dans l'Ouest canadien, le secteur porcin se comporte autrement. C'est l'exportation de porcelets vivants vers les États-Unis aux fins d'engraissement, d'abattage et de transformation dans ce pays qui constitue le phénomène grandissant. Il ne s'agit pas de quelques milliers, mais de millions de porcelets qui sont maintenant exportés vivants vers les États-Unis pour créer de la valeur ajoutée, de la richesse et de l'activité économique de l'autre côté de la frontière.
     Il en va de même dans le secteur bovin. À cause de l'impact de la valeur du dollar canadien, bien sûr, mais aussi à cause de l'impact de la réglementation — j'hésite à utiliser ces qualificatifs — abusive et tatillonne comparativement à celle des Américains, on est en train de perdre l'industrie de l'abattage du bovin et du porc au Canada.
    C'est intéressant parce que, lorsque l'on pense à la valeur ajoutée qui nous manque, on pense, par exemple, à Keystone quand on était en train d'exporter 500 000 ou 600 000 barils par jour vers les États-Unis et 18 000 emplois. On pense à la forêt, où il y a très peu de deuxième et de troisième transformations, ou encore à l'aluminium. On pense un peu moins au secteur agricole. On est en train de répéter les mêmes erreurs dans ce secteur.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Jarislowsky.
    Monsieur Jarislowsky, avez-vous eu l'occasion d'écrire un document quelconque, peu importe son état, qui confirme ce que vous nous avez expliqué plus tôt à propos d'Alcan et de l'effet pervers que sa vente à des intérêts étrangers a eu sur notre monnaie? Avez-vous écrit sur ce sujet et, si oui, pouvez-vous le partager avec les membres du comité? Évidemment, on a votre témoignage, pour lequel on vous remercie beaucoup, mais pour ma part, je souhaiterais beaucoup avoir un écrit là-dessus de votre part.

[Traduction]

    J'ai été consulté par Paul Tellier, administrateur à la fois de BCE et d'Alcan, avant leurs prises de contrôle. Il avait les données d'Alcan et de BCE et, ensemble, nous avons estimé que chaque prise de contrôle représenterait quelque 20 milliards de dollars d'actions détenues par des Canadiens. C'est pourquoi j'ai affirmé que l'Alcan, à elle seule, représentait 20 milliards de dollars.
    De plus, les sables bitumineux rapportent des montants faramineux qui sont, comme je l'ai dit, engrangés en toute inefficacité et vont être largement surdépensés. Les coûts des entreprises vont être tels que leur rentabilité sera négligeable à moins que le cours du pétrole ne demeure très élevé. Son niveau élevé a rapporté énormément d'argent.
    Il existe de nombreuses autres petites entreprises au Canada qui ont fait l'objet de prises de contrôle étrangères. Nous avons été engagés dans celle de Ciment St-Laurent, à cet égard, et ainsi de suite.
    Je n'accorde pas beaucoup de foi à l'idée de vendre toutes nos entreprises canadiennes. Déjà, 80 p. 100 de notre bourse des valeurs mobilières est soit cyclique ou composée de valeurs dans le domaine des matières brutes et des finances — j'ai bien dit 80 p. 100. Ce n'est pas là une bourse sur laquelle on peut bien se diversifier pour pouvoir investir.
    Je ne suis pas en faveur des subventions, mais dès le début, il faudra trouver une solution à long terme au lien entre notre devise et celle des États-Unis, parce que nous sommes si étroitement liés à ce marché et que nous ne pouvons pas nous permettre de retourner à une devise de 62 ¢ ou de demeurer au niveau actuel. Si nous persistons, nous allons tout détruire au Canada.

  (1750)  

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Jarislowsky.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur McKay.
    Moi aussi, mes questions s'adressent à M. Jarislowsky.
    Plusieurs d'entre nous suivent l'évolution du papier commercial adossé à des actifs et, à la simple lecture des journaux, il semble que ce soit en quelque sorte un géant qui sommeille.
    L'Assemblée nationale du Québec a, semble-t-il, demandé au chef de la Caisse de dépôt de témoigner devant un de ses comités. La Banque nationale a dû radier d'après certains journaux une perte d'un demi-milliard de dollars au dernier trimestre, une perte très importante pour une banque de cette taille. D'après certains journaux, la perte de la Caisse se situera entre 13 et 17 milliards de dollars pour ce qui est du papier commercial adossé à des actifs. Il existe un protocole de Montréal auquel le gouvernement a, semble-t-il, participé et cela semble être un exercice plutôt de haut niveau pour essayer de prévenir la panique.
    Quel rôle, si vous en attribuez, réservez-vous à la Banque du Canada à cet égard? Quel rôle, si rôle il y a, envisagez-vous pour le gouvernement du Canada dans ce dossier?
    Je pense au fond que ce sont là de mauvais produits qui ont été développés. Notre propre firme n'a jamais investi dans ces produits. Ils ont été inventés par des personnes qui souhaitaient améliorer leur rendement. De la sorte, elles ont obtenu de huit à dix points de base de plus en investissant dans ces produits. Nous n'y avons pas touché parce que nous n'en comprenions pas le fonctionnement. À notre avis, si vous aviez du papier commercial à court terme chez Alcan, vous serez payé à la fin de la période, quand la dette vient à échéance. Mais, comment peut-on poursuivre une centaine de personnes qui ont des hypothèques qui ne viennent pas à échéance pour dix ans encore? Ce genre de papier était donc mauvais. Selon nous, tous auraient dû essentiellement s'en rendre compte.
    Je ne crois pas à une aide financière du gouvernement et je ne crois pas aux subventions, mais j'adhère au principe de jouer sur des terrains dont les règles sont prévisibles. J'en reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure, soit que nous devons en arriver à une fourchette dans laquelle notre dollar est en lien avec le dollar américain ou adopter la devise américaine, parce que nous ne pouvons pas vivre et voir notre industrie détruite tous les vingt ans. On ne peut pas demander aux gens d'investir ici si, en le faisant, ils courent le risque de tout perdre quinze ou dix ans plus tard, quelle que soit la durée du cycle suivant.
    Je ne suis pas en désaccord avec votre analyse selon laquelle les priorités sont quelque peu obscures lorsqu'on manque à ses engagements. Cela semble être confirmé, particulièrement par les juges américains. Toutefois, cela étant dit et après avoir reconnu que l'ajout de huit ou dix points de base semble en attirer certains, il semble effectivement y avoir un nombre considérable de personnes qu'on aurait pu croire plutôt intelligentes qui en ont acheté.
    Si, en fait, la situation est absorbée par le marché, de quelle façon, selon vous, ce genre de radiations énormes affectera-t-il le marché et la devise du Canada, s'il les affecte?

  (1755)  

    Il faut revenir au marché pour ce genre d'instrument et, dans la mesure où les hypothèques ne sont pas de mauvaises créances, je crois que le plan avancé par la Caisse de dépôt pour en faire des obligations à plus long terme, de même que le plan avancé par la commission, dirigée par mon ami avocat favori selon lequel ceux qui ont besoin d'argent immédiatement devraient être aidés et ceux qui peuvent demeurer propriétaires d'obligations à long terme ne devraient pas être aidés autant mais devraient plutôt conserver les obligations... Toutefois, il faut rendre possible la négociabilité de ce papier, et je crois que dans la mesure où la Banque du Canada est concernée, la meilleure chose à faire est de mettre de l'argent à la disposition des banques pour qu'elles puissent, au moins, avoir de l'argent à prêter et soutenir l'économie jusqu'à ce que la crise se résorbe.
    J'aurais une dernière petite question.
    Vous semblez prôner une devise continentale. Je trouve cette prise de position étrange, en ce sens que vous vous trouvez à vous soumettre, dans les faits, à des décisions qui sont prises à Washington. Depuis quelques années, tant les décisions monétaires que fiscales qui ont été prises à Washington n'ont pas été brillantes. Les déficits commerciaux, le déficit public, selon certains, la guerre mal avisée en Irak et tout le reste font que je comprends mal pourquoi vous prônez une devise continentale puisqu'ainsi, vous vous trouvez à céder le contrôle que vous exercez sur votre économie, sur la politique monétaire.
    J'en reviens à l'exemple européen, où il existe un marché commun, une devise commune à toute l'Europe. Nous n'avons pas de pareil marché commun. Nous l'avons vu lors de la crise du bois d'oeuvre que nous avons réglée par la conclusion d'un accord qui selon moi n'était pas très bon.
    Je suis entièrement d'accord avec vous que le contrôle échappe tout à fait aux Américains. Je crois que M. Bush est le pire président de toute l'histoire des États-Unis, personnellement, et je préférerais faire autre chose. Toutefois, je suis convaincu qu'il ne faut pas les laisser nous réduire à la pauvreté et rendre désuets les milliards de dollars d'investissement industriel des soixante dernières années.
    Il faut traverser la crise. Nous ne pouvons pas permettre à ces entreprises de faire faillite et nous ne pouvons pas les aider au moyen de fonds gouvernementaux durant ces périodes pour les maintenir en vie, attendre que la devise baisse, pour la simple raison que les secteurs cycliques et les marchés et les marchandises vont perdre de la valeur, ce qui est déjà arrivé auparavant. Je demeure convaincu que nos secteurs industriels ont besoin de stabilité durant ces périodes. Et, en dépit du fait que je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la compétence du gouvernement central des États-Unis et de M. Greenspan, qui n'a jamais vu une bulle qui ne lui plaisait pas, je crois que nous n'avons pas d'autre choix.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais que vous continuiez ce que vous disiez, monsieur Jarislowsky. J'ai bien aimé votre présentation, justement parce que vous nous parliez des problèmes à court terme sur lesquels il faut agir. Vous disiez également qu'à plus long terme, tant que nous tolérerons la fluctuation de notre dollar, une telle situation va se reproduire périodiquement.
    J'aimerais d'abord que vous reveniez au court terme et sur les moyens que nous devons prendre. Pensez-vous que la Banque du Canada doive intervenir, avec les moyens dont elle dispose, au chapitre des taux d'intérêt, par exemple? Doit-elle également intervenir sur le marché des changes en achetant ou en vendant des devises?
    À plus long terme, pour ce qui est de l'idée d'une monnaie unique, idée partagée par le Bloc québécois, comment voyez-vous la mécanique que l'on pourrait utiliser pour le Canada? Quelle échéance devrions-nous nous fixer pour mettre cette idée en application?
    Je crois qu'aujourd'hui, alors qu'il y a parité, notre dollar est trop élevé pour qu'on en arrive à une entente avec les États-Unis. Cela me semble assez clair. Il faut attendre un moment plus approprié pour cela.
    Si vous avez observé la situation au cours des derniers mois, vous aurez constaté qu'au Canada, on a haussé les taux d'intérêt de 0,5 p. 100 pendant que les Américains réduisaient leur taux de 0,75 p. 100. Il est évident qu'en faisant ce genre de chose, on provoque la montée de notre dollar.
    L'autre solution est de créer un moratoire sur l'achat en grande quantité des sociétés canadiennes qui nous restent. Il est certain qu'à un moment donné, les gens vont vouloir acheter des sociétés comme SunCor, Canadian National, Talisman, etc., à des montants qui, une fois de plus, vont faire monter le dollar canadien.

  (1800)  

    À plus long terme, vous nous avez parlé de la possibilité, par exemple, d'accepter une variation de 5 p. 100 d'une valeur fixe du dollar ou d'avoir carrément une monnaie commune, comme il y a en Europe. Ce sont des scénarios différents. En privilégiez-vous un, personnellement?
    Je privilégie une marge de 5 p. 100 ou 10 p. 100 d'un côté ou de l'autre. Je pense que c'est la façon de le faire, mais il faut savoir que notre taux d'accélération de la productivité est moindre que celui des États-Unis. Donc, à la longue, il faudra changer cette marge, de temps à autre.
    J'aurais maintenant une question pour M. Pellerin.
    En ce qui a trait à l'échéancier, comment jaugez-vous l'importance d'agir maintenant plutôt que plus tard? Pensez-vous, par exemple, que la situation que vous vivez maintenant est due au taux actuel du dollar ou même à son taux d'il y a quelques années? Même si on agissait maintenant, continuerait-on à subir les contrecoups? Quel est le degré de l'urgence d'agir, selon vous?
    Il y a deux types d'actions. Si on veut maintenir des secteurs d'activité économique comme celui de l'agriculture, qui ne consiste pas en des T-shirts faits en Chine mais plutôt en des produits destinés en très grande partie à la consommation au Canada — au delà de 75 p. 100 de ce qu'on produit dans le domaine agricole au Canada est consommé au Canada —, la première priorité est de s'assurer que dans l'avenir, on ne sera pas dépendants des importations de produits agricoles et agroalimentaires. Il y a donc un coup de barre à donner rapidement.
    À moyen terme, des décisions devront être prises pour restructurer des secteurs comme celui de l'abattage, revoir la réglementation canadienne afin de la rendre au moins aussi concurrentielle que celle de nos voisins américains, ce qui n'est absolument pas le cas maintenant. Il y a des écarts qui rendent la concurrence absolument impossible. Dans d'autres secteurs d'activité, comme par exemple le secteur des produits maraîchers et autres produits frais, tous les embêtements liés au commerce aux frontières sont aussi des questions que l'on doit aborder assez rapidement, parce que tout le monde a des produits frais qui attendent 24, 48 heures à la frontière canadienne. Or, vous savez ce qu'il advient des produits frais après qu'ils ont passé 48 heures à la frontière; ils ne sont plus bons pour le marché.
    Merci.
    J'aurais une dernière question à poser.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref, car je veux céder la parole à mon collègue.
    Monsieur Jarislowsky, ces consultations prébudgétaires nous donnent, bien sûr, l'occasion de discuter de la poussée rapide du dollar canadien. Toutefois, il y a un autre sujet qui, à notre avis, et aux dires du ministre des Finances... Le Canada est le seul pays industrialisé à ne pas avoir de commission des valeurs mobilières unique. Vous avez laissé entendre, dans le passé, qu'une commission unique dotée de pouvoirs réels serait mieux à même de protéger les investisseurs canadiens que les nombreux organismes de réglementation provinciaux ou territoriaux qui n'ont pas... ou encore, vu sous cet angle, d'intenter des poursuites contre certaines personnes, à tout le moins dans les secteurs sous compétence fédérale. Vous avez également dit, dans un discours, que les treize commissions de valeurs mobilières ne font essentiellement que remplir des formulaires et percevoir des frais. Je vous vois sourire. C'est bien.
    Concernant l'organisme réglementaire national, nous avons, à l'instar du ministre des Finances, discuté de la possibilité de créer une commission pancanadienne qui serait munie de certains pouvoirs et qui veillerait à mettre en place des mesures de réglementation adéquates.
    Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus?
    Comme vous le savez, je suis l'un des directeurs de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance, qui rassemble des entreprises canadiennes représentant des actifs d'environ un billion de dollars. Je n'ai pas, bien entendu, parlé à tous les membres de la coalition, mais il n'y a personne, au sein du conseil d'administration, qui est contre l'idée d'avoir un coordonnateur unique qui se chargerait de faire ce genre de chose. Toutefois, il faudrait qu'il ait plus de pouvoirs. Il faudrait qu'il ait des responsabilités tant au civil qu'au criminel, des responsabilités qui sont actuellement partagées entre les provinces et le gouvernement fédéral... Il faudrait également avoir des juges qui comprennent bien les lois qui sont appliquées dans ce domaine, car le juge moyen n'osera pas dire qu'il est plus intelligent que les membres d'un conseil d'administration. Par ailleurs, les poursuites judiciaires qui prennent huit ou dix ans à régler et qui coûtent des millions de dollars ne servent aucunement les intérêts des investisseurs petits et moyens. L'affaire Castor Holdings, qui se retrouve devant les tribunaux depuis maintenant 12 ans, coûte chaque année, aux deux parties, 20 millions de dollars. Ce n'est pas une solution.
    Enfin, il faudrait mettre sur pied une unité au sein de la GRC ou un corps policier qui se spécialise dans la criminalité des cols blancs. Il n'existe rien de ce côté-là.
    Nous sommes confrontés à un problème bien réel. Quant au système de passeports, où les décisions prises par deux personnes au Yukon lient l'ensemble du Canada, cette formule ne fonctionne pas.

  (1805)  

    Merci beaucoup.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue.
    Merci.
    Les discussions ont surtout porté sur la valeur du dollar. Certains ont proposé des stratégies pour s'adapter à la hausse du dollar. La plupart tournent autour de la déduction pour amortissement accéléré et du programme de la recherche scientifique et du développement expérimental.
    Or, selon M. McCallum, le gouvernement ne peut rien faire pour stopper la hausse du dollar. M. Lazar, lui, a laissé entendre, plus tôt, que le gouvernement pouvait prendre des mesures pour réduire la valeur du dollar canadien. M. Jarislowsky, bien entendu, a proposé que l'on aligne la valeur du dollar canadien sur celle du dollar américain, ou encore que l'on adopte une monnaie nord-américaine commune.
    Monsieur Stewart-Patterson, nous n'avons pas encore entendu votre opinion là-dessus. Pouvez-vous nous dire si, à votre avis, le gouvernement peut intervenir pour freiner la montée du dollar? Si oui, pourquoi le ferait-il, et quel genre de mesures devrait-il prendre?
    Si vous me le permettez, je vais commenter les deux points que vous avez soulevés.
    D'abord, le gouvernement ne peut dire à la Banque du Canada comment agir. Le gouvernement peut intervenir non pas du côté de la politique monétaire, mais plutôt du côté de la politique fiscale. Il possède toutes sortes de leviers qui lui permettent non pas de changer la valeur du dollar, mais d'aider les entreprises à s'adapter, à conserver les emplois existants et à en créer de nouveaux dans les collectivités canadiennes, et ce, malgré les variations que connaît le dollar d'une journée à l'autre, d'une année à l'autre.
    Il y a certains outils qui seraient plus utiles à court terme. Je songe au remboursement des crédits d'impôt, comme, par exemple, les crédits d'impôt pour la recherche. Les mesures visant à accélérer la passation en charges en est un autre. Ce sont-là des solutions qui peuvent être efficaces à court terme.
    À plus long terme, je crois qu'il faut maintenir le cap de la politique fiscale. Je crois que le gouvernement a accompli beaucoup à cet égard. Le gouvernement précédent avait déjà posé certains jalons, surtout pour ce qui est des taux d'imposition des sociétés, et il faut le reconnaître. Je suis content de voir que tous les partis s'entendent pour dire que les taux d'imposition élevés ne présentent aucun avantage, que les taux plus faibles génèrent en fait davantage de recettes fiscales pour le gouvernement.
    Donc, il est important d'utiliser les leviers que possèdent les gouvernements, que ce soit sur le plan fiscal ou réglementaire, comme je l'ai déjà mentionné. Il faut voir quels outils vont le plus contribuer à réduire les coûts des entreprises ou à accélérer le mouvement des biens. Le nombre d'années qu'ont demandé — et ce n'est pas fini — les négociations pour la construction d'un deuxième pont entre Détroit et Windsor, où transitent 20 p. 100 de nos exportations... Je ne comprends vraiment pas pourquoi les choses n'ont pas avancé plus rapidement. Le gouvernement a clairement un rôle à jouer à ce chapitre. Toutefois, il ne peut agir seul.
    Merci beaucoup.
    J'avais soustrait deux minutes du temps de parole de M. Mulcair. Je vais les lui redonner.
    Vous avez deux minutes.

[Français]

    En fait, monsieur le président, je vais les donner à mon tour à M. Jarislowsky, parce que j'aurais vraiment souhaité, en terminant, de lui donner l'occasion de nous donner son point de vue.
     Nous devons rencontrer, au cours des prochains jours, la personne proposée pour remplacer M. Dodge. Si vous étiez membre de notre comité, à la lumière de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, quelle question poseriez-vous d'abord à M. Carney. Soyez assuré qu'il va la lire.

  (1810)  

    Je vais vous poser à vous la première question que je poserais à M. Carney. Quels pouvoirs devrait-on donner à la Banque du Canada pour qu'elle accomplisse deux missions: le contrôle de l'inflation, d'une part, et le maintien d'une certaine marge entre la valeur de notre dollar et celle du dollar américain, d'autre part?
    Aujourd'hui, la Banque du Canada dit qu'elle ne peut rien faire en ce qui concerne la valeur du dollar, et que ses seules préoccupations tournent autour de l'inflation. Il est certain que si le dollar s'apprécie de 50 p. 100 ou de 60 p. 100, il n'y aura pas beaucoup d'inflation au pays. Tous les salaires ici, au Canada, sont tellement élevés que les gens commencent à acheter à l'extérieur, surtout en Chine, avec des devises beaucoup inférieures à la valeur du dollar canadien.
    Je vous donne un exemple. Je suis président du conseil d'administration de Goodfellow Inc., au Québec, qui est un marchand de bois plutôt qu'une scierie. On a même quelques installations manufacturières. Récemment, on a acheté du bois des États-Unis parce que ce bois était meilleur marché que ce qu'on pouvait acheter ici, au Canada. C'est une situation tout à fait rigolote. En plus, on achète en Chine des planchers pour les maisons. Les gens doivent envoyer cela dans des boîtes de la Chine, ce qui prend deux ou trois mois. Cela se vend ici à bien meilleur marché que ce qu'on pourrait fabriquer ici avec le bois qu'on a au Canada. Et je vous assure qu'on a beaucoup de bois au Canada.
    Merci, monsieur Jarislowsky.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons entreprendre un autre tour, et je voudrais que vous vous limitiez à une ou deux minutes. Soyez aussi brefs que possible. Essayez de vous en tenir à une minute ou deux pour que le tour de table soit bref et rapide.
    Monsieur McKay.
    Monsieur  Stewart-Patterson, M. Jarislowsky vient tout juste de lâcher une petite bombe au sujet de la monnaie continentale. Il admet volontiers que l'économie américaine a fait l'objet d'une gestion peu brillante au cours de la dernière décennie. Certains soutiennent que nous sommes pris entre deux feux.
    Si je me fie aux témoignages que votre groupe a donnés dans le passé, vous continuez de penser la même chose. Pouvez-vous me dire qu'elle est la position des chefs d'entreprises sur ce point?
    Nous sommes toujours prêts à analyser les coûts et les avantages de cette stratégie. De manière générale, nous continuons de croire que l'adoption de la devise actuelle ou du dollar américain ne servirait pas les intérêts du Canada.
    M. Jarislowsky propose deux solutions. La première est de maintenir la marge de fluctuation de la devise. Beaucoup de spéculateurs sur les devises à l'échelle internationale se sont enrichis lorsque les gouvernements ou les banques centrales ont tenté d'élargir les marges de fluctuation. Je songe à George Soros, au Royaume-Uni.
    La deuxième est d'adopter le dollar américain, ce qui équivaudrait à abandonner tout contrôle sur la politique monétaire canadienne. Nous ne sommes pas en Europe. Nous n'aurons pas grand-chose à dire dans la politique monétaire américaine si nous adoptons leur devise.
    Ce sur quoi il faut vraiment se concentrer, qu'il s'agisse des problèmes à court terme — la crise du crédit hypothécaire aux États-Unis, l'impact que cela peut avoir sur l'inflation et les taux d'intérêt aux États-Unis — ou des conséquences à long terme de l'énorme déficit américain, de la fragilité du système de sécurité sociale des États-Unis et des répercussions que cela va avoir à la longue sur le taux d'inflation et les taux d'intérêt américains...Les États-Unis sont en train de commettre toutes les erreurs que nous avons commises dans les années 90 et corrigées... voulons-nous vraiment verser les taux d'intérêt en vigueur aux États-Unis, arrimer notre devise sur la leur à long terme?

  (1815)  

    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wallace
    Monsieur Jarislowsky, vous avez dit qu'il fallait trouver des moyens d'éviter que les compagnies canadiennes ne soient achetées par des intérêts étrangers. Vous avez dit aussi que le Canada ne doit pas se lancer dans des programmes de sauvetage. Ma question est plutôt d'ordre philosophique, et je suis certain que vous y avez réfléchi.
    Je me demande depuis toujours pourquoi les Canadiens ne se montrent pas plus agressifs quand vient le temps de faire des investissements. Pourquoi nous plaignons-nous du fait que les investisseurs étrangers achètent des compagnies canadiennes? Pourquoi les Canadiens ne le font-ils pas? J'ai posé la même question à un professeur qui a déjà comparu dans le passé devant le comité.
    Je sais que vous connaissez bien le marché. Pourquoi devrions-nous imposer un moratoire? Pourquoi ne pas convaincre les Canadiens d'investir dans leurs propres entreprises? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
    Il ne fait absolument aucun doute que les Canadiens investissent dans leurs entreprises. Le groupe que je représente investit dans des sociétés canadiennes. Il investit aussi beaucoup dans des entreprises étrangères, car les nombreuses industries dans lesquelles nous aimons investir sont plutôt rares au Canada.
    Dans le cas d'Alcan, pendant des années, la gestion de l'entreprise a laissé à désirer. Les étrangers en ont grandement profité en raison des économies d'échelle qu'ils pouvaient réaliser entre leurs opérations et Alcan, ainsi de suite, ce que ne pouvait faire une société canadienne à elle seule.
    Je ne suis pas contre les prises de contrôle de manière générale. Je suis toutefois contre les mainmises qui surviennent dans une certaine conjoncture, comme cela s'est produit récemment. Si une prise de contrôle a pour effet d'entraîner la fermeture de grands pans d'activité de notre économie et de détruire un capital pendant des années, de façon semi-permanente ou permanente, il faut à ce moment-là mettre un terme à ce genre d'opération.
    Par ailleurs, de nombreux pays auraient refusé que des intérêts étrangers prennent le contrôle, comme cela a été le cas ici, de presque toutes les grandes compagnies minières, sauf une, qui ne pouvait faire l'objet d'une mainmise, car elle offrait des actions à vote multiple.
    Merci.
    Monsieur Crête

[Français]

    Merci.
    Monsieur Pellerin, on dit souvent qu'il y a une crise forestière, mais ceux qu'on oublie le plus, ce sont les producteurs forestiers, les propriétaires de lots. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Vous avez parlé de plan d'aide, mais dans la situation actuelle, y a-t-il des mesures particulières qui aideraient les propriétaires forestiers et leur permettraient de survivre à la situation? D'après ce que j'ai compris, ils gardent maintenant leur bois chez eux parce qu'ils ne peuvent pas le vendre à un prix raisonnable.
    Au Québec, une loi est censée donner la priorité d'approvisionnement à la forêt privée et fixer le prix du bois de la forêt publique en fonction des ventes de la forêt privée. C'est un principe que peu de ministres osent appliquer à la lettre. Il y a un dérapage de ce côté et, tranquillement, la place de la forêt privée au Québec est en train de s'éroder. Au Québec, 130 000 propriétaires de forêt privée approvisionnent 20 p. 100 de l'industrie de la transformation. C'est quand même important.
    Les industriels, les travailleurs forestiers et les travailleurs d'usine, tout le monde a eu de l'aide pour traverser la crise actuelle, sauf les propriétaires de forêt privée. Que peut-on faire pour ces propriétaires de forêt privée? Ils ne peuvent pas vendre, il n'y a pas de marché. Peut-on profiter de cette période pour mettre en place des programmes d'aménagement forestier pour augmenter la valeur du bois qui est en forêt, la coupe d'éclaircie sélective, le drainage et l'amélioration foncière? Ce serait une période intéressante pour occuper la main-d'oeuvre, occuper la machinerie et augmenter la valeur du bois pour les prochaines années, quand les marchés intéressants reviendront, dans un an ou deux.
    C'est un peu la nouvelle qu'on [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous allons nous arrêter ici.
    Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Nous allons tenir compte des observations que vous avez faites et, espérons-le, en discuter dans notre rapport. Je tiens également à remercier les membres du comité, qui ont posé des questions pertinentes.
    La séance est levée.