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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mars 2008

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Nous allons commencer nos travaux, si vous voulez bien.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. J'aimerais vous inviter à vous présenter. Nous commencerons par M. Pachano, je suppose.
    Bonjour et merci. Je m'appelle Roderick Pachano et je suis le chef de la Nation des Cris de Chisasibi.
    Je m'appelle George Lameboy. Je viens également de Chisasibi.
    Je m'appelle Robbie Tapiatic et je viens également de Chisasibi.
    Je m'appelle Robert Kanatewat et je viens également de Chisasibi.
    Je m'appelle Alan Penn et je suis conseiller auprès de l'Administration régionale crie et donc, auprès de la première nation de Chisasibi. Merci.
    Merci.
    M. Pachano, si je ne me trompe, présentera des commentaires liminaires. Vous avez la parole, monsieur Pachano.
    Je vous remercie de nous donner cette occasion de témoigner devant le comité. Notre principal objectif est de vous décrire le problème du déclin de la zostère marine le long de la côte est de la baie James et de ses impacts sur notre collectivité; ce faisant nous vous donnerons aussi quelques brèves explications qui vous permettront de situer ce problème dans son contexte.
    Nous représentons environ le tiers de la première nation crie résidant sur les côtes est de la baie James et de la baie d'Hudson. C'est dans notre région de la baie James que l'on retrouve les plus importantes zostéraies.
    Selon différents points de vue, dont celui de la santé publique et des facteurs nutritionnels de même que de notre désir de protéger notre culture et nos traditions, nous estimons que les écosystèmes côtiers joueront un rôle de premier plan dans la survie de nos collectivités et de notre peuple. C'est d'ailleurs l'un des principaux motifs qui nous ont amenés à venir témoigner devant vous aujourd'hui.
    Au cours des 30 dernières années, le débit d'eau douce de Chisasibi, soit la « Great River » en anglais ou « rivière La Grande » en français, a doublé en raison des détournements nécessaires au développement hydroélectrique. Ce débit augmentera encore de près de 20 p. 100 lorsque le détournement de la Rivière Rupert sera complété d'ici trois ans. Une grande partie de cet apport d'eau douce se produit en hiver, alors que se forment les lentilles d'eau douce, de quelques mètres d'épaisseur, sous la glace côtière.
    Quand vous pensez à tous ces facteurs, il s'agit là d'un détournement majeur, l'un des plus importants en Amérique du Nord. Nous croyons que ce projet est loin d'avoir reçu l'attention qu'il mérite.
    Selon nous, il y a de bonnes raisons de s'inquiéter de la survie à long terme de notre chasse à la sauvagine et de nos pêches côtières en raison des impacts qu'un changement de cette envergure aura sur le débit des rivières, tout particulièrement en hiver. En hiver, la gestion des débits d'eau par le projet hydroélectrique pourrait avoir pour effet de multiplier le débit par un facteur de plus ou moins 10 — ce qui aura à coup sûr une incidence sur l'habitat des poissons et sur l'écosystème côtier en général.
    On trouve sur la côte est de la baie James de vastes prairies: des prairies marines. Les zostéraies, comme on les appelle, poussent en milieu marin, à des profondeurs d'un à deux mètres. La zostère, qu'on appelle parfois mousse de mer, n'est pas une plante nuisible, mais plutôt un élément essentiel du milieu marin. Cette plante fleurit, est pollinisée et se reproduit dans l'eau de mer. Elle a besoin pour croître d'eau salée et d'autres facteurs qui influent sur le taux de pénétration de la lumière dans l'eau de mer.
    Ces zostéraies constituent une composante essentielle de l'écosystème côtier. Elles servent d'aires d'alevinage et d'alimentation aux poissons côtiers (grand corégone, cisco et truite), aux mollusques et aux crustacés, et elles sont broutées par les bernaches cravants, les bernaches du Canada et les canards.
    Nous croyons que les zostéraies présentent des caractéristiques suffisamment distinctives dans cette région pour que le Canada envisage de les protéger dans le cadre de ses engagements internationaux concernant la protection de la biodiversité. Ces zostéraies ont subi un déclin majeur depuis que les eaux ont été détournées pour le complexe hydroélectrique La Grande et que les centrales électriques concentrent le débit de la rivière en hiver.
    Les membres de notre communauté ont pu observer un net déclin du nombre de sauvagines le long de la côte ces dernières années, et une baisse correspondante du taux de succès de la chasse. Ils s'inquiètent également du sort des stocks de poissons fréquentant la côte en raison des variations du débit et de la perte des zostéraies et de l'habitat qu'elles fournissent aux poissons.
    Nous avons travaillé avec un spécialiste de l'Université du New Hampshire, M. Frederick Short, pour tenter de comprendre ce qui se passe. Avec son aide, nous avons mené nos propres études environnementales.
    Hydro-Québec a aussi réalisé des études, mais elle ne croit pas que les déclins sont attribuables au projet hydroélectrique. Toutefois, lorsqu'on prévoyait apporter des changements au projet en 1980, on avait envisagé les effets possibles sur les zostéraies dans les documents qui ont été remis au gouvernement du Québec, et à l'époque, on avait prédit un dépérissement.

  (0910)  

    Hydro-Québec estime toutefois qu'une maladie attribuable à un parasite nommé labyrinthula zosterae, vous me pardonnerez mon latin, affecte les zostéraies. Nous nous sommes donc penchés sur cette question et, avec l'aide de M. Short, nous sommes arrivés à la conclusion que cette maladie n'était pas responsable du déclin de la zostère. Nous croyons plutôt que les changements observés dans les zostéraies s'expliquent très bien par la faible salinité qui a été observée et qui résulte du détournement des rivières et des régimes de gestion du débit pendant les périodes de croissance active de la zostère marine. Nous comprenons aussi que d'autres facteurs sont en cause, comme la turbidité résultant de l'érosion et des glissements de terrain qui sont survenus le long de la rivière La Grande après l'aménagement des centrales.
    Nous avons toutefois été gêné parce que nous n'avons pas pu obtenir d'Hydro-Québec les variations des débits mensuels d'une année à l'autre, des données dont nous avons besoin pour étudier cette question plus à fond. D'après ce que nous comprenons, le seul moyen d'atténuer les effets de cet afflux d'eau douce serait de réévaluer et de modifier la distribution saisonnière des débits.
    Puisque nous croyons que le gouvernement fédéral est directement responsable de ces questions, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de nos préoccupations. Nous fournirons au comité des cartes et des photographies qui illustrent la répartition des zostéraies et qui expliquent pourquoi nous sommes si préoccupés.
    Nous souhaitons donc que le comité considère qu'il est nécessaire que le gouvernement fédéral adopte une toute nouvelle perspective quant aux impacts du développement sur la baie James et la baie d'Hudson. En faisant cette déclaration, nous ne faisons que reprendre une recommandation formulée par une commission fédérale qui, en 2006, a étudié le détournement de la Rivière Rupert vers la rivière La Grande et Chisasibi.
    Nous joignons au texte de ce mémoire une recommandation qui traite directement de cette question de la participation du gouvernement fédéral, de même que de la nécessité de déployer des efforts concertés pour combler les lacunes dans les connaissances scientifiques sur la région des baies James et d'Hudson en cette ère de grands changements environnementaux — notamment de changements climatiques.
    Plusieurs questions connexes se posent ici. L'environnement côtier et extracôtier de Chisasibi est maintenant régi par l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, qui a récemment reçu la sanction royale à la suite de l'adoption du projet de loi C-11. Cet Accord contient une entente sur le chevauchement des territoires conclue entre les Cris et les Inuits, qui comprend une grande partie de la zone où il y a déclin des zostéraies.
    Nous constatons que les collectivités des premières nations et des Inuits vivant autour des baies James et d'Hudson tentent de se servir de l'Année polaire internationale pour stimuler le développement des moyens locaux de surveillance des changements environnementaux dans cette région.
    Il est important que Pêches et Océans Canada et Environnement Canada comprennent bien pourquoi les gens entreprennent de telles initiatives. Nous aimerions que le gouvernement fédéral examine de beaucoup plus près les effets des changements environnementaux dans la région des baies James et d'Hudson, y compris les effets du développement hydroélectrique.
    Nous avons constaté que le gouvernement fédéral a pratiquement cessé de participer aux recherches sur les poissons et la sauvagine (y compris sur les zostéraies, lorsque la Convention de la baie James et du Nord québécois a été signée en 1975. Ce n'était certainement pas ce à quoi nous nous attendions ou ce que nous souhaitions quand la Convention a été ratifiée. Cette situation est la cause de graves lacunes dans nos connaissances sur de nombreux aspects des baies James et d'Hudson.
    La collectivité de Chisasibi ne se juge certainement pas responsable de cette situation, mais elle est intéressée à participer aux activités de surveillance visant à mieux comprendre ces changements environnementaux et, lorsque c'est possible, à la prise de mesures correctives. Toutefois, les choses ne pourront bouger que si Pêches et Océans Canada et Environnement Canada font tous deux preuve d'une détermination beaucoup plus grande d'investir dans les recherches pertinentes dans la région de la baie James et de la baie d'Hudson.
    Nous invitons le comité à recommander à ces deux ministères de prendre des mesures relativement aux problèmes soulevés dans ce mémoire, et en particulier à la recommandation 34 du rapport de la Commission d'examen du projet Eastmain-1-A et dérivation Rupert. Nous suggérons aussi au comité de rappeler à ces deux ministères l'importance de la mise en place d'un régime de gestion de la faune tel que prévu par l'article 24 de la Convention de la baie James et du Nord québécois, et notamment du principe des niveaux d'exploitation garantis.
    Merci beaucoup.
    Merci, chef Pachano.
    Je cède la parole à M. Simms pour la première série de questions.
    Je voudrais commencer par une question d'ordre général. Je pense que ça peut tous nous intéresser. À quelle fin utilisez-vous les zostères que vous récoltez? C'est sans doute une question assez large.

  (0915)  

    À franchement parler, les zostères ne sont pas récoltées par l'homme. Elles servent de nourriture aux animaux, notamment aux oiseaux migrateurs et, en particulier, à la bernache cravant et à la bernache du Canada. Les zostères servent aussi d'habitat à diverses espèces de poissons, de mollusques et de crustacés. Les zostères poussent à des profondeurs allant de 1 à 90 pieds.
    Très bien.
    Quand avez-vous remarqué sa disparition? À quel moment avez-vous remarqué pour la première fois qu'il y aurait une diminution marquée des zostères?
    Je vais laisser mon collègue, M. Lameboy vous répondre.
    Merci.
    Monsieur le président, au début du projet — dans les années 1970 — alors que le projet hydroélectrique démarrait, Environnement Canada et le Service canadien de la faune avaient évalué l'étendue des zostères à 250 kilomètres carrés. Nous savions que cette superficie pouvait fluctuer. Les herbiers vont et viennent — ils peuvent disparaître pendant une année, et puis revenir l'année suivante — mais ils ne disparaissent jamais pendant 10 ou 20 ans. C'est pourtant ce que nous voyons aujourd'hui.
    En 1995, il y a eu une augmentation de la densité des zostères, mais depuis ce temps on a noté un déclin. Voyez-vous, depuis la mise en service du complexe La Grande, j'ai noté que les zostères ont disparu, puis sont revenues en 1995. Alors disons que depuis 1978...
    Mais est-ce que la situation est revenue comme avant?
    Oui, comme c'était avant le projet.
    Comme je l'ai indiqué, le Service canadien de la faune a mené une étude, en survolant la zone, et a estimé qu'il y avait approximativement 250 kilomètres carrés de zostères sur la côte est de la baie James.
    Aujourd'hui, si l'on retournait sur les lieux, on verrait que les zostères sont dans un état assez déplorable. Oui, il y a des pousses de zostères, mais on en retrouve qu'une par mètre carré, ce qui est bien peu comparativement à la densité qui existait avant le projet, lorsqu'il y avait des champs verts, aussi verts que le gazon devant votre maison. C'est ce qu'on voyait avant le projet.
    Pouvez-vous m'expliquer comment le projet hydroélectrique affecte les zostères?
    Cela affecte la salinité; il y a une augmentation de la quantité d'eau douce près des côtes de la baie James.
    Très bien.
    Une fois que le projet a été démarré, quand avez-vous remarqué pour la première fois un changement majeur dans l'écosystème?
    Au milieu des années 1980.
    Et depuis ce temps, il n'y a pas eu de rétablissement à proprement parler.
    Je crois que le seul regain marqué s'est produit en 1995.
    Oui. Mais en général, est-ce que les conséquences ont été désastreuses pour toute la région?
    Oui.
    Vous avez parlé de la baisse du degré de salinité, de l'accroissement des courants et de la hausse des températures de l'eau.
    Bien, je suppose que dans une certaine mesure, puisque le premier barrage ou la première centrale se trouve à environ 20 milles ou 30 kilomètres de l'embouchure de la rivière. Ainsi, devant notre collectivité, qui se trouve à environ 20 kilomètres en aval de ce point, la rivière gèle et dégèle selon les conditions. Ainsi, une eau en surfusion provient du site, et cette eau gèle dès qu'elle entre en contact avec une surface métallique. Le débit de l'eau est tellement rapide compte tenu de la taille de la rivière. Comme je l'ai dit, le débit a doublé par rapport au débit naturel. Tout particulièrement en hiver, parce qu'à ce moment là le débit est dix fois plus important, mais avant la construction, le débit l'hiver était plus faible. L'eau se trouve aujourd'hui à une température plus ou moins constante. L'eau turbinée n'est pas à la même température que l'eau qui s'écoulait avant le projet. Alors, la température de l'eau ne varie pas vraiment beaucoup.
    Dans certains cas, en fait dans d'autres localités, certains ont noté que l'esturgeon... peut-être pas dans notre coin, mais le fait qu'ailleurs l'esturgeon a frayé hors saison en raison des températures de l'eau. Au lieu de frayer au printemps, cette espèce frayait à l'automne ou à la fin de...

  (0920)  

    Je suppose que cela entraînait également une hausse du taux de mortalité.
    Je ne le sais pas.
    La commission a recommandé qu'Hydro-Québec effectue de concert avec les Cris, un suivi à long terme de l'état des zostéraies sur la côte est de la baie James pour pouvoir en faire une meilleure évaluation. Le suivi devrait inclure des stations situées en dehors des zones potentielles d'influence des modulations de débit du complexe La Grande de façon à déterminer si ce facteur était important ou non dans les variations d'abondance de la zostère. Dans sa réponse à cette recommandation, le gouvernement du Canada a indiqué qu'Environnement Canada participerait au suivi avec le promoteur du projet ainsi qu'avec les autorités provinciales et les autorités cries.
    Comment va cette étude de suivi?
    Lorsque la commission fédérale d'examen du projet est venue visiter notre collectivité, nous avions proposé que le suivi soit plus poussé que ce qu'on prévoit habituellement. L'objet du suivi, à notre avis, était en fait d'intervenir si l'on constatait que quelque chose n'allait pas ou que quelque chose pourrait clocher plus tard. Le promoteur quant à lui juge que le suivi vise simplement à constater ce qui se passe sans avoir à intervenir de quelque façon que ce soit — essentiellement prendre note de la disparition des zostères et c'est tout. Je ne crois pas qu'ils jugent avoir un rôle à jouer et qu'ils doivent intervenir si l'on constate que quelque chose...
    Vous parlez de la commission?
    Non. Je parle du promoteur, soit Hydro-Québec.
    Jugez-vous que vous jouez un rôle actif dans ce suivi?
    Pas encore. Un comité de suivi a été mis sur pied, mais il s'occupe de toutes sortes d'autres choses. Mais le dépérissement des zostères n'est pas quelque chose qui a été reconnu comme étant important contrairement à l'emplacement exact du projet.
    Quels sont vos rapports avec Hydro-Québec?
    Je n'ai pas vraiment de bons rapports actuellement avec Hydro-Québec puisque nous n'arrivons pas à nous entendre sur la situation ni même sur les résultats que devrait avoir un programme de suivi. À mon avis, ils veulent simplement en faire le moins possible — respecter la lettre de la recommandation, mais non son esprit.
    Avez-vous essayé de les inciter à participer davantage à ce suivi? Estimez-vous qu'ils vous ont ignorés ou est-ce un terme un peu trop dur?
    Je ne dirais pas que le terme est trop dur, mais ça dépend, je suppose, de votre point de vue.
    M. Tapiatic fait partie du comité du suivi qui participe à des discussions directes avec Hydro-Québec ainsi qu'avec les autres collectivités. Il pourra peut-être vous en dire plus sur le travail de ce comité.
    Le comité dont je fais partie s'appelle le comité du suivi pour le projet hydroélectrique Eastmain-1-A-Sarcelle-dérivation de la Rivière Rupert. Notre rôle est le suivant: nous faisons rapport au chef et au conseil de bande et nous communiquons les préoccupations de la collectivité.
    Plusieurs études sont en cours, mais elles ne touchent pas toutes notre collectivité. Les membres de ma collectivité ont dit qu'une de leurs principales préoccupations touchait les zostéraies. La disparition ou le dépérissement des zostères a un impact sur notre mode de vie puisqu'ils touchent les oies migratrices. Il y a toutes sortes de préoccupations également comme l'augmentation du débit et l'érosion des terres qui entraînent la turbidité de l'eau.
    Notre principal rôle est celui de la dissémination de l'information fournie par Hydro-Québec à la bande et par la bande à Hydro-Québec. J'aborde lors des réunions les préoccupations de la collectivité. Je travaille avec cinq autres collectivités soit Mistissini, Nemaska, Waskaganish, Eastmain et Wemindji. Ce comité comprend également des représentants d'Hydro-Québec, de la SEBJ et de l'ARC.

  (0925)  

    Merci, monsieur Simms.
    Monsieur Blais.

[Français]

    Je serai très bref. D'abord, j'aimerais vous saluer et vous remercier d'être ici avec nous aujourd'hui. Pour l'occasion, considérant que c'est mon collègue Yvon qui a fait en sorte que vous soyez ici aujourd'hui, je vais lui laisser le soin de poser des questions.
    Bonjour à vous tous. Je suis heureux de vous recevoir ici, en espérant qu'on pourra vous être de quelque utilité. Avez-vous la traduction? Roderick, c'est la première fois que je te parle en français.
    J'aimerais que vous nous parliez de votre lieu de résidence avant les travaux de la Baie-James, c'est-à-dire Fort George, et de votre déménagement à Chisasibi, de même que de l'entrée de la rivière actuelle par rapport à votre ancien emplacement. Dans le débit de la rivière, on dit qu'il y avait 250 kilomètres de zostères. À quelle distance de la côte s'éloignaient les zostères? Robbie, je pense que tu as mentionné que la pêche et la chasse font partie de votre culture. Il est certain que les Cris ne passent pas à côté du Goose Break.
    J'aimerais que vous expliquiez cela aux participants pour leur faire part du contexte.

[Traduction]

    Je demanderai à Robert Kanatewat de répondre à cette question.
    Robert Kanatewat est un ancien chef de notre bande. Il était en fait chef lorsque la réinstallation de la bande a eu lieu et il était même chef avant cette période. Il est également un des signataires de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Je le laisserai répondre à la question, puis je compléterai.
    Merci.
    Tout d'abord, avant de répondre à votre question, j'aimerais passer en revue les antécédents de la question.
    Il y a une chose que l'on semble oublier. La rivière dont nous parlons, celle dont nous parlons du débit pendant l'hiver — comme maintenant —, avait un débit très faible, dans ce sens que l'eau s'écoulait à peine. Depuis la dérivation des rivières et la construction des barrages, la rivière coule à un débit constant devant notre communauté. Cela perturbe le lit du cours d'eau et l'eau saumâtre qui se dirige vers la baie James.
    Avant ce projet, il y avait beaucoup de sauvagines à l'automne et même au printemps. Même si elles ne se nourrissaient pas de la zostère au printemps, elles se nourrissaient d'autres choses, des herbes poussant le long du rivage. J'ai noté que depuis ce projet, au fil des ans, les mammifères marins qui se trouvent dans le lit du cours d'eau ne sont plus aussi nombreux; le problème ne touche pas uniquement la zostère; toutes les autres espèces sont affectées. Il y avait des moules dans la région, mais il n'y en a plus maintenant. Nous ne voyons plus que quelques vieilles coquilles poussées sur le rivage par les vagues. D'autres espèces, d'autres formes de matières qui poussaient sur le lit de ce cours d'eau salée, disparaissent également. Certaines ont complètement disparues. On voit même à l'occasion des poches d'air qui sont recouvertes de vase. Avant, elles étaient transparentes, mais maintenant elles sont recouvertes à cause de la perturbation du débit d'eau.
    Nous avions toutes sortes d'autres oiseaux migrateurs. Il suffit de mentionner la bernache cravant et la bernache du Canada. Ces espèces étaient très abondantes. En fait, de toute la côte, c'est dans notre région que l'on trouvait le plus grand nombre de sauvagines. En fait, on les trouvait jusqu'à Eastmain et Wemindji où les bernaches se rendaient pour se nourrir avant leur migration vers le sud. Elles se rendaient jusqu'au cap vers le nord. Il s'agit d'aires d'alimentation où les bernaches venaient en très grand nombre se nourrir à l'époque.

  (0930)  

    Pour moi, sans même faire d'analyse, j'ai remarqué que ce qui cause cela, c'est le fait que la rivière coule en permanence. Comme je vous l'ai dit, à l'heure actuelle, la rivière coule tout le temps, jadis, la vitesse de l'eau diminuait un peu vers le milieu de l'hiver. Il n'y avait pratiquement plus d'écoulement. Cela ne perturbait donc pas le lit de la rivière, alors que maintenant, le courant est constant, le lit est perturbé, ce qui remue beaucoup de boue, laquelle est rejetée en mer et, selon toute vraisemblance, étouffe toutes les petites créatures qui y vivaient. Le long du rivage de la baie James, il n'y a pratiquement plus d'organismes vivants et c'est plus ou moins la même chose, je crois, dans la baie d'Hudson. Mais ici, c'est surtout la baie James qui nous préoccupe et, dans une moindre mesure, la baie d'Hudson.
    C'est cela qui a disparu aujourd'hui, et la sauvagine ne vient plus fréquenter les rives. C'est tout à fait vrai, c'est ce que nous avons pu constater jusqu'à présent.
    En ce qui concerne le reste de la réponse, je pense qu'en 1975, les Cris et les Inuits confondus avaient récolté environ 120 000 oiseaux. Pour ce qui est des Cris, nous sommes très loin de ce chiffre aujourd'hui, surtout l'automne.
    Les anciens nous ont rappelé récemment, avant notre départ, que c'était surtout les oies que nous utilisions pour les fêtes et les cérémonies, mais nous ne les utilisons plus. L'oie n'est plus au menu du partage de nos collectivités, pendant les fêtes et les célébrations communautaires, même avec les anciens et ceux qui ne peuvent plus chasser eux-mêmes.
    Je pense qu'à un moment donné, au milieu ou au début des années 70, les oies étaient abondantes chez nous, à tel point que nous avions même envoyé des oies de Chisasibi à Ottawa pour qu'elles soient servies à un banquet en l'honneur de la Reine. Je pense que c'était au moment où M. Trudeau était premier ministre. Cela vous montre à quel point nous en avions beaucoup puisque nous pouvions même les partager avec le reste du Canada, même avec les Européens, alors que maintenant, il n'y en a plus guère.

  (0935)  

    Merci, chef.
    Monsieur Stoffer.
    Je vais passer mon tour, si vous voulez bien, pour écouter plutôt les questions.
    Très bien, je voulais simplement vous signaler ainsi que vous pouviez intervenir si vous le vouliez.
    Monsieur Keddy.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    J'aurais une ou deux questions à vous poser.
    Je ne sais pas si c'est vous qui nous avez fait parvenir ces cartes, mais je ne vois pas où se trouve la rivière. Est-elle tout en haut de la carte? J'imagine que le haut de la carte est le nord. La rivière Chisasibi?
    Ce n'est pas nécessairement pour cela que nous vous avons fait remettre cette carte parce que ce n'est pas uniquement la rivière qui nous intéresse, c'est plutôt le littoral.
    Je comprends parfaitement. Ma question d'ailleurs allait être dans ce sens. Je ne sais pas où se situe la rivière, si elle est au nord ou au sud du secteur représenté sur la carte. Je ne vois pas non plus où se trouve votre village. Je ne vois pas où se situe la rivière, je ne comprends pas trop bien où l'influence des marées se fait sentir et si c'est vers le sud.
    Je pense pouvoir vous aider.
    Cette carte est une partie du littoral qui se situe à 30 ou 40 kilomètres environ au nord de l'embouchure de La Grande. Ces cartes ont été choisies pour vous donner une meilleure idée de la complexité de la topographie du littoral, et cela se trouve...
    Est-ce que le débit de La Grande a augmenté?
    Le secteur représenté sur ces cartes est touché par le panache d'eau douce produit par La Grande, et nous avons choisi ces cartes pour vous donner une idée de la topographie et aussi de certains des problèmes qui se posent lorsqu'on essaie de cartographier les aires de répartition des herbiers de zostères.
    J'aurais une ou deux questions à poser, et si quelqu'un d'autres en a aussi, il pourra les poser lui aussi.
    Je ne mets nullement en doute le fait que la zone littorale a changé et que les herbiers dépérissent. Par contre, je ne sais trop ce qu'on pourrait faire. Il y a un groupe qui travaille avec les gens d'Hydro-Québec; il est évidement qu'Hydro-Québec ne va pas arrêter ses centrales qui sont en activité depuis un certain temps déjà. Le débit d'eau douce augmente, la turbidité de l'eau également, les eaux sont boueuses, et ces eaux se déversent dans la baie. Pour moi, il est tout à fait clair que les oies et les bernaches vont se nourrir ailleurs si elles ne trouvent plus rien à manger là-bas.
    Par contre, je ne sais pas, à part peut-être le fait de travailler avec Hydro-Québec, s'il serait possible de changer quoi que ce soit pour réduire le débit de la rivière en hiver, parce que je n'ai aucune raison de mettre en doute ce que vous dites. La température de l'eau va changer, le débit d'eau douce est plus important et les herbiers dépérissent. Y aurait-il une façon de mitiger cela? Probablement pas.
    Je ne veux pas vous donner l'impression d'être pessimiste, mais en deux mots c'est cela qui se passe.
    Qu'attendez-vous donc de nous ici?

  (0940)  

    Pour commencer, nous avons axé notre propos sur les impacts des ouvrages hydroélectriques. Lorsque nous avons commencé, nous voulions voir s'il ne serait pas possible de rétablir les herbiers de zostères. Notre conseiller nous avait alors dit que pour pouvoir faire cela, il fallait commencer par découvrir pourquoi ces herbiers avaient disparu, parce que sinon, nous sèmerions à tout vent sans vraiment connaître la cause du problème.
    C'est donc ainsi que tout a commencé pour nous. Nous avons déjà examiné la question du pathogène, celle de la salinité, et nous commençons à étudier la turbidité. Nous n'avons pas encore étudié la combinaison des trois facteurs, de sorte que finalement, nous ne sommes pas plus avancés. L'une des choses que nous aimerions demander au comité, c'est qu'il utilise les ressources dont il dispose pour nous aider à déterminer la cause du phénomène. Pourquoi les herbiers ont-ils disparu? À ce moment-là, une fois que nous aurons déterminé la cause du problème, nous pourrons voir s'il est possible de reconstituer les herbiers.
    Ce que vous demandez là est tout à fait raisonnable à mon avis, demander au ministère des Pêches et Océans de se pencher sur ce problème, et je vous sais gré d'avoir présenté les choses de cette manière. Tout ce que vous pouvez voir sur le terrain vous porte à penser qu'il y avait jadis des herbiers. Le gros changement est survenu au niveau de la rivière proprement dite, et maintenant, les herbiers sont moins nombreux, de sorte que la plupart d'entre nous en viendraient sans doute à la conclusion qu'il y a un problème. Et vous persistez à nous dire qu'il faut encore trouver une réponse scientifique.
    Avez-vous étudié la situation des herbiers de zostères ailleurs, par exemple dans les eaux limoneuses, à d'autres endroits? Le long de la côte de la Nouvelle-Écosse, ces herbiers sont nombreux et, dans certains secteurs — je ne suis pas biologiste lorsque je vous dis cela —, je pense que dans leur migration, les oies traversent la baie de Fundy en abondance. À certains endroits dans la baie de Fundy, les oies viennent se poser. Cela dit, je ne sais pas si elles se nourrissent de zostères... Mais elles viennent se poser le long du littoral sud-ouest de la province, et il y a là des zostères qui poussent dans des eaux troubles, dans des eaux boueuses.
    Je vais demander à M. Lameboy de répondre à votre question.
    Je me suis personnellement mis en rapport avec des gens dans les Maritimes, des gens qui m'ont dit que là aussi, les herbiers disparaissaient, mais que cela était dû à plusieurs raisons. Peut-être...
    Parfois, ces herbiers sont ravagés par les oies. Il arrive qu'il y ait trop d'oies et qu'après leur passage, les herbiers aient été réduits à néant.
    Effectivement, nous avons vu cela chez nous, et on a prouvé que même dans ces cas-là, les herbiers réapparaissaient l'année suivante.
    Je suis également allé dans le New Hampshire pour voir le programme de régénération des herbiers de zostères qui est en cours là-bas. Il y a des programmes de régénération, mais en ce qui concerne la baie James, je ne sais pas si ces programmes seraient réalisables. Il faudrait des études pour mieux comprendre si un projet de ce genre aurait des chances de réussir à Chisasibi.
    Je vous remercie.
    C'est tout ce que j'avais à demander aux témoins, monsieur le président.
    Il vous reste néanmoins deux minutes et demie.
    Monsieur Kamp.
    Vous pourriez peut-être m'éclairer sur un point: en quelle année la centrale hydroélectrique est-elle entrée en service? Par ailleurs, vous ai-je bien entendu dire qu'après son entrée en service, il y avait eu une diminution de la surface des herbiers, mais que ceux-ci s'étaient régénérés ensuite pour dépérir encore une fois? Si c'est le cas, comment peut-on expliquer cela d'un point de vue scientifique, pourquoi y a-t-il eu régénération si effectivement le débit avait augmenté, ce qui aurait été le cas, j'imagine, depuis l'entrée en service de la centrale de La Grande?
    Vous avez travaillé avec un scientifique, avez-vous dit, qui a écarté certaines autres explications, mais connaissez-vous d'autres scientifiques en plus de celui-là qui auraient pu fournir une explication pour ce dépérissement, peut-être une explication différente de celle qui a été donnée par celui avec lequel vous avez travaillé? Y a-t-il des scientifiques qui auraient une explication à donner pour ce phénomène de dépérissement des herbiers de zostères?
    Je vais demander à M. Penn de répondre au premier volet de cette question.
    Je pense qu'il faut commencer par préciser qu'il s'agit d'un très gros complexe hydroélectrique qui a été créé en détournant plusieurs cours d'eau. Le processus qui a conduit à l'entrée en service s'est déroulé entre 1979 et 1984. Pendant la première phase du projet, le débit a graduellement augmenté, cela ne s'est pas fait par à-coup, à mesure que les réservoirs se remplissaient et que de nouveaux cours d'eau venaient s'y jeter. Mais il a fallu attendre en réalité 1985 pour commencer à constater les effets complets du détournement de ces cours d'eau, et il a donc fallu plusieurs années avant que cela se manifeste.
    Par après, Hydro-Québec a lancé les phases deux et trois du projet de La Grande. Les études effectuées par Hydro-Québec n'avaient pas porté sur le premier détournement, mais plutôt sur les effets de l'augmentation du débit attribuable aux autres centrales ainsi qu'au détournement de la Rivière Rupert. Hydro-Québec a toujours estimé que l'obligation qui lui était imposée d'étudier ce phénomène se limitait à la nécessité d'étudier les effets supplémentaires de l'augmentation du débit plutôt que les conséquences fondamentales du détournement proprement dit des cours d'eau. Et cet état de choses a eu pour effet de limiter considérablement la portée des études qui ont été effectuées jusqu'à présent.
    Je voudrais également faire valoir un autre élément en cause: lors de la conception du projet de La Grande, la politique imposée à Hydro-Québec prévoyait qu'on allait construire des centrales hydroélectriques pour répondre aux besoins en électricité de la province. Les débits dont vous a parlé le chef Pachano étaient ceux qu'on pouvait associer à la demande provinciale. Mais depuis une dizaine d'années, Hydro-Québec est vraiment devenu un des tenants du système d'alimentation électrique du Nord-Est de l'Amérique du Nord, de sorte que la configuration des débits est actuellement très différente de ce qu'elle était au moment de la planification initiale du projet. L'effet d'ensemble que cela a eu a produit une série de pointes qui sont beaucoup plus difficiles à prévoir parce que ces pointes sont associées aux fluctuations du marché de la demande et à la courbe de consommation d'énergie aux États-Unis pendant l'été, lorsqu'il s'agit d'alimenter les climatiseurs. Hydro-Québec insiste dorénavant davantage sur la production estivale que sur la production hivernale.
    Toutes ces modifications, Hydro-Québec les considère comme des informations privilégiées et il est donc, en partie pour cette raison-là, difficile d'obtenir des données sur les débits.
    Les courbes de débit saisonnières et à plus court terme ont également des répercussions environnementales. L'un des problèmes qui se posent lorsqu'on essaie de comprendre l'écologie de la baie James, c'est qu'il faut d'abord bien comprendre l'adéquation entre les variations de l'environnement le long du littoral et les variations de débit dans les turbines qui correspondent aux besoins en énergie. C'est donc quelque chose qui fluctue et qui n'est pas du tout constant du point de vue chronologique.
    Peut-être cela pourra-t-il vous éclairer.

  (0945)  

    Pour répondre à votre seconde question, nous nous y sommes pris en éliminant systématiquement certaines de ces raisons ou certaines des causes possibles qui pourraient expliquer la disparition des herbiers.
    Nous avons également étudié d'autres textes scientifiques, et nous ne nous sommes donc pas fiés uniquement à notre scientifique. Nous voulions avoir quelqu'un qui soit totalement indépendant des promoteurs du projet pour voir s'il ne serait pas possible d'obtenir l'information voulue. Je pense que certains de ceux qui ont travaillé pour les promoteurs, en l'occurrence Hydro-Québec, ont tendance à ne pas trop vouloir mordre la main qui les nourrit. Les constats de certaines des études conduites à l'initiative du promoteur vont souvent dans le sens de ce que celui-ci voulait entendre. Le professeur Short est la seule personne que nous ayons trouvée qui soit totalement indépendante par rapport à Hydro-Québec. Il n'y a pas beaucoup d'experts en la matière, d'ailleurs.
    Je vous remercie.
    Merci, chef.
    Je vais permettre à M. MacAulay de poser une petite question rapidement.
    Bienvenue à vous, chef, et à tous ceux qui vous accompagnent.
    C'est là assurément un gros problème pour vous et les vôtres. En écoutant la conversation, je me suis demandé s'il ne s'agissait pas d'une question de débit. J'aimerais également que vous nous parliez un peu plus longuement de ce processus d'élimination des causes du problème. S'agit-il du débit, s'agit-il des émissions de la centrale, s'agit-il plutôt d'expansion constante du projet qui produit davantage d'émissions? Vous parlez du fait qu'il faut procéder systématiquement par élimination, vous avez dit qu'il n'y avait pas beaucoup d'experts, mais j'imagine que vous êtes probablement aussi en train de former des experts dans ce domaine.
    Je voudrais donc savoir si vous avez une idée bien précise de ce qu'est le problème en réalité. Est-ce un problème de débit? Est-ce un problème d'émissions? Et dans la négative, que faudrait-il faire?

  (0950)  

    Je ne sais pas par où commencer.
    J'imagine que c'est Hydro-Québec qui a fait la plus grande partie des études, et nous sommes donc partis de ses propres rapports. Les constats de certains de ces rapports varient d'une année sur l'autre. Parfois, ils disent que c'est l'action des vagues qui est à l'origine du dépérissement. Une autre fois, ils disent que c'est l'action des glaces qui en est la cause. Une autre fois encore, ils disent que c'est le parasite pathogène qui a entraîné le dépérissement. Lorsque nous nous trouvons ainsi confrontés à toutes sortes d'avis contradictoires comme ceux-là de la part de l'organisme qui a procédé à la majorité des études, il est certain que nous voulons plutôt découvrir nous-mêmes les causes. C'est donc l'une des choses que nous avons faites.
    Nous avons conclu que ce n'était pas l'action des vagues, parce que l'action des vagues est un phénomène qui se répète depuis des milliers d'années. Nous avons également conclu que ce n'était pas l'action des glaces, parce que l'action des glaces ne varie pas. Les glaces sont là depuis la nuit des temps. Et notre expert a, pour l'essentiel, conclu que ce n'était pas non plus causé par le parasite pathogène...
    Ce n'est donc pas la maladie qui frappe la plante.
    Non. Cette maladie est due à un microorganisme qui fait partie de l'environnement naturel. Lorsque ces microorganismes sont trop abondants, les herbiers des zostères dépérissent. S'ils ne sont pas trop abondants, ils font partie intégrante du système naturel et les herbiers ne sont pas affectés.
    En procédant donc par élimination, pour ces trois facteurs-là, nous avons pu conclure que la cause n'était pas là. À notre avis, c'est soit une question de salinité — la quantité d'eau douce qu'on trouve à cet endroit-là — ou une question de turbidité, parce que tous les organismes vivants ont besoin de lumière pour vivre, et l'eau n'est pas vraiment aussi claire qu'elle l'était jadis, comme vous l'a dit l'ancien chef. L'essentiel de cela, et c'est notre opinion, est dû aux glissements de terrain le long de la rivière, glissements qui font que la rivière charrie de la terre, surtout en hiver. Je pense que c'est le plus marqué à ce moment-là, parce que jadis, cela ne se produisait pas. Mais maintenant, c'est un phénomène que nous pouvons constater. En amont de chez nous, on peut voir des arbres et des buissons qui ont été entraînés par les glissements de terrain qui sont pris dans la glace, de sorte que cela augmente la turbidité de l'eau.
    Quelle est donc la combinaison? C'est cela que nous nous demandons. Nous ne le savons pas encore et nous aimerions que quelqu'un nous aide à découvrir ce dont il s'agit. Peut-être n'est-ce pas la faute d'Hydro-Québec. Peut-être est-ce... Je l'ignore. Mais une fois que nous aurons découvert le pourquoi, à ce moment-là nous aimerions pouvoir demander, vous savez, s'il n'y aurait pas moyen de régénérer les herbiers.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, chef.
    Il reste environ cinq minutes. Je vous invite à faire des commentaires en guise de conclusion si vous le désirez.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier le comité de sa patience. Il nous est assez difficile d'expliquer le problème tout particulièrement en mots de tous les jours, à des gens qui ne connaissent peut-être pas vraiment la situation et qui n'ont peut-être pas les moyens nécessaires pour le faire, et ce n'est d'ailleurs pas étonnant.
    Je pense que cette question est très importante pour notre communauté. Nous parlons en fait du rétablissement des zostéraies à leur état naturel, ou le plus proche possible de cet état, ou comme c'était auparavant. Si c'était possible, cela permettrait le retour des oiseaux migrateurs et le rétablissement de l'écosystème ainsi que le retour de tous les animaux, des poissons et de la faune marine qui existaient auparavant.
    Nous voudrions que les gouvernements respectent leurs engagements. J'entends par-là entre autres les engagements pris par les signataires de la Convention de la baie James et du Nord québécois, à savoir que sous réserve du principe de la conservation, les Cris se voyaient garantir certains niveaux d'exploitation qui existaient avant la signature de la convention. À notre avis cette convention représente notre traité signé avec les gouvernements, donc un texte qui est protégé par l'article 35 de la Constitution canadienne.
    Nous voudrions que le gouvernement et toutes les parties signataires de cette convention respectent cet engagement. Peut-être à ce moment-là serons-nous en mesure de partager à nouveau avec vous une bernache lorsque la chasse aura atteint à nouveau les niveaux garantis.
    Merci beaucoup.

  (0955)  

    Je tiens encore à vous remercier de votre exposé. Tout cela était fort intéressant. Je suis convaincu que les députés ont beaucoup appris sur les préoccupations de votre communauté.
    Nous allons maintenant entendre les représentants du ministère des Pêches et des Océans et du ministère de l'Environnement sur le dossier des zostéraies. Nous allons cependant prendre une pause de cinq minutes pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
    Merci.

    


    

  (1000)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe d'intervenants.
    Encore une fois, je vous demanderais de vous présenter. Si j'ai bien compris M. Elliot présentera des commentaires liminaires. Avant de le faire, je vous demanderais de vous présenter et de nous parler de vos responsabilités.
    Je m'appelle Richard Elliot et je suis le directeur de la recherche sur la faune, Science et technologie, au ministère de l'Environnement.
    Je m'appelle Austin Reed. Je suis un scientifique, un chercheur à la retraite, du Service canadien de la faune, situé à Québec.

[Français]

    Bonjour. Mon nom est Lizon Provencher. Je suis biologiste à l'Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli.
    Bonjour. Je suis Patrice Leblanc, directeur de la Protection de l'habitat et du développement durable ici, à Ottawa.

[Traduction]

    Merci encore une fois d'être venus nous rencontrer. Bienvenue.
    Comme je l'ai déjà signalé, je crois que M. Elliot désire présenter quelques commentaires liminaires.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord vous signaler que M. Reed est un scientifique émérite qui a travaillé à Environnement Canada, et c'est un spécialiste des populations de bernaches du nord du Québec et d'ailleurs en Amérique du Nord ainsi que sur leur rapport avec les zostères.
    M. Reed m'a fourni une bonne partie des renseignements techniques que je présenterai dans mes commentaires liminaires; il sera en mesure de répondre aux questions techniques portant sur la sauvagine et leur liens avec les zostères.
    Je résumerai les renseignements fournis par Environnement Canada sur la zostère dans la partie est de la baie James et son importance comme source d'alimentation de la sauvagine. En fait, ce que je vous dirai reprend dans une large mesure ce que les représentants de la nation crie vous ont déjà dit.
    La zostère marine est une plante aquatique que l'on retrouve dans des herbiers importants dans des eaux peu profondes relativement chaudes et abritées le long de la côte de la baie James, tout particulièrement là où on trouve des sédiments fins, des marées peu prononcées et une salinité moyenne ou élevée. Ces zostèraies, comme on vous l'a déjà dit, jouent un rôle très important dans l'écosystème côtier de la baie. Elles assurent un abri pour plusieurs espèces de petits poissons et d'invertébrés, une source d'alimentation pour nombres d'animaux, et d'après nous, elles représentent une source d'alimentation importante pour les canards, les bernaches du Canada et tout particulièrement la bernache cravant.
    Steve Curtis, un biologiste qui travaille au Service canadien de la faune à Environnement Canada a été un des premiers intervenants à étudier les zostèraies fort productives le long de la baie James au début des années 70. En fait, l'importance pour l'écosystème des zostères avait été identifiée avant même que le développement hydro-électrique n'ait lieu sur les cours d'eau qui viennent se déverser dans la baie. Plus tard, Hydro-Québec a assumé la responsabilité d'études quantitatives sur l'abondance des zostères dans la baie James et s'est servie de six stations permanentes qui se trouvaient à proximité de l'embouchure de La Grande pour ses relevés. Ces études ont été effectuées à l'origine en 1988 puis ont été répétées pratiquement tous les ans jusqu'à 1995. Ces études ont donc commencé après la construction des premiers barrages sur La Grande. Elles ont démontré que ces zostèraies côtières étaient parmi les plus productives d'Amérique du Nord.
    Les études entreprises par Hydro-Québec ont été répétées en 1999 et en 2000. On a alors décelé une diminution dramatique de la superficie des zostères. Depuis, un relevé surtout qualitatif plutôt que quantitatif, ce qui était le cas dans le relevé précédent, a été effectué soit en 2004. On a alors constaté que la présence des zostères était encore assez faible.
    Les causes du dépérissement des zostères à notre avis dans la baie James sont difficiles à cerner et mal saisies. En plus d'être vulnérables au changement des niveaux d'eau, de la température de l'eau ainsi que de la salinité, et de la perturbation des sédiments par les activités de l'être humain, les zostères sont sensibles à cette maladie qu'a mentionnée un peu plus tôt le chef Pachano, causée par la moisissure visqueuse appelée labyrinthula. Comme les intervenants du secteur le savent, il y a eu des flambées de ce parasite qui ont entraîné un dépérissement marqué des zostères dans d'autres régions. En fait, cette maladie a entraîné la destruction de près de 90 p. 100 des zostères sur la côte atlantique d'Amérique du Nord et d'Europe pendant les années 1930. Cependant, à notre connaissance, aucun lien n'a été établi entre cette moisissure visqueuse et le dépérissement des zostères de la baie James.
    Environnement Canada a collaboré à la publication des caractéristiques des zostéraies et de l'utilisation de la zostères par la sauvagine en 1990 et en 1991. M. Reed a d'ailleurs été un des auteurs de ces rapports.
    À notre connaissance il n'existe pas de renseignements quantitatifs plus récents qui découleraient d'études effectuées sur les zostères, mais il se pourrait fort bien que les documents aient été publiés dont nous ne soyons pas au courant, surtout si les études portaient sur des zones situées plus au sud que la région décrite par les représentants cris ce matin.
    Je dois vous signaler qu'Environnement Canada s'intéresse à la question dans la mesure où la sauvagine se sert comme source d'alimentation de la zostère. La baie James représente une escale très importante pour les canards et les oies en migration en Amérique du Nord. Elles y font escale pendant plusieurs semaines pendant leur migration du printemps lorsque ces oiseaux reviennent de leur zone d'hivernage au sud et se rendent vers des aires de reproduction plus au nord; elles y font à nouveau escale lorsqu'ils redescendent vers le sud à l'automne. Lorsque ces oiseaux sont dans la région de la baie James, ils se nourrissent dans une large mesure dans ces habitats riches le long du littoral pour se refaire des forces pour pouvoir poursuivre leur voyage jusqu'à la prochaine escale.
    Les zostères sont une source de nourriture importante pour plusieurs espèces de sauvagines, en particulier la bernache cravant. Il s'agit de petites oies qui fréquentent les eaux marines. Elles se reproduisent dans les zones côtières de faible élévation à Fox Basin qui est dans la région arctique centrale du Canada puis passent l'hiver le long du littoral en Nouvelle-Angleterre, principalement du Massachusetts à la Caroline du Nord. Leur route migratoire les amène à survoler le Canada faisant escale à divers endroits le long de la côte de la baie James au Québec et en Ontario, au printemps et à l'automne, à l'occasion pendant une période pouvant durer un mois. Pendant leur migration et leur période d'hivernage, la bernache cravant dépend énormément comme source d'alimentation de la zostère quoi qu'elle mange d'autres plantes que l'on retrouve dans les prés salés lorsque qu'elles sont dans leurs aires de reproduction dans l'Arctique.

  (1005)  

    Les travaux de recherche entrepris par le Service canadien de la faune d'Environnement Canada en collaboration avec Hydro-Québec et les membres de la communauté crie, c'était pour l'essentiel au début des années 90, ont établi que les bernaches de la baie James se nourrissaient presqu'exclusivement des herbiers de zostères, et qu'elles mangeaient presqu'exclusivement les feuilles de ces plantes. Les outardes et les canards — vous en avez déjà parlé — se nourrissent également de zostères, mais pas exclusivement dans ces secteurs. Et plusieurs espèces de canards mangent également de nombreux petits organismes dont l'écosystème des herbiers est l'hôte. Encore une fois, ces observations ont été publiées dans des rapports qui peuvent être consultés et qui ont été co-signés par le professeur Reed.
    Il n'y a pas un nombre suffisant d'études récentes pour pouvoir déterminer si le nombre de spécimens de sauvagines qui transitent par la baie James a diminué dans l'ensemble. Par contre, on dispose d'une information suffisante pour pouvoir affirmer qu'un grand nombre d'espèces de sauvagines continuent à fréquenter la baie pendant la migration; des études récentes conduites par Environnement Canada et ses partenaires américains montrent que toute la population de bernaches cravants transitent par la baie James — même s'il semblerait qu'un pourcentage plus élevé de ces animaux s'arrêtent, pendant leur migration, sur le littoral ouest de la baie James, en Ontario, plutôt que sur le littoral est, qui est précisément le secteur qui intéresse les représentants cris comme ceux-ci l'ont dit pendant la session précédente.
    Pour conclure, je voudrais vous parler du rôle qu'Environnement Canada peut jouer pour permettre de mieux comprendre la situation. En vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, c'est Environnement Canada qui assume la responsabilité de la protection des oiseaux migrateurs, et notamment des espèces de sauvagines. Pour l'essentiel de ses travaux de recherche et de ses activités de surveillance, Environnement Canada travaille en partenariat avec d'autres organismes et il est rare que le Ministère travaille isolément. Nous sommes conscients de l'importance qu'il y a de travailler en partenariat. Il s'agit en effet de recueillir et d'interpréter des informations sur l'écologie et d'y donner suite. Environnement Canada procède ainsi pour essayer de comprendre l'interaction entre la sauvagine et les herbiers de zostères ainsi que les changements plus importants subis par l'écosystème côtier de la baie James.
    Même si c'est nous qui assurons ainsi la conservation des oiseaux migrateurs, y compris les espèces de sauvagines, la protection de la plus grande partie des habitats fauniques est du ressort des provinces. Nos amis du ministère des Pêches et Océans vont à leur tour vous parler de leur rôle dans le droit fil de mon propre exposé. Ce que cela met en exergue pour notre Ministère, c'est la nécessité d'une coopération dans la recherche, la surveillance et la gestion de tous les éléments des systèmes côtiers de la baie.
    Pour conclure, je voudrais signaler les partenariats qui existent entre mon ministère, Environnement Canada, et la communauté crie, Hydro-Québec, le gouvernement du Québec, Pêches et Océans Canada et plusieurs cabinets privés de consultation qui, agissant de concert, ont ainsi permis de mieux comprendre l'écosystème de la baie James, et en particulier les herbiers de zostères et les espèces de sauvagines.
    Je vous remercie, monsieur le président.

  (1010)  

    Merci, monsieur Elliot.
    Allons-nous également avoir un exposé de M. Leblanc?

[Français]

    Bonjour.
     La problématique des zostères est complexe et implique plusieurs groupes, dont Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans, la communauté, l'industrie et la province. La province de Québec a une responsabilité. À l'heure actuelle, il y a très peu d'information scientifique sur les zostères dans cette région, dans le contexte des pêches et des impacts sur les poissons et l'habitat du poisson.
    Le MPO n'a pas de programme de recherche sur les zostères de la baie James. Nous évaluons diverses options pour mieux comprendre la problématique, incluant une étude des connaissances sur les zostères et le programme de monitorage d'Hydro-Québec.
    Lizon Provencher m'accompagne. Elle représente le secteur des sciences et peut répondre aux questions scientifiques. Je représente le Programme de gestion de l'habitat du poisson du ministère des Pêches et des Océans. Nous sommes responsables de l'administration des articles de la Loi sur les pêches qui régissent les impacts des activités humaines sur l'habitat du poisson et les poissons.
    De plus, nous sommes responsables de l'administration et de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale avant les prises de décision au sujet de la Loi sur les pêches. Nous avons participé à la Commission fédérale d'évaluation environnementale du projet Eastmain-1-A et dérivation Rupert. Je pense que vous avez tous les réponses que nous avons fournies aux recommandations du panel sur le projet Eastmain-1-A et dérivation Rupert. C'était notre ministère.
    Des représentants de la région n'ont pas pu participer à cette réunion, mais s'il y a des questions auxquelles je ne peux pas répondre au cours de cette réunion, je m'occuperai d'obtenir les réponses.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Leblanc, et merci à vous aussi, monsieur Elliot.
    Monsieur Matthews.
    Monsieur le président, permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue à nos témoins et de les remercier d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Elliot, j'ai bien écouté votre exposé, ainsi bien entendu que celui du chef Pachano et des siens, et je pense qu' un gros souci qui transparaissait dans l'exposé du chef Pachano était qu'Hydro-Québec répugne à communiquer les tableaux annuels des fluctuations mensuelles des débits, ce qui empêche ces gens d'approfondir leurs recherches. Environnement Canada aurait-il en main ou pourrait-il recevoir ces données d'Hydro-Québec ou alors avez-vous vous aussi, comme le chef Pachano, constaté qu'Hydro-Québec n'était pas vraiment très coopératif dans ce dossier? À mon sens, c'est pourtant fondamental si l'on veut arriver à déterminer si, effectivement, Hydro-Québec est l'une des causes du problème.

  (1015)  

    J'ai bien compris votre question.
    Au ministère, Environnement Canada, je travaille principalement sur la sauvagine et la conservation des oiseaux migrateurs, et je ne sais donc pas si d'autres services du Ministère ont au moins essayé d'obtenir cette information. Vous voudrez bien m'excuser, mais je ne puis pas vraiment ajouter quoi que ce soit pour l'instant, mais nous pourrions néanmoins essayer de nous renseigner.
    J'aurais probablement dû poser la question e au chef parce que j'aimerais savoir pourquoi Hydro-Québec refuse de fournir les renseignements sur le débit à intervalle régulier. On nous a parlé du nécrose de la zostère, et le chef nous a bien décrit la situation en éliminant toutes les hypothèses possibles. À mon avis quelqu'un devrait être en mesure d'obtenir ces renseignements sur le débit d'Hydro-Québec. Je ne suis pas partie à ce dossier, je suis simplement membre du comité et je ne doute pas de la véracité de ce qu'on m'a dit. À mon avis il y a certainement une raison pour laquelle la société hydroélectrique refuse de fournir ces renseignements.
    Monsieur Leblanc, vous représentez le MPO, et vous nous avez fait part de vos préoccupations à l'égard de l'habitat du poisson et de la protection du poisson. Est-ce que le MPO détient ces renseignements d'Hydro-Québec? Dans la négative, est-ce que le MPO s'inquiète de ne pas recevoir à intervalles réguliers des rapports sur le débit d'Hydro-Québec?
    Je ne sais pas si Hydro-Québec fournit des renseignements. Malheureusement, notre représentant de la région du Québec n'a pu se joindre à nous ce matin. Il avait d'autres engagements. Je me renseignerai pour savoir si en fait nous recevons — et je suppose que c'est le cas — des renseignements sur le débit de l'eau provenant du projet hydroélectrique; après tout la disposition de la loi nous autorise à établir un débit minimum pour le mieux-être du poisson.
    Je vérifierai et je communiquerai à nouveau avec le comité pour le mettre au courant de la situation et pour lui signaler s'il existe des conditions particulières concernant la communication de ces renseignements.
    Je vous en serais reconnaissant.
    Monsieur Elliot, pouvez-vous vous engager au nom de votre ministère comme M. Leblanc vient de le faire au nom du MPO? Si le ministère de l'Environnement reçoit des renseignements ou s'inquiète de ne pas en recevoir, pouvez-vous nous le dire?
    Oui, je me pencherai certainement sur la question. Peut-être M. Leblanc pourra-t-il vous répondre au nom des deux ministères.
    Peu importe. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Simms.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine. Comment les communications entre la Nation crie et Hydro-Québec se déroulent-elles dans ce dossier? Participez-vous directement à leurs consultations, participez-vous au processus?
    Pour ce qui est de l'évaluation environnementale, l'évaluation environnementale du projet Eastmain-1-A, nous aurions dû nous assurer que les Autochtones avaient été consultés avant que le ministère ne procède au processus décisionnaire prévu par la Loi sur les pêches. Mais je pense que vous voulez une réponse un peu plus générale, vous voulez savoir si nous agissons comme point contact entre Hydro-Québec et les Autochtones. Je devrai me renseigner et vous répondre plus tard. Je m'excuse, mais je ne suis pas en mesure de vous répondre maintenant.
    Non, ça va. Je pensais peut-être que vous le saviez.
    Passons maintenant à la nécrose dont on nous a parlé.
    Monsieur Elliot, vous avez dit qu'à une époque il y avait eu un dépérissement de la zostère et que 90 p. 100 des zosteraies avaient disparues. C'était dans les années 1930, n'est-ce pas? Ai-je bien saisi?
    Oui, il y avait eu un dépérissement dramatique des zostères des deux côtés de l'Atlantique dans les années 1930, un dépérissement qui était directement attribuable à cette nécrose.
    Je crois que les représentants de la Nation crie on mentionné que cette nécrose, ou ce parasite, est toujours présent, à un niveau très faible, mais dans certaines circonstances ce parasite semble prendre le dessus et avoir un impact dramatiques sur les zosteraies.
    Et quelles seraient ces circonstances?
    Je devrai demander à M. Reed de répondre à cette question, parce qu'il connaît bien le secteur.
    En effet.
    Je ne pense pas que le phénomène soit parfaitement compris, c'est-à-dire le dépérissement grave des herbiers de zostères qui était survenu dans les années 30 et qui, entre parenthèses, n'avait pas touché la baie James, mais uniquement les herbiers du littoral atlantique. Cela dit, la chose avait été étudiée peut-être 10 ou 15 ans plus tard par des spécialistes des deux continents. Je ne pense pas qu'ils soient parvenus à isoler un facteur auquel on aurait pu attribuer la virulence du processus, de cette pathologie, pendant la période en question. Mais il s'agissait d'une combinaison de tous les éléments dont nous parlons ici, par exemple les changements de salinité, de sédimentation et toutes sortes d'autres facteurs écologiques comme ceux-là. Je ne pense pas qu'ils soient parvenus à en isoler un en particulier, voire deux ou trois qui, agissant ensemble aient pu être à l'origine du phénomène.

  (1020)  

    En réalité donc, vous nous dites que cette pathologie existe à l'état endémique dans la baie James, et que cela a toujours été le cas, même dans les années 30. Ce que vous précisez, c'est simplement qu'il y a eu une épidémie sur le littoral atlantique.
    Je dirais que cette maladie était mal connue avant cet épisode grave des années 30. C'est après seulement qu'on a réussi à identifier la cause du dépérissement et qu'on l'a attribuée à ce pathogène. Depuis lors, les herbiers se sont partiellement régénérés dans la majeure partie de leurs habitats sur le littoral atlantique, et ils continuent à fluctuer à différents degrés.
    Lorsqu'on analyse la plante en laboratoire, on constate que le pathogène est toujours présent, mais à un niveau très faible, de sorte que le potentiel d'un nouveau dépérissement existe bel et bien, il suffit que les conditions favorables se représentent.
    Manifestement, donc, vous ne considérez pas qu'il y ait un risque majeur à court terme.
    Au contraire, je pense que le risque est toujours là.
    Très bien.
    Parfait, j'essaye simplement de comprendre. Le pathogène qui est endémique dans la baie James n'est donc pas à court terme un facteur crucial. Est-ce qu'on peut conclure en ces termes?
    Eh bien je dirais que ce qui nous préoccupe, c'est plutôt le bien-être des populations d'oiseaux migrateurs qui transitent par cette région. Si les herbiers périclitent à cause des grands projets hydro-électriques ou encore à cause de la présence du pathogène, pour nous c'est la même chose à peu près. Dans les deux cas, notre préoccupation demeure.
    Monsieur Leblanc, auriez-vous quelque chose à ajouter?
    Dans ce cas, revenons-en donc au grand projet hydro-électrique. Manifestement, c'est cela qui inquiète le plus à l'heure actuelle. Au début des grands travaux, à votre avis qu'est-ce qui avait été le plus nuisible aux herbiers ou aux réelles populations d'oiseaux aquatiques?
    Avant l'érection des barrages et la modification des débits, les spécialistes avaient l'impression à l'époque que les herbiers de zostères se portaient bien et que leur fluctuation continuait à s'observer à des niveaux relativement bons. Selon les données d'Hydro-Québec, qui sont les seules données quantitatives dont nous disposons, les herbiers ont commencé à péricliter après quelques années seulement, après que les structures des barrages eurent été terminées et que le débit des eaux eut définitivement changé. Comme l'a décrit M. Penn, les eaux qui se déversent dans la baie James à partir de ces ouvrages varient constamment depuis plusieurs années.
    Je soupçonne que c'était là l'information que les Cris n'avaient pas. Mais les principaux changements survenus à cause de l'érection des deux barrages n'ont pas eu un effet immédiat sur les herbiers, à en croire les données quantitatives recueillies par Hydro-Québec au sujet de ceci. Ce n'est qu'après quelques années qu'on a commencé à noter une régression.
    Quel en était le facteur principal?
    Je ne saurais vous répondre. Cela pourrait être n'importe quelle cause. Ce qui est clair, c'est qu'il y ait eu une régression considérable, une régression semblable à celle des années 30. On le constate facilement lorsqu'on regarde les données d'Hydro-Québec pour les six stations situées à l'embouchure de La Grande.
    Il existe une autre source d'information au sujet des herbiers de zostères, et ce sont les évaluations qualitatives. Les Cris eux-mêmes en ont fait quelques-unes, Hydro-Québec en a fait d'autres, ce qui couvre une grande partie du littoral de la baie James. Par contre, il n'existe aucune donnée quantitative permettant de confirmer l'un ou l'autre changement à partir des évaluations qualitatives. Les seules données irréfutables que nous ayons portent sur l'embouchure de La Grande.

  (1025)  

    Très bien.
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Tout le monde comprend le français. À Mont-Joli, on doit comprendre le français. Les gens du nord-est du Nouveau-Brunswick le comprennent aussi. Monsieur Reed, vous parlez français aussi. Pour ceux qui en doutaient, il est rassurant de voir que deux ministères peuvent se côtoyer aussi facilement et assidûment, et j'en suis heureux. La population crie doit l'être aussi.
    J'apprécie votre expertise et votre formation. Des gens ont vécu dans ce milieu toute leur vie. Ils fraternisent beaucoup avec les Indiens revendicateurs de la côte est et ceux de la côte ouest. Ils s'entendent assez bien. Sur la côte ouest de la baie James, il n'y a pas de zostères, apparemment. Il n'y aurait que du sable et de la boue. Les zostères existaient principalement, selon eux, sur la côte est de la baie James.
    Vous êtes bien placés pour savoir que le poisson qu'ils peuvent manger tous les jours, le corégone, se tient près de ces lits de zostères. Le nombre d'oies de différentes espèces diminue, tout comme le corégone. Il y a aussi les changements climatiques qui entrent en ligne de compte. Je suis allé les rencontrer pour la première fois le 23 juin 2004 et j'ai dû mettre un manteau d'hiver. Ils ont ri de moi. J'y suis retourné en mai 2006, mais je portais un simple manteau d'été et j'étais très bien. Si je ne me trompe pas, la glace était déjà décollée de la rive, le 20 mai 2006.
    Vous avez les moyens scientifiques pour faire des études, et c'est ce qu'ils recherchent. Ils veulent en savoir davantage pour pouvoir proposer des solutions et ramener la nature dans l'état où elle était avant le développement de la Baie-James.
     Au nombre des recommandations qui ont été faites sur les études d'impact du développement de la Baie-James, y en a-t-il qui n'ont pas été retenues par Hydro-Québec pour développer le projet? Sinon, pouvez-vous proposer des mesures qui diminueraient, par exemple, la force de l'eau qui entre dans la baie et qui peut déranger le fond et faire mourir les zostères et, en même temps, faire disparaître la luminosité qui permet aux zostères de se développer?
    Avez-vous fait des recommandations? Serait-il possible que les deux ministères fassent des recommandations à Hydro-Québec à cet égard?
    Deux recommandations du panel concernent cette question. La première demande qu'Environnement Canada, Hydro-Québec et les Cris établissent un programme de surveillance des zostères. Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu des progrès à ce chapitre. Il faudrait demander à Environnement Canada si un tel programme a été établi. Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans devraient se réunir afin d'étudier une proposition concernant cette surveillance.
    Dans le cadre des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches, on a demandé à Hydro-Québec de faire ce qu'on appelle du follow-up monitoring. C'est près de la centrale hydroélectrique, et non dans la baie James. La surveillance porte sur l'impact des débits et sur l'habitat du poisson. Hydro-Québec devra soumettre un plan de surveillance aux fins de l'examen du ministère des Pêches et des Océans.

  (1030)  

    Avez-vous un commentaire à faire sur l'environnement comme tel? Êtes-vous en mesure de faire des propositions, par exemple si vous réalisez que le débit est trop puissant, dérange les fonds marins et coupe la luminosité de l'eau de façon à empêcher la prolifération de la zostère? Êtes-vous en mesure de faire des recommandations à Hydro-Québec, en tant que ministère de l'Environnement du Canada, pour diminuer l'impact du flux de l'eau?

[Traduction]

    J'avais cru comprendre que je venais ici pour parler surtout des populations d'oiseaux migrateurs, car mes connaissances scientifiques se limitent en fait à cela, et cela vaut d'ailleurs aussi pour le professeur Reed.
    C'est notre ministère qui s'occupe de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, et c'est donc là notre principal secteur d'intérêt, la conservation des oiseaux aquatiques qui dépendent de ces habitats. Même si nous comprenons fort bien l'importance de ceci, ce n'est pas directement nous qui avons la responsabilité d'intervenir lorsqu'il s'agit d'en assurer la gestion. Nous pouvons nous prononcer sur l'importance qu'il y a de le faire et travailler avec nos partenaires cris et les gouvernements provinciaux parce que, dans la majorité des cas, les habitats dont dépendent nos oiseaux relèvent de la compétence des gouvernements provinciaux.
    Nous serions heureux de pouvoir former des partenariats avec ces organismes, mais nous ne sommes pas en mesure de piloter le dossier.

[Français]

    Madame Provencher, vous travaillez à l'Institut Maurice-Lamontagne avec toutes sortes de beaux instruments modernes. Seriez-vous en mesure de simuler le degré de luminosité du débit d'eau du territoire de la Baie-James pour voir ses effets sur la zostère?
    Certainement pas moi. C'est un travail de physicien, et je suis biologiste. Les physiciens peuvent sûrement le faire. Je pense aussi qu'il manque de données pour expliquer le phénomène. Entre autres, on connaît les différents facteurs qui peuvent affecter la zostère. Ils ont pratiquement tous été nommés: la turbidité, l'action des glaces, les courants, une salinité de moins de cinq parties par mille, ce qui est trop bas pour la zostère. La température peut également être un autre facteur. Tous ces facteurs sont importants et doivent être surveillés. Nous n'avons aucune donnée sur la salinité et la température dans les zostères elles-mêmes. Nous examinons une problématique d'eau douce qui serait anormalement élevée et comporterait beaucoup d'irrégularités.
    Je pense que ces éléments n'ont pas été mesurés. On a parlé du wasting disease. Ce pathogène ne vit pas dans les milieux à faible salinité. On ne connaît même pas la salinité des herbiers de zostères. Si la salinité se maintient régulièrement en-dessous de 10 parties par 1 000, ce pathogène n'est pas présent. Il ne peut vivre dans un tel niveau de salinité.
    Donc, il manque beaucoup de données pour pouvoir faire le lien avec les causes possibles et comprendre l'aspect physique de ce phénomène, soit les débits et les turbidités différents. Je conseillerais de commencer par là.
    Je vais céder la parole à mon collègue, qui est le député de Mme Provencher.

[Traduction]

    Vous avez encore le temps de poser une toute petite question.

[Français]

    Ma question fait suite à celle que vous a posée M. Lévesque. D'après ce que je sais, à l'heure actuelle, le ministère des Pêches et des Océans n'a pas de programme lui permettant d'étudier ce dont vous parlez. Est-ce exact?
    Oui.
    Est-il possible que le ministère des Pêches et des Océans, à un certain moment, demande la création d'un programme visant à étudier toutes les hypothèses proposées concernant les zostères?

  (1035)  

    Il faudrait que je pose cette question aux scientifiques. Il s'agit d'une autre division du ministère. Je pourrais obtenir la réponse du secteur des sciences, et vous la faire parvenir.
    C'est parce que la solution réside dans la connaissance.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très content d'avoir entendu tout cela aujourd'hui et je vais poser quelques questions à caractère scientifique.
    Les zostères m'intéressent. Il s'agit d'un rhizome, n'est-ce pas? Le long des rhizomes, il y a des nodes et c'est de ces nodes que partent les tiges en quelque sorte pour cette espèce-là de zostères, n'est-ce pas?

[Français]

    En effet, la zostère pousse et s'étend par rhizomes, et pour chacun des rhizomes, les tiges sortent du sédiment. C'est aussi un mode de reproduction. Il y a la reproduction par les graines et il y a la reproduction dite végétative, lorsque les rhizomes s'étendent dans le sédiment et agrandissent les surfaces de zostères. C'est la forme la plus commune. Il y a aussi la reproduction par les graines, mais la forme la plus commune est plutôt la reproduction végétative, c'est-à-dire par l'étalement des rhizomes.
    Cela répond-il à votre question?

[Traduction]

    Tout à fait. Si les tiges des fleurs ne poussent pas, il ne pourra pas y avoir de graines. Par conséquent, pour qu'il y ait régénération des herbes, il faut supposer que cette régénération va devoir se faire à partir des rhizomes qui sont en sommeil dans la vase ou dans la boue du fond de l'eau, dans la zone benthique des eaux peu profondes. Je me demande donc si on sait pendant combien de temps ces rhizomes peuvent demeurer en sommeil avant de commencer à pousser.

[Français]

    Cela dépend de l'intensité du désastre, si on veut. Par exemple, au cours des années 1930, il y a eu un grand déclin. Les rhizomes avaient été arrachés ou détruits et sont morts. Il a fallu environ 30 ans avant que la situation redevienne comme avant. En plus, on parle d'une très grande étendue. Il n'y avait pas de bancs à proximité et la capacité de réintroduire de nouvelles graines dans le milieu était faible.
    Je n'ai absolument aucune idée de ce qui se passe présentement à la Baie-James. On ne sait pas exactement ce qu'il en est. Reste-t-il des rhizomes vivant dans le sédiment? Cela semble possible parce que monsieur disait qu'il y a des tiges encore présentes. Il y a donc probablement encore des rhizomes vivant dans le sédiment. Si tel est le cas, c'est le temps qu'il faut pour reconstituer les plus grands bancs. Plus ils sont petits, plus ils sont sensibles à l'hydrodynamisme. S'il y a des courants ou de fortes vagues, les zostères sont situées dans des régions où l'hydrodynamisme est très élevé. S'il y a beaucoup de courants, il est plus difficile pour les petits rhizomes de s'y installer et de se renforcer. Une fois qu'ils sont installés et ont repris force, ça va plus rapidement.

[Traduction]

    J'aurais maintenant une question à poser au sujet des oiseaux migrateurs.
    Monsieur Elliot, vous nous avez dit que la bernache cravant et certaines autres espèces d'oiseaux migrateurs fréquentaient désormais le littoral ouest de la baie James pour y trouver leur alimentation. Avons-nous des données à ce sujet? Il est certain que les oiseaux migrateurs subissent ainsi un stress puisque le tracé de leur migration en direction de leur lieu de reproduction et à partir de ceci jusqu'à leur zone d'hivernage a dû changer. Y a-t-il des données permettant de conclure si cela concerne l'ensemble de la population?
    Nous savons que même les oies comme les bernaches qui ont besoin de ces herbiers font preuve d'une certaine adaptabilité. Après le phénomène des années 30, le tracé de leurs migrations, nous le savons, a considérablement changé, ce qui a fait que ces espèces transitent davantage par la baie James. Nous savons que ces espèces sont capables de s'adapter et de modifier leurs habitudes migratoires.
    Nous avons un peu creusé la question que vous posez, et je vais demander au professeur Reed de vous dire ce qui est en train de se passer à son avis puisque ses collègues et lui ont étudié la chose du côté ontarien.

  (1040)  

    Je pense que depuis la nuit des temps, les bernaches fréquentent les deux littoraux de la baie James. Les données dont nous disposons remontent peut-être aux années 30 ou aux années 40, ou à tout le moins aux information qui parvenaient alors, et elles portent à penser que les secteurs qu'elles privilégiaient étaient plutôt situés sur le littoral est de la baie James, là où les herbiers de zostères sont très fournis. Il y a certes des herbiers sur le littoral ontarien, mais nous n'avons guère de renseignements solides à ce sujet, tout ce que nous savons, c'est que ces herbiers sont beaucoup moins denses, ou du moins qu'ils l'étaient jadis, sur le littoral ontarien. Mais il n'empêche qu'il y a d'autres habitats aussi.
    L'un des principaux avantages de la baie James pendant la migration des oies est précisément sans doute qu'on y trouve toutes sortes d'habitats. Outre les herbiers de zostères, on y trouve également des marais d'eau salée qu'on appelle aussi des schorres. On en trouve des poches tout le long du littoral québécois, des secteurs peu étendus, mais on en trouve également de larges superficies le long de la côte ontarienne. Les bernaches trouvent dans ces zones les mêmes aliments que dans leurs lieux de reproduction.
    Lorsqu'elles sont arrivées sur leurs lieux de reproduction, comme ces sites sont au-delà de la limite nord des herbiers de zostères, elles n'ont donc pas accès aux zostères pour se nourrir lorsqu'elles se reproduisent dans l'Arctique, par contre elles peuvent y trouver les mêmes plantes que celles qui poussent aux niveaux supérieurs de la zone de marée, là où se trouvent également les herbiers de zostères. Ces marais représentent donc aussi pour elles une source possible de nourriture. Cela pourrait donc expliquer le phénomène qui, pensons-nous, se produit depuis une dizaine d'années, en l'occurrence le fait que les oiseaux fréquentent désormais plutôt le littoral ouest de la baie James que n'était le cas auparavant, et plus souvent de toute manière que le littoral québécois.
    Je vous remercie,
    Ma dernière question intéressera le ministère des Pêches et Océans.
    Il est certain qu'Hydro-Québec a bien dû se procurer tous les permis nécessaires auprès du ministère des Pêches et Océans afin de pouvoir modifier la configuration et le débit des cours d'eau et ainsi de suite, pour pouvoir construire ses centrales. J'imagine que pendant ces consultations, ou dans le cadre de celles-ci, Hydro-Québec a dû procéder au préalable à des inventaires biophysiques des populations de poisson et ainsi de suite, afin d'en déterminer l'abondance et l'emplacement. Et actuellement, elle devrait, j'imagine, procéder à de nouveaux inventaires biophysiques a posteriori des populations de poisson pour pouvoir déterminer, à partir des premières données et des données postérieures, les changements survenus.
    J'aimerais savoir qui a ces informations. Je pense que nous en avons déjà parlé ici, mais cette information pourrait-elle être disponible par l'entremise du ministère, ou à tout le moins j'aimerais savoir où elle se trouve.
    Les données de base recueillies pour l'évaluation ou l'énoncé d'impact sur l'environnement dans le cadre du processus auquel nous participons doit normalement se trouver dans le document lui-même, dans l'évaluation d'impact, et elles devraient être entre les mains du ministère des Pêches, du ministère de l'Environnement et de tous les autres membres de la collectivité. J'imagine que ces données ont été communiquées pendant le processus d'examen. Ainsi, les données de base constituent-elles un élément de la chose.
    S'il y a des conditions quelconques concernant le contrôle ou la surveillance, ces conditions devraient faire partie de l'autorisation émise en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Nous devrions avoir les plans qui sont censés avoir été soumis par Hydro-Québec au ministère des Pêches. Celui-ci aurait donc dû mener des activités de surveillance et de suivi prescrites pour pouvoir confirmer la validité de la prévision, ainsi que l'effet escompté sur les mesures de mitigation ou d'indemnisation que nous aurions ajoutées au processus d'approbation.
    Très rapidement, je vous demanderais pour conclure si vous avez pu jeter un coup d'oeil sur cette carte qui nous a été remise pendant la première partie de la réunion. On y voit l'état des herbiers de zostères, leur régression et leur régénération entre 1987 et 1995. Pendant le tour de questions précédent, nous avions interrogé nos témoins pour leur demander si cette carte représentait un secteur proche de la rivière et ils nous avaient, je crois, répondu que ce secteur représentait une quarantaine de kilomètres du littoral est de la baie James.
    Je voudrais donc vous demander si cette carte est représentative de l'état actuel des herbiers de zostères le long du littoral est. Y a-t-il parmi vous quelqu'un qui pourrait me dire si c'est vraiment un échantillon représentatif des herbiers de zostères du littoral est de la baie James?

  (1045)  

    D'après ce que j'ai pu comprendre, cette carte correspond au grand secteur situé au nord et au sud de l'embouchure de La Grande sur la baie James. Est-ce bien cela?
    J'imagine, comme l'a dit M. Penn, que cette carte représente le secteur qui, d'après les prévisions d'Hydro-Québec, serait touché par le panache de dispersion de l'eau douce s'écoulant de la rivière dans la baie. Si c'est cela, elle correspond donc au secteur qui pourrait être touché par les changements de débit de La Grande, sans toutefois nécessairement être représentative de ce qu'on pourrait constater plus au sud le long du littoral, jusqu'à la baie de Rupert.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Calkins.
    Je tiens à remercier nos invités et leur demander s'ils souhaitent dire quelques mots en guise de conclusion, auquel cas ils peuvent le faire maintenant.
    Non.
    Non, mais merci beaucoup.
    Merci encore, cette discussion fut fort intéressante.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes, après quoi nous nous saisirons, avant de lever définitivement la séance, des travaux futurs du comité.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos]