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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mars 2008

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous pouvons prendre place et commencer.
    Nous accueillons aujourd'hui trois groupes de témoins. Nous avons Linda Wilhelm, vice-présidente de la Coalition pour de meilleurs médicaments, et Gail Attara, membre du même organisme. Nous recevons aussi Terence Young, représentant de Drug Safety Canada, ainsi que Michèle Brill-Edwards, de la Coalition canadienne de la santé.
    Pourrions-nous commencer avec Linda Wilhelm?
    Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à m'entretenir avec vous sur ce dossier qui est de la plus haute importance pour les patients au Canada.
    La Coalition pour de meilleurs médicaments est une association nationale d'organisations et de particuliers qui représentent les personnes qui souffrent de maladie ou d'affection chronique. Son principal mandat consiste à veiller à ce que les Canadiens aient accès aux meilleurs médicaments développés selon une approche fondée sur des preuves.
    Les représentants des patients de la CMM participent activement aux discussions portant sur la réforme de l'examen des médicaments, la sécurité des patients et l'élaboration de politiques générales en matière de santé. L'amélioration de la surveillance post-commercialisation des médicaments au Canada constitue l'un de nos objectifs clés.
    La coalition encourage la mise en oeuvre d'un système efficace pour la déclaration, le suivi, l'analyse, la divulgation et la communication étendus des effets indésirables des médicaments délivrés sur ordonnance observés sur une longue période. Même si les médicaments font l'objet d'études approfondies avant que leur vente au Canada soit approuvée, il se peut que les effets indésirables d'un médicament apparaissent seulement après que ce dernier ait été largement disponible dans une situation réelle.
    L'identification des événements indésirables est essentielle. Toutefois, nous craignons qu'elle ne soit qu'une réponse spontanée qui risquerait d'exclure un médicament bénéfique pour la population en général, lorsque celui-ci n'a un effet négatif que sur un petit segment de la population. Nous voulons un système national par lequel les patients auront un accès complet et opportun aux médicaments ainsi qu'à la divulgation intégrale des risques et avantages de chaque produit pharmaceutique.
    Je vais vous parler de certaines initiatives auxquelles nous avons participé. Mentionnons notamment le cadre d'homologation progressive. La coalition appuie sans réserve l'initiative de Santé Canada sur le cadre d'homologation progressive et sur le concept du cycle de vie proposé. Il est impératif de travailler à la modernisation du cadre réglementaire tout en harmonisant les normes canadiennes avec les normes réglementaires internationales.
    Nous reconnaissons que les règlements actuels sont désuets et qu'ils ne suffiront pas à répondre aux besoins actuels et futurs associés aux approches thérapeutiques complexes et spécialisées s'adressant à l'ensemble des Canadiens. Nous appuyons l'approche du cycle de vie, car à notre avis, elle améliorera les résultats pour la santé tout en développant l'actuelle base de connaissances commune sur l'efficacité ou l'inefficacité des médicaments dans des situations réelles.
    Nous considérons que l'adoption du cadre d'homologation progressive renforcera l'innocuité des médicaments au Canada, car il s'alignera davantage sur le mandat de Santé Canada d'assurer la sécurité, la qualité et l'efficacité des produits pharmaceutiques. Grâce à cette approche, nous disposerons d'une gamme plus complète de solutions pour appréhender les questions liées à la sécurité des médicaments, au lieu d'avoir à attendre qu'un médicament soit retiré du marché, comme l'exige la réglementation actuelle.
    En outre, la CMM tient à souligner l'excellent travail de l'équipe de la direction des produits thérapeutiques de Santé Canada, que dirige David Lee. L'équipe a utilisé une approche inclusive, consultative et, j'ajouterais, globale lors de l'élaboration de cette politique, plus précisément en sollicitant la rétroaction des patients durant tout le processus.
    Nous croyons aussi qu'une participation multilatérale à la recherche de solutions est nécessaire. Pour exercer une surveillance post-commercialisation efficace, le système doit réaliser des progrès majeurs afin de mettre en place un mécanisme de déclaration étendue des événements indésirables. Selon les statistiques actuelles fournies au Comité consultatif d'experts sur la vigilance reliée aux produits de santé, entre 1 et 10 p. 100 seulement des événements indésirables sont déclarés.
    Il revient à Santé Canada d'accroître rapidement et radicalement le taux de déclaration. Nous recommandons d'ouvrir la déclaration des événements indésirables à d'autres intervenants. Tous les acteurs du système de soins de santé — patients, fournisseurs de soins, professionnels, institutions, industrie et gouvernements — ont un rôle à jouer pour faire en sorte que la déclaration des événements indésirables soit exhaustive. Les réformes que l'on instaurera devront répartir les responsabilités liées à la déclaration des événements indésirables, lesquelles sont actuellement assumées essentiellement par l'industrie pharmaceutique. Bien que cela puisse prêter à controverse, nous recommandons de revoir la question de la déclaration obligatoire.
    La CMM suggère ce qui suit pour améliorer la déclaration des événements indésirables dans différents secteurs.
    Je vais commencer par les patients. En ce moment, la plupart des patients ne savent pas qu'ils peuvent signaler directement un événement indésirable et, pour les en informer, une vaste campagne de sensibilisation publique s'impose. Grâce à une telle campagne, les personnes qui prennent des médicaments délivrés sur ordonnance et certains produits en vente libre pourraient apprendre à fournir des renseignements utiles sur les expériences négatives associées à la prise d'un médicament. On est à mettre la dernière main à un nouveau formulaire de déclaration facile à comprendre. Idéalement, les pharmaciens devraient remettre ce formulaire aux patients au moment d'exécuter une ordonnance.
    Outre leur rôle de voie de transmission de l'information aux patients, les pharmacies pourraient afficher des feuillets d'information sur la déclaration des événements indésirables et des bannières de MedEffet afin de renseigner les patients sur la façon de déclarer un événement indésirable.

  (1115)  

    À l'heure actuelle, les professionnels ne déclarent que les événements indésirables les plus graves et rien n'indique qu'ils en fassent davantage. Pour accroître le taux de déclaration, on doit aborder au sein même de la collectivité les attitudes et les pratiques à l'égard de la déclaration. Les programmes d'enseignement médical, ainsi que les programmes qui s'adressent à d'autres professionnels de la santé, doivent comporter un module sur la déclaration des événements indésirables et sur son importance. Les professionnels pourraient tirer profit de la formation continue sur le sujet, et des campagnes de sensibilisation qui s'adressent à eux.
    Du côté des hôpitaux, malgré les nombreux obstacles et considérations financières, la déclaration obligatoire dans les hôpitaux est partie intégrante de tout système de déclaration complet.
    Je vais terminer en vous parlant des ressources et de l'infrastructure. Toute discussion constructive sur l'avenir de la surveillance postcommercialisation devrait inclure la question des ressources, lesquelles comprennent les ressources humaines et financières, en plus du développement de l'infrastructure. Nous encourageons le gouvernement du Canada à accorder à Santé Canada l'autorité à cet égard et à financer adéquatement toutes les composantes nécessaires pour assurer la viabilité du programme. En outre, le gouvernement du Canada doit affecter des ressources de façon à donner un rôle significatif aux autres acteurs du système de soins de santé, notamment les patients, les professionnels et les hôpitaux.
    La surveillance postcommercialisation des produits pharmaceutiques est singulièrement complexe et elle met à contribution tous les intervenants. Jusqu'à présent, des efforts importants ont été faits pour améliorer les taux de déclaration, et nous espérons que les progrès se poursuivront.

  (1120)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Young, je crois que vous êtes le suivant.
    Je m'appelle Terence Young. Je suis le président fondateur de Drug Safety Canada, ancien député provincial de l'Ontario et auteur du livre Death by Prescription, qui sera publié par Key Porter en septembre prochain.
    Drug Safety Canada fait la promotion de l'utilisation sans danger des médicaments d'ordonnance. Nous n'acceptons aucun financement d'aucune société. À titre de président de l'organisation, je suis partie à la poursuite intentée par CanWest MediaWorks Inc. devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario, en appuyant le maintien de l'interdiction, par Santé Canada, de la publicité des médicaments d'ordonnance adressée directement aux consommateurs.
    Nous nous intéressons aux effets indésirables graves des médicaments, ceux qui sont fatals, qui mettent la vie en danger, qui provoquent une invalidité ou une incapacité ou qui aboutissent à une hospitalisation prolongée; l'industrie pharmaceutique veut vous faire croire que ces effets ne se produisent jamais. Nous appelons l'ensemble des grandes compagnies pharmaceutiques internationales, le « big pharma ».
    Aujourd'hui, je vais résumer brièvement l'aboutissement de six années de recherche entreprise à la suite du décès de notre fille de 15 ans, Vanessa, en mars 2000, causé par le Prepulsid, un médicament d'ordonnance de Johnson & Johnson.
    Selon nous, l'innocuité des médicaments d'ordonnance sera améliorée grâce au régime proposé de déclaration obligatoire des effets indésirables des médicaments. Un ancien ministre de la Santé, Ujjal Dosanjh, était même allé jusqu'à dire qu'il allait instaurer un tel régime, mais aucune mesure n'a été prise par la suite.
    À l'heure actuelle, environ 1 p. 100 des effets indésirables sont déclarés, et les grandes compagnies pharmaceutiques rapportent ce pourcentage sur leurs étiquettes comme s'il s'agissait des seules occurrences. Elles tiennent un registre central des décès attribuables aux médicaments qui surviennent partout dans le monde, mais en général elles ne déclarent pas à Santé Canada les décès qui se produisent dans 192 autres pays. Habituellement, elles attribuent ces décès et ces effets graves à une surdose, à une contre-indication et à l'état de santé des patients, et elles changent ce qui est imprimé en petits caractères sur l'étiquette que personne ne lit. Elles n'admettent presque jamais que leur médicament a causé la mort, même après qu'il a été retiré du marché, parce qu'elles ne pourraient pas se prévaloir des assurances qu'elles achètent pour se prémunir contre les fiascos.
    Nous recommandons, en premier lieu, que la nouvelle loi autorise et oblige Santé Canada à exiger que toutes les études faites sur les médicaments d'ordonnance et tous les rapports sur les effets indésirables des médicaments sur le marché mondial soient livrés immédiatement ou dans les 48 heures, et qu'ils ne soient pas retenus, comme ils le sont à l'heure actuelle, de six mois à un an.
    Nous félicitons le ministre Clement d'avoir proposé un changement à la loi afin d'appliquer cette mesure dans les hôpitaux et nous espérons qu'elle conduira à un système rigoureux de déclaration auquel contribueront tous les professionnels de la santé. Nous aurons ainsi un réseau d'alerte rapide concernant les médicaments dangereux et une base de données à jour qui permettra d'identifier les médicaments dangereux et de sauver assurément des vies.
    La décision de prendre un médicament d'ordonnance doit reposer sur une évaluation informée et objective d'une chose : les avantages l'emportent-ils sur les risques que court le patient?
    Voici l'étendue du problème actuel. Tous les médicaments provoquent des effets indésirables — pas seulement quelques-uns, mais bien tous les médicaments — et un grand nombre sont mortels. Le président et fondateur de Eli Lilly a dit qu'un médicament sans effet toxique n'est pas du tout un médicament. Quand on parle d'un effet secondaire rare, cet effet touche entre une personne sur 1 000 et une personne sur 10 000, ce qui n'a rien de rassurant. À l'heure actuelle, trois millions de Canadiens prennent des antidépresseurs de type SSRI, ce qui signifie qu'entre 300 et 3 000 personnes seront atteintes d'un effet rare.
    Selon le Dr Andrew Weil, la seule différence entre un médicament et un poison, c'est la dose. Chaque médicament peut donc causer un tort. Par exemple, de 16 000 à 17 000 personnes meurent chaque année aux États-Unis seulement pour avoir pris de l'aspirine, de l'ibuprofène et du naproxène, des médicaments ordinaires en vente libre.
    Les médicaments d'ordonnance sont la quatrième cause de décès aux États-Unis et au Canada, devancés seulement par le cancer, les maladies du coeur et les accidents vasculaires cérébraux. La plupart de ces décès sont dissimulés, et c'est pourquoi ils ne sont pas consignés par Statistique Canada. Toutefois, trois professeurs de l'Université de Toronto ont mené une étude exhaustive en 1998, aux États-Unis, et ils ont découvert que 104 000 décès dans les hôpitaux américains ont été causés par des médicaments administrés tels que prescrits — et non par erreur. Selon de nombreux observateurs, on pourrait ajouter 100 000 autres décès attribuables à des médicaments d'ordonnance pris à l'extérieur des hôpitaux. Ce serait l'équivalent d'environ 20 000 décès par année au Canada.
    Aux États-Unis, un nouveau médicament sur cinq est retiré du marché pour avoir causé du tort ou avoir tué des patients, ou affichera le plus haut niveau d'avertissement sur son étiquette, et la moitié des nouveaux médicaments qui sont retirés du marché le sont au cours des deux premières années.
    Dans les hôpitaux canadiens, un adulte sur quatre est hospitalisé à cause d'un médicament, la plupart du temps à cause d'un effet indésirable, d'un mauvais choix de médicament ou d'un emploi non conforme.
    Le coût humain est donc effarant. Quel est le coût économique?
    Selon l'Association des pharmaciens du Canada, de 2 à 9 milliards de dollars par année sont gaspillés au Canada dans l'achat de médicaments mal prescrits. Ces médicaments non appropriés causent du tort à des centaines de milliers de patients chaque année au Canada. Selon certaines estimations, les coûts supportés par notre système de santé s'élèvent à 10 milliards de dollars par année.
    Les effets indésirables des médicaments sont pareils à une épidémie. Comment en sommes-nous arrivés là? Quelles sont nos normes actuelles pour l'approbation des médicaments d'ordonnance?

  (1125)  

    Ils doivent être efficaces. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie être légèrement plus efficace que rien. Aucun règlement n'exige que l'on démontre qu'un nouveau médicament est plus efficace que le médicament le plus vendu sur le marché pour le même problème de santé. Il suffit de prouver que le médicament donne une amélioration de 1 p. 100 par rapport à un placebo. Même ce critère constitue tout un défi pour de nombreux médicaments que les grandes compagnies pharmaceutiques ont fait avaler à des patients confiants.
    Par exemple, aux États-Unis, il est prouvé que le Vytorin ne donne aucun résultat. Les compagnies pharmaceutiques qui produisent les deux médicaments qui le composent ont caché cette vérité pendant 18 mois, alors que le produit était vendu à des patients américains qui ne se doutaient de rien; ces ventes se sont chiffrées à 7 milliards de dollars.
    Le Dr Allen Roses, le vice-président international de GlaxoSmithKline, a déclaré que la grande majorité des médicaments — plus de 90 p. 100 — ne fonctionnaient que chez 30 ou 50 p. 100 des gens. Il a dit que les médicaments contre le cancer fonctionnaient dans 25 p. 100 des cas, ceux contre l'Alzheimer, dans 30 p. 100 des cas, tandis que de nombreux autres n'étaient efficaces que la moitié du temps. C'est à cause du puissant effet placebo que les patients sont souvent incapables de déterminer si un médicament fonctionne. Des millions de patients risquent de souffrir d'effets secondaires nocifs ou dangereux sans retirer aucun avantage, et des milliards sont gaspillés.
    Voici notre deuxième recommandation : Puisque les gouvernements sont les plus grands clients des compagnies pharmaceutiques — environ 8 milliards de dollars par année —, l'efficacité des nouveaux médicaments devrait être testée par rapport non seulement aux placebos, mais aussi aux médicaments déjà éprouvés. Les gouvernements ne doivent pas payer de nouveaux médicaments, qui sont toujours plus coûteux et qui présentent de nouveaux risques pour les patients, à moins qu'ils s'avèrent plus efficaces pour les patients souffrant d'un même problème de santé.
    Parlons maintenant de l'innocuité. Quel est le sens de ce mot? Ce n'est pas ce que la plupart des patients croient. Ce terme se rapporte au médicament et au problème qu'il vise. Cela signifie souvent qu'il est moins nocif que le médicament actuel. Si un nouveau médicament est approuvé, celui que vous prenez présentement n'est peut-être plus sans danger.
    Parlons aussi de l'emploi non conforme des médicaments prescrits. Trois médecins sur quatre prescrivent des médicaments pour une utilisation non reconnue, et cette pratique est largement encouragée en catimini dans l'industrie. Cela signifie qu'un médicament est prescrit pour un problème de santé pour lequel son innocuité et son efficacité n'ont pas été prouvées. Les compagnies pharmaceutiques n'ont pas le droit d'en faire la promotion, mais elles le font quand même de nombreuses façons, en utilisant leurs relations financières et en étant redevables envers les médecins qui le font pour elles.
    Le Vioxx en est un bon exemple. Le médicament a été approuvé à l'origine, vers 2000, pour soulager l'arthrite et les douleurs à court terme. Merck en a fait la promotion pour traiter plusieurs autres types de douleurs, sans que ces applications ne soient approuvées, et les ventes ont grimpé à 2,4 milliards de dollars avant que le produit ne soit retiré du marché en 2004. Entre 55 000 et 65 000 personnes sont mortes d'une crise cardiaque ou d'un accident vasculaire cérébral après avoir pris du Vioxx, soit à peu près le même nombre d'Américains qui sont morts à la guerre du Vietnam.
    La quatrième phase des tests. Nous testons des médicaments sur le public sans qu'il en soit informé. La quatrième phase des tests est la vente du médicament sur le marché. Toute personne qui prend un nouveau médicament devient un cobaye dans une expérience à grande échelle. Les médecins ne sont pas tenus de le dire à leurs patients, et la plupart ne le font pas.
    Troisième recommandation : Les médecins doivent être tenus d'obtenir le consentement dûment éclairé pour la prise d'un médicament d'ordonnance et d'expliquer aux patients qu'en prenant un nouveau médicament, ils font partie d'une expérience, et que lorsqu'ils font un emploi non conforme d'un médicament, les risques réels sont inconnus. Soit dit en passant, cela se fait présentement pour le produit Accutane, conçu pour le traitement de l'acné.
    Parlons des communications trompeuses. Les patients ne sont pas informés des risques qu'ils prennent. Les communications à ce sujet sont rédigées par des avocats pour des avocats, en petits caractères et en euphémismes codés pour encourager les ventes et confondre le lecteur. Les monographies des médicaments, que les patients ne voient jamais et que les médecins lisent rarement, font jusqu'à 60 pages, et l'information sur l'innocuité du médicament se trouve souvent à la toute fin; on s'assure ainsi que peu de gens la lisent.
    Les dépliants à l'intention des patients que l'on distribue dans les pharmacies sont dangereux parce qu'ils créent un faux sentiment de sécurité, puisqu'ils ne mentionnent jamais les effets secondaires graves. Par exemple, la monographie de 29 pages du Viagra fait mention de certains effets secondaires — cécité, dommage permanent au pénis, perte d'audition, crise cardiaque, accident vasculaire cérébral et mort — à la page 28. Le fait est que des centaines d'hommes sont morts dans les cinq heures suivant la prise de Viagra. Soit dit en passant, le Viagra est aussi dangereux avec le jus de pamplemousse.
    Quatrième recommandation : Les patients doivent recevoir un dépliant d'information rédigé à leur intention par un organisme indépendant — comme le MedGuide aux États-Unis — avec chaque médicament d'ordonnance, qui explique, dans un langage simple, tous les effets indésirables graves, toutes les contre-indications, les données réelles sur l'innocuité du médicament et les thérapies alternatives possibles.
    En 1997, Santé Canada a reçu la directive de travailler en partenariat avec l'industrie pharmaceutique, mais 41 médicaments ont été retirés du marché au Canada de 1963 à 2004 pour des raisons de sécurité, souvent — comme dans le cas du Prepulsid — après avoir causé du tort et tué des patients. En 1997, les laboratoires d'essai de Santé Canada ont été fermés pour qu'on puisse faire une économie de 10 millions de dollars. Regardons ce que fait Santé Canada depuis ce temps. Le ministère n'a même pas gardé une liste des médicaments qui ont été retirés du marché canadien, ni des explications sur ces retraits. Il n'a pas pris l'habitude d'essayer d'établir un lien de cause à effet lorsqu'il évalue les rapports sur les effets indésirables des médicaments; il prend le rapport sans essayer de savoir ce qui a occasionné le décès du patient. Nous avons relevé un seul cas où Santé Canada a ordonné qu'un médicament soit retiré du marché, et c'était le Prepulsid, le médicament qui a tué ma fille.

  (1130)  

    Les grandes compagnies pharmaceutiques omettent couramment de mener les études post-commercialisation qu'elles avaient pourtant promises afin d'obtenir l'approbation d'un médicament. Santé Canada ne fait pas de suivi.
    Cinquième recommandation : La nouvelle loi doit faire en sorte que les fonctionnaires de Santé Canada recueillent des données importantes sur l'innocuité du produit et les utilisent pour commander des études post-commercialisation et pour retirer du marché les médicaments dangereux. À cette fin, Santé Canada aura besoin d'argent pour embaucher et former un plus grand nombre d'évaluateurs de médicaments et d'agents chargés de l'innocuité.
    Les grandes compagnies pharmaceutiques considèrent Santé Canada comme un client. En 2002, 82 p. 100 du budget de la direction des produits thérapeutiques était assuré par des compagnies pharmaceutiques internationales en échange de l'approbation accélérée de médicaments. Les emplois des évaluateurs de médicaments dépendent ainsi de l'industrie.
    Aucun organisme de réglementation ne devrait travailler en partenariat avec ceux qu'il contrôle. Les compagnies pharmaceutiques ont pour objectif de faire de l'argent; le mandat de Santé Canada est de protéger les patients. Nous croyons qu'il ne devrait y avoir aucun lien entre les emplois et l'investissement dans l'industrie pharmaceutique et les médicaments dont nous autorisons la vente à des patients vulnérables. Santé Canada ne doit pas avoir le mandat d'aider l'industrie pharmaceutique à faire de l'argent, ce qui constitue un conflit d'intérêts évident pour un organisme de réglementation. L'inspecteur de pneus d'avion ne devrait pas se soucier des emplois chez Michelin ou chez Goodyear.
    Ce problème pourrait être réglé par la création d'un organisme indépendant qui s'occuperait de toutes les questions de réglementation. Cette idée est venue en 1964 à la commission royale d'enquête sur les services de santé, présidée par le juge Emmett Hall, elle a été reprise en 1992 dans le rapport Gagnon et a été recommandée en 2002 par la commission Romanow.
    L'accélération de l'approbation des produits pharmaceutiques ne peut être justifiée que pour 5 p. 100 des nouveaux médicaments.
    Monsieur Young, comme le temps passe, pouvez-vous énoncer seulement les recommandations, au lieu de lire tout le texte? Merci.
    Oui.
    Monsieur le président, je serais ravie de donner deux minutes de mon temps à M. Young.
    Merci beaucoup.
    Les grandes compagnies pharmaceutiques se disent « axées sur la recherche » et exercent des pressions pour que leurs « remèdes » et leurs médicaments « de pointe » soient disponibles plus rapidement sur le marché. On considère que moins de 5 p. 100 des nouveaux médicaments au Canada sont des médicaments de pointe ou représentent une amélioration importante par rapport aux traitements existants. En 2006, seul un médicament, parmi les 89 approuvés, entrait dans cette catégorie.
    En vérité, le ministère de la Santé classe déjà par ordre de priorité les médicaments jugés révolutionnaires et désigne des examinateurs pour les évaluer; en 2002, il a ramené la période d'approbation à 215 jours. Rien ne justifie que l'on abaisse les normes de sécurité pour les 95 p. 100 restants, dont les approbations sont conditionnelles ou accélérées.
    Ce que nous recommandons, c'est que les approbations conditionnelles de médicaments ne débouchent jamais sur des approbations accélérées lorsqu'on ne peut prouver qu'il y aura davantage de bienfaits que de risques. Les personnes qui évaluent l'innocuité des médicaments sont comme des contrôleurs aériens. Personne ne demande aux contrôleurs aériens de se dépêcher de faire entrer les avions sur les pistes.
    Les essais cliniques sont faussés à bien des égards; ceux qui démontrent l'inefficacité de certains médicaments sont souvent passés sous silence. En janvier, on a constaté que toute une série de médicaments prescrits à trois millions de Canadiens, des antidépresseurs comme le Paxil et l'Effexor, étaient inefficaces pour la majorité des patients qui les prenaient. Les compagnies pharmaceutiques avaient convaincu les médecins que ces médicaments étaient efficaces pour ces gens en veillant à ce que les résultats de 88 p. 100 de leurs essais cliniques — qui indiquaient le contraire — ne soient jamais publiés. Les médecins croient que les médicaments sont de 11 à 69 p. 100 plus efficaces qu'ils ne le sont en réalité. Depuis 1988, les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine ont conduit des milliers de Canadiens au suicide.
    Nous approuvons la proposition préconisant un enregistrement obligatoire au début de chaque essai clinique, et nous ajoutons qu'il doit y avoir une transparence totale. Toutes les données et les résultats doivent être publiés sur Internet, même si l'essai n'est pas terminé. Nous recommandons que dans la nouvelle mesure législative, on traite toute « déclaration trompeuse à l'organisme de réglementation » comme une infraction.
    Le principe de précaution. La gestion du risque fait partie de la gestion responsable des affaires. Cela signifie, en réalité, que les compagnies pharmaceutiques gèrent leur risque d'être poursuivies et reconnues coupables quand leurs médicaments nuisent aux patients. C'est une pratique qui place la vie humaine au même niveau que l'argent, ce qui est la principale raison pour laquelle les médicaments sur ordonnance sont la quatrième cause de décès. Nous craignons que la proposition visant la surveillance des plans de gestion des risques des sociétés soit interprétée comme l'acceptation de ces plans par Santé Canada.
    Il n'est nulle part question du principe de précaution dans les documents de Santé Canada. Fondamentalement, le principe de précaution signifie qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Il reconnaît que dans un système complexe, il est impossible de prédire avec certitude les résultats. Il présume que des erreurs sont possibles, et plus grande est la probabilité d'erreurs, plus élevé est le degré de précaution requis. Ce principe fait porter le fardeau de la preuve à ceux qui favorisent la prise de risques. Le bilan des compagnies pharmaceutiques en matière de sécurité des médicaments étant pitoyable, il est essentiel d'exiger que celles-ci fournissent la preuve de l'innocuité et de l'efficacité de leurs produits avant qu'ils n'entrent dans le sang et les organes de nos proches. La meilleure façon d'y arriver, c'est d'utiliser le principe de précaution.
    La Loi canadienne sur la protection de l'environnement prévoit qu'en vertu de la Constitution et des lois du Canada, le gouvernement doit appliquer le principe de prudence lorsqu'il y a des risques de dommages graves ou irréversibles. Nous devons absolument fixer des normes aussi rigoureuses pour la gestion des risques relatifs à la santé de nos proches, comme nous utilisons le principe de précaution pour les voies navigables dans nos nouvelles lois.
    Une dernière recommandation. La norme de « cause à effet » est extrêmement élevée, mais elle n'est pas appropriée pour la réglementation des médicaments sur ordonnance. Les réactions mortelles aux médicaments sont presque impossibles à prouver — comme, par exemple, les centaines de décès par arrêt cardiaque attribuables au Viagra —, car les organismes de réglementation et les tribunaux se fient souvent aux normes de preuve de l'industrie, qui sont plus sévères que dans n'importe quel tribunal au monde. Avec la norme de cause à effet, il est impossible de prouver que la cigarette cause le cancer.
    Nous recommandons que la nouvelle mesure législative permette de prendre toute une série de dispositions réglementaires lorsqu'on établira qu'un médicament a des effets indésirables à la lumière des études épidémiologiques qui auront été réalisées un peu partout dans le monde. Cela permettra de sauver des centaines, voire des milliers de vies.
    J'ai deux autres recommandations, monsieur le président, mais je vais céder le temps qui me reste à ma collègue.

  (1135)  

    Oui. Cela fait 16 minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous avons reçu vos recommandations, mais seulement en anglais. Nous les ferons traduire et les distribuerons à chaque membre dans les prochains jours.
    Nous allons maintenant entendre Michèle Brill-Edwards.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je m'appelle Michèle Brill-Edwards, et je représente la Coalition canadienne de la santé; je suis d'ailleurs membre du conseil d'administration de la coalition. Je remplace M. McBain, qui n'a pu assister à la rencontre d'aujourd'hui.
    La Coalition canadienne de la santé a pour mission de maintenir et de renforcer le régime de soins de santé public, ainsi que de lutter pour la protection de la santé des Canadiens. Nous sommes un organisme sans but lucratif et non partisan qui se consacre à la protection et au développement du système de santé public canadien, pour le bénéfice de la population toute entière. La CCS a été fondée en 1979 lors de la conférence SOS Medicare parrainée par le Congrès du travail du Canada, à laquelle participaient Tommy Douglas, le juge Emmett Hall et Monique Bégin, les grands défenseurs de l'intérêt public pour les soins de santé au Canada.
    J'ai quelques brèves observations à formuler.
    L'opinion de la Coalition canadienne de la santé a déjà, en grande partie, été exprimée dans l'exposé du président de Drug Safety Canada. J'aimerais, néanmoins, parler brièvement de l'ampleur du problème, de la nature actuelle de la pharmacovigilance au Canada ainsi que de certaines difficultés, puis je ferai quelques recommandations.
    L'étendue du problème est énorme. Comme on l'a dit, la consommation inappropriée de médicaments ayant causé la mort, au Canada et aux États-Unis, a été examinée et elle constitue entre la quatrième et la sixième cause de décès dans toute l'Amérique du Nord. Cela nous indique qu'il ne s'agit pas d'un problème rare et inhabituel. Il n'est pas question ici d'un système qui pourrait permettre de sauver une vie ou deux. Nous sommes confrontés à une cause très importante de mortalité des Canadiens.
    Le système actuel de pharmacovigilance est fondamentalement un système passif. Autrement dit, les rapports des professionnels de la santé, c'est-à-dire des médecins, des pharmaciens, des infirmières et autres, entrent dans le système d'une façon très désordonnée, sans que le ministère de la Santé ne sache le nombre véritable d'effets indésirables graves provoqués par les médicaments. L'analyse à laquelle procède ensuite Santé Canada est problématique, en partie à cause de la difficulté à discerner un problème grave parmi la multitude d'effets indésirables pouvant être liés au médicament en cause, à la maladie du patient ou à des facteurs exogènes.
    Deuxièmement, l'analyse des rapports reçus à Santé Canada est très opaque; elle n'est pas transparente. Les messages arrivent, mais les médecins, les pharmaciens et autres ne comprennent pas de quel genre d'analyse il s'agit, comment on l'a effectuée et jusqu'à quel point elle est fiable. Ces analyses sont souvent reçues très tardivement et sont plutôt obscures; nous pourrions parler, par exemple, des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, les SSRI, et du suicide. Les SSRI sont des médicaments antidépresseurs et on a démontré, après de longues années d'analyse laborieuse, qu'ils sont liés aux tendances suicidaires des adultes, mais surtout des enfants. Nous avons appris, récemment, que ces médicaments sont inefficaces dans le traitement de la dépression.
    Les résultats tardifs et obscurs ne permettent pas d'indiquer aux médecins et aux autres professionnels comment l'analyse de l'innocuité du médicament a été réellement effectuée, et sur quoi sont fondées les recommandations. Les professionnels ne tiennent pratiquement pas compte de ces résultats. Nous faisons donc face à un réel problème de confiance, au Canada, en ce qui concerne le système d'innocuité des médicaments au ministère de la Santé.
    En conséquence, il y a très peu de rapports. Les médecins et les pharmaciens estiment que cela ne vaut pas la peine de les faire, puisque le système ne leur renvoie pas de renseignements utiles. De plus, on ne tient pas compte des messages importants envoyés par Santé Canada, car on croit qu'ils ne sont pas fondés. Dans l'avenir, ce sera encore plus difficile de trouver une façon d'améliorer le système. On pense tout de suite à la question de confiance.

  (1140)  

    Il est très simple de déclarer, de manière théorique, que la surveillance passive n'est pas adéquate. C'est évident qu'elle ne l'est pas. C'est aussi très facile d'affirmer qu'il nous faut une surveillance active, de meilleurs systèmes et une notification ciblée des effets indésirables, de même que rendre la déclaration obligatoire, comme Terence Young en a parlé. Il est très facile de déclarer de telles choses, mais si nous voulons que ces mesures fonctionnent, il faut que les travailleurs du domaine de la santé aient confiance que Santé Canada est un organisme réfléchi, qui a à coeur d'agir comme intermédiaire pour défendre les intérêts du public et réduire le bilan des décès évitables causés par les médicaments.
    J'aimerais ajouter qu'en plus de la surveillance active — qui implique non seulement la déclaration obligatoire, mais aussi des études ciblées qui évalueraient, en fonction de données épidémiologiques, les probabilités en matière de causes et d'effets —, il nous faut également un système pour faire enquête sur ce qu'on a qualifié d'échecs désastreux sur le plan de l'innocuité. Autrement dit, il s'agit de « médicaments-catastrophe » qui sont commercialisés pendant de nombreuses années et qui, à l'insu des patients et des professionnels du domaine de la santé, entraînent de très graves problèmes et de nombreux décès. Vioxx en est probablement l'exemple le plus célèbre, avec les dizaines de milliers de décès dont il est à l'origine, comme l'ont démontré des études faites par la FDA avant le retrait de ce médicament.
    Ma dernière recommandation serait de mettre sur pied un conseil d'enquête sur la sécurité des médicaments qui soit indépendant et distinct de l'organisme de réglementation et de l'industrie, et qui puisse enquêter sur des problèmes survenant après que ces deux derniers aient pris la décision de commercialiser un médicament. Il est inacceptable que l'organisme de réglementation et l'industrie mènent eux-mêmes des enquêtes derrière des portes closes, alors que des milliers de vies sont en jeu.
    Si le comité a besoin d'un modèle pour un tel conseil indépendant, deux pharmacologistes cliniciens très réputés s'intéressant à la sécurité des médicaments en ont proposé un il y a une dizaine d'années, dans The New England Journal of Medicine. Ils ont utilisé cette analogie très pratique: si l'autorité fédérale en matière d'aviation établit les normes réglementaires de vol, nous savons automatiquement qu'il faudra un conseil indépendant sur la sécurité aérienne pour enquêter sur les écrasements d'avion. C'est une simple question de bon sens; on ne veut pas être en conflit d'intérêts. Alors pourquoi n'avons-nous pas une situation semblable, où la FDA et la Direction générale des produits de santé et des aliments seraient ceux qui établissent la réglementation, mais où il y aurait également un conseil sur la sécurité indépendant qui enquêterait immédiatement quand un grave problème avec un médicament est mis au jour?
    J'aimerais ajouter, au nom de la Coalition, que nous souscrivons à bien des recommandations déjà formulées par Drug Safety Canada.
    Merci.

  (1145)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer la période de questions avec Mme Kadis.
    Merci, monsieur le président, et bienvenue à tous nos témoins. Je dois dire que vous nous avez donné de l'information très détaillée, qui a répondu à bien des interrogations. Je suis certaine qu'il y a bien d'autres questions en ce qui concerne ce domaine d'une importance vitale.
    Vous avez parlé de la création d'un conseil indépendant d'enquête sur la sécurité des médicaments, ce qui semble être une mesure nécessaire et préconisée, selon ce que j'entends. Santé Canada nous a dit que les effets indésirables des médicaments étaient signalés sur une base volontaire, surtout par des professionnels du domaine de la santé, mais que les patients pouvaient également en faire la déclaration directement à plusieurs bureaux de vigilance régionaux en composant un numéro sans frais, ou via le site Web de MedEffet.
    Aujourd'hui, j'aimerais donc vous demander si vous, vos organisations ou vos groupes de revendication avez signalé un événement lié aux effets indésirables d'un médicament et, si c'est le cas, dans quelle mesure? Ces différents moyens de déclaration constituent-ils un accès suffisant pour la population canadienne, selon vous? Je pense que d'après vous, ce n'est pas nécessairement le cas, mais peut-être pourriez-vous nous donner des précisions sur cet aspect particulier, que je juge très important? Par ailleurs, consultez-vous l'information disponible sur les sites Web de Santé Canada à des fins d'information ou d'analyse concernant les effets indésirables des médicaments?
    J'imagine que la question m'est adressée.
    Oui, je l'ai fait. Je connais le site Internet de MedEffet. Malheureusement, je dirais que la plupart des Canadiens ignorent son existence.
    Il y a quelques années, l'Alliance canadienne des arthritiques, une organisation avec laquelle je collabore, a rencontré Santé Canada et a passé en revue les signalements des consommateurs. Nous avons informé ce ministère que le formulaire qu'il utilisait actuellement n'était pas pratique pour les patients, car il n'était pas rédigé en langue compréhensible pour eux, qui avaient également bien du mal à s'y retrouver dans le processus.
    Il y a un autre problème dont j'ai moi-même fait l'expérience en tant que patiente lorsque j'ai subi les effets indésirables d'un médicament. Quand j'ai consulté mon médecin spécialiste, et que je lui ai mentionné ces effets, il a riposté en disant : « Comment savez-vous qu'il ne s'agit pas simplement d'une progression de la maladie? » Cela m'a cloué le bec. Et il ne m'appartenait pas d'en décider. Il fallait en faire la déclaration, que tous les patients soient en mesure de signaler ces effets, puis qu'on détermine en quoi ils consistaient.
    C'est pourquoi nous croyons qu'il faut faire bien plus de sensibilisation, et nous sommes vraiment heureux que Santé Canada ait créé un formulaire adapté aux consommateurs, car nous avons essayé pendant deux ans de lui dire que c'était nécessaire. Maintenant, ce formulaire doit bientôt être présenté; on le met simplement à l'épreuve en ce moment.
    Par ailleurs, nous devons être davantage informés. Comme c'est le cas pour les pharmaciens, il faut qu'il y ait une campagne de sensibilisation au sujet du fait que les gens peuvent effectuer eux-mêmes une déclaration. Les Canadiens l'ignorent. Ils comptent sur leurs médecins et pharmaciens. Ces derniers font la majorité des déclarations, mais c'est vraiment insuffisant.
    Je suis directrice exécutive de la Canadian Society of Intestinal Research ainsi que membre de la Coalition pour de meilleurs médicaments.
    Il y a quelques années, lors du véritable lancement du site Internet MedEffet, notre organisation a publié une grosse annonce dans son bulletin d'information, et nous avons informé les gens, sur notre site Web, de cette possibilité de déclaration.
    Je pense qu'il s'agit réellement d'un moyen inexploité par Santé Canada, qui pourrait pourtant l'utiliser en établissant des partenariats avec les organismes de bienfaisance, et en disant... Les groupes de patients seraient également heureux que cette information soit diffusée et, pour notre part, nous ne vous demandons pas de financement à cette fin. Nous disons seulement que c'est une excellente chose, et que cette perspective nous réjouit. Collaborons. Remettez-nous le texte qui doit être envoyé à tout le monde, et nous serons heureux de le communiquer au moyen de nos bulletins d'information et de nos sites Internet.
    Notre site Web est visité par 500 000 personnes chaque mois, alors ce sera certainement un bon moyen de faire passer les messages. Donc, s'il vous plaît, ne sous-estimez pas le potentiel d'une collaboration. Et ce moyen ne coûtera pas nécessairement quelque chose.

  (1150)  

    Merci.
    Le seul décès que j'aie jamais signalé est celui de ma propre fille, ce que j'ai fait le lendemain de sa mort, parce que je n'avais jamais eu l'impression qu'on faisait quoi que ce soit d'utile avec les déclarations. À l'époque, nous nous concentrions sur la recherche.
    Nous savons que les médecins, de façon générale, ne signalent pas les effets indésirables des médicaments pour toute une série de raisons. En fait, il y a un formulaire à l'endos de ce gros ouvrage bleu qu'ils ont tous dans leurs bureaux, le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. La plupart des médecins ne l'ont jamais utilisé ou ne savent même pas qu'il est là.
    L'une des raisons est qu'ils craignent les poursuites. En toute honnêteté, il peut parfois être très difficile pour eux de déterminer les effets indésirables des médicaments, car ils n'ont pas été formés à cette fin. Parfois, ils ont 40 patients dans la salle d'attente et ne veulent pas prendre le temps de remplir de la paperasse pour le gouvernement, même si, avec la technologie moderne, il est très facile de remplir en ligne un formulaire où l'on indique: « Effets indésirables présumés ».
    Donc, nous sommes favorables à ce que l'initiative commence dans les hôpitaux. Nous serions également pour la déclaration des effets indésirables par les patients, si elle s'appuie sur un système solide, car les patients peuvent fournir de l'information plus détaillée sur les effets qu'ils éprouvent. Mais des gens doivent être là pour recevoir cette information et agir en conséquence.
    Une autre raison pour laquelle les médecins n'effectuent pas de déclaration est le fait que pendant des années, ils n'ont pas eu l'impression que quelqu'un faisait quoi que ce soit de l'information transmise.
    Dernièrement, j'ai examiné le cas du médicament le plus vendu dans le monde, c'est-à-dire Lipitor, un hypocholestérolémiant. Sur le site Web de Santé Canada, on trouve 2 000 déclarations d'effets indésirables à ce sujet. Selon nous, cela signifie qu'il y a eu 200 000 cas d'effets indésirables si importants que les médecins, les professionnels des soins de santé ou les patient eux-mêmes sont allés en ligne et ont...
    Soit dit en passant, la possibilité de déclaration des effets indésirables sur le site Internet de Santé Canada est le seul changement significatif que nous ayons vu depuis le décès de Vanessa, il y a huit ans. C'est la seule mesure qu'on ait prise pour améliorer la situation.
    On a mené enquête sur la mort de Vanessa un an après son décès. Cinquante-neuf recommandations ont été faites par le jury, et c'est le seul changement significatif auquel nous ayons assisté.
    Alors il est temps que les choses changent. C'est une excellente occasion d'améliorer la situation.
    Vous avez une minute.
    En tant que médecin praticienne, j'ai déjà signalé des effets indésirables de médicaments. Mais cela équivaut à lancer une bouteille à la mer. Il n'y a aucune rétroaction.
    Par ailleurs, à l'époque où j'étais haute fonctionnaire à Santé Canada, et où je participais à l'évaluation des déclarations des effets indésirables des médicaments ainsi qu'aux mesures à cet égard du point de vue de la réglementation, j'étais consciente qu'au fond, nous n'avions pas de système qui nous permette d'évaluer en profondeur ces effets indésirables. Un bon exemple serait le cas de Prepulsid. Quand on a examiné le dossier — après mon départ du gouvernement, et au moyen de l'accès à l'information — pour voir les démarches entreprises par Santé Canada pour faire face aux décès signalés en lien avec Prepulsid, le médicament qui a tué Vanessa Young, nous avons vu, parmi les notes les plus anciennes, celle provenant d'un agent de signalement des effets indésirables des médicaments de la compagnie pharmaceutique, qui y disait: « Je crois qu'il y a cinq décès », et une autre de Santé Canada, qui déclarait: « Nous pensions qu'il y en avait sept ». Mais aucun des deux n'avait examiné de plus près ces décès.
    Nous parlons d'un système où ce n'est pas la déclaration qui est le problème. Les gens feraient des signalements si Santé Canada y réagissait en transmettant de l'information rapidement et de manière compétente.
    Merci, docteure.
    Madame Gagnon.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous ce matin. Je pense que vos recommandations sont assez concrètes.
    J'aimerais parler du Gardasil. Non pas ici mais en Europe et aux États-Unis, des personnes à qui ce médicament avait été administré sont mortes. Au Canada, une vaste campagne de vaccination se fait auprès de jeunes filles âgées de 15 à 25 ans, je crois. Bien sûr, il est difficile d'établir un lien entre la mort et l'absorption du médicament. En Allemagne et en Suisse, je crois, une agence mène présentement une enquête à ce sujet. Pour l'instant, ces gens sont incapables de nous dire s'il y a une relation de cause à effet. Aux États-Unis, huit jeunes filles sont mortes.
    J'ai interpellé les gens de Santé Canada parce que c'est eux qui, au départ, approuvent le médicament, accordent le brevet. Ils nous ont dit que la vaccination ne relevait plus d'eux, mais de l'Agence de la santé publique. Or, celle-ci a décidé d'opter pour la vaccination. Ne pensez-vous pas qu'il manque un genre de connexion entre la délivrance des brevets et l'administration du produit aux patients? La chaîne est assez difficile à suivre.
    On continue à vacciner des jeunes filles alors qu'on connaît les dangers que ça implique. Vu cette situation, je me demandais s'il était possible d'établir un moratoire pour quelques mois, selon le type d'enquête qu'on veut faire. Saviez-vous que le Gardasil pouvait avoir des conséquences graves? Comment peut-on informer les patients de cette possibilité? Dans le cas d'une jeune fille de 15 ans, il faut peut-être avertir les parents également. Je m'adresse à vous tous. Comment pourrait-on être plus vigilant face à une telle situation? On se sent complètement impuissant.

  (1155)  

[Traduction]

    Puis-je répondre, monsieur le président?
    Nous allons commencer par Mme Brill-Edwards.
    Oui, je pense que votre question est très pertinente, et cela démontre les limites de la pharmacovigilance.
    En ce qui a trait à première partie de votre question quant à la façon d'établir un lien de causalité entre un produit commercialisé, qu'il s'agisse d'un vaccin ou d'un médicament, et les effets indésirables que nous constatons, je répondrais qu'il faut pour cela faire face à d'énormes difficultés et investir beaucoup de temps et d'efforts. Une fois qu'un médicament ou un vaccin est sur le marché, il devient pratiquement impossible d'effectuer des essais contrôlés randomisés comme ceux qui sont faits avant la mise en marché, et qui devraient être menés d'une manière suffisante pour cerner les problèmes. Une fois que le médicament ou le vaccin est sur le marché, les tests au hasard ne sont pas réellement possibles, alors on perd la possibilité d'établir un lien de causalité. On peut prouver une association. C'est une expression scientifique qui signifie que, selon la prépondérance des probabilités, il existe une cause.
    Le second problème, c'est qu'une fois qu'un médicament ou un vaccin devient politisé, la science qui le sous-tend et la surveillance à son égard deviennent secondaires. Il y a des preuves, tant au Canada qu'aux États-Unis, que ce produit en particulier a fait l'objet d'énormes pressions politiques, à un point tel que l'éminent chercheur de l'entreprise ayant mené les essais cliniques s'est prononcé publiquement pour dire que la compagnie et l'organisme de réglementation prenaient des mesures pour administrer le vaccin à des fillettes de 9, 10 et ou 12 ans alors que, dans les faits, aucune étude n'avait été menée auprès de cette population, et que rien n'établissait que le médicament serait utile, ni quels effets négatifs il pourrait avoir.
    Enfin, votre remarque au sujet du consentement éclairé est cruciale. En tant que parent, j'ai une fille qui s'est fait annoncer, à son école primaire, qu'elle recevrait un vaccin le lendemain. Quand je lui ai demandé ce qu'on lui avait dit, elle m'a présenté un petit dépliant qui ne donnait pas d'information sur le vaccin, et qui contenait seulement un message de santé publique avisant qu'on l'administrerait, et que ma fille de 12 ou 13 ans devait se présenter pour le recevoir. Ce vaccin ne m'inspirait pas particulièrement confiance.
    Vous avez absolument raison lorsque vous dites que nous prenons des libertés considérables à l'égard de la santé des gens, d'une manière qui choquerait le citoyen moyen s'il comprenait ce qui se passe réellement.
    Monsieur Young.
    Merci, monsieur le président.
    Gardasil est un médicament qui prend la forme de trois piqûres douloureuses à faire sur une certaine période. Il coûte 450 $, est efficace pour 70 p. 100 des virus qui pourraient causer le cancer, et son effet pourrait durer seulement cinq ans. Achèteriez-vous une télévision ou une automobile qui fonctionne 70 p. 100 du temps, et qui durera seulement cinq ans?
    C'est un médicament non éprouvé qui a seulement été testé sur moins d'une centaine de fillettes d'une douzaine d'années, qui constituent le marché visé. Souvenez-vous de ce que j'ai déjà dit: sommes-nous certains que les avantages l'emportent sur les risques? En ce moment, il n'y a aucun moyen de répondre à cette question.
    J'aimerais seulement conclure en disant que Gardasil nous est vendu par cette même compagnie qui a apporté Vioxx au monde entier.

  (1200)  

    Il vous reste une minute.

[Français]

     Il y a aussi des effets indésirables qui ne causent pas la mort, par exemple les avortements spontanés. Des caillots de sang peuvent également se former et causer des ruptures vasculaires. Comment devrait réagir Santé Canada face à de l'information aussi grave?

[Traduction]

    Veuillez répondre en une trentaine de secondes.
    Santé Canada devrait répondre en déclarant exactement ce que Mme Michèle Brill-Edwards vient de vous dire. Il devrait l'afficher sur son site Web et informer les Canadiens.
    Nous allons maintenant entendre Mme Wasylycia-Leis. 
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous pour vos exposés.
    Je m'adresse d'abord à la Coalition pour de meilleurs médicaments. Je suis toujours un peu intriguée d'entendre un exposé qui présente un appui sans équivoque à une politique gouvernementale en vigueur, sans faire état de quelque préoccupation que ce soit, particulièrement après ce que nous ont dit Terence Young et Michèle Brill-Edwards, et après les témoignages que nous avons reçus de nombreuses personnes qui ont grandement souffert du manque de vigilance de notre système.
    Donc, quand je vois ce type de soutien sans équivoque envers le cadre d'homologation progressive, je me dis que vous êtes soit le porte-parole du gouvernement, soit celui des grandes entreprises pharmaceutiques. J'ai réexaminé les faits, et je me suis rendu compte qu'on vous avait demandé de déclarer vos sources de financement au cours d'une autre séance du comité de la santé, et encore une fois, aujourd'hui, vous ne l'avez pas fait. J'aimerais donc établir clairement que, selon le dernier compte rendu, au moins la moitié de votre financement provient des grandes sociétés pharmaceutiques, des fabricants de médicaments de marque.
    C'est exact, et je croyais savoir que nos sources de financement étaient précisées dans ce mémoire...
    Cette information figure dans notre document d'information.
    ... et nous tâchons d'équilibrer ce financement. Néanmoins, tous nos membres sont bénévoles, et nous ne recevons pas d'argent pour nos activités. En fait, bien souvent, je dois débourser de l'argent pour faire ce que je fais.
    L'appui à l'homologation progressive est un processus en cours depuis...
    Vous avez répondu à ma question.
    Merci.
    Dans votre mémoire, vous écrivez quelque chose au sujet du soutien de l'industrie pharmaceutique. J'essaie de retrouver l'extrait à l'instant: « L'industrie pharmaceutique... offre un soutien important. » Comme vous n'avez pas indiqué d'où venait votre financement, je pense qu'il s'agirait d'une précision nécessaire pour tous. Comme Terence Young l'a souligné au départ, sa coalition n'obtient aucun fonds des sociétés commerciales.
    Je crois que nous pouvons constater qu'il est difficile pour certains intervenants de soulever des préoccupations fort légitimes en raison du contrôle exercé par les sociétés pharmaceutiques. C'est le cas de bon nombre de nos témoins et c'est une situation qui nous inquiète beaucoup.
    En réalité, la séance d'aujourd'hui ne vise pas à traiter simplement des effets indésirables des médicaments, bien que ce sujet soit effectivement au coeur de nos discussions. Cette rencontre devrait en fait nous permettre de comprendre exactement où le gouvernement veut en venir, et Michèle Brill-Edwards doit avoir sa petite idée à ce sujet. C'est le cas aussi pour Terence Young, car ce n'est pas la première fois qu'on nous fait le coup; voici donc un autre gouvernement qui, au nom de la modernisation, veut absolument remanier de fond en comble la Loi sur les aliments et drogues.
    Nous pouvons ainsi constater que l'on s'éloigne du principe de prudence, auquel la plupart des Canadiens ont souscrit, le principe de l'innocuité, à la faveur d'un modèle de gestion du risque qui consiste à laisser les médicaments entrer sur le marché pour s'inquiéter après coup de leurs effets possibles. En cas de problèmes, il suffit de laisser les gens poursuivre les sociétés pharmaceutiques, car cela est nettement préférable et beaucoup moins onéreux que de vraiment prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que nos produits sont sans danger hors de tout doute raisonnable.
    Je demande donc à Michèle Brill-Edwards — en sachant qu'elle est active dans ce dossier depuis plus de 10 ans — de nous dire à combien de reprises elle a été témoin d'initiatives en ce sens, de quelle manière sa coalition et elle-même ont contribué à y mettre un frein dans le passé, et quelles actions pourrions-nous maintenant entreprendre pour jeter un éclairage sur toute cette affaire.
    Terence, vous avez indiqué que le cas du Vioxx illustre bien les problèmes du système d'homologation progressive ainsi que d'autres préoccupations concernant la transparence et la reddition de comptes, un sujet qui selon moi a tout lieu de nous intéresser tout autant que celui de la notification obligatoire des effets indésirables.
    Alors Michèle, puis Terrence.

  (1205)  

    Vous avez raison de dire que Santé Canada est loin d'en être à sa première tentative en vue de ce qu'on voudrait qualifier de façon très générale d'un renouvellement législatif de la Loi sur les aliments et drogues. Par exemple, à la fin des années 1990, on avait l'intention d'intégrer la Loi sur les aliments et les drogues dans une loi d'ensemble regroupant 10 autres lois du Parlement. Cette tentative a lamentablement échoué, mais seulement en raison des actions entreprises par différents groupes à but non lucratif qui ont réussi à sensibiliser les Canadiens au danger de cette destruction catastrophique du pouvoir de réglementation.
    La feuille de route du ministère n'est donc guère édifiante. Dans une perspective historique, il convient de déplorer une trentaine d'années de déréglementation, qui s'est amorcée par la déprofessionnalisation de l'agence dans les années 1970 et 1980, alors que l'on s'est départi de l'expertise requise pour tenir la dragée haute aux sociétés pharmaceutiques. Parallèlement à cela, on constatait sur nos tribunes publiques une indifférence à l'égard du rôle de réglementation. Nos instances politiques faisaient valoir que la sécurité et les questions du même ordre n'étaient rien d'autre que des considérations bureaucratiques pour nos autorités réglementaires.
    Aux étapes suivantes du processus, nous avons assisté au démantèlement du ministère, à la destruction des laboratoires de recherche sur les médicaments, à la destruction partielle des laboratoires de recherche sur les aliments et à l'adjudication du dossier de la santé environnementale à un autre ministère.
    Nous voilà maintenant rendus à la véritable phase terminale, la quatrième étape, celle de la déréglementation qui consiste à démanteler la loi instituant le pouvoir de prendre différentes décisions comme celle de décréter un moratoire. C'est une possibilité qui s'offre à nous actuellement. Rien ne nous empêcherait de le faire aujourd'hui, mais non seulement Santé Canada n'exerce-t-il pas les pouvoirs réglementaires dont il est investi, mais voilà que le ministère cherche en fait à se destituer lui-même en supprimant cette autorité réglementaire de manière à ne plus être tenu responsable lorsque les choses tournent mal.
    Terence.
    Merci.
    Environ un mois après la mort de Vanessa, j'ai reçu l'appel d'une pharmacienne d'un hôpital ontarien. Elle m'a dit avoir rédigé un rapport sur le service d'oncologie de son hôpital où sept des neufs patients auxquels on avait donné du Prepulsid étaient décédés. Il s'agissait de personnes très malades. C'étaient des patients atteints d'un cancer. Bon nombre d'entre eux, si ce n'est la plupart, allaient mourir de toute manière. Mais ils sont morts après avoir pris du Prepulsid, alors qu'il y avait contre-indication.
    Elle a envoyé son rapport à Santé Canada où l'on a réussi à noyer le poisson pendant un an et demi. C'est le résultat du partenariat entre le ministère et l'industrie.
    Nous avons présenté une demande d'accès à l'information pour un film destiné à CBC. Nous avons découvert une note de service d'un cadre supérieur de Janssen-Ortho qui indiquait aux représentants de Santé Canada la façon dont ils devaient répondre aux questions concernant ce médicament, le Prepulsid. On travaillait avec eux et on leur soufflait des répliques en préparation pour l'émission Marketplace à CBC.
    La vice-présidente de la réglementation et des services linguistiques a témoigné lors de l'enquête du coroner sur le décès de Vanessa. Elle a indiqué que l'entreprise considérait Santé Canada comme un de ses principaux clients. Elle a aussi indiqué que Santé Canada ne mettait pas en garde les Canadiens au sujet des médicaments; il les aidait plutôt à en prendre. C'était les propos d'une des vice-présidentes de Janssen-Ortho, une entreprise de Johnson & Johnson.
    Selon moi, ce n'est pas ce que nous disent les sociétés pharmaceutiques qui peut être dangereux pour les patients; c'est plutôt ce qu'elles nous cachent. Elles retiennent également une grande quantité d'informations qu'elles classent comme « renseignements de nature commerciale » dans le résumé du dossier d'autorisation de mise sur le marché. C'est plutôt drôle, car ces sociétés font homologuer les mêmes médicaments aux États-Unis, et la FDA publie ces mêmes renseignements sur Internet. Pendant ce temps Santé Canada cache l'information, en soutenant qu'on ne peut rien dire, qu'on ne peut pas nous en parler.
    J'ai bon espoir que cette nouvelle loi procurera toute la transparence voulue, y compris au sujet des essais cliniques, comme je vous l'ai mentionné précédemment. En faisant des recherches pour mon ouvrage, j'ai trouvé probablement 40 ou 50 façons différentes de fausser les résultats des essais cliniques. Le moyen le plus manifeste est celui offert par la publication. On camoufle les résultats des essais non concluants et on publie ceux qui sont avantageux. On omet les cas d'abandon, ces personnes qui débutent l'essai d'un médicament et arrêtent parce qu'elles se trouvent vraiment mal en point. On fait comme si ces personnes n'avaient jamais participé à l'essai. Il y a aussi les sujets qui ne répondent pas au traitement, ces personnes qui disent ne ressentir aucune différence après avoir pris le médicament. Ces participants sont également mis de côté.
    Lorsque les choses tournent mal, on met fin à l'essai clinique et on prétend qu'il n'a jamais eu lieu. On fait l'essai de médicaments sur des sans-abri présentant un large éventail de problèmes de santé comme des dommages au foie, par exemple. Il arrive même dans certains cas qu'on se livre à des essais non contrôlés. Pour obtenir de meilleurs résultats, on va parfois jusqu'à faire l'essai d'un médicament en le comparant à un autre au dosage plus élevé que l'on va mettre sur le marché.
    J'ai réussi à garder mon sens de l'humour malgré tout cela. Il faut le voir pour le croire.

  (1210)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Brown.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions pour M. Young.
    Merci pour votre témoignage d'aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que vous nous avez fait part d'un cas fort troublant. Je vous en suis reconnaissant.
    Quelques-uns de vos commentaires ont retenu particulièrement mon attention. Vous nous avez indiqué que les grandes sociétés pharmaceutiques obtenaient de l'information de 192 pays du monde et qu'une partie de ces renseignements n'étaient pas communiqués à Santé Canada. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    J'aurais aussi besoin d'un complément d'information. Vous avez souligné que M. Dosanjh, lorsqu'il était ministre de la Santé, avait annoncé certaines politiques qui n'avaient cependant pas été mises en oeuvre. De quelles politiques s'agissait-il? Cela m'a échappé.
    En enquêtant sur la mort de Vanessa, je me suis intéressé aux autorités réglementaires de chaque pays. Par exemple, Janssen-Ortho dont le siège social est en Belgique — Janssen Research Foundation — communique individuellement avec chaque organisme de réglementation dans chacun des pays pour parler des cas de décès ou de blessures qui s'y sont produits. Lors de l'enquête du coroner, notre avocat a voulu savoir combien de décès il y avait eu à l'échelle planétaire. La vice-présidente n'a pas pu répondre parce que, dans le cadre de son travail, elle n'avait pas habituellement à faire enquête pour déterminer combien de personnes sont décédées à l'échelle mondiale après avoir pris un médicament.
    Ces entreprises sont plus riches que bien des pays du monde — et je n'exagère même pas — avec des valeurs en capital excédant les 100 millions de dollars. Il y a plus d'une centaine de pays qui sont très loin d'être aussi bien nantis. Ces sociétés traitent de façon individuelle avec les différentes autorités réglementaires.
    En 1998, en coordination avec la FDA, on avait affiché sur le Prepulsid un carré noir d'avertissement, soit la mise en garde la plus sévère qui soit. Cette mise en garde ne figurait toutefois pas sur le médicament au Canada parce que personne n'avait indiqué qu'il fallait l'apposer.
    Voilà le genre de petit jeu auquel se livrent les sociétés pharmaceutiques. Si on leur ordonne de faire quelque chose, elles vont obtempérer. Si on ne leur impose aucune contrainte, elles soutiennent que le médicament est sans danger et continuent à le vendre.
    Le ministre Dosanjh avait annoncé qu'il allait mettre en place un système de signalement obligatoire des effets indésirables des médicaments pour les médecins, mais rien ne s'est produit. Je peux seulement présumer que d'énormes pressions ont dû être exercées sur lui par les lobbyistes de l'Association médicale canadienne et de l'industrie pharmaceutique pour qu'il n'aille pas de l'avant avec cette initiative.
    Vous avez aussi cité une statistique fort intéressante suivant laquelle les effets indésirables des médicaments seraient la quatrième principale cause de décès au Canada. Sur quelles bases vous appuyez-vous pour avancer de tels chiffres? Est-ce qu'une étude a été menée?
    L'étude principale a été menée par Lazarou et deux autres professeurs de l'Université de Toronto en 1998. C'était une vaste étude portant sur les patients hospitalisés. Je ne me souviens pas du nombre d'hôpitaux visés, mais vous trouverez une référence à cet effet dans la documentation écrite. Les chercheurs ont établi que 104 000 personnes étaient décédées des suites des effets indésirables de médicaments aux États-Unis, et ce, dans les hôpitaux seulement. Il s'agissait de médicaments sous ordonnance administrés selon la posologie prescrite, et non pas de façon erronée. D'autres chercheurs ont voulu extrapoler ce résultat en se demandant combien de décès semblables pouvaient survenir à l'extérieur des hôpitaux. Ils estiment qu'il pourrait y en avoir également jusqu'à 100 000, bien que cela soit très difficile à prouver.
    Alors, au prorata de la population, on pourrait arriver à 10 000 décès de la sorte dans les hôpitaux canadiens et peut-être un autre 10 000 ailleurs au pays.
    C'est assurément une statistique qui donne froid dans le dos.
    Notre comité a notamment discuté du recours aux appareils électroniques et des possibilités de mieux équiper les médecins à ce chapitre. Pourriez-vous nous indiquer de manière générale dans quelle mesure il serait préférable que les mises en garde soient communiquées en temps réel par Santé Canada à ces membres de la profession médicale qui doivent prescrire les médicaments?
    Je répète que le problème ne se situe pas au niveau de la transmission de l'information; il vient plutôt des importants retards dans l'analyse des rapports à Santé Canada. L'information est déjà transmise en temps réel. Lorsque vous vous rendez sur le site Web pour remplir le formulaire de déclaration des effets indésirables, celui-ci est transmis presqu'instantanément à Santé Canada. Combien de temps faudra-t-il au ministère pour analyser les rapports produits? C'est cet aspect qui pose problème.
    Il faut bien comprendre qu'un rapport, considéré individuellement, n'a aucune signification pour Santé Canada. C'est simplement un rapport. L'événement indésirable peut avoir été causé par le médicament, mais il peut également être attribuable à un autre facteur. C'est uniquement lorsque l'on commence à constater une tendance qu'il est possible de dégager un véritable signal d'alarme dans tout le brouhaha des nombreux rapports qui sont produits. Il faut prendre tous les rapports semblables pour essayer d'isoler une telle tendance, ce que Santé Canada ne parvient pas à faire en temps utile.
    La possibilité de signaler les cas en temps réel existe déjà, mais ce n'est pas suffisant.

  (1215)  

    Si je soulève ce point, c'est parce que lorsque j'ai posé la même question aux gens de l'Association médicale canadienne, on m'a notamment répondu que les nouvelles mises en garde étaient parfois transmises par télécopieur et parfois par la poste. Il n'y a donc pas communication en temps réel. Il faut parfois compter des semaines.
    Désolée, mais je n'avais pas bien saisi votre question.
    Oui, je parlais des communications de Santé Canada à l'intention des médecins.
    Vous parliez de l'information transmise aux médecins.
    Oui.
    Oui, il existe une grave lacune à Santé Canada pour ce qui est des communications avec les médecins. Il y a une attitude bien ancrée au sein du ministère. On estime que le système ne fonctionne pas parce que les médecins n'envoient pas leurs rapports, alors on se demande qu'est-ce qui oblige Santé Canada à communiquer avec les médecins.
    Quelle solution recommandez-vous?
    Il faudrait qu'il y ait de la transparence dans le système. Il faut exiger de la transparence dans le processus d'évaluation de l'information par le ministère ainsi que relativement aux motifs à l'origine de ses communications. De cette manière, les médecins pourront déterminer s'ils sont d'accord avec les agissements et les déclarations du ministère et évaluer dans quelle mesure les conseils émis sont appropriés.
    Par ailleurs, il serait également facile aujourd'hui de s'assurer que chaque médecin branché sur Internet — ce qui nous donne actuellement environ 95 p. 100 des praticiens — sache qu'il lui est possible de recevoir des alertes instantanées par courriel en provenance de Santé Canada. Il s'agit d'exploiter au maximum les possibilités des communications en temps réel.
    Cela démontre bien à quel point on est passif à Santé Canada. On peut compter sur ce système déjà existant, mais on ne déploie aucun effort auprès des médecins et des pharmaciens pour leur demander leur contribution en fournissant à leur adresse courriel de telle sorte qu'on puisse leur transmettre ces rapports.
    Monsieur Young, vous avez aussi indiqué que les résultats des études menées à l'échelle internationale devraient être communiqués à Santé Canada dans un délai de 48 heures, plutôt qu'au bout de six à 12 mois comme actuellement. Comment décide-t-on de ces échéanciers?
    C'est ce qu'on appelle des signaux au sein de la communauté médicale. Un patient meurt et on croit que son décès peut être attribuable à un médicament sous ordonnance. Le cas peut se produire au Royaume-Uni, en Amérique du Sud, aux États-Unis ou ailleurs. On commence à faire le décompte de ces signaux et lorsqu'on arrive à un nombre suffisant, on parle d'un bruit. Lorsque ce bruit prend assez d'ampleur, quelqu'un commence à s'intéresser à la question.
    Si les signaux — l'information transmise à la société pharmaceutique lorsqu'on lui indique qu'un de ses médicaments est une cause possible — étaient immédiatement relayés aux autorités réglementaires, celles-ci pourraient ouvrir leurs propres dossiers et amorcer l'enquête sur le médicament en question. Une autre possibilité serait de permettre aux patients de présenter eux-mêmes des rapports sur les effets indésirables. L'information serait ainsi obtenue plus rapidement et on pourrait agir plus tôt, au lieu d'attendre des mois et des mois pendant que les cadavres s'accumulent.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au second tour. De manière à pouvoir le compléter, nous allons nous en tenir à des interventions de trois minutes. Ce sera la même chose pour tout le monde.
    Monsieur Thibault.
    En trois minutes, j'ai à peine le temps d'étouffer un rot.
    Ne vous en faites pas, ça devrait aller.
    Je tiens à tous vous remercier d'avoir bien voulu participer à nos discussions pour nous éclairer à propos de cette problématique. C'est un sujet très délicat. Je veux que les médicaments soient disponibles. S'il y a une chance que quelqu'un puisse être sauvé par un médicament ou un produit pharmaceutique, je veux qu'il puisse y avoir accès. Par ailleurs, je conviens avec vous que toute l'information nécessaire devrait être communiquée.
    Un praticien est venu nous dire que lorsqu'on consulte ce compendium, on peut y trouver tout ce qu'il est possible d'y inclure. Comme il n'y a pas vraiment moyen de savoir ce qui est important et ce qui l'est moins, on en vient à ne plus vraiment l'utiliser.
    Comme d'autres témoins avant elle, le Dr Brill-Edwards nous a aussi parlé des interactions entre les praticiens et le système de déclaration des effets indésirables. La technologie nous offre la possibilité de tirer un meilleur parti de ce système. Il faut espérer que des initiatives comme Drug InfoNet et Health InfoAid pourront s'inscrire dans les efforts en ce sens.
    Nous constatons que les pharmaciens ont un système qui fonctionne bien, alors que ce n'est pas le cas pour nos médecins.
    Une voix: Les vétérinaires et les dentistes également.
    M. Robert Thibault: Cela fonctionne pour les vétérinaires et les dentistes, comme pour les pharmaciens, alors c'est une possibilité qui s'offre à nous.
    Quant aux communications entre les autorités de la santé et les praticiens, je ne sais pas si c'est la même chose dans toutes les provinces, mais tous les praticiens de Nouvelle-Écosse effectuent leur facturation par voie électronique. Ils sont déjà en ligne par le truchement du système du régime d'assurance médicale, alors pourquoi ne pourrait-on pas utiliser ce branchement pour leur transmettre les avis en matière de santé ou les mises en garde concernant les médicaments?
    Je veux faire montre de prudence et je vais vous laisser toute la marge voulue pour répondre. Je suis favorable à l'idée d'une homologation progressive. Je comprends les considérations liées à l'utilisation non conforme des médicaments. Je vois bien que ces choses sont nécessaires.
    Mais j'ai aussi un peu peur quand j'entends M. Young parler du Gardasil. Avant d'entendre vos commentaires à ce propos, je pensais que cette thérapie était fort prometteuse. Si j'étais le père d'une jeune fille, je serais très heureux qu'elle puisse y avoir accès et bénéficier de la protection que ce traitement assure. Mais voilà que vous nous faites valoir que cette thérapie comporte de nombreux risques. En toute franchise, je dois vous dire que cela me fait très peur. Vous nous dites qu'un tel médicament pourrait être prescrit à toutes les jeunes femmes canadiennes avec l'homologation et l'aval de notre gouvernement, qui l'intégrerait même à son discours du budget et que ce médicament pourrait se retrouver dans notre système, malgré tous les risques qui y sont associés.
    Pourriez-vous nous fournir de plus amples détails?

  (1220)  

    Je crois que le Gardasil est effectivement prometteur, mais on ne sait toujours pas si son effet va durer plus de cinq ans et on ne l'a pas testé en combinaison avec d'autres vaccins... En matière de sécurité des médicaments, le terme à retenir est contre-indication. S'il n'y a pas eu d'essais en combinaison avec les 16 autres vaccins — un chiffre purement hypothétique — que l'on a pu inoculer aux jeunes filles auparavant, il est possible qu'il y ait des contre-indications. Je dis simplement que les preuves n'ont pas été faites. Je pense qu'il y a trop d'inconnues à ce sujet pour demander à toutes les fillettes de 9 ou 10 ans de se prêter à ces trois douloureuses injections.
    Soit dit en passant, il y a une autre thérapie qui s'en vient dans la foulée du Gardasil. Il semblerait qu'elle protégera contre les 30 p. 100 de VPH qui restent pouvant causer le cancer. Qui sait quelles réactions cela entraînera?
    Il y a toujours des questions qui se posent, et nous voulons des réponses. Nous voulons que les patients soient suivis de très près. Nous ne voulons pas qu'un million de petites filles reçoivent un traitement qui vient tout juste d'apparaître sur le marché. Il est préférable de débuter plus lentement avec des patientes qui sont davantage disposées, en l'espèce — j'allais dire des patientes déjà atteintes, mais il n'y a pas encore de maladie — et de progresser méthodiquement de manière à pouvoir repérer un effet secondaire potentiellement létal avant qu'un million de personnes y soient exposées.
    Nous passons à M. Tilson. Vous avez trois minutes pour les questions et les réponses.
    Merci beaucoup pour votre présence.
    Tous vos témoignages sont fort révélateurs. En fait, je trouve la situation alarmante. J'en viens à ne plus vouloir prendre de médicaments du reste de ma vie.
    Je ne vais pas résumer vos propos. J'ai pris des notes, comme nous le faisons tous. Nous avons maintenant tous cette information qui nous sera fort utile lorsque viendra le temps de formuler nos recommandations au Parlement.
    Il y a un point sur lequel j'aurais encore besoin d'une précision. Si j'ai bien compris, les sociétés pharmaceutiques sont les seules à pouvoir soumettre un rapport à Santé Canada. C'est ce que j'avais cru comprendre, mais il semblerait maintenant qu'il soit aussi question des hôpitaux.
    Ma question s'adresse à vous tous. Comme vous ne soumettez des rapports qu'en cas d'effets importants, si une personne ressent un effet sans savoir si cela est grave ou non, qu'est-ce qui se produit? Que doit faire cette personne? Elle ne sait même pas de quelle société pharmaceutique il s'agit. Vous avez parlé d'un formulaire facile à remplir. Vous avez dit que des médecins essayaient de convaincre les patients de ne pas le remplir. Je pense que vous avez fait allusion à cela. Vous avez dit bien des choses fort alarmantes.
    Alors si je ressens un effet indésirable et si je pense que c'est grave, que dois-je faire à l'heure actuelle?
    C'est justement la raison pour laquelle il faut offrir aux patients canadiens la possibilité de produire un rapport. Ce n'est pas au patient qu'il incombe de décider si son état est sérieux. Je suis d'avis que tous les effets indésirables devraient être signalés et qu'il faudrait laisser à Santé Canada le soin de déterminer ce qui est grave ou non, ce qui est important et ce qui ne l'est pas.
    Les médicaments ont aidé bien des gens et j'en suis le témoignage vivant. Je ne serais pas ici aujourd'hui sans le traitement biologique que j'ai reçu pour l'arthrite rhumatoïde avec laquelle je dois vivre depuis 25 ans. C'est toujours une question de comparer les risques et les avantages. Il convient cependant d'instaurer un dialogue plus soutenu et de faire en sorte que les patients canadiens se rendent compte que la simple présence d'un médicament sur le marché ne signifie pas qu'il soit sans danger. Ils doivent toujours déterminer de concert avec leur médecin si les avantages que peut leur procurer un médicament l'emportent sur les risques qu'ils encourent.
    Les produits de santé naturels, les médicaments en vente libre, tous ces traitements auxquels nous avons recours ne vont pas sans risque. Il faut que les patients s'assurent d'être bien informés, et nous ne faisons pas le nécessaire à cet égard.
    Présumons que l'effet indésirable est grave. Ma question s'adresse encore une fois à vous tous.
    Qu'est-ce que je fais? J'ai de toute évidence une réaction sérieuse et je suis à l'article de la mort. J'essaie de penser à ce que pourrait être une réaction grave, et je ne suis pas vraiment certain de le savoir. Disons simplement que je suis convaincu que mon état est sérieux. Qu'est-ce que je fais? Je vais remplir un formulaire quelque part, mais qui est-ce qui me le fournit?

  (1225)  

    Si vous avez un problème de santé vraiment grave, il faut présumer que vous vous rendrez à l'hôpital et que c'est le personnel hospitalier qui se chargera de cet aspect.
    Mais vous avez soulevé un point très important: les gens ne savent pas quoi faire en pareille situation.
    Dans bien des cas, il se produit des effets dont nous ne sommes même pas conscients. Vous avez probablement tous déjà pris de l'ibuprofène. Saviez-vous qu'après une seule dose d'ibuprofène, votre estomac se met à saigner? Une seule dose. Comme ce n'est pas visible, vous ne savez même pas que cela se produit. En constatant que ce médicament est en vente libre, les gens se disent qu'ils peuvent bien en prendre quelques cachets de plus et même en donner à leurs enfants. Nous ne savons pas tout ce qui peut se passer à l'intérieur de notre corps, quels sont les effets sur notre système cardiovasculaire et bien d'autres choses encore.
    Lorsque nous ressentons les effets d'un médicament, nous ne savons pas si c'est dû au simple fait d'en avoir pris ou si c'est le fruit d'une interaction. Il faudrait une campagne de sensibilisation pour que les gens connaissent les options qui s'offrent à eux et une infrastructure capable de gérer tout le processus; je crois que c'est le principal défi qui nous attend et qui attend votre comité. À partir de quelles bases allons-nous établir l'infrastructure requise pour gérer tous ces rapports?
    J'ai terminé.
    Monsieur Malo.

[Français]

    Bonjour et merci d'être parmi nous. Je vais vous poser quelques questions en rafale. Vous aurez ensuite tout le temps d'y répondre.
    Plus tôt, vous avez souligné que plusieurs médicaments étaient donnés à des clientèles autres que celles ciblées dans le cadre d'études réalisées à ce sujet. Je me demandais quelle proportion des gens prenant ces médicaments étaient dans cette situation et dans quelle mesure le problème était sérieux.
    Par ailleurs, vous avez proposé la mise sur pied d'un bureau indépendant d’évaluation. Je me demandais quelles ressources financières devraient être attribuées à ce bureau et quels avantages il comporterait comparativement au système qui a cours maintenant.
    Merci.

[Traduction]

    Relativement à votre première question au sujet des utilisations non conformes des médicaments, Santé Canada et les autres instances réglementaires — pas uniquement Santé Canada — laissent les praticiens à l'écart dans le contexte d'un système qui permet aux fabricants de demander qu'un médicament soit mis sur le marché pour des utilisations précises, ce qu'on appelle les indications, au titre desquelles des preuves doivent être produites. Lorsque de telles preuves sont disponibles, le médicament est mis sur le marché pour être utilisé par la population en général — les adultes, supposons — mais si le même médicament peut être utile à d'autres fins et si des recherches ont été menées par les universités ou les groupes médicaux avec publication des résultats, et s'il est bien reconnu que le médicament peut avoir un autre usage légitime, cela n'est pas pris en compte dans le processus d'approbation par Santé Canada. Les médecins sont ainsi obligés d'utiliser ces médicaments de façon non conforme, ce qui fait que l'industrie peut toujours prétendre qu'elle n'y peut rien si le médicament a été utilisé sans approbation. Les sociétés pharmaceutiques bénéficient ainsi d'une porte de sortie qui réduit leur responsabilité. En réalité, il s'agit toutefois d'un processus très dangereux qui force les médecins à avoir recours à des médicaments pour des indications à l'égard desquels il n'y a eu aucun avis officiel quant au mode d'utilisation approprié.
    Je suis moi-même pédiatre ainsi que pharmacologiste clinicienne et j'ai accumulé une expérience approfondie de la réglementation au cours des dernières années. Je travaille maintenant à temps partiel au service des urgences du CHEO, le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario à Ottawa. Jour après jour, nous prescrivons à des patients des médicaments qui ne sont pas officiellement indiqués pour usage pédiatrique, mais qui sont utilisés et reconnus comme appropriés à cette fin partout dans le monde.
    Alors, tout cet aspect de l'utilisation non conforme des médicaments peut être très trompeur, car il permet aux sociétés pharmaceutiques de se soustraire à leur responsabilité en faisant valoir qu'il s'agit d'une utilisation non approuvée. Et les médecins et les patients se retrouvent sans avis fédéral officiel indiquant que l'utilisation du médicament est appropriée.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tous nos témoins pour leurs commentaires et l'information qu'ils nous ont fournie.
    Nous allons arrêter...

  (1230)  

    J'invoque le règlement, monsieur le président. Pourrions-nous prendre encore cinq minutes pour écouter les témoins? Je suis persuadée que 20 ou 25 minutes suffiront pour discuter des travaux du comité.
    Nous avons beaucoup de pain sur la planche.
    Peut-être pourrions-nous simplement permettre une réponse à la seconde question.
    Je peux vous dire très brièvement qu'une telle agence n'exigerait pas une grande quantité de ressources, mais nécessiterait la mobilisation de l'industrie, du gouvernement et des instances réglementaires qui devraient accepter la mise en place d'une agence indépendante disposant de pouvoirs quasi judiciaires et ne pouvant pas être influencée par l'argent de l'industrie.
    C'est une simple estimation, mais je dirais que cela pourrait coûter approximativement 20 millions de dollars par année. Ce n'est pas un gros montant, quand on pense aux milliards de dollars de bénéfices qui sont en jeu et aux milliers de vies qui sont perdues en l'absence d'une telle agence.
    Si vous me permettez d'ajouter un commentaire, selon les chiffres que j'ai fournis au comité en provenance de l'Association des pharmaciens du Canada, c'est-à-dire entre deux milliards de dollars et neuf milliards de dollars d'économies si les médicaments étaient prescrits uniquement de façon appropriée, sans compter les dix milliards de dollars supplémentaires pour les soins à prodiguer en cas d'effets indésirables, la prescription adéquate des médicaments nous procurerait à elle seule des économies de 19 milliards de dollars.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant poursuivre nos travaux à huis clos. Je vais laisser le temps aux témoins de...
    Avant que nous ne poursuivions à huis clos, je voudrais faire un rappel au Règlement.
    En quoi consiste ce rappel au Règlement, monsieur Fletcher?
    Cela concerne les témoignages entendus lors de notre dernière séance; il s'agit simplement d'apporter une correction au compte rendu. Je crois qu'une partie du témoignage de la Société canadienne de transplantation était incorrecte.
    Nous allons examiner ce témoignage. Le tout est déjà consigné et à moins que le témoin ne nous écrive pour nous dire que cela diffère...
    Non, non. Je crois qu'il y a eu erreur dans le témoignage et je voulais simplement que les correctifs soient apportés.
    Je comprends cela, mais il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement?
    Non, il s'agit davantage d'un sujet de débat.
    Non, non, ce n'est pas un sujet de débat.
    Nos analystes sont tout à fait aptes à déterminer s'il y a effectivement eu erreur — et nous pourrons en être avertis après coup.
    D'accord.
    J'ai un autre rappel au Règlement. Il semblerait bien que la Société canadienne de transplantation ait effectivement été consultée par Santé Canada. Le président reconnaît avoir participé à ces consultations dans un bulletin qui est publié. On peut y lire ce qui suit :
    Le milieu de la transplantation traverse une période de changements profonds au moment où la CSA met en oeuvre ses normes, Santé Canada prépare la réglementation à laquelle seront assujettis les programmes de transplantation et où le Conseil canadien pour le don et la transplantation (CCDT) publie des documents de consensus sur le don et la transplantation. La Société collabore avec Santé Canada et le CCDT afin de voir à ce que le milieu de la transplantation soit représenté au cours de ces initiatives.
    J'ai également trois ou quatre documents de Santé Canada.
    Monsieur Fletcher, merci de nous avoir fait part de cette information au bénéfice de tous, mais vous savez pertinemment qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
    Je pense que nous allons maintenant prendre une pause avant de poursuivre nos travaux à huis clos.
    Merci.
    (La séance se poursuit à huis clos.)