Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 38e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 19 octobre 2009. Je tiens à signaler que la séance d'aujourd'hui est télévisée.
    Vous avez devant vous l'ordre du jour. Nous allons prévoir une vingtaine de minutes à la fin de la réunion pour examiner les travaux du comité et poursuivre le débat sur la motion de M. Ménard portant sur l'étude de l'affaire Cinar. Je signale aussi aux membres que le sous-comité se réunira demain, à midi, pour planifier notre calendrier.
    Je rappelle à tous d'éteindre vos BlackBerry ou de les régler en mode vibration, et veuillez prendre vos appels à l'extérieur de la salle. Merci de votre courtoisie.
    Revenons maintenant à l'ordre du jour. Conformément à l'ordre de renvoi, nous étudierons le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel. Il vise à renforcer la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves.
    Pour nous aider dans notre étude, nous accueillons parmi nous l'honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Heureux de vous revoir, monsieur le ministre.
    Le ministre est accompagné par Catherine Kane et John Giokas, avocat au ministère de la Justice. Bienvenue à vous deux également.
    Monsieur le ministre, vous avez la parole pendant 10 minutes pour faire votre déclaration liminaire.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis heureux de vous rencontrer à nouveau pour discuter d'une mesure législative liée à la justice. Cette fois, je suis devant vous pour parler du projet de loi C-36, une loi modifiant le Code criminel, c'est-à-dire la Loi renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves, qui propose d'apporter des changements majeurs au régime de la dernière chance.
    Comme vous le savez, le Code criminel prévoit actuellement que les crimes de haute trahison et les meurtres au premier et au deuxième degré soient assortis d'une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité et s'accompagnent de périodes obligatoires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Un délinquant condamné pour un crime de haute trahison ou un meurtre au premier degré doit passer un minimum de 25 ans derrière les barreaux avant de pouvoir demander une libération conditionnelle. Pour un meurtre au deuxième degré, le minimum est de 10 ans. Le juge peut toutefois décider d'augmenter cette peine minimale et la porter à un maximum de 25 ans, en fonction de différents facteurs, dont les circonstances du crime.
    Malgré la nature suffisamment sévère de ces périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, le régime de la dernière chance — dont il est question à l'article 745.6 et aux dispositions connexes du Code criminel — permet aux personnes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre ou haute trahison de faire une demande de libération conditionnelle anticipée après n'avoir purgé que 15 ans de leur peine. Notre gouvernement a promis de changer cela en ne permettant qu'aux délinquants déjà incarcérés de se prévaloir de cette disposition de la dernière chance et en l'éliminant complètement dans l'avenir.
    Les modifications au Code criminel que je propose permettent d'atteindre ces buts. Premièrement, cette réforme interdira à l'avenir à quiconque est reconnu coupable de meurtre ou de haute trahison de se prévaloir de cette disposition de la dernière chance. Une fois le projet de loi en vigueur, tous ceux qui commettent un meurtre ne pourront plus demander à profiter d'une admissibilité plus rapide à la libération conditionnelle que celle prévue par le Code criminel et fixée par le juge au moment du prononcé de la peine. En effet, monsieur le président, la disposition de la dernière chance sera abrogée pour tous les meurtriers dans l'avenir. Cette suppression mettra fin à un processus qui a commencé en 1997, lorsque le régime de la dernière chance avait bel et bien été abrogé pour tous les meurtriers ayant commis au moins un meurtre après cette date.
    Le projet de loi C-36 s'appuie sur une logique simple. Le fait de permettre à des meurtriers d'avoir la possibilité, aussi mince soit-elle, d'obtenir une libération conditionnelle anticipée revient à trahir le concept de l'adéquation de la peine et du crime. Ce concept exige que ceux qui commettent les crimes les plus graves subissent les peines les plus lourdes. Le projet de loi C-36 vise à redonner tout leur sens aux peines infligées aux meurtriers et à garder les criminels dangereux derrière les barreaux plus longtemps.
    Manifestement, le régime de la dernière chance ne rend pas automatiquement un demandeur admissible à la libération conditionnelle. En fait, la grande majorité de ceux dont la demande en vertu de la clause de la dernière chance est acceptée finissent par obtenir une libération conditionnelle prononcée par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Cela revient à dire que les meurtriers condamnés à juste titre à de longues détentions sortent de prison et arpentent les rues plus tôt que prévu, sous réserve qu'ils respectent leurs conditions de libération. Ces modifications visent à répondre aux préoccupations des Canadiens qui sont souvent consternés d'apprendre que, grâce à la disposition de la dernière chance, les peines carcérales infligées aux meurtriers ne sont pas toujours celles qui sont purgées.
    Pour ce qui est des personnes déjà incarcérées pour meurtre qui peuvent maintenant présenter une demande en vertu de la disposition de la dernière chance ou qui pourront le faire au cours des prochaines années, ils seront encore en mesure de le faire.
    Toutefois, ces modifications resserreront aussi la procédure de demande en vertu de la disposition de la dernière chance pour éliminer les demandes les moins recevables et imposeront des restrictions quant au moment et au nombre de fois qu'un contrevenant pourra présenter une demande en vertu du régime de la dernière chance. Cette nouvelle procédure s'appliquera aux personnes qui auront commis leurs infractions avant la date d'entrée en vigueur. Ceux qui purgent déjà des peines d'emprisonnement à perpétuité, ceux qui ont été condamnés mais qui n'ont pas encore reçu leur peine, et ceux qui sont accusés de meurtre ou de haute trahison avant la date d'entrée en vigueur et qui sont par la suite condamnés seront assujettis à cette nouvelle procédure.
    En proposant ces modifications au Code criminel en vue d'empêcher les futurs meurtriers de pouvoir recourir au régime de la dernière chance et de resserrer la procédure de présentation d'une demande pour les personnes déjà dans le système, nous reconnaissons, monsieur le président, toute la souffrance vécue par les familles et les proches des victimes de meurtre. Par ces modifications, nous épargnons aux familles la douleur d'assister à de nombreuses audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle et d'avoir à revivre à répétition leur terrible perte. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le gouvernement est toujours déterminé à défendre les victimes d'actes criminels.
    Comme bon nombre d'entre vous le savent déjà, la disposition de la dernière chance a été modifiée plusieurs fois depuis sa création en 1976, en réponse aux préoccupations des familles des victimes et des citoyens du Canada.
    À l'heure actuelle, la procédure comporte trois étapes. Premièrement, le requérant doit convaincre un juge dans la province où la condamnation a eu lieu qu'il existe une possibilité réelle qu'on accède à la demande. Ce critère préliminaire a été décrit dans une décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ainsi que dans une décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario comme étant relativement peu exigeant.
(1540)
    Nous allons resserrer ce critère. Les candidats à la dernière chance devront désormais prouver qu'il est fort probable que leur demande soit accueillie. Ils devront démontrer cette probabilité marquée pour qu'on accepte leur demande. Par conséquent, les preuves que le délinquant présentera au juge devront être beaucoup plus convaincantes, ce qui empêchera que des demandes moins valables soient présentées.
    Nous proposons aussi une prolongation du délai minimal avant que la personne dont la première demande a été rejetée puisse en présenter une nouvelle. Actuellement, ces personnes doivent attendre deux ans avant de soumettre une nouvelle demande à un juge. Avec notre proposition, elles devraient attendre au moins cinq ans.
    Si ces changements procéduraux sont adoptés, un meurtrier reconnu coupable qui n'est pas admissible à la libération conditionnelle avant 25 ans ne pourra recourir que deux fois au régime de la dernière chance, à 15 et à 20 ans. C'est différent du système actuel, où l'on peut présenter cinq demandes, soit après 15, 17, 19, 21 et 23 ans. En portant l'attente à cinq ans, le projet de loi fera en sorte que les familles sauront avec plus de certitude le moment où aura lieu l'audience. En réduisant le nombre de demandes qui peuvent être présentées, nous diminuerons l'intensité du traumatisme que ces audiences occasionnent pour ces familles.
    Un requérant qui franchit avec succès la première étape doit convaincre un jury de 12 membres de lui permettre de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée. Si le jury refuse, le délinquant peut présenter une nouvelle demande à un juge deux ans plus tard seulement. Là encore, nous allons faire passer la période d'attente à cinq ans, et ce, pour les mêmes raisons que je viens d'invoquer.
    Si un requérant franchit avec succès la deuxième étape, il peut faire une demande de libération conditionnelle directement à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Aucun changement n'est proposé à cette dernière étape du processus.
    En vertu de la loi actuelle, un délinquant peut recourir au régime de la dernière chance à n'importe quel moment après avoir purgé 15 ans de sa peine d'emprisonnement pour meurtre ou haute trahison. Nous proposons aussi d'imposer une limite de trois mois pour la présentation des demandes.
    Les requérants devront présenter leurs demandes dans les 90 jours suivant la date d'admissibilité. S'il rate le créneau pour une raison quelconque, le contrevenant devra attendre cinq ans pour pouvoir présenter une autre demande. Ce faisant, les gens soumettront leur demande dès qu'ils en auront l'occasion. Les familles des victimes n'auront plus à vivre constamment dans la crainte, sans trop savoir quand un meurtrier ravivera leurs souffrances en présentant une demande de libération conditionnelle quand bon lui semble.
    Permettez-moi d'ajouter que je comprends la préoccupation des Canadiens ordinaires selon laquelle le régime de la dernière chance accorde un traitement clément aux meurtriers. À cet égard, je crois que la plupart des Canadiens appuieront ces mesures qui visent à protéger la société en gardant les criminels violents et dangereux plus longtemps en détention. Le projet de loi nous permet de donner satisfaction aux Canadiens qui estiment que les meurtriers doivent purger leur peine et doivent rester plus longtemps en prison qu'ils ne le doivent à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle j'exhorte tous les membres du comité à appuyer le projet de loi.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre.
    Je crois que nous allons commencer avec M. LeBlanc, de l'opposition.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être des nôtres, monsieur le ministre.
    Comme mes collègues le savent, et le ministre aussi, nous avons appuyé le projet C-36 à l'étape de la deuxième lecture. Nous continuons de croire qu'il s'agit d'une mesure appropriée à prendre. Comme le ministre l'a souligné, c'est un gouvernement antérieur qui l'a restreinte il y a de cela 12 ans, et il s'agit là d'une autre restriction de la disposition de la dernière chance.
    Il règne beaucoup de confusion autour de cette notion. Comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure, par « dernière chance », on veut dire que les personnes reconnues coupables de ces infractions très graves ne devraient pas systématiquement présumer que les dispositions rigoureuses en vertu desquelles elles pourraient présenter une demande à la cour, pour ensuite faire une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles, seraient automatiquement acceptées.
    Je me demande si le ministre ou ses fonctionnaires ont des statistiques. Des délinquants qui se sont prévalus de la disposition de la dernière chance et qui ont fait une demande dans le passé, quel pourcentage des requérants, par exemple, finiront par obtenir une libération conditionnelle?
(1545)
    C'est une excellente question, et je vais demander aux fonctionnaires d'y répondre dans un instant, monsieur Leblanc.
    Vous soulevez une question importante. Dans mes discussions avec des victimes et les gens qui me tiennent au courant de la situation, on me dit qu'il serait fort improbable que l'individu obtienne une libération conditionnelle ou se prévale de la disposition de la dernière chance. Les familles seraient ainsi de nouveau éprouvées. Elles souffriraient à répétition. Même s'il est improbable que leur demande au titre de la disposition de la dernière chance soit accueillie favorablement, les gens me disent à l'unanimité que cela les afflige à répétition.
    Je compatis avec ces personnes. Je comprends ce qu'elles disent. Certaines d'entre elles ne peuvent espérer de se prévaloir de cette disposition particulière du Code criminel et, tout ce que cela fait, c'est de faire souffrir davantage les familles et les proches des victimes.
    Les fonctionnaires ont-ils des commentaires à ajouter?
    En réponse à votre question au sujet du nombre de requérants, nous avons des données d'avril 2009 qui révèlent que des 265 demandes qui ont été présentées pendant la période où il était possible de faire des demandes au titre de la disposition de la dernière chance, 140 requérants ont obtenu une réduction de leur période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
    Ces réductions variaient entre un an et dix ans, selon que l'individu purgeait une peine pour meurtre au premier ou au deuxième degré. Il faut tenir compte du nombre total des personnes admissibles; les 265 demandes ont été présentées au cours de cette période.
    Il faut garder cela à l'esprit pour ce qui est du nombre total de personnes condamnées à la prison à vie. Pour faciliter la tâche, nous pourrions ajouter que depuis avril 2009, 1 001 condamnés à l'emprisonnement à perpétuité peuvent faire une demande ou pourront le faire dans l'avenir.
    Madame Kane, parmi ceux dont la peine a été réduite parce qu'ils ont obtenu une libération conditionnelle anticipée, a-t-on assuré un suivi pour savoir combien ont récidivé?
    Oui, le Service correctionnel du Canada assure un suivi rigoureux. Au bout du compte, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé la libération conditionnelle à 127 personnes du nombre que j'ai évoqué. De ce groupe, 13 sont retournées en prison par après, 11 sont mortes, trois ont été expulsées, une était en libération sous caution, une était en détention provisoire et 98 respectaient les conditions de la libération conditionnelle et faisaient l'objet d'une stricte surveillance.
    Merci de cette information.
    J'aimerais peut-être poser une question, monsieur le président, s'il me reste du temps, sinon, je la poserai au deuxième tour. Je sais que le député du Yukon a une question.
    Dans ma circonscription, il y a le centre de Westmorland et la prison de Dorchester, un grand établissement correctionnel. Quelques agents de correction qui travaillent au pénitencier de Dorchester m'ont dit ces dernières années qu'ils ont des craintes quant à la sécurité de l'établissement. Je sais que le ministre dira peut-être que son collègue fait un travail remarque au ministère de la Sécurité publique — nous avons déjà entendu ce discours —. Je me demande toutefois si, au moment de préparer sa mesure législative, le ministre a reçu des suggestions du syndicat qui représente les agents de correction, qui m'ont fait part, quoique de façon générale, de leurs préoccupations au sujet de l'abrogation de la disposition de la dernière chance, et des répercussions que cela pourrait avoir sur la sécurité du personnel qui travaille dans la prison de même que celle des autres détenus.
    Je peux vous assurer, monsieur LeBlanc, que pour ceux qui s'inquiètent à ce sujet, ce que nous disons, c'est que les gens condamnés après que la mesure entre en vigueur... Et je veux dire, nous parlons de 15 ans d'ici.
    Vous avez mentionné mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, qui, bien sûr, communique constamment avec les personnes qui travaillent au sein du système de justice pénale en ce qui concerne la détention et les établissements à l'échelle fédérale. Vous avez raison lorsque vous dites que j'ai déclaré de nombreuses fois qu'il fait un travail exceptionnel sur ce plan. C'est certainement une chose en laquelle je crois, et je suis heureux que vous m'ayez donné l'occasion de réaffirmer encore une fois mon appui et mon désir de coopérer avec lui.
(1550)
    Je suis certain que cela le rend très heureux, lui aussi.
    Je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit.
    Monsieur le président, s'il reste du temps, le député de Yukon aimerait poser une question.
    Vous avez une minute; vous allez donc devoir vous limiter à une question et une réponse de 30 secondes chacune.
    Je vous remercie de vos remarques, monsieur le ministre.
    Nous sommes tous d'accord que les juges font ce qu'ils peuvent pour prendre les décisions appropriées; or, selon vous, est-ce possible que le nouveau régime plus strict mène à des peines moins sévères? S'inquiète-t-on de cette possibilité?
    Pour le meurtre au premier degré et la trahison, il n'y a pas de choix: c'est une peine d'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. La marge de manoeuvre est très étroite. Certains disent que j'introduis des peines minimales obligatoires, ce à quoi je réponds que le Code criminel en contient déjà un bon nombre, et que ce minimum doit être un des plus élevés.
    J'ai tout à fait confiance que le système judiciaire a les compétences nécessaires pour gérer ces changements, ou même n'importe quel changement que nous proposerons.
    Monsieur Ménard, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.
    Quand j'ai entendu parler pour la première fois de ce régime que vous voulez amender, j'étais bien conscient, moi aussi, qu'une telle sentence est imposée quand on a commis le pire des crimes, c'est-à-dire quand on a volontairement tué une personne. Quand on a décidé d'éliminer la peine de mort pour ce crime, il a fallu prévoir des conséquences extrêmement sérieuses.
    Je suis sensible à certains de vos arguments quant à la peine des victimes. Je dirais plutôt la peine des parents des victimes, puisqu'il s'agit de victimes d'homicide. Je crois que c'est une peine exagérée de leur demander de venir témoigner tous les deux ans.
    On peut être d'accord sur une partie de ce projet de loi et mettre en doute certaines autres. En tout respect, on peut avoir des positions différentes en raison de notre expérience.
     Je vous ai écouté parler et défendre le crime. Pensez-vous réellement que ce régime de la dernière chance n'aurait jamais dû être créé?

[Traduction]

    Je ne veux pas conjecturer sur le passé. J'ai fait partie du gouvernement pendant neuf ans, et nous avons apporté de nombreux changements au Code criminel. Je ne peux pas m'empêcher de croire que toute personne qui s'assoit avec la famille d'une victime tirera la même conclusion que moi. C'est ce qui est incarné dans le projet de loi. Il faut apporter ces changements, car le problème est la victimisation continue.
    Vous avez dit qu'il y avait certaines parties, et j'aimerais que vous en examiniez quelques-unes de près. Un des éléments qui me plaît, c'est les délais pour les demandes. Certains m'ont dit qu'ils attendent à la barre de la quinzième année, et ils ne savent ni si la personne va faire demande, ni à quel moment. Ils commencent même à tenter de planifier leur vie de façon à être certains d'apprendre que le moment approche. Ils essaient d'obtenir de l'information. Cela devient très difficile pour eux. Lorsque vous aurez l'occasion d'examiner la question en détail, c'est un des points dont vous devriez être en faveur. Les personnes qui sont déjà dans le système doivent agir dans des délais très stricts. Pour les personnes qui seront condamnées à l'avenir, si le projet de loi est adopté, la question ne se posera pas, mais pour les gens qui sont déjà dans le système, les délais représentent une grande avancée. J'espère que vous étudierez très attentivement des détails comme celui-là.
(1555)

[Français]

    Je crois que ma question réclamait une réponse plus simple. Néanmoins, je crois comprendre que vous avez certaines hésitations et que vous acceptez que ces dispositions aient existé par le passé. Vous voudriez les changer, mais vous pensez que les victimes ne voudraient pas du tout de telles dispositions.
    L'hon. Rob Nicholson: Yes, that's correct.
    M. Serge Ménard: Qu'est-il arrivé, dans l'application de ce système, pour que vous pensiez qu'il devrait être presque complètement éliminé?

[Traduction]

    En tant que ministre de la Justice, je rencontre régulièrement des groupes de victimes qui expriment clairement les torts que leur famille continue à subir en raison d'une telle disposition. Ces gens connaissent l'horreur initiale du meurtre d'un de leurs proches. Puis, ils subissent l'épreuve du procès et toutes les difficultés qui y sont associées, ainsi que la période d'appel. Plus tard, cela devient le deuxième acte, pour ainsi dire. L'épreuve est continue — elle est sans fin. C'est ce problème de victimisation que nous tentons de régler.
    Monsieur Ménard, lorsque nous avons parlé de la question et d'autres aspects de notre programme en matière de droit pénal aux Canadiens, nous avons reçu beaucoup d'appui. Je présume que c'est une des raisons pour lesquelles nous formons le gouvernement aujourd'hui: nombreux étaient ceux qui étaient d'accord avec nos propos. C'est une partie importante de ce que nous sommes en tant que gouvernement. Les Canadiens ont eu une réaction positive, et j'en suis très heureux.

[Français]

    D'après les statistiques que nous donne votre ministère, aucun de ces meurtriers n'a récidivé en tuant une personne. Seulement 13 sur 127 ont commis des infractions qui les ont fait revenir en prison.
    Vous sembliez tirer argument du fait que lorsqu'un juge autorise la personne à se prévaloir de ces dispositions, dans un très grand nombre de cas, sinon dans la majorité des cas, s'il lui était permis de s'en prévaloir... Maintenant, vous voulez augmenter le critère qu'appliqueraient les juges. Si ce critère était aussi élevé, il ne serait pas étonnant que les personnes qui seraient autorisées par les juges fussent sanctionnées par des jurys unanimes.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, si ce que vous dites, c'est que les personnes qui ont commis un meurtre au premier degré avec préméditation, par exemple, ne seront peut-être pas punies parce qu'elles ne seraient pas admissibles à la disposition de la dernière chance dans 15 ans, je vais devoir être en désaccord avec vous. Je crois que ces personnes continueront à être condamnées, comme elles devraient l'être...

[Français]

    Vous m'avez très mal compris; ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que vous sembliez tirer argument du fait qu'une fois que le juge donne son autorisation d'aller devant le jury, un nombre considérable... Ou encore, la raison que vous avez donnée est que les libérations conditionnelles étaient accordées à un haut pourcentage de gens autorisés par les jurys. En augmentant déjà au départ les conditions — pour le juge — de permettre d'aller devant jury, en toute logique, normalement, la majorité des gens, sinon la totalité, devraient avoir l'accord du jury et, ensuite, celui de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

[Traduction]

    Non.
    Voulez-vous répondre?

[Français]

    Permettez-moi de répondre en anglais, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Je pense que votre question touche la notion selon laquelle le critère est maintenant établi lors de la toute première étape, qu'il est plus élevé lors de la première étape, et que si on réussit à ce moment-là, il est plus probable qu'on réussisse avec un jury.
    Est-ce ce que vous essayez de dire?
    Oui.
    La situation actuelle semble appuyer le fait que ceux qui reçoivent une réponse favorable à leur demande de dernière chance réussissent à faire diminuer le nombre d'années de leur libération conditionnelle une fois qu'ils se présentent devant la commission des libérations conditionnelles, probablement parce qu'ils ont réussi à défendre leur cas dans le cadre de la première étape. Les tribunaux ont affirmé que le critère était relativement bas, mais la mesure l'augmentera pour qu'il ait de bonnes chances de réussite. Le juge et le jury doivent se pencher sur certains critères pour déterminer si on réduira le nombre d'années de la libération conditionnelle.
    Ainsi, votre remarque est peut-être partiellement juste — c'est très difficile de conjecturer sur ce plan —, mais il y aura certainement une augmentation au début.
(1600)

[Français]

    Je vais passer à un autre sujet.
    Les gens qui ont mis ce système sur pied ont donné trois raisons. L'une d'elles qui revient continuellement est que si les gens avaient un espoir quelconque, même très lointain, cela aiderait beaucoup à assurer la sécurité dans les prisons.
     Il vaut mieux donner à une personne un espoir lointain plutôt que de l'avoir complètement désespérée en prison. Acceptez-vous cette raison?

[Traduction]

    Une réponse très brève, s'il vous plaît. Nous avons nettement dépassé les sept minutes.
    Encore une fois, j'espère que les gens ne s'impliqueront pas dans ce genre d'activités et qu'ils ne créeront pas le genre de victimisation qui se produit parfois.
    Monsieur Ménard, je ne suis pas d'accord; on peut dire que seulement 13 personnes ont récidivé, mais nombreux sont ceux qui diraient que ce sont 13 personnes de trop, que la société paye le prix des personnes qui agissent ainsi.
    Je vous demande donc d'examiner la mesure de très près, et même de consulter les habitants de votre circonscription. Je pense qu'ils seront d'accord avec ce que nous faisons, avec le fait de se débarrasser de la disposition pour qu'il y ait à l'avenir une plus grande adéquation entre la peine et le crime. Nous devons nous assurer de maintenir la confiance dans le système de justice pénale, et la mesure est certainement une façon d'y arriver.
    Je suis désolé si j'ai parlé un peu trop longtemps, monsieur le président.
    Non, cela va. Merci.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci au ministre et à ses collaborateurs de leur présence.
    J'aimerais simplement revenir sur votre dernier point, monsieur le ministre. Je ne suis pas certain que la conclusion que vous avez tirée soit exacte. Nous avons en main une étude menée par les analystes de la bibliothèque sur le nombre de personnes qui sont réincarcérées.
    Madame Kane, vous êtes peut-être plus à même de répondre. Si je comprends bien, ces personnes n'ont pas toutes été réincarcérées parce qu'elles avaient récidivé, mais plutôt parce qu'elles avaient enfreint les conditions de la libération. On pourrait soutenir que c'était peut-être une infraction technique à la loi et que la personne n'avait donc pas commis une nouvelle infraction violente. Avons-nous la répartition de ces données? L'étude qu'on nous a montrée mentionne en fait 15 cas, et non 13.
    Je n'ai pas la répartition des raisons pour lesquelles ces personnes ont été réincarcérées. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un détenu en libération conditionnelle serait réincarcéré. Ces gens sont surveillés de près et ils commettent parfois des gestes qui sont moins graves que d'autres, mais ils sont quand même réincarcérés. Nous pouvons demander à nos collègues du Service correctionnel s'ils peuvent nous fournir ces renseignements.
    Je vous en prie; vous pouvez les transmettre à la greffière du comité.
    Dans le cadre de cette même étude, les analystes de la bibliothèque ont comparé les taux d'incarcération qui découlent de condamnations pour meurtres dans différents pays; le nombre d'années d'incarcération des personnes condamnées pour meurtre est nettement plus élevé au Canada que dans tous les autres pays qu'ils ont étudiés, même les États-Unis. Ces statistiques sont-elles exactes? Selon l'étude, les détenus sont incarcérés pendant environ 28 ans après avoir été condamnés. Ce nombre est-il exact?
    À ce que nous sachions, cette donnée est exacte.
    Même si le minimum pour faire une demande est 25 ans, ils sont incarcérés en moyenne pendant plus longtemps que cela?
     Oui. Il n'y a aucune obligation de faire une demande pour la libération conditionnelle, même lorsqu'une personne atteint sa date d'admissibilité, si celle-ci est de 25 ans. Certaines personnes arrivent à ce point et préfèrent attendre qu'il soit plus probable que leur demande soit acceptée. C'est difficile de conjecturer sur les raisons pour lesquelles certaines personnes font demande à un certain moment et d'autres attendent.
    Monsieur le ministre, vous semblez insister beaucoup, pour les modifications que vous proposez, sur les conséquences que les familles subissent, et je crois que nous comprenons tous cela. Or, je vous dirais qu'il y a une option moins draconienne que celle de se débarrasser complètement de la disposition, pour la raison que nous ne devrions pas nous en débarrasser et pour celle qu'elle a d'abord été créée. Vous pourriez modifier le code de façon à ce que toute demande comporte un examen auquel ne participerait pas la famille. La majorité des demandes que nous recevons, la demande initiale et même souvent la deuxième et la troisième, sont refusées. Ainsi, plutôt que de faire subir chaque fois le processus à la famille, aux amis et aux connaissances de la victime de meurtre, on demanderait à un juge et à un jury d'examiner le dossier.
    Nous savons que, dans un grand nombre de cas, les recommandations contenues dans les rapports psychiatriques et psychologiques du Service correctionnel montrent clairement que la demande ne sera pas acceptée. Ainsi, plutôt que de faire subir le processus à la famille, intégrez une étape intermédiaire, au cours de laquelle un juge et un jury examineraient la situation, comme le système le permet; ensuite, ils n'auraient pas à faire appel à la famille puisque la demande serait rejetée presque automatiquement étant donné qu'il serait évident que la personne ne serait pas admissible à ce moment-là. Je vous dirais que cela diminuerait en grande partie le traumatisme vécu par les familles.
(1605)
    Je le répète, monsieur Comartin, les victimes avec lesquelles j'ai parlé m'ont dit d'une voix unanime qu'elles veulent être au courant de chaque étape. Si je leur disais qu'il y aurait un processus intermédiaire et qu'on communiquerait avec elles s'il était probable que la demande soit acceptée ou si la personne allait avoir l'occasion de défendre son dossier, j'ai l'impression que cela ne leur plairait pas, dans le sens qu'elles veulent plus de renseignements sur la personne qui les a tant fait souffrir. Je pense que la situation serait plus problématique que celle que nous connaissons en ce moment si on ne leur permettait pas d'être au courant de toute demande ou de toute procédure.
    J'ai posé toutes mes questions. Merci.
    Merci, monsieur Comartin.
    Je cède la parole à M. Norlock; vous avez sept minutes.
    Merci à vous, monsieur le ministre, et à vos collaborateurs, d'être ici présents.
    M. Comartin m'a lancé sur une autre petite tangente, mais je vais commencer par le commencement en espérant que nous aurons le temps de nous rattraper.
    Quand quelqu'un me mentionne que parce qu'ils ont enlevé la vie à une autre personne, et le fait que la société veut les garder en prison pendant 25 ans... Et ce devrait être 25 ans — autrement dit, une vraie sentence. Lorsqu'ils disent que c'est draconien, je me demande comment ils qualifieraient le meurtre de la personne qui n'a plus de vie à vivre, ici sur notre belle terre ou ailleurs. Je crois que le fait de retirer les familles, une fois de plus... Vous savez, nous nous sommes battus avec acharnement dans notre société pour que les victimes des familles soient même en mesure de comparaître en cour et de faire une déclaration de la victime, ce qui ne se faisait pas quand je suis entré dans la police en 1970. Nous avons finalement réussi à faire entendre le point de vue des victimes et maintenant, nous voulons leur enlever ce droit en vue de les protéger. Je crois que nous devrions les protéger en veillant à ce que les personnes qui commettent des crimes graves passent le temps qu'il faut en prison. C'est ce que les victimes et les citoyens ordinaires veulent entendre.
    Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, pour rester sur le sujet des victimes qu'on victimise continuellement, lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai dressé une liste de commentaires tirés de divers journaux et médias. Un certain nombre de familles et de particuliers ayant perdu des êtres chers se sont prononcés au sujet de ces crimes plus graves et haineux. Ils ont, pour la plupart, parlé des difficultés auxquelles ils ont fait face, difficultés que certains nous disent maintenant qu'ils veulent revivre, mais je m'interroge... Je crois que nous aurions intérêt à communiquer avec eux, monsieur le ministre.
    Voici deux citations qui, je crois, visent vraiment le fondement du projet de loi. La première est de Theresa McCuaig, dont le petit-fils a été assassiné. La citation est tirée d'un article publié en juin dernier dans le Kingston Whig-Standard, et je cite Theresa. Selon elle:
Il sera très difficile pour notre famille d'aller en cour trois fois en un an pour chaque criminel, et si on leur refuse la libération conditionnelle, ils peuvent présenter une nouvelle demande, par la suite, tous les deux ans. C'est donc dire que nous vivrons le même enfer tous les deux ans.
    L'autre citation est de David Toner, dont le fils a été victime d'un meurtre. M. Toner se trouve maintenant à la tête d'un groupe appelé Families Against Crime and Trauma. Sa citation a été publiée dans le journal The Province en juin dernier. Selon lui:
Les victimes de crimes sont souvent appelées les orphelins de la justice. Le grand public perçoit que les droits du contrevenant passent toujours avant les droits du public même et ceux de la victime. La justice est un terme qui perd sa signification lorsque quelqu'un commet le crime le plus haineux qui soit et sort de prison seulement quelques années plus tard.
    Monsieur le ministre, je me demande si vous pourriez vous prononcer là-dessus, ainsi que sur ce que vous avez entendu lorsque vous avez traversé le pays et parlé aux victimes de crimes.
    En fait, vous avez plutôt bien résumé ce que ces gens traversent, monsieur Norlock. C'est ce qu'ils me disent. Que leur enfer est sans fin. Qu'ils sont incapables de tourner la page. Les demandes n'en finissent pas. Et, comme vous le dites, dans les cas de meurtriers multiples, le processus traîne en longueur, il est impossible de passer à autre chose et c'est inadmissible. C'est inadmissible que ces personnes aient à traverser pareille épreuve. Dans la mesure où il est possible pour le Parlement d'accorder une plus grande importance aux victimes et aux citoyens respectueux des lois de notre pays, nous sommes sur la bonne voie.
    J'ai déjà dit au comité à quel point j'étais ravi de nommer le premier ombudsman fédéral pour les victimes de crimes. Ce faisant, nous signifions que les intérêts des victimes sont une priorité. Je veux qu'elles sachent qu'en adoptant une mesure législative comme celle-là, nous pensons aux personnes entraînées dans ce tourbillon. Encore une fois, c'est une étape, et une étape très raisonnable dans la bonne direction. Je crois qu'elle envoie le bon message.
    Par ailleurs, cette démarche a, selon moi, l'avantage d'accroître la confiance de la population dans le système de justice pénale. Lorsque les gens lisent dans le journal qu'un individu qu'ils croyaient emprisonné pour 25 ans se retrouve en cour pour demander qu'on le libère, cela nuit au système de justice pénale. Cela nuit à l'administration de la justice au Canada. Dans la mesure où nous luttons contre cela, nous assumons notre responsabilité en tant que législateurs. Je n'en doute pas un seul instant.
(1610)
    Merci.
    Merci, monsieur Norlock.
    Nous cédons la parole à Mme Jennings, pour cinq minutes.
    Je crois comprendre qu'aux termes des statistiques de Service correctionnel Canada publiées en avril 2008 — les prochaines seront publiées en décembre 2009 —, des 22 831 contrevenants qui relevaient de SCC à ce moment-là, 4 429, ou 19,4 p. 100, purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité, presque tous pour meurtre. Je crois maintenant savoir que le projet de loi C-36 n'est pas rétroactif. J'aimerais donc que le ministre donne des explications.
    J'éprouve énormément d'empathie pour les familles dont des membres ont été victimes de crimes, qu'il s'agisse de meurtre, de viol, de vol, d'agression ou autre. J'aimerais que le ministre dise comment il s’y prendra pour expliquer à ces familles qui devront continuer à vivre avec le stress, la peur et l'anxiété dont il parle, que pour justifier le retrait de la disposition de la dernière chance pour ceux qui commettront à l'avenir ces actes de violence, les familles ayant déjà perdu des membres en raison de violence, ou ayant souffert elles-mêmes, ou dont un membre a été victime d'un crime violent, devront continuer à vivre avec ce stress, etc. Il y a un peu plus de 4 000 personnes qui relèvent de SCC en ce moment et qui purgent des peines à perpétuité, presque toutes pour meurtre, ce qui signifie qu'à un moment donné, elles pourront se prévaloir de la disposition de la dernière chance.
    Comment allez-vous le leur expliquer?
    Bien, je suppose que vous êtes probablement au courant, et je suis sûr que certains de vos collègues vous l'indiqueront... Et peut-être que c'est la position que vous prenez. Je serais surpris si c'était la position du Parti libéral, mais parfois, je ne suis pas surpris...
    C'est une question. Je pose une question.
    Si vous me dites que nous pouvons retourner en arrière et changer rétroactivement les sentences des personnes qui, par exemple, ont été condamnées il y a 10 ans, que nous pouvons changer la durée de la peine qu'on leur a imposée il y a 10 ans en enrayant la disposition de la dernière chance dans leur cas, je serais très surpris. Vous savez, bien sûr, qu'on invoquerait la Chartre immédiatement dans ce cas.
    Ce que j'ai fait est dans les limites de la Constitution. Je dois faire avancer un projet de loi qui, selon moi, est conforme à la Charte des droits et à la Déclaration canadienne des droits. Et, ce faisant, comme vous pouvez le voir, j'ai resserré certaines des procédures de façon à ce que vous puissiez présenter une demande au titre de la disposition tous les cinq ans au lieu de tous les deux ans. Et vous disposez d'une courte période, d'une période de trois mois, pour présenter cette demande. Je crois que cela survivra à une contestation constitutionnelle. Je n'en doute pas. Mais si j'essayais de l'éliminer rétroactivement, madame Jennings, je crois que j'aurais un problème de taille. Et je pense que les spécialistes constitutionnels abonderont dans le même sens.
    Monsieur le ministre, quant au registre des délinquants sexuels, la mesure a, en fait, été rétroactive, nonobstant le fait qu'on s'est inquiété que cette mesure soit susceptible de violer des droits constitutionnels. À ma connaissance, cela a résisté à toute application de la Charte.
    Lorsque vous avez conçu ce projet de loi, avez-vous, en fait, mené une enquête et déterminé si oui ou non le fait qu'il soit rétroactif passerait le test de la Charte, avec ou sans argument solide...
(1615)
    C'est toujours une considération, madame Jennings.
    Et quelle a été la réponse?
    Ma conclusion a été que le fait de modifier la sentence de quelqu'un rétroactivement engendrerait de graves difficultés du point de vue constitutionnel.
    Comme je l'ai indiqué, j'ai prévu des procédures...
    Cela ne change pas la sentence de quelqu'un.
    ... de transition dans le projet de loi, et elles s'appliqueront à tout le monde et limiteront l'ouverture dont ils disposent.
    Si vous voulez que le compte rendu reflète que vous pensez que l'on peut commencer à modifier rétroactivement les sentences des gens, j'en suis très surpris.
    Encore une fois, je dois formuler des conseils et présenter une mesure législative qui, selon moi, sera jugée valable du point de vue constitutionnel, qui sera conforme et à la Charte et à la Déclaration canadienne des droits. C'est ce que je dois faire. J'estime que c'est exactement ce que fait ce projet de loi.
    Et vous estimez que le fait d'éliminer complètement la disposition de la dernière chance pour ceux qui purgent déjà des peines à perpétuité et qui bénéficient en ce moment de cette disposition, que d'éliminer cette disposition...
    Entièrement.
    ... rétroactivement constituerait une violation de leurs droits constitutionnels, et par conséquent, vous êtes disposé à laisser ces familles pour lesquelles, à mon avis, vous avez versé des larmes de crocodile, continuer à vivre avec le stress et l'anxiété...
    Si je crois que quelque chose est inconstitutionnel, vous voudriez que... Êtes-vous en train de suggérer la clause nonobstant?
    Silence, s'il vous plaît.
    Madame Jennings, laissez-le répondre à la question.
    Je ne l'ai pas interrompu. Il a répondu à la question. Je fais maintenant une déclaration, et c'est lui qui m'interrompt.
     Madame Jennings, votre temps est écoulé. C'est la raison pour laquelle je dois...
    C'est une toute autre histoire.
    Je gère le temps, madame Jennings.
    Le ministre m'a interrompue, et vous lui avez permis de le faire.
    Un peu de silence, s'il vous plaît.
    Madame Jennings, je vous en prie.
    Monsieur le ministre, répondez à la question je vous prie.
    Je répondais à sa question. Puis-je continuer?
    Non, vous ne pouvez pas.
    Monsieur le ministre, répondez s'il vous plaît.
    Nous avons tous nos opinions à ce sujet. Nous nous efforçons de nous conformer à la Constitution, de travailler dans ses limites, et je crois que nous réussissons à le faire. Nous aidons ces victimes. Nous essayons de faire en sorte qu'il leur soit plus facile de se rendre aux endroits où se tiennent les audiences. Nous limitons certaines des procédures qui les entourent. Mais si vous me demandez de faire fi de la Constitution ou de la Déclaration canadienne des droits, je ne suis pas disposé à le faire. Nous devons prendre ces décisions, madame Jennings, et c'est parfois difficile.
    Merci monsieur le ministre.
    Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, s'il vous plaît.
    Madame Jennings, je veux vous assurer, ainsi que les autres membres du comité, que je ne vous interromprai pas injustement. Mais je dois gérer le temps. Un certain temps vous est alloué à chacun pour poser des questions et recevoir des réponses. C'est à moi d'assurer le bon déroulement de la réunion et de permettre à suffisamment de membres de poser des questions.
    Madame Jennings, je ne vous interromps pas. Je m'assure seulement que le ministre a l'occasion de répondre à certaines des préoccupations que vous avez soulevées.
    Monsieur Lemay.
    Monsieur le président, puis-je prendre un moment...
    Non, c'est terminé.
    J'invoque donc le Règlement.
(1620)
    D'accord.
    En vertu des règles et des procédures, je dispose de cinq minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. J'étais en train de parler. Vous ne m'aviez pas dit que mon temps était écoulé. Le ministre m'a interrompue, a commencé à parler en même temps que moi. Au lieu de rappeler le ministre à l'ordre pour me permettre de continuer, vous lui avez permis de continuer à parler et avez ensuite soutenu, comme deuxième justification, que mon temps était écoulé.
    J'estime que c'est manifestement une violation des règles. Si mon temps avait été écoulé lorsque je parlais, vous auriez pu me le dire et permettre au ministre de répondre. Vous ne l'avez pas fait. Vous avez permis au ministre de m'interrompre pendant que je parlais. J'ai été polie avec le ministre — j'ai posé mes questions, fait mes déclarations et permis au ministre de parler. Je ne l'ai pas interrompu une fois. Lorsque le ministre a eu fini de parler, j'ai commencé à répondre et j'ai essayé de lui poser une question. Il m'a interrompue, et vous lui avez permis de le faire.
    Je suis très déçue de tout cela. S'il est impoli pour un membre d'interrompre un témoin qui parle, il l'est tout autant pour un témoin, même un ministre, d'interrompre un membre de ce comité pendant qu'il a la parole et qu'il pose une question ou fait une déclaration.
    Merci, madame Jennings. Vous avez fait valoir votre point de vue.
    Je rappelle que c'est moi qui vais gérer le temps du comité. Vous pouvez manifester votre opposition n'importe quand, mais je vais faire de mon mieux pour que chacun au comité ait la possibilité de poser des questions au ministre et d'avoir leurs réponses. J'ai toujours procédé ainsi et j'entends continuer.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais essayer de ne pas entamer de discussion avec vous.
    Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous — ou quelqu'un dans cette salle — avez déjà accompagné quelqu'un qui avait été condamné pour meurtre au premier degré et qui faisait une demande de libération conditionnelle. Pour avoir vécu cela, je peux vous dire que c'est une expérience extrêmement laborieuse.
    J'ai tout analysé, j'ai rencontré M. Giokas et j'ai étudié le tout attentivement. Au lieu de proposer tout ce que contient le projet de loi C-36, pourquoi ne pas proposer une seule autre chose? Nous convenons tous que le meurtre est le pire crime que quelqu'un puisse commettre. Quand quelqu'un est condamné pour meurtre au premier ou au deuxième degré, pourquoi ne pas dire que cet individu n'aura qu'une seule chance? Après avoir lu votre projet de loi, j'ai fait le calcul. On n'est pas admissible avant 15 ans, il faut passer un minimum de temps. Il faut se rendre devant le juge et si on manque son coup, on se rend probablement jusqu'à 25 ans.
    J'aimerais bien mieux, en tant qu'avocat, préparer mon client une seule fois. Le faire deux ou trois fois est inutile parce que les règles sont très précises et les juges très stricts. Cela fera peut-être l'affaire de beaucoup de personnes autour de cette table. Pourquoi ne dites-vous pas qu'on n'aura droit qu'à une chance et qu'il ne faut pas la manquer, qu'il faut se préparer comme il faut?
    Votre projet de loi fait miroiter quelque chose de façon inutile, puisque la personne qui manque son coup une fois ne peut pas revenir avant cinq ans.
     Sincèrement, après avoir analysé tout ça, je me dis qu'on devrait indiquer qu'on n'aura qu'une seule chance, qu'il faudra se préparer comme il faut et expliquer comment ça va se dérouler. C'est la seule solution que je vois.

[Traduction]

    Ce serait très intéressant, monsieur Lemay. J'imagine que l'individu aurait la possibilité de demander une libération conditionnelle après 15 ans. S'il essuie un refus, je tiens pour acquis qu'il resterait incarcéré jusqu'à sa mort. Vous seriez donc débarrassé de l'examen du cas après 25 ans. C'est assez équitable, j'imagine.
    Je comprends ce que vous dites, mais je crois que ce que je dis moi-même est très raisonnable. Vous parlez de 15, 20 et 25 ans. Là encore, je prends des précautions pour que la mesure ne puisse pas être renversée pour des motifs constitutionnels.
    Excusez-moi, mais êtes-vous en train de dire qu'ils devraient pouvoir présenter une demande après 15 ans et c'est tout?

[Français]

    Sans vouloir vous interrompre, je dis plutôt qu'entre 15 et 25 ans, cette personne ne pourra faire qu'une seule demande. Après 25 ans, on verra de toute façon, avec toutes les règles. Je parle de la période entre la 15e année de détention et la 25 e année. On se prépare comme il faut.
    En tout respect pour mes collègues et vous, je vous suggère de consulter des avocats et des avocates qui ont travaillé à ce genre de dossier. C'est tellement pénible, tellement long. J'aimerais que vous étudiiez cela de près, si c'était possible. Je suis convaincu que les conditions de la Cour suprême seraient respectées, si je me fie à ce qu'a dit la Cour suprême dans la cause Swietlinski.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.
(1625)

[Traduction]

    Eh bien, je crois que c'est un point très intéressant, monsieur Lemay. Je ne m'attendais pas à une telle proposition de votre part ni de votre parti politique, mais je continue d'avoir des surprises.
    Là encore, je crois que nous ne parlons que des gens qui sont déjà dans le système. Je ne suis pas sûr s'il s'agit de 4 000 personnes exactement.
    Nous avons le mérite d'avoir créé une certaine stabilité concernant le moment où la demande de libération conditionnelle peut être faite. Et, selon votre proposition, si les détenus doivent disposer d'un seul temps pour présenter une demande, vous laisseriez les victimes, qui sont dans l'attente, se demander si ces individus présenteront une demande au terme de 16 ou de 17 ans ou encore au terme de 18 ans, étant donné qu'ils n'auraient qu'une seule possibilité.
    Alors, je crois que votre proposition est raisonnable. En définitive, si nous décidons de nous en débarrasser, j'espère que nous aurons votre appui.
    Merci, monsieur. Le temps est écoulé.

[Français]

    Est-ce déjà fini?

[Traduction]

    Nous avons une autre question.
    Monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le ministre et ses fonctionnaires de se joindre à nous aujourd'hui.
    Je désire faire observer que l'éloquence avec laquelle le ministre a parlé des difficultés que la disposition de la dernière chance crée pour les victimes témoigne du fait que les préoccupations et les intérêts des victimes sont très importants pour lui et constituent une considération majeure du projet de loi.
    J'aimerais maintenant parler d'un fait qui n'est peut-être pas aussi marquant, mais qui n'en est pas moins important. Il s'agit d'une statistique contenue dans le rapport d'avril 2008 selon laquelle, sur les 125 délinquants mis en liberté après avoir eu recours à la disposition de la dernière chance, 15 avaient été réincarcérés. En fait, une personne n'était pas comprise dans cette statistique — cette personne était illégalement en liberté au mois d'avril 2008.
    Donc, au moins une personne sur huit qui avait été mise en liberté après avoir eu recours à la disposition de la dernière chance était retournée en détention. Les manquements aux conditions de la libération sont beaucoup plus qu'une préoccupation, ils constituent, chaque fois, un pari perdu. Chaque manquement est un échec de la disposition de la dernière chance et chaque manquement constitue un risque pour les Canadiens et les Canadiennes de partout au pays.
    Monsieur le ministre, si votre projet de loi avait été en vigueur, aucun de ces individus n'aurait été mis en liberté grâce à la disposition de la dernière chance. Cela semble en accord avec la politique que vous poursuivez pour accroître la sécurité dans les rues. Le projet de loi s'inscrit-il dans cette politique?
    Il n'y a aucun doute à ce sujet.
    On m'a posé une question intéressante. Lorsque j'ai présenté le projet de loi, quelqu'un m'a demandé si je disais que quelqu'un qui allait commettre un meurtre au premier degré pourrait décider ne pas passer à l'acte, étant donné qu'il ne pourrait plus présenter une demande de libération conditionnelle en se prévalant de la disposition de la dernière chance après 15 ans d'incarcération. J'ai répondu qu'il serait très difficile pour quiconque d'imaginer, pour commencer, ce qui peut se passer dans la tête d'une personne qui s'apprête à commettre un meurtre au premier degré, un meurtre prémédité. J'ai fait valoir toutefois que je savais qu'il y aurait moins de victimisation dans le pays. Il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit que l'individu qui a commis un tel crime passera 25 ans en incarcération avant d'être admissible à une libération conditionnelle des autorités fédérales. Cette mesure sera une bénédiction pour les familles qui doivent traverser tout cela, ou suivre tout le processus décrit ici, de ne pas avoir à le refaire, parce qu'elles sont constamment victimisées.
    Mais, vous avez raison: nous voulons que les gens aient confiance dans le système de justice pénale. Nous essayons de nous débarrasser du crédit de deux jours pour un; la question est maintenant soumise à l'autre endroit. Cela en fait partie. Je crois que cette mesure augmentera la confiance des gens dans le système en place au pays. Lorsque les gens ont confiance dans le système, tout le monde en tire profit.
    Alors, oui, nous voulons mieux protéger les Canadiens; nous voulons réduire la victimisation; nous voulons que les gens aient confiance dans le système de justice pénale de notre pays. Nous voulons traiter équitablement les gens qui sont accusés dans notre système de justice pénale. Ils doivent avoir des droits — naturellement, ils en ont — et nous voulons qu'ils soient traités équitablement, mais ce n'est qu'une partie de l'équation. Vous ne pouvez appuyer un côté au détriment de l'autre.
    Comme M. Norlock et d'autres l'ont dit, nous devons nous assurer que les victimes sont entendues, qu'elles prennent part au processus et que leurs intérêts sont pris en considération. Nous ne pouvons pas les ignorer, parce qu'alors, tout le monde y perd. Vous avez raison, toutefois: notre projet s'inscrit dans le train de mesures que nous prenons pour faire de la société canadienne un milieu de vie plus sûr et, ce faisant, accroître la confiance des gens dans le système. Voilà ce que nous voulons faire.
(1630)
    Merci.
    Pour ceux qui ont déjà été condamnés et qui, par conséquent, peuvent se prévaloir de la disposition de la dernière chance, je crois comprendre que votre projet de loi comprend des changements procéduraux concernant le nombre de demandes, la fréquence à laquelle ces demandes pourront être présentées et le moment où elles pourront l'être, qui apporteront un certain soulagement aux victimes de ces criminels. Pourriez-vous nous donner des détails sur ces points qui sont de nature constitutionnelle ou procédurale?
    Oui. Vous les avez devant vous.
    J'ai donné mon opinion sur la constitutionnalité d'une application rétroactive des dispositions contenues dans le projet de loi. Nous avons mis certains paramètres et apporté certains changements procéduraux concernant les personnes qui sont déjà admissibles ou pour lesquelles une telle mesure est déjà prévue dans la peine. Je crois qu'en fixant une limite pour le moment où une demande peut être présentée, en portant l'intervalle à tous les cinq ans et en donnant un délai de 90 jours pour présenter une demande au-delà duquel l'individu doit attendre cinq ans pour formuler une nouvelle demande, on prend des mesures raisonnables et on se dirige dans la bonne direction. On s'éloigne du système en place où les détenus peuvent présenter une demande après 15 ans ou 15 ans et demi, ou attendre le moment de leur choix, et ensuite à tous les deux ou trois ans. Ce n'est pas la bonne façon de procéder.
    C'est une amélioration énorme, et, là encore, j'espère que nous aurons l'appui de tout le monde ici. C'est un pas dans la bonne direction.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le ministre, vous nous avez réservé une heure de votre temps. Je vous remercie.
    Je laisse maintenant les membres du comité décider. Voulez-vous que le personnel reste avec nous? Avez-vous d'autres questions à poser?
    J'ai une question pour le personnel.
    Monsieur le ministre, vous êtes libre de partir. Nous allons simplement poursuivre en posant des questions à votre personnel.
    Monsieur Bagnell, vous disposez de cinq minutes.
    Merci. La réponse à ma question devrait être très brève.
    Avez-vous des statistiques sur le pourcentage de gens qui ont été mis en liberté en se prévalant de la disposition de la dernière chance et qui ont ensuite commis des crimes graves?
    La seule donnée que j'ai est celle dont je vous ai déjà fait part, à savoir que sur 265 personnes qui ont demandé à se prévaloir de la disposition de la dernière chance, 127 ont obtenu leur libération conditionnelle. Selon nos statistiques, qui remontent à avril 2009, 13 personnes ont été réincarcérées, mais je ne sais pas précisément pour quelles raisons ces personnes sont retournées en incarcération. J'ai promis à M. Lemay et à M. Ménard de leur fournir tous les renseignements supplémentaires que nous pourrons obtenir sur les raisons précises pour lesquelles ces gens ont été réincarcérés.
    Même si ces individus devaient tous avoir été réincarcérés pour une nouvelle infraction, cette proportion demeurerait bien en deçà du taux de récidive des criminels ordinaires; ces statistiques laissent donc entendre que ces gens sont beaucoup moins dangereux que les autres criminels qui ont été mis en liberté. C'est très intéressant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci. Avez-vous besoin d'autres renseignements?
    D'autres membres ont-ils des questions à poser aux témoins?
    Nous passons à M. Petit. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Ma question sera très brève.
    Madame Kane, j'aimerais comprendre comment la loi s'applique, en partant d'un cas qui a déjà été réglé. J'aimerais savoir si ce que nous faisons aurait pu s'appliquer dans le passé. Au Québec, nous avons tous connu le cas de Denis Lortie qui, en pleine Assemblée nationale, a tué trois personnes et qui a été condamné par la suite.
    Aujourd'hui, il est sorti de prison. Après huit ans d'incarcération, il a bénéficié d'une libération conditionnelle. Il a voulu tuer des membres du Parti québécois. Il a été condamné et ensuite il a été libéré.
    Si le projet de loi C-36 avait été adopté à l'époque, M. Denis Lortie aurait-il pu être libéré avant 15, 20 ou 25 ans? Il s'agit d'un cas concret. Au Québec, cet individu n'est plus en prison, malgré le fait qu'il ait commis trois meurtres à l'Assemblée nationale. Si ce cas avait lieu aujourd'hui, serait-il été condamné à 15, 20 ou 25 ans de détention?
(1635)

[Traduction]

    Nous ne pouvons pas parler pour aujourd'hui, mais si un tel cas devait survenir après l'adoption et l'entrée en vigueur du projet de loi — si le crime était commis après l'entrée en vigueur de la loi — la personne condamnée pour meurtre ne pourrait pas se prévaloir de la disposition de la dernière chance. La date d'admissibilité à la libération conditionnelle serait fixée de la façon suivante: pour un meurtre au premier degré, ce serait 25 ans; pour un meurtre au deuxième degré, ce serait après une période comprise entre 15 et 25 ans. La personne condamnée serait obligée de purger la totalité de sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle avant de pouvoir présenter une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il n'y aurait pas d'étape intermédiaire où quelqu'un pourrait demander une réduction de sa période d'inadmissibilité, ce que permet actuellement la disposition de la dernière chance.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Ménard, vous avez une autre question. Vous disposez d'un maximum de cinq minutes.

[Français]

    Le sujet m'a toujours beaucoup préoccupé. Je constate que vous nous assurez qu'aucune des personnes qui ont bénéficié de cela n'a commis d'autre meurtre.
    J'ai parlé aux gens qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada. Selon ce qu'on m'a dit, personne n'a commis d'autre meurtre. Les 15 personnes sont retournées en prison parce qu'elles n'ont pas respecté leurs conditions de libération, pour des questions d'alcool ou de drogues. C'est ce qu'on m'a dit, mais on vous donnera plus de précisions plus tard.
     Vous avez peut-être les moyens de vérifier.
    Je me souviens avoir vu une émission de télévision il y a fort longtemps. On y avait fait état d'une personne qui avait bénéficié d'une libération conditionnelle deux fois et qui avait commis un troisième meurtre.
    Y a-t-il moyen de savoir si cela est déjà arrivé? Cela voudrait dire que cette personne aurait commis un meurtre très jeune, aurait été condamnée une première fois, puis libérée, et ensuite aurait commis un autre meurtre, et encore un autre.
     Cette personne aurait commis le premier meurtre à 25 ans, et un autre à 50 ans ou 51 ans et un autre... Le troisième meurtre était particulièrement affreux, car il y avait aussi eu agression sexuelle. Cela aurait eu lieu quand cette personne avait moins de 40 ans, ou certainement moins de 50 ans. Cela a souvent été mentionné comme exemple des lacunes du système des libérations conditionnelles pendant au moins 10 ou 12 ans.
    Je m'attendais à trouver ce cas parmi ces statistiques, mais il n'y est pas. J'ai peut-être mal compris le programme, ou il était peut-être inexact, c'est-à-dire que la personne aurait été libérée deux fois, mais pas pour des meurtres.

[Traduction]

    Les statistiques que nous avons utilisées s'appliquaient à ceux qui avaient d'abord demandé à se prévaloir de la disposition de la dernière chance. Il y aurait aussi les cas des autres qui purgeaient une peine à perpétuité et qui ont attendu leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle avant de présenter une demande. Ceux-là seraient compris dans un groupe statistique différent. Nous ne pourrions pas nous prononcer sur ce qui est advenu de quiconque a reçu une libération conditionnelle après cela. Si vous avez des témoins du Service correctionnel, ils pourraient peut-être vous fournir ces renseignements supplémentaires.
(1640)

[Français]

    Si jamais vous avez connaissance d'une personne qui aurait bénéficié de deux libérations conditionnelles et qui aurait commis un troisième meurtre, j'aimerais que vous me le signaliez. Je vais tenir pour acquis que ce cas était fictif, ou que cette personne n'a pas commis trois meurtres.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    J'aimerais obtenir une précision. Je lisais les documents provenant de la Bibliothèque du Parlement. Pouvez-vous nous dire quel était le temps de détention moyen avant 1976 et quel était ce temps moyen après 1976, pour les cas de meurtre? Les personnes purgeraient une peine de 22,4 ans au minimum avant d'être admissibles à une libération conditionnelle.
    Si vous pouviez nous faire parvenir les statistiques sur la durée de détention, surtout depuis les changements de 1976, j'aimerais les recevoir.
    Oui, monsieur, avant 1979, le temps moyen passé en prison pour un meurtre était de 15,8 ans. Après, c'était de 28,4 ans et maintenant, comme vous l'avez dit, une autre étude...
    Il ne s'agissait pas de 28 ans.
    Une étude de 1999 parlait de 18,4 ans. Il y a trois ou quatre ans, le Service correctionnel du Canada a fait une autre étude, mais je ne suis pas au courant des chiffres. Vous avez parlé de 22,8 ans?
    J'ai parlé de 22,4 ans.
    Je vais vérifier.
    C'est bien.
    J'aimerais obtenir ces chiffres, avec les années correspondantes, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer à M. Woodworth. Vous avez cinq minutes, si vous le désirez.
    Merci. Je ne suis pas certain que cela prendra cinq minutes.
    Je veux simplement clarifier un petit point qui m'agace au sujet du paragraphe 4(1) du projet de loi C-36, qui changera le libellé « possibilité réelle » que la demande soit accueillie par « probabilité marquée » au paragraphe 745.61(1) et dans certains autres paragraphes. Je crois comprendre que ce changement est considéré comme étant un changement technique et non un changement de fond et qu'il pourrait en conséquence s'appliquer rétroactivement aux peines pour lesquelles la disposition de la dernière chance s'applique encore.
    La première lecture que j'en ai faite m'a porté à croire qu'il s'agit réellement d'un changement de fond plutôt qu'un changement technique. Je comprends que le changement s'applique à ceux qui peuvent déjà se prévaloir de la disposition de la dernière chance et que quelqu'un s'est déjà penché sur la constitutionnalité de la mesure et a décidé qu'elle peut soutenir une contestation judiciaire parce qu'elle ne constitue qu'un changement technique. Ai-je raison ou suis-je totalement dans l'erreur?
    Non. Le ministre a indiqué que ces changements techniques sont considérés comme réalisables sur le plan constitutionnel. Il s'agit de changements techniques. Nous apportons ces changements pour ceux qui sont déjà visés par la disposition de la dernière chance à certains égards — c'est-à-dire pour les crimes commis avant que la loi soit changée.
    Les changements sont au nombre de trois. L'un consiste à changer le critère au premier palier de « possibilité réelle » à « probabilité marquée » que la demande soit accueillie. Le deuxième changement consiste à limiter à 90 jours le laps de temps à l'intérieur duquel les détenus peuvent présenter leur demande. La personne qui aurait essuyé un refus devrait attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une nouvelle demande. Elle devrait encore une fois satisfaire au critère de la probabilité marquée de voir sa demande accueillie devant un jury.
(1645)
    Je comprends.
    Ces changements sont considérés comme étant d'ordre technique et ils sont destinés à resserrer le régime auquel ont accès actuellement les personnes qui peuvent se prévaloir de la disposition de la dernière chance.
    Sans être un spécialiste du droit constitutionnel, il m'a semblé que le changement du critère n'est pas simplement un changement technique. Je vais toutefois m'en tenir à ce que vous avez dit, à savoir que la question a été examinée par le ministère et qu'on a conclu qu'il s'agit simplement d'un changement technique. Merci beaucoup.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre veut-il poser une question?
    Très bien. Nous allons nous arrêter pour cinq minutes afin de permettre aux témoins de partir et nous reprendrons.
(1645)

(1650)
    Madame et messieurs les membres du comité, nous reprenons la séance.
    Nous avons deux points à traiter. L'un concerne un budget pour notre étude de la Loi canadienne sur les droits de la personne, plus précisément, de l'article 13 de la loi.
    Le budget est devant vous. Je vous demande de l'approuver de façon que nous puissions aller de l'avant et faire venir d'autres témoins. Nous avons une assez longue liste de témoins maintenant.
    Ai-je une motion à cet effet?
    Je propose que nous adoptions le budget.
    Nous sommes saisis d'une motion. Des observations?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci.
    Le deuxième point est la poursuite des discussions déjà entamées sur la motion que M. Ménard a déposée.
    Monsieur Ménard, vous avez présenté la motion et les membres du comité ont débattu sur le sujet.
    Je crois qu'il serait négligent de ma part de ne pas tenir compte de certaines des préoccupations exprimées sur la recevabilité de la motion. J'ai consulté le personnel du comité et j'ai pris une décision au sujet de la motion de M. Ménard.
    M. Ménard a proposé la motion suivante:
    Que le comité fasse une étude approfondie de l'affaire Cinar, notamment sur les allégations d'interférence politique, pour connaître les raisons expliquant l'absence de procédures criminelles contre ceux qui en sont les principaux responsables et que le comité fasse rapport à la Chambre de ses observations et ses recommandations.
    Comme tous les membres le savent, chaque comité parlementaire travaille dans les limites du mandat prévu à son sujet dans le Règlement de la Chambre des communes. Le mandat du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est énoncé au paragraphe 108(2) et à l'alinéa 108(3)e) du Règlement.
(1655)
    Le paragraphe 108(2) du Règlement est ainsi formulé:
    En plus des pouvoirs qui leur sont conférés conformément au paragraphe (1) du présent article et à l'article 81 du Règlement, les comités permanents, à l'exception des comités énumérés aux paragraphes (3)a), (3)f), (3)h) et (4) du présent article, sont autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l'administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés de temps à autre par la Chambre. En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur:

    a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié;

    b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère et l'efficacité de leur mise en oeuvre;

    c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme, et l'efficacité de leur mise en oeuvre par le ministère;

    d) une analyse de la réussite relative du ministère, mesurée en fonction des résultats obtenus et comparée aux objectifs énoncés;

    e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement du ministère que le comité juge bon d'examiner.
    Le paragraphe 108(3) du Règlement se lit comme suit:
    Les mandats respectifs des comités permanents mentionnés ci-après sont les suivants:

    e) celui du Comité de la justice et des droits de la personne comprend notamment l’étude de tout rapport de la Commission canadienne des droits de la personne, qui est réputé être renvoyé en permanence au comité dès que ledit document est déposé sur le Bureau, et la présentation de rapports à ce sujet;
    Cette motion demande au comité d'effectuer une étude sur les actes reprochés à une personne concernant une affaire en particulier. Je vous signale que bien que ce comité soit pleinement en mesure d'entreprendre des études sur des questions concernant le Code criminel ou des questions de principe du ministère de la Justice, il ne procède pas à des études ni ne tente d'établir des faits pour des cas particuliers. Je déclare donc la motion telle que formulée, irrecevable, car elle dépasse le mandat du comité.
    Il est possible que M. Ménard n'accueille pas favorablement cette décision, mais je lui rappelle qu'il peut soulever la question ou présenter la motion devant un autre comité de la Chambre.
    Telle est ma décision.

[Français]

    Je voudrais en appeler de votre décision, en tout respect, monsieur le président.

[Traduction]

    M. Ménard conteste la décision de la présidence. Comme elle ne peut pas être débattue, je demande la mise aux voix.
    La décision de la présidence doit-elle être maintenue?

[Français]

    Pourrait-on tenir un vote par appel nominal?

[Traduction]

    Nous tiendrons un vote par appel nominal.
    (La décision de la présidence est maintenue par 8 voix contre 2.)
(1700)
    Bien entendu, aucun autre débat n'aura lieu sur cette motion. Nous avons épuisé tous les points inscrits à l'ordre du jour.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU