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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 avril 2009

[Enregistrement électronique]

  (0840)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Ceci est la 17e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 30 avril 2009. Bienvenue aux membres du public et aux journalistes présents aujourd'hui.
    Comme la plupart d'entre vous le savent, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a convenu il y a quelque temps de réaliser une étude exhaustive de la criminalité organisée. Initialement, nous avions envisagé d'y consacrer quatre séances, mais nous avons évidemment vite réalisé qu'il en faudra bien plus. Nous sommes prêts à y consacrer le temps voulu pour faire un bon travail.
    Nous avons invité des témoins de tout le Canada à comparaître devant nous pour nous aider à proposer au gouvernement quelques orientations sur le plan de la lutte contre la criminalité organisée et peut-être aussi déterminer quelques facteurs sous-jacents qui amènent certains à s'engager dans la criminalité organisée.
    Nous recevons aujourd'hui un assez grand nombre de témoins, qui représentent certainement un large éventail de points de vue sur ces questions.
    Je veux tout d'abord saluer M. Neil Boyd, criminologue, et M. Robert Gordon, également criminologue. Nous avons aussi Wai Young. Nous avons Evelyn Humphreys, représentant S.U.C.C.E.S.S. Nous avons Michelle Miller, représentant Resist Exploitation, Embrace Dignity. Nous avons aussi deux personnes représentant la Unincorporated Deuteronomical Society, soit M. Robin Wroe et le juge en chef Bud the Oracle.
    Vu nos contraintes de temps et vu la pléthore de demandes de comparution — dont le nombre dépasse nos possibilités, en quelque sorte —, nous devons limiter les exposés aujourd'hui à cinq minutes par organisation. Je ferai une exception, pour M. Boyd, car nous allons également lui demander de traiter du projet de loi C-15.
    Monsieur Boyd, si vous êtes en mesure de le faire, vous pouvez aborder également les enjeux entourant le projet de loi C-15, afin d'avoir vos vues au dossier et pouvoir nous en servir lors de nos délibérations sur le projet de loi.
    Chacun de vous dispose de cinq minutes pour sa déclaration, et j'entends par-là chaque organisation. Vous aurez amplement de temps pour apporter des compléments d'information dans vos réponses aux questions des membres du comité.
    Merci encore une fois de comparaître.
    Nous allons commencer avec M. Boyd. Vous disposez de 10 minutes.
    Permettez-moi de commencer par dire que les gangs et la criminalité organisée existent chez nous depuis au moins 150 ans — des jeunes gens aliénés et désenchantés unis par le mépris des lois, utilisant le crime comme levier de création de richesse matérielle. Souvenez-vous de Daniel Day-Lewis dans Les gangs de New York, une description raisonnablement fidèle de la violence perpétrée par les gangs à New York à la fin des années 1860, puis projetez-vous 140 années plus tard dans les rues de Vancouver où presque une personne par jour était abattue jusqu'il y a trois semaines environ.
    La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont ouvert de nouvelles possibilités à ces bandes et organisations criminelles. Les drogues du tiers monde sont arrivées aux portes du premier monde. La facilité nouvelle des voyages à travers le monde a mis les Nord-américains en contact avec le cannabis et le haschich dans des pays comme l'Inde, le Liban et la Thaïlande, avec la cocaïne en Colombie et en Bolivie, et avec l'opium et l'héroïne en Asie du Sud-Est. Certains voyageurs et entrepreneurs intrépides ont introduit ces drogues du tiers monde en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Bien que la marijuana, la cocaïne et l'héroïne aient été illégales depuis le début du XXe siècle, il y avait peu de trafic au Canada ou aux États-Unis jusqu'à la fin des années 1960 et au début des années 1970 — de fait, seulement un millier de condamnations par an environ des années 1920 jusqu'en 1967, toutes drogues illégales confondues. En 1976, nous enregistrions 40 000 condamnations pénales annuellement, et ce rien que pour la possession simple de cannabis. C'était là un changement spectaculaire.
    Au cours des 40 dernières années, nous avons continué à utiliser la prohibition criminelle comme principale réponse à la distribution et la possession de ces drogues. Malheureusement, la prohibition confie la responsabilité pour la qualité et le prix du produit aux bandes criminelles, et leur garantit des profits juteux. Il est tout à fait légitime de dire, sur cette toile de fond, que nos politiques ont servi à remplir les poches de trafiquants de drogues souvent violents. Cependant, il faut dire aussi que chaque drogue légale ou illégale est différente, comportant ses propres risques et méfaits potentiels. Le grand paradoxe de notre réalité actuelle est que souvent des individus vont être abattus dans le cadre du commerce du cannabis alors qu'il est presque impossible de mourir en consommant la drogue elle-même.
    Paradoxalement, nous condamnons moralement la consommation et la distribution de cannabis, mais non pas le tabac, une drogue ayant un plus gros potentiel d'accoutumance, plus nocive pour la santé et responsable d'une mortalité sans précédent. On peut ainsi légitimement considérer que nous traversons nos vies avec des oeillères culturelles, incapables de voir la construction sociale bizarre, peut-on dire, que les générations précédentes ont créée pour nous. Une réponse plus efficace à la criminalité organisée consisterait, pour une large part, à retirer du contrôle des gangs les formes de commerce rémunératrices, et le cannabis serait un bon endroit pour commencer pour peu que nous en ayons la volonté politique. Je reconnais également que c'est là un problème planétaire qui ne peut être réellement résolu que dans un contexte planétaire.
    J'ajouterais que la bataille contre le crime organisé ne peut simplement être gagnée en modifiant notre approche des drogues actuellement illégales. Il en existe certaines — le crack et le crystal meth — que l'on peut difficilement considérer comme des marchandises se prêtant à une réglementation rationnelle. Et il subsiste pour les gangs et la criminalité organisée d'autres moyens potentiellement viables de trafiquer. Le vol d'identité, la fraude, la traite de personnes et la cybercriminalité figurent parmi les principales possibilités plus contemporaines. Nous devons donc certainement reconnaître que si la régulation de certaines drogues actuellement illégales pourrait porter un rude coup aux affaires des criminels organisés, cette action seule ne peut régler les problèmes qui nous confrontent.
    Cela nous amène donc au temps présent et à la réponse du gouvernement fédéral à la violence des criminels organisés, particulièrement la récente cascade de meurtres à Vancouver, réponse prenant principalement la forme d'une nouvelle catégorie de meurtre au premier degré appliquée à tout assassinat commis par un membre de gang. Mais mettez-vous à la place d'un membre de gang dans les rues de Vancouver. Il porte déjà un pistolet et est prêt à l'utiliser contre ses adversaires. Il est déjà prêt à tuer et à risquer d'être tué. Il ne réfléchit nullement aux dures peines sanctionnant son crime déjà imposées par le Code criminel.

  (0845)  

    Le projet de loi C-14 va également apporter beaucoup d'eau au moulin des avocats et de la profession juridique. À partir de quel moment peut-on classer en droit un individu comme commettant un meurtre dans le cadre d'une association criminelle? Quelle sorte d'anticipation est requise pour être condamné sur une telle accusation de meurtre au premier degré? Ces questions vont certainement occuper le temps des avocats de la Couronne, des avocats de la défense et des magistrats et rien ne prouve que cette amputation du rôle de l'intention criminelle nous apportera une meilleure sécurité sociale. Après tout, ce devrait être là l'objectif de toute mesure que nous prenons.
    À cet égard, je plaide non pas pour le renforcement des peines mais plutôt pour des efforts de prévention à long terme, des ressources ciblées mises à la disposition des policiers chargés d'enquêter sur le crime organisé et de démanteler les gangs, et comme mon collègue Robert Gordon va probablement le suggérer, pour un service de police intégré du Lower Mainland.
    Comme le président l'a indiqué, j'aimerais me concentrer réellement ce matin non pas sur le projet de loi C-14, mais le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    J'aimerais commencer par faire remarquer que la plupart des personnes arrêtées et condamnées pour trafic ne contrôlent pas l'offre de ces drogues. En réalité, il s'agit pour l'essentiel de petits consommateurs-trafiquants qui vendent juste assez pour financer leur consommation personnelle.
    Comme vous le savez sans aucun doute, deux études de votre propre ministère de la Justice contestent le recours aux peines minimales obligatoires à l'égard des crimes de drogue. Le commentaire rédigé pour ce projet de loi cite ce passage d'une étude de 2005: « Il semblerait qu'elles [les peines minimales obligatoires] ne soient pas un outil efficace en matière de détermination de la peine, c'est-à-dire qu'elles gênent le pouvoir judiciaire discrétionnaire sans offrir de meilleurs résultats quant à la prévention du crime ».
    L'autre étude, celle de 2002, fait valoir que l'absence de dissuasion résulte de l'absence de discrétion judiciaire. En effet, les procureurs et la police sont alors souvent obligés d'user eux-mêmes de cette discrétion, choisissant souvent de ne pas porter d'accusations qui conduiraient automatiquement à une peine d'incarcération. En outre, des jurys peuvent choisir d'acquitter les prévenus qui seraient automatiquement condamnés à la prison lorsque cette peine leur paraît excessive et injuste.
    Quels arguments peut-on donc faire valoir en faveur d'une peine minimale obligatoire? Comme l'indique le résumé législatif du projet de loi C-15, il s'agirait de dénoncer certaines conduites insignes et d'en tenir les auteurs responsables, sans égard à l'efficacité d'une telle loi. Nous le faisons pour les homicides, et cela représente une sanction entièrement appropriée. Mais qu'en est-il d'un individu qui cultive seulement un ou deux plants de marijuana et qui partage les fruits de son jardinage avec ses amis et voisins adultes? Faut-il dénoncer sa conduite en l'enfermant en prison pour une durée minimale de six mois? C'est ce qu'impose le projet de loi C-15 par son article 3 et ses modifications du paragraphe 7(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Pour dire les choses simplement, le projet de loi ne fait pas de distinction entre la culture de marijuana et certaines des conduites condamnables auxquelles se livrent certains cultivateurs de marijuana. Le projet de loi énumère un certain nombre de ces actes graves: la création d'un risque d'atteinte à la sécurité publique, le vol d'électricité, l'exposition d'enfants à des résidus toxiques, la présence d'armes à feu dans une installation de culture et la pose de pièges potentiellement mortels dans une installation de culture et autour. S'il est logique de dénoncer ces types de conduite, il est grossièrement disproportionné de dénoncer toutes les formes de culture de marijuana au moyen de peines de prison minimales. Les mêmes arguments valent évidemment aussi pour la distribution de cannabis.
    J'aimerais également commenter la déclaration récente du ministre de la Justice Nicholson au sujet du cannabis: « La marijuana est la monnaie qui sert à introduire d'autres drogues plus néfastes dans le pays ». Certes, nous avons lieu d'être inquiétés par ces Canadiens qui exportent de la marijuana aux États-Unis en échange de cocaïne, d'héroïne ou d'armes à feu, mais qu'en est-il des dizaines de milliers de Canadiens qui cultivent la drogue pour eux-mêmes ou d'autres Canadiens? Méritent-ils une peine de prison obligatoire de six mois, particulièrement lorsqu'on sait que leur choix de drogue a des conséquences sur la santé relativement insignifiantes comparé à des drogues légales plus dangereuses et activement promues comme l'alcool et le tabac?
    Enfin, considérons le coût des peines de prison minimales obligatoires prévues par le projet de loi C-15. Je vais me limiter à la culture de la marijuana, ne calculant ainsi qu'une petite portion des montants que le contribuable devra verser pour financer l'exécution de cette nouvelle loi, mais c'est le domaine pour lequel nous avons de très bonnes données.

  (0850)  

    Une étude de la GRC de 2005 a recensé tous les cas avérés de culture de la marijuana en Colombie-Britannique de 1997 à 2003, soit un total de 14 483 cas dans la province au cours de cette période septennale, avec un peu plus de 500 individus incarcérés pendant une durée moyenne de cinq mois. La nouvelle loi imposerait au moins six mois de prison à quelque 14 000 Britanno-Colombiens de plus ou, en d'autres termes, 2 000 Britanno-Colombiens de plus par an. Le coût de cette incarcération serait d'environ 57 000 $ par an pour chaque détenu provincial, soit un total de 114 millions de dollars par an pour les cultivateurs de marijuana rien qu'en Colombie-britannique.
    En résumé, le projet de loi C-15 est une mesure mal conçue qui va probablement coûter à une province comme la Colombie-Britannique des centaines de millions de dollars par an en nouvelles cellules de prison. Je ne calcule même pas le coût de construction de ces prisons, mais il en faudra en construire rien que pour loger les cultivateurs de marijuana, parmi beaucoup d'autres.
    Je ne peux qu'espérer que les libéraux, le NPD et le Bloc Québécois vont se dresser et, s'ils ne sont pas prêts à rejeter purement et simplement le projet de loi, au moins y apporter des amendements qui résistent à l'épreuve du bon sens.
    Merci.
    Merci infiniment, et merci de ne pas avoir dépassé le temps imparti.
    Monsieur Gordon, je vais faire preuve d'un peu de souplesse avec vous également, car votre assistance à l'égard du projet de loi C-15 nous serait également utile.
    Bonjour à tous et à toutes. Merci de l'invitation. Je viens juste de réduire mon texte des deux tiers, et je demande votre patience.
    Je vais me concentrer sur cinq points.
    Premièrement, au cours de l'été 2006, j'ai rédigé un rapport pour le BC Progress Board sur la criminalité et la justice pénale en Colombie-Britannique. Il s'agit là, bien entendu, du cercle de réflexion du premier ministre sur divers sujets, principalement d'ordre économique.
    Entre autres choses, mon coauteur et moi-même étions chargés de déterminer les causes premières du crime et de la criminalité dans la province et de proposer des solutions, le tout en 40 pages. L'avis de la plupart de ceux que nous avons consultés pour ce projet, principalement des hauts fonctionnaires, des policiers, des universitaires et des représentants de l'industrie, est que les drogues et l'alcool sont les plus importantes causes des délits et de la criminalité en Colombie-Britannique.
    Rien n'indique que la situation ait changé depuis 2006. En particulier, les problèmes liés aux drogues ne semblent pas avoir changé. De fait, étant donné les éruptions de violence à Vancouver et dans des localités de la vallée du Fraser à l'automne 2007 et encore il y a tout juste quelques mois, tout pointe vers un problème croissant. Tant le côté offre que le côté consommation de l'industrie étaient perçus en 2006, et continuent d'être perçus aujourd'hui, comme responsables d'un grand nombre de délits, et le côté offre est très clairement dominé par des bandes organisées.
    Il fait peu de doute que la province est l'hôte d'un trafic de drogues illégales extrêmement bien implanté et hautement profitable. Il se développe régulièrement depuis maintes années et sans interruption notable. Il semble bien que la C.-B. soit un gros exportateur d'une forme de marijuana particulièrement puissante, commercialisée sous le nom de B.C. Bud, et que la principale direction du trafic soit nord-sud, vers les États-Unis. En direction nord, bien entendu, il y a le trafic de cocaïne, d'armes et de dollars américains.
    Nous avons isolé trois approches de ce problème, trois façons possibles de s'y attaquer.
    La première consiste à décriminaliser la marijuana en particulier, mais en réglementant et taxant l'industrie, avec à la clé des économies évidentes  — en fait, des gains — pour le gouvernement dans un certain nombre de domaines, ce qui serait couplé à une approche de la drogue et de la toxicomanie axée sur la santé plutôt que sur la répression.
    La deuxième possibilité est de lancer une guerre totale, planifiée et dotée de toutes les ressources nécessaires, contre les groupes criminels organisés impliqués dans le trafic de drogues illégales dans la province, de préférence en lançant des campagnes régionales, et en particulier à l'échelle de la région du Pacifique Nord-Ouest dans son entier car ce trafic transcende les frontières politiques.
    La troisième démarche était une combinaison des deux précédentes, commençant par un assaut contre le crime organisé. C'est, bien entendu, ce que nous proposons, soit une guerre contre le crime organisé, et non une guerre contre les drogues. Elle serait couplée avec une approche de la consommation et de l'abus de drogue axée sur la santé et une décriminalisation graduelle et une réglementation, en particulier de l'industrie de la marijuana.

  (0855)  

    Je vais vous demander de vous arrêter un instant. Nous avons un petit problème avec les services d'interprétation.
    D'accord. S'il vous plaît, ne me demandez pas de tout répéter. Je pourrais essayer de parler espagnol, si c'est utile.
    En fait, M. Ménard est bilingue. Il parle très bien l'anglais.

[Français]

    Il y a toujours une interférence.

[Traduction]

    Voulez-vous essayer de nouveau? Mais ne parlez pas de nouveau du gouvernement, ou je serai très triste.
    Des voix: Oh, oh!

  (0900)  

    D'accord.
    Il y avait donc trois possibilités. La troisième était une combinaison de décriminalisation et de la réglementation de l'industrie de la marijuana en particulier, jointe à un assaut contre le crime organisé.
    Dans notre rapport, ces trois options étaient simplement énoncées, sans recommandation. Mais il est clair que si une approche a été retenue par le gouvernement, c'est celle de l'option B, une guerre totale contre les bandes organisées. Et c'était prévisible pour différentes raisons.
    Le point suivant est que la mesure dans laquelle une guerre contre la criminalité organisée peut réussir dépendra très largement de la mesure dans laquelle elle est bien financée, adéquatement organisée et pleinement et stratégiquement planifiée. Malheureusement, tout indique que ces éléments n'ont pas encore été mis en place, la conséquence étant que rien n'a changé. C'est fondamentalement la même stratégie que celle que l'on a cherché à employer ces 10 dernières années.
    Des incursions périodiques ciblant des groupes particuliers — résultant souvent en une perturbation réussie mais temporaire du trafic — représentent de bons événements médiatiques. Elles causent des majorations temporaires du prix de détail des drogues dans les rues, augmentant les profits des fournisseurs, et, comble d'ironie, elles conduisent aussi à un accroissement des crimes contre les biens, puisque les toxicomanes s'efforcent d'acquérir plus de ressources pour satisfaire leurs besoins. Cela ouvre aussi de nouvelles possibilités à des organisations criminelles nouvelles et existantes de s'emparer d'une part de marché. Et je pense que nous avons vu ce phénomène à l'oeuvre au cours des derniers mois. Mais le problème est que l'industrie sous-jacente continue de prospérer, notamment du fait de l'importante demande des consommateurs de ce produit.
    La solution est donc de passer à une lutte mieux organisée contre la criminalité organisée. Dans cette province, c'est un problème chronique et crucial. L'une des difficultés est que nous n'avons pas en place une organisation unique pouvant opérer à l'échelle régionale pour combattre la criminalité organisée.
    Nous avions une telle organisation. Elle était connue sous le sigle CLEU, mais elle a été démantelée suite à un rapport de 1998 d'un comité présidé par Stephen Owen, un très éminent Britanno-Colombien. Ce rapport recommandait la mise en place d'un nouveau mécanisme de lutte contre la criminalité organisée dans la province. C'est ce qui a donné naissance à l'Organized Crime Agency of British Columbia, qui a connu un départ flamboyant — disposant apparemment de bonnes ressources prévisibles et d'une bonne organisation et dotée d'une stratégie claire, dirigée par Bev Busson, qui est ultérieurement devenue commissaire de la GRC. Donc, à première vue, c'était une organisation très utile.
    Cette organisation a disparu en 2004, pour des raisons que je n'ai pu encore déterminer. Les raisons de sa dissolution sont très mystérieuses. Elle a été remplacée par la Combined Forces Special Enforcement Unit et toute une série d'autres organisations et services policiers, qui à mon avis représentent un exemple classique de structure en silo. Je ne vois pas le type d'organisation policière qu'il faudrait réellement pour combattre la criminalité organisée, particulièrement en Colombie-Britannique.
    Et là-dessus, je vais m'arrêter.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Young. Vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour. Merci infiniment de m'écouter aujourd'hui.
    Je suis ici aujourd'hui comme coordonnatrice de Vancouver Citizens Against Crime. C'est une nouvelle organisation communautaire sans but lucratif et non partisane, fondée parce que les habitants de Vancouver sont très préoccupés par les tueries quotidiennes, déjà évoquées, et qu'ils veulent avoir une voix à Ottawa.
    L'une des missions premières du groupe est d'être cette voix et d'en faciliter l'expression. Nous travaillons actuellement à un mémoire et recueillons des avis et suggestions auprès du public, que nous soumettrons à votre comité d'ici la fin de mai. Je suis actuellement ici comme remplaçante d'une personne qui n'a pu venir, si bien que mon exposé ne sera pas aussi complet que je l'aurais voulu si j'avais eu un peu plus de préavis. Je vous prie de m'en excuser.
    Je veux simplement dire que, personnellement et professionnellement, j'ai grandi à Vancouver, travaillé dans le quartier « east side » du centre-ville et j'y ai fait du bénévolat pendant plus de 25 ans. Au cours de cette période, j'ai perdu beaucoup de jeunes, ainsi que des amis adultes et des parents, victimes du crime organisé. C'est ma passion et mon inquiétude qui m'amènent ici aujourd'hui. Sachez que j'ai fait mes premières armes dans ce quartier et y ai travaillé successivement pour Neighbourhood Houses Services, le Chinese Cultural Centre, la Strathcona Community Centre Association, S.U.C.C.E.S.S., et comme travailleuse des services à l'enfance au ministère des Affaires sociales, arpentant les rues du quartier east side.

  (0905)  

    Au cours de cette période, j'ai aussi accueilli dans mon foyer sept enfants, dont l'un est mort à l'âge de 21 ans d'une surdose de drogue dans east side. Être présente à ses funérailles a été l'une des pires choses que j'ai personnellement vécues.
    Je veux également vous faire part du fait qu'il y a 26 ans, comme présidente de la Strathcona Community Centre Association, j'ai fondé le groupe de travail sur les gangs et les jeunes à risque de Vancouver. À ce titre, nous faisions pression sur les autorités locales, provinciales et fédérales pour obtenir des crédits pour les jeunes à risque. Je suis heureuse de dire que ces efforts ont porté beaucoup de fruits et que nous avons reçu des crédits. Cela a été le point de départ de maints programmes que vous voyez aujourd'hui, tant à l'échelle provinciale que fédérale.
    Cependant, je suis aussi préoccupée de voir que, 26 ans plus tard, nombre de ces programmes semblent rester improvisés et, comme le dit M. Gordon, isolés dans des silos. C'est principalement de cela que je voulais vous parler aujourd'hui. Je considère que l'on obtiendrait de meilleurs résultats en faisant participer plus efficacement et appuyant la collectivité, notamment en créant un groupe de travail d'intégration communautaire. M. Boyd a parlé plus tôt d'une équipe de police communautaire à l'échelle régionale. Je pense que la communauté a un rôle à jouer dans le maintien de la sécurité dans nos quartiers.
    Si nous avions ce genre d'initiatives dans les collectivités à travers le Canada — en collaboration avec les services de police, bien entendu — je pense que nous pourrions renforcer et mieux intégrer nos collectivités et nos quartiers et y améliorer la sécurité. La police ne peut pas être partout. Je pense que nous avons eu tendance au cours des 10 à 15 dernières années à professionnaliser le crime, en ce sens que le problème est devenu de la seule responsabilité de la police. Le citoyen ordinaire ne sait pas où s'adresser pour déclarer des délits ni, s'il le fait, s'il va être en sûreté. Ce sont là des préoccupations valides.
    Deuxièmement, je voulais vous faire part d'une réflexion concernant les besoins actuels et futurs en matière de justice. Je pense qu'il faudrait peut-être revoir les priorités à cet égard, car comme nous le savons, la composition démographique du Canada change. Il nous arrive de nouveaux immigrants qui ne savent pas quels sont leurs droits et responsabilités, qui ne connaissent pas notre système judiciaire, nos systèmes policiers, etc. Là encore, l'éducation du public dans ce domaine — les traductions et la disponibilité de textes traduits — est très irrégulière.
    Cela se fait parfois ici et là, mais il n'y a pas de démarche cohérente et prospective pour joindre ces gens. Peut-être faudrait-il incorporer dans la Loi sur la citoyenneté un module justice, afin que lorsque les gens vont demander la citoyenneté, on puisse leur enseigner leurs droits et leurs responsabilités de citoyens en matière de justice. On pourrait revoir différentes choses dans ce domaine.
    Je voudrais dire également que...
    Madame Young, vous êtes arrivée à la fin de votre temps. Pourriez-vous conclure rapidement, s'il vous plaît?
    Certainement.
    En conclusion, beaucoup de membres de la collectivité et d'organismes de service m'ont dit que la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle doit être renforcée. Nous avons la tolérance zéro à l'égard de l'intimidation dans nos écoles, mais nous n'avons pas de tolérance zéro à l'égard de la possession ou d'actes criminels plus sérieux. Je pense que ce sont là des aspects généraux que l'on pourrait revoir afin d'améliorer et de renforcer le partenariat entre la population et la police dans nos collectivités.
    Merci.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Madame Humphreys, vous avez cinq minutes.
    Je suis Evelyn Humphreys, et je travaille pour S.U.C.C.E.S.S., l'une des plus grosses organisations sans but lucratif de la Colombie-Britannique.
    Il y a quatre ans environ, j'ai eu l'occasion de créer un programme intitulé A Chance to Choose, s'adressant principalement aux jeunes qui n'ont pas achevé leurs études secondaires. Nous nous penchons sur les obstacles à l'emploi que rencontrent les jeunes. Le programme est financé par Service Canada et il a pour objectif l'emploi. Cependant, nous constatons que nombre des jeunes ont eu affaire à la justice pour les jeunes et les adultes, et c'est l'une des barrières que nous examinons.
    En moyenne, les jeunes connaissent cinq obstacles à l'emploi notamment l'itinérance, la justice, l'absence de diplôme d'études secondaires, les difficultés d'apprentissage.
    Nous avons un taux de réussite largement supérieur à 80 p. 100, et 75 p. 100 de nos jeunes travaillent ou ont repris les études. Notre taux de réussite est réellement élevé.
    J'ai calculé quelques chiffres concernant notre dernière classe, car je pense que les chiffres sont importants. Sur les 36 étudiants concernés dans les trois villes, 16 ont eu affaire à la justice, neuf à la justice pour les jeunes et sept à la justice pour les adultes. Si vous considérez le coût, selon le directeur provincial des prisons, un jeune incarcéré coûte 300 $ par jour. Un adulte incarcéré coûte entre 100 $ et 170 $ par jour. Si vous faites le total, neuf jeunes à 109 000 $, cela fait 981 000 $. Les sept jeunes à 36 500 $ équivalent à 255 000 $. Faites le total, et vous avez un chiffre bien supérieur à 1 million de dollars. A Chance to Choose coûte 500 000 $ à administrer, et cela comprend le salaire des jeunes.
    L'une des choses que nous faisons extrêmement bien, l'un des éléments du programme, c'est l'apprentissage communautaire. Nous sortons les jeunes de leur milieu et les plaçons dans un environnement communautaire. Nous les sortons d'un milieu et les introduisons dans un autre.
    Cette idée nous est venue parce que j'ai eu l'occasion de travailler avec des adultes. L'un des messieurs qui venait chez moi m'a dit qu'il n'avait jamais vu encore de soirée où la drogue n'était pas présente. Il était âgé de 54 ans. Cela m'a amené à croire que si vous vivez dans un monde où l'on consomme de la drogue, la drogue fait partie de votre vie. Nous enlevons donc les jeunes de leur milieu et les plaçons dans un milieu nouveau. Cela marche extrêmement bien.
    Une autre chose que nous faisons, c'est d'écouter les jeunes. Nous avons une sorte de club Toastmasters, que nous appelons Speechcraft, où les jeunes ont l'occasion de communiquer entre eux et de raconter leur vécu.
    Si l'on parle de prévention, je peux vous relater le cas d'un jeune homme qui est arrivé et nous a raconté son histoire. À Noël, il était dans un foyer d'accueil et il a dit qu'il n'avait jamais été aussi seul de toute sa vie. Il n'avait pas d'arbre de Noël, pas de famille, rien. Il était assis là et nous a dit que c'était la journée la plus déprimante de sa vie. Le 1er janvier, il a rencontré son nouvel meilleur ami, un trafiquant de drogue, et très vite il a commencé à trafiquer. Il avait besoin d'argent. Ce jeune homme — heureusement — a été arrêté. Il a terminé en prison, ce qui était pire que le foyer, et il a abouti chez nous. Il travaille aujourd'hui et va très bien.
    Ce dont ont besoin ces jeunes gens, c'est de trouver ou de renouer le lien avec leur communauté.
    En outre, j'ai fait beaucoup de recherches sur la transition, et ce qui marge réellement bien c'est la transition entre l'adolescence et l'âge adulte. Si nous pouvons intervenir à ce niveau... mais souvent, c'est un aspect que l'on néglige. Lorsqu'ils sont en transition entre l'adolescence et la justice pour adultes, les jeunes ont tendance à faire le point de leur vie et à dire « Je ne veux pas rester là, je veux avancer ».
    Nous avons eu des membres de gangs et des délinquants violents. Tout le concept de A Chance to Choose a très bien marché à leur égard, car c'est une question de choix et de conséquences. Nous sommes très stricts sur les conséquences. Nous avons une politique d'absence de drogue et d'absence d'armes. Nous sommes très sévères avec les jeunes, probablement plus sévères que le système judiciaire.
    Ils viennent à nous parce que nous créons un environnement qui est sûr, qui est inclusif, où ils s'amusent. J'encourage réellement le comité à se pencher sur ce groupe de jeunes gens, à considérer le fondement communautaire et certaines des choses que nous avons créées avec A Chance to Choose, car cela marche, et cela marche bien.
    Nous avons eu l'occasion d'ouvrir un local l'an dernier dans le quartier east side du centre-ville. Malheureusement, nos crédits ont été coupés, et donc nous nous sommes retirés de l'east side. Cela me fâche réellement, car cela marchait vraiment bien.
    Nous fonctionnons avec un financement de Service Canada, sur une base annuelle. En quatre ans, je pense que nous avons eu une seule grosse interruption de service. Notre contrat pour 2009-2010 a été négocié, nous l'avons signé le 27 mars et il a pris effet le 30 mars. En l'espace de deux semaines, notre classe était remplie. Nous avions plus de 49 candidats. En moins de deux semaines, nous avons dû arrêter d'accepter des demandes parce que nous étions submergés. La demande est énorme pour ce type de programme.

  (0915)  

    Nous avons également eu des jeunes récidivistes. La semaine dernière, ce jeune homme est sorti de prison, c'était un délinquant violent, et son premier arrêt était chez A Chance to Choose. Nous lui avions envoyé son dossier en prison pour lui montrer ce qu'il avait fait de positif. Nous essayons de forger des atouts, et nous lui avons envoyé ses choses positives. Son premier arrêt à la sortie de prison était chez A Chance to Choose pour dire merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Miller, vous disposez également de cinq minutes.
    Bonjour. Je suis Michelle Miller et j'ai le privilège d'être la directrice générale de Resist Exploitation, Embrace Dignity, ou REED, une organisation autofinancée qui oeuvre pour un changement à long terme pour les femmes sexuellement exploitées.
    Cela fait 10 années que je me bats pour mettre fin à l'esclavage sexuel des femmes et des enfants, tant dans le quartier east side de Vancouver que dans les bidonvilles de Manille. Je vis également dans le quartier east side par solidarité avec les femmes marginalisées.
    Pas une seule fois n'ai-je rencontré une femme qui se prostitue par choix. La prostitution est l'une des activités les plus simples qui alimente le crime organisé, et c'est l'une des plus simples à faire cesser, en supprimant la demande d'accès sexuel au corps des femmes et des enfants. En plaçant la pleine responsabilité sur les clients, les usagers, les acheteurs et consommateurs de femmes et d'enfants, on peut et on va faire disparaître la demande.
    Dans la perspective des Jeux olympiques, nous avons décidé d'étudier les manifestations tenues à l'étranger pour voir comment elles se répercutent sur les femmes prostituées. Nous avons constaté qu'il se produit une poussée spectaculaire de la demande d'accès sexuel au corps des femmes et enfants lors des grandes manifestations sportives. En termes économiques crus, cela transforme la ville de Vancouver et Whistler en un marché qu'il faut approvisionner en produits. Ce marché, c'est l'industrie du sexe, et le produit, ce sont les femmes et les femmes marginalisées, qui sont déjà vulnérables à l'exploitation sexuelle.
    Nous savons déjà que Vancouver connaît un problème intraitable de trafic du sexe qui reflète la réalité mondiale plus large. On estime que 27 millions de personnes vivent en esclavage dans le monde, principalement dans l'exploitation sexuelle, ce qui rapporte quelque 32 milliards de dollars au crime organisé.
    La traite de personnes est l'industrie qui connaît l'expansion la plus rapide dans le monde et elle est la deuxième plus profitable, derrière seulement le trafic de drogue. La prostitution est l'une des activités les plus simples motivant et finançant le crime organisé, et l'une des plus simples à stopper en mettant fin à la demande. Des femmes et des enfants se voient recrutés, trompés, contraints et exploités, puis contrôlés par des viols, des coups, la toxicomanie et la torture psychologique pour les empêcher de s'échapper.
    L'âge moyen du recrutement dans la prostitution est de 14 ans. Ce que je vous dis peut choquer. C'est une réalité quotidienne dans la ville de Vancouver. Nous voyons des gangs contraindre routinièrement des filles à se livrer à la prostitution en se présentant comme leur petit ami. On fait venir par contrainte ou tromperie des femmes de l'étranger et on les réduit à l'esclavage sexuel, et des femmes et filles autochtones sont « recrutées », comme on dit, dans des réserves extrêmement pauvres et ensuite prostituées dans les rues.
    Bien sûr, on connaît bien les prostituées, on les a étudiées presqu'à la nausée. Mais avec quelle fréquence entendez-vous parler des acheteurs, de ceux qui alimentent le marché? Il est 8 heures du matin un jour de pluie à Vancouver, et je marche dans l'east side jusqu'à la maison d'un ami pour le petit-déjeuner. Sortant d'une allée, discrètement, un homme seul dans une fourgonnette marron, équipé d'un siège pour enfants à l'arrière, dépose une jeune Autochtone miséreuse qu'il a payée pour lui faire une fellation en route pour son travail. Ce soi-disant homme de famille a simplement mis de l'argent dans la poche d'un proxénète.
    Je pense à mon amie Courtney, qui a été prostituée alors qu'elle était petite fille dans un hôtel de Vancouver. Un gang a gagné des centaines de milliers de dollars en la vendant à des hommes avides d'abuser d'elle sexuellement. Ces agresseurs jouissent d'un anonymat complet tout en détruisant la vie des femmes et des enfants et en faisant gagner des tas d'argent aux organisations criminelles.
    Que l'on parle de la traite internationale ou intérieure de femmes, le consommateur qui crée le marché est le même. Qu'il s'agisse d'un achat immédiat sur le trottoir, du recours à une hôtesse, de pornographie sur l'Internet, c'est tout pareil. Cela alimente le trafic et fait gagner de l'argent aux organisations criminelles.
    Pourquoi ne pas ouvrir un dialogue afin de trouver des solutions qui supprimeraient la demande? Pourquoi ne pas demander ce qui cloche dans notre société et qui fait augmenter la demande de sexe d'exploitation? Les gens paient souvent la souffrance des femmes. Que se passe-t-il pour que la demande d'expérience sexuelle exploitante soit 10 fois supérieure à ce qu'elle était il y a cinq ans? Nous ne comptons pas les usagers et acheteurs de sexe. Nous ne leur demandons pas — et croyez-moi, ils sont visibles si l'on regarde bien — pourquoi ils achètent du sexe. Nous ne les étudions pas pour voir si c'est par pauvreté, par ennui, par alcoolisme. Nous ne cherchons pas les réponses qui nous diront pourquoi un homme achèterait une partenaire sexuelle qu'il peut frapper, violer, même tuer. La traite d'êtres humains fonctionne comme une criminalité organisée. Elle est silencieuse, cachée, secrète, et contrôlée par la menace de mort et le meurtre exemplaire.
    D'aucuns voudraient légaliser la prostitution, tablant sur le sentiment de culpabilité collectif au sujet des femmes disparues du quartier downtown east side. Ce serait une erreur totale. Nous nous y opposons fermement, et je vous prie d'écouter ce message. Ils se trompent grossièrement du point de vue de leur logique, de leurs tactiques et de leurs solutions. Réfléchissez-y.
    Premièrement, pour travailler dans un bordel, une femme devrait être libre de drogue. C'est exclu. La narcodépendance est indissociable de leur situation; c'est souvent le moyen de les maintenir là où elles sont.

  (0920)  

    Deuxièmement, elles devraient s'inscrire auprès des autorités et payer des impôts. Nul ne veut une archive de cette période de sa vie.
    Troisièmement, elles devraient subir des examens médicaux. La plupart de celles que je connais y échoueraient. Et notez que les examens de santé servent à protéger la santé et la sécurité des clients, non des femmes.
    Nous avons vu également que la violence normalisée telle que la prostitution met en péril la sécurité de toutes les femmes.
    Qui alors serait gagnant? La criminalité organisée. Travaillant impunément, ils deviendraient simplement des hommes d'affaires — adhéreraient à l'association de gens d'affaires locale, recruteraient vos filles dans les foires d'emploi du collège local. Ce serait également faire un cadeau aux clients. Tout pays qui a légalisé la prostitution a vu la demande s'accroître, une diversification de l'industrie et une prolifération des bordels clandestins.
    Bien que certains assimilent la légalisation des drogues à celle de la prostitution, il faut bien voir que le consommateur de drogue exerce son pouvoir sur une substance inerte, alors que dans la prostitution le consommateur use d'une personne en chair et en os qui ne veut pas être là, qui est esclave; c'est un être humain.
    Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps.
    Ce que nous préconisons, c'est la législation suédoise, qui décriminalise la vente de sexe et criminalise l'achat de sexe. Les résultats obtenus sont étonnants. Ce modèle a été récemment adopté par la Norvège et l'Islande, et la Grande-Bretagne a adopté quelque chose de similaire.
    Nous avons modifié les attitudes à l'égard de la conduite en état d'ébriété, du tabagisme et de la violence familiale. Nous pouvons réussir. La prostitution n'est pas la plus ancienne profession du monde, c'est la plus ancienne oppression.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Enfin, nous avons la société. Est-ce M. Wroe ou M. Oracle qui présentera l'exposé?
    Monsieur le président, je suis Bud the Oracle, juge en chef de la Unincorporated Deuteronomical Society.
    Que la paix règne sur cet hôtel et le Comité de justice des droits de la personne de la Chambre des communes.
    En résumé, le jugement de notre société est que la prohibition et votre Loi réglementant certaines drogues et autres substances représentent des politiques inefficaces qui empiètent sur le droit de possession pacifique dont chacun devrait jouir. La politique de votre société ne respecte pas ce droit. Vous opprimez violemment des membres de votre propre société autrement respectueux des lois. Le crime organisé, c'est la politique même de votre société.
    En ce qui concerne les drogues, la politique de votre propre gouvernement est ce qui fait prospérer le marché noir. En l'absence de votre politique, des entreprises réglementées fourniraient les drogues en fonction de la demande, comme c'est le cas de tout autre produit. Votre politique a coupé, et va continuer de le faire, des hommes et des femmes de votre société et de votre gouvernement.
    Pour étoffer notre point de vue, je vais maintenant céder la parole à notre registraire, M. Robin Wroe.
    Je ne suis pas monsieur; je suis juste Robin.
    Merci, juge en chef.
    Notre position à l'égard du projet de loi C-15 et de la prohibition des drogues en général est très simple.
    Des sociétés comme la vôtre gouvernent leurs membres avec leur consentement. Le crime de drogue n'est pas réellement un crime du tout du point de vue de la nécessité. C'est un quasi-crime ou un crime mala prohibita, à égalité avec une loi qui interdirait l'importation de laine et pas du tout à égalité avec, par exemple, le précepte divin qui interdit le meurtre. J'ajouterais également que je tiens l'esclavage en bien plus mauvaise considération que la possession de drogue ou d'autres choses, pour faire référence aux propos de Mme Miller.
    Quoi qu'il en soit, la rhétorique voulant que les drogues détruiraient singulièrement des vies est fondamentalement odieuse. Il existe un grand nombre de raisons non destructives de consommer des drogues. De nombreux êtres humains usent de drogues parce qu'elles améliorent leur bonheur ou leur qualité de vie. D'autres êtres humains usent de drogues pour produire une expérience spirituelle, esthétique et interpersonnelle magnifiée.
    Dans un commentaire sur le « DOB » dans le livre PiHKAL d'Alexander Shulgin, l'une des amphétamines devant être inscrite en annexe — le DOB, par exemple — en dose de trois milligrammes, l'expérience a été décrite en ces termes:
    « Merveilleux. Une sacrée bonne expérience, et je ne peux comprendre pourquoi nous avons attendu neuf ans pour essayer cette magnifique chose. Sans entrer dans les détails cosmiques et délicieux, disons simplement que c'est une excellente substance et un bon niveau ».
    Pourquoi une telle chose devrait-elle être prohibitivement inscrite? Chacun a son goût personnel. Certains préfèrent les automobiles, et les usagers des automobiles font l'objet d'une réglementation, et il n'y a aucune raison pour que votre société ne puisse pas, au pire, appliquer une sorte de permis gradué à l'achat et la dispensation de drogues, avec une formation instruisant sur le risque statistique calculé de la consommation de drogue. Au mieux, votre société laisserait à chacun le choix de son régime alimentaire au lieu d'utiliser des instruments répressifs de contrôle diététique.
    En outre, l'abrogation de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances recanaliserait un flux de revenus qui alimente actuellement le crime organisé. L'abrogation de cette loi dirigerait ce flux vers des entreprises légitimes, réglementées, assujetties à la législation sur les droits de la personne et à toutes les autres règles d'un lieu d'emploi moderne. Ces entreprises légitimes régleront leurs différends en ayant recours aux tribunaux plutôt qu'aux armes à feu.
    L'abrogation de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances privera le crime organisé de revenus importants. Le maintien de la loi préservera ces revenus du crime organisé.
    Des hommes et des femmes inoffensifs n'ont pas à se laisser gouverner par ceux qui veulent leur nuire en les mettant en prison. Si l'appartenance à une société devient nuisible au bonheur, les hommes et les femmes peuvent quitter cette société et former leur société propre régie par ses lois propres. Bien sûr, ils ne peuvent faire de loi annulant la gravité, ni déroger à certains comportements coutumiers. Cependant, ces derniers n'ont rien à voir avec la possession ou la non possession de plantes ou substances particulières.
    Pourquoi un fumeur de marijuana raisonnable consentirait-il à être gouverné par une société qui maintient la Loi réglementant certaines drogues et autres substances? Pourquoi ne consentirait-il pas plutôt à être gouverné par une société qui respecte sa transaction pacifique avec un fournisseur de son choix? Si votre société n'assume pas son devoir de réglementer les fournisseurs de drogues qui ne font que répondre à la demande, pourquoi une ou des sociétés autres ne combleraient-elles pas cette lacune?
    Je vais citer un passage de notre résumé du projet de loi C-15, brièvement, pour faire ressortir un élément qui nous paraît important. Il met en lumière le manque de soin de la rédaction du projet de loi C-15.
    En ce qui concerne l'ajout de l'amphétamine et de ses analogues à l'annexe 1 de la loi, nous nous demandons pourquoi vous avez inclus la version bromée et chlorée de la diméthoxy-2,5 chloroamphétamine, mais avez exclu l'analogue diméthoxy 2,5-4 iodoamphétamine. Cela nous amène à nous interroger sur les principes qui ont présidé à la rédaction de l'annexe 1 proposée.

  (0925)  

    Pour conclure notre déclaration, la prohibition est une politique sociale inefficace qui nuit aux membres de votre société canadienne. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances est l'instrument qui crée le marché des drogues exploité par la criminalité organisée. L'abrogation de cette loi aurait également l'avantage de libérer une partie de vos ressources judiciaires limitées. En l'absence d'abrogation, nous déclarons que les hommes et femmes peuvent former leur propre gouvernement respectueux de leur droit et bonne coutume et de ne plus rien avoir à faire avec vous, ce qui serait dommage car le Canada est une bonne idée. Cependant, il n'est pas une idée obligatoire.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Nous commencerons par un tour de sept minutes.
    Monsieur Dosanjh, vous avez la parole en premier.
    Tout d'abord, merci à vous tous de comparaître.
    Je vais poser trois questions à trois personnes, et j'espère que vous respecterez la limite de temps. Je ne dispose que de sept minutes.
    La première question s'adresse à Mme Miller.
    En ce qui concerne la prostitution, nous avons des lois. Nous avons une loi interdisant la sollicitation. Nous avons une loi réprimant le proxénétisme, le fait de vivre des produits de la prostitution. En outre, les clients ne sont évidemment pas poursuivis pour l'acte d'achat. Pouvez-vous vous montrer créative pour moi et me dire pourquoi, avec toutes les lois en place, nous n'avons pas réussi à régler ce problème...? Je peux vous dire que j'en entendais beaucoup parler lorsque j'ai été PG ici pendant quatre ans et demi. Premièrement, s'agissant de simplement criminaliser l'achat, dans quelle mesure cela sera-t-il facilement applicable? Et dans quelle mesure cela sera-t-il efficace?
    Je pense que ce sera efficace partiellement du fait de la seule existence de cette loi; je pense que c'est un message sociétal fort disant que ce n'est pas tolérable. Je pense qu'une étape consiste à stigmatiser l'acte. Cela va-t-il disparaître demain? Non.
    En ce moment, je trouve que nous avons un pot-pourri de lois plutôt inefficaces. Nous considérons qu'il faut placer le blâme sur l'acheteur. Pour je ne sais quelle raison, le mal reste relativement invisible et l'on n'en parle pas vraiment. Je pense qu'il est important de rendre plus visible le mal que cause la prostitution. Mais pour ce qui est de l'effet des lois, on a obtenu des changements réellement spectaculaires en Suède en criminalisant les acheteurs, en décriminalisant les femmes et en ayant des programmes de sortie, et en sensibilisant à l'existence de ces lois. La raison en est, en partie, qu'elles ont été amalgamées avec les dispositions sanctionnant le viol, et la prostitution a été assimilée à un acte de violence contre les femmes.

  (0930)  

    Dites-vous qu'en droit la prostitution devrait être l'équivalent du viol?
    Oui.
    Je vois M. Boyd se lever pour répondre.
    Ma prochaine question concerne la criminalité organisée. Cette étude est menée dans le contexte de la criminalité organisée. Quelle serait votre première priorité si nous voulons entamer la criminalité organisée? Les politiciens ne peuvent faire 200 choses à la fois.
    C'est une question difficile.
    D'une part, il y aurait un accroissement des ressources consacrées à la lutte contre le crime organisé et l'amélioration de la prévention. Je pense que la focalisation sur la répression est mal venue. Je ne pense pas du tout qu'elle soit productive, au bout du compte, car nous avons déjà des sanctions très dures en place. Voilà pour un volet du continuum.
    L'autre volet du continuum consiste à revoir notre réglementation des drogues. Comme je l'ai dit dans mon exposé, vous pouvez réglementer toutes les drogues de différentes façons et vous aurez quand même de la criminalité organisée, du fait d'autres aspects et d'autres activités que les organisations criminelles peuvent entreprendre. Mais je pense que le cannabis soulève une question intéressante. Un membre de votre propre parti a déposé un projet de loi visant à décriminaliser la culture et la possession. Donc, d'une part, il semble qu'il faille faire une distinction entre le cannabis lui-même et le commerce illégal de cannabis. C'est ma génération qui a été la première à entrer en contact avec lui. Pendant 40 ans, nous avons dit à nos jeunes gens que c'est un délit criminel. Je m'intéresse beaucoup à l'exécution des lois et j'ai beaucoup de contacts avec la police. C'est l'un des domaines qui lui pose problème.
    Je pense donc que les deux volets de la solution de ce problème sont, d'une part, de consacrer beaucoup plus de moyens à la prévention et à l'application de la loi, et d'autre part, de réfléchir à ce que nous pouvons réglementer et à quel message nous pouvons envoyer au sujet des drogues légales et illégales qui soit logique et cohérent.
    Est-ce que la première priorité serait de décriminaliser?
    Je dirais que les deux sont des priorités. Ce n'est pas qu'un volet soit plus important que l'autre.
    Monsieur Gordon, cela fait quelque temps que l'on parle de régionaliser la police. Lorsque j'étais procureur général, j'avais besoin de me défouler de temps en temps. J'ai déclaré publiquement que je n'avais manifestement pas le courage politique de contraindre les municipalités à adopter la police régionale, car c'est en gros ce qu'il serait nécessaire de faire en Colombie-Britannique. Je me souviens qu'il y a deux mois environ, lorsque j'ai fait une remarque en ce sens, il y a eu tout un tollé dans les municipalités qui étaient furieuses à l'idée qu'on le leur impose.
    Il est important d'avoir une police régionale. Je suis d'accord avec vous. Mais comment y parvenir? Vous vivez en Colombie-Britannique depuis longtemps. Vous connaissez les frictions politiques entre le Lower Mainland et le Grand Vancouver. C'est cela l'obstacle. Que pouvons-nous mettre en train pour y arriver? Il n'y a même pas encore de début.
    C'est vrai, et le statu quo l'emporte, et nous approchons rapidement de 2012, année où le contrat avec la GRC sera renouvelé, à moins que nous puissions négocier une solution de remplacement.
    C'est une vaste question. Il se pose deux problèmes.
    Premièrement, nous parlons là essentiellement de fusionner les services de police dans les deux grandes agglomérations: Victoria, et surtout Vancouver. On aurait ainsi un service métropolitain unique pour ces deux zones urbaines séparées. Voilà ce qui suscite le plus de résistance de la part des maires des municipalités, à quelques exceptions près.
    La solution à cela, très franchement, est que la province saisisse le taureau par les cornes et aille de l'avant et le fasse et, malheureusement, essuie certaines des conséquences. Mais si c'est fait la première année, comme vous le savez bien, qui suit une élection, le temps de sortir de la zone verte et d'entrer dans la zone orange, vous en êtes déjà à la troisième année et la plus grande partie des récriminations se seront calmées et les gens commenceront à voir les avantages. Mon conseil aux politiciens à ce sujet est de commencer à prévoir comment le faire dans l'année qui suit immédiatement l'élection et ensuite de juste encaisser le choc. En fin de compte, ce qui va se passer, c'est que l'électorat va réaliser que c'est effectivement la meilleure solution.
    Il s'agit donc d'amalgamer les services de police des zones métropolitaines. Au-dessus, vous avez les services de second niveau. Ce sont les services de police de deuxième palier ou de deuxième niveau. La police de deuxième niveau couvre la région. On confond souvent ces termes.
    Lorsque je parle d'une réponse régionale à la criminalité organisée, je parle d'une réponse à l'échelle de la province, mais qui s'étend aussi à l'État de Washington et aux services américains, ainsi qu'à l'Alberta, car le trafic de drogue dans cette région du monde est très certainement un trafic régional, et sauf mon respect à ceux qui se soucient de la traite de personnes — c'est mon cas aussi — c'est le trafic de drogue qui alimente les opérations en ce moment. Si nous pouvions nous y attaquer à l'échelle régionale — et cela supposera d'avoir le type d'agence contre le crime organisé que vous avez créée en 1999 capable de fonctionner de manière intégrée, organisée, avec un financement adéquat et une reddition de comptes — nous ferons des progrès énormes. Mais à l'heure actuelle, nous sommes dans un système à silos et je ne pense pas que ce soit efficace. Je pense que beaucoup de policiers en exercice admettront que ce n'est pas efficace. Et vous aurez des gens qui vont défendre le statu quo.

  (0935)  

    Merci.
    Je vais passer à M. Ménard. Vous avez sept minutes.
    Je vais parler français.

[Français]

    J'ai beaucoup apprécié le témoignage de M. Boyd.
    Vous nous avez dit qu'à partir de 1967, il y a vraiment eu des mises en accusation massives. Si j'ai bien compris, vous avez parlé de 40 000 Canadiens alors qu'auparavant, il y en avait 1 000. Alors, j'aimerais que vous reveniez sur cette statistique.

[Traduction]

    [Note de la rédaction: difficulté technique]
    Peut-être pourrions-nous passer à M. Comartin d'abord, car le technicien a un problème avec le canal de traduction du français à l'anglais.

[Français]

    Allez-vous revenir à moi?

[Traduction]

    Puis-je laisser ma ligne? Je suis un être humain aussi.
    Des voix: Oh, oh!
    Le problème est qu'ils vont devoir intervertir, mais pendant ce temps il n'y aura pas de transmission sur Ottawa et il n'y aura pas d'enregistrement numérique ou analogique de cette partie de nos délibérations.
    Voyons voir ce que pensent les membres. Êtes-vous d'accord... [Note de la rédaction: difficulté technique]... enregistrement officiel? Il nous faut un consensus.

  (0940)  

    Nous sommes un comité de la Chambre des communes. Il faut que ce soit officiel. Si ce n'est pas officiel et régulier, c'est une insulte à ceux qui sont venus nous rencontrer et aux membres du comité.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.

    


    

  (0950)  

    Nous reprenons la séance.
    Monsieur Ménard, je pense que les difficultés techniques sont réglées. Nous allons reprendre au début, et vous disposez donc de sept minutes.

[Français]

    J'ai beaucoup apprécié votre intervention, monsieur Boyd, et je souhaiterais échanger avec vous au sujet de trois idées. Vous savez que le comité entreprend une étude sur la question du crime organisé. En ce qui concerne le crime organisé, on n'est jamais tellement loin de la question des drogues, quand on aborde ce sujet.
    Pourriez-vous nous rappeler les statistiques? Vous sembliez dire qu'il y a eu comme une coupure entre la période avant 1967 et celle après 1967. Si j'ai bien compris, vous parliez de 1 000 mises en accusations et de 10 000 à partir de 1967. J'aimerais que vous nous rappeliez combien toute la stratégie prohibitionniste a été un échec et combien on s'enlise dans une voie extrêmement douteuse avec le projet de loi C-15. Il y a toutes sortes de scénarios qui nous ont été soumis en comité parlementaire.
    Alors, je vous pose mes trois questions et je n'aurai plus à prendre la parole. J'aimerais connaître votre point de vue et celui de vos collègues au sujet de l'idée suivante. Ce comité pourrait recommander d'établir une liste des organisations criminelles, mais tout cela serait balisé. Par exemple, vous savez que malgré le fait que trois cours de justice aient déclaré que les Hells Angels constituent une organisation criminelle aux termes des articles 467.11, 467.12 et 467.13 du Code criminel, chaque fois, lorsqu'il y a des procès qui concernent les Hells Angels, la Couronne doit recommencer et faire la preuve que c'est une organisation criminelle.
    Alors, on jongle avec l'idée de dresser une liste qui, une fois qu'il y aura une déclaration judiciaire, permettrait de dire que telle organisation a le statut d'organisation criminelle. Croyez-vous que ce soit quelque chose qui pourrait être utile dans la lutte contre le crime organisé?
    S'il me reste du temps, je reviendrai sur l'infiltration du crime organisé dans l'économie légale, parce que je pense que ce sera le défi des cinq prochaines années. J'aimerais donc entendre votre opinion sur ces questions.

  (0955)  

[Traduction]

    Merci.
    En ce qui concerne le prohibition, il se trouve que jusqu'en 1967 nous n'avions que 1 000 condamnations par an pour possession, distribution et culture de toutes les drogues illégales combinées. Il faut donc se demander pourquoi c'était si différent? Pourquoi, dès 1976, avions-nous 40 000 condamnations rien que pour possession de marijuana?
    Pour expliquer cela, il faut comprendre la nature du tourisme mondial. Seuls les riches pouvaient voyager dans le monde jusque vers le milieu des années 1960. Ils allaient dans des pays comme la Thaïlande et la Colombie et ramenaient avec eux les drogues du tiers monde.
    Nous avions toujours eu nos drogues du premier monde, l'alcool et le tabac. De fait, lorsque nous avons criminalisé l'opium en 1908, ce n'était pas après un débat éclairé sur ses méfaits. La loi elle-même a été introduite par le ministre du Travail et il a déclaré à la Chambre des communes: « Quelque chose de bon sortira quand même de cette émeute ». En effet, il y avait eu une émeute anti-asiatique très virulente à l'automne 1907 qui a conduit à la criminalisation de l'opium.
    Cela faisait 40 ans que l'on fumait de l'opium en Colombie-Britannique et l'on en vendait à Vancouver, à Victoria et à New Westminster. De fait, en 1885, une enquête de la Cour suprême sur l'économie locale a conclu qu'il était beaucoup moins nocif que l'alcool. L'enquête a jugé que la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes, qui avait été formée pour lutter contre la violence de maris ivres, avait raison de considérer l'alcool comme un problème plus sérieux en Colombie-Britannique que la consommation d'opium.
    Voilà donc comment nous en sommes venus à légaliser certaines drogues et à rendre d'autres illégales. Ce n'est pas à cause d'un débat public éclairé sur les conséquences pour la santé, mais pour des raisons d'ordre historique, politique, culturel et économique. Les drogues du premier monde sont considérées bonnes. On voyait jadis dans une annonce du magazine Life un médecin en blouse blanche et stéthoscope et le slogan: « Davantage de médecins fument des Camels que tout autre cigarette ». Et on montrait à côté une table d'espérance de vie, démontrant que depuis les années 1920 et l'avènement de la cigarette moderne, l'espérance de vie avait augmenté. Ce ne serait pas jugé crédible aujourd'hui. Nous avons donc utilisé un modèle de réglementation à l'égard du tabac — une éducation de santé publique agressive, la protection des droits des non-fumeurs — et nous avons accompli beaucoup.
    Donc, mon argument au sujet de la prohibition est le suivant. C'est réellement le cannabis qui pose le plus gros problème. Ce marché représente de 10 à 20 fois celui de toutes les autres drogues illégales réunies. Le marché de l'héroïne et de la cocaïne... Nombre des pays d'Europe occidentale qui ont adopté des méthodes novatrices constatent que la consommation d'héroïne, avec la délivrance sur ordonnance et la consommation supervisée et ainsi de suite, est en recul chez les jeunes. Ce n'est plus une drogue de prestige.
    Je pense donc qu'il faut distinguer entre les drogues et réfléchir soigneusement. C'est ce que nous avons fait avec l'alcool et le tabac. Il reste encore beaucoup de travail à faire concernant l'alcool. On voit des annonces... Quoi qu'il en soit, je pérore.
    Excusez-moi, j'aimerais savoir ce que vous pensez au sujet des Hells Angels.

[Français]

    C'est la deuxième question. J'aimerais aussi connaître le point de vue des autres invités. Que pensez-vous de l'idée d'une liste d'organisations criminelles que la Couronne pourrait utiliser?

[Traduction]

    Je serai bref à ce sujet. Si vous obtenez des jugements de la Cour suprême disant que certains groupes sont des organisations criminelles, cela pourrait régler la question. Néanmoins, comme vous le savez, il peut arriver que les groupes changent au fil du temps et que ce qui était jadis une organisation criminelle n'en soit plus une dans le futur. C'est donc délicat.
    Beaucoup de ceux qui critiquent hautement les Hells Angels pensent que la meilleure façon de les combattre, c'est individuellement, plutôt que comme organisation criminelle. Mais c'est là un long débat pour un autre jour.

[Français]

    Monsieur Gordon, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Ce serait effectivement un problème. Le problème majeur, bien sûr, c'est de mettre à jour la liste des organisations. À première vu, ce semble une idée très utile. Mais je pense que les groupes soit changeront de noms soit cesseront d'en porter un.
    Ce qu'il faut comprendre aussi, au sujet du trafic de drogue en Colombie-Britannique — et c'est évidemment mon premier point focal — c'est qu'il n'est pas le fait d'une seule organisation, ou même d'une poignée d'organisations, mais plutôt celui d'un grand nombre de groupes dispersés. C'est pourquoi il est inexact en réalité de les qualifier de gangs. Ce ne sont pas réellement des gangs au sens traditionnel. Vous avez des noyaux de criminels, de groupes organisés, qui sont impliqués dans différentes strates de l'industrie. Certains s'occupent de financement et d'acquisition de biens immobiliers, d'autres s'occupent de la culture et de la production des drogues en général, et d'autres s'occupent de la distribution. Ils se forment en fonction de l'appartenance ethnique et culturelle. Il n'y a pas moyen de vraiment identifier aucun de ces groupes.
     Ils n'ont pas de nom. Si vous avez remarqué, les individus récemment arrêtés à Vancouver étaient qualifiés de membres de groupes. Ils ne portent pas de nom particulier. Un groupe a été appelé groupe Shanghera. Il y a à cela une très bonne raison, à savoir qu'ils ne laissent tout simplement pas identifier de cette façon.
    Donc, ce qui peut paraître utile, pourrait s'avérer beaucoup moins utile que vous le croyez.

  (1000)  

    Merci.
    Nous allons passer à M. Comartin, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Professeur Gordon, dans le cadre de notre breffage préparatoire à ces audiences, nous avons reçu des documents provenant de la Colombie-Britannique. Pour ce qui est des équipes d'intervention et d'une lutte intégrée contre la criminalité organisée, ou les gangs, on retire de ces documents l'impression qu'avec l'équipe d'intervention contre les gangs en uniforme — et il est fait mention d'une autre équipe encore — il n'existe pas dans la pratique le phénomène des silos, ici, en C.-B. Je dois dire que lorsque je suis arrivé ici, j'avais l'impression contraire, et lorsque j'ai reçu cette documentation, j'ai été un peu surpris.
    Dans quelle mesure cette impression que la province abandonne les silos et opte plutôt pour une forme d'action organisée, intégrée, contre la criminalité organisée est-elle exacte?
    Je pense que votre impression initiale était la bonne. Malheureusement, je ne vois pas de démantèlement des silos; au contraire, je les vois proliférer.
    Permettez-moi de vous donner un exemple rapide. Il existe la Combined Forces Special Enforcement Unit, chargée de la lutte contre le crime organisé dans la province. Elle fonctionne à un niveau donné. Vous avez également l'Integrated Gang Task Force, constituée initialement pour s'occuper des gangs de jeunes. Elle fonctionne à un autre niveau. Vous avez l'Integrated Homicide Investigation Team qui, entre autres, fait enquête sur les homicides liés aux gangs. Elle opère à un autre niveau encore, sans comporter, je le signale, de membres des trois principaux services de police municipaux: celui de West Vancouver, celui de Vancouver, qui est le plus gros de la région, et celui de Delta. Et je pourrais multiplier les exemples. Même au sein de la GRC elle-même, vous verrez que différents groupes ou équipes sont chargés de différents aspects de ce qui constitue la criminalité organisée.
    Je réfute donc l'affirmation qu'il existerait le niveau d'organisation requis pour lutter efficacement contre la criminalité organisée. Nous avons besoin d'une organisation unique, sous contrôle provincial, qui opère à l'échelle régionale. Et je me battrai pour cela jusqu'au bout.
    Par rapport à ce que fait la Colombie-Britannique, pouvez-vous nous donner une idée de ce que font les autres provinces ou les autres grandes municipalités d'autres régions du pays, par comparaison?
    Considérons l'Ontario ou le Québec, et là vous verrez une intégration des services plus poussée. On y a admet que la GRC joue un rôle clé, assumant la fonction policière au niveau principalement fédéral, ce qui comprend la lutte contre le crime organisé à l'échelle internationale. Ensuite, vous avez des services de police provinciaux qui couvrent toute la province concernée, avec des services régionaux, comme le service régional de Montréal. C'est une structure de lutte contre la criminalité organisée beaucoup plus efficace.

  (1005)  

    J'ai une question de nature technique, professeur Gordon. J'ai eu l'impression que vous aviez des notes beaucoup plus détaillées. Est-ce qu'elles se présentent sous la forme d'un mémoire que vous pourriez remettre au comité?
    Ce sera avec plaisir, oui.
    Merci.
    Professeur Boyd, pour ce qui est de l'idée de décriminaliser ou même de légaliser et réglementer la marijuana, le cannabis, est-il raisonnable de penser que nous pouvons faire cela au Canada, si les États-Unis...
    On ne peut certainement pas légaliser. C'est pourquoi il est juste de dire que c'est un problème qui appelle une solution globale. En revanche, on peut faire un tour d'horizon du monde et voir beaucoup de pays ayant décriminalisé.
    Il existe un projet de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi de Keith Martin n'est pas très différent du projet de loi C-17 du précédent gouvernement libéral, qui aurait décriminalisé la culture et la possession de petites quantités de marijuana. L'idée derrière cela, particulièrement s'agissant de la culture, est que l'on diffuse en gros le message que l'on ne veut pas une vilaine activité criminelle organisée sur le plan de la distribution de la marijuana; en revanche, nous sommes prêts à faire une distinction entre cela et la consommation de marijuana par des adultes consentants et la culture de marijuana à des fins personnelles.
    On pourrait donc emprunter cette voie. Vous savez certainement qu'aux Pays-Bas la décriminalisation de facto a amené des taux de consommation beaucoup moindres chez les jeunes et dans tout les segments de la population.
    Permettez-moi de vous interrompre. Ce que j'essaie de mettre en lumière ici, c'est que 80 p. 100 de la marijuana cultivée, produite au Canada, est destinée aux États-Unis. Donc, même avec le projet de loi de Keith Martin ou le projet de loi libéral antérieur, ce marché subsistera et nous serons toujours confrontés à la présence d'organisations criminelles sur ce marché.
    Je crois que c'est juste. Je ne vois aucun moyen de contourner cela.
    Je ferais valoir deux choses. Premièrement, le Sénat, avec le rapport présenté par le comité de Pierre Claude Nollin, a argué que l'on pourrait avoir — et a préconisé — de très fortes sanctions pénalisant la distribution aux États-Unis. Il s'agit de faire preuve d'esprit pratique. Dans le même temps, il faut savoir que seuls 3 p. 100 du cannabis consommé aux États-Unis vient de Colombie-Britannique ou du Canada plus généralement. Nous ne sommes donc pas les principaux fournisseurs. Les principaux fournisseurs aux États-Unis sont des cultivateurs aux États-Unis.
    Cela dit, oui, la solution doit être globale. Le président Obama a récemment mis un terme aux descentes policières dans les installations de marijuana médicale. Si je regarde ce qui se fait dans des endroits comme San Francisco, j'ai l'impression que l'on assiste à une sorte de décriminalisation de facto.
    Je ne recommanderais à aucun ministre de la Justice de légaliser. Je pense que ce serait inapproprié. Mais je pense que décriminaliser la culture ou la possession personnelle de petites quantités fait passer le message, alors que le projet de loi C-15 ne fait pas cette distinction. Je pense qu'il le pourrait. Je pense qu'il pourrait être amendé de façon à établir les distinctions que nous aimerions voir, que la plupart des Canadiens aimeraient voir.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Rathgeber. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de leur présence ce matin.
    Monsieur Boyd, je conviens que l'importation et l'exportation de drogues est un problème mondial. Peut-être savez-vous ou peut-être avez-vous lu — je crois savoir que la Hollande, les Pays-Bas, vont en fait aller dans la direction inverse; ils tentent, par des mesures législatives, de restreindre de nouveau la disponibilité de marijuana et de haschich. Voilà ma question.
    Ils cherchent à limiter la quantité que les gens peuvent acheter, ils le font depuis 10 ou 15 ans, principalement à cause des doléances exprimées par la France et d'autres pays européens. Mais si vous regardez autour de vous, vous verrez toute une mosaïque d'approches différentes. Dans certaines régions d'Allemagne, par exemple, il y a décriminalisation à toutes fins pratiques: vous êtes autorisé à posséder, sans être sanctionné, un certain nombre de grammes du produit — alors qu'en Bavière, une autre région de l'Allemagne, l'approche en est davantage une de prohibition en droit pénal. Le Portugal a récemment opté pour la décriminalisation. L'Italie en a fait autant. C'est donc toute une mosaïque.
    Je pense que ce dont nous avons réellement besoin, en fin de compte, c'est évincer les organisations criminelles de ce commerce, et je ne pense pas que le Canada puisse le faire seul. C'est un problème global qui appelle une solution globale. Mais il est sûr que le retour en arrière est davantage dû à la résistance de certains voisins et aussi au souci d'exercer un certain contrôle afin que les cafés ne deviennent pas juste une devanture pour des réseaux de distribution de plus en plus nombreux.

  (1010)  

    J'ai écouté très attentivement vos remarques liminaires et vos réponses aux questions de mes collègues d'en face. Je suis curieux quant aux raisons de votre opposition au projet de loi C-15, et j'ai cru comprendre qu'elle est motivée en grande partie par l'imposition de peines minimales obligatoires. Ai-je raison?
    C'est juste.
    Alors, le récidivisme étant ce qu'il est — nous voyons des gens traduits devant le tribunal des drogues à Edmonton avec 15, 20, parfois 30 condamnations antérieures — comment combattre le récidivisme en l'absence de peines minimales obligatoires?
    Je pense que ce qui est fondamental ici, c'est de décider si l'usage de drogues représente un problème de moralité relevant du droit criminel ou un problème de santé publique. Si nous pensons que c'est un problème de santé publique... et c'est ce qui me ramène à l'idée qu'il faudrait mettre toutes les drogues légales et illégales sur la même page. Le tabac cause 35 000 décès par an. C'est la drogue la plus accoutumante que l'on connaisse. Il existe deux drogues que je recommanderais aux gens de ne jamais ingérer: l'héroïne et le tabac. Il faut commencer à comparer les drogues légales aux drogues illégales. Il faut les mettre sur la même page. Faire autrement n'a pas de sens.
    Je ne crois donc tout simplement pas que le modèle de la répression pénale soit la solution la plus productive. Cela dit, il y a des exceptions. Je suis d'un naturel prudent. Je vois des exemples ailleurs dans le monde et je constate que la décriminalisation du cannabis peut marcher sans aggravation de la difficulté. Je vois qu'avec l'héroïne on peut utiliser la distribution sur ordonnance et d'autres mécanismes pour lutter contre cette forme de toxicomanie. Je n'ai pas encore vu de façon efficace de combattre le crack et le crystal meth autrement que par la prohibition, et je reste donc favorable à l'interdiction de ces substances.
    D'accord, alors parlons-en. Vous et moi pouvons discuter de la question de savoir si c'est une question de moralité ou de santé, alors occupons-nous des drogues dont nous convenons qu'elles devraient être prohibées. Dans le cas de ces substances, l'héroïne, le crystal meth, que vous venez de citer, n'êtes-vous pas en faveur de peines minimales obligatoires pour ceux qui trafiquent...
    Eh bien, encore une fois, je ne suis pas opposé à des sanctions dures pour la distribution de crystal meth, étant donné les résidus toxiques déposés. De fait, si vous prenez les tribunaux, ils établissent une distinction très claire entre ceux impliqués dans la production de crystal meth et ceux impliqués dans la production de cannabis.
    Pour ce qui est de l'héroïne, encore une fois, je pense qu'il y a de meilleures façons de régler le problème que le modèle du droit criminel. Ce sont là des gens qui s'injectent l'analgésique le plus puissant de la terre. Pour ceux d'entre nous qui ont jamais eu à prendre quelque chose comme l'héroïne ou la morphine... Je me suis fracturé la jambe il y a 10 ans environ et l'on m'a administré de la morphine, et j'avais hâte que cela cesse. Quiconque voudrait répéter cette expérience à intervalles réguliers a droit à ma pitié, et non à mon mépris, et je réclame qu'on lui porte secours sous une forme ou sous une autre plutôt que d'étiqueter cette personne comme criminelle.
    Merci.
    Il ne me reste qu'environ une minute et je veux poser une question à Mme Miller.
    J'étais membre de l'assemblée législative de l'Alberta lorsque nous avons commencé à saisir les véhicules des clients qui sollicitaient des prostituées. Je suis sûr que vous connaissez cette initiative albertaine. Est-ce que la Colombie-Britannique ou d'autres provinces ont envisagé de suivre cet exemple?
    Pas que je sache. Ce qui se fait aujourd'hui, c'est qu'il existe un programme de déjudiciarisation pour les hommes pris à acheter du sexe — ce sont principalement des hommes — qui leur permet d'aller à « l'école des clients ». Ils paient 500 $. Ils ne sont pas mis en accusation. Ils ne comparaissent pas devant un juge. Il n'y a pas de jugement par leurs pairs. Cependant, en Alberta, c'est un programme de déjudiciarisation après comparution au tribunal. Donc, avant que l'on commence à voir les choses sous cet angle et à sanctionner plus durement les clients, je n'envisagerais même pas cela.
    Êtes-vous en faveur de la confiscation de biens, particulièrement des véhicules?
    Oh oui, certainement.
    Cela marche bien en Alberta.
    Je ne sais pas si l'on fait cela en Alberta, mais il existe là un programme de déjudiciarisation post-tribunal. Des accusations sont portées, si bien qu'il y a une sorte de conséquence sociale — on ne les enferme pas aux oubliettes — alors qu'ici c'est un programme de déjudiciarisation pré-tribunal. C'est la sanction qui existe aujourd'hui.
    Comprenez-vous?
    Oui.
    J'ai été membre de l'assemblée législative de l'Alberta et il me semble que la seule façon d'éviter la saisie de votre véhicule est de suivre ce programme de déjudiciarisation. Est-ce exact?
    Je ne connais pas les détails.

  (1015)  

    D'accord. Je reviens à M. Boyd pour mes 45 dernières secondes.
    Nous parlons de dissuasion. J'ai entendu de nombreuses fois maints témoins affirmer que les peines minimales obligatoires ne sont pas dissuasives. Pourquoi les criminologues définissent-ils la dissuasion uniquement comme une dissuasion générale par opposition à l'autre volet, la dissuasion spécifique?
    Nous considérons et la dissuasion spécifique et la dissuasion générale. Je pense que la raison pour laquelle nous focalisons davantage sur la dissuasion générale, du point de vue du public ou de la société plus généralement, est que celle-ci nous permet de prévoir ce qui va se passer à l'avenir. Nous constatons que nous pouvons certes faire cela, dépenser beaucoup d'argent pour incarcérer des gens, mais l'on aura tout autant de criminalité.
    Vous convenez tout de même avec moi que les peines minimales obligatoires représentent une dissuasion spécifique.
    Oui. Certainement.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons à M. Murphy. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Tout cela a été très intéressant. Mon collègue Dominic et moi venons de la côte Est. Nos problèmes sont différents. Nous avons très conscience du fait que sur la côte Ouest, particulièrement ici dans le Lower Mainland, vous avez quelques difficultés qui vont s'aggravant.
    J'aimerais juste me faire une idée de l'étendue de la criminalité organisée dans la région, d'après l'atmosphère locale. Sur la plage cette année, j'ai lu un livre sur la criminalité organisée. Il paraît qu'en C.-B. on peut acheter une maison au bord d'une rivière, faire soigner sa pelouse, manger dans un restaurant italien, appeler sa petite amie par téléphone cellulaire et réserver des billets, le tout en s'adressant à des entreprises gérées par les Hells Angels, une organisation criminelle particulièrement présente dans le quartier east end de Vancouver, d'après ce livre. Certes, ce n'est qu'un livre, et je ne suis qu'un politicien, mais si cette présence est aussi dominante...
    La police a récemment réclamé au procureur général des outils pour combattre la criminalité organisée. On parle beaucoup des drogues. Je sais qu'elles sont la monnaie du crime organisé. J'en ai conscience, mais je pense que nous n'avons pas consacré suffisamment de temps à cerner l'étendue de la criminalité organisée ici et chercher des remèdes.
    Vous avez évoqué la CLEU. Est-il temps de rétablir une équipe d'enquête de cette sorte?
    Donnez-nous quelques mesures concrètes à présenter au ministre de la Sécurité publique et au ministre de la Justice et Procureur général du Canada afin d'attaque ce problème à l'échelle nationale.
    Professeur Gordon, vous voudrez peut-être commencer.
    Il existe un certain nombre d'entités nationales qui sont manifestement très utiles. Pour ce qui est du problème en Colombie-Britannique, vous avez raison quant à son ampleur et la mesure dans laquelle il imprègne la plus grande partie de la vie des individus, car l'argent gagné par le crime organisé doit être recyclé de certaines façons.
    Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait plusieurs choses utiles, notamment des mesures de droit civil autorisant la confiscation de biens. Même si cela a été source de controverse, l'outil s'est avéré très utile. Cependant, nous connaissons toujours ce problème du manque d'organisation au niveau de l'exécution des lois. Une meilleure description serait sans doute un manque de « concentration ».
    Je suis convaincu que si des peines plus dures ont leur utilité dans la lutte contre les organisations criminelles, ce qui compte réellement c'est d'accroître la probabilité d'être pris. Si vous n'augmentez pas probabilité d'être pris et condamné, peu importe ce qui se passe à l'autre bout. Le processus est autre. Peu importe combien de temps une personne est en...
    Je ne veux pas vous interrompre, mais pour ce qui est du volet temps et des mesures concrètes, nous pourrions dire « ressources », mais ce n'est pas un message suffisamment précis. Il nous faudrait proposer des outils spécifiques, tel qu'aménager les règles de divulgation, donner à la police des ressources plus spécifiques pour des programmes de détection de drogue, les mesures de radiation, etc.
    Quelles sont les mesures concrètes à proposer? Il ne me reste qu'une minute environ.
    Je préconiserais juste une brigade unique de lutte contre le crime organisé qui serait gérée par la province et collaborerait avec d'autres organismes homologues dans les régions avoisinantes des États-Unis et les provinces des Prairies. Nous devrions concentrer toutes nos ressources et toutes nos activités sur la création d'un tel organisme et les ressources dont il a besoin à long terme pour faire son travail.
    Il faut pour cela des ressources sur plus que quatre années. Il faut plusieurs années d'opérations planifiées. Le crime organisé s'est implanté de manière très spectaculaire dans cette province. C'est une expansion sur 10 ou 15 ans, virtuellement sans interruption, et il faudra autant de temps pour le démanteler.
    Exactement comme la CLEU, ou bien mieux?
    Pas exactement comme la CLEU, mieux. La CLEU avait des problèmes, dont l'une était l'infiltration. Et cela reste un problème pour tout organisme de lutte contre le crime organisé. Beaucoup le nient, refusent de voir la dimension corruption, mais c'est un problème majeur dans presque tous les organismes de cette sorte.

  (1020)  

    Merci.
    Nous allons passer à M. Ménard. Et je vais user de mes prérogatives pour prolonger cette session de cinq minutes afin que chaque parti puisse poser encore une question.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci.
    Je voudrais revenir sur la liste des organisations criminelles. Ensuite, j'aimerais parler de la prostitution.
    À mon avis, il faut que ce soit balisé. Par exemple, s'il y a eu une déclaration judiciaire, si les parlementaires sont associés à l'élaboration de la liste... Évidemment, on ne peut pas adopter la formule du décret en Conseil, en vertu de laquelle un ministre déciderait un matin que 15 groupes sont des organisations criminelles sans que cela ait été validé.
    Je ne crois pas que les Hells Angels vont changer de nom. Pour qu'ils soient efficaces, ils doivent avoir une stratégie d'intimidation, et l'intimidation fait partie de leur marque de commerce. Si jamais ils changent de nom, il reviendra au procureur de la Couronne de les accuser à nouveau.
    C'est mon point de vue. Mes collègues le savent, je vais beaucoup militer pour qu'à la fin de notre rapport, on fasse cette recommandation.
    Je veux revenir quelques instants sur la question de la prostitution. J'ai fait partie du comité parlementaire, avec Libby Davies du NPD et de Mme Fry des libéraux, qui s'était penché sur cette question. Je suis relativement d'accord sur le modèle voulant qu'on criminalise les clients. Cependant, ce modèle comporte des aspects négatifs. Même en Suède, on nous a dit qu'il était extrêmement difficile de contrôler les clients et que ce modèle entraînait des migrations de population.
    Quand le rapport Fraser a été rendu public, on parlait de la possibilité de donner... Il y a deux principales sortes de prostitution: celle de narcodépendance et celle de subsistance. Dans mon quartier, dans l'est de Montréal, des filles se livrent à la prostitution pour vivre. Dans un monde idéal, je souhaiterais que ça n'existe pas. Si on permettait que la prostitution se fasse à domicile, qu'elle soit balisée, comme le rapport Fraser l'avait recommandé, la société n'en sortirait-elle pas gagnante?
    Je fais cette recommandation en étant bien conscient qu'il faut enrayer la prostitution de narcodépendance, où l'on retrouve des proxénètes et de la violence. Ne faut-il pas faire des nuances, quand on parle de prostitution?

[Traduction]

    Oui, je comprends ce que vous dites au sujet de la nécessité de nuancer. Mais en fin de compte, la prostitution est toujours violente et il y a presque toujours un proxénète derrière, au moins au début, qui prélève une partie de l'argent.
    Je ne me suis peut-être pas fait bien comprendre au début. Nous ne disons pas qu'il faut une interdiction absolue et que c'est notre seul objectif. Nous pensons qu'il faut aussi mettre en place des systèmes de soutien pour les femmes — majorer le salaire minimum qui est du ressort provincial, et accroître le financement de base des organisations féminines. Et aussi, réduire la demande est un volet énorme.
    Je réaliser qu'en Suède cela n'a pas marché parfaitement. S'il existait une panacée, croyez-moi, je vous donnerais la recette aujourd'hui et ce serait terminé. Mais l'on y a enregistré un recul spectaculaire et il subsiste toujours la criminalité organisée et la prostitution de rue. Donc, à certains égards, il existe deux sortes. L'une est ce que l'on appelle la prostitution de survie et l'autre est celle contrôlée par les proxénètes. Mais les deux sont alimentées par l'acheteur. Elles sont toutes deux alimentées par le même système. Et toutes deux exploitent les femmes vulnérables. Tout revient à cela.
    D'autres pays ont essayé des méthodes plus douces, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, mais cela ne marche tout simplement pas. Amsterdam est en train de fermer à grande allure son quartier de prostitution. Elle a maintenant fermé les deux tiers de son quartier de prostitution à cause de la criminalité organisée et des trafics.
    L'une de mes collègues là-bas dit que près de 85 p. 100 des femmes sont étrangères. On a fait venir beaucoup d'entre elles de pays pauvres, comme le Nigéria. Et les femmes voient aussi leur sexualité très racialisée.

[Français]

    Pourrais-je entendre le point de vue de M. Boyd sur la question de la prostitution? Vous savez que les journalistes vous écoutent et que vous faites partie de l'élite locale, mais je ne veux pas vous intimider.

[Traduction]

    Je pense que Michelle a raison au sujet des Pays-Bas, il y avait là une promotion active du commerce du sexe. Néanmoins, je ne suis pas en faveur de la légalisation, et je ne crois pas que la plupart des détracteurs soient en faveur de la légalisation. Je suis en faveur de la décriminalisation. Je pense qu'elle représente l'approche plus nuancée que vous décrivez. C'est particulièrement vrai dans le cas des femmes du quartier east side. La collègue de M. Comartin, Libby Davies, a fortement milité pour la décriminalisation comme mesure appropriée qui sauverait la vie de ces femmes.
    Je partage nombre des avis exprimés, mais je ne suis pas d'accord avec la solution. Je ne pense pas que la tolérance zéro va sauver la vie des femmes vulnérables. Je conviens que la demande est un vaste problème, et j'admets aussi qu'il n'est pas inéluctable qu'elle perdure à perpétuité. Cela dit, je ne pense pas qu'un cadre de droit pénal soit la solution au problème que nous connaissons.

  (1025)  

    Merci.
    Nous allons passer à M. Weston.
    Monsieur Weston, vous avez cinq minutes.
    Je remercie tout d'abord mes collègues d'être venus à Vancouver. Si je pouvais faire adopter une motion à la Chambre des communes, ce serait que la plupart des séances de notre comité se tiennent à Vancouver.
    Je m'adresse ensuite à nos témoins pour les saluer tous. Vous avez pour objectif commun de réduire les actes de violence des gangs et d'aider les victimes. Vous particulièrement, madame Young, madame Humphreys et madame Miller, vous la vivez, vous la respirez. Je vous salue. Vous avez maintes histoires à raconter que nous n'avons pas entendues aujourd'hui.
    J'ai trois questions. Je vais me concentrer sur certaines des mesures légales dont la Chambre est saisie, vu que mon temps est si limité.
    Madame Miller, je vais vous poser une question très précise, une moins précise et une plus générale: premièrement, une drogue du viol qui va faire l'objet de peines plus sévères; deuxièmement, la question du crime organisé et des effets sur les victimes de la traite de personnes; et troisièmement, les Jeux olympiques et ce que cela va signifier.
    La première question concerne l'un des aspects du projet de loi C-15 dont on n'a pas beaucoup parlé, soit le transfert d'une drogue appelée GHB de l'annexe 3 à l'annexe 1. C'est la drogue du viol et il y en a beaucoup d'autres similaires. Le résultat principal sera d'imposer une peine plus sévère aux utilisateurs de ces drogues. L'utilisation première n'est pas par un individu qui cherche à se défoncer, mais généralement par un agresseur qui soumet ainsi sa victime, et c'est habituellement un homme soumettant une femme de cette façon. Ma question est de savoir si cela va aider votre campagne.
    Deuxièmement, au sujet du crime organisé, ce mouvement ciblant la violence commise par les gangs et d'autres crimes graves, si nous parvenons à perturber les organisations criminelles, cela va-t-il aider les victimes de la traite de personnes?
    Troisièmement, vous avez mentionné les Jeux olympiques. En quoi le Lower Mainland sera-t-il plus exposé à la violence des gangs et au trafic d'êtres humains dans le contexte des Jeux olympiques?
    Premièrement, au sujet du Rohypnol, je suis totalement favorable à cette disposition du projet de loi. Je pense que cela va aider les femmes, car moins de femmes, de filles et de garçons seront susceptibles d'être drogués et violés.
    Excusez-moi, quelle était la deuxième question?
    En ce qui concerne la tendance générale de ces projets de loi de cibler les actes violents commis par les gangs, si nous parvenons à perturber les gangs avec cette tendance, dans quelle mesure cela peut-il aider les victimes de la traite de personnes?
    Cela aide les victimes car il y aura moins de gens pour les recruter et gagner de l'argent sur leur dos. Je réalise que nous parlons beaucoup de drogues aujourd'hui, mais je vous dis que des organisations criminelles déplacent des filles chaque jour à travers la province et à travers les frontières. C'est vrai. Cela existe. Et elles gagnent des tonnes d'argent, parce que l'on peut vendre une femme encore et encore. Vous reniflez un rail de cocaïne et elle est partie, mais une femme, vous pouvez la vendre encore et encore jusqu'à ce qu'elle soit trop malade, trop vieille pour être revendue ou morte. Je pense que perturber cette source de revenu serait certainement important pour les femmes et nombre de mes amies qui ont été prostituées par des gangs. J'adorerais que cette personne n'ait jamais eu accès à elles ni accès aux réseaux qui pouvaient la déplacer et la vendre d'une province à l'autre.
    Enfin, pour ce qui est des Jeux olympiques, on a observé dans d'autres pays une augmentation de la demande. On l'a constaté avec la Coupe du monde en Allemagne et on l'a observé à Athènes. Pour quelque raison, lorsque les hommes sont loin de leurs réseaux sociaux et voyagent anonymement, et aussi à l'occasion de grandes manifestations sportives, ils sont plus susceptibles d'acheter du sexe. On le voit aussi lors des matches de Super Bowl aux États-Unis. REED met en route une campagne populaire intitulée « Acheter du sexe n'est pas un sport », afin de sensibiliser au rôle de la demande dans la chaîne du trafic.

[Français]

    Ai-je encore du temps, monsieur le président?

  (1030)  

    Il vous reste une minute.

[Traduction]

    Madame Young, vous avez parlé de citoyenneté, et c'est là une notion très intéressante que vous avez introduite. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Comment pouvons-nous intégrer dans notre processus de citoyenneté — et c'est un point dont Jason Kenney a beaucoup parlé à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre — des éléments qui inoculeraient les gens contre la tentation d'adhérer à des gangs?
    Je pense que ceux qui s'établissent au Canada le font par choix et qu'ils aiment le Canada et veulent y rester. Cependant, bien qu'ayant séjourné au Canada pendant 40 ans et connaissant la langue, etc., je n'ai pas moi-même une connaissance approfondie du système judiciaire et du fonctionnement de la police. Cela a été pour moi un difficile apprentissage ces dernières années. Je me suis intéressée de très près et ai travaillé sur une affaire de sévices à personne âgée et j'ai appris à cette occasion toutes sortes de choses très intéressantes et dérangeantes.
    Je me demande donc où les 250 000 immigrants qui débarquent chaque année vont acquérir cette connaissance, comment ils vont trouver l'accès, comment ils pourront devenir des membres utiles de notre société et contribuer à la sécurité de nos quartiers. C'est pourquoi je disais que nombre de nos programmes et services ne sont pas intégrés; ils forment une mosaïque et ne disposent pas d'un financement de base soutenu et ainsi de suite. J'aimerais donc que l'on mette l'accent là-dessus afin d'aider nos nouveaux venus à mieux comprendre leurs droits et leurs responsabilités.
    Merci, madame Young, et merci, madame Miller.
    J'avais juste une remarque concernant le GHB.
    Un instant. Nous essayons d'avoir autant de questions que possible, car nous avons perdu un peu de temps au milieu.
    C'est à propos.
    Ce que nous allons faire, c'est accorder une question et réponse de deux minutes à chacun des partis, et nous en aurons donc encore quatre. Veuillez vous en tenir à deux minutes, réponse comprise.
    Monsieur LeBlanc.
    Merci à vous tous de vos exposés.
    Le président nous a demandé de poser des questions très précises et brèves. J'en ai une pour Mme Humphreys.
    J'en ai entendu parler et je connais un peu l'organisation que vous représentez, S.U.C.C.E.S.S., et l'excellent travail que vous avez accompli. Je partage votre opinion que l'investissement dans des programmes comme le vôtre, du point de vue de la rentabilité pour le contribuable et de la réduction de la criminalité et des séquelles d'un passé criminel, représente une grande valeur.
    Vous avez parlé de votre relation avec Service Canada. Vous avez lancé rapidement quelques chiffres, qui montrent votre grande rentabilité. Vous avez dit également être en colère parce que vos crédits ont été supprimés ou réduits ou sont menacés. Pouvez-vous expliquer de nouveau votre relation avec Service Canada? Est-ce une relation productive pour S.U.C.C.E.S.S. ou bien les modalités du financement de votre organisation par le gouvernement du Canada doivent-elles changer?
    J'ai juste mentionné que nous gérons un programme à Vancouver, appelé « A Chance to Choose » dans le quartier downtown east side et il a été supprimé après un an. Il marchait très bien. Nous avons fait un travail étonnant en travaillant avec les jeunes et la communauté. Il a été coupé parce qu'on a réduit les fonds pour le downtown east side. Je crois réellement que c'est là qu'il faudrait déployer les crédits, car c'est là que se trouvent les jeunes qui en ont besoin. Nous étions intégrés à cette communauté et nous travaillions très fort avec tous les autres membres de la communauté pour mettre sur pied un programme en un an. On ne peut établir quelque chose en un an; cependant, nous avons enregistré le même taux de réussite qu'à Port Moody après quatre ans. Nous avons réellement montré que ces jeunes faisaient quelque chose de leur vie, c'est-à-dire qu'ils retournaient aux études ou travaillaient.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais quelle raison vous a-t-on donnée pour vous priver du financement?
    Qu'il n'y avait pas de jeunes dans le downtown east side ayant besoin d'aide. Ils se trouveraient plutôt dans les régions rurales de la province.
    La prochaine question sera pour M. Ménard, deux minutes.

[Français]

    Je voudrais poursuivre sur la question qu'a posée M. LeBlanc. De quelle autorité ministérielle est-il question, Service Canada ou Santé Canada? Comment en êtes-vous venus à ne plus pouvoir offrir les services? Quand cela s'est-il passé? Expliquez-nous ce contexte. Je veux comprendre davantage parce que ça me semble assez incroyable.

[Traduction]

    Cela semble incroyable. J'ai lancé une croisade de trois mois et je me suis adressée à tous les paliers de gouvernement et écrit des lettres au ministre disant que nous avons réellement besoin de ce programme dans le downtown east side. Nous avons obtenu des résultats fantastiques. En l'espace de 15 semaines, nous avions des jeunes sans-abri qui allaient travailler, et si vous considérez le coût de l'itinérance, passer de là au travail en 15 semaines, c'est phénoménal.

[Français]

    Est-ce le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial qui a coupé le financement?

  (1035)  

[Traduction]

    C'était le gouvernement fédéral, Service Canada.

[Français]

    Le financement a-t-il été coupé par le gouvernement fédéral ou par la province?

[Traduction]

    C'était Service Canada.

[Français]

    C'est Service Canada et non Santé Canada.
    Qu'est-ce qu'on vous a dit, concrètement, lorsqu'on a coupé votre financement? Dans quelle circonscription électorale offrez-vous vos services?

[Traduction]

    Nous enjambons les circonscriptions, et c'était donc Service Canada, la Stratégie emploi jeunesse. Ils ont coupé les fonds. Il n'y avait qu'un budget limité et nous avons été l'un des programmes coupés. Nous étions le seul programme pour jeunes dans le cadre de Connexion compétences dans downtown east side. Au cas où vous n'y seriez jamais allé, je peux vous dire que ce quartier a un besoin impérieux de ce programme.

[Français]

    Je pourrais présenter une motion ultérieurement afin que le comité rédige une lettre appuyant les services que vous nous avez présentés. Je ne le ferai pas aujourd'hui, parce qu'il n'y a pas de mesure comme celle-là, mais nous y reviendrons. Vous pouvez nous donner votre carte professionnelle, et nous garderons contact avec vous.

[Traduction]

    Je le ferai. Merci.
    Très bien. Nous allons passer à M. Comartin. Ensuite nous aurons deux questions rapides sur...
    Madame Miller, je crois que c'était en février de cette année que les Nations Unies ont publié une grande étude et un rapport sur la prostitution, plus précisément sur la traite de personnes. L'un des constats que j'ai trouvé presque choquant était que dans le monde plus de 50 p. 100 des accusations criminelles relatives à la traite de personnes étaient portées contre des femmes, et non des hommes. Avez-vous vu ce rapport. Avez-vous une explication de ce phénomène?
    Je suppose que la raison pour laquelle je soulève cette question est que, lorsque je vois ce genre de résultat, je commence à me dire que votre idée de s'en prendre aux clients ne semble pas marcher dans le reste du monde.
    Je ne connais pas cet élément du rapport dont vous parlez, mais je peux essayer de vous fournir une explication éclairée. Souvent, c'est la seule façon dont les femmes peuvent sortir de la prostitution. Si j'ai été recrutée à l'âge de 14 ans, j'ai déjà servi à des milliers et des milliers d'hommes. Mon proxénète menace de me tuer et me dit: « Tu sais quoi? Une façon pour toi d'arrêter et de ne plus avoir à faire ce travail, c'est de devenir trafiquante. Recrute-moi deux filles et je te laisse tranquille. Tu seras leur surveillante ». Pour les femmes, la seule porte de sortie est souvent de devenir trafiquante, et c'est donc à cela que j'attribuerais cette statistique.
    D'accord. Vous voudrez peut-être jeter un coup d'oeil à cette étude.
    Madame Humphreys, en ce qui concerne le financement du gouvernement fédéral, Sécurité publique Canada a dépensé moins que ce que le dernier budget lui allouait. Le Ministère n'a dépensé qu'environ 60 p. 100 de son budget. L'une de mes préoccupations concerne son mandat. Les organismes doivent établir qu'ils pourront prouver avoir réduit la criminalité. Avez-vous une réaction?
    Je vous soumets à un contre-interrogatoire ici et vous pose une question suggestive, mais mon impression, mon observation, est qu'une organisation de service social est incapable de faire cela. Avez-vous une réaction?
    Je pense que nous pouvons prouver avoir réduit la criminalité.
    Oui, mais vous devez le faire par avance.
    Oh, il faut que ce soit par avance.
    Nous ne pouvons pas le faire par avance, mais nous pouvons fournir nos statistiques. Nous avons quatre années de statistiques prouvant que nous le pouvons, et nous avons donc maintenant la preuve. Nous avons une histoire et nous pouvons prouver que nous le pouvons. Si nous allions faire une proposition à l'avenir, nous pouvons faire des projections à partir de notre passé.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Saxton.
    Ma question s'adresse à M. Boyd.
    Monsieur Boyd, vous avez indiqué que vous êtes contre, ou pas en faveur, de peines minimales obligatoires. Exact?
    C'est exact dans le domaine des drogues; ce n'est pas exact s'il s'agit de meurtre. Je suis en faveur des peines obligatoires qui sanctionnent le meurtre au premier et au second degrés.
    D'accord. Est-il exact que vous n'êtes pas en faveur relativement aux drogues parce que vous ne pensez pas que c'est une dissuasion efficace?
    Cela n'est qu'un élément. Je ne suis pas non plus en faveur de traiter les drogues comme un problème de moralité relevant du droit pénal. Il est approprié de traiter la conduite en état d'ébriété, l'homicide, l'agression, l'agression sexuelle ou toute une série d'autres délits comme des infractions criminelles méritant l'interdiction et la sanction. Mais si je mets en parallèle la consommation de marijuana, d'alcool et de tabac, je dirais que l'habitude la plus susceptible de vous tuer, celle qui va causer le plus de dégâts, est probablement le tabac. Vous ne voudriez pas du pouvoir officiel d'encourager aucune de ces activités, mais nous utilisons un marteau-pilon, le droit pénal, pour contrôler un problème qui devrait plutôt être combattu avec d'autres moyens.
    D'accord. Eh bien, aucun de nous n'est médecin, et nous n'avons donc pas les connaissances.
    Vous n'avez pas besoin d'être médecin pour régler ce problème; il suffit de regarder les études les plus probantes. Vous pouvez lire aussi bien que moi les études les plus probantes et déterminer quelles sont les probabilités relatives. Si vous vous adressez aux médecins, si vous demandez son opinion à l'Association médicale canadienne, elle vous répétera encore et encore que, parmi la liste des drogues dangereuses, le cannabis se classe à peu près au même rang que la caféine. Tout en haut, il y a l'alcool, la cocaïne et l'héroïne.
    Je dis que ce que nous faisons n'est pas réellement rationnel. Nous ne devrions pas essayer de prétendre que les drogues qui sont illégales sont moralement condamnables et méritent plus la censure que des drogues comme l'alcool et le tabac. Je ne peux tout simplement pas admettre cette prétention. Cela ne tient pas debout.

  (1040)  

    Vous n'admettez pas que la marijuana est la monnaie de...
    Elle l'est dans certaines circonstances, et je conviens avec le ministre que là où elle l'est, la loi devrait sanctionner. Si des adultes cultivent de la marijuana pour leur propre usage ou consomment de petites quantités de marijuana, cela ne devrait pas faire l'objet d'une sanction pénale.
    D'accord, mais vous établissez une distinction entre la consommation personnelle et le trafic.
    Oui. Comme je l'ai dit plus tôt, globalement, nous ne sommes pas en mesure d'avoir une réglementation du cannabis. Ce n'est tout simplement pas une possibilité réaliste. Je ne recommanderais à aucun ministre de la Justice de le légaliser ou même de le réglementer de la même manière que l'alcool tant qu'il n'y aura pas une solution à l'échelle mondiale.
    Nous pouvons faire d'autres choses pour réagir plus efficacement, et certaines des mesures préconisées par votre gouvernement dans ce projet de loi relativement à des méfaits spécifiques — les pièges, les enfants dans les maisons, les résidus, ce genre de problèmes. Mais la culture ou la consommation de marijuana elle-même par des adultes ne représente pas, à mon avis, un cadre ou un contexte approprié de recours au droit pénal.
    Merci.
    Nous avons encore une question du côté gouvernemental. Permettez-moi juste de revenir sur un point.
    Une chose qui n'a pas été abordée ici, c'est l'aspect sécurité publique, à savoir protéger le public contre les drogues. Laissons de côté le cannabis pour le moment et parlons des drogues les plus néfastes — l'héroïne, le crystal meth, etc. Nombre de ceux qui vendent ces drogues sont des récidivistes. Ils récidivent fois après fois. Peu importe qu'on les arrête et les mette en prison, ils continuent de commettre ces crimes. Il semble illogique de nier la réalité que si vous retirez ces récidivistes multiples de la circulation pendant des durées plus longues, au moins pendant la durée de leur incarcération, que celle-ci soit de deux ans ou trois ou cinq ou dix ans, ils ne vont pas commettre ces délits. Plus longue sera la période d'incarcération, et plus ils ont de temps de trouver de l'aide pour leur problème.
    Ou bien est-ce que je déraille?
    Je le pense. Je veux dire, vous ne déraillez pas; je sais que beaucoup de gens pensent comme vous. Mais je ne crois pas que ce soit très productif. Je pense que c'est une méthode très coûteuse et que nous pourrions régler le problème par d'autres moyens.
    Si vous êtes héroïnomane et que vous volez... Prenons le projet NAOMI mené par Martin Schechter et ses collègues de l'UBC pendant trois ans. Ils ont constaté une amélioration considérable du fonctionnement psychologique et économique des participants lorsqu'on leur prescrivait de l'héroïne. Ce n'étaient pas des personnes choisies au hasard auxquelles on donnait de l'héroïne, c'étaient des toxicomanes invétérés qui avaient échoué avec la méthadone, qui avaient échoué avec virtuellement toute méthode de sevrage concevable. De fait, le programme était assorti de tellement de restrictions qu'il était difficile de trouver des participants, mais ce programme a révélé qu'il y a une façon différente et meilleure de traiter la dépendance à l'héroïne que le recours aux sanctions pénales.
    Merci infiniment à tous d'avoir comparu. Votre témoignage a été très utile.
    À ceux d'entre vous qui ont des textes, veuillez les remettre à la greffière. Nous veillerons à les distribuer aux membres.
    Encore une fois, merci. Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.

    


    

  (1050)  

    Nous allons maintenant reprendre.
    Gary Shinkaruk, êtes-vous prêt à nous faire une déclaration, ou bien est-ce Al Macintyre qui va s'en charger?
    Bonjour. Je m'appelle Alistair Macintyre et je suis l'officier responsable de la surveillance des enquêtes criminelles de la GRC en Colombie-Britannique.
    La violence va de pair avec le crime organisé en Colombie-Britannique. En 2008, 40 p. 100 — soit 55 — des 138 meurtres commis dans la province avaient rapport au crime organisé et aux gangs. Les coûts en sont ahurissants.
    La prévalence de la criminalité violente, jusqu'au meurtre, qui découle des activités criminelles organisées est une grosse préoccupation au niveau de l'ordre public. Les gens ont peur. Bien que le taux d'homicide en Colombie-Britannique soit stable, la proportion des homicides dus au crime organisé est à la hausse. Il semblerait également que le nombre de fusillades non mortelles ait augmenté, peut-être du fait de l'utilisation accrue de l'équipement de protection balistique parmi les gangsters, sur leur personne comme sur leurs véhicules.
    On estime qu'il y a environ 133 groupes du crime organisé en Colombie-Britannique. Le nombre de groupes semble être resté stable au cours des quatre dernières années, mais le nombre exact d'individus impliqués n'est pas établi et est difficile à situer précisément.
    Les groupes du crime organisé et les gangs ont des contacts qui transcendent les frontières. En plus de faire le trafic de stupéfiants à l'échelle nationale et internationale, ils embauchent des tueurs venus d'autres territoires, ce qui contrecarre les enquêtes sur les homicides.
    Alors que les groupes du crime organisé et les gangs se caractérisaient auparavant par leur origine ethnique, la tendance est maintenant à l'émergence de groupes polyethniques organisés autour de marchés. Leur structure est souple, les compétences de leurs membres sont diverses et poussées, et ils en savent de plus en plus long sur la façon de contourner les dispositions législatives. Les nouveaux groupes ont par ailleurs moins tendance que leurs prédécesseurs à exhiber les atours ou les « marques » des gangs traditionnels, comme par exemple le club de motards des Hells Angels, et à user d'un nom, de tatouages, de vêtements et de bijoux pour s'identifier. Cela complique beaucoup les poursuites en vertu des lois sur le crime organisé.
    Le Projet EPARAGON illustre bien ces groupes, ceux qui importent et exportent des centaines de kilos de cocaïne et d'autres drogues et blanchissent des millions de dollars de produit de la criminalité, souvent dans des casinos. Ces groupes importent des précurseurs, fabriquent des drogues illicites, puis exportent leurs produits vers d'autres pays. Ils importent aussi de la cocaïne de Los Angeles, puis exportent les mêmes drogues vers l'Australie pour maximiser leur profit.
    Les groupes du crime organisé sont de plus en plus sophistiqués; cela se voit à leur recours à la technologie et à leur tendance à réinstaller leurs laboratoires dans des zones rurales pour mieux passer inaperçus. Les gangs et le crime organisé ont une forte présence à Prince George et à Kelowna, comme en témoigne l'établissement d'un chapitre des Hells Angels dans ces deux grandes villes; quant à la présence des Red Scorpions et des Independent Soldiers à Kelowna, une fusillade récente l'a confirmée.
    D'autres endroits éloignés dans la province, comme Fort St. John, ont également signalé une poussée de la fréquence et de l'intensité de la violence liée aux gangs. Le Lower Mainland de la Colombie-Britannique a récemment connu un essor de la violence liée aux gangs, qui a été qualifié à tour de rôle de « flambée de violence », de « crise » et de « menace à la sécurité publique » et a fait couler beaucoup d'encre. Le public s'inquiète de plus en plus de la violence et du fait que plusieurs incidents retentissants se sont produits dans des lieux publics, en particulier des stationnements de centres commerciaux.
    La violence ne se limite pas à une certaine municipalité du Lower Mainland, mais sévit aussi bien à Vancouver que dans les banlieues. Les territoires de compétence touchés sont desservis par des détachements de la GRC sous contrat ou par des services de police municipaux indépendants. Le Groupe intégré de lutte contre les gangs — sigle anglais, IGTF —, le Groupe intégré des enquêtes sur les homicides — sigle anglais IHIT — et la brigade criminelle du service de police de Vancouver gèrent l'intervention globale de la police, et de nombreux autres organismes les assistent régulièrement. Les deux groupes intégrés se composent de policiers de nombreux organismes, mais sont sous le commandement de la GRC.
    La meilleure façon de décrire le crime organisé dans le Lower Mainland est de le comparer à une pyramide: les gangs de rue sont au bas et les groupes internationaux plurisectoriels sophistiqués, notamment les gangs asiatiques et les bandes de motards criminalisées, sont au sommet. Normalement, la lutte contre les gangs de rue se fait au niveau local, tandis que les enquêtes sur le crime organisé de haute gamme reviennent à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, dont vous allez sous peu entendre des représentants.
    La criminalité qui nous préoccupe le plus en ce moment est celle qui se situe au milieu, dite de niveau intermédiaire. Les gangs de niveau intermédiaire se livrent principalement aux infractions liées aux drogues et sont très territoriaux. Ils se disputent les territoires. Les alliances entre gangs sont beaucoup moins permanentes aujourd'hui et les gangsters ne font preuve d'absolument aucun respect, aussi bien au sein de leurs gangs respectifs qu'envers les autres gangs. Cela est dû au redoublement de la répression policière et aux questions d'offre et de demande.
    Il existe aussi parmi les gangsters des rivalités personnelles et des jalousies qui remontent à loin. Ces derniers mois, le gang des frères Bacon a beaucoup retenu l'attention des médias. La famille Bacon a une maison à Abbotsford et un appartement à Port Moody — je devrais dire « avait ». Ces villes, et leurs services de police, ont été en plein centre de la couverture médiatique et des avis au public destinés à lui faire éviter les Bacon et leurs associés. Les frères Bacon sont affiliés aux Red Scorpions, qui font la guerre au gang United Nations.

  (1055)  

    Les activités criminelles de niveau intermédiaire étaient jusqu'à récemment fondées sur l'ethnicité; toutefois, elles sont maintenant multiethniques et les relations familiales et scolaires sont passées au deuxième plan. Le nombre de gangs de niveau intermédiaire a rapidement grossi ces dernières années, en raison du commerce lucratif de la drogue. Le milieu est devenu plus violent du fait de l'accès facile aux nouvelles armes à feu et aux armes modifiées venues d'Asie et des États-Unis.
    Une récente série de meurtres et de fusillades dans le Lower Mainland, à raison de 10 en 10 jours, a vraiment inquiété le public. Bon nombre des fusillades ont eu lieu près de l'autoroute, ce qui a permis aux auteurs d'arriver et de s'échapper facilement.
    Bien que le groupe intégré de lutte contre les gangs et d'autres unités sache généralement qui fait partie des gangs, recueillir les preuves nécessaires et déterminer l'identité des tireurs est extrêmement difficile. Divers obstacles législatifs et juridiques ajoutent encore à la difficulté et au coût des enquêtes sur ces crimes. Je songe en particulier aux exigences astreignantes en matière de mandats de perquisition et d'écoute électronique et à la divulgation préalable des tactiques policières. Je sais que vous avez déjà beaucoup entendu parler de ces questions.
    La prévalence des véhicules modifiés et blindés et du port de gilets pare-balles parmi les gangsters accroît les risques courus par les policiers. La police a par ailleurs redoublé d'inquiétude à cause des homicides faisant des victimes innocentes: deux dans le cadre du massacre de six personnes à Surrey en 2007, une à Richmond, et une à Burnaby.
    Le groupe intégré des enquêtes sur les homicides a été plus occupé que jamais l'an dernier, ayant enregistré 57 homicides sur son territoire de compétence, qui ne comprend pas les municipalités de Vancouver, Vancouver Ouest et Delta. La pire année jusque-là avait été 2005, avec 48 homicides. Le taux d'homicide de la région métropolitaine de Vancouver dépasse celui de Toronto et d'autres grandes zones urbaines.
    Environ 40 p. 100 des enquêtes sur les homicides menées par l'IHIT, c'est-à-dire le groupe intégré des enquêtes sur les homicides, sont liées au crime organisé. Certaines concernent des gangsters notoires de niveau intermédiaire, mais beaucoup sont des « petits joueurs » du commerce de la drogue, comme des livreurs chargés de réapprovisionner les fumeries de crack et des passeurs de la « vente de drogue sur appel ».
    Pour tenter d'enrayer la flambée de violence due aux gangs, la Colombie-Britannique a annoncé toute une série d'initiatives. Comptent parmi celles-ci l'affectation du Fonds de recrutement de policiers, obtenu du gouvernement fédéral, à la lutte contre le crime organisé; la prise de mesures provinciales, dont un plus grand nombre de procureurs affectés au crime organisé; et la confiscation des biens au civil et l'incitation du gouvernement fédéral à modifier le Code criminel en ce qui a trait à la violence due aux armes à feu, à l'attirail de la criminalité, aux obstacles à la condamnation en matière de preuve et à la détermination de la peine.
    Le groupe de lutte contre les gangs et le groupe intégré des enquêtes sur les homicides et bien d'autres groupes de la GRC et des forces de police municipales travaillent avec ardeur à enrayer la violence sur la voie publique. De nombreuses initiatives des 12 derniers mois ont porté leurs fruits, dont l'escouade antigang en uniforme dans le Lower Mainland et l'accroissement des ressources. Reste que le niveau actuel de meurtres est sans précédent et qu'il met rudement à l'épreuve le personnel qualifié nécessaire à de telles enquêtes.
    La tendance et la flambée de violence de gangs se poursuivent toujours. Les trois premiers mois de 2009 ont attesté d'une hausse de la violence due aux gangs. Il faut s'attendre à ce que les homicides dans la région dépassent les chiffres records de l'an dernier si le rythme actuel continue. En multipliant par quatre les chiffres en question, on arrive à des prévisions annuelles de l'ordre de 52 meurtres liés aux gangs dans la région métropolitaine, pour un total de 136 homicides en tout dans la province.
    Les statistiques provinciales sur les homicides pour les trois premiers mois de l'année 2009 font état de 13 victimes d'homicide se livrant à des activités criminelles organisées et de huit victimes ne se livrant pas à des activités criminelles organisées; et dans le cas de 13 autres, nous ne savons pas dans quelle catégorie les classer.
    Par un processus de recueil de renseignements, la police a pu identifier et s'attache maintenant à cibler les groupes dont elle sait qu'ils participent au plus haut degré à la violence qui a lieu dans la région. On a connu certains succès, et il y en aura d'autres.
    La plus grande part de la violence parmi les gangs qui sévit de nos jours dans le Lower Mainland est directement liée au contrôle des réseaux de distribution de drogue. Quelques exemples des tendances que nous avons relevées sont les représailles pour appropriation d'un territoire ou de réseaux de vente de drogue dans la rue dans la région; la constante « chasse » de membres clés des groupes criminels par les gangs rivaux. Les « chasseurs » sont des membres chevronnés armés jusqu'aux dents, dont certains se déplacent depuis d'autres régions du pays. D'autres facteurs sont des conflits internes provoqués par l'insuffisance des profits générés par les réseaux de vente respectifs, l'incapacité à rembourser les dettes, ou l'augmentation de la « taxe » qu'imposent les gros bonnets aux individus qui contrôlent les réseaux de vente de la drogue. Cette « taxe » peut aussi venir du groupe du crime organisé qui alimente les individus en drogue.
    Il y a également des rivalités fondées sur l'origine ethnique dans certaines zones de la région, ainsi que les vols de récoltes de marijuana ou autres invasions de domicile dans le but de voler la drogue. Certains gangsters ont adopté ce comportement comme seule source de revenu. Ils ont sur eux des trousses prévues à cet effet, contenant des articles comme des armes à feu, des cuirasses, des passe-montagnes, des vaporisateurs de gaz poivrés, des couteaux, des armes à impulsions ou tasers, du ruban adhésif en toile et des attaches autobloquantes.
    Un autre aspect est celui des listes d'individus dont les membres de gangs pensent qu'ils gênent leurs activités criminelles et qui sont susceptibles d'être assassinés dans un avenir proche — meurtres sur gages.
    Le défi pour la police est souvent le volume même des activités des gangs en tout temps dans la région. On estime à 600 le nombre d'incidents confirmés de coups de feu dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique depuis le 1er janvier 2006. Chacune de ces plaintes de coups de feu tirés reflète un conflit qui est la cause de l'incident en question.

  (1100)  

    La police a réussi à enquêter sur certaines activités d'organisations criminelles. Toutefois, ces réussites nécessitent de gros investissements en ressources et en temps. Et pendant ce temps, d'autres gangs ont la vie belle du fait que leurs rivaux sont ciblés par la police.
    On sait que, depuis 1995, plus de 150 enquêtes ont concerné une vaste gamme d'infractions commises par des organisations criminelles et(ou) des membres de gangs. Ces enquêtes ont vu le ciblage, l'arrestation et la condamnation de membres et d'associés des Hells Angels, du gang United Nations, des Red Scorpions, des Independent Soldiers, et de groupes du crime organisé asiatiques, indo-canadiens, du Moyen-Orient, d'Europe de l'Est, hispaniques et indépendants. Bon nombre de ces enquêtes ont entraîné d'importantes saisies de marchandises illicites, tout particulièrement marijuana, cocaïne, drogues synthétiques illicites et précurseurs chimiques servant à les fabriquer, héroïne et armes à feu. Plusieurs enquêtes ont aussi amené la saisie et la confiscation d'argent comptant et d'autres instruments monétaires, de biens immobiliers et d'autres articles considérés comme provenant de produits de la criminalité.
    Un vaste examen de plus de 50 de ces enquêtes a permis d'identifier 153 personnes qui ont été poursuivies et condamnées en Colombie-Britannique. Qui plus est, 120 autres personnes sont soit en attente de procès, soit accusées ou condamnées à l'étranger, principalement aux États-Unis.
    Le groupe intégré de lutte contre les gangs, l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, le groupe intégré des enquêtes sur les homicides et de nombreux autres groupes de la GRC et des forces de police municipales continuent de travailler avec acharnement à freiner la violence dans nos rues. Ce travail de collaboration et de partenariat continuera de couronner nos enquêtes de succès. La police compte qu'une diminution du niveau de violence ne pourra venir que par suite de la pression soutenue des forces de l'ordre et du soutien des services de poursuite, du système judiciaire et de la collectivité. La non-participation à l'effort de l'une quelconque de ces composantes provoquera l'effondrement de tout l'effort.
    Merci.

  (1105)  

    Merci.
    Avant de poursuivre, puis-je demander lesquels parmi vous vont faire une déclaration? Ce sera le cas de chacun d'entre vous?
    Bien. J'aimerais vous rappeler que chacun dispose de cinq minutes. Si nous dépassons cela, il n'y aura plus de temps pour les questions. Je pense que vous constaterez que ce qui importe vraiment le plus dans cet exercice est le dialogue autour de la table.
    Je vous demanderai donc de vous en tenir à des plages de cinq minutes. Si vous le pouvez, concentrez-vous sur certaines des stratégies que vous recommanderiez que nous, le gouvernement fédéral, mettions en oeuvre pour véritablement relever certains de ces défis auxquels nous nous trouvons confrontés.
    Monsieur Kiloh.
    Merci, monsieur le président, et merci à toutes les personnes ici présentes, et un merci tout spécial à Dona. Il y a tout un long et important passé qui fait que nous nous retrouvons ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Doug Kiloh. Cela fait plus de 30 ans que je travaille dans la police et je suis présentement responsable de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé pour la Colombie-Britannique. Je vais aborder un certain nombre de thèmes qui ont déjà été évoqués ici, mais je vais essayer de prendre en la matière un peu de vitesse, monsieur le président.
    Les forces de l'ordre en Colombie-Britannique ont réagi à la violence accrue manifestée par les gangs de rue et les gangs de niveau intermédiaire, tout en continuant de faire enquête sur les cibles de criminalité organisée plus complexes dans la province de la Colombie-Britannique. Comme cela a déjà été dit, nous comptons plus de 130 groupes de crime organisé à différents stades de développement et d'activité. Au cours des dernières années, l'adaptation et la violence de certains de ces groupes ont exigé des lois et des tactiques policières tout aussi adaptables.
    Dans l'intérêt de la sécurité publique, ont compté parmi nos mesures d'adaptation l'établissement d'une unité sous uniforme de lutte contre les gangs, qui est là, présente dans les rues, qui les surveille là où ils sont, ainsi que l'affectation des plus grosses équipes d'enquête aux pires menaces pour la sécurité publique que nous décelons. Par exemple, je suis certain que vous allez entendre parler des enquêtes suivantes lorsque vous entendrez le panel à Vancouver: les projets Rebellion, EPARAGON, EPESETA et EPACEMAN. Il s'agit là de certaines des plus grosses enquêtes qui ont eu une incidence sensible sur les gangs et le crime organisé.
    Différentes initiatives de recherche de renseignements et d'application de la loi continuent de cibler plusieurs groupes du crime organisé de haut rang du Moyen-Orient, bandes de motards criminalisées, groupes indépendants et asiatiques. Ceux-ci s'adonnent bien évidemment à quantité d'actes criminels — meurtres et différents actes de violence — qui sont largement commis par des associés de rang inférieur attirés par les gros bonnets, mêlés à des représailles pour vols de drogue, comme cela a été dit. Mais il y a également d'autres questions de relations à l'intérieur de ces organisations qui sont à l'origine de cette violence et qui viennent les faire s'éclater.
    Tous ces groupes ont accès à des armes à feu et utilisent de manière routinière des équipements de protection balistique sur leur personne et sur leurs véhicules et peuvent avoir accès à des armes ou encore en faire le trafic. Nombre des fusillades, agressions, enlèvements et extorsions sont commis ouvertement sans égard pour la sécurité du public, ce pour quoi nous sommes sans doute ici aujourd'hui.
    La fraude, la contrebande internationale d'instruments monétaires et le blanchiment d'argent représentent bien plus de 100 millions de dollars qui sortent de cette province. L'importation, l'exportation, la production, la fabrication et la distribution de drogues synthétiques et autres alimentent cette activité... [Note de la rédaction: inaudible]... pour qu'elle soit viable. Ces groupes font également du trafic international de personnes, et je pense que vous avez entendu plus tôt d'autres témoins vous parler de la prévalence de la production de faux documents d'appui.
    Pour ce qui est de la structure en Colombie-Britannique, nous faisons le lien entre les ressources municipales, provinciales et fédérales dans le cadre d'équipes intégrées. Par exemple, l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, le groupe intégré de lutte contre les gangs, le groupe de lutte contre les bandes de motards criminalisées, et la nouvelle unité de lutte contre les armes à feu qui est en train d'être montée en puisant dans le financement de base dont il a été question plus tôt sont en train de s'unir et de resserrer leurs liens, afin qu'il soit possible de mener des enquêtes ciblées et pointues qui assurent le meilleur rendement possible pour l'argent dépensé.
    L'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, ou UMECO, fera intervenir toutes les forces de police de la Colombie-Britannique dans sa gouvernance, sa direction et ses interventions dans la lutte contre tout l'éventail d'activités du crime organisé. Ces unités ont une empreinte à l'échelle de la province. Je répéterai ici que nous allons ouvrir deux bureaux de l'UMECO, l'un à Kelowna et l'autre à Prince George, compte tenu de la situation dans le nord et dans le centre de la province. Nous avons déjà un bureau à Victoria. Cela ne diminuera en rien les responsabilités des autres intervenants locaux, provinciaux ou fédéraux, mais veillera à ce que l'éventail complet d'activités criminelles soit sujet à un organe coordonné d'application de la loi qui donne suite aux menaces effectives. Et j'estime que c'est là un élément clé. Nous ne pouvons pas abandonner un secteur et nous concentrer sur un autre. En d'autres termes, nous ne pouvons pas ne cibler qu'un domaine particulier; il nous faut cibler l'éventail au complet.
    Nous avons la ferme intention de maintenir ainsi le cap en matière d'application de la loi de manière à accroître la sécurité du public en ciblant les groupes violents le plus tôt possible grâce à des modèles de renseignements prédictifs et en usant de tactiques tant secrètes que manifestes. Il nous faut continuer d'appuyer la direction locale, provinciale et nationale pour perturber et démanteler les organisations, depuis la rue jusqu'aux groupes hautement sophistiqués. Encore une fois, pour insister davantage sur cet aspect, si nous cessons d'appliquer la loi à un volet du spectre, cela permet à cette activité de s'épanouir.
    Nous poursuivons nos efforts d'application de la loi aux niveaux local, provincial, fédéral et international grâce à nos renseignements et à nos échanges de renseignements. Les choses fonctionnent sur ce plan mieux que jamais auparavant. La situation est-elle parfaite? Non. Avons-nous encore beaucoup de chemin à faire? Oui. Il nous faut augmenter l'analyse tant au niveau du service de police local qu'au niveau du détachement, ainsi que dans l'ensemble des unités spécialisées, et élaborer de meilleurs protocoles et assurer un échange plus rapide d'information afin que les renseignements puissent être utilisés.

  (1110)  

    Il nous faut élaborer des initiatives antigang pour empêcher les jeunes d'y adhérer, et offrir des options à ceux désireux de quitter le style de vie des gangs. Je pense qu'il y a en ce moment au Canada — en tout cas dans notre région — de sérieuses lacunes qui nous empêchent de faire cela.
    Il nous faut continuer d'éduquer non seulement les membres des forces de l'ordre et les jeunes agents qui arrivent, mais également le public et vous autres les politiciens, au sujet de la nature insidieuse du crime organisé et de l'emprise qu'il a véritablement sur notre société, avec toute la violence qui s'ensuit. Il nous faut davantage de recherche empirique — et cela est très limité ici — relativement au crime organisé et à l'activité des gangs. Il nous faut continuer d'appuyer la modernisation du Code criminel, changer les modalités en matière d'accès autorisé et modifier les règles de preuve de manière à ce que nous ayons de la marge. D'énormes pierres d'achoppement bureaucratiques nous empêchent véritablement de faire notre travail.
    Merci.
    Merci beaucoup. Qui sera le suivant?
    Monsieur Shinkaruk, allez-y, je vous prie.
    Merci. Je m'appelle Gary Shinkaruk. Je suis inspecteur de la GRC. Je suis responsable de l'Unité d'application de la loi aux bandes de motards criminalisées.
    Les bandes de motards criminalisées ont une présence en Colombie-Britannique depuis une trentaine d'années. Ces bandes de motards criminalisées sont au nombre de huit, mais dans cette province, ce sont les Hells Angels qui occupent le premier rang. Les Hells Angels sont reconnus aux échelles internationale et nationale comme étant les porte-bannières du crime organisé. La bande des Hells Angels a travaillé fort et a très bien réussi, au cours des dernières décennies, à se faire accepter par la société. Dans bien des cas, on la vénère même et en romance l'image. Il semble qu'il y ait un thème sous-jacent voulant que ce ne soit pas de si mauvais types que cela et que si vous ne les embêter pas, vous n'aurez pas de problèmes.
    La réalité est qu'il s'agit d'une organisation criminelle moderne extrêmement sophistiquée et extrêmement violente. Elle est prête à s'adonner à toute activité criminelle qui peut lui rapporter, mais, sans nul doute, le principal moyen d'existence des bandes de motards criminalisées est le trafic de stupéfiants et le trafic de stupéfiants international. L'emblème de tête de mort constitue pour les Hells Angels une carte criminelle partout dans le monde dont peuvent tirer profit les membres individuels — les Hells Angels sont reconnus par tout groupe de la criminalité comme ayant de la crédibilité.
    Les bandes de motards sont très au courant des techniques policières. Elles consacrent beaucoup de temps à se tenir à jour sur nos techniques, et elles réussissent fort bien à rester en avance sur la courbe, ce qui nous cause beaucoup de problèmes dans nos enquêtes visant à combattre leurs nouvelles façons de faire affaire. Leur emblème de tête de mort est maintenant protégé par le droit d'auteur et les Hells Angels le protègent avec une vigueur inébranlable, en usant de moyens tant légaux qu'illégaux. La bande ne profite pas de l'emblème comme le ferait toute société normale, mais elle en profite du fait de la crédibilité que cela confère à des moyens criminels dans la communauté internationale.
    Cette bande travaille aux côtés d'autres groupes du crime organisé — aux échelles locale, nationale et internationale — dans le but d'atteindre ses objectifs. Dans le monde d'aujourd'hui, c'est ce qu'il faut faire. Vous ne pouvez pas vous cantonner à votre seul groupe. Les membres des Hells Angels sont reconnus instantanément partout du fait de leur emblème, et cela leur procure de vastes pouvoirs pour empêcher des témoins et des victimes de s'identifier et de comparaître, ce qui est, encore une fois, un gros obstacle. La bande a des règles extrêmement bien gérées. Pour devenir membre, il faut compter en gros sept années de dévouement, sous un contrôle des plus stricts. La plupart des organisations seraient très fières de la façon dont cette bande gère ses affaires. Elle tient des réunions nationales et internationales hebdomadaires, mensuelles et annuelles, et veille à ce que chacune d'entre elles se déroule bien.
    Dans le monde de la criminalité, la violence est incontournable. Si vous n'avez pas la capacité d'être violent ou d'être vu comme étant violent, alors vous n'allez pas survivre. Ce que nous constatons en Colombie-Britannique avec la flambée de violence est le résultat du fait que nombre de ces groupes s'efforcent de gagner un peu de terrain dans le monde de la criminalité. C'est de cette manière qu'ils s'y prennent. Ils vont user de violence. Les Hells Angels ne sont pas perçus comme faisant partie de cela, souvent parce qu'ils n'ont pas à y recourir. Du simple fait de se présenter en arborant l'emblème avec la tête de mort dit aux gens qu'il faut les prendre au sérieux. Ils se débrouillent fort bien en ce moment pour rester dans l'ombre, mais cela leur plaît très certainement que la police ait à investir autant de ressources dans ces autres dossiers de sécurité publique.
    Nous avons lancé en 2003 une enquête judiciaire sur les Hells Angels. Nous avons géré cette enquête pendant environ deux ans. L'opération nous en a coûté plus de 10 millions de dollars par an. Depuis la rafle, en 2005, cela continue de nous coûter plusieurs millions de dollars par an. Nous défilons littéralement chaque jour devant les tribunaux, et j'imagine que nous continuerons de nous présenter en cour à chaque jour pendant les deux prochaines années. Du début à la fin, l'opération aura duré environ huit ans.

  (1115)  

    Quant à la question de savoir ce qu'il nous faut faire et avons fait — je pense que vous avez dit que c'est sur cette question que vous souhaitiez que nous nous concentrions —, il s'est fait un certain nombre de bonnes choses. Certes, le paragraphe 25(1) du Code criminel — notre capacité policière de recourir à des exemptions — a été une très bonne chose pour nous, et très utile. Nous y avons également recouru dans le cadre de notre travail d'enquête. Nous y avons recouru 72 fois. Je sais que c'est là quelque chose qui fait l'objet d'examens et de contrôles serrés, et ce à juste titre. J'encouragerais les gens à continuer d'autoriser la police à y faire appel et de maintenir en la matière toute la diligence requise.
    Excusez-moi, mais vous pourrez peut-être nous dire ce que prévoit l'article 25, car la plupart des membres du comité...
    Toutes mes excuses.
    Ce que fait cette disposition du Code criminel est exempter la police de poursuites dans certaines circonstances. Si donc nous souhaitons infiltrer un gang criminel et qu'il nous faut, par exemple, ouvrir avec effraction un véhicule pour y placer un dispositif d'écoute ou autre, cette disposition nous y autorise sans risque de poursuite. La façon de faire est très stricte. Dans le cas d'autres choses, si nous nous attaquons à des trafiquants de drogue de haut rang, il nous est possible d'intervenir au niveau du trafic de drogue intermédiaire pour obtenir les preuves requises pour faire tomber les gros bonnets.
    La chose est très soigneusement gardée par toutes les forces de police et certainement par la GRC, à partir d'Ottawa. Il vous faut justifier chaque chose que vous faites. Nous avons recouru à ce mécanisme 72 fois. On nous l'a sans doute interdit autant de fois, ce qui est, je pense, une très bonne chose.
    Autant le défi est énorme pour la police d'arrêter les groupes du crime organisé — et je ne vois pas cela changer à l'avenir —, autant il est difficile, voire plus difficile, de faire avancer les dossiers dans le système judiciaire. Une enquête de deux ans finira probablement par s'étirer sur cinq ou sept ans devant les tribunaux, et j'entends par là une présence à chaque jour dans la salle d'audience.
    Inspecteur Shinkaruk, vous en arrivez à la fin du temps qui vous était alloué. Pourriez-vous boucler?
    Bien sûr. Je n'allais dire que deux autres choses encore.
    Je pense que la partie 6 de la loi, qui concerne les tables d'écoute, doit être examinée. Il y a un certain nombre de choses très simples que nous pourrions, je pense, faire en la matière, et qui amélioreraient sensiblement le processus.
    En ce qui concerne l'article 467, portant sur le crime organisé, je pense que cela devrait être réexaminé en vue d'une certaine mise au goût du jour.
    Merci beaucoup du temps que vous m'avez accordé.

  (1120)  

    Merci.
    Nous passons maintenant au surintendant Fraser MacRae.
    Je m'appelle Fraser MacRae et je suis un agent de police et membre de la Gendarmerie royale du Canada depuis plus de 32 ans. Je suis présentement l'officier en charge du détachement de la GRC de Surrey.
    Je tiens à souligner ici la présence de deux députés de la ville de Surrey, Mme Grewal et Mme Cadman.
    Je serai bref. En tant que chef de police pour une ville de près de 500 000 habitants, je tiens à fournir au comité des informations concernant l'impact en aval du crime organisé.
    Pendant que les groupes du crime organisé diversifient de plus en plus leurs activités criminelles, il est clair que leur principale source de revenu et de pouvoir provient du trafic de drogues illicites. En Colombie-Britannique, le cannabis est la devise du crime organisé. La production et la culture du cannabis se font partout dans la province, dans les petites et grandes collectivités, et autant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Le cannabis est principalement destiné à l'exportation aux États-Unis, où il est converti en argent comptant, en armes à feu, et/ou en cocaïne, pour alors être réimporté au Canada et dans la province.
    Une fois que la cocaïne et les armes à feu arrivent au pays, cela crée une dynamique et une atmosphère de violence et de misère. Dans la rue, la drogue de choix est le crack, soit de la cocaïne épurée. Cette cocaïne est accessible principalement de trois façons. Il y a la transaction main à la main ou l'achat au niveau de la rue. Il y a la « vente de drogue sur appel », grâce à laquelle les toxicomanes communiquent avec les dealers — qu'ils peuvent connaître ou pas — par le biais de téléphones cellulaires, les dealers livrant ensuite le produit. Puis il y a le « crack shack », le toxicomane se rendant directement là où la drogue est stockée et vendue, pour l'heure.
    Il y a beaucoup d'argent qui peut être fait par le biais de ces opérations, à ce niveau. Par exemple, certaines opérations de vente de drogue sur appel peuvent ramasser 5 000 $ par jour. Ces profits considérables et ce potentiel de revenu se traduisent par une importante concurrence pour ces réseaux de vente, qu'il s'agisse de l'approvisionnement des fumeries de crack, des passeurs de la vente de drogue sur appel, voire du territoire lui-même.
    Comme nous l'avons constaté au cours des derniers mois, cette concurrence est agressive et elle est souvent appuyée par des armes à feu. Des statistiques de 2008 aideront à illustrer la situation.
    En 2008, 33 personnes ont été frappées par balle dans la ville de Surrey, et 10 d'entre elles n'ont pas survécu. La GRC de Surrey est intervenue dans 98 incidents de tir de feu confirmés, ce qui représente une augmentation de 20 p. 100 des incidents avec coups de feu par rapport à l'année 2007.
    En 2008, la GRC de Surrey a saisi 222 fusils et 120 armes de poing, pour un total de 324 armes à feu saisies par la police.
    J'ai déjà fait état d'une dynamique de violence et de misère. Les données statistiques que j'ai fournies concernant les armes à feu témoignent de cette violence. La misère est celle des cocaïnomanes, dont bon nombre vivent dans la rue. On en voit dans toutes les villes du Canada.
    La plupart de ces toxicomanes sont prêts à faire n'importe quoi pour obtenir leur drogue: mendicité, prostitution, vol, introduction par effraction, vol qualifié et même, parfois, meurtre. La plupart de ces personnes sont en permanence en mode de criminalité, passant d'un crime à un autre pour ramasser assez d'argent pour leur prochain achat de drogue. Ce sont ces personnes qui ont la plus forte incidence sur le sentiment d'insécurité de la société et qui sont responsables de la grande majorité des crimes contre les biens.
    Comme le sait bien le comité, le sujet est fort complexe, et ne jouit d'aucune réponse facile, solution miracle ni solution unique. Je vous soumettrai ce qui suit comme suggestion. Il y a une dynamique qui s'étend au-delà de ceux qui participent au crime organisé international de haut niveau, et qui mérite à mon sens des stratégies dans les domaines que voici.
    Certes, il est nécessaire de s'attaquer aux aspects qui entravent présentement la police dans ses enquêtes sur les groupes sophistiqués du crime organisé. La divulgation et le droit d'accès en sont deux exemples. Non seulement cela offrirait à la police la possibilité d'avoir un impact sur ces organisations, mais cela offrirait l'avantage net de libérer des ressources policières pouvant être déployées autrement.
    Pour tous ceux qui sont impliqués dans « l'entreprise du crime », ou la criminalité pour le profit, surtout lorsque cette activité criminelle repose sur le trafic de stupéfiants, il doit y avoir une détention suffisante en cas de condamnation. Non seulement cela assurerait un meilleur équilibre dans l'équation du risque versus la récompense, mais cela pourrait également interrompre l'implication continuelle d'organisations criminelles de niveaux inférieurs.
    Il est courant que les personnes impliquées, soit en tant que tireurs soit en tant que victimes dans ces incidents avec utilisation d'armes à feu, aient un lourd bagage de démêlés avec la police et le système judiciaire. Si ces criminels sont enlevés plus tôt du milieu criminel, et ce pour des infractions sans violence, cette spirale inévitable de violence et de compétition est interrompue.
    À mon avis, il doit y avoir de lourdes conséquences pour toute personne se trouvant en possession d'armes à feu. Il devrait y avoir un renversement du fardeau de la preuve dans le cas de personnes arrêtées avec sur elles des armes à feu, pour qu'elles soient obligées de fournir la preuve qu'elles ne sont pas impliquées dans des activités criminelles.

  (1125)  

    Le système de droit pénal devrait mieux réagir aux éléments entourant ceux qui commettent des crimes du fait d'une toxicomanie, ce surtout dans le cas de contrevenants prolifiques et qui ont un volumineux casier judiciaire. Cela exigerait la collaboration des gouvernements provinciaux et municipaux. Il s'agirait de prévoir un programme obligatoire de désintoxication, de réadaptation et de planification pour l'avenir. Dans le cas des délinquants ayant refusé, dans leurs actes et dans leurs agissements, de se prévaloir de ces possibilités de rétablissement, il importerait de prévoir, comme conséquence, des peines d'incarcération considérables qui assureraient à la fois à ces personnes la possibilité de se réadapter et de se former et la protection de la population canadienne de l'activité criminelle de ces individus.
    Enfin, il importe d'élaborer des stratégies d'éducation et de prévention visant les jeunes, pour les sensibiliser tant aux risques dans le domaine de l'usage de drogues qu'à ceux du phénomène des gangs. En l'absence de ce volet de la stratégie, il continuera d'y avoir des personnes destinées au type de toxicomanie envahissante qui est le moteur du gros de la criminalité, et il continuera d'y avoir un marché pour ceux qui en feront leur proie.
    Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui.
    Merci.
    Merci.
    Inspecteur Stewart.
    Je m'appelle Bob Stewart et je suis membre du service de police de Vancouver depuis 32 ans. Je suis à l'heure actuelle responsable de la section des renseignements criminels.
    Le service de police de Vancouver, grâce à ses propres efforts et à ceux du réseau provincial de renseignements criminels, a pu identifier plusieurs gangs et groupes du crime organisé qui sont en activité dans la région, y compris dans la ville de Vancouver. Nombre de ces groupes ont récemment fait la une des journaux et, du fait du niveau de violence auquel ils s'adonnent dans nos rues, constituent une menace à la sécurité de nos collectivités.
    La récompense financière liée au commerce prolifique de drogues illicites est à l'heure actuelle le catalyseur de la formation de ces groupes du crime organisé. La violence subséquente est typiquement le résultat de guerres territoriales inter-gangs, de vols de drogue et de dettes de drogue non réglées. Cependant, nombre des intéressés sont impliqués dans d'autres types d'activités criminelles, par exemple trafic d'armes à feu, extorsion, vol qualifié, fraude de carte de crédit, vol d'identité, fraude hypothécaire, blanchiment d'argent, contrefaçon, vol et cambriolage de véhicule, y compris trafic de NIV.
    Certains groupes ont fait preuve d'un degré élevé de sophistication en utilisant des technologies de communication encodée pour développer et maintenir leurs réseaux criminels et pour transmettre des informations aux niveaux international et national. Plus cette activité se poursuit en échappant à tout contrôle, plus les groupes deviennent organisés et installés, présentant un défi d'autant plus grand aux forces de l'ordre.
    Dans le but d'appuyer les efforts de démantèlement, de désarmement et de dissuasion de ces groupes à activité criminelle et violente, le service de police de Vancouver a détaché des officiers à nombre des unités policières intégrées dont vous avez entendu parler aujourd'hui.
    Afin de nous acquitter de notre mandat local, qui est d'assurer la sécurité des citoyens de Vancouver, étant donné que notre financement provient principalement du palier municipal, nous concentrons nos efforts de lutte contre le crime organisé sur ces personnes ou groupes qui ont manifesté la plus forte propension à la violence et qui grèvent sérieusement nos ressources policières locales du fait de leur activité violente dans nos rues.
    Le service de police de Vancouver est engagé à faire enquête sur tous les aspects de la criminalité de groupe. À cette fin, nous nous employons à utiliser des techniques de répression originales et tous les outils que nous offre le Code criminel et d'autres textes de loi pour intervenir auprès des membres clés d'organisations criminelles en vue de stopper la vague de violence et de créer l'instabilité au sein des groupes.
    Par suite d'un récent projet ciblant l'un des groupes du crime organisé les plus violents en activité à Vancouver, le service de police de Vancouver a porté plus de 175 accusations contre 25 personnes. Outre des chefs d'accusation liés au trafic de drogue, je citerai le fait de faire du tapage, des actes de violence, la commission de voies de fait et le meurtre. Au total, 75 p. 100 des accusations concernaient des actes criminels mettant en cause des armes à feu et ont résulté en la saisie de 25 à 30 armes à feu. Ce projet a eu pour incidence positive directe en matière de sécurité publique une baisse sensible du nombre de fusillades au cours des six derniers mois dans le sud-est de Vancouver, là où le groupe menait ses activités criminelles.
    Une pratique qui s'est avérée très utile dans le cas des poursuites contre des gangs criminels est l'accès à un poursuivant de gangs régional. Même si le potentiel de cette relation de travail très étroite et très efficace avec le procureur de la couronne n'a pas encore été pleinement reconnu dans le contexte de la criminalité de gang, les efficiences en matière d'enquête et de poursuite réalisées grâce à l'affectation d'un procureur spécialisé ne sauraient être exagérées. Les enquêtes ont tendance à demeurer ciblées, tandis que des accusations appropriées sont portées et les mandats sont exécutés en temps opportun.
    La police et les avocats de la Couronne, tant fédéraux que provinciaux, doivent être encouragés à continuer d'élaborer des stratégies en vue d'accroître leur efficacité conjointe. Les poursuivants fédéraux et provinciaux doivent quant à eux continuer de développer des relations de travail visant la résolution des questions juridictionnelles et la consolidation des poursuites afin que les juges à l'instruction puissent pleinement comprendre l'envergure de l'activité criminelle du contrevenant et les effets négatifs en découlant pour l'ensemble de la collectivité.
    D'autre part, le recours à un poursuivant spécialisé qui a une connaissance parfaite du dossier facilite une divulgation appropriée et appuyée des faits lors de l'audience sur la libération sous caution. Ce devrait être considéré comme une pratique exemplaire, de sorte que les membres violents individuels d'un groupe du crime organisé puissent être arrêtés et inculpés de manière opportune et maintenus en détention pour éviter que ne soient révélées des informations susceptibles de mettre en péril une enquête de plus grande envergure en cours.
    Les personnes qui s'adonnent à des activités criminelles particulièrement violentes doivent être arrêtées, inculpées, incarcérées, puis être placées sous garde de manière à procurer à la collectivité un sentiment de soulagement et augmenter la sécurité publique. Un exemple de ce modèle réussi pour la répression du crime contre les biens est le programme des contrevenants chroniques du service de police de Vancouver et le groupe de travail sur le vol d'identité. Des procureurs de la Couronne provinciaux spécialisés interviennent tôt à l'étape de l'enquête et participent à l'établissement d'une orientation et d'un échéancier efficients pour faire rapidement aboutir le dossier. Dans le cours du processus d'approbation de l'inculpation, le même procureur consolide les chefs d'accusation de l'accusé pour l'ensemble de la région puis en fait la soumission lors de l'audience sur la libération sous caution et du prononcé de la sentence. Nous avons, grâce à ce travail, obtenu des ordonnances de détention et des plaidoyers de culpabilité dans 90 p. 100 des cas, et la collectivité jouit d'un répit par rapport à l'incidence néfaste sur elle d'un récidiviste du crime contre les biens prolifiques.

  (1130)  

    J'aimerais soulever un dernier point. Il y a un autre volet du système de droit pénal dont je pense qu'il mérite un examen plus poussé, et je veux parler des libérations sous caution. L'on peut dire que le public conviendrait dans de nombreux cas que les peines imposées par les tribunaux sont jugées appropriées. Mais ce qui est une source de plus grande inquiétude est l'application du processus des libérations sous caution. Les contrevenants peuvent ne purger qu'un sixième à un tiers de leur peine en milieu carcéral, le restant étant purgé dans la collectivité.
    La présente tribune n'est peut-être pas la tribune appropriée pour discuter des libérations sous caution. Je conviens que la question est fort complexe. Cependant, l'on peut avancer que, par suite de la politique en matière de libération sous caution, il n'y a pas un effet de dissuasion suffisant par rapport à la commission de crimes.
    Merci.
    Merci.
    Inspecteur Desmarais, allez-y, je vous prie.
    Je m'appelle Brad Desmarais et je suis policier depuis plus de 30 ans. Je suis à l'heure actuelle responsable de l'unité de lutte contre les gangs et les stupéfiants au service de police de Vancouver.
    Je vais vous parler un petit peu du crime organisé. Je vais rehausser quelque peu la barre pour vous entretenir davantage du crime organisé plus sophistiqué que nous rencontrons. Je vais en quelque sorte étayer les remarques de l'inspecteur Shinkaruk sur la façon dont le crime organisé fonctionne aux paliers supérieurs, par rapport à ce qui se passe au niveau de la rue.
    La criminalité organisée, comme le gros de la criminalité, est axée sur le commerce. Exception faite des crimes de passion et de quelques autres catégories de délits, la plupart des personnes qui commettent des crimes le font pour en retirer un avantage. Les organisations qui commettent des crimes ou en font commettre par d'autres le font généralement pour satisfaire un motif de profit.
    Tout comme les entreprises légitimes, les criminels membres d'organisations criminelles, qu'ils le sachent ou non, effectuent une analyse risques-avantages avant de commettre un délit. Ils soupèsent le risque par rapport au profit escompté. Ce concept vaut dans la plupart des cas, que l'individu soit en train de surveiller une maison en vue d'y pénétrer par effraction ou qu'un groupe hautement organisé soit en train d'envisager une entreprise criminelle complexe. De façon générale, tout est une question d'argent.
    On peut soutenir que le commerce de drogues illicites est une importante force motrice derrière l'économie criminelle nord-américaine. Cependant d'importantes lignes de profit existent également dans d'autres secteurs d'activité criminelle.
    Je suis policier depuis plus de 30 ans. J'ai consacré le gros des 15 dernières années à enquêter sur le blanchiment d'argent du crime organisé. Pendant cette période, il s'est opéré, à mon sens, un virage marqué dans la façon dont les groupes sophistiqués du crime organisé font affaire. Comme c'est le cas de nombreuses entreprises légitimes qui réussissent bien, les personnes qui gèrent ou qui conseillent les groupes du crime organisé ont appris la valeur de la diversification.
    La diversification des branches d'activité criminelle est souvent la clé à la longévité et à la rentabilité des organisations criminelles. Leur recours à des experts externes en droit, en comptabilité, en planification financière et ainsi de suite contribue au maintien d'une organisation criminelle en santé et robuste.
    Les criminels dont le domaine de prédilection historique est le trafic de stupéfiants sont aujourd'hui en train d'examiner et d'explorer d'autres activités criminelles en vue d'étaler le risque et d'exploiter la rentabilité. Fraude, extorsion, contrefaçon, proxénétisme, trafic de personnes, vol et quantité d'autres actes criminels offrent un vaste éventail de possibilités de gagner un profit criminel. Même une fraude relativement peu raffinée peut rapporter très gros. D'après mon expérience, ces crimes sont souvent menés simultanément avec des entreprises de trafic de stupéfiants, au lieu d'en être exclus.
    C'est pure illusion naïve que de penser que la drogue est le seul moteur du crime organisé et, comme d'aucuns le pensent, que le retrait de la drogue de l'économie criminelle mettrait fin au crime organisé et à tout ce qui s'ensuit. L'activité criminelle organisée et individuelle menée dans le but de faire un profit demeurera.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, le principal motif dans la commission de la plupart des actes criminels est purement et simplement le dégagement d'un profit. Les voyous et les trafiquants d'aujourd'hui ne vont pas tout simplement disparaître si l'une ou l'autre de leur branche d'activité se faisait éliminer.
    De la même façon, la violence sera toujours une caractéristique du crime organisé, quel que soit le type de crime. Les tribunaux et les autres moyens légitimes de règlement de différends ne sont typiquement pas à la portée des criminels. La médiation peut intervenir entre certains groupes, mais en cas d'échec, la violence est souvent utilisée pour régler des disputes, diminuer la responsabilité ou éliminer la concurrence. Dans bien des cas, le recours à la violence à l'endroit de concurrents ou de personnes pouvant être un risque pour l'organisation se fait de manière discrète et loin du regard du public. Souvent, la cible de la violence disparaît tout simplement.
    La violence est un style de vie pour le gros du monde criminel. Cependant, la violence la plus énorme est sans conteste celle dont usent les trafiquants de rue et de niveau intermédiaire dans la défense de leurs marchés de drogues contre des concurrents ou des prises de contrôle. Le crime est une source d'argent facile et qui échappe à l'impôt, ce que les criminels n'abandonnent pas volontairement.
    En bref, il nous faut disposer de moyens de nous attaquer aux causes premières de la criminalité et d'améliorer la capacité de l'État de s'attaquer aux motifs de la rentabilité grâce à la confiscation des biens acquis de façon criminelle.
    Les tribunaux doivent quant à eux avoir la capacité d'imposer de lourdes peines dans les cas de délits prouvables reprochés à des personnes assurant des services facilitant la commission d'actes criminels. Dans le Lower Mainland, nous réagissons à ce qui a été très justement décrit par notre chef de police comme étant une guerre de gangs brutale. Nous consacrons une quantité énorme de ressources à la lutte contre cette menace immédiate à la sécurité publique. Je pense que nous sommes en train de gagner.
    Il n'y a aucun doute que le déploiement de ces ressources est approprié. C'est ce que le public attend de nous. Rien de moins ne fera l'affaire. Ce que nous ne pouvons cependant pas nier est l'absolue certitude que le crime organisé et la misère humaine l'accompagnant demeureront bien après le recul de l'actuelle violence de gang régionale. Il nous faut nous tourner vers le futur et essayer d'anticiper les menaces criminelles afin de pouvoir les contrer avant qu'elles ne deviennent flagrantes pour la sécurité du public.

  (1135)  

    Il nous faut disposer de meilleurs outils pour entreprendre des enquêtes criminelles complexes. Des lois nouvelles et améliorées dans une vaste gamme de domaines constituent une partie importante de la solution. Vous avez nul doute entendu parler de la frustration de la police en matière d'accès légal à la divulgation de renseignements et ainsi de suite. Il y a d'autres volets du droit qui devraient eux aussi être sérieusement remaniés. La Loi sur la preuve du Canada, par exemple, n'a pas subi de révision majeure depuis 1923, en dépit de l'évolution de la technologie de l'information, des pratiques bancaires et commerciales, des conventions internationales, des traités d'entraide juridique, et ainsi de suite. Ce n'est là qu'un exemple. Il en existe quantité d'autres.
    Nous sommes soulagés de constater que les dispositions législatives en matière de confiscation civile ont survécu à une contestation fondée sur la Charte devant la Cour suprême du Canada il y a de cela quelques semaines. Bien franchement, l'utilisation de la procédure civile pour confisquer des produits de la criminalité a connu un succès fou, en tout cas en Colombie-Britannique. Il conviendrait d'explorer encore d'autres dispositions du droit civil comme moyen de perturber le crime organisé.
    Il nous faut par ailleurs oeuvrer à l'amélioration de la viabilité de la législation relative aux produits de la criminalité. Les enquêtes en la matière sont complexes, typiquement onéreuses et longues, pouvant prendre des années devant les tribunaux.
    Enfin, l'élément le plus important pour contrer les menaces présentes et futures du crime organisé est que les gouvernements à tous les paliers continuent d'appuyer les forces de l'ordre, et ce même une fois que l'actuelle vague de violence se sera estompée. Des groupes sophistiqués du crime organisé continueront de sévir. Les dommages qu'ils infligent ne se résument pas à un décompte des corps; la chose est beaucoup plus subtile.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant au sergent Wallis.
    Je m'appelle Roland Wallis. Je suis membre de la GRC et je suis présentement affecté au détachement de Surrey. Fraser est mon patron. Il me faudra surveiller ce que je vais dire — pas vraiment.
    Je compte environ 20 années d'expérience comme policier. Avant cela, j'avais ma propre entreprise de plomberie et de chauffage, ayant reçu mon certificat de plombier et de monteur d'installation au gaz de la Colombie-Britannique, ainsi que mon ticket plomberie. La raison pour laquelle je dis cela est que cela m'a aidé dans ma carrière dans la police, car j'ai pu fournir des témoignages d'expert devant les tribunaux au sujet d'installations de culture de la marijuana ainsi que de laboratoires de production de méthamphétamine sous tente.
    J'ai passé un peu de temps dans la section GI, c'est-à-dire la section de la police en civil. J'ai été versé à la section des stupéfiants pendant environ un mois et demi à Mission. En 1996, j'ai été exposé à l'un des plus gros laboratoires mobiles de production de méthamphétamine du Canada, aux côtés de mon partenaire. Nous étions dans le bois, tout à l'extrémité de Mission, et nous ne savions pas très bien à l'époque sur quoi nous étions tombés, ni même ce sur quoi nous avions été exposés. C'était au tout début de l'installation de ces laboratoires dans notre région.
    À cause de cela, et du fait que nos policiers ne savaient pas ce qui se passait, j'ai pris sur moi, en tant que membre des services généraux, de me renseigner au maximum sur les cultures de marijuana et les labos de méthamphétamine. J'ai suivi bon nombre de cours un peu partout en Amérique du Nord, tout en travaillant comme simple policier, afin de me renseigner au sujet de ces types de laboratoires de production de méthamphétamine et de leurs dangers.
    Pendant ma carrière, j'ai participé à des descentes dans environ 35 labos de méthamphétamine et au-delà de 300 cultures de marijuana. Dans certains cas, les gens ne sont même pas au courant des dangers qui peuvent exister dans une culture de marijuana. Si je dis cela c'est que j'ai une formation de monteur d'installation au gaz, et j'ai déjà vu une installation de culture dans laquelle on avait utilisé des tubes en caoutchouc pour raccorder une ligne de gaz à la maison afin d'alimenter un système de production de CO2 pour les plants de marijuana. Il y a dans le gaz un produit chimique qui s'attaque au caoutchouc, qui peut ainsi se désagréger au fil du temps, et c'est ainsi que surviennent les explosions dont on entend parler.
    Je vous parle ici d'une simple installation de culture de marijuana.
    En tant que policiers, nous sommes exposés à des pesticides et à des herbicides dans ces installations de culture. J'ai pénétré dans une culture où l'on s'était branché sur la ligne de gaz principal dans la rue, et il y avait quelque 40 livres de gaz qui étaient envoyés à 500 pieds de la route dans une énorme génératrice. C'était comme s'il y avait eu un 747 prêt à s'envoler. C'était une importante quantité de gaz à laquelle être exposé.
     Comme je l'ai dit, j'ai participé à des descentes dans plusieurs laboratoires de méthamphétamine et de laboratoires de fabrication de MDMA. Tous les types de produits chimiques qui y sont utilisés — solvants, éther, produits chimiques semblables, acide sulfurique — sont extrêmement explosifs. Il y a un exemple de ce qui peut se produire dans le journal. Une maison ou un appartement dans l'est de Vancouver a explosé, et c'est ce qui s'est passé dans le cas de certains des laboratoires dans lesquels je me suis rendu.
    Les gens ne se préoccupent aucunement de la sécurité dans la fabrication ou la production de ces drogues. C'est une question d'argent et de domination du marché. Nous faisons tout ce que nous pouvons en notre qualité de policier. Il y a également d'autres agences qui nous aident. Je me dis parfois que ce serait bien que Revenu Canada soit tout à côté lorsque nous faisons ces descentes, afin de pouvoir aller frapper à la porte dès que nous avons terminé pour examiner de près d'où provient tout l'argent de ces personnes.
    Tout cela est également lié aux gangs. Ils veulent tous être en haut de la pyramide et avoir leur territoire et leurs zones et gagner un maximum d'argent. Je pense que ces laboratoires de production de drogues sont la source du gros de l'argent des bandes de motards criminalisées et des autres gangs de rue.
    J'aimerais que des changements soient apportés au système judiciaire en ce qui a trait aux mandats de perquisition. S'il y avait moyen de faire en sorte que ce soit considéré comme une urgence de faire des descentes dans ces laboratoires de méthamphétamine et de marijuana... car la sécurité publique est un souci de premier chef pour nous, ainsi que pour nos membres. Il nous faut fermer ces laboratoires. Dans bien des cas, certains de nos membres savent où se trouvent certains de ces laboratoires, mais nous ne disposons pas de suffisamment de preuves pour y mener des descentes. Nous pourrions, sur la base de notre expérience et munis de certains des renseignements dont nous disposons, en cas de situation d'urgence, pénétrer dans un quelconque de ces laboratoires et au moins faire des arrestations et traiter des suites plus tard.

  (1140)  

    Il importe également de savoir que la destruction de ces produits chimiques est chose très coûteuse. Cela coûte des milliers et des milliers de dollars. La destruction du camion à Mission avait à l'époque coûté 32 000 $, ce qui est beaucoup d'argent.
    Pour résumer, encore une fois, notre principal souci est la sécurité du public. Un exemple parfait est ce qui s'est passé hier soir dans l'est de Vancouver. Merci.
    Merci, sergent.
    Enfin, nous allons entendre M. Matt Logan.
    Matt Logan. J'ai été membre de la GRC pendant 28 ans et demi, et j'ai le bonheur d'être aujourd'hui à la retraite. Je suis depuis six ans psychologue opérationnel pour les crimes majeurs.
    J'aimerais simplement dire, pour terminer, que ma perspective cadre bien sûr avec tout ce que vous avez entendu jusqu'ici, mais j'aimerais franchir un pas de plus et vous entretenir un petit peu de la psychologie des membres des gangs.
    Premièrement, ce que l'on retrouve chez les membres des gangs est une combinaison de personnalité anti-sociale et de psychopathie. La psychopathie touche un groupe plus restreint, soit environ 15 à 20 p. 100 des contrevenants, tandis que 85 p. 100 des contrevenants souffrent de personnalité anti-sociale.
    Ce que nous disons ici est que les psychopathes n'ont aucune conscience. Ils se désintéressent totalement des personnes auxquelles leurs agissements pourraient nuire. Leur vie se résume à la satisfaction de leurs besoins. J'estime que les tribunaux devraient également envisager ces personnes du point de vue psychologique à l'étape de la détermination de la peine, sachant que la réadaptation n'est sans doute pas chose possible pour ce groupe particulier de contrevenants. D'autre part, du fait de ce trouble de personnalité anti-sociale, non pas comme moyen de... c'est une excuse pour ce que fait la personne, mais il s'agit de dire qu'il y a peu de chances que l'accusé puisse se réadapter, et la peine devrait être établie en conséquence.
    La chose la plus importante que j'aimerais dire aujourd'hui cadre avec ma croyance qu'il faut pêcher en amont. Nous avons la possibilité et le devoir de protéger la société et, certes, de protéger nos enfants. L'une des choses auxquelles il nous faut réellement être sensibles est que nous sommes en train de dépenser beaucoup d'argent sur le saumon qui flotte ventre à l'air dans le système fédéral.
    Il nous faut intervenir très tôt. Nous pourrions commencer à intervenir dès l'âge de quatre ans. Le diagnostic de trouble de comportement et de trouble oppositionnel avec provocation peut être posé à quatre ans. Il est certain que dès la troisième année d'école élémentaire, il y a moyen d'essayer de déterminer lesquels de nos enfants vont être des récidivistes chroniques pendant tout leur parcours de vie et lesquels seront simplement délinquants pendant leur adolescence.
    L'un des plus gros blocs de recherche en études de l'enfant des 40 dernières années, et je veux parler d'études longitudinales... les deux zones principales étant Pittsburgh et Dunedin. Toute cette riche masse de connaissances nous dit qu'environ 5 à 6 p. 100 des criminels ont ce penchant depuis la petite enfance. Encore 43 p. 100 environ des criminels le sont à l'adolescence seulement. Ce sont des jeunes qui basculent du côté anti-social entre 12 et 21 ans.
    Une chose dont fait beaucoup état la recherche — et je pense qu'il importe d'en souligner l'importance — est le fait que 5 à 6 p. 100 des multirécidivistes — qui vivront pendant tout leur parcours de vie dans la criminalité — exercent en même temps une influence sur un groupe très susceptible de délinquants adolescents. En prêtant davantage attention à ces 5 à 6 p. 100, nous nous attardons non seulement sur ceux qui commettent plus de 50 p. 100 des crimes violents, mais également sur l'influence qu'ils exercent sur nos enfants pro-sociaux dans certaines tranches d'âge.
    Une autre chose qu'il nous faut savoir est que le processus d'influence est le plus manifeste chez les plus jeunes. Une fois arrivés en septième et en huitième années, ces enfants doivent avoir de meilleurs modèles de rôle. Certains des modèles de comportement qu'ils ont, malheureusement, leur proviennent des personnes dont vous ont parlé mes collègues.
    Ce qu'il nous faut faire, même dans les médias, c'est traiter ces personnes pour ce qu'elles sont, au lieu d'en faire des héros, des personnes à imiter. Au fur et à mesure de la progression de l'approche multi-agences, la police intervenant aux côtés d'autres organismes, il nous faut vraiment nous concentrer sur ce que nous pouvons faire pour bâtir à partir des besoins et des forces de nos enfants et pêcher en amont pour empêcher une catastrophe de survenir.
    Merci.

  (1145)  

    Merci beaucoup.
    Vous nous avez dit beaucoup de choses, et nous allons maintenant passer aux questions. Puis-je proposer que nous nous en tenions à des tours de cinq minutes, afin que le plus grand nombre de membres du comité puissent poser des questions?
    Monsieur Dosanjh, vous disposez de cinq minutes.
    Merci.
    Nous avons couvert quantité de questions, bien sûr, allant des approches en matière de réadaptation à un accès plus facile aux laboratoires, en passant par l'établissement de la peine, les règles de preuve, l'accès autorisé, la divulgation et la libération sous caution, pour ne citer que quelques-uns des thèmes. J'ai également entendu les expressions « équipes », « groupes intégrés » et « problème régional ».
    Il s'agit bien évidemment de quelque chose que vous ne pouvez pas faire, mais voici une question. Vous êtes les experts, et la question concerne les services de police régionaux. Je sais que vous ne pouvez pas donner de réponses politiques ni traiter de questions politiques, mais il s'agit d'une question de maintien de l'ordre. Je demanderais à chacun d'entre vous de me dire si vous convenez ou non qu'une force de police régionale, en tout cas dans la région du Grand Vancouver — ou le district régional du Grand Vancouver, ou Metro Vancouver, ou autre, selon le nom que vous employez peut-être en ce moment — serait un outil approprié, en plus des autres choses que vous souhaitez avoir.
    Vous avez le groupe intégré des enquêtes sur les homicides, vous avez l'unité des armes à feu, vous avez le groupe intégré de lutte contre les gangs et vous avez l'unité mixte d'enquête sur le crime organisé. Vous avez ensuite l'unité d'application de la loi aux bandes de motards criminalisées et le poursuivant régional des gangs. Vous avez déjà l'infrastructure; or, vous n'avez pas de cadre d'ensemble qui chapeaute toutes ces choses de manière intégrée.
    Je vous demanderais à chacun d'exprimer votre opinion, si vous pouvez le faire, aujourd'hui.
    Merci.

  (1150)  

    Exception faite du groupe intégré des enquêtes sur les homicides, qui a un modèle de financement distinct et qui a été créé pour une raison différente, toutes les unités dont vous venez de parler, réunissant quelque 350 enquêteurs sur le crime organisé, relèvent en fait d'un seul et même gestionnaire, appuyé par un conseil de gouvernance qui reflète la totalité des services de police. Cette structure sera en fait en place très prochainement, soit le 1er juin. Voilà quel est le modèle pour ce qui est de la lutte contre le crime organisé.
    D'autres éléments, comme les équipes d'intervention d'urgence, sont déjà intégrés et desservent un vaste territoire à l'échelle de la région métropolitaine de Vancouver, alors nous avons donc, en fait, un modèle de service de police régional.
    Les collectivités pour lesquelles nous assurons la surveillance policière nous ont dit — et nous avons entendu les maires de Burnaby, Langley et Surrey, pour n'en citer que quelqu'uns — que le modèle de service de police locale, jumelé à une organisation régionale des aspects plus complexes et plus coûteux, est le bon modèle pour eux, et c'est ainsi que nous avons taillé sur mesure notre service.
    Allez-y, inspecteur Stewart.
    Il s'agit là d'une question très délicate dans le monde policier. Indépendamment des officiers qui sont ici, mon opinion personnelle, et celle de mon service, est que nous appuyons une force policière régionale, mais non pas du fait d'un manque d'effort, d'un manque de désir ou d'un manque de professionnalisme parmi les officiers qui sont sur le terrain partout dans la région. C'est davantage le fait d'une perspective... Je suppose que la meilleure façon de représenter la situation serait de poser la question suivante: si vous deviez atterrir ici demain et créer un corps de police pour cette région, à quoi celui-ci ressemblerait-il? Il vous faudrait déterminer des frontières, bien sûr, pour délimiter la région, mais le tout ressemblerait à une seule force policière sous une commission de police unique. La gestion et la direction seraient locales, et les ressources pourraient être partagées de manière opportune à l'échelle de la région.
    Débattre de la question supposerait de nombreuses heures et livrerait de nombreuses opinions, car il y a beaucoup d'avantages et d'inconvénients, mais, pour faire simple, j'appuie personnellement la structure, et c'est également le cas de notre service. Je pense que cela offre un meilleur modèle de service de maintien de l'ordre en vue de l'échange d'information et du déploiement rapide et flexible de ressources, en fonction des besoins, à l'échelle de la région. De ce point de vue-là, j'appuie certainement ce modèle.
    Allez-y, surintendant MacRae.
    Comme l'a indiqué mon collègue de Vancouver, il s'agit d'un sujet fort délicat, et pour lequel je ne pense pas qu'il existe de bonne ou de mauvaise réponse. Il y a du pour et il y a du contre, et je sais qu'à l'extérieur de Vancouver même il y a un appui politique considérable en faveur du statu quo.
    Je soulignerais, monsieur, que, comme vous le savez très bien, cela ne se fera jamais, car différents paliers policiers — nationaux et provinciaux— doivent également contribuer aux stratégies de lutte contre le crime organisé, par exemple, ou d'autres cibles communes à tous les mandats. Voilà ce que je vous soumettrais à ce sujet.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Ménard.

[Français]

    Je vais parler en français. Je ne vais pas me mêler de l'organisation locale de la police. Étant un Montréalais, je ne sais évidemment rien de vos débats internes.
    J'ai trois questions auxquelles j'apprécierais obtenir des réponses courtes. Monsieur Shinkaruk, vous avez parlé de la nécessité d'amender l'article 467. Au Québec, des jugements ont été rendus à l'effet que l'article 467, dans sa définition, incluait les gangs de rue. C'était au Québec, il était question du gang Pelletier, et la décision a été rendue il y a deux ans.
    Quels sont les amendements que vous aimeriez-vous voir à l'article 467, qui traite des organisations criminelles?

[Traduction]

    Je pense avoir compris le gros de la question. Je pense que vous voulez parler de l'article 467 et des succès qu'il y a eu au Québec. Ai-je bien saisi l'esprit de votre question?
    La question concernait également les changements à l'article 467, la définition, et les idées que vous avez peut-être en vue de changements.

  (1155)  

    Bien sûr. J'aimerais dire une ou deux choses.
    En tant que policier, je regarde ce qui se passe au Québec avec beaucoup d'admiration. Je reviens tout juste du Québec, où nous avons réussi à arrêter 155 membres des Hells Angels avec une seule mise en accusation. Nous aurions bien de la difficulté ici en Colombie-Britannique à avoir une mise en accusation visant plus de cinq ou six personnes. Les règles au niveau des tribunaux sont complètement différentes, et il n'y a aucun doute qu'à ce niveau-ci ce genre de question doit être examiné dans un contexte provincial.
    Beaucoup de décisions positives ont été rendues grâce à l'article 467, tant au Québec qu'en Ontario. En Ontario, par trois fois, les Hells Angels ont été reconnus au niveau de la Cour suprême comme étant une organisation criminelle au Canada.
    Ce qu'il nous faut faire avec l'article 467, c'est l'élargir. Ce qu'il offre est un bon départ, mais il nous faut réellement nous atteler et y mettre...

[Français]

    Qu'est-ce que cela veut dire?

[Traduction]

    Que voulez-vous dire par là? Quel genre de modifications aimeriez-vous y voir apporter?
    L'article 467 renferme des dispositions en matière de table d'écoute. Cela relève également de la partie 6. Lorsque nous demandons une autorisation d'installation de table d'écoute à grande échelle et qu'il y a un petit changement qui y est apporté — mettons, par exemple, que cinq personnes sont nommées, mais qu'une sixième est ajoutée à l'enquête —, à l'heure actuelle, au Canada, il nous faut refaire la demande. Cela est très exigeant en matière de main-d'oeuvre. Il nous faut mettre le juge au courant de tout ce qui est intervenu depuis la délivrance du dernier mandat. Souvent, rien n'a changé quant à l'esprit de l'écoute envisagée, mais cela peut demander littéralement des mois. Cela devient extrêmement inefficace.
    Je me suis entretenu avec les gens au Québec. Ce qu'ils ont essayé de faire il y a de cela quelques années, bien que la chose n'ait pas été mise à l'épreuve au niveau de la Cour suprême, a tout simplement été d'apporter une modification. Ils ont dit qu'ils intégraient cette autre personne pour tel ou tel motif; c'était une modification de deux ou trois pages, et ils déclaraient tout simplement ensuite que l'esprit de tout ce que le juge avait autorisé en matière d'écoute demeurait tel quel. Ils ont pu faire la chose de manière très efficace.
    C'est ce qui a été fait il y a quelques années dans le cadre du Projet Colisée, dans le cadre duquel ils se sont attachés au crime organisé. Lorsqu'ils ont pu faire cela, cela a permis de conserver l'impulsion et de maintenir le cap dans le cadre de l'enquête. À procéder autrement, cela fait tout simplement piétiner l'enquête, et ce qui demanderait quatre mois en demande littéralement huit ou neuf.
    D'autres choses que nous envisagerions serait un genre d'enregistrement ou d'acceptation si vous êtes qualifié d'organisation criminelle par plusieurs cours suprêmes. Dans le cas dont nous parlons, les Hells Angels sont une organisation criminelle. Accepter le fait qu'il s'agit d'une organisation criminelle...
    C'est ce que je proposais.
    Je conviens pleinement qu'ils sont une organisation criminelle au Canada. Il n'y a rien qui vous empêche d'être membre d'une organisation criminelle au Canada, et cela va à l'encontre du but recherché. C'est à ce niveau-là qu'il nous faut faire quelque chose.

[Français]

    C'est bien.
     Ai-je le temps de poser une autre question?
    Vous pouvez compter sur nous pour essayer le plus possible d'avoir une liste. Évidemment, il doit y avoir des balises, mais nous avons des idées très précises là-dessus.
     Au Québec, on a arrêté 156 personnes. De ce nombre, 111 étaient membres des Hells Angels. Évidemment, cette enquête a duré deux ans et demi. Quand j'essaie de comprendre quelle est la différence entre ce que vous vivez ici et ce qu'on a vécu au Québec, j'ai l'impression que les gangs de rue apparaissent plus importants que les motards criminalisés dans le portrait du crime organisé. Est-ce que je me trompe? Qu'est-ce qui vous empêche de faire ce type d'arrestation au sein des gangs de rue? M. MacIntyre a dit dans son mémoire que les groupes ne s'identifiaient plus, qu'il n'y avait plus de tatouages. C'est peut-être plus difficile, mais qu'est-ce qui vous empêche d'écrouer les membres des gangs de rue?

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez en partie parlé d'une enquête de deux ans et demi et de l'arrestation, en conséquence, de 156 personnes. Vous avez demandé ce qui empêche la Colombie-Britannique de faire cela, et si nous mettons davantage l'accent sur les gangs de rue.
    Non. Je pense qu'il nous faut continuer de viser l'éventail tout entier. Notre difficulté ici, comme l'a indiqué l'inspecteur Shinkaruk, est que nous n'obtiendrons pas l'approbation de la poursuite, dans le cadre d'un mégaprocès, de plus de cinq ou six accusés pour une seule mise en accusation. La bureaucratie relative aux tribunaux en Colombie-Britannique est incroyable. Nous ne pourrions pas aller de l'avant avec cela.
    L'inspecteur a parlé de nos mandats. Le Québec a apporté un amendement, un simple amendement; il nous faut quant à nous produire des milliers de pages pour justifier la chose, et c'est une lourde tâche. Il s'agit d'une loi pour le pays, mais elle n'est pas appliquée comme s'il s'agissait d'une loi pour le pays.

  (1200)  

[Français]

    Cela veut-il dire qu'ils ne peuvent pas tenir de mégaprocès?
     Je comprends.

[Traduction]

    Les mégaprocès sont extrêmement coûteux et extrêmement difficiles compte tenu du niveau de soutien à la poursuite que nous avons ici et de la façon dont les tribunaux de la Colombie-Britannique en ont traité. Les choses sont très difficiles pour nous en ce moment.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Comartin, pour cinq minutes environ.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être des nôtres.
    Je vais me faire l'avocat du diable à ce stade-ci et soulever trois points avec vous. Je demanderais que l'un quelconque d'entre vous réponde. Je vais appeler cela des accusations contre le système de justice pénale dans cette province.
    La première vient, je pense, directement de l'association professionnelle de la police. Le problème est que vous êtes en sous-effectif pour ce qui est du nombre de policiers que vous avez par rapport à la population.
    La deuxième rejoint un point qui a déjà été soulevé. Votre taux de recours à l'approche intégrative au niveau du commandement est le pire au pays.
    La troisième a émergé cette semaine. Je veux parler de votre technologie, de vos ordinateurs. Surintendant MacRae, j'imagine que c'est sans doute vous qui allez répondre à cette question-ci. Vous avez deux systèmes, et vous avez les systèmes municipaux qui ne sont pas interactifs, et votre technologie accuse donc un retard par rapport au gros du reste du pays.
    Enfin, comme cela vient tout juste d'être souligné, au niveau tant de la poursuite que de l'appareil judiciaire, vous semblez appliquer les normes fédérales en matière de preuve et le Code criminel d'une manière qui est sensiblement différente de celle que l'on constate ailleurs au pays, et il semble que cela nuise à la protection du public.
    Vous ne disposez que d'environ trois minutes et demie pour répondre.
    Si vous permettez, monsieur, je vais commencer par la question la plus simple, celle concernant les systèmes informatiques ou d'information. Je suis quelque peu confus, car je pense que nous sommes en fait la seule province au pays qui ait un système commun de gestion des dossiers par le biais de PRIME et Versadex. Je peux être dans ma voiture de police et accéder en temps réel aux dossiers du service de police de Vancouver. Je ne vois donc pas très bien ce...
    Il a été question cette semaine d'une accusation faite, je pense, par un ancien membre de la GRC et selon laquelle vous avez en fait deux systèmes et ceux-ci ne sont pas interactifs.
    Puis-je intervenir?
    Ils sont en fait interactifs, grâce au LEIP, qui est un portique d'information sur les affaires criminelles. La Colombie-Britannique est la seule province au Canada, et en fait la seule juridiction en Amérique du Nord, dont tous les services de police sont branchés sur un seul et même système de gestion de dossiers. C'est une initiative qui a été prise par suite des événements du 11 septembre.
    Je pense que la question était qu'à la GRC même, il y a deux systèmes de gestion de dossiers, PRIME en Colombie-Britannique, et PROS dans le reste du Canada. Or, PRIME et PROS sont interexploitables. Malheureusement, cela se fait par le biais d'un portique. Dans un monde idéal, tout le Canada aurait un système de gestion de dossiers unique pour l'ensemble des corps de police et des forces de maintien de l'ordre. Ce serait le cas dans un monde parfait, mais ce serait un monde très coûteux.
    En Colombie-Britannique, le fait que tous les services de police et de maintien de l'ordre soient branchés sur le même système de gestion de dossiers fait l'envie de beaucoup d'États et de provinces, et nous accueillons beaucoup de visiteurs qui veulent le voir. Peut-être que c'est la façon dont cela a été rapporté qui a posé le problème, mais nous n'y voyons pas une mauvaise nouvelle ici en Colombie-Britannique; PRIME s'inscrit dans les pratiques exemplaires.
    J'aimerais appuyer ce qu'a dit le commissaire. PRIME est en vérité un système de gestion de dossiers très robuste. L'une de ses caractéristiques clés est la capacité d'analyser les renseignements dans le système d'une manière qui nous permet, à nous les gestionnaires de la police, de les diffuser immédiatement dans le champ et de déployer les ressources policières là où on en a besoin.
    Deuxièmement, comme l'a mentionné le commissaire adjoint, il m'est de très grande valeur de pouvoir être assis à mon bureau ou dans ma voiture de police et de pouvoir entrer les données sur un bien ou un événement criminel qui est en train de se dérouler devant moi et de voir quels autres incidents criminels sont en train de se dérouler ailleurs dans le voisinage immédiat. Cela est absolument essentiel. Je ne crois pas que cela existe ailleurs au pays.
    Qu'en est-il du nombre de policiers par rapport à la population à desservir?
    Pour ce qui est de Vancouver, nous livrons sans cesse le message que nous sommes en sous-effectif. Je pense que c'est le cas dans une perspective par tête d'habitant, mais que c'est également le cas du fait qu'il s'agisse du coeur du Lower Mainland et du terrain de jeu des gens. C'est là que les gens de la région limitrophe viennent pour sortir et s'amuser. Nous sommes définitivement en sous-effectif pour ce qui est des ressources policières en ce sens...
    Avez-vous fait des comparaisons avec d'autres grosses municipalités du pays?

  (1205)  

    Je n'ai pas ces chiffres devant moi, mais il y a peut-être quelqu'un ici qui connaîtrait le nombre d'agents par tête d'habitant dans...
    Le nombre est parmi les plus bas au pays.
    Cela ne m'étonnerait pas, mais je sais que notre volume de travail à Vancouver est l'un des plus lourds au pays, cela est certain.
    J'aimerais faire un commentaire au sujet des ressources. Je ne pense pas qu'il y ait un policier, un organe de réglementation ou une force de maintien de l'ordre, où que ce soit, qui ne souhaiterait pas voir les rangs augmenter. Cela étant dit, je pense que si nous modernisions le Code criminel et la législation en matière de divulgation, il serait sans doute possible de mettre 30 p. 100 de plus d'agents dans les rues.
    Vous n'allez pas entendre d'opposition venant de moi. Depuis que je suis le porte-parole officiel en la matière pour mon parti, je ne cesse de parler au gouvernement de la nécessité de réformer le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, et du fait qu'ils sont désuets. Nous avons le code qui est là, et si l'on procédait à sa réforme, l'on pourrait réduire ce volume de moitié et obtenir malgré tout le même résultat. Ce n'est pas un problème, mais...
    Merci. Votre temps est écoulé, malheureusement.
    Nous allons maintenant passer à Mme Grewal. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à tous vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Merci beaucoup de vos déclarations.
    Ma question s'adresse au surintendant principal Fraser MacRae.
    Monsieur MacRae, depuis son élection, notre gouvernement est allé de l'avant avec plusieurs projets de loi sur la criminalité. Nous réussissons à modifier la loi, désireux que nous sommes de limiter la détention à domicile, d'augmenter les peines pour les crimes commis avec des armes à feu et d'augmenter l'âge de consentement, entre autres choses. Nous avons introduit de nouvelles lois visant le crime organisé, le vol d'automobiles, le calcul du temps passé en détention provisoire dans l'établissement de la durée de la peine, le vol d'identité et les crimes liés à la drogue. Nous avons par ailleurs recruté davantage de femmes pour le maintien de l'ordre en autorisant l'embauche de 100 nouveaux agents de la GRC. Bien qu'il reste encore beaucoup à faire, nous y allons un pas à la fois et ferons davantage encore à l'avenir.
    Ma question pour vous est la suivante: pensez-vous que les changements qui ont été mis en oeuvre vont venir appuyer les forces de maintien de l'ordre et aider à enrayer la criminalité dans nos rues? Je vous invite à répondre en vous reportant tout particulièrement à la situation à Surrey.
    Le commissaire adjoint Macintyre a fait état des ressources additionnelles consenties par le biais du Fonds de recrutement des policiers. J'estime qu'il s'agit là d'une excellente nouvelle pour les services de police. Ce fonds permettra l'augmentation des ressources non seulement dans la région du Grand Vancouver mais un peu partout dans la province, ce qui est une bonne nouvelle pour nous tous.
    Les autres éléments de votre question, si j'ai bien compris, concernaient les récentes annonces en matière de projets de loi. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, je pense qu'en ce qui concerne certains types et certains profils de criminels, il faudrait qu'il y ait davantage de conséquences en matière de détention carcérale après condamnation. Voilà ce que je dirais.
    Pour ce qui est de la situation à Surrey, comme vous le savez, Surrey est une collectivité très dynamique qui croît très rapidement, plus de 1 000 nouveaux résidents s'y installant chaque mois. Cette collectivité compte le plus fort pourcentage de jeunes parmi sa population pour l'ensemble de la province. Elle compte par ailleurs le plus important district scolaire de la province.
    Je pense que l'une des choses qui nous enthousiasment le plus ces derniers temps à Surrey concerne le quatrième point que j'ai soulevé, soit la question de l'éducation et de la prévention. Je veux parler de la nouvelle initiative que nous avons adoptée avec le groupe intégré de lutte contre les gangs et le district scolaire de Surrey. Cela s'appelle le « Surrey wrap program ». Je suis certain que vous en avez entendu parler.
    Nous versons les élèves du district scolaire âgés de 12 à 17 ans dans un programme axé sur un outil d'évaluation de risque qui a été élaboré et qui est défendable. Nous prenons les 60 premiers qui suivent ce protocole d'évaluation de la menace et faisons un pairage avec un conseiller scolaire et un policier. Ces jeunes sont sur le seuil de la porte d'entrer dans des gangs ou sont déjà tombés dans leurs filets, et leur dossier est géré individuellement dans le but de les mettre sur une voie positive et de leur donner le genre de base qu'il leur faudrait pour être des membres productifs de la société.
    Et je pense que notre vision, voulant que le fait de fumer de la marie-jeanne soit quelque chose de bénin, est un autre élément qui contribue à la violence. Si les gens achètent de la marijuana de la Colombie-Britannique, ils feraient aussi bien de tirer sur la gâchette, car les guerres de gangs résultent sans exception directement du commerce lucratif de stupéfiants en Colombie-Britannique.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du narcotrafic et du rôle en la matière du crime organisé?

  (1210)  

    Eh bien, comme je l'ai dit — et je pense que cela a été repris par les autres —, à mon avis, le cannabis est la devise du crime organisé. Je pense que nous constatons dans une certaine mesure l'évolution de la prolifération des cultures de marijuana, qui sont plus ou moins nées en Colombie-Britannique. Nous les avons vu migrer vers l'Est pour devenir un problème dans d'autres parties du pays. Mais nous avions une certaine avance. Je sais que vous allez plus tard aujourd'hui entendre d'autres délégations, notamment le chef Len Garis, du service des pompiers de Surrey, qui vont vous fournir des renseignements au sujet des processus administratifs en vue d'interrompre l'activité des cultures de marijuana.
    Dans la ville de Surrey, en 2006, entre les efforts des services de police et le processus administratif, qui est appuyé par la police, je pense que nous avons interrompu l'activité de 500 cultures de marijuana. Il n'y a donc absolument aucun doute que, bien que nous puissions débattre du préjudice personnel causé par la consommation individuelle — et j'ai mes propres opinions là-dessus —, ce dont on ne peut pas débattre est le fait que le cannabis soit l'une des devises du crime organisé.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Murphy. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, il est très intéressant que vous soyez ici aujourd'hui, et nous ne disposons que de si peu de temps. J'aimerais passer en revue certains des commentaires qui ont été faits, juste pour que vous sachiez que nous écoutons et que nous comprenons le dossier.
    Inspecteur Shinkaruk — excusez la prononciation, mais, vu d'où je viens, je ne connais que les noms irlandais et français —, sachez que nous comprenons qu'un certain bricolage, qu'un certain travail sur la définition des organisations criminelles est nécessaire; sachez que nous comprenons cela.
    Inspecteur Stewart, j'aimerais vous dire que cet après-midi nous allons entendre un témoin qui, il y a une ou deux semaines à Ottawa, a dit qu'il n'y avait rien de mal dans le système de libération sous caution — qu'il y a des leçons à en tirer —, mais que la détermination des peines par les juges n'est pas appropriée, ce qui est tout le contraire de ce que vous avez dit. Je vais lui soumettre cet après-midi les propos que vous nous avez tenus. J'ignore à quoi cela va mener, mais nous entendons certains témoignages contradictoires.
    Inspecteur Desmarais, sachez que nous comprenons que la Loi sur la preuve au Canada et que le Code criminel doivent être examinés et remaniés, comme l'a dit M. Comartin. L'aspect situation d'urgence des mandats de perquisition — cela est une idée formidable.
    Je n'ai que deux questions. L'une s'adresse au commissaire adjoint.
    Que ce soit vrai ou pas, certains écrits laissent entendre qu'ici en Colombie-Britannique, l'Unité E, consacrée aux bandes de motards, a été démantelée il y a de cela quelques années et remplacée par une unité appelée CLEU. Il a été indiqué ce matin que cette unité aurait elle aussi été démantelée, laissant un vide. Il y a eu, j'imagine, des allégations d'infiltration et d'inefficacité. Je suppose que ce que je suis en train d'entendre aujourd'hui, avec tous les hommes en uniforme qui sont ici, est que vous avez comblé le vide laissé par le démantèlement de la CLEU et de l'Unité E, et que tout roule bien et rondement et travaille de manière efficace.
    Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
    Oui, certainement.
    C'était l'escouade-E spéciale, et cela remonte à l'époque où j'étais un jeune policier municipal là-bas. Dans les années 1970, on avait l'escouade-E spéciale. Et, vous avez raison, la police a toujours joué un rôle dans la lutte contre les bandes de motards criminalisées. L'escouade a changé de nom, comme cela arrive à de nombreuses brigades.
    Mais après la création de la CLEU, la Coordinated Law Enforcement Unit, celle-ci a fini par changer de nom, est devenue l'OCA, l'Organized Crime Agency of British Columbia, pour de nouveau changer de nom et devenir l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé de la Colombie-Britannique. Sur le plan fonctionnel, le travail demeure le même, mais les noms ont changé. Au fil des changements de gouvernement, des changements de mandat et des changements d'orientation, les choses changent et évoluent au fil du temps, car vous remontez bien au-delà de 30 ans en arrière pour ce qui est de la lutte contre le crime organisé.
    Je suis heureux du modèle qui est en place à l'heure actuelle. Et je vais être encore plus heureux d'ici environ un mois lorsque tous les éléments seront réunis sous un même toit, une même structure organisationnelle, qui s'appellera alors la British Columbia Combined Forces Special Enforcement Unit. Cette unité englobera environ 350 enquêteurs, analystes et personnels de soutien intéressés au crime organisé et travaillant sous un même toit, avec un même cerveau, une même cible: le crime organisé en Colombie-Britannique.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Allez-y; il vous reste une ou deux minutes.
    Je sais également que le procureur général de la Colombie-Britannique a participé à une réunion à Ottawa et y a très clairement établi qu'il y a certaines autres réformes pour lesquelles le gouvernement va subir des pressions, relativement aux preuves d'écoute électronique et à la divulgation et à Stinchcombe. Cela peut être réglé dans le cadre du Code criminel. Le simple fait qu'il s'agisse de jurisprudence — et je suis avocat et ne m'en excuse aucunement — ne signifie pas que cela peut être modifié par une loi. C'est ce pour quoi nous sommes ici.
    J'aurai une dernière question: je vais appeler cela le profilage, monsieur Logan. Vous êtes à la retraite, et je vais vous appeler M. Logan.
    Je suis vraiment très intéressé par ce dont vous avez parlé. Je ne dispose dans doute pas de beaucoup de temps pour y aller en profondeur. J'ai des enfants à l'école. Que faites-vous de ces 5 à 6 p. 100 des enfants dont on peut plus ou moins deviner qu'ils sont disposés à s'adonner à de l'activité criminelle?
    Vous avez plus ou moins dit qu'on peut le savoir, mais qu'en faire? Ils sont en troisième année.

  (1215)  

    Oui, intervention précoce. Premièrement, les enseignants dans certains pays sont formés pour repérer les signes annonciateurs de comportement violent ou perturbateur. La deuxième étape, ce sont les mères. La troisième étape est en fait un processus d'observation dans le milieu familial. Il y a donc une séquence en trois parties en vue de repérer les enfants qui bénéficieraient de traitement, d'intervention précoce et de quantité d'autres choses visant à faire ressortir leurs points forts, pour ensuite les orienter sur une voie autre qu'anti-sociale.
    Et êtes-vous convaincu qu'il faudrait que beaucoup plus de ressources soient consacrées à cela?
    Absolument.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aurais deux courtes questions à poser à nos témoins. Si je me rappelle bien, lors de la 39e législature, nous avions commencé nos travaux par l'étude de l'article 25. Cela m'avait échappé, mais je ne pensais pas qu'il était si difficile d'obtenir... Dans le fond, c'est une forme d'immunité et cela vous aide sur le plan de l'infiltration, quand vous êtes obligés de poser des gestes qui pourraient être réputés illégaux, et là vous semblez...  Je n'utiliserai pas votre nom, uniquement votre prénom. Gary, vous semblez dire que cela constitue une difficulté. J'aimerais que vous nous en reparliez.
    Je voudrais ensuite revenir sur la question des psychopathes. Je ne mentionnerai aucun nom, mais je vais vous demander des explications.

[Traduction]

    Le paragraphe 25(1) a vu le jour sous la forme du projet de loi C-24, qui a été adopté il y a plusieurs années. Je crois que, dans le cadre de notre enquête, nous avions été les premiers à nous en servir à l'échelle nationale. Cela nous a donné la capacité de faire des choses qu'il nous fallait faire et que, bien franchement, nous faisions de toute manière depuis des années. L'exemple que j'ai utilisé concernait le fait de pénétrer par force dans la voiture de quelqu'un pour y installer, avec l'autorisation d'une cour, un dispositif. Selon la lettre de la loi, nous avons peut-être dans certains cas enfreint la loi. Cela nous a donc tout simplement donné les moyens d'être, en pareille situation, à l'abri de poursuites.
    En vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, nous sommes habilités à participer à des missions d'enquête dans le cadre desquelles nous nous adonnerions au trafic de drogue, dans l'intérêt du public, et, encore une fois, cela se ferait à l'abri du risque de poursuites. Cela ne nous accorde pas l'immunité. Tout simplement, nous sommes à l'abri de poursuites en pareilles situations.
    Cela est très surveillé au sein de notre organisation. Il faut suivre un cours. Il faut obtenir au préalable l'accord du quartier général à Ottawa, et il faut immédiatement faire rapport. Je crois que c'est tous les deux ans que le Parlement revoit la chose pour dire qu'il s'agit d'une bonne technique policière.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

    C'est bien.
     Avant d'aborder la question des psychopathes et des antisociaux, je voudrais revenir sur la question suivante. Si j'ai bien compris, la raison pour laquelle vous, comme corps policier, avez de la difficulté à faire des mégaprocès ne tient pas tellement à la législation fédérale, mais à l'insuffisance de fonds pour les bureaux de vos procureurs généraux. Est-il exact de dire que, sous l'angle du gouvernement, ce n'est pas quelque chose qui peut être réglé?
    Je me retiens de vous demander si vous croyez que Gordon Campbell va être réélu? Je suis de l'extérieur, donc, je ne vous pose pas cette question.
    Je ne crois pas que nous puissions intervenir sous l'angle du gouvernement fédéral. Est-il exact de dire que le premier obstacle provient d'un manque de ressources?

[Traduction]

    Je vais peut-être commencer.
    Pour ce qui est des mégaprocès au niveau national, le surintendant Kiloh et moi avons déjà assisté à des forums nationaux dirigés par des services de poursuite dans chacune des provinces. Je pense que nous allons assister au prochain, qui se tiendra au Manitoba, dans trois semaines environ. Le forum antérieur a été tenu à Montréal, au Québec, l'an dernier.
    Y assistent les chefs de chaque unité provinciale de poursuite, ainsi que des policiers comme le surintendant Kiloh et moi, et la frustration générale partout dans la salle est nationale. Il y a un besoin national. L'idée du groupe de travail et du comité est de changer beaucoup de lois, de déterminer la façon de faire.
    Je crois qu'il y a un certain nombre d'initiatives nationales qui doivent être prises, non pas au niveau des mégaprocès, mais pour des choses comme, par exemple, les précurseurs. Il y en a des tonnes dans ce pays, qui arrivent ici légalement, et ces précurseurs sont de l'or en barre aux États-Unis. Pour un baril d'éphédrine de 25 000 $, vous pouvez toucher 250 000 $. C'est un profit énorme. Les précurseurs arrivent légalement dans cette région par tonne, et traversent ensuite la frontière pour aller aux États-Unis.
    Pour en revenir à la question des mégaprocès, en Colombie-Britannique, en tout cas, nous sommes, je pense, aux prises avec plus de difficultés que n'importe quelle autre province, mais je sais qu'il y a un ou deux ans, le ministère de la Justice du Manitoba a effectué une étude pancanadienne exhaustive pour essayer de réunir des suggestions. J'ai accompagné notre chef des poursuites fédérales jusqu'au Québec pour rencontrer le chef de la poursuite chargé de l'affaire des 155 Hells Angels dont nous avons parlée, tout simplement dans le but de discuter des raisons pour lesquelles cela peut se faire dans une région mais pas dans une autre. Les règles que suivait chacune des cours étaient légèrement différentes, suffisamment différentes pour que, dans cette province-ci, pareille chose ne soit pas possible, mais il se pose néanmoins là-bas des questions qu'il conviendra de résoudre.
    Comme je l'ai dit au sujet de l'amendement de deux pages à la demande d'installation de table d'écoute, cela n'a pas été approuvé. C'est une chose pour laquelle ils ont subi le supplice de la planche au Québec et en laquelle croyaient leurs poursuivants, mais cela n'a pas été mis à l'épreuve à la Cour suprême, et est donc certainement une chose qui pourrait être faite.
    Encore une fois, ici en Colombie-Britannique la police n'a pas l'approbation de l'inculpation. Je sais qu'en Ontario il y a de nombreuses circonstances dans lesquelles la police inculpera 100 ou 130 gangs de rue, mais lorsque vous donnez suite jusqu'à l'aboutissement de l'étape de la poursuite, vous constatez que le nombre s'étiole rapidement et finit par être bien moindre.
    Pour répondre à votre question, oui, il nous faut nous attaquer au problème dans cette province, mais il s'agit certainement d'une priorité nationale.

  (1220)  

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Weston.
    Merci à vous tous d'être venus ici aujourd'hui.
    Dans ma petite circonscription de West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, il est récemment survenu un incident, une personne ayant pénétré dans un foyer pour personnes âgées dans la région de Gibsons et y ayant tiré des coups de feu. La GRC s'est rendue sur place, a réussi à maîtriser le tireur de manière très professionnelle, et il n'y a eu aucune victime. Cet incident n'a pas été rapporté, mais il compte parmi des milliers qui surviennent à chaque jour. Nous ne savons peut-être rien de ce qui se passe, mais ce n'est pas comme si nous n'avions pas de formidables agents de la police. Merci pour ce que vous faites et d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    J'imagine que c'est de vous, inspecteur Stewart, que j'ai entendu parler de projets de loi dont devait être saisie la Chambre. J'ai essayé de saisir comprendre de vos paroles lorsque vous disiez que les personnes en situation de violence criminelle aiguë doivent être arrêtées, mises sous garde et inculpées — et je pense que vous avez dit détenues — ce de manière à les en dissuader.
    Je vous inviterai à dire quelques mots au sujet des projets de loi que nous avons devant la Chambre, soit les projets de loi C-14 et C-15, qui s'appuient tous les deux sur des peines minimales obligatoires. Nous avons plus tôt aujourd'hui entendu un criminologue qui estime que les peines minimales obligatoires ne sont pas la meilleure solution pour les infractions en matière de drogues, qui seraient davantage un problème de santé. D'autres intervenants ont dit que ce que vous faites avec des drogues devrait être votre problème personnel. Pourriez-vous nous entretenir des avantages en matière de sécurité publique que nous procurerait l'imposition de peines minimales obligatoires face aux fusillades malicieuses au volant d'une voiture et à l'activité liée aux drogues?
    Premièrement, lorsque nous parlons d'un personne en état de violence criminelle aiguë, nous parlons de l'étape à laquelle la personne a été arrêtée et subit son audience de mise en libération sous caution. L'idée ici est d'avoir un poursuivant spécialisé qui une connaissance intime du dossier et qui est ainsi en mesure de présenter les faits, de comprendre le tableau d'ensemble et de tirer un portrait complet afin que le juge soit en mesure de rendre la bonne décision, soit le maintien de la détention et un mandat d'emprisonnement.
    Votre question concerne en définitive la détermination de la peine. Encore une fois, les peines minimales obligatoires sont sans doute une bonne idée, selon moi; cela donne aux juges certaines lignes directrices. En bout de ligne, il s'agit d'une déclaration par le public de ce qu'il pense de l'infraction et une déclaration quant à la nécessité d'incarcérer le coupable. Mais, encore une fois, une fois celui-ci en prison, quand doit-il en sortir? C'est là la question. Les peines minimales, à moins qu'il ne soit prévu qu'une période obligatoire soit passée derrière les barreaux, n'ont pas cette portée-là. Voilà ce que je voulais dire.

  (1225)  

    Le projets de loi prévoiraient des peines minimales obligatoires de telle sorte qu'il n'y aurait aucune marge discrétionnaire. Par exemple, j'étais en train de lire que, dans le cas de fusillade malicieuse au volant d'une voiture, il y aurait une peine minimale de quatre années de prison, avec un maximum de 14 ans, et que la peine minimale passerait à cinq ans si le crime était commis par une organisation criminelle. Certains de ces projets de loi visent donc directement les organisations criminelles.
    Inspecteur MacRae, auriez-vous quelque commentaire à faire au sujet de l'effet de telles peines minimales obligatoires?
    J'hésite toujours à retirer au juge sa marge discrétionnaire, car chaque cas est différent, et chaque personne ou contrevenant se présente devant la cour avec sa propre histoire à raconter, avec toutes les circonstances l'ayant accompagné jusque-là.
    Mais je pense qu'au point où nous en sommes arrivés, surtout en ce qui concerne les armes à feu — et ce que je vous livre ici est mon opinion personnelle —, nous ne pouvons plus nous en remettre à la discrétion de la cour. Dans le cas des crimes commis avec des armes à feu, la société en général, le public canadien et, certes, les policiers, sont en train de demander une déclaration très emphatique de la part du système de justice pénale selon laquelle l'utilisation d'armes à feu, la prolifération d'armes à feu et, comme je le disais dans mes remarques, la simple possession d'une arme à feu, devraient être perçues comme des délits d'un sérieux tel qu'ils devraient donner lieu à des peines d'incarcération conséquentes. Et si cela est synonyme de peines minimales obligatoires, alors je serais d'accord.
    Une autre partie du projet de loi C-14 créerait de nouvelles infractions: voies de fait graves contre un agent de la paix et voies de fait avec une arme contre un agent de la paix. Ces infractions seraient punissables de peines maximales de 14 ans et de 10 ans, respectivement.
    Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
    Oui, j'aimerais faire un commentaire. Je suis tout à fait en faveur du projet de loi C-14 visant le crime organisé. D'après ce que je crois comprendre, il vient de faire l'objet d'une troisième lecture. Les peines de 10 ans pour voies de fait causant des lésions corporelles et de 14 ans pour voies de fait graves sont une façon de protéger notre famille de justice pénale.
    Je pense qu'il nous faut reconnaître les agressions visant nos partenaires de la justice pénale — ou personnes associées au système de judiciaire, comme le dit le projet de loi — et les journalistes font également partie de cela. Je pense que l'augmentation de ces peines, ainsi que l'exigence d'un engagement pour deux ans pour toute intimidation de partenaires ou de participants dans la justice pénale, constituent des changements très positifs. Les trois nouvelles infractions liées aux armes à feu, avec l'automatisme prévu dans le projet de loi C-14, sont, certes, autant de mesures très importantes en vue de la protection des gens dans le système de justice pénale.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. LeBlanc.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de vos exposés, et, plus particulièrement, des réponses candides que vous avez données à nos collègues aujourd'hui.
    J'aimerais rectifier quelque peu le tir. Nous avons beaucoup parlé de la détermination de la peine et de l'imposition de peines minimales obligatoires, qui ont, j'en conviens, un rôle à jouer, davantage du côté dissuasion et dénonciation. Deux d'entre vous, le commissaire adjoint Macintyre et le surintendant principal MacRae, ont soulevé des questions quelque peu tangentielles.
    Commissaire adjoint, dans vos remarques liminaires, j'ai cru que vous parliez de la législation en matière d'accès autorisé. Vous avez parlé, par exemple, de la surveillance électronique. Je pense que vous avez évoqué certains obstacles législatifs et judiciaires qui font qu'il est difficile, ou plus difficile que ce ne le devrait être pour vous de mener des enquêtes, puis d'entreprendre des poursuites qui aboutissent.
    Il y a eu un peu de discussion au sujet de divers investissements dans des technologies — des détecteurs hyperspectraux, par exemple—, qui ont été utilisés, et pour lesquels le financement a, par la suite, il me semble, été éliminé ou bloqué. Je me demande si vous ne pourriez pas nous faire quelques suggestions relativement à des changements législatifs en matière d'accès autorisé et de surveillance électronique, qui doivent certainement être modernisés et mis à jour afin de vous fournir les outils qu'il vous faut pour mener des enquêtes au sujet d'entreprises criminelles de plus en plus sophistiquées.
    Dans la partie traitant sur la divulgation, vous avez fait état d'obstacles, ou du fardeau que représente la divulgation, je pense, surtout en ce qui concerne la pertinence. Je ne pense pas que quiconque soit en train de proposer que l'on retire le droit de l'accusé de savoir ce qu'on lui reproche, mais la chose est peut-être devenue un fardeau déraisonnable, ou peut-être qu'il est tel que cela accapare de précieuses ressources policières, pour les détourner vers la photocopieuse et ainsi de suite. J'aimerais bien vous entendre là-dessus.
    Puis, si nous en avons le temps, j'aimerais que le surintendant principal MacRae nous en dise plus long au sujet des initiatives de prévention et visant les jeunes à risque dans votre collectivité. J'ai trouvé ces aspects très intéressants.

  (1230)  

    Je vais m'abstenir de me prononcer sur l'accès autorisé et certaines des autres questions, car nous savons que vous avez entendu Cabana et d'autres.
    Par exemple, nous prenons un hélicoptère de 2 millions de dollars et y faisons installer un système infrarouge à vision frontale qui nous aide dans nos recherches de personnes disparues et dans la localisation de suspects, mais ce système repère également les cultures de marijuana. S'agit-il là d'une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée? Que se passe-t-il en périphérie de tout cela?
    Nous sommes tout simplement submergés de processus en la matière, qu'il s'agisse d'un dispositif à poignée que vous tenez à la main pendant que vous circulez dans les rues pour balayer les sous-sols à la recherche de chaleur qui s'échappe entre le bas et le haut d'une résidence, ou d'un chien de police utilisé pour inspecter les bagages à un arrêt d'autobus ou une école. Il semble que chaque fois que nous voulons nous mettre à la page compte tenu des attentes du public, on nous impose des processus, que ceux-ci proviennent des tribunaux ou de directives, qui viennent nous ralentir. Il y a beaucoup de frustration — il n'y a aucun doute là-dessus — parmi les rangs. Et je ne veux pas parler simplement de notre force de police, mais de toutes les forces de maintien de l'ordre.
    Pour ce qui est des autres questions, je vais peut-être faire appel à Doug, si cela ne l'ennuie pas, pour qu'il vous en entretienne. C'est une grosse préoccupation pour nous. Nous appartenons bien sûr tous à des sous-comités sur le crime organisé de l'Association canadienne des chefs de police. Cela accapare notre temps.
    En ce qui concerne la question de la divulgation, nous avons eu à nous occuper d'une grosse affaire d'homicide, et pendant trois ans, nous avons eu 18 personnes qui ne se sont occupées que de l'aspect divulgation de ce dossier. Imaginez quelle serait la situation si nous pouvions prendre ces ressources et les réduire? Nous convenons que la divulgation est nécessaire, mais dans l'affaire dont je vous parle les tentacules allaient si loin que c'était tout un exercice. Je suis convaincu que personne n'a examiné ce que nous divulguions.
    Je pense que Doug pourrait également vous parler ad nauseam de cette grosse bande de motards criminalisée, mais je ne crois pas que vous ayez le temps d'entendre tout ce qu'il aurait à dire. Je m'en remets à lui pour les autres questions.
    En ce qui concerne, tout particulièrement, la partie 6 du Code criminel et les dispositions législatives relatives aux écoutes téléphoniques, la chose est trop bureaucratique, comme l'a mentionné tout à l'heure l'inspecteur Shinkaruk. Nous devons préparer un affidavit de 1 000 pages pour obtenir l'autorisation d'écouter quelqu'un, de pénétrer dans sa maison et dans ses véhicules pour y placer des dispositifs d'écoute. Tout cela est bien documenté et appuyé. Dans une affaire au civil, par exemple, la prépondérance des probabilités est que la personne est coupable. Le critère pénal n'est pas satisfait.
    Si nous pénétrons dans cette même maison et y trouvons quelque chose, il nous faut alors reproduire la totalité de la documentation, des renseignements compilés aux fins du mandat, et détailler toute notre enquête pour obtenir un deuxième mandat pour déterminer où se trouve le compte en banque. Ce mandat va nous permettre d'obtenir le numéro du compte en banque, mais il nous faut l'appuyer sur le premier mandat, et il s'agit donc du fruit d'un arbre empoisonné. Pourquoi ne pourrions-nous pas obtenir une simple modification sur la base de notre premier mandat, qui était tout à fait dans les règles et que la cour a accepté au plus haut niveau? Nous sommes autorisés à pénétrer dans la maison de quelqu'un et à y installer des dispositifs d'écoute. Pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir un mandat séquentiel avec un simple complément d'une, deux ou 10 pages?
    Pour vous donner un exemple, il a été question plus tôt du projet EPARAGON. Nous avons mené au Canada une enquête dans le cadre de laquelle nous avons fait plus de 220 demandes de mandats, demandes judiciaires et demandes en vertu de la partie 6. Chaque demande était en soi un document volumineux. Nous nous reportions à des centaines de milliers d'interceptions, d'activités et de rapports de surveillance, ayant demandé des milliers d'heures-personnes.
    Les États-Unis avaient mené une enquête parallèle, tout comme l'Australie. En Australie, les coupables sont derrière les barreaux. Aux États-Unis, les coupables sont derrière les barreaux. Les deux services de police ont fonctionné avec autorité judiciaire. Elles ont recouru 12 fois aux tribunaux, comparativement à nos 220 fois. Voilà un exemple parfait de modernisation et de difficultés bureaucratiques. D'autre part, pour pouvoir procéder ainsi, il faut que la pertinence soit respectée à la lettre près pour les tribunaux. Il faut tout préparer à la perfection, ce qui demande des centaines et des centaines d'heures de préparation avant de passer en cour. Il nous arrive malgré tout de faire des erreurs.

  (1235)  

    Merci.
    Je donne maintenant la parole à M. Saxton.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus ici aujourd'hui.
    Je peux vous dire, en ma qualité de député, qu'il nous est extrêmement précieux d'entendre vos vues sur ce que nous devrions faire. En tant que député de North Vancouver, dans le Lower Mainland, je peux vous dire que je suis très préoccupé par l'augmentation de la criminalité de gangs dans la région du Lower Mainland. C'est le cas de nombre de résidents de ma circonscription également. Il y a beaucoup de jeunes familles ainsi que de personnes âgées qui vivent dans ma circonscription et qui sont inquiets. Je peux vous dire que North Vancouver n'est pas à l'abri de la criminalité de gangs. Nous avons vécu des tirs ciblés au cours des 12 derniers mois dans North Vancouver.
    La guerre contre la criminalité a été et est l'une des principales priorités de notre gouvernement fédéral. Approuvez-vous les importantes mesures que nous avons prises à cet égard au cours des dernières années?
    M. MacRae pourrait peut-être commencer.
    Sans vouloir m'esquiver, puis-je vous demander de préciser un peu sur quels aspects vous souhaiteriez que je me prononce?
    Par exemple, nous avons récemment annoncé l'élimination de l'intégration du temps passé en détention provisoire dans le calcul de la peine.
    Pour ce qui est du crédit double pour la détermination d'une peine, j'étais présent lors de l'annonce du changement. Cela s'est fait à Surrey.
    Et je devrais également mentionner que j'ai passé sept ans comme policier à North Vancouver, et les rues étaient très sûres lorsque j'y étais.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous devriez y retourner.
    Je n'y suis pas allé depuis 2001.
    J'estime que la meilleure conséquence du passage d'un régime de crédit double pour la détermination d'une peine à un régime de crédit simple est que cela sera plus clair pour le grand public: il saura mieux quelle peine est véritablement infligée à la personne jugée coupable. Et s'il y a une plus grande clarté pour la population canadienne, alors je pense qu'il en résultera une confiance accrue à l'égard du système de justice pénale. Si ce sera donc là l'effet net de ce changement, alors je pense que c'est formidable.
    Quelqu'un d'autre? Monsieur Logan, auriez-vous quelque commentaire à faire?
    J'ai pris deux années de ma carrière pour aller travailler dans les prisons comme psychologue pour le Service correctionnel du Canada, et je peux vous dire que le crédit double est une escroquerie. Les gens qui combinent pour avoir le crédit double sont en train d'engorger le système judiciaire et d'en augmenter encore l'arriéré. Cela me fait donc très plaisir de voir disparaître le crédit double pour la détermination d'une peine.
    Merci.
    Quelqu'un a mentionné que la diversification est essentielle à la longévité d'une organisation criminelle. Nous avons bien sûr parlé aujourd'hui des drogues comme étant un important volet d'activité de toute organisation criminelle, aux côtés de la prostitution et du crime contre les biens. Qu'est-ce qui viendrait après?
    Gary Shinkaruk et moi-même avons tout juste hier eu une conversation là-dessus. L'une des choses auxquelles nous nous trouvons confrontés dans le monde complexe de la criminalité d'aujourd'hui est que ces personnes sont extrêmement bien conseillées par des professionnels et d'autres qui connaissent bien les entreprises criminelles et autres. Nous avons parlé d'évaluation du risque, et c'est ce qu'ils font en permanence. Que vous fassiez du blanchissage d'argent et ayez à décider si vous allez ouvrir un compte en banque dans la localité A en utilisant une société de la localité B du fait qu'il y ait différents paliers de secret, ou que vous ayez identifié une faiblesse dans les lois d'une province donnée en matière de consentement d'hypothèques, ou autre, cela se passe en permanence.
    L'on sait que, de manière générale, lorsqu'ils entrevoient une occasion de faire beaucoup d'argent, ils s'assoient et demandent « Quels sont les risques que je me retrouve en prison? » Et si le risque n'est pas très grand — ce qui, chose regrettable, est souvent le cas —, alors ils vont saisir l'occasion qui passe.
    Alors quelle sera la prochaine cible? Le crime financier est toujours un gros problème. Je pense qu'il est sérieusement sous-estimé dans ce pays. J'estime qu'il nous faut faire beaucoup plus. J'ai évoqué certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés, mais je ne pense pas que le crime financier soit rapporté comme il se doit dans ce pays. Et si nous comprenions véritablement les dommages qu'inflige à notre économie ce genre d'activité criminelle, je pense que nous en serions autant fâchés que nous le sommes à l'égard de plusieurs autres activités criminelles.
    Oui, monsieur Kiloh.
    Pour compléter ce que vient de dire Brad, ce que nous constatons de plus en plus, car le crime rapporte des profits énormes — et Brad, vous êtes peut-être de mon avis —, est que dans tous ces dossiers, nous trouvons un fil conducteur commun. Il y a un comptable, il y a un avocat, et il y a un groupe criminel avec des quantités énormes d'argent. On leur dit comment cacher leur argent, comment le dépenser, et comment lui faire faire des petits. Tout cela mine la société dans son ensemble dans ce pays.
    Et, Brad, vous avez tout à fait raison de dire que l'on ne saurait trop insister sur le danger que cela représente.

  (1240)  

    Nous avons beaucoup parlé de la marijuana, et c'est un problème. Je peux vous dire qu'à l'époque où j'étais enquêteur sur le blanchiment d'argent, nous voyions de l'argent issu des cultures de marijuana parcourir le monde, en passant par divers pays qui autorisent un certain degré de secret.
    La difficulté que nous avions est que ce ne sont pas seulement les comptes qui sont secrets, mais également les détenteurs de ces comptes, et les sociétés et ceux qui sont derrière les sociétés. Dans bien des cas, nous ne savons même pas qui est le bénéficiaire, car tout ce que nous voyons ce sont des montants d'argent transiter par différents comptes à travers le monde. En bout de ligne, nous ne savons pas si la personne ou la société qui détient le compte A dans un pays étranger, ou le compte B ou le compte C, est le véritable récipiendaire, ou bien si cela remonte la chaîne. C'est tout un défi.
    Merci.
    Mme Wong a demandé l'autorisation de poser une question. Ai-jet le consentement du comité? Merci.
    Madame Wong, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, messieurs les officiers, d'être venus nous rencontrer.
    Je représente la région de Richmond, qui compte de nombreux groupes ethniques. Fort heureusement, nous n'avons par le passé pas été sur le radar. La chose est toute récente. J'ai réussi à obtenir du ministre Van Loan qu'il rencontre des groupes de commissaires d'école, car c'est à ce niveau-là que doit intervenir la prévention. Il y avait de nombreux groupes représentant différents groupes ethniques, et il y avait bien sûr la GRC et toutes les autres personnes intéressées. Toutes ces questions et tous ces défis sont davantage confirmés par votre rapport.
    Lorsque je rencontre de simples citoyens, je constate qu'il y a beaucoup de questions relatives aux drogues qu'ils ne comprennent pas à 100 p. 100, parce qu'ils ne s'en préoccupent pas, et les drogues ne sont pas présentes dans la rue dans certaines parties de ma circonscription. Cependant, il y a deux choses que le gouvernement a, je pense, commencé à examiner tout récemment.
    L'une est le vol d'identité, ce qui a des conséquences financières. Le problème est exactement comme vous l'avez décrit. Nous n'en avons vu que la pointe de l'iceberg. Nous venons d'introduire des projets de loi afin de veiller à ce que nous puissions réprimer le vol d'identité et en traiter.
    L'autre aspect est celui du produit de la criminalité. Cela est devenu un grand commerce. Il y a des entreprises très prospères qui vivent de l'achat de biens obtenus au moyen d'activités criminelles. Ici encore, nous avons tout récemment déposé des projets de loi pour lutter contre cela.
    Pensez-vous, vu ce dont vous venez tout juste de nous faire rapport, que ce soit là quelque chose de positif?
    Je pense que toute initiative visant à limiter la marge de manoeuvre des personnes qui profitent du crime — y compris la personne qui commet le crime, mais également toutes celles qui en profitent indirectement — est très positive.
    Je me souviens de m'être entretenu il y a de cela de nombreuses années avec un constructeur de maisons. Il m'avait dit que pour lui, l'argent n'avait pas d'odeur, qu'il provienne d'un trafiquant de drogue ou d'un Canadien travaillant fort pour gagner sa vie. Toute loi visant à éduquer par le biais de la dissuasion, expliquant aux gens qu'il ne faut pas faire telle chose, s'adonner à tel type d'activité...
    Ce dont nous parlons a un effet dévastateur. Imaginez que vous avez une quincaillerie, par exemple, et qu'un type à côté ouvre une quincaillerie, mais avec des fonds provenant d'activités criminelles. Vous seriez assujetti à de biens plus grandes pressions financières — pour acheter la marchandise, pour obtenir du financement et tout le reste. Le type à côté ne serait pas confronté aux mêmes difficultés. Cela a donc un effet insidieux à tous les niveaux — je sais que je vous fais l'impression d'un disque rayé — , mais je pense que nous devrions prêter davantage attention à cela.
    En d'autres termes, les projets de loi dont est présentement saisie la Chambre et qui concernent ces choses plutôt que les stupéfiants seraient très utiles pour protéger le public?
    Sans en connaître le détail, et ne parlant qu'en généralités, je dirais que oui.
    J'avais une autre question au sujet de la prévention, car j'ai des antécédents dans le secteur de l'éducation, et je constatais tout à fait l'attrait qu'exerçaient les gangs sur les jeunes gens. Tout d'abord, il y a deux choses qui interviennent pour ce qui est de l'appartenance aux gangs.
    À l'heure actuelle, il n'y a aucun règlement disant que le fait d'être membre d'un gang viole la loi. Ai-je raison de dire cela?
    Oui.
    En conséquence, empêcher les jeunes gens d'entrer dans les gangs est un autre gros dossier.
    Pourriez-vous nous éclairer sur ces deux questions, monsieur Logan?

  (1245)  

    Certainement. J'aimerais dire que pour appartenir à un gang, il faut avoir 12 ou 13 ans, et c'est pourquoi je pense que nombre des choses que nous avons vu instaurées ces dernières années sont intervenues un petit peu trop tard. J'aimerais voir une intervention plus précoce.
    Je vous ai écouté parler de l'immigration. Le Canada accueille chaque année entre 50 000 et 60 000 enfants âgés de moins de 15 ans. Pendant une période de six ans dans les années 1990, nous avons accueilli 75 000 enfants réfugiés. Il importe de prévoir pour eux certaines choses, car ils viennent de pays où ils ont vu beaucoup de choses que n'ont pas vu nos enfants. Ils sont peut-être plus susceptibles, du fait d'un niveau de pauvreté manifeste, surtout vu leur statut de réfugié lorsqu'ils arrivent au Canada.
    Pêcher en amont, intervenir très tôt, obtenir que les multiples agences oeuvrent ensemble à certaines des choses dont j'ai parlé plus tôt: voilà des choses qui sont selon moi très importantes.
    Ai-je épuisé tout le temps dont je disposais?
    Il vous reste 30 secondes. Vous avez le temps d'une petite question rapide.
    J'aimerais vous remercier à nouveau d'être venus.
    Si vous avez identifié un problème particulier à Richmond et avez quelque inquiétude au sujet de Richmond, faites-le-moi savoir, car je rencontre très bientôt le superviseur. J'ai déjà rencontré certains des officiers, mais nous avons un nouveau superviseur, et si donc il y a d'autres éléments intéressant la région et dont vous pensez que je devrais en ma qualité de députée de Richmond être au courant, faites-le-moi savoir, je vous prie.
    Merci.
    Merci.
    Certains d'entre vous nous ont fourni des copies papier de vos exposés. Je demanderais à ceux d'entre vous qui aviez des déclarations mais ne les ont pas déposées d'avoir l'amabilité de les remettre à la greffière, avec tout complément d'information que vous aimeriez transmettre au comité. Nous aimerions avoir un dossier complet sur lequel appuyer notre rapport et c'est pourquoi je vous demande de faire cela pour nous.
    Vous nous avez livré quantité d'informations. J'ai dressé une liste de 10, 15 ou 20 points que vous avez soulevés: réforme de la libération sous caution, divulgation, accès autorisé, obstacles en matière de preuve, intervention de l'ARC, mégaprocès, produits chimiques précurseurs, poursuivants spécialisés, et la liste continue encore, et nous allons examiner tout cela au fil de nos travaux.
    Avant que de vous laisser partir, nous avons entendu dans la séance antérieure un témoin qui a soulevé la question de la prostitution. Nous avons passé le gros de notre temps à parler des stupéfiants. Cette dame a proposé la décriminalisation de la prostitution et la criminalisation de l'achat par des clients des services des prostituées. Quelqu'un parmi vous aurait-il un commentaire à faire là-dessus?
    Surintendant.
    En tant qu'important centre urbain, Surrey compte sa part de prostitution de rue, et je pense en fait que nous avons identifié 160 jeunes femmes qui travaillent comme prostituées de rue dans la ville de Surrey, la plupart dans des circonstances épouvantables et ne s'adonnant à cette activité qu'à cause de leur toxicomanie. Mais la criminalité liée à leur comportement, tant pour elles qui font partie du processus de communication...
    Je pense qu'il est absolument essentiel pour nous de disposer d'un levier pour essayer d'aider ces jeunes femmes — qui ne sont pas toujours si jeunes que cela — à faire la transition vers une autre vie, et c'est ainsi que nous envisageons la chose en notre qualité de policiers. Il s'agit d'un levier. Cela nous procure une certaine autorité en vertu du Code criminel qui nous donne un accès à cette jeune travailleuse de l'industrie du sexe, afin que nous puissions travailler avec d'autres partenaires communautaires. À Surrey, par exemple, la Servants Anonymous Society, SAS, nous donne la possibilité de placer ces personnes dans d'autres circonstances.
    Et plus vous pouvez faire en sorte qu'il soit difficile pour des personnes de maintenir leur mode de vie, plus elles seront, je pense, motivées à chercher autre chose dans la vie.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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