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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mai 2008

[Enregistrement électronique]

  (1205)  

[Français]

    Bienvenue au Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, c'est notre 16e séance.

[Traduction]

    Nous accueillons deux témoins aujourd'hui. Howard Anglin occupera la première heure de notre audience, puis Naresh Raghubeer, qui représente la Canadian Coalition for Democracies, occupera la deuxième.
    Par contre, l'intervention de M. Kenney soulève un point, soit que nous devrions respecter notre horaire plus rigoureusement et essayer d'achever chacun de ces segments le plus rapidement possible. Cela tient en partie au fait que nous avons d'autres affaires à régler. Nous devons notamment régler une question d'horaire. De même, si je ne m'abuse, M. Kenney a proposé hier une motion. Ces deux points vont ensemble. Il faudra s'en occuper à huis clos, de sorte qu'il faudra faire sortir de la salle les représentants des médias et autres personnes, puis nous pourrons avoir cette discussion. Selon l'horaire, nous avons jusqu'à 14 heures. Je vais donc proposer que nous essayions d'entendre les deux témoins le plus rapidement possible. Peut-être que chacun des deux segments peut finir un peu à l'avance, ce qui nous donnerait du temps à la fin. Je présume que cela est acceptable aux yeux des gens.

[Français]

    Monsieur le président, j'ai également un sujet à soulever à la fin de la séance. Si on pouvait s'arrêter 20 minutes avant l'heure prévue, par exemple à 13 h 40, ce serait adéquat afin de pouvoir traiter de cette question.

[Traduction]

    Mme Barbot propose que nous essayions de terminer 20 minutes d'avance. Cela veut dire qu'il faudrait enlever 10 minutes au segment qui est accordé à chacun des témoins. Cela me paraît à peu près juste. Pour y arriver, je vais proposer que nous ayons des tours de questions de cinq minutes, suivis de tours de trois minutes. Dans les faits, ce sera comme le deuxième et le troisième tours de questions d'une réunion. Puis-je présumer que vous acceptez cela?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Dans ce cas, monsieur Anglin, à vous de jouer. Vous êtes le premier.
    Merci, monsieur le président,
    Mesdames et messieurs, je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Comme je suis le premier témoin, je crois, à ne pas recommander que le Canada rapatrie M. Khadr, et que je suis le seul à avoir la parole pendant cette heure-ci, j'espère que vous me permettrez de prendre un certain temps pour exposer sommairement ma position.
    Premièrement, je tiens à signifier clairement que je n'oserais pas dicter sa conduite au Canada. De même, je ne suis nullement lié au gouvernement des États-Unis, dont les politiques remportent souvent ma défaveur. Le droit international n'impose au Canada aucune obligation légale contraignante dans cette affaire. Je suis là uniquement pour mettre au clair certains des facteurs que le gouvernement canadien devrait, à mon avis, prendre en considération en formulant sa politique.
    Je vais insister sur trois points principaux aujourd'hui. Premièrement, contrairement aux assertions de certains des témoins que vous avez déjà entendus, le fait de traduire en justice M. Khadr ne représente pas un cas sans précédent, ni un cas contraire au droit international. Deuxièmement, je vais examiner le texte de la loi applicable dans l'affaire, pour corriger le tableau parfaitement lamentable que les témoins précédents ont brossé de la situation juridique jusqu'à maintenant. En troisième lieu, je ferai valoir que la politique américaine, loin d'être hors la loi ou de violer le droit international, répond sans peine aux exigences minimales des conventions de Genève en matière d'équité.
    À propos du premier point, à titre d'avocat chargé de représenter M. Khadr, le lieutenant-commandant Kuebler a déclaré que le protocole facultatif, le droit international coutumier, le droit fédéral américain et le droit canadien n'interdisent nullement de poursuivre un adolescent pour crimes de guerre. M. Lorne Waldman, de l'Association du Barreau canadien, a confirmé la position du lieutenant-commandant Kuebler telle qu'il l'a énoncée au moment de témoigner devant votre comité:
En réponse à la question concernant les enfants-soldats, nous n'avons pas l'intention de dire qu'il s'agirait d'une violation de la convention... aucune disposition n'interdit expressément les poursuites.
    C'est un point qui vaut d'être répété. Ni le droit international, ni le droit canadien ni encore le droit intérieur des États-Unis n'interdisent aux États-Unis de poursuivre M. Khadr.
    M. Crane, dont vous avez déjà entendu le témoignage, est d'accord avec cette analyse. Le plus loin qu'il est allé, c'est de déclarer que, à son avis, aucun enfant de moins de 15 ans ne peut commettre un crime de guerre. Le critère d'âge de M. Crane n'est pas utile à M. Khadr.
    M. Crane a parlé avec une candeur admirable lorsqu'il a reconnu qu'il n'est nullement interdit en droit international de traduire en justice un soldat qui n'aurait que 15 ans. Il a bien déclaré qu'il n'allait pas traduire en justice des soldats ayant moins de 15 ans, s'il en avait le choix, mais c'est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de poursuivre. Tout de même, il a signifié clairement que le mandat des Nations Unies qui régit son travail lui permet bel et bien de poursuivre les soldats de moins de 18 ans pour crimes de guerre. Si les Nations Unies prévoient expressément la possibilité de poursuivre les soldats de moins de 18 ans, il est absurde de prétendre que ce serait contraire au droit international.
    À propos de mon deuxième point, je voudrais insister sur les éléments applicables du droit international lui-même; non pas le droit tel que bon nombre de témoins souhaiteraient qu'il soit écrit, mais le droit tel qu'il existe réellement.
    Contrairement aux témoignages que vous avez entendus, il existe un précédent pour justifier l'idée de poursuivre des soldats de moins de 18 ans pour crimes de guerre. Je peux donner au comité des exemples précis s'il le souhaite. Le droit international n'affirme pas non plus que les jeunes ayant entre 15 et 18 ans ne peuvent pas être soldats. Le général Dallaire a déclaré dans son témoignage que le protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés représente le seul instrument international contraignant relatif aux enfants soldats. Regardons donc ce que dit vraiment le protocole facultatif.
    L'article premier, dans son intégralité, se lit comme suit:
Les États Parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de 18 ans ne participent pas directement aux hostilités.
    Il y a là deux termes clés sur lesquels je voudrais insister. D'abord, il est dit que les États « prennent toutes les mesures possibles ». Il faut insister là-dessus: il n'y a pas d'interdiction absolue visant le recours à des soldats ayant moins de 18 ans. C'est une expression dont la signification établie en droit international précède le moment de l'adoption du protocole facultatif. Par cela on entend:
les précautions qui sont praticables ou qu'il est pratiquement possible de prendre eu égard à toutes les conditions du moment, notamment aux considérations d'ordre humanitaire et d'ordre militaire.
    C'est la définition que le Canada a retenue en adoptant le protocole 1 des conventions de Genève.
    Le Comité international de la Croix-Rouge a reconnu cette signification, comme en font foi les notes du groupe de travail chargé de la négociation de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. La Croix-Rouge écrit:
[Traduction] Autrement dit, selon le texte qui est adopté en définitive, la participation volontaire des enfants n'est pas totalement interdite.
    La notion s'est retrouvée dans les énoncés de position des divers pays au moment où ceux-ci ont ratifié le protocole facultatif. Par exemple, le Royaume-Uni a déclaré expressément qu'il se réservait le droit de recourir à des soldats de moins de 18 ans en cas de besoin militaire véritable.

  (1210)  

    Le deuxième terme clé de l'article premier du protocole facultatif sur les enfants soldats est le terme « directement », qui fait partie de la tournure « ... ne participent pas directement aux hostilités ». Contrairement à ce qu'a pu affirmer le général Dallaire, l'emploi du terme « directement » veut dire que rien n'interdit le déploiement avancé de soldats de moins de 18 ans dans la mesure où ils sont appelés à jouer un rôle qui n'est pas lié au combat.
    Encore une fois, la Croix-Rouge explique dans les notes de son groupe de travail:
[Traduction] ... le Groupe de travail aurait pu renforcer la protection en question en éliminant le terme « directement ». Le CICR l'a même proposé pendant la conférence diplomatique, mais son idée n'a pas été retenue. Cela étant, on peut raisonnablement en déduire que... la disposition ne s'applique pas à la participation indirecte des jeunes aux affaires militaires, par exemple là où il s'agit de réunir et de transmettre des renseignements militaires, de transporter des armes, des munitions ou d'autres fournitures.
    Enfin, l'article 3 du protocole facultatif expose les conditions régissant l'engagement volontaire des soldats ayant entre 15 et 18 ans. La première condition, c'est le fait que l'engagement soit bel et bien volontaire. L'idée qu'un soldat de moins de 18 ans ne puisse jamais vraiment être soldat ou qu'un jeune de 15 ans ne puisse vraiment consentir à servir son pays est donc réfutée directement dans le texte du seul instrument international applicable, pour reprendre l'expression du général Dallaire.
    Lorsque le lieutenant-commandant Kuebler affirme que les enfants ne sont jamais des soldats, ce sont des enfants, ou que le général Dallaire affirme que personne ne peut recourir à des jeunes de moins de 18 ans de quelque façon que ce soit, il faut savoir que la position officielle du Royaume-Uni et du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que le texte de la Convention relative aux droits de l'enfant elle-même et du protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés viennent contredire carrément l'avis qu'ils expriment ainsi.
    Pour aborder maintenant mon dernier point, je dirai que presque tous les témoins entendus jusqu'à maintenant n'ont eu de cesse de qualifier la politique américaine d'illégale ou de contraire au droit international. Par contre, je n'ai pas encore entendu d'éléments de preuve convaincants sur ce point. Les déclarations et prétentions ne sont pas des arguments.
    Dans la mesure où ils n'ont pas fréquenté longtemps le système américain, de nombreux Canadiens seront étonnés de savoir — voici un point qui est très important — que les États-Unis ne s'adonnent pas à des simulacres de procès. Les tribunaux militaires spéciaux établis depuis les événements du 11 septembre et les commissions militaires américaines prennent pour modèle des procédures qui répondraient aux critères de la Constitution américaine en ce qui concerne le traitement des citoyens de ce pays. A fortiori, ces critères sont jugés adéquats pour les membres d'Al-Qaïda.
    L'erreur que commettent la plupart des détracteurs des tribunaux militaires spéciaux et des commissions militaires, c'est de vouloir accepter rien de moins que la protection intégrale que procure un tribunal pénal civil, même là où il s'agit de combattants illégaux qui ont été faits prisonniers sur un champ de bataille, et ils dénoncent toute mesure qui n'atteint pas ce seuil de protection. Tout de même, ils proposent une comparaison spécieuse, non seulement parce que de telles protections ne seraient pas commodes pour traiter avec les terroristes inculpés et non seulement parce que des droits si larges n'ont jamais été accordés à des détenus faits prisonniers sur un champ de bataille, mais aussi parce que ce n'est pas une exigence du droit international. Dans le cas de belligérants illégaux comme M. Khadr, les conventions de Genève exigent seulement la protection minimale ou indispensable que représente un procès équitable. On peut s'y attendre, cette exigence est nettement plus limitée que celle qui a cours dans un tribunal civil.
    Qu'est-ce qui donnerait à conclure que le procédé en place ne respecte pas les règles minimales d'équité prévues dans les conventions de Genève? Ça ne serait être le recours au ouï-dire comme témoignage. C'est une pratique courante dans les procès en temps de guerre, même pour les soldats du pays. De fait, c'est pratiquement indispensable compte tenu des circonstances où les arrestations se font sur un champ de bataille. Bon nombre de témoins ont péri, il n'y a pas d'équipes d'experts médico-légaux pour étudier la scène, et la plupart des témoins survivants sont en mission outre-mer au moment du procès. Historiquement, pour toutes ces raisons, les normes de preuve appliquées par les commissions militaires n'ont pas été l'équivalent de celles que nous exigeons de la part d'un tribunal pénal civil. S'ils devaient le faire, il serait pratiquement impossible de faire subir un procès à quelque détenu que ce soit.
    Ça ne saurait être non plus le fait de retenir des informations délicates qui feraient que ces tribunaux sont illégaux d'une manière ou d'une autre. Encore une fois, il est impossible de concevoir un procès qui permet une divulgation entière de renseignements confidentiels au profit de l'ennemi. La décision récente de la Cour suprême du Canada  — qui autorisait la divulgation de certains renseignements en rapport avec l'interrogatoire de M. Khadr — tient cette limite pour admise.

  (1215)  

    La folie que représente la façon inverse de procéder a été démontrée à l'occasion du procès du cheikh Omar Abdel Rahman, cerveau du premier attentat au World Trade Center. Dans cette affaire, qui a été jugée à l'intérieur du système ordinaire de justice pénale aux États-Unis, la poursuite a été contrainte de remettre à la défense une liste des personnes que le gouvernement américain croyait liées à l'attentat à l'explosif sans disposer toutefois de preuves suffisantes pour porter contre elles des accusations. Quelques semaines après que la liste a été divulguée, Osama ben Laden en avait connaissance.
    Ça ne saurait être non plus le droit d'examen limité par un tribunal civil. Premièrement, tous les pays qui reconnaissent le droit d'habeas corpus — et il y a de nombreux pays civilisés d'Occident qui ne le reconnaissent pas — reconnaissent aussi le fait qu'il est possible de le suspendre. Même la Charte canadienne permet de suspendre l'habeas corpus, à l'exemple de la Constitution américaine. Et la plupart des pays autorisant la suspension de l'habeas corpus l'ont déjà suspendu.
    Le premier ministre William Pitt, « le Jeune » a suspendu l'habeas corpus pendant sept ans. Abraham Lincoln a suspendu l'habeas corpus durant la guerre de Sécession aux États-Unis. Et le premier ministre Trudeau a suspendu l'habeas corpus pendant la Crise d'octobre, en 1970. De fait, Trudeau a envoyé des chars d'assaut dans les rues de Montréal et a fait arrêter et détenir pendant des semaines, sans devoir les accuser, des centaines de citoyens canadiens en rapport avec l'enlèvement de deux personnes et la mort de l'une d'entre elles. Nous devons nous réjouir du fait que ce n'est pas Trudeau qui était en place au moment des attaques du 11 septembre avec tous les effets dévastateurs qu'ils ont eus. Si l'habeas corpus peut être suspendu pour de présumés sympathisants du FLQ, on ne saurait s'opposer à l'idée de le suspendre pour des membres d'Al-Qaïda et de groupes terroristes semblables.
    De toute manière, les États-Unis n'ont pas complètement éliminé le droit à un contrôle judiciaire. Les détenus ont le droit d'en appeler d'abord à la Cour d'appel du district de Columbia, qui est un tribunal civil, puis à la Cour suprême elle-même. De plus, la Cour suprême n'a pas encore déterminé si les détenus de Guantanamo Bay disposent pleinement et entièrement du droit constitutionnel d'habeas corpus. Elle le fera le mois prochain.
    Selon la plupart des observateurs, la Cour exigera un examen quelconque de la situation entourant l'application de l'habeas corpus. Si elle accorde un tel droit, si elle affirme que les détenus de Guantanamo Bay disposent bel et bien de l'habeas corpus sous une forme quelconque, les États-Unis conféreront à des combattants ennemis des droits qui sont sans précédent dans l'histoire de la guerre.
    Au mieux, donc, il est prématuré de s'opposer à une politique américaine en s'appuyant sur l'absence d'un droit d'habeas corpus. Au minimum, le Canada devrait attendre que la Cour suprême des États-Unis rende sa décision dans l'affaire Boumediene c. Bush le mois prochain, avant de formuler quelque politique que ce soit.
    Un des témoins entendus, Mme Hilary Holmes d'Amnistie Internationale, s'est opposée au caractère indéfini de la détention à Guantanamo Bay et a proposé une raison impérieuse de faire pression en faveur de la libération de M. Khadr. Cependant, même si M. Khadr était un combattant légitime, la Convention de Genève permettrait encore de le détenir, aussi longtemps qu'il y a des combats actifs en Afghanistan, tout au moins.
    Or, personne ne prétend que M. Khadr et les gens de sa catégorie sont des combattants légitimes ayant droit au statut de prisonnier de guerre. Il est donc illogique de s'attendre à ce qu'ils se voient accorder des protections supérieures à celles qui sont accordées aux prisonniers de guerre.
    De toute manière, les tribunaux militaires spéciaux et les commissions militaires à Guantanamo Bay ont plus que satisfait aux exigences qu'impose la Convention de Genève aux tribunaux constitués en application de l'article 5. Je serai heureux d'approfondir ce point en donnant quelques exemples précis si le comité le souhaite.
    Si M. Khadr était détenu par la Chine ou l'Arabie saoudite ou encore l'Indonésie, le gouvernement canadien aurait raison de se demander si les exigences minimales en matière d'équité de procédure sont respectées, mais ce n'est pas le cas. Les conditions associées à sa détention et à son procès font l'objet d'un contrôle de la part des trois organes du gouvernement américain, qui mettent au point constamment les procédures qu'elles emploient pour atteindre l'équilibre optimal entre les droits de l'accusé et les exigences en matière de sécurité nationale et internationale. Il n'y a probablement eu dans l'histoire aucun pays qui soit davantage attaché à la notion de préservation de la liberté individuelle que les États-Unis d'Amérique.
    J'entends des rires moqueurs en réaction à cela, mais je peux contrer les objections; je peux les contrer.
    Il n'y a pas moins de quatre appels de la part de détenus qui se sont rendus à la Cour suprême et ont déjà entraîné des modifications considérables du régime de détention en place. Voilà comment procède le pays civilisé, attaché à la primauté du droit. Tout le monde s'entend pour dire que la détention d'un ennemi fanatique et zélé qui souhaite accéder au statut de martyr représente un défi nouveau du point de vue de procédures juridiques et militaires traditionnelles et souvent anachroniques. Les États-Unis ont su relever ce défi, peut-être avec plus de lenteur et d'hésitation que la plupart d'entre nous l'auraient souhaité, mais, indéniablement, ils l'ont fait.
    Dans le contexte de la primauté du droit, il faut concilier un grand nombre d'intérêts tant impérieux que contradictoires. Or, ce n'est pas toujours un travail propre et net. Les compromis qui marquent notre système juridique intérieur sont le fruit d'un travail accompli sur des siècles. Il ne faudrait pas s'étonner du fait que les États-Unis ont mis plusieurs années à en arriver à un processus raisonnable et viable, mais le système qui est en place en ce moment fonctionne, il satisfait aux exigences minimales des conventions de Genève, et les dépasse même à bien des égards, et il n'y a aucune obligation juridique qui pousse le Canada à s'immiscer dans le processus.
    Je serai heureux de répondre à toute question à ce sujet et de réagir à quelque autre question ou rire moqueur que les membres du comité voudront bien m'adresser.

  (1220)  

    Merci.
    Nous ferons des tours de questions de cinq minutes, puis des tours de trois minutes.
    Comme d'habitude, je vais surveiller la situation d'assez près et vous rappeler que les questions trop longues que vous posez au premier tour vous enlèveront du temps au deuxième. Si vous abusez, vous n'aurez peut-être même pas l'occasion de poser une deuxième question. C'est simplement pour que tout le monde puisse poser des questions en disposant d'un temps égal.
    De même, je souhaite signaler aux membres du comité qu'un repas est servi. Je n'ai pas l'intention de faire une pause, mais vous êtes libre de vous servir et de ramener vos victuailles à la table.
    Cela dit, les premières questions proviennent habituellement des libéraux.
    Monsieur Cotler, je vous prie de procéder.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Anglin, d'être venu témoigner aujourd'hui.
    Vous avez cosigné un article dans le National Review où vous écrivez, et je vais vous citer un extrait de l'article qui vous permettra, je crois, d'approfondir certains des points que vous avez soulevés:
[Traduction] Par comparaison, les terroristes que nous combattons aujourd'hui sont ni de fidèles conscrits ni des soldats professionnels; ce sont des candidats au martyre motivés par une idéologie fanatique et intransigeante. Leur accorder la panoplie de droits prévus dans les conventions de Genève est incompatible avec l'histoire et les hypothèses sous-tendant les traités en question.
    Les questions que je vais poser aujourd'hui portent là-dessus et sur le témoignage que vous venez de présenter. Je comprends que vous avez mentionné que rien n'interdit de poursuivre un enfant-soldat comme Omar Khadr. En présumant qu'une telle poursuite est légale, considérez-vous M. Khadr comme un terroriste ou un combattant illégal qui n'est pas digne d'être protégé par les conventions de Genève? Sinon, dites-vous, de manière plus générale, que les conventions de Genève ne s'appliquent pas aux combattants illégaux et qu'Omar Khadr est justement un combattant illégal?
    Ma dernière question, si le temps me permet de la poser — vous pouvez l'intégrer à vos observations — vise à savoir si, selon vous, le droit des conflits armés, des conflits présupposés, entre les États et leurs combattants respectifs ne s'applique pas de fait à la guerre asymétrique où interviennent des terroristes en tant que combattants illégaux.
    Eh bien, on pourrait rédiger une thèse sur l'une ou l'autre de ces questions. Je vais essayer d'être le plus concis possible.
    Je suis d'avis que le droit des conflits armés pose beaucoup de difficultés là où il est question de guerres asymétriques. Je crois que tout le monde est en mesure de saisir ce point . Le droit en question a été conçu clairement pour s'appliquer à l'opposition de deux armées de pays occidentaux civilisés qui respectent certaines des normes de base de la guerre. Il comporte un mécanisme d'application réciproque: si vous respectez les lois de la guerre de votre côté, vos prisonniers seront traités conformément aux conventions de Genève et auront droit à la panoplie entière de droits qui y sont prévus. Sinon, ils n'auront pas droit à toute la panoplie de droits. En réalité, c'est le seul mécanisme d'application qui est présupposé dans les conventions de Genève.
    M. Khadr, à titre de membre d'al-Qaïda, n'appartient pas à une partie contractante des conventions de Genève. Il ne fait pas partie d'une milice ou d'une armée qui respecte le droit de la guerre, y compris le fait de porter des marques qui le distingueraient des civils, de porter les armes ouvertement et autrement de se plier au droit de la guerre, à une hiérarchie de commandement reconnue. Il n'a donc pas droit à toute la série de droits prévus par les conventions de Genève, qui, de toute manière, sont anachroniques. Les conventions de Genève laissent transparaître une vision édulcorée du camp de détention, où les soldats se comportent en gentilhommes. Quoi qu'on veuille dire à propos de M. Khadr, ce n'est pas un gentilhomme.
    Ce à quoi il a droit — la Cour suprême des États-Unis l'a déterminé, et c'est pourquoi j'affirme que son traitement fait l'objet de bons contrôles de la part des tribunaux américains —, ce sont les règles de protection minimales des conventions de Genève, c'est-à-dire les « droits indispensables ». Je n'affirmerais donc pas que les conventions de Genève ne s'appliquent nullement. J'affirmerais plutôt que ces protections, par exemple recevoir une rémunération pendant sa détention et recevoir des instruments scientifiques par la poste, sont parfaitement anachroniques là où il est question de meurtriers et de fanatiques candidats au martyre. Il n'a pas droit à ces protections . Par contre, il a droit à un traitement humain. Fondamentalement, il a le droit de s'en remettre à un arbitre jugé neutre ainsi que de connaître les accusations qui sont portées contre lui et d'avoir l'occasion de les réfuter.
    Selon la Cour suprême des États-Unis, ce sont ces droits qu'il faut accorder, et qui ont été accordés, aux détenus de Guantanamo Bay, et c'est pourquoi j'affirme que le procédé en place répond, de fait, aux exigences minimales des conventions de Genève.

  (1225)  

    À votre avis, Omar Khadr a donc eu droit aux protections minimales prévues par la Convention de Genève.
    Oui, je ne veux pas prendre trop de temps à répondre à votre question, mais je serai heureux de donner la liste des droits qui ont été accordés et des procédures réellement appliquées par les tribunaux militaires spéciaux et les commissions militaires. Je ne suis pas sûr qu'on en ait encore fait une description complète au comité.
    Qu'en est-il de la décision de la Cour suprême des États-Unis, à laquelle la Cour suprême du Canada s'est reportée, concernant l'illégalité des poursuites de la commission militaire?
    Je crois que vous parlez de la décision rendue dans l'affaire Hamdan c. Rumsfeld. Oui, la Cour suprême des États-Unis a déterminé que les procédures en place à l'époque n'étaient pas adéquates. Encore une fois, c'est pourquoi j'ai dit que la démarche est le fruit d'une série de compromis — comme c'est toujours le cas dans un État de droit — entre les divers organes du gouvernement des États-Unis. Lorsque la Cour suprême des États-Unis a déterminé qu'une procédure était inadéquate, le gouvernement américain — l'organe exécutif, de concert avec l'organe législatif — en est arrivé à une solution en réaction à la décision de la Cour suprême. Je crois qu'il a fait cela. La Cour suprême continue d'entendre des appels, et la démarche sera affinée encore. C'est comme cela que fonctionne la primauté du droit dans un pays qui y est attaché.
    Je ne m'attendrais pas à cela de la part d'un pays où les tribunaux sont bidons, et les procès, un simulacre. Ces pays n'affinent pas leur procédure en réaction à une décision de la Cour suprême qui leur dit que la chose est inadéquate. Par contre, les États-Unis ont fait cela, et les procédures en place aujourd'hui satisfont bel et bien à la Convention de Genève.
    Je l'ai dit: il importe de noter que les procédures en place sont modelées maintenant sur des droits qui seraient considérés comme constitutionnels du point de vue d'un citoyen américain; M. Khadr a donc droit, à mon avis, à toutes les protections adéquates que prévoit la Convention de Genève.
    La commission militaire fait la distinction entre les citoyens et les autres personnes; ça ne s'appliquerait pas aux citoyens des États-Unis.
    Les commissions militaires, de fait, sont modelées sur un règlement de l'armée qui répond aux exigences des forces constitutionnelles. Je pourrais le citer; je crois que c'est le règlement 190-8 de l'armée.
    Qu'en est-il des allégations selon lesquelles, de fait — ce n'est pas une question de ouï-dire, de présenter en preuve le ouï-dire —, Omar Khadr a fait l'objet d'un interrogatoire coercitif, d'une détention prolongée et arbitraire, il a été privé des services d'un avocat pendant une période prolongée et ainsi de suite? Vous êtes au courant des diverses observations qui ont été formulées à cet égard. Affirmez-vous encore qu'il a non seulement droit aux protections minimales prévues par la Convention de Genève, mais encore qu'il en a bénéficié?
    La réponse à cette question sera brève. Je m'excuse de devoir l'exiger.
    Très brièvement, je dirai que la Convention de Genève ne prévoit pas le recours à un avocat au moment du traitement initial au tribunal militaire spécial.
    Ensuite, il a pu recourir aux services d'un avocat. Je crois que le lieutenant-commandant Kuebler est venu témoigner devant votre comité; nul doute qu'il vous a impressionnés. Il représente son client avec beaucoup de zèle et de compétence. Cela ne fait aucun doute, à mon avis, que M. Khadr est en mesure de recourir aux services adéquats d'un avocat, ce qui était, je crois, votre troisième point.
    Quant à l'interrogatoire coercitif, je n'essaierai pas de justifier l'idée de torturer des détenus. Le processus d'appel comporte une disposition — cela vaut aussi pour les travaux des commissions militaires — selon laquelle il appartient au tribunal de déterminer si un détenu a été soumis à un interrogatoire coercitif et de rejeter toute preuve présentée à cet égard, et il est possible d'en appeler à ce sujet devant la Cour d'appel du district de Columbia et la Cour suprême. Il y a donc en place un processus qui permet d'empêcher que toute information résultant d'un interrogatoire coercitif soit jamais employée, et je condamne sans équivoque le recours à quelque forme de torture que ce soit à l'encontre des détenus.

  (1230)  

    Cela a pris huit minutes.
    Madame Barbot, à vous de parler.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis un peu perplexe face à votre témoignage. Vous avez dit au départ que vous veniez nous parler des raisons pour lesquelles Omar Khadr ne devrait pas être ramené au Canada pour y être jugé. Tous les arguments que vous avez soulevés étaient pour nous dire, d'une part, qu'il n'est pas un citoyen canadien, si j'ai bien compris, ou qu'il a reçu le minimum d'attention à Guantanamo. Or, il s'agit d'une prison militaire. Les lois qui s'appliquent là ne sont pas celles de la société civile.
    Quelle que soit la façon dont on aborde la question, de toute évidence, Omar Khadr avait 15 ans quand c'est arrivé. Dans ce contexte et compte tenu du fait qu'à la fois les États-Unis et le Canada ont signé la Convention internationale des droits de l'enfant, estimez-vous que le traitement que Khadr a reçu à Guantanamo est vraiment conforme à ce qui est prévu dans cette convention, soit la réhabilitation, l'intégration et la remise en forme, si je peux l'exprimer ainsi, car le nom exact m'échappe?
    Je suis aussi un peu perplexe de vous entendre donner, comme modèle de justice, les États-Unis, qui envoient des citoyens dans des pays où, justement, la torture est pratiquée, alors qu'elle ne l'est pas chez eux.
    Dans ce contexte, je voudrais vraiment que vous nous expliquiez clairement ce qui fait qu'on ne pourrait pas ramener Khadr ici pour qu'il soit jugé? Encore une fois, nous ne disons pas qu'il a raison ou qu'il n'a rien fait. Cela n'est pas le sujet. Le sujet est que le Canada a une tradition de s'occuper de ses citoyens où qu'ils soient, quelles que soient les fautes qu'ils ont commises. Dans ce cas particulier, il s'agit d'un enfant, et nous estimons qu'il devrait être ramené au pays.
    Vous avez utilisé 10 minutes, madame Barbot.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Barbot.
    Bien entendu, je réagis à la traduction et non pas directement aux observations que vous avez faites; pardonnez-moi donc si j'ai mal compris quoi que ce soit.
    Premièrement, vous avez dit au début que nous aurions remis en question d'une manière ou d'une autre le fait qu'il soit citoyen canadien. Je ne le remets certainement pas en question. C'est au Canada qu'il appartient de décider.
    Deuxièmement, à un moment donné, vous avez dit que je parlais au nom des États-Unis. Je ne sais pas si c'est simplement la traduction qui pose problème. Je ne parle pas au nom des États-Unis. Je m'adresse à vous en tant que témoin ayant étudié la politique américaine et le droit international; de fait, je parle en tant que sujet loyal et citoyen du Canada.
    À propos de vos deux questions primaires — une première portant sur le traitement d'un enfant et une deuxième sur la raison pour laquelle le Canada ne peut le faire revenir au pays... le Canada peut le faire revenir au pays. Je ne suis pas venu dire que le Canada ne devrait pas rapatrier M. Khadr; je suis venu dire qu'aucune obligation juridique ne contraint le Canada à le rapatrier. Le Canada doit exercer sa souveraineté par les canaux diplomatiques et déterminer s'il décide, oui ou non, de rapatrier M. Khadr. C'est une décision qui appartient au Canada. Je suis ici simplement pour apporter des précisions sur certaines questions de droit international et sur certaines déclarations inexactes que j'ai entendues pendant les témoignages précédents à propos de la politique américaine.
    L'autre question visait à savoir s'il est traité conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant. La Convention relative aux droits de l'enfant, bien entendu, permet le recours à des soldats en situation de combat dès l'âge de 15 ans. S'il faut donc supposer qu'il est possible de recourir à des soldats ayant 15 ans en respectant la Convention relative aux droits de l'enfant, cela ne me paraît pas incompatible de traiter les soldats en question comme des soldats lorsqu'ils sont détenus.
    Deuxièmement, des témoins vous ont dit que les États-Unis détenaient de nombreux jeunes ayant entre 15 et 18 ans à Guantanamo Bay et que, de fait, ils ont été mis à part des autres pour la plupart, sinon tous, sauf M. Khadr, et ont traités différemment, conformément au langage précatif et à une recommandation du protocole facultatif. Je ne dirais pas que ce sont des obligations juridiques contraignantes.
    Le fait que les États-Unis ont traité Omar Khadr différemment des autres tient à une démarche appliquée par les États-Unis, soit de regarder chacun des enfants soldats qu'ils ont devant eux et de déterminer la meilleure façon de traiter chaque soldat. Tous les autres soldats se retrouvent dans une enceinte distincte. Ils se trouvent tous à Camp Iguana. M. Khadr ne s'y trouve pas, lui. Clairement, on avait une raison pour décider cela.
    Le système canadien de justice civile, à l'exemple du système américain de justice civile, permet de traiter des adolescents comme des adultes dans certaines circonstances. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent dans le contexte militaire. Il semble que les États-Unis aient décidé d'agir ainsi en rapport avec M. Khadr. Si le gouvernement canadien juge bon de s'opposer à cela et de rapatrier M. Khadr, il lui est tout à fait possible de le faire. Et je ne m'opposerai pas à cela. Je n'ai pas la prétention de dicter sa politique au Canada.

  (1235)  

    Voilà qui conclut le temps prévu pour ce tour de questions.
    Monsieur Marston, veuillez procéder.
    De fait, je suis très heureux de vous avoir entendu faire cette dernière remarque: vous ne vous opposeriez pas à l'idée de rapatrier le jeune homme au Canada pour qu'il subisse un procès ici. Personne ne propose qu'on le rapatrie pour lui donner la clé des champs.
    Au début, vous avez parlé de la Loi sur les mesures de guerre au Canada, comme si, d'une façon ou d'une autre, c'était tout à fait acceptable aux yeux des Canadiens. Eh bien, notre parti, le NPD, avec Tommy Douglas à sa tête, s'est opposé à la Loi sur les mesures de guerre. Nous y avons vu une transgression horrible des droits des Canadiens. Je voulais simplement dire cela pour le compte rendu.
    Vous avez dit autre chose, et je ne vais pas débattre avec vous des aspects juridiques de l'affaire, car je n'ai certainement pas les compétences pour le faire... Tout de même, j'ai écouté ce que vous avez dit et j'ai trouvé cela intéressant de vous entendre dire que M. Khadr n'est pas un gentilhomme. J'aimerais savoir à quel moment vous avez rencontré M. Khadr ou encore si vous avez quelque formation en psychologie qui vous permet d'évaluer une personne que vous n'avez pas rencontrée.
    Vous avez parlé du traitement que lui ont réservé les Américains, du fait qu'ils l'ont gardé à part des autres jeunes à Camp Iguana, et qu'il doit y avoir à cela une bonne raison. Eh bien, je crois que vous donnez le bénéfice du doute aux gens là-bas, car cette histoire nous frappe, la plupart d'entre nous, comme en étant une où les États-Unis se servent de la personne en question presque comme s'il s'agissait d'un vétéran aguerri des campagnes d'Al-Qaïda, plutôt que d'un garçon de 15 ans.
    Vous allez certainement être en désaccord avec ma vision des choses, je crois qu'il s'agit d'un garçon de 14 ans, qui, en bon fils, a suivi fidèlement son père jusqu'à cet endroit, mais au coeur même de la question, il nous faut savoir si... Je vais m'interrompre moi-même.
    Vous avez dit que le Canada s'immisçait dans les affaires américaines. Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que notre gouvernement, en défendant un citoyen, quel qu'il soit, en s'assurant qu'il ait droit à un procès équitable, à l'habeas corpus, et aux droits que lui confère le droit canadien, s'immisce dans les affaires d'un autre État. Si vous bénéficiez d'une relation positive avec l'autre État en question, comme c'est le cas pour l'Australie et la Grande-Bretagne, vous faites rapatrier votre ressortissant au Canada pour qu'il puisse subir son procès...
    Monsieur Marston, vous êtes rendu à deux minutes.
    .... et chercher à ce que justice soit rendue ici.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Merci d'avance, monsieur Anglin.
    Certainement. Encore une fois, j'aurais d'autres précisions à donner, pour une autre fois.
    De fait, je suis d'accord avec vous lorsque vous qualifiez M. Khadr de bon fils. En prenant du recul et en examinant la situation avec détachement... il y a toujours quelque chose de noble lorsque le fils — dans ce cas, il y en a plus d'un — se lève et défend son patrimoine et les convictions de son père. C'est un sentiment qui est représenté de manière noble et mémorable dans le Serment des Horaces, le grand tableau classique de Jacques-Louis David, où les trois fils jurent de défendre Rome contre Aube-la-Longue. Malheureusement, s'il faut prendre cette analogie, nous sommes du côté de Rome, alors que les Khadr sont les Curiaces et non pas les Horaces. Ils ont choisi le mauvais camp, et je crois qu'il convient de prendre ce fait en considération en songeant à l'idée que c'est un bon fils.
    Je ne peux m'y opposer si jamais le Canada décide de rapatrier M. Khadr. Je crois encore qu'il serait malvenu d'appliquer à l'affaire le droit criminel intérieur du Canada. Nulle part les Conventions de Genève établissent-elles ou exigent-elles que le droit civil intérieur du Canada soit appliqué à des Canadiens qui sont détenus sur le champ de bataille. Si des soldats canadiens avaient été détenus en Italie, au Japon ou en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, le Canada n'aurait nullement eu le droit d'exiger que le tribunal militaire applique de façon pleine et entière le droit civil intérieur du Canada. S'il fallait ramener M. Khadr, il ne conviendrait pas qu'il subisse un procès au civil. C'est un combattant illégal et non pas un voleur de banque ou un voleur à l'étalage.
    Enfin, quant à savoir s'il s'agit d'un gentilhomme ou non, c'est visiblement une question hypothétique, mais mon analyse repose sur des informations publiquement accessibles. Un gentilhomme ne prend pas les armes pour combattre son pays ou ses alliés. Outre le fait qu'il se trouve dans l'autre camp, je crois qu'il y a d'autres éléments à la définition qui nous empêcheraient de le qualifier de gentilhomme. Peut-être évoluera-t-il au point d'en devenir un, un jour.
    Quant à la Loi sur les mesures de guerre, Tommy Douglas était visionnaire: il a eu tout à fait raison sur ce point. Je me sers de cet exemple pour montrer que tous les pays qui prévoient le droit d'habeas corpus —et c'est prévu dans la Charte canadienne — en prévoient également la suspension.
    Je crois que c'est tout ce que je peux en dire.

  (1240)  

    C'est malheureusement tout le temps que nous pouvons consacrer à ce tour.
    Monsieur Kenney, à vous maintenant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Anglin. Vous avez dit que vous étiez prêt à préciser certains des privilèges qui, dans le cadre d'un procès équitable, sont accordés à M. Khadr sous le régime des tribunaux militaires spéciaux. Certains ont fait valoir à notre comité que les tribunaux militaires aux États-Unis sont effectivement des tribunaux fantoches où l'issue du procès est déterminée d'avance et que M. Khadr n'a nullement l'occasion de se défendre correctement ou de profiter d'une procédure équitable.
    Auriez-vous l'obligeance d'apporter des précisions sur certains des points que vous avez soulevés de manière générale?
    Je serais très heureux de le faire.
    Il faut situer cela dans un certain contexte. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y avait environ deux millions de combattants détenus par les États-Unis de par le monde, plus de 400 000 sur le territoire américain lui-même — pas à Guantanamo Bay, pas à Cuba, mais sur le territoire des États-Unis. Il n'est jamais venu à l'esprit de quiconque que ces détenus disposaient du droit d'habeas corpus; personne ne prétendait que c'était là une transgression du droit international.
    Par contraste, le procédé en place face aux détenus à Guantanamo Bay — excusez-moi, je vais me reporter à mes notes, c'est assez compliqué — se présente comme suit. La décision d'assimiler la personne à un combattant ennemi repose toujours sur les faits uniques qui se rapportent à son cas.
    Une fois l'évaluation initiale faite à cet égard, la décision est soumise à deux niveaux d'examen obligatoire, d'abord celui d'un conseiller juridique au tribunal militaire spécial, puis celui du directeur du tribunal. À lui seul, cet examen a conduit à l'élimination de la liste des combattants ennemis 38 détenus qui ont maintenant été libérés. Les tribunaux fantoches ne libèrent pas; ils accusent.
    Outre le processus d'examen au tribunal militaire spécial, le département de la Défense procède à un examen administratif annuel des dossiers pour déterminer s'il convient de libérer ou de faire rapatrier chaque combattant ennemi. Depuis 2002, 390 détenus environ, soit plus de la moitié des détenus, ont été transférés ou libérés du fait de cette démarche.
    Outre les tribunaux militaires spéciaux et les commissions militaires, les détenus disposent d'un droit d'appel, devant la Cour d'appel du District of Columbia, un tribunal civil, et devant la Cour suprême, ensuite.
    Pour répondre à une question qui a été posée plus tôt, c'est l'étape à laquelle toute accusation de torture peut être abordée par un tribunal civil, et un tribunal civil très responsable, parce qu'il est probablement le tribunal supérieur des États-Unis et probablement le deuxième tribunal en importance aux États-Unis.
    Dans l'ensemble de l'appareil militaire... Khadr aura recours à un représentant compétent et dévoué qui s'activera sérieusement à...
    Quant à savoir si les Américains respectent ou dépassent même les normes internationales — c'est comme pour les conventions de Genève —, les tribunaux militaires spéciaux exigent de la part des juges des qualités particulières, pour que l'indépendance du tribunal soit assurée. C'est davantage que ce que nous avons accordé aux accusés à Nuremberg. Il n'y a pas de critères comparables. Un tribunal est constitué en vertu de l'article 5. Les Américains donnent aux détenus un représentant personnel pour les affaires intéressant le tribunal militaire spécial et un avocat militaire pour les affaires intéressant les commissions militaires. Le premier n'est pas une exigence liée à un tribunal constitué en vertu de l'article 5; le deuxième répond aux exigences de la Convention de Genève.
    Le rapporteur est obligé de fournir au tribunal des éléments pour faire valoir que le détenu ne devrait pas être désigné combattant ennemi — c'est l'avocat du diable, si vous voulez. Les conventions de Genève ne comportent aucune exigence de cette nature.
    Avant l'audience, le détenu reçoit un résumé non classifié des éléments de preuve justifiant sa détention. Il a alors l'occasion de témoigner. Un tribunal constitué en vertu de l'article 5 n'est soumis à aucune exigence de cette nature.
    Le détenu a le droit de présenter en preuve des documents pertinents. Les tribunaux constitués en vertu de l'article 5 ne donnent pas de garantie du genre.
    Chaque décision est examinée d'office par une autorité supérieure. Les conventions de Genève ne prévoient pas de droit d'appel.
    En bref, sans exposer toutes les procédures que les Américains ont adoptées sous forme de textes législatifs, je dirais que ce sont quand même là les points clés où les procès aux États-Unis respectent ou dépassent les exigences du droit international.
    Parmi les témoignages où on faisait valoir que les tribunaux militaires spéciaux étaient en réalité des tribunaux fantoches, il en a un qui provenait d'un membre du Sénat du Canada, le sénateur Dallaire. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner son témoignage ou d'autres témoignages encore. Au moment de sa déclaration — j'insiste là-dessus: ce n'était pas pendant la période de questions —, il a affirmé que les États-Unis, pour ce qui est de l'administration des tribunaux militaires, se situaient au même niveau que les terroristes. Plus tard, j'ai obtenu de sa part une précision au sujet des terroristes: il parlait d'al-Qaïda, des terroristes extrémistes voués au djihad islamique
    Croyez-vous que ce commentaire peut être jugé raisonnable de quelque manière que ce soit?

  (1245)  

    Comme je viens de le lire, 38 détenus ont été libérés dans le cas du travail entourant les tribunaux militaires spéciaux. Je ne crois pas qu'al-Qaïda ni l'une quelconque des organisations terroristes qui y sont liées aient mis en place un procédé analogue. À ma connaissance, ils n'ont certainement pas libéré qui que ce soit.
    Le sénateur Dallaire — le général Dallaire — a tenu des propos très malheureux et s'est mis lui-même dans un piège dont il n'a pu se sortir avec élégance. À la manière d'un soldat, il a tout simplement foncé tout droit devant lui, malheureusement.
    Oui, j'ai lu ses propos. Je respecte au plus haut point le général Dallaire, mais le relativisme juvénile et radical que nous abandonnons, pour la plupart, en rangeant uniformes et bérets — c'est indigne et c'est puéril, et je crois que son image à lui et celle du Canada en ressortent ternies.
    Vous avez parlé des gens qui ont été libérés...
    Monsieur Kenney, le temps accordé à ce tour est terminé.
    Cette fois-ci, tout le monde s'en est tenu au temps accordé, sauf le professeur Cotler, au premier tour, qui a dépassé le temps prévu aux deux tours. Je propose donc que nous mettions simplement le nom de M. Cotler en fin de liste au prochain tour. Nous allons écouter Mme Barbot, M. Kenney, M. Marston et, si le temps le permet, M. Cotler de nouveau. De cette façon, tout le monde aura un temps égal.
    Est-ce que cela vous paraît raisonnable? D'accord.
    Madame Barbot, vous avez la parole.

[Français]

    Je reviendrai sur le fait que vous parlez de M. Khadr comme n'étant pas un gentleman, sous-entendant par là qu'il n'a pas à recevoir le même respect qu'on porte à un gentleman.
    C'est aussi un fait que toute personne qui se présente devant la justice ne correspond pas à ce qu'on entend par gentleman. Je pense qu'à cet égard, votre définition pourrait beaucoup différer de la mienne. C'est totalement subjectif et j'irais même jusqu'à dire que cette remarque est gratuite.
    La chose que j'aimerais savoir est la suivante. Beaucoup de commentaires ont été émis par rapport à la famille Khadr, dont une partie était composée de terroristes, du moins le père. Estimez-vous qu'il est juste que l'enfant soit jugé selon ce que son père a dit? Représente-t-il un être humain à part entière et estimez-vous qu'en tant qu'enfant, il a droit à la protection de son pays d'origine?

[Traduction]

    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord. Il ne faudrait pas punir le fils pour les péchés commis par le père. En même temps, le fait pour lui d'être proche de sa famille — ce qui lui a aussi valu d'être proche d'al-Qaïda et de la famille de ben Laden — en fait une cible très intéressante du point de vue du renseignement. Le fait qu'il soit traité différemment en raison des informations qu'il possède, étant donné qu'il est le fils de son père, se distingue du fait de le punir parce qu'il est le fils de son père. Tout de même, je n'ai rien à dire à propos de la famille Khadr. Je ne la connais pas.
    J'hésite à revenir à la question du « gentilhomme ». La seule chose à dire à ce sujet, c'est que la rédaction de l'ensemble des conventions de Genève — si vous lisez la centaine d'articles qui composent la troisième Convention de Genève — repose sur l'idée d'un soldat responsable d'un type très particulier. Or, les membres d'al-Qaïda ne répondent pas à cette définition ; par conséquent, un grand nombre des droits accordés par les conventions de Genève, mais pas tous, sont anachroniques. M. Khadr a encore endroit à un procès équitable et à un traitement humain — normes de base, indispensables. Je ne crois pas que nous soyons en désaccord là-dessus; je précise par là mon utilisation du terme « gentilhomme ».
    Je ne sais pas s'il y a un autre élément de votre question dont je n'aurais pas tenu compte.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes.

  (1250)  

    Ce que j'essaie d'établir, c'est que vous parlez toujours de Khadr comme d'un combattant, alors que tout le monde intervient pour dire qu'il était un enfant de 15 ans. Quand on tient un procès, on le tient selon les lois du pays où il a lieu, d'où la nécessité de le ramener ici afin que les références soient celles du Canada. Quand vous parlez du processus américain dans le cadre d'un tribunal militaire, vous comprendrez que ce n'est pas ce dont je voudrais entendre parler, d'autant plus que dans le cas de Khadr, cela n'a pas été respecté dès la première fois, puisqu'il n'a pas eu accès à un avocat.

[Traduction]

    Que vous soyez d'accord ou non, les conventions de Genève n'accordent pas à celui qui vient d'être fait prisonnier l'accès à un avocat. C'est du droit international. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le droit doit s'appliquer — en sachant qu'il faut voir non pas ce que certaines personnes souhaiteraient que le droit dise, mais plutôt ce que le droit dit en réalité. Le fait est que le droit canadien ne s'applique pas à un combattant ennemi détenu par une partie étrangère. Il ne s'est jamais appliqué dans l'histoire militaire, il ne s'applique pas aujourd'hui.
    J'ai parlé de la démarche américaine, étant donné que chaque pays, au moment d'établir ses tribunaux militaires, doit établir un procédé nouveau. Nous l'avons fait après la Seconde Guerre mondiale, on l'a fait en Sierra Leone — ça se fait dans tous les pays. La seule question qu'il y a lieu de se poser, c'est de savoir si le procédé qui est établi — dans ce cas, la démarche américaine — répond aux normes internationales. J'ai témoigné pour affirmer que c'est le cas.
    Vous allez peut-être dire que c'est un garçon de 15 ans, mais, malheureusement, en droit, on est soldat à 15 ans. Dura lex sed lex. C'est le vieil adage.
    Merci.
    C'est au tour du gouvernement.
    Monsieur Kenney est encore une fois le prochain à prendre la parole.
    J'ai connaissance, par exemple, d'un certain nombre de détenus ouïgours qui ont été libérés. Je crois que les États-Unis en ont transféré certains en Albanie. Je présume qu'il y a d'autres Ouïgours contre lesquels le système n'est pas parvenu à établir une preuve conséquente, qui avaient été arrêtés par inadvertance dans la confusion suivant la libération de l'Afghanistan. Enfin, je présume que les États-Unis ont eu de la difficulté à trouver des pays où ils pouvaient faire rapatrier certaines des personnes en question. Avez-vous cette conception de la chose?
    C'est bien comme ça que je l'entends. Visiblement, vous êtes mieux renseigné que moi sur certaines des particularités touchant les Ouïgours, par exemple, mais cela ne m'étonnerait pas d'apprendre que les États-Unis auraient de la difficulté à trouver quelqu'un qui est prêt à accueillir de nouveau les Ouïgours. Nous voyons tous la persécution dont ceux-ci font l'objet en Chine et dans les États avoisinants.
    Vous y avez fait allusion: plusieurs des témoins venus livrer leurs pensées à notre sous-comité ont affirmé que le recrutement de jeunes de moins de 18 ans en prévision de combats, quels qu'ils soient, représente une transgression des conventions internationales respectives. Vous n'êtes pas d'accord avec ce point de vue.
    C'est cela tout à fait, et le texte n'est pas d'accord avec ce point de vue.
    D'accord, pour les jeunes qui ont plus de 15 ans.
    Plus de 15 ans, oui.
    Quinze ans ou plus.
    Oui.
    Vous pourriez peut-être commenter la question. Il y a certes à redire à l'argument selon lequel il est illégal de recruter des combattants de plus de 15 ans, dans la mesure où il a été recruté, apparemment, par sa propre famille et que sa propre famille réside au Canada. Y a-t-il des conséquences juridiques au recrutement d'Omar Khadr par rapport à sa famille, qui a, selon toute vraisemblance, parrainé et facilité son action militaire?
    Voilà une question difficile. Je ne prétends pas pouvoir affirmer ce qu'il en est du droit canadien à ce sujet.
    Quant au droit international, il punit les États et les acteurs non étatiques qui recrutent des enfants mineurs. Si les membres de sa famille pouvaient être assimilés à un acteur non étatique, par exemple al-Qaïda, et tenus responsables de son recrutement illégal — je sais que ça fait bien des « si » —, ils seraient alors considérés comme ayant violé le protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés. Mais il faudrait pousser l'enquête beaucoup plus loin et disposer de faits beaucoup plus étoffés que ceux dont je suis au courant.
    S'il ne peut être poursuivi au Canada sous le régime de notre droit criminel intérieur — comme vous l'avez dit —, qu'est-ce qu'il adviendrait de lui, selon vous, s'il était renvoyé au Canada?
    Je m'excuse, mais avez-vous dit « s'il peut » ou « s'il ne peut »?

  (1255)  

    S'il « ne » peut être poursuivi selon le régime de notre droit criminel... Je ne vois pas quelle accusation pourrait être portée contre lui, étant donné que, selon les accusations qui pèsent sur lui, il a tué un Américain en Afghanistan, et je ne suis pas au courant d'une loi intérieure canadienne qui nous permettrait de le poursuivre pour ce qui est arrivé à l'étranger à un citoyen d'un autre pays. S'il devait être rapatrié au Canada, qu'est-ce qui lui arriverait, selon vous?
    Encore une fois, je n'ai pas fait mon droit au Canada. Je ne peux parler du droit canadien.
    Je n'ai pas déclaré qu'il ne pouvait subir de procès au Canada. À mon avis, il serait malvenu de lui faire subir un procès civil; c'est un détenu militaire. J'aimerais bien pouvoir en parler. Je ne connais pas assez bien le droit canadien pour vous donner un avis. Je ne saurais dire s'il peut être poursuivi ou non en application du droit canadien. Je suis sûr qu'il y aurait de grandes difficultés à cela — certes, des difficultés liées à la preuve — qui sont prises en considération au tribunal militaire et qui, je le présume, ne seraient pas prises en considération devant un tribunal civil canadien. À mes yeux, ce serait le plus grand obstacle à une condamnation éventuelle.
    Quant à savoir quelles seraient les accusations portées lui, je présume que le Canada dispose de mesures législatives pour punir quiconque se rend complice de terrorisme. Les accusations viendraient peut-être de là, mais il faudrait poser la question à un avocat canadien.
    C'est tout le temps que nous avons pour ce tour-ci.
    Monsieur Marston, vous allez devoir être notre dernier questionneur. Je vous prie d'y aller.
    Évidemment, si on se fie aux observations que vous venez de faire, vous n'avez pas eu l'occasion de prendre connaissance du témoignage du professeur Forcese, donné hier. Accompagné d'étudiants en droit, il a passé en revue les lois canadiennes qui s'appliqueraient si M. Khadr était rapatrié au Canada. J'apprécie le fait que vous n'essayez même pas de sortir de votre champ d'expertise.
    Conformément au témoignage que nous avons entendu hier... s'il était rapatrié ici, croyez-vous — et je vous en demande peut-être un peu trop — que, selon les normes du droit canadien tel que vous les concevez, si M. Khadr était accusé au Canada, la démarche canadienne, devant les tribunaux canadiens, permettrait que justice soit rendue?
    Nous avons affaire à une situation où la différence qui importe, à mon avis, entre nous et certains autres, c'est la reconnaissance du fait que la personne en question était un enfant soldat. Il y a bien une zone grise autour de l'âge de 15 ans. Je n'essaie pas de réfuter vos propos, mais si cette personne était ramenée au Canada et traitée sous le régime du droit canadien comme si elle avait commis l'infraction à l'âge de 15 ans, croyez-vous que le grand public y verrait que justice est faite?
    Je crois qu'il faudrait procéder à un sondage pour déterminer si le grand public au Canada croit que justice serait faite. Cela ne fait aucun doute que les tribunaux canadiens répondent aux exigences de la Convention de Genève. Je ne vais certainement pas débattre avec vous de ce point. Ce serait malvenu, comme je l'ai dit, étant donné la façon dont les combattants sur un champ de bataille sont faits prisonniers et l'absence de preuves recueillies à ce moment-là... il est difficile alors d'obtenir une condamnation à partir du genre de preuve qui est naturellement obtenue quand on fait quelqu'un prisonnier sur un champ de bataille, par opposition à une scène de crime, où les éléments de preuve et les témoignages et les documents sont établis soigneusement.
    Je suis d'accord avec vous. S'il peut subir un procès au Canada, je suis sûr que le grand public jugera la chose satisfaisante, mais cela ne modifie pas à mon avis le fait que la démarche dont il fait l'objet actuellement suffit tout autant du point de vue des exigences juridiques internationales. Si le Canada tient donc à savoir si M. Khadr a droit à un traitement insuffisant ou non pour prendre une décision, je ne crois pas qu'il y ait de différence de ce point de vue.
    Il vous reste encore un peu de temps, monsieur Marston.
    Il y a une autre question qui n'est pas encore tout à fait claire dans mon esprit. C'est l'histoire de Camp Iguana et le fait que les autres « enfants combattants » de Guantanamo — à défaut de trouver un meilleur terme — s'y trouvent isolés. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cette personne, qui avait 15 ans au moment d'être fait prisonnier et 16 ans lorsqu'elle est arrivée à Guantanamo, serait exclue du groupe en question?
    Je n'en ai pas la moindre idée. Vraiment pas. Je peux faire des hypothèses, mais ce n'est que cela. Le fait qu'il ait été proche de la famille ben Laden en particulier et de membres haut placés d'al-Qaïda en font peut-être une cible très intéressante du point de vue du renseignement, ce qui n'est peut-être pas le cas des autres enfants. Cela me paraît plausible, mais je n'en sais rien.
    Ce qui fait qu'il est proche, à mon avis, c'est le fait de jouer avec les enfants de la famille ben Laden, mais c'est là mon point de vue personnel.
    Son père était très proche, d'après ce que je crois savoir...
    Ah, son père, c'est une autre histoire.
    C'est un bon fils qui suivait l'exemple de son père, j'en suis sûr. Autour du feu de camp, il s'est raconté beaucoup d'histoires qui seraient utiles aux services de renseignement canadien et américain.

  (1300)  

    D'accord. Voilà qui conclut ce tour.
    Merci beaucoup, monsieur Anglin, d'être venu témoigner. Merci d'avoir supporté les caprices de notre comité en ce qui concerne son fonctionnement.
    Je vais demander au prochain témoin de se présenter immédiatement, pour que nous puissions continuer.
    Je rappellerai à tous que nous avons servi des rafraîchissements, mais qu'il faut se servir et continuer de travailler, sinon attendre la fin de la réunion, étant donné que nous n'avons pas l'intention d'arrêter pour l'instant.
    Nous avions prévu de terminer ce segment 10 minutes plus tôt que d'habitude. Cela n'a pas fonctionné. Il est exactement 13 h. Lorsque M. Raghubeer aura achevé ses observations, nous verrons combien de temps il reste. Je soupçonne que l'idée la plus logique pour nous sera de procéder à un seul tour de questions, puis nous rajusterons la durée au besoin pour tenir une séance à huis clos à la fin de la réunion. Je chercherai à obtenir le consensus sur la durée qu'aurait raisonnablement ce tour de questions, au moment où nous y arriverons.
    Cela dit, monsieur Raghubeer, si vous êtes prêt, je vous prie de commencer.
    Bonjour. Au nom de la Canadian Coalition for Democracies, je tiens à remercier le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de m'avoir invité à venir témoigner.
    Fondée en 2003, la Canadian Coalition for Democracies — la CCD, en abrégé — est un organisme apolitique, multiethnique et pluriconfessionnel à vocation nationale. Il regroupe des Canadiens soucieux de promouvoir la démocratie au Canada même et à l'étranger ainsi que de défendre les libertés civiles et la sécurité nationale. La CCD privilégie la recherche, l'éducation et les communications médiatiques afin de mieux faire saisir l'importance que revêt une politique étrangère prodémocratie qui est axée sur la sécurité nationale.
    La CCD s'inquiète de M. Omar Khadr et des difficultés que son cas pose pour le Canada en tant que pays respectueux des droits de la personne, du droit international et du principe de l'équité en matière de procédure. Avant de faire valoir nos préoccupations, à la CCD, nous souhaitons affirmer clairement que, d'abord, nous appuyons le droit pour M. Khadr d'avoir accès au consulat canadien et, ensuite, nous croyons que le gouvernement canadien a l'obligation d'intervenir directement auprès du gouvernement américain — qui est un proche allié et un important partenaire commercial — pour s'assurer que M. Khadr bénéficie pleinement du régime de droit et de procédure prévu dans la constitution américaine.
    Pendant mon exposé, je toucherai à trois questions découlant de l'affaire Khadr: le conflit de compétences entourant le traitement de M. Khadr, la famille Khadr et le champ d'application de la citoyenneté canadienne.
    La CCD se soucie du précédent qui pourrait découler du règlement des questions de compétence entourant les accusations pesant contre M. Khadr, soit « d'avoir comploté avec des membres d'Al Qaïda en vue de la perpétration d'actes meurtriers et d'actes terroristes contre les forces américaines et celles de la coalition ».
    Les faits généraux entourant l'affaire et les témoignages entendus par votre comité font voir le conflit de compétences qui se dessine à propos de M. Khadr. Quel pays a le droit et la responsabilité de lui faire subir son procès? Trois administrations nationales viennent à l'esprit: l'Afghanistan, les États-Unis d'Amérique et le Canada.
    Selon les allégations, M. Khadr, qui est citoyen canadien, aurait commis de graves actes criminels en Afghanistan. Tout le reste étant égal par ailleurs, l'Afghanistan aurait donc pu se déclarer compétente pour entendre toute affaire comportant un homicide et une blessure. Les États-Unis d'Amérique auraient pu se déclarer compétents aussi, étant donné que deux de ses citoyens — un qui a été blessé, et l'autre, tué — les deux faisant partie de l'armée américaine, ont été les victimes dans l'affaire: le sergent Layne Morris et l'infirmier et sergent de première classe Christopher James Speer.
    Le troisième État ayant une compétence donnée à propos de M. Khadr est le Canada, dont il se trouve à être citoyen. M. Khadr n'a pas été accusé en Afghanistan des crimes qu'il y aurait commis. Ce sont plutôt les États-Unis qui ont revendiqué la compétence pour accuser M. Khadr et le traduire devant un tribunal américain. Dans sa décision récente, la Cour suprême du Canada reconnaît les lacunes constitutionnelles et autre mises en relief par la Cour suprême des États-Unis ainsi que la critique formulée par cette dernière des dispositions prises pour traiter le cas de M. Khadr devant un tribunal militaire. Cependant, certains signes donnent à croire que ce régime de tribunaux militaires a été révisé de manière à tenir compte des questions juridiques internationales. De toute manière, la Cour suprême du Canada a peut-être fait preuve d'un plus grand réalisme lorsqu'elle a tranché à l'unanimité, dans l'arrêt Canada c. Khadr: « l'issue de la procédure engagée contre M. Khadr peut échapper à la compétence et à la volonté du Canada... »
    Compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada, la CCD croit que le Parlement doit permettre à la démarche de suivre son cours, à condition que M. Khadr ait droit à l'entière protection juridique prévue dans la constitution américaine.
    Pour ce qui est de la famille Khadr, la CCD se soucie des éventuelles responsabilités juridiques et autres de certains membres de la famille immédiate de M. Khadr, car un ou plusieurs d'entre eux auraient mis en péril la sécurité de M. Khadr et d'autres personnes en le radicalisant et en l'incitant à idéaliser le statut de shahid — de martyr. Puis, ils ont mis un enfant entre les mains des plus virulents parmi les adeptes de la guerre sainte ou du djihad qui sont dans le monde. La CCD croit qu'il incombe au Parlement et au ministre de la Justice d'examiner le rôle joué par les membres de la famille Khadr lorsqu'il s'agit d'exposer un enfant, Omar Khadr, à l'époque où il était toujours en Afghanistan, à ce qu'on peut considérer comme une incitation djihadiste à la haine et en lui donnant accès à des armes, rien de moins que pour tuer. De fait, dans quelle mesure cette école de la haine se tient-elle dans les domiciles et les établissements de notre propre pays?
    Les témoignages présentés devant votre sous-comité le font voir: l'avocat chargé de la défense de M. Khadr, le lieutenant-commandant Kuebler, déclare avoir « condamné les propos de Maha et Zaynab Khadr » en ajoutant que « le gouvernement américain serait en droit de ne pas vouloir rapatrier Omar, car celui-ci serait exposé aux influences de sa famille immédiate ». Compte tenu de telles déclarations, nous devons nous demander pourquoi le sous-comité des droits de la personne, le ministre de la Justice et même la ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse de l'Ontario ne font pas enquête sur le rôle qu'a peut-être joué la famille Khadr pour pousser Omar Khadr sur le chemin du martyre.

  (1305)  

    Les Canadiens doivent savoir s'il y a eu négligence ou pire encore de la part de Maha Khadr, et de montrer que la présomption en faveur de l'intérêt supérieur de l'enfant en droit de la famille n'englobe pas la haine et le meurtre. Qui plus est, les Canadiens méritent de comprendre pleinement le rôle joué par la famille Khadr pour promouvoir le djihad et le martyre auprès d'enfants qui étaient des citoyens canadiens. Les membres de la famille Khadr ont-ils été les complices des infractions alléguées d'Omar Khadr? Encore une fois, il faudrait faire enquête là-dessus.
    Si M. Omar Khadr a justement été amadoué ou manipulé au point de devenir djihadiste, les personnes responsables devraient être traduites en justice au Canada dès que possible. Si nous omettons de faire respecter nos lois, cela crée un précédent dangereux qui encourage les parents extrémistes à faire du Canada un refuge de la haine où préparer des enfants canadiens au djihad islamiste à l'insu d'étrangers et de voisins canadiens.
    Ensuite, permettez-moi d'aborder brièvement la question de la citoyenneté canadienne. La CCD se soucie aussi de ce que le Parlement prête peu d'attention à la nécessité d'avoir une idée claire de ce que sont les droits et les devoirs des citoyens et du gouvernement du point de vue de la citoyenneté canadienne et également d'étudier la question sérieusement. La CCD invite vivement les membres du sous-comité et du Parlement dans son ensemble à entreprendre un examen global des droits et responsabilités associés à la citoyenneté canadienne, et à la citoyenneté double, à cette époque nouvelle qui se caractérise par les voyages de par le monde, le tourisme, les conflits régionaux d'origine tribale et les guerres perpétrées pas des acteurs non étatiques comme le Hezbollah, le Hamas et al-Qaïda.
    Dans le contexte, la CCD incite le Parlement à envisager sérieusement la question de la double citoyenneté, notamment celle des Canadiens qui, sans l'autorisation du Canada, font partie de milices et de forces armées étrangères comme les forces de défense israéliennes, l'union des tribunaux islamiques en Somalie, les Talibans ou les forces armées américaines. Le service dans les armées étrangères — ou les administrations étrangères, tant qu'à y être — est-il vraiment compatible avec le genre de loyauté que méritent le Canada et les Canadiens? Le Parlement doit déterminer s'il souhaite continuer de permettre à tous les Canadiens, quel que soit leur pays d'origine, de préserver la double nationalité.
    Nous avons vu, dans le cas de la Syrie et de M. Maher Arar, que certains pays refusent de respecter la citoyenneté canadienne. En étudiant et en examinant la question de la citoyenneté et du rôle que doit jouer le gouvernement dans les affaires connexes, le Parlement peut entamer un dialogue important. Les parlementaires peuvent préciser ce que cela veut dire que d'être Canadien, quelles sont les limites et les attentes qui s'appliquent aux citoyens au pays aussi bien qu'à l'étranger, et quelles sont par nature les limites au-delà desquelles la capacité qu'a le Canada de venir en aide à ses ressortissants à l'étranger peuvent être circonscrites. C'est une question fondamentale de souveraineté et, comme le font voir certains des éléments de l'affaire Khadr, c'est une conversation qu'il y a lieu d'avoir depuis longtemps.
    Merci.
    Merci, monsieur Raghubeer.
    Vous avez terminé votre déclaration à dix minutes passées l'heure. Je propose que nous ayons un tour de questions de sept minutes.
    Monsieur Cotler, si vous voulez bien commencer...

  (1310)  

    Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le témoin d'être avec nous aujourd'hui.
    Ma question part d'une observation que vous avez faite, si j'ai bien entendu. Vous avez dit qu'il faudrait laisser le processus juridique entourant Omar Khadr suivre son cours dans la mesure où il bénéficie de la protection entière prévue en droit constitutionnel américain.
    Croyez-vous qu'il a eu droit à de telles protections constitutionnelles, étant donné la détention illégale et prolongée dont il a fait l'objet, le fait de ne pouvoir recourir à un avocat durant les premières années de sa détention, l'interrogatoire coercitif dont il a fait l'objet et ainsi de suite? De fait, même la Cour suprême des États-Unis a jugé la démarche illégale.
    Croyez-vous que, dans les faits, Omar Khadr a la protection constitutionnelle appropriée en ce qui concerne sa poursuite?
    En ce moment, nous croyons que le système qui préside à son procès est approprié. Il y a certainement eu des transgressions du droit international, et la Cour suprême des États-Unis l'a reconnu. La Cour suprême du Canada a aussi reconnu la décision américaine. Nous reconnaissons ces difficultés. Par contre, il y a une démarche en place et, comme la Cour suprême du Canada l'a fait remarquer, cela échappe peut-être à notre compétence. En ce moment, nous sommes d'accord pour dire que la démarche devrait se poursuivre.
    Je vous demande si vous croyez qu'il a reçu la protection appropriée prévue par le droit constitutionnel, en oubliant pour l'instant les transgressions du droit international conventionnel comme la Cour suprême des États-Unis a pu les relever et qui, de fait, sous-tendent la décision récente de la Cour suprême du Canada. Je parle des positions que vous avez prises. Faites-vous toujours valoir que Omar Khadr a reçu la protection appropriée sous le régime du droit constitutionnel américain?
    Monsieur Cotler, je ne suis pas expert en constitution américaine, ni même avocat. Cependant, je crois, tout comme nous croyons à la Canadian Coalition for Democracies, que le traitement de M. Khadr a été relativement bon par rapport la manière dont d'autres États traitent leurs citoyens. M. Khadr a eu le droit de recourir à un avocat très compétent et il a pu communiquer avec sa famille. Il est en santé, d'après ce qu'on nous a expliqué, et nous croyons bien qu'il a été traité correctement.
    Quant au droit constitutionnel américain, la Cour suprême des États-Unis, comme vous le savez, est à examiner la question. Elle devra trancher. En ce moment, tout de même, nous croyons bien qu'il a été traité correctement.
    Et croyez-vous que sa détention, son traitement et son processus se sont déroulés conformément au droit international humanitaire, y compris au protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l'enfant sur la participation des enfants aux conflits armés?
    Nous sommes tout de même d'avis qu'il a été traité correctement, monsieur.
    Voilà qui conclut mes questions.
    D'accord. Nous allons céder la parole à votre collègue, monsieur Silva.
    Cette croyance m'intrigue. Est-ce qu'il peut nous donner des éléments qui permettraient de confirmer ce qu'il avance?
    Ce que vous dites me laisse tout à fait perplexe; il n'y a rien de concret pour appuyer ces remarques. Si vous êtes d'avis qu'il a été traité correctement, dites-nous comment ça c'est passé. Je n'ai pas encore entendu cette histoire.
    Comme je l'ai fait remarquer, l'Afghanistan, en premier lieu, aurait pu se déclarer compétente pour juger M. Khadr. Elle aurait pu l'accuser et lui faire subir un procès là-bas. Les Américains ont affirmé qu'ils avaient le droit de traduire M. Khadr en justice. De ce fait, M. Khadr bénéficie de la protection du droit constitutionnel américain. La Cour suprême des États-Unis s'est penchée sur la question et a relevé les cas de transgression là où il y en avait. On est en train de corriger ce système en ce moment, et il a été corrigé; M. Khadr est donc traité correctement à l'heure actuelle.

  (1315)  

    Je m'excuse, mais j'ai une question à poser. Si la Cour suprême des États-Unis a déterminé qu'il n'avait pas droit aux mesures de protection prévues par le droit international, que le gouvernement américain, de fait, manquait à ses obligations sous le régime du droit international conventionnel et que la Cour suprême du Canada a fondé sa décision sur la constatation de fait et la conclusion de droit également de la Cour suprême américaine, comment pouvez-vous continuer d'affirmer qu'il a été traité conformément aux normes du droit international humanitaire?
    Je crois que la question consiste à savoir s'il a été traité correctement et je suis bel et bien d'avis qu'il est traité correctement à l'heure actuelle. Il y a eu des transgressions, ce que nous avons reconnu et ce que la Cour suprême des États-Unis a reconnu. On a pris des mesures pour corriger la situation. Ce qui fait qu'à l'heure actuelle, et depuis le moment où la Cour suprême des États-Unis s'est prononcée là-dessus, on a pris des mesures pour s'assurer qu'il est traité correctement.
    Il vous reste encore un peu de temps.
    Je n'arrive pas à voir comment il est possible de légitimer rétroactivement des actes qui étaient visiblement anticonstitutionnels et illégaux au moment où ils ont été posés. Par exemple, comment faire passer pour légitimes ou même sains une détention prolongée illégale, le refus d'accorder le droit de recourir à un avocat durant les premières années de la détention, les interrogatoires coercitifs — je pourrais continuer... Les États-Unis ne sauraient remédier à ces actes en se conformant plus tard. La poursuite est déjà entachée d'un vice irrécupérable et considérée comme ayant été illégale.
    C'est là votre avis et grand bien vous fasse, mais, comme je l'ai fait remarquer, nous n'essayons pas de faire semblant que les transgressions en question n'ont pas eu lieu, transgressions qui ont été reconnues par la Cour suprême des États-Unis. Depuis ces décisions, on a adopté des mesures pour remédier au problème des transgressions, et nous sommes d'avis que M. Khadr est traité correctement.
    Je crains que ça marque la fin du temps alloué à ce tour de questions.
    Madame Barbot, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Raghubeer, il ne s'agit pas d'opinions mais de faits établis. Dans le cas de M. Khadr, il y a eu maldonne et on n'a pas respecté les lois internationales, en particulier la Convention de Genève, que les États-Unis et le Canada ont signée. À cet égard, il me semble qu'il faut au moins admettre, si on est de bonne foi, que M. Khadr n'a pas été traité selon ce qui est édicté dans la Convention de Genève, que nous avons signée.
    Par ailleurs, vous vous posez la question de la responsabilité familiale. Ses détracteurs ont voulu faire croire qu'il avait choisi d'être avec les gens d'Al-Qaïda, en 2002. Au moins un membre de la famille a dit que son père l'aurait tué s'il avait fait quelque chose contre l'Islam.
    Dans ce contexte, comment peut-on considérer qu'un jeune né dans une telle famille ait vraiment pu choisir les circonstances dans lesquelles il s'est retrouvé en 2002? Si le pays dont il est originaire ne veut pas l'aider et suppléer aux manques que la famille pourrait avoir — je dis bien pourrait —, qui va le faire? N'est-ce pas le rôle du gouvernement canadien de le faire? Au lieu de l'accuser davantage, il faudrait le ramener dans son pays pour qu'il y soit jugé.

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez parlé de la Convention de Genève. Dans la brève déclaration que j'ai faite au début, je n'ai pas abordé le sujet de la Convention. Je ne suis pas spécialiste de la Convention de Genève; je ne prétends pas l'être d'ailleurs. J'ai simplement affirmé que, selon nous, il est traité correctement en ce moment.
    Quant à la question que vous posez au sujet de la responsabilité de la famille, il y a toutes sortes de raisons de croire que cette famille a peut-être contribué au lavage de cerveau, qu'elle l'a manipulé et peut-être amadoué au point où il deviendrait un djihadiste. Si nous admettons ce fait, en quoi sommes-nous responsables en tant que Canadiens et en quoi le gouvernement est-il responsable d'agir pour que les parents canadiens ne traitent pas leurs enfants de cette façon ou qu'ils n'initient pas leurs enfants au djihad ou encore à la fabrication de bombes? Après avoir entendu les commentaires de la famille Khadr, je dirais que nous avons bien une responsabilité à cet égard, à mon avis.
    Permettez-moi de citer Mme Elsamnah, qui a loué Al-Qaïda et les auteurs des attentats-suicides à la caméra même de la CBC. Elle a dit que les Américains ont eu ce qu'ils méritaient le 11 septembre et que les camps d'entraînement au terrorisme en Afghanistan étaient préférables au système scolaire que nous avons ici, où les enfants risquent d'être exposés à nos valeurs. Il y a un autre membre de la famille, la soeur d'Omar, qui a affirmé qu'elle souhaitait devenir martyre. Le point de vue était sans doute aussi celui du mari, terroriste membre d'Al-Qaïda. Il y a donc là une responsabilité familiale.

  (1320)  

[Français]

    Excusez-moi, monsieur. Nous ne sommes pas ici pour faire le procès de la famille, mais pour parler du cas d'Omar Khadr.
    Quelle responsabilité un enfant de 15 ans a-t-il? L'État devrait-il protéger cet enfant, quand bien même sa famille serait de la pire espèce? C'est ce que je veux savoir précisément.

[Traduction]

    Le père devrait-il protéger les jeunes enfants, demandez-vous? La mère devrait-elle protéger les jeunes enfants, demanderais-je moi-même? De tradition, les femmes sont les gardiennes des enfants. Le père est décédé aujourd'hui; nous ne pouvons exiger des comptes de lui. Mais la mère devrait-elle protéger les enfants?
    Les frères et soeurs devraient-ils protéger les enfants de moins de 15 ans? Je ferais valoir que « oui », c'est le cas, et il appartient aux parlementaires de s'assurer qu'il est protégé.

[Français]

    Nous ne faisons pas le procès des parents; nous parlons d'Omar Khadr. Pourriez-vous revenir à Omar Khadr et me dire si, à l'âge de 15 ans, il devait être tenu responsable de tout ce que sa famille avait fait ou dit?

[Traduction]

    Comme vous l'avez dit, s'il a 15 ans, c'est un mineur. En droit canadien, les mineurs tombent sous la responsabilité de leurs parents. Il y a deux parents en cause ici, une mère et un père. La mère est en partie responsable de lui. Je ne sais pas pourquoi vous voulez fermer les yeux sur son rôle et sa responsabilité quand il s'agit de protéger son fils contre l'incitation au djihad, la recherche du martyre, la volonté de s'engager dans Al-Qaïda, entité terroriste connue.
    Vous avez encore deux minutes.

[Français]

    Non, je laisse tomber. Ça va.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Marston, à vous.
    Merci.
    Je veux vous faire revenir à une observation que vous avez faite: vous avez dit que, lorsqu'un jeune a 15 ans, c'est à la famille qu'il appartient de s'assurer qu'il grandit comme il faut. Est-ce essentiellement ce que vous disiez en parlant de la famille Khadr?
    Oui, c'est en partie la responsabilité de la famille.
    Je ne dis pas le contraire et je ne crois pas qu'il y ait quiconque autour de la table qui serait d'accord de quelque façon que ce soit avec les citations et déclarations attribuées à la famille Khadr.
    Vous avez dit tout à l'heure que la famille a clairement amené Omar Khadr à vouloir être un martyre — en d'autres mots peut-être. Est-ce essentiellement votre témoignage pour la première partie de votre exposé?
    J'ai affirmé que nous devrions chercher à voir si le gouvernement provincial devrait faire enquête sur le rôle de la famille à cet égard.
    Mais, dans votre témoignage, vous évoquez le fait que vous croyez, votre organisme croit que la famille a entraîné Omar Khadr à vouloir être un martyre. Est-ce plus ou moins ce que vous disiez ou laissiez entendre?
    Nous avons dit ceci:
Compte tenu de telles déclarations, nous devons nous demander pourquoi le sous-comité des droits de la personne, le ministre de la Justice et même la ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse de l'Ontario ne font pas enquête sur le rôle qu'a peut-être joué la famille Khadr pour pousser Omar Khadr sur le chemin du martyre.
    Mais même avant, dans votre témoignage, vous disiez essentiellement cela. Nous disposons de toutes sortes de preuves des sentiments et des vues de la famille Khadr, mais quelle preuve concluante avez-vous à votre disposition pour dire que la famille a inculqué cela au fils?
    Savez-vous qu'Omar Khadr avait probablement autour de 14 ans au moment où il a quitté le Canada? Pour revenir à la question dont nous discutions il y a un instant, à propos de la responsabilité qu'a la famille de le protéger à cet âge-là, notre comité a entendu le témoignage de M. Crane, procureur au tribunal de la Sierra Leone, qui a refusé de poursuivre 8 000 enfants soldats. L'ONU prône la réadaptation, puis la réintégration des jeunes qui ont été enfants soldats.
    Il avait 15 ans. Si sa famille ne le protégeait pas, il est diablement sûr que son pays aurait dû le protéger une fois qu'il était à Guantanamo au milieu de ce système-là. À Bagram, il a été interrogé 42 fois en dix semaines, avant d'être envoyé à Guantanamo. Une fois arrivé à Guantanamo, il n'a pas eu le choix comme les autres jeunes d'être envoyé à Camp Iguana; il est allé à Delta, où se trouvent les adultes.
    Personne n'a défendu les intérêts de ce jeune homme, de ce garçon. Je crois qu'il incombe au Canada de prendre l'affaire en main et de le faire revenir au pays pour qu'il soit réadapté. Il faudrait agir de telle sorte qu'il ne se retrouve pas au coeur de sa famille; la façon dont celle-ci voit le Canada et le reste du monde n'est pas acceptable à nos yeux. Nous voulons le rapatrier au Canada pour qu'il subisse un procès, qu'il soit réadapté et, qu'il réintègre la société une fois cela fait.

  (1325)  

    Je vais essayer d'aborder les trois points que vous avez soulevés, si vous le permettez.
    Premièrement, vous avez demandé quelles sont les preuves que nous avons peut-être à ce sujet. Vous pouvez compter parmi ces preuves le témoignage de l'avocat de la défense de M. Khadr, le lieutenant-commandant William Kuebler, qui a déclaré au comité même que « le gouvernement américain serait en droit de ne pas vouloir rapatrier Omar, car celui-ci serait exposé aux influences de sa famille immédiate ».
    Nous savons que sa famille a contribué à l'histoire en élevant un enfant pour qu'il devienne djihadiste. Elle y est certainement pour quelque chose dans la situation actuelle. Vous vous demandez s'il aurait dû être protégé, et je ferais valoir qu'il aurait dû être protégé ici au Canada, d'abord, avant de devenir djihadiste. Il n'appartient pas seulement aux familles de protéger leurs enfants. Dans notre pays, si les parents manquent à leurs devoirs fondamentaux, l'État a la responsabilité d'intervenir. Nous avons vu, de par le monde, des situations où des dizaines de milliers d'enfants apprennent, par le truchement d'émissions à la télévision ou de livres, à aspirer au statut de shahid ou de martyre. Cela se passe peut-être même au Canada, et il nous appartient d'examiner cette situation et de nous assurer que plus jamais cela ne va se produire.
    Mais dans le cas d'Omar Khadr, nous voulons bien que le gouvernement intervienne et le rapatrie.
    Et c'est très bien.
    Avez-vous d'autres questions, monsieur Marston?
    Non, c'est bien comme cela.
    Dans ce cas, c'est au tour du gouvernement.
    Monsieur Sweet.
    J'ai une question à poser, puis je vais donner le reste de mon temps à M. Kenney, étant donné que j'ai été absent. J'ai quand même parcouru le témoignage des témoins précédents.
    Je tiens toujours à m'assurer que nous articulons pleinement l'argument, dans toute sa complexité. M. Khadr fait face à de très graves accusations, soit d'avoir tué un infirmier et aveuglé un sergent de première classe. Même dans notre Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il y a une disposition qui prévoit que, dans le cas d'un crime particulièrement haineux, et c'est déjà arrivé sur notre territoire, un adolescent peut subir son procès en tant qu'adulte.
    J'ai lu le témoignage précédent, que j'ai manqué, mais je l'ai ici.
    Je vais vous en lire une partie pour obtenir votre avis par la suite, M. Raghubeer. Ça se lit comme suit:
L'idée qu'un soldat de moins de 18 ans ne puisse jamais vraiment être soldat ou qu'un jeune de 15 ans ne puisse vraiment consentir à servir son pays est donc réfutée directement dans le texte du seul instrument international applicable.
Lorsque le lieutenant-commandant Kuebler affirme que les enfants ne sont jamais des soldats, ce sont des enfants, ou que le général Dallaire affirme que personne ne peut recourir à des jeunes de moins de 18 ans de quelque façon que ce soit, il faut savoir que la position officielle du Royaume-Uni et du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que le texte de la Convention relative aux droits de l'enfant elle-même et du protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés viennent contredire carrément l'avis qu'ils expriment ainsi.
    J'aimerais que vous commentiez ces observations qui ont été faites une heure avant votre comparution, monsieur Raghubeer.
    Je crois que ces observations peuvent se passer de commentaires.
    Vous avez tout de même soulevé la question des remarques formulées par le général Dallaire devant votre sous-comité. En tant que Canadien, j'aimerais dire que j'ai été tout à fait outré de l'entendre comparer le Canada et le système appliqué à M. Khadr aujourd'hui avec Al-Qaïda. Je crois qu'il aurait fallu que le général Dallaire soit nettement plus responsable et respecte le droit canadien, qu'il respecte le processus juridique constitutionnel aux États-Unis et qu'il comprenne pleinement ce à quoi nous avons affaire là où il est question d'Al-Qaïda et de cette nouvelle souche d'acteurs apatrides qui aspirent à tuer non seulement les infidèles, mais également beaucoup de Musulmans qui ne partagent pas leurs points de vue. Je crois qu'il faudrait que M. Dallaire réexamine ces faits et, certainement, qu'il s'excuse auprès des Canadiens pour ce qu'il a dit.

  (1330)  

    Merci, monsieur Raghubeer.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il est rare que je le fasse, surtout face à un témoin, mais il ne fait aucun doute que le général Dallaire, qui a servi notre pays honorablement, est un homme d'une grande intégrité qui respecte les droits de la personne. Je suis outré que nous en soyons rendus à remettre en question son honneur et le service qu'il a rendu à notre pays ainsi qu'à la notion de primauté du droit. À mon avis, plus que toute autre chose, il essayait de parler du respect du droit international, de l'idée de ne pas faire fi du droit international. Je crois qu'il faut noter cela au compte rendu.
    Monsieur Silva, j'apprécie l'intervention. Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement où il doit être question de l'ordre qui est suivi, mais je comprends.
    Cédons la parole à M. Kenney.
    Je ne vais pas vous ôter du temps pour cela, monsieur Kenney.
    Monsieur Raghubeer, nous avons entendu beaucoup de témoignages à saveur juridique. Bien entendu, vous avez affirmé que vous n'êtes pas avocat. Je déduis que vous représentez un organisme dont les principales préoccupations sont le terrorisme et la sécurité nationale. Évidemment, ces questions sont tout à fait au coeur de l'affaire Khadr.
    Nous avons cherché à convoquer aux audiences de notre sous-comité les membres de la famille Khadr, de façon à pouvoir mieux saisir le contexte et les facteurs de motivation entourant son recrutement et son service apparent dans le réseau Al-Qaïda. Mais nous n'avons pas réussi. Les membres de sa famille ont refusé de coopérer avec notre sous-comité.
    Vous avez parlé de la famille Khadr et de l'environnement dans lequel Omar-Khadr a été élevé, recruté et mis au service d'Al-Qaïda. Pouvez-vous nous donner quelques précisions encore là-dessus? Je n'ai jamais vu pour moi-même les interviews en question. M. Marston ne cesse d'exprimer son vif désaccord avec les opinions des membres de la famille Khadr. Je ne sais pas ce qu'ils sont, mais je peux deviner. Pouvez-vous le résumer le mieux possible? Peut-être avez-vous étudié le mouvement Al-Qaïda, les sentiments de la famille Khadr. Pouvez-vous expliquer ce qui, selon vous, a motivé M. Khadr à faire ce qu'il a fait?
    Qu'est-ce qu'il fait?
    Qu'est-ce qu'il a fait? Je présume qu'il s'est joint à Al-Qaïda, qui est une organisation terroriste internationale vouée à la création d'une dictature musulmane, d'un califat extrême propre au XIIIe siècle, et à l'assassinat de Juifs et d'Américains et d'alliés des États-Unis. Je crois que c'est cela qu'il a fait.
    Une voix: Nous parlons d'Omar Khadr.
    J'encourage tout le monde à rester calme. La question était destinée à M. Raghubeer.
    Vous avez la parole.
    Merci.
    Quant à savoir ce qui a motivé Omar Khadr, je n'en suis pas parfaitement sûr, ne lui ayant pas parlé. Cependant, si vous regardez les influences qu'il y avait autour de lui, cela vous pousse à vous poser des questions. En tant qu'organisme, nous avons passé quelque temps à étudier le djihad islamique, les mouvements islamiques radicaux et d'autres mouvements terroristes, qu'il s'agisse des Tigres de libération de l'Eelam tamoul ou d'autres acteurs non étatiques. Nous nous inquiétons du degré de haine et d'incitations à la haine qui est transmis aux jeunes au Canada aussi bien qu'à l'étranger. Je crois que le SCRS a parlé du fait qu'Internet sert à promouvoir la haine et l'incitation au djihad, voire au recrutement de jeunes djihadistes.
    Nous avons vu qu'un groupe de jeunes hommes a été arrêté à Toronto il y a quelques années. Nous avons vu les attentats de Londres. Nous avons vu les incidents qui ont frappé Madrid. Nous avons vu les incidents qui ont frappé Jaipur, en Inde, il y a à peine deux semaines. Là, des djihadistes ont cherché à mutiler et à tuer des innocents.
    Ce que nous devons faire — j'espère que le Parlement le fera —, c'est commencer à examiner globalement les cas d'incitation à la haine au Canada et prendre des mesures pour s'assurer d'avoir en place des lois interdisant la glorification de la terreur, interdisant l'incitation — et faire en sorte que nos organismes policiers recherchent activement les personnes qui s'adonnent à la propagation de la haine et à l'incitation. Cela comprend les parents qui exposent leurs enfants — et surtout les enfants d'âge mineur — à de tels messages, que ce soit à la mosquée, que ce soit dans un gurdwara, que ce soit à un temple, choisissez le lieu que vous voulez. Tout de même, si les parents exposent leurs enfants à telles idées, il nous appartient à nous tous — et surtout au Parlement et à nos organismes policiers — de faire en sorte que ça ne continue pas ainsi.

  (1335)  

    Avez-vous d'autres questions?
    Vous n'avez donc pas de commentaires particuliers à formuler à propos de la famille — ce que les membres ont dit, ce qui est noté officiellement, ses observations sur la situation d'Omar?
    Cela fait plus d'un mois que nous nous attachons à la question; je n'ai encore rien vu. Peut-être les recherchistes ont-ils donné l'information en question.
    Avons-nous demandé à obtenir un rapport de recherche là-dessus?
    Il a été envoyé à la traduction.
    D'accord. Je vais jeter un coup d'oeil à ces transcriptions.
    Avez-vous quelque chose à nous révéler pour ce qui est de l'ambiance qui a apparemment motivé M. Khadr à faire ce qu'il a fait?
    Je vais parler brièvement de quelques-uns des membres de la famille. Nous savons que feu son père, Ahmed Saïd Khadr, était un ami d'Osama ben Laden. Il aurait été un bailleur de fonds du terrorisme. Il a cherché à collaborer avec Al-Qaïda; il a déménagé sa famille en Afghanistan pour cela, justement. Et les idées exprimées par les membres de sa famille qui demeurent en vie aujourd'hui — c'est la soeur d'Omar qui a fait la remarque — nous le disent: tous, la famille entière, souhaitent accéder au martyre. Certes, son mari partageait ce point de vue , a-t-elle dit. Nous savons que l'autre frère d'Omar, Abdullah, fait actuellement l'objet d'une procédure de renvoi à la suite de laquelle il pourrait être extradé aux États-Unis. Il est réputé avoir acheté des armes pour Al-Qaïda en Afghanistan, des AK-47, des munitions de mortiers et des lance-roquettes. Nous savons que Mme Elsamnah a loué Al-Qaïda et loué les auteurs d'attentats-suicides à la télévision de la CBC.
    Mis à part les observations et les idées ci-décrites, qui proviennent de sources publiques, la personne qui connaît le mieux Omar et sa famille est probablement son avocat de la défense, qui a condamné Maha et Zaynab Khadr ici même. Il a ajouté que le gouvernement américain serait en droit de ne pas vouloir faire rapatrier Omar Khadr, sinon celui-ci serait exposé aux influences de sa famille immédiate.
    Il y a clairement un problème dans la famille d'Omar Khadr. Nous devons reconnaître ce fait et prendre les mesures qu'il faut pour nous assurer que toute forme de haine et d'incitation, toute recherche du martyre, ne soit pas inculquée aux jeunes enfants qui grandissent dans un tel contexte familial aujourd'hui, de manière à ne pas créer d'autres jeunes djihadistes.
    Voilà qui conclut le temps alloué à cette question et donc aux questions à l'intention de notre témoin.
    Monsieur Raghubeer, nous vous remercions de vous être déplacé et de nous avoir présenté votre témoignage.
    Nous allons maintenant délibérer à huis clos; je vais donc demander aux membres des médias et autres personnes qui ne peuvent assister aux réunions à huis clos de...
    Je vais simplement finir ma réflexion, puis vous pourrez partir.
    Monsieur Marston.
    C'est juste qu'il nous reste encore deux minutes et demi avant qu'il ne soit 13 h 40. J'ai cru que nous pourrions peut-être poser une autre question.
    C'est assez vrai, je suppose, dans la mesure où le comité le veut bien. Je vais voir qui a utilisé le moins de temps.
    Au sens strict, je suppose que ce serait vous ou Mme Barbot, si un des deux veut poser une question.
    D'accord, il n'y a pas d'objection.
    Monsieur Marston, n'oubliez juste pas la contrainte de temps.
    J'aurai l'oeil sur l'horloge, monsieur le président. Merci. J'apprécie cela.
    Une des choses que je voulais mettre au clair — étant donné qu'on y a fait allusion pendant la conversation aujourd'hui —, c'est que nous avons au Canada des lois contre les crimes haineux. Ce sont des lois importantes, et si quiconque — que ce soit les Khadr ou tout autre famille — viole ces lois ou incite au génocide, il ou elle devrait certainement être traduit en justice.
    Je crois que nous passons beaucoup trop de temps à regarder la famille, car la chose est claire. Dans votre témoignage, vous avez affirmé que, selon M. Kuebler, les États-Unis ne devraient pas faire rapatrier M. Khadr au Canada s'il doit finir au sein de sa famille. Nous n'avons jamais proposé cela. Nous parlons de l'idée de le rapatrier pour qu'il soit soumis à une procédure équitable en droit canadien et qu'il soit réadapté. Il a un frère qui a renié le reste de la famille et c'est à cette personne qu'il y aurait peut-être lieu de le confier selon le lieutenant-commandant.
    Je voulais simplement faire noter cela au compte rendu et je crois que le temps me manque maintenant. Merci.

  (1340)  

    Puis-je simplement dire quelque chose?
    Oui, mais n'oubliez pas que la concision est de mise.
    Certainement.
    Nous avons bel et bien des lois contre les crimes haineux au Canada, monsieur, mais comme nous l'avons vu dans diverses situations, elles ne sont pas appliquées. Nous avons bien besoin de lois plus strictes pour les affaires d'incitation à la terreur, de glorification de la terreur, et nous devons appliquer ces lois.
    Merci, monsieur Raghubeer.
    J'encouragerais ceux qui ne peuvent assister à la réunion à huis clos de se diriger vers les sorties. Nous allons poursuivre à huis clos dès que vous aurez quitté la pièce.
    [La séance se poursuit à huis clos.]