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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 061 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous entamons la 61e réunion du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude de l'évasion fiscale et des comptes bancaires extraterritoriaux.
    Je voudrais remercier nos trois témoins pour leur participation aujourd'hui au travail du comité.
    Nous avons deux témoins qui comparaissent par voie de vidéoconférence.

[Français]

    J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à Mme Louise Champoux-Paillé, du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires.

[Traduction]

    À Toronto, M. Walid Hejazi, professeur agrégé à l'Université de Toronto, comparaît à titre personnel. Bienvenue.
    Nous accueillons également M. Stephen Jarislowsky, président-directeur général de Jarislowsky Fraser Limited, qui est à Montréal et dont nous recevrons les témoignages par voie de vidéoconférence.
    Chacun d'entre vous disposera d'environ 10 minutes pour votre exposé liminaire.
    On va commencer avec Mme Champoux-Paillé.

[Français]

    Merci, monsieur le président, madame et messieurs les parlementaires. Je salue les femmes qui sont présentes.
    Je suis très heureuse d'être ici ce matin. En premier lieu, je veux vous remercier de m'avoir aimablement invitée à participer à la réunion de ce comité permanent. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je m'appelle Louise Champoux-Paillé. Je suis économiste de formation, je détiens une maîtrise en administration des affaires et je suis une administratrice de sociétés certifiée.
    Depuis près de 30 ans, je travaille dans le milieu des services financiers: banques, compagnies d'assurances et courtiers en valeurs mobilières. De 1998 à 2004, j'ai été présidente du Bureau des services financiers du Québec, un organisme de réglementation qui encadre les représentants en assurances de personnes, en assurances de dommages, en planification financière et en fonds communs de placement.
    À titre d'administratrice, je siège à quelques conseils d'administration, notamment à celui du MÉDAC, où je suis responsable de la coordination des campagnes de propositions d'actionnaires et de la réalisation d'études portant sur l'éthique financière et fiduciaire, la rémunération des hauts dirigeants des institutions financières, la présence des femmes au sein des conseils d'administration et les tendances en gouvernance, tant au Canada qu'aux États-Unis et en Europe.
    Permettez-moi maintenant de vous dire quelques mots sur le MÉDAC, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires. Fondé en 1995 par Yves Michaud, le MÉDAC est un organisme sans but lucratif. Il est présidé par Claude Béland, anciennement président du Mouvement Desjardins, et est administré par un conseil d'administration composé de huit autres personnes.
    Concrètement, nous réalisons notre mission de défense des actionnaires en déposant annuellement des propositions auprès des entreprises canadiennes, propositions portant essentiellement sur la saine gouvernance. Depuis notre création, nous avons déposé plus de 60 propositions d’actionnaires auprès d’une douzaine de grandes entreprises canadiennes, ce qui fait du MÉDAC l’organisme québécois et canadien le plus actif dans le milieu. Près de 50 p. 100 de l’ensemble des propositions déposées au Canada au cours des 20 dernières années l’ont été par le MÉDAC.
    Au début de l’an dernier, soit en janvier 2010, nous avons publié une étude portant sur l’efficience des propositions d’actionnaires, laquelle est intitulée Les propositions d’actionnaires: pilier de saine gouvernance. Nous avons pu constater qu'au sein des grandes institutions financières, il y avait eu une nette amélioration sur le plan de la gouvernance, comme en témoignent les Board Games. Aujourd'hui, les caractéristiques suivantes font partie des pratiques exemplaires de nos institutions financières: la séparation des pouvoirs entre le président du conseil et le président des opérations; la divulgation des honoraires et l’indépendance des vérificateurs externes; et, récemment acquis, le vote consultatif sur la rémunération des hauts dirigeants.
    L’équité fiscale pour tous, un des emblèmes de notre intervention depuis 2002, a été abordée sous l’angle de la présence des banques dans les paradis fiscaux. Nous avons ainsi déposé à trois reprises des propositions sur ce thème, soit en 2002, 2005 et 2011. Nous osons croire que nos propositions ne sont pas étrangères au fait que, depuis 2007, la Banque Nationale a considérablement réduit sa présence dans les paradis fiscaux. Nous en espérons autant de la part des autres banques compte tenu que nous avons déposé des propositions.
    Ma déclaration se divisera en deux parties. La première vous donnera un bref aperçu de la situation actuelle, tant au regard des particuliers que des entreprises, et la deuxième consistera à formuler quelques recommandations afin de tendre, dès le prochain budget, vers cette équité tant recherchée.
(0850)
    Permettez-moi de dresser un portrait de la situation actuelle.
     Lord Dewar disait ou écrivait: « Il y a une chose pire que de payer l’impôt sur le revenu, c’est de ne pas en payer. »
    Comme leur nom l'indique, les paradis fiscaux sont utilisés dans le but d'échapper à l'impôt, ou d'optimiser ses réductions d'impôt. Un peu partout dans le monde, les individus et les sociétés ont la possibilité de réaliser ce que l'on peut décrire comme de l'optimisation fiscale, mais pour l'écrasante majorité de la population, y compris la plupart des gens disposant de salaires raisonnables, le concept d'optimisation fiscale n'a guère de sens. En effet, l'impôt est généralement prélevé à la source sur leurs gains et leur relation avec le fisc s'arrête là.
    Pour une minorité fortunée et pour la plupart des grandes sociétés, l'optimisation fiscale occupe, en revanche, une partie importante de leurs affaires et de leur vie privée.
    La milliardaire américaine Leona Helmsley avait dit, pendant son procès pour évasion fiscale en 1989: « Il n'y a que les petites gens qui paient des impôts ». Du moins, il semble que les mieux nantis, eux, en payent le moins possible. Loin d'être perçu comme répréhensible ou moralement inacceptable dans le milieu des affaires, faire fructifier son argent au chaud sous les palmiers des Caraïbes semble être un comportement avisé de gens d’affaires sans scrupules.
     Hillary Clinton elle-même disait, lors d’une intervention devant la Brookings Institution, un groupe de recherche de Washington, que les riches ne paient pas leur juste part dans une nation qui fait face à un taux de chômage très élevé, que ce soient les individus ou les corporations.
    Pour bien camper le problème que pose ce comportement inacceptable de planification fiscale internationale abusive, tant chez les entreprises que les individus, je me permettrai brièvement de faire référence à quelques citations et données.
    Selon le rapport 89 de la vérificatrice générale à Ottawa, l’évasion fiscale associée aux transactions internationales est appelée à croître au cours des prochaines années, car elle est favorisée par la complexité grandissante de ces transactions. Ainsi, en 2009, les placements directs effectués par des Canadiens à l’étranger représentaient plus de 593 milliards de dollars. De ce montant, 78,4 milliards de dollars, c’est-à-dire 13 p. 100, ont été investis à La Barbade, aux Bermudes et aux Îles Caïmans.
    De plus, les règles de la fiscalité incitent à l'évasion. Ces règles permettent à des entités bénéficiant d'un régime fiscal privilégié dans les pays signataires d'une convention fiscale avec le Canada de ramener au Canada des revenus en franchise d'impôt.
    Pour les cinq banques canadiennes ayant des filiales à l’étranger, l’exonération d’impôts est de l’ordre de 2,5 milliards de dollars, ce qui représente 37 p. 100 de l’impôt payé par les banques concernées. Compte tenu du fait qu’une famille canadienne a payé en 2009 31 714 $, cette exonération équivaut à la contribution fiscale de près de 80 000 foyers canadiens.
    Selon le Conseil des Prélèvements obligatoires français, — ce sont des données pour la France —, les multinationales paient 2,3 fois moins d’impôt que les PME. Seules les entreprises de moins de 9 salariés paient réellement 30 p. 100 d’impôt, tandis que pour les très grandes entreprises françaises, le taux chute à 8 p. 100. À notre avis, cela constitue à la fois une injustice et une distorsion de la concurrence. Il serait peut-être utile de faire une pareille comparaison pour le Canada.
(0855)
    Un rapport a montré qu'aux États-Unis, un quart des plus grandes entreprises avaient totalement échappé à l'impôt entre 1998 et 2005. En ajoutant à cela l'évasion fiscale des particuliers, en l'occurrence 250 milliards de dollars de manque à gagner par année à l'échelle mondiale, on arrive à environ un trillion de dollars de flux illicites annuels, selon l’estimation du think tank américain Global Financial Integrity. Une telle situation pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les riches ont plus d’impact sur les politiques gouvernementales que les pauvres ou la classe moyenne, les mieux nantis pouvant influencer les gouvernements afin d'obtenir les privilèges fiscaux qu'ils souhaitent.
     D'ailleurs, Dominique de Villepin disait ceci:
Le problème de l’existence et de la tolérance des paradis fiscaux est évidemment politique. Le monde de la finance est souvent intimement lié à celui de la politique. C’est d’autant plus vrai dans ce contexte et cette situation rend ce problème très compliqué à aborder par les gouvernements [...]
    Madame Champoux-Paillé, il vous reste une minute.
    D'accord. Je vais tout de suite passer aux recommandations.
    Elles sont les suivantes: presser les banques d’abolir leurs filiales et leurs succursales dans les paradis fiscaux; imposer des pénalités plus lourdes aux fautifs et à leurs conseillers, ce qui contribuerait sans doute à une plus forte dissuasion, les pénalités actuelles ne témoignant pas de leur efficacité; consacrer les ressources nécessaires afin de dresser un portrait de l’évasion fiscale au Canada, l'Agence du revenu du Canada ne disposant pas d’une telle information, selon son témoignage; abolir les règles qui permettent à des entités bénéficiant d'un régime fiscal privilégié dans les pays signataires d'une convention fiscale avec le Canada de ramener au Canada des revenus en franchise d'impôt; abolir les avantages fiscaux consentis aux hauts dirigeants en regard des options d’achat; rendre obligatoire le vote consultatif sur la rémunération des hauts dirigeants.
    Je vais conclure en disant que le combat contre les paradis fiscaux et pour une équité fiscale sera long, difficile et exigeant. Il doit s’inscrire dans un grand débat de société. Peut-on continuer à tolérer deux fiscalités: une pour les riches, molle et laxiste, et une autre pour les moins nantis, implacable et rigoureuse? Ce débat ne doit pas être occulté sous prétexte d’une hypocrite légalité ou d’une imparable fatalité. Il n’y a de fatalité que celle qu'on accepte.
     Merci.
(0900)

[Traduction]

    Merci beaucoup pour votre présentation.
     Nous allons maintenant inviter notre témoin de Toronto, M. Hejazi, à faire son exposé.
    Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier pour l'occasion qui m'est donnée de faire part au comité de mes vues sur le rôle que jouent les centres financiers extraterritoriaux au sein de l'économie canadienne.
    Je n'ai pas pu faire le voyage jusqu'à Ottawa aujourd'hui, et je m'en excuse. J'ai malheureusement d'autres engagements ici à Toronto que je n'ai pas pu changer.
    Je suis professeur à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto. J'y enseigne depuis 1995. J'ai à mon actif de nombreux écrits sur la compétitivité canadienne et le rôle du commerce international et des investissements étrangers directs, ainsi que des centres financiers extraterritoriaux.
    Mes écrits comprennent des articles didactiques et des études menées pour le ministère des Affaires étrangères ainsi que pour Industrie Canada. J'ai démontré de façon empirique que le recours à des centres financiers extraterritoriaux par les entreprises canadiennes en vue d'accéder à l'économie mondiale, a eu pour résultat de rehausser la compétitivité de ces entreprises canadiennes, ce qui a eu une incidence positive sur les exportations canadiennes, les emplois et les niveaux d'investissement.
    L'impact sur les recettes fiscales du gouvernement canadien par suite du recours aux centres financiers extraterritoriaux par les entreprises canadiennes est loin d'être clair. Il est inexact de supposer que les recettes fiscales dont bénéficie l'économie canadienne sont inférieures du fait que les entreprises canadiennes ont recours à de tels centres extraterritoriaux.
    Le recours à ces centres extraterritoriaux a au contraire de nombreux effets positifs qui font accroître les recettes fiscales canadiennes. Par exemple, une entreprise canadienne qui est présente dans l'économie mondiale est plus concurrentielle en raison du plus faible niveau d'imposition qui s'applique aux bénéfices qu'elle rapatrie au Canada. Lorsque ces bénéfices reviennent au Canada, ils sont finalement versés aux actionnaires de ces entreprises canadiennes à capital largement réparti.
    Lorsque les actionnaires reçoivent un dividende, ils doivent payer des impôts sur ce revenu-là. De même, lorsqu'une entreprise canadienne obtient de très bons résultats dans l'économie mondiale, l'accès aux marchés étrangers pour les exportations canadiennes s'en trouvent facilitées. Cela donne lieu à une multiplication des activités du siège social qui profitent à l'économie canadienne, etc. Donc, l'effet net sur les recettes fiscales canadiennes est loin d'être clair.
    Je pourrais vous donner d'autres détails à ce sujet par la suite, si vous le souhaitez, mais j'estime qu'il est inexact de supposer que l'effet sur les recettes fiscales est négatif, car cela n'a pas été démontré. Le recours abusif aux régimes extraterritoriaux par des particuliers ou des entreprises qui cherchent à cacher leurs revenus ou leurs actifs et à les soustraire aux autorités fiscales légitimes a donné lieu à une perception négative des régimes de tous les pays concernés.
    Soyons clairs: le recours à ces centres par tout organisme qui cherche à éviter de payer des impôts qu'il doit payer est illégal et il convient de le poursuivre. Par contre, en ce qui concerne la situation nationale, les contribuables ont le droit de mener leurs affaires commerciales de manière à réduire au minimum leur fardeau fiscal en se prévalant des moyens légaux qui leur permettent de le faire. La minimisation des impôts n'est pas synonyme d'évasion fiscale.
    Il y aura toujours des investisseurs internationaux qui trouveront des moyens créatifs de réduire l'impôt exigible et, dans ce sens-là, les CFE ne sont guère différents des moyens créatifs auxquels ont recours les contribuables dans le contexte purement national.
    Donc, certains avantages sont rattachés au recours à des centres financiers extraterritoriaux par les entreprises canadiennes. Le recours aux CFE à des fins illégitimes se trouve minimisé lorsqu'il existe des accords sur la transparence et la communication de renseignements entre les centres et les économies nationales. Comme le montre clairement la plus récente liste de l'OCDE, bon nombre de pays — mais pas tous — ont pris des mesures qui ont amélioré la transparence et la communication de renseignements.
    Certains avantages découlent également de mécanismes plus efficaces en matière de transparence et de communication de renseignements, avantages sur lesquels il convient d'attirer votre attention. Plus il y a de transparence et de communication de renseignements entre, par exemple, le Canada et un centre financier extraterritorial, quel qu'il soit, moins il est probable qu'il y ait des problèmes et plus les CFE sont susceptibles d'être utilisés pour des fins légitimes qui contribuent à rehausser la compétitivité de l'économie canadienne.
(0905)
    L'attitude des Canadiens à l'égard des investissements étrangers est plutôt ambivalente, mais le fait est que les investissements étrangers apportent à l'économie canadienne de nombreux avantages aux niveaux de l'emploi, des revenus, de la productivité, de la formation de capital et de la capacité des Canadiens à profiter des chaînes mondiales d'approvisionnement. Mais à ces avantages s'opposent le problème d'une éventuelle érosion de l'économie canadienne depuis l'intérieur.
    Ce qu'ignorent bon nombre de Canadiens, c'est que le Canada a plus d'investissements à l'étranger qu'il y a d'investissements étrangers. Les entreprises canadiennes continuent à prendre de l'expansion à l'étranger à un rythme qui dépasse l'implantation au Canada d'entreprises étrangères. À l'heure actuelle, nos investissements à l'étranger dépassent de 20 p. 100 ou de 25 p. 100 les investissements étrangers au Canada.
    Le site Web du gouvernement du Canada indique que les investissements directs d'entreprises canadiennes à l'étranger font partie intégrante des efforts stratégiques qu'il déploie en vue d'accroître leur part de marché et maintenir leur compétitivité sur les marchés étrangers. De plus en plus, les entreprises se servent de leurs investissements extérieurs pour renforcer leurs opérations, pénétrer de nouveaux marchés et acquérir de nouvelles technologies, ressources et compétences. Le secteur manufacturier est à l'origine de plus d'un tiers du commerce mondial et il s'agit d'échanges entre entités apparentées; le rôle des multinationales est donc encore plus important. Bref, les investissements canadiens à l'étranger ont rehaussé la compétitivité de l'économie canadienne.
    Quand on analyse en profondeur les données, on constate qu'environ 20 p. 100 des investissements à l'étranger passent par les centres financiers extraterritoriaux.
    Ma recherche a pour objet d'aller plus loin que la perception selon laquelle ces centres financiers extraterritoriaux sont mauvais, étant donné que le recours à de tels centres présentent des avantages fiscaux.
    Mais quels sont les effets positifs du recours aux CFE? Pour les entreprises canadiennes, les centres financiers extraterritoriaux représentent une filière permettant d'accéder à l'économie mondiale. C'est un élément important. Ainsi les entreprises canadiennes peuvent pénétrer des marchés nouveaux, moins traditionnels, qui présentent davantage de risques et, ce faisant, diversifier leur clientèle de façon à moins dépendre du marché américain. Dans l'environnement actuel, c'est tout à fait critique.
    Les entreprises canadiennes bénéficient d'une réduction du coût de leur capital lorsqu'elles ont recours à ces centres extraterritoriaux, ce qui signifie qu'elles sont plus concurrentielles sur les marchés mondiaux. Cette amélioration de la compétitivité des multinationales canadiennes donne lieu à de nombreux avantages pour l'économie canadienne. Limiter la capacité des compagnies canadiennes à accéder à l'économie mondiale par l'entremise de ces centres extraterritoriaux freinerait de façon importante leur compétitivité et aurait, selon moi — et les résultats de ma recherche soutiennent cette thèse — une incidence négative sur l'économie canadienne.
    Une étude que je mène actuellement mais que je n'ai pas encore terminée — et dont les hypothèses sont très importantes pour les délibérations du comité — porte justement sur ce qui suit: quand les entreprises canadiennes ont recours aux centres financiers extraterritoriaux de façon légitime pour accéder à l'économie mondiale, l'économie canadienne en profite très largement. Par contre, je suis contre l'idée qu'on puisse avoir recours aux CFE pour des raisons non légitimes. J'estime que les personnes qui y ont recours en vue d'éviter de payer leurs impôts devraient être poursuivies.
    Je pose comme hypothèse que plus il y a de transparence et de communication de renseignements entre le Canada et les administrations des différents pays, plus il est probable que les activités qui y sont menées seront légitimes et apporteront des avantages considérables à l'économie canadienne en conséquence.
    En résumé, les avantages pour l'économie canadienne sont multiples lorsque nos entreprises se servent de centres financiers extraterritoriaux. Toute mesure visant à améliorer la transparence et l'échange de renseignements est susceptible d'avoir des conséquences positives pour le Canada, à condition de ne pas limiter la capacité des entreprises canadiennes à avoir recours à ces centres pour la raison légitime que constitue l'accès à l'économie mondiale grâce à des capitaux qui coûtent moins cher, de façon à devenir concurrentielles par rapport aux entreprises d'autres pays qui ont accès à une structure de financement semblable.
    Merci beaucoup.
(0910)
    Merci beaucoup pour cet exposé.
    Nous allons maintenant à Montréal et la parole est à M. Jarislowsky.
    Je suis très fier de pouvoir vous faire part de mes vues sur la question. Je n'ai pas préparé de texte officiel, étant donné que je ne suis vraiment pas expert en la matière. Au fond, ce dont je peux vous parler, c'est de mon expérience en tant que conseiller en placements — nous avons évidemment des clients qui sont fortunés — et en tant qu'administrateur d'une vingtaine de sociétés, dont la majorité mènent leurs activités à l'étranger.
    Je voudrais, tout d'abord, vous faire remarquer qu'il peut y avoir des raisons légitimes, comme le dernier conférencier vient de vous le démontrer, et je suis tout à fait d'accord avec lui. Une compagnie comme SNC-Lavalin, dont j'ai siégé au conseil d'administration pendant une vingtaine d'années, n'aurait jamais connu la croissance relativement importante qu'elle a enregistrée si elle n'avait pu profiter de ces possibilités à l'extérieur du pays, possibilités qui sont essentiellement inconnues du gouvernement canadien.
    Il me semble que, dans la mesure où d'autres ont accès à ce genre de mécanismes… À l'heure actuelle, nous menons nos activités dans le cadre d'une économie mondiale à coûts élevés, comparativement à ce qui existe en Chine, en Inde et bon nombre d'autres pays, y compris aux États-Unis, puisque notre dollar vaut à présent 1,03 $ plutôt que 67 ¢, Il est évident que, à moins de vouloir envoyer tous nos emplois à l'étranger, les entreprises canadiennes doivent pouvoir profiter de ce type d'avantages concurrentiels, auxquels a accès toute compagnie de niveau international, où qu'elle soit. En ce qui me concerne, c'est une évidence à laquelle on n'échappe pas.
    À mon avis, les personnes qui cherchent à cacher leur argent — surtout en Suisse autrefois, mais moins maintenant, même si c'est encore le cas dans d'autres pays — devraient être assujetties à l'ensemble des mesures qu'offre le système judiciaire, et j'estime également que les intéressés ne devraient pas pouvoir profiter d'une amnistie après l'autre. Il faut que les autorités puissent imposer dès le départ ce genre de gains tout à fait illégitimes.
    Cela dit, je voudrais également vous dire ceci: dans la Bible, ou plutôt dans le Notre Père, on dit ceci: « Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal. » La tentation de mettre son argent à l'étranger, de façon légitime ou en devenant des citoyens non résidents, de façon à payer l'impôt sur les gains en capital ici au Canada quand on est plus âgé — notamment si on est fortuné — me semble tout à fait évidente.
    J'habite au Québec. Mes revenus sont assujettis à un taux d'imposition de 50 p. 100. Malheureusement, je suis très fortuné, mais je n'ai jamais décidé de profiter personnellement d'abris fiscaux et je n'ai pas non plus d'argent d'investi à l'étranger, à part mes investissements qui passent par des établissements à l'étranger, et pour lesquels mes certificats se trouvent ici à la Banque de la Nouvelle-Écosse ou dans mon coffre-fort.
    Dans la mesure où les taux d'imposition canadiens sont très élevés, notamment dans des provinces comme le Québec où, en moyenne, 50 p. 100 de mes revenus sont versés au fisc… Même si je me constitue en société, comme je serais obligé de le faire pour éviter de payer des droits de succession aux États-Unis, je finis par payer la même somme sous forme d'impôts. Dans la province où je me trouve, 42 p. 100 des habitants ne paient pas d'impôts du tout sur le revenu. Cela ne me semble pas normal, et j'estime donc que, quand la situation n'est pas normale, les gens sont davantage tentés d'essayer d'éviter de payer des impôts.
    J'irais encore plus loin en vous disant que, à l'heure actuelle, si vous avez des investissements au Canada, en dehors de l'appréciation actuelle des actions cotées à la bourse, appréciation qui est surtout le résultat des interventions de la Federal Reserve Bank à New York, il est très difficile de concevoir un bon modèle d'épargnes, si vous n'êtes pas particulièrement riche, qui va éventuellement vous donner l'équivalent d'une pension de retraite.
    Au Québec, nous concurrençons les 24 p. 100 de la population qui travaillent pour le gouvernement et qui touchent 100 $ de plus par semaine que les autres 75 p. 100, en moyenne — et je suis compris dans cette catégorie — et, qui plus est, touchent des pensions indexées, contrairement à tous les autres, à part la pension de retraite du Canada et du Québec.
(0915)
    Ainsi, si vous laissez votre argent en banque, vous êtes sûr de perdre environ 2 p. 100 au moins à cause de l'inflation et, en général, on ne touche à peu près rien de la banque sous forme d'intérêt. Par contre, vous touchez énormément de frais de service, qui sont passés, depuis 50 ans que je mène mes activités, d'une somme dérisoire à des montants faramineux, malgré le fait que toutes ces procédures coûtent beaucoup moins cher aujourd'hui qu'autrefois, grâce à l'informatisation.
    Je dirais que, si vous avez une obligation qui paie des intérêts de 4,5 p. 100, entre l'inflation et les impôts, vous finissez avec rien. Si vous avez des fonds mutuels dont le taux de rendement est de 8 p. 100, ce qui est déjà bien supérieur à la moyenne pour les fonds mutuels sur une très longue période, après avoir payé les frais de gestion de 3 p. 100 et les impôts, et avoir tenu compte du taux d'inflation de 2 p. 100, il ne vous reste plus que 0,5 p. 100.
    Les gains en capital sont imposés au Canada, et l'effet inflationniste sur les gains en capital est également imposé à la moitié du tarif, si bien que si vous avez acheté quelque chose il y a 40 ans, comme moi, et que vous vendez cela aujourd'hui, vous allez payer l'impôt sur les gains en capital sur la totalité de l'effet inflationniste, ce qui peut se situer à 95 p. 100 ou plus.
    Donc, les gens qui souhaitent qu'il leur reste de l'argent sont sans doute très tentés par la possibilité de faire quelque chose d'illégitime ou d'inacceptable. Je ne cautionne pas ce genre de comportement; je n'ai jamais conseillé à aucun de mes clients de faire cela; personnellement, j'estime qu'il est préférable de ne pas avoir à s'inquiéter tous les jours de la possibilité qu'on vous envoie une lettre qui dit: « Veuillez vous présenter devant le ministère du Revenu pour expliquer la nature de vos activités à l'étranger. » Par contre, ce genre d'imposition, qui vous empêche pour ainsi dire d'avoir des revenus de retraite supérieurs à ce que vous avez investi — étant donné que les revenus n'existent pas — incite certainement beaucoup de gens à se laisser tenter par un premier acte illégitime. C'est comme ce que je vous citais tout à l'heure: « Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal. »
    Pour moi, il y a toutes sortes d'autres facteurs qui sont liés au coût et aux dépenses que les gens doivent supporter, notamment dans un environnement où le taux élevé de chômage ne leur permet pas d'économiser beaucoup d'argent. Nous sommes également un pays qui a dépensé de façon excessive, puisque le pourcentage de la dette par rapport au revenu des particuliers est maintenant plus élevé ici qu'aux États-Unis. Il est évident que cet état de choses ne peut continuer que dans la mesure où les taux d'intérêt restent très faibles. Dès que les taux d'intérêt augmenteront, nous aurons des problèmes. Quand le cours du pétrole, d'autres produits et de l'alimentation augmente, étant donné, encore une fois, qu'il vous reste moins d'argent, vous risquez d'être tenté de faire quelque chose que vous ne devriez pas faire.
    Donc, la conclusion que je tire de ce que je viens de vous dire est qu'il faut effectivement contrôler l'application de la loi. Mais, tout comme j'estime qu'il faut contrôler strictement l'application de la loi — et la Coalition pour une bonne gouvernance, dont Claude Lamoureux et moi sommes les instigateurs — est tout à fait favorable à la notion de contrôle strict de l'application de la loi dans le domaine des investissements — le contrôle et la répression des activités de ceux et celles qui trichent ou qui sortent de l'argent illégalement doivent être tout aussi stricts. D'un autre côté, il convient que le Parlement se rende compte que les taux d'imposition au Canada sont à présent extrêmement élevés.
    Je voudrais faire intervenir un autre élément concernant l'évasion fiscale; c'est en rapport, du moins dans ma province, avec la construction et les travaux qu'on peut vouloir faire faire dans sa maison et dans son jardin. Dans la région où est située ma maison de campagne, il m'est impossible de faire venir quelqu'un pour faire des travaux pour des raisons légitimes. Les entrepreneurs n'accepteront de venir faire de la peinture chez moi que si j'accepte de payer comptant. Voilà le résultat de la domination des syndicats canadiens, notamment au Québec, dans ce domaine d'activité. Si je paie comptant, cela me coûte 20 $; par contre, si je fais appel à des travailleurs syndiqués, je devrais peut-être payer 60 $ de l'heure.
(0920)
    Voilà justement une lacune importante au Canada en ce qui concerne notre régime fiscal. Voilà donc qui termine mes remarques.
    Merci pour votre exposé.
    Nous allons maintenant ouvrir la période des questions. Je vais demander aux membres d'indiquer à qui s'adressent leurs questions, étant donné que deux de nos témoins participent par voie de vidéoconférence. Nous allons commencer par M. Szabo.
    Merci, et permettez-moi aussi de remercier nos témoins.
    Je vais essayer de synthétiser les propos de nos trois témoins. Mme Champoux nous a dit essentiellement que les banques doivent cesser de mener leurs activités à l'étranger. Voilà son argument principal. Quant à M. Hejazi, il insiste surtout sur la transparence et la communication de renseignements. M. Jarislowsky nous dit que nous payons trop d'impôts au Canada et que nous devons faire en sorte que les gens ne soient pas tentés de chercher des possibilités à l'étranger. Comme il n'est pas vraiment facile de concilier ces trois optiques, je vais demander à chacun d'entre vous de répondre aux arguments de l'un ou de l'autre ou de faire valoir votre propre argument.
    Je commence par Mme Champoux. Maintenant que vous avez entendu les exposés des autres témoins, y a-t-il des éléments que vous aimeriez faire valoir en guise de réplique aux deux autres témoins?

[Français]

    J'ai bien entendu les arguments des deux autres témoins, mais je vais me permettre de vous citer quelques statistiques qui vont à l'encontre de ce que j'ai entendu.
    De 1961 à 2009, le fardeau fiscal des particuliers au Canada est passé de 33 p. 100 à 42 p. 100. Je veux tout simplement dire...
     Oui, mais soyez brève.
    D'accord. Nous faisons présentement un débat sur l'évitement fiscal et l'évasion fiscale, mais nous devrions faire un débat sur les principes d'équité.

[Traduction]

    Très bien. Je passe maintenant à M. Hejazi.
    Souhaitez-vous énoncer un certain nombre d'éléments en vue de circonscrire la discussion d'aujourd'hui?
    Devrais-je répondre?
    Oui, je demande à chacun des trois témoins de se prononcer.
    Je ne savais pas si le premier témoin avait fini.
    Non, elle n'avait pas fini, mais elle ne répondait pas à la question.
    Je voudrais répondre. Je crois que ce serait injuste de limiter la capacité des entreprises canadiennes à accéder à l'économie mondiale par l'entremise de ces centres financiers extraterritoriaux. La question n'est pas de savoir si ces entreprises paient des impôts. Les données empiriques indiquent que, une fois que ces sociétés génèrent des bénéfices plus importants au sein de l'économie mondiale, cet argent est versé aux actionnaires canadiens, qui paient ensuite des impôts sur ces revenus-là. De plus, l'activité au siège social se multiplie, ce qui génère des recettes fiscales additionnelles. Pour moi, ce serait injuste envers les Canadiens parce que si on limite la capacité des compagnies canadiennes à…
    Très bien. Vous revenez sur les arguments que vous avez avancés dans votre exposé.
    Non. Je réponds à votre question. Pourrais-je faire une dernière observation?
    Nous sommes dans une économie nouvelle et ce genre de mesure est tout à fait nécessaire, notamment lorsqu'on tient compte de la part des recettes fiscales versée par les particuliers comparativement aux sociétés. Les sociétés et le capital sont mobiles et si vous n'êtes pas concurrentiel dans le contexte de cette nouvelle économie mondiale, les sociétés vous abandonneront.
    Merci.
(0925)
    Monsieur Jarislowsky, avez-vous quelque chose de nouveau à nous dire?
    Je dirais que oui. La semaine dernière, j'étais en Suisse, et j'ai passé une nuit à l'ambassade du Royaume-Uni étant donné que l'ambassadeur est mon ami. Le lendemain, l'ambassadeur recevait son ministre, qui arrivait de la Grande-Bretagne, et ils devaient tenir des discussions avec les autorités suisses sur les moyens à prendre pour empêcher la fuite des recettes fiscales vers la Suisse depuis la Grande-Bretagne.
    À mon avis, c'est l'une des méthodes qu'il faut employer afin d'influencer l'action des pays qui servent d'abris fiscaux. Selon moi, c'est de plus en plus possible à cause de l'informatisation. Dans le cas de la Suisse, les autorités sont prêtes à négocier. Pour moi, c'est ça la solution, qui consiste à éliminer les échappatoires dont profitent les particuliers.
    En ce qui concerne les sociétés, elles doivent affronter la concurrence, et nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis en quelque sorte si nous les empêchons de faire le nécessaire pour être concurrentielles à l'étranger.
    Merci.
    Sur les deux questions qui me restent, je vais en poser une à M. Hejazi sur la transparence et la communication de renseignements. Y a-t-il quelque chose de précis que vous pouvez nous proposer en ce qui concerne les mesures de contrôle? L'expérience jusqu'ici n'a pas été très positive pour ce qui est de savoir comment obtenir ou faire appliquer des accords avec d'autres pays sur la communication de renseignements.
    Monsieur Jarislowsky, vous avez dit que les Canadiens ne paient pas assez d'impôts. Qu'en est-il des sociétés?
    Nous allons commencer par M. Hejazi, et vous pourrez ensuite terminer, monsieur Jarislowsky.
    Je ne peux pas vraiment vous faire de recommandations précises; par contre, je peux vous dire que les autorités étrangères avec lesquelles j'ai discuté de cette session m'ont indiqué qu'elles craignent que le gouvernement canadien cherche à obtenir des renseignements de toutes sortes auxquels il n'a pas nécessairement droit. S'il s'agit d'un non-résident, ou encore d'une personne active dans l'économie mondiale qui n'a pas à payer des impôts au Canada, il s'agit de savoir à ce moment-là pourquoi le gouvernement canadien aurait le droit de mettre la main sur cette information. En revanche, je vous dirais que j'ai déclaré publiquement que je suis favorable à l'idée selon laquelle le gouvernement canadien devrait pouvoir obtenir tout renseignement relatif à des revenus ou actifs sur lesquels l'impôt est exigible au Canada.
    Comment faire la séparation entre les deux? Je ne sais pas.
    Très bien.
    Enfin, monsieur Jarislowsky, qu'avez-vous à nous dire au sujet de l'impôt sur les sociétés?
    Pour moi, cela relève entièrement de la politique. L'autre jour, j'ai rencontré le premier ministre du Québec au club, et je lui ai dit: « Jean, quand vas-tu cesser d'acheter des voix? » Et il m'a fait une réponse tout à fait honnête: « Quand j'aurai quitté la politique. »
    Je suis fermement convaincu que 42 p. 100 des Québécois ne paient pas du tout d'impôt sur le revenu pour des raisons politiques. Je suis tout aussi fermement convaincu que la structure des affectations par étudiant au titre de l'éducation est entièrement axée sur des considérations politiques. Et, à mon avis, les élus doivent absolument éloigner ces questions-là de toute considération politique et de toute possibilité de favoritisme politique.
    Je peux vous citer un autre exemple — la fusion des municipalités de l'île de Montréal qu'a imposée le gouvernement du Québec. Heureusement que j'habite Westmount et que nous avons réussi à nous y échapper. J'ai été membre du comité à l'époque, et on nous a annoncé que cette mesure ferait diminuer les taxes. Quel en a été le véritable résultat? Eh bien, c'est tout à fait l'inverse. Les coûts ont augmenté de 30 p. 100. Encore une fois, ce changement a été motivé par le désir d'acheter les voix des syndicats — rien de plus.
    Merci.
    Selon moi, les élus doivent absolument éviter de confondre les considérations politiques et ce qui est correct, juste, honnête et équitable.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Szabo.
     Nous passons maintenant à M. Paillé, s'il vous plaît, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. D'entrée de jeu, j'aimerais souligner que je n'ai aucun lien de parenté, direct ou indirect, avec Mme Champoux-Paillé, même si son propos est digne de son deuxième nom de famille. Je salue aussi la présence de M. Jarislowsky, qui a décrit la situation au Québec.
    Mme Champoux-Paillé disait qu'il n'y a pas de facilité, sauf celle qu'on accepte, et comme vous êtes au Québec depuis à peu près toujours, vous êtes probablement dans un endroit où vous avez été délivré du mal. Le fait qu'il y ait une syndicalisation ou un poids politique de l'État est un tout autre débat. On n'est quand même pas si mal sur l'île de Montréal.
    D'entrée de jeu, je voudrais faire une synthèse en deux points. Tous les trois, vous avez montré la différence qui existe entre éviter de payer trop d'impôt, ou de l'impôt, et l'évasion fiscale. On peut tous éviter d'avoir affaire avec la police, mais s'évader de prison est une autre affaire. Le trait commun entre vos trois positions est de juger illégale toute forme d'évasion fiscale et de poursuivre jusqu'au bout ceux qui ne paient pas leur dû et qui essaient par toutes sortes de moyens de ne pas payer d'impôt. Tous les trois, vous avez particulièrement fait le lien en ce qui concerne les particuliers.
    Je comprends qu'il peut y avoir des façons d'éviter de payer de l'impôt pour un directeur financier de compagnie. Tout le monde sait qu'un directeur financier de compagnie privée ne se concentre pas sur la maximisation des profits, mais bien sur la minimisation des impôts. Ce n'est pas la même chose pour un directeur financier d'entreprise publique qui doit, pour sa part, maximiser le bénéfice par action.
    Vous dites qu'il faut éviter que l'on paye le moins possible d'impôt. On est dans un système de concurrence mondiale où le fait d'aller chercher du capital est très important. Des règles devront donc être établies.
    Ma question porte sur les particuliers et les entreprises. Croyez-vous que l'Agence du revenu du Canada a les ressources pour lutter contre l'invasion fiscale? Les poursuites criminelles ne sont-elles pas suffisantes?
     L'Agence du revenu du Canada ne se comporte-t-elle pas comme une amatrice face à celles et ceux qui essaient d'éviter de payer de l'impôt, en ce sens qu'elle nettoie l'ardoise et pardonne à ceux qui essaient de le faire? Madame Champoux-Paillé, qu'en dites-vous?
(0930)
    J'ai pris connaissance de tous les témoignages faits devant le comité. J'ai découvert que les représentants de l'Agence du revenu Canada eux-mêmes ont dit ne pas disposer de toutes les ressources nécessaires. Quand j'ai fait des recherches pour trouver l'information qui viendrait appuyer ce propos, j'ai dû souvent me référer à d'autres pays pour pouvoir soulever des questions et vous les poser.
    Premièrement, l'agence ne dispose pas, quant à moi, des renseignements nécessaires.
     Deuxièmement, il faut réfléchir sur les moyens de rendre la réglementation encore plus sévère pour que les gens qui font de l'évasion fiscale soient punis en conséquence.
    Monsieur Jarislowsky, j'aurais une question et j'aimerais profiter de votre expérience. Vous avez dit que vous n'étiez pas un expert. Votre humilité m'émeut.
    Quand les gens remplissent un formulaire d'ouverture de compte à la Jarislowsky Fraser limitée, ils doivent fournir beaucoup de renseignements. Pour bien lutter contre l'évasion fiscale, une firme comme la vôtre fait-elle plus que de simplement faire remplir les formulaires d'ouverture de compte traditionnels demandés par les autorités règlementaires? Essayez-vous de voir si vos clients font de l'évasion fiscale? Dites-le moi, monsieur Jarislowsky.

[Traduction]

    Si je pose la question que voici: « Cherchez-vous à faire de l'évasion fiscale? », certains pourront me dire: « J'ai un compte à l'étranger. » Dans ce cas, je vais leur dire: « Je refuse de gérer ce compte, et je vous recommande de l'abandonner parce que cela ne vaut pas le risque de vous faire attraper. » Je pourrais difficilement lui dire que je vais le signaler au fisc. D'ailleurs, nous avons très peu de personnes qui font cela, parce que nous n'aimons pas ce genre de personnes. Nous ne traitons pas avec de telles personnes.
    Par contre, nous gérons les comptes de Canadiens — et j'insiste bien là-dessus — qui ont abandonné leur statut de résident canadien pour vivre à l'étranger, ayant déjà payé les impôts sur leurs gains en capital, et qui seraient sans doute encore en train de verser leurs impôts au gouvernement canadien s'ils n'étaient pas d'avis que le fardeau fiscal est trop élevé et que l'hiver dure beaucoup trop longtemps.
(0935)

[Français]

    Monsieur Hejazi, vous qualifiez les paradis fiscaux de « centres financiers extraterritoriaux ». Ne croyez-vous pas que vous devriez faire la différence entre un paradis fiscal, où on se rend simplement pour jouir de la double déduction des intérêts et d'une très basse imposition des dividendes, et un centre financier international, que les gens vont utiliser en raison de la concurrence du coût en capital?

[Traduction]

    Si j'ai voulu employer l'expression « centres financiers extraterritoriaux », c'est parce que, selon moi, dans les discussions publiques de cette question, toutes les activités qui se déroulent dans les centres financiers extraterritoriaux sont perçues de la même façon — c'est-à-dire qu'on y voit de l'évasion fiscale. Or, si une grande société qui est active au sein de l'économie mondiale a recours à ces centres financiers extraterritoriaux pour réduire au minimum l'impôt qu'elle a à payer, cela n'a rien d'illégitime, dans la mesure où elles respectent la loi. En employant l'expression « centres financiers extraterritoriaux », c'est pour éduquer le public et les personnes qui lisent mon étude et leur faire comprendre qu'il existe une distinction entre ceux qui ont des raisons légitimes de le faire, et ceux qui n'en ont pas. En ce qui concerne les grandes banques, j'aurais beaucoup de mal à croire que l'une ou l'autre d'entre elles voudrait enfreindre les lois fiscales du Canada. Je ne peux pas accepter une telle notion.
    Les organismes concernés ont recours à ces mécanismes de façon tout à fait légale. Donc, j'emploie l'expression « centres financiers extraterritoriaux » parce que je voudrais que les gens commencent à s'intéresser aux raisons légitimes, par opposition aux raisons illégitimes — qui peuvent motiver quelqu'un à y avoir recours.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Merci.
     Merci, monsieur Paillé.
    La parole est maintenant à Mme McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous nos témoins. Vous nous avez vraiment fait part d'une grande diversité d'opinions aujourd'hui.
    Premièrement, en réponse aux observations de M. Paillé concernant les ressources qui sont nécessaires pour lutter contre le phénomène des comptes extraterritoriaux, je trouve un peu ironique que, lorsqu'il s'agit d'examiner les prévisions budgétaires et d'approuver les augmentations mineures qui sont proposées pour renforcer l'activité d'enquête et accroître l'effectif, on nous critique. Mais à la réunion suivante, on nous dit que les ressources sont insuffisantes
    Quand vient le moment d'examiner le budget de l'Agence du revenu du Canada, nous devrions peut-être nous intéresser aussi aux résultats. Si nous réussissons à prélever des sommes additionnelles importantes en investissant dans un apport de modestes ressources, nous ne devrions pas examiner les deux éléments isolément.
    Quant à savoir ce qui a été fait par le Canada depuis 2006, premièrement, nous avons augmenté de 44 p. 100 l'effectif affecté à ce travail. Nous avons également investi 30 millions de dollars de plus dans les activités de répression, et nous avons connu un certain succès à cet égard. Des sommes importantes ont été rapatriées au Canada. Je ne suis pas sûre que les citoyens soient vraiment au courant des mesures que nous avons prises en vue de faire progresser ce dossier.
    J'ai quelques observations à faire. En ce qui concerne l'évasion fiscale, on dirait que tout le monde est d'accord. Nous et les autres administrations croyons que la première étape doit être la mise en oeuvre d'un programme de communication volontaire de renseignements. De telles initiatives ont connu un certain succès. Les gens paient leurs amendes.
    J'invite chacun des témoins à se prononcer sur la question. M. Jarislowsky semble penser qu'il faut poursuivre les individus fautifs avec toute la rigueur de la loi.
    Pourriez-vous donc me dire ce que vos pensez d'une formule de communication volontaire des renseignements par rapport à une approche qui va jusqu'aux limites permises par la loi, avec tous les coûts que cela suppose?
    Peut-être pourrions-nous commencer par M. Jarislowsky.
    Pour répondre à votre question, j'estime que les ministères du Revenu, à la fois au Québec et au Canada, ont un effectif suffisant. Par contre, je pense qu'il y a peut-être des lacunes à combler au niveau de la formation, car j'ai l'impression que les employés ne sont pas nécessairement bien formés à traiter ce genre de cas.
    Chaque année, les deux gouvernements examinent ma déclaration de revenus et me demandent encore de l'argent. Il ne leur arrive jamais de trouver quelque chose qui me donnerait droit à un remboursement. Chaque fois, je suis obligé de passer énormément de temps à justifier ce que j'ai avancé dans ma déclaration. Dans un cas, les autorités prétendaient que j'avais reçu des peintures en guise de rémunération par l'entremise de ma société de portefeuille. Il m'a fallu un an et demi de poursuites judiciaires pour faire inverser cette évaluation et faire remettre les compteurs à zéro.
    Le ministère du Revenu m'a demandé il y a quelques années de donner une conférence sur ce qu'il convient de faire pour mieux former les employés du ministère, au lieu de simplement engager des comptables, des gens sans expérience et leur remettre une pile de dossiers en leur disant de faire le nécessaire pour mettre la main sur l'argent. En d'autres termes, si vous voulez obtenir des résultats dans ce domaine, il vous faut des gens très bien formés, qui vont non seulement mettre la main sur l'argent, mais aussi réunir tous les faits qui vont permettre de lancer des poursuites. C'est absolument essentiel.
    À mon avis, l'effectif du ministère du Revenu est tout à fait suffisant. Je dirais même qu'il y a sans doute trop d'employés, mais qui n'ont pas reçu la formation nécessaire.
(0940)
    Si je peux me permettre de mettre le doigt sur la question précise qui m'intéresse, il est question ici de recourir à des programmes de divulgation volontaire dans un premier temps pour essayer d'attraper les personnes qui cherchent à frauder le fisc en passant par des paradis fiscaux. Peut-être pourrions-nous entendre le point de vue de M. Hejazi à ce sujet.
    Si vous me permettez d'émettre une opinion personnelle, j'estime qu'une amnistie serait une bonne solution. C'est mon avis personnel. Si vous comptez poursuivre de tels individus jusqu'aux limites permises par la loi, étant donné que nous parlons d'infractions, pourquoi ces individus voudraient-ils divulguer volontairement ces informations financières s'ils savent qu'on va les attraper? Si nous parlons de personnes qui ont enfreint la loi, et elles ont davantage intérêt à continuer à frauder le fisc; à mesure que vous prenez des mesures de plus en plus énergiques, ces personnes vont s'efforcer de mieux cacher leur jeu ou encore trouver un autre pays, etc.
    Personnellement, une amnistie me semble constituer un bon moyen de ramener les gens dans le droit chemin, mais sans leur infliger des mesures à ce point sévères qu'ils ne pourront plus jamais s'en remettre.
    Si vous me permettez de faire un autre bref commentaire au sujet de Revenu Canada, il est évident que j'ignore la distribution des différentes compétences professionnelles au sein du ministère, mais j'ai l'impression qu'il y a sans doute trop de comptables et d'avocats qui sont chargés des mesures d'exécution, et pas assez d'économistes en train d'essayer de créer des mesures incitatives, pour que, comme me le disait mon collègue de Montréal, les gens ne soient pas du tout tentés de le faire.
    Je ne sais pas s'il me reste encore du temps.
    Il vous reste une minute.
    Au lieu de nous fournir une troisième réponse sur cette question, monsieur Hejazi, peut-être pourriez-vous développer un peu ce que vous nous disiez tout à l'heure. J'étais assez surprise d'entendre vos statistiques concernant les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l'étranger, par opposition aux entreprises étrangères qui mènent des activités au Canada. Il est évident que la structure de notre régime fiscal a considérablement évolué avec le temps. J'imagine que cela donne lieu à des tendances un peu différente, même si je pense que ces débouchés internationaux vont toujours exister.
    Au Canada, l'impôt sur les sociétés évolue dans le bon sens. Il est essentiel de comprendre que, étant donné que les sociétés et les capitaux sont mobiles dans cette nouvelle économie mondiale, nous devons être concurrentiels, et le gouvernement a pris la bonne orientation en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés. J'ajouterais que, si tout le monde est sur un pied d'égalité en ce sens que les niveaux d'imposition des principales économies du monde sont à peu près les mêmes, les entreprises canadiennes devront continuer à mener leurs activités sur les marchés étrangers pour être sûres d'avoir l'accès qu'il leur faut. Même si les taux d'imposition qui visent les sociétés sont les mêmes, il faut assurer une présence sur les marchés étrangers pour être en mesure d'y mener des activités commerciales. C'est pour cela que je félicite les entreprises canadiennes pour le succès qu'elles ont connu dans l'économie mondiale.
    Merci.
    La parole est à M. Rafferty, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis ravi d'être là aujourd'hui.
    Je tiens à remercier nos trois témoins pour leur présence.
    J'aimerais commencer par poser une question à M. Hejazi. Là nous parlons d'entreprises, mais j'ai l'impression, d'après mes conversations avec bon nombre de Canadiens, que, quand on leur parle de paradis fiscaux, ils songent presque toujours à des particuliers, plutôt qu'à des entreprises. Ils n'ont pas tendance à penser tout de suite que ce sont des entreprises qui profitent des paradis fiscaux; ils se disent plutôt qu'il est injuste que certains particuliers profitent de cette possibilité.
    Donc, monsieur Hejazi, peut-être pourriez-vous m'apporter un petit éclaircissement: prenons le cas d'une grande société dont le président ou d'autres cadres retirent une partie de leurs revenus d'activités menées à l'étranger, même s'ils habitent le Canada; ces personnes auraient-elles à payer des impôts sur la totalité des revenus qu'ils touchent?
(0945)
    Il serait préférable de poser cette question à un représentant de Revenu Canada. Mais je crois savoir, en tant que résident canadien, que tous mes revenus, qu'ils découlent d'activités menées au Canada ou ailleurs dans le monde, sont imposés. Si je ne paie pas des impôts sur la totalité de mes revenus, d'après ce que j'ai pu comprendre, je serais en train de frauder le fisc. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
    Oui, tout à fait.
    Les Canadiens ont également l'impression, me semble-t-il, que ce genre de fraude est très courante au Canada — c'est-à-dire le recours par les Canadiens les plus riches à des paradis fiscaux. Madame Champoux-Paillé, peut-être pourriez-vous nous dire dans quelle mesure c'est vraiment courant.

[Français]

    C'est effectivement une perception. Ce qui est important pour nous, c'est de repenser tout ce système afin que chacun paie l'impôt qu'il doit remettre au gouvernement.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Jarislowsky, j'ai une question technique à vous poser. Vous avez été très franc en répondant aux questions et je tiens à vous dire que j'apprécie cette franchise et qu'il en va de même certainement pour tous les membres du comité. Je vais donc être tout à fait franc avec vous en vous disant que j'arrive à peine à gérer mes propres finances…
    Des voix: Oh, oh!
    M. John Rafferty: … mais j'ai une question à vous poser. Supposons que je me réveille un matin et que je trouve sous mon lit deux millions de dollars dans une valise.
    Une voix: Vous seriez libéral.
    Des voix: Oh, oh!
    Silence, je vous prie.
    Non, je vous pose une question sérieuse. Comment ferais-je pour éviter de payer des impôts sur cet argent? Je ne sais même pas comment il faut s'y prendre. Quand je pense aux gens qui profitent des paradis fiscaux, eh bien, je ne comprends vraiment pas comment ils font.
    Il s'agirait de savoir si vous aviez oublié que vous possédiez cet argent parce que vous aviez la maladie d'Alzheimer ou quelque chose de ce genre — et je ne plaisante pas nécessairement — ou s'il s'agissait de revenus que vous devriez déclarer. Si c'était des revenus que vous deviez déclarer, à ce moment-là, vous devriez le faire.
    Mais si je ne voulais pas les déclarer, que ferais-je?
    Une voix: On vous appellerait Mulroney.
    M. John Rafferty: Ne tenez aucun compte de ces remarques, monsieur Jarislowsky.
    Il est évident que vous garderiez l'argent sans rien dire, en espérant ne pas vous faire attraper.
    J'invite les autres à intervenir. Comment ferais-je pour investir cet argent dans un paradis fiscal?
    Allez-y, monsieur Hejazi.
    Je n'ai pas l'étude devant moi, mais j'ai l'impression — et vous me corrigerez si je me trompe — que vous parlez d'une situation où j'irais dans une grande banque, mettons, pour déposer cet argent, et on appellerait sans doute la GRC. Je pense que vous vous demandez si je me contenterais de mettre cet argent dans ma serviette, de me rendre dans une de ces villes des Caraïbes et d'y ouvrir un compte en banque pour le cacher. C'est peut-être ce scénario là que vous avez à l'esprit.
    Et en quoi cela…
    Une étude a été publiée que je pourrais faire suivre au comité. Je ne l'ai pas avec moi. Elle a été menée par un professeur en Australie qui est allé dans une dizaine de pays membres de l'OCDE — c'est-à-dire, des pays développés — y compris les États-Unis et le Canada — donc, plusieurs centres extraterritoriaux — pour essayer, en tant que non-citoyen, d'ouvrir des comptes en banque. Il a constaté que les pays où il a eu le plus de mal à ouvrir des comptes se trouvaient dans les Caraïbes, dans ces régions où se trouvent les paradis fiscaux, comme vous dites — donc, dans les centres financiers extraterritoriaux. Selon ses observations, c'est aux États-Unis qu'on peut le plus facilement ouvrir un compte en banque. Donc, l'idée selon laquelle je pourrais simplement prendre l'avion, arriver dans une île aux Caraïbes et ouvrir un compte pour y déposer une valise bourrée de billets de banque… je ne pense pas que ce genre de chose soit facile à réaliser. C'est sans doute possible, mais peut-être moins facile qu'on peut penser, surtout si on parle de gens qui se contentent de prendre l'avion et de rentrer dans une banque locale au pays en question pour ouvrir un compte. Les banques n'acceptent pas d'ouvrir des comptes en banque aussi facilement.
    Merci pour cette explication.
    Je crois qu'il me reste environ une minute.
    Monsieur Jarislowsky.
    À notre cabinet, dans la mesure où nous recevons de l'argent dans ces conditions, nous devons le signaler aux autorités. Cela me semble tout à fait normal. Donc, l'industrie de gestion de placements est réglementée de telle façon que nous ne pouvons pas simplement accepter de l'argent dans ces conditions-là.
(0950)
    Il vous reste une minute.
    Vous pouvez passer au prochain intervenant.
    Merci, monsieur Rafferty.
    La parole est maintenant à M. Brison, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup. Je dirais que vous êtes sans doute le groupe de témoins le plus productif que nous ayons reçu sur la question. Vous trois avez été très directs et utiles pour ce qui est de nous aider à bien comprendre les divers aspects de la question.
    Monsieur Jarislowsky, dans quelle mesure l'impôt sur les gains en capital au Canada est-il une source de tentation, si vous voulez, en ce sens qu'il incite peut-être les gens à mettre leur argent dans des comptes en banque dans d'autres pays? Je ne prétends pas par là qu'il s'agit nécessairement d'activités illégales; là je vous parle de mesures légitimes licites d'évitement fiscal.
    J'aimerais bien connaître votre opinion sur le rôle potentiel de l'impôt sur les gains en capital dans ce contexte.
    Pour moi, il est évident que l'impôt sur les gains en capital joue un rôle dans la façon dont les gens décident d'investir leur argent. Par contre, dans la mesure où vous avez des actions ou d'autres actifs qui génèrent des revenus, ces revenus doivent être déclarés chaque année dans votre déclaration fiscale et sont imposés dans la mesure où des impôts sont exigibles. Par contre, il y a un problème particulier qui se présente très souvent: si vous détenez une valeur mobilière depuis une cinquantaine d'années, de sorte que vous n'avez plus tous vos documents, vous devrez sans doute accepter d'être imposé en fonction du jour J en 1972 pour ce qui est du calcul de l'impôt sur les gains en capital. Très souvent, à moins d'avoir un comptable qui suit chacun de vos actifs, vos actions, vos obligations et le coût de départ en dollars canadiens, vous n'avez plus les documents nécessaires.
    Au Canada, je dirais que la plupart des gens qui possèdent ce type d'actifs payent des impôts sur leurs gains en capital. Dans quelle mesure ils paient de tels impôts au moment de vendre leur chalet, s'ils n'ont pas gardé toutes les factures pour les réparations qui ont été faites, etc., ça, c'est une autre question et c'est beaucoup plus compliqué.
    Je vous dirais, en complément, que vous devriez sans doute vous intéresser à un moment donné à la situation relative aux REER et FERR en ce sens que, si j'investis dans les actions, au moment de retirer mon argent, je ne paie pas d'impôts sur les gains en capital; par contre, je paie 100 p. 100 d'impôts, plutôt que 50 p. 100. Ainsi le coût de tout investissement dans les actions qui passe par ce genre de véhicule finit par être prohibitif.
    Ma question ne porte pas directement sur les paradis fiscaux extraterritoriaux mais, selon votre expérience, quel effet l'impôt sur les gains en capital a-t-il sur les décisions d'investissement des gens? Autrement dit, les décisions des gens en matière d'investissement sont-elles dans bien des cas fondées sur des considérations fiscales, au lieu d'être purement rationnelles?
    Comme j'ai essayé de vous l'expliquer tout à l'heure, si je touche des intérêts de 4,5 p. 100 par année, mon rendement sera nul après impôts et après avoir tenu compte de l'inflation. Je dirais que, en général, la plupart des gens sont obligés d'investir en espérant réaliser des gains en capital pour être en mesure d'obtenir un vrai rendement de leur investissement.
    Ne pensez-vous pas que l'impôt sur les gains en capital a tendance à bloquer les capitaux et à empêcher les gens de vendre des actions qu'ils détiennent depuis longtemps pour ensuite investir dans d'autres instruments?
    Tout dépend de l'action. Si vous achetez des actions de Bell Téléphone ou de la Banque royale, vous pourrez les garder pendant très, très longtemps. Mais si, après avoir acheté des actions d'une entreprise minière, vous ne les vendez pas à temps, vous allez perdre une bonne partie de votre argent. Ce sont des actions cycliques. Il y a toutes sortes d'actions.
    C'est la même chose pour les prix. Si le prix de l'immobilier devient trop gonflé au Canada, ce qui est actuellement le cas dans bon nombre de provinces, et notamment l'ouest du pays — à ce moment-là, il est peut-être préférable de déclarer les gains en capital car, tôt ou tard, le prix de cet investissement va retomber au point de référence.
    Monsieur Brison, il vous reste 30 secondes. M. Hejazi voudrait intervenir.
(0955)
    Oui, et je l'invite à le faire.
    Nous savons qu'il existe un écart important entre le Canada et les États-Unis en matière de prospérité. Cela s'explique de toutes sortes de façons, entre autres, pour des raisons liées à l'innovation et à la recherche et au développement. Même si le gouvernement canadien est l'un des plus généreux du monde développé en matière de subventionnement de la recherche et du développement, les Canadiens ne font pas autant que nous le souhaiterions. Ce fait est tout à fait pertinent dans le contexte que nous examinons.
    À cet égard, je voudrais faire deux observations. L'Institut C.D. Howe a publié une étude qui porte sur les incidences fiscales, les conséquences, de l'innovation. À l'École Rotman, nous avons les meilleurs étudiants du Canada dans notre programme de maîtrise en administration des affaires. Ils ont des idées formidables et proposent telle nouvelle entreprise ou telle autre innovation. Mais le niveau actuel de l'impôt sur les gains en capital est tel qu'il peut constituer une désincitation à la concrétisation d'une innovation au Canada. Ils seront peut-être incités à faire autre chose, étant donné que les innovations, les bénéfices et les gains en capital qui en découlent sont imposés à un taux tellement plus élevé.
    Deuxièmement…
    Désolé, monsieur Hejazi; le temps de parole du député est écoulé.
    Excusez-moi.
    L'École Rotman a souvent reçu des conférenciers qui ont fait valoir que quiconque souhaite entreprendre une nouvelle entreprise qui est susceptible de donner lieu à des gains en capital importants devrait plutôt implanter une structure commerciale dans un autre pays. Les activités peuvent être menées au Canada, mais il s'agit de s'assurer que les revenus et les gains en capital sont comptabilisés dans l'autre pays, et ce pour se soustraire à l'impôt canadien. Cela rejoint la question de la tentation qui me semble bien importante.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs et madame, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je vous remercie de votre présence et de venir partager vos connaissances sur l'évasion fiscale, un sujet que l'on considère comme très important.
    Madame Champoux-Paillé, je vais d'abord m'adresser à vous. Vous nous fournissez des chiffres qui sont, à tout le moins, impressionnants. Vous évaluez à 2,5 milliards de dollars l'exonération d'impôt pour les cinq banques canadiennes ayant des filiales à l'étranger à la suite d'investissements dans des paradis fiscaux. Selon vous, quel est le rôle de l'OCDE en ce qui concerne ces investissements?
    L'explication qui est donnée officiellement par les défenseurs des paradis fiscaux, c'est qu'ils sont essentiels à la compétitivité des entreprises et que si on ne permet pas cette pratique, ce sera désavantageux pour nos propres entreprises. Toutefois, l'OCDE a fait une étude concernant les différents pays considérés comme des paradis fiscaux et a établi une liste grise de pays avec lesquels il y a peu d'échanges de renseignements, ce qui peut non seulement mener à de l'évitement fiscal, mais réellement à de l'évasion fiscale.
    Quelle est votre opinion concernant ces pays figurant sur une liste grise? Un gouvernement responsable et équitable envers ses contribuables ne devrait-il pas au moins imposer des restrictions essentielles importantes pour empêcher les entreprises d'investir dans ces pays identifiés par l'OCDE?
    J'ai pris connaissance de cette liste de l'OCDE qui s'appuie sur la divulgation de renseignements. Toutefois, d'autres éléments doivent être considérés pour établir ce que sont des paradis fiscaux, notamment un taux d'imposition relativement beaucoup moins élevé.
    En observant bien, on constate que d'autres organismes font aussi le classement des paradis fiscaux, et l'OCDE est peut-être l'organisme le moins exigeant en cette matière. Dans mon étude, j'indique les noms d'autres organismes qui identifient également les paradis fiscaux, et l'OCDE figure parmi les moins exigeants.
    Je vais poser la même question à M. Jarislowsky.
    Vous avez sûrement des connaissances en la matière puisque vous devez être sollicité par nombre de vos clients qui seraient peut-être tentés d'investir dans des paradis fiscaux.
    Concernant les listes grises établies de pays où on peut cacher des revenus, croyez-vous que notre gouvernement devrait être sévère à l'égard de ces investisseurs?

[Traduction]

    Je vous disais tout à l'heure que je ne préconise pas l'évasion fiscale. Je refuse donc de traiter avec quelque client que ce soit que me fait une telle proposition, et je ne veux rien savoir de ce type d'argent.
    J'estime que les individus qui font cela devraient faire l'objet de poursuites et que les autorités fiscales devraient s'assurer que tout résident ou citoyen canadien qui ne s'est pas établi à l'étranger en abandonnant ses droits de résidence devrait subir ce même traitement.
(1000)

[Français]

    Je voudrais aussi entendre...

[Traduction]

    Nous insistons auprès de nos clients sur la nécessité d'éviter les paradis fiscaux, parce que nous avons vu de nombreux exemples de vies qui ont été gâchées de cette façon. Nous connaissons un certain nombre de personnes qui ont fait cela, en suivant les conseils d'avocats soi-disant compétents, et qui se sont fait attraper. En fait, deux d'entre eux se sont suicidés. Selon moi, c'est payer trop cher pour le privilège de gagner un peu plus d'argent.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Hejazi, avez-vous une opinion à cet égard?

[Traduction]

    Contentez-vous d'une réponse de 30 secondes, s'il vous plaît…
    Si vous avez suffisamment d'argent pour vouloir créer une structure qui vous permettra de vous soustraire à l'impôt, à mon avis, vous avez déjà suffisamment d'argent. Le risque n'en vaut pas la peine.
    Toute initiative de la part du gouvernement canadien ou de l'OCDE pour réprimer ce genre d'activité devrait être menée de façon à minimiser l'impact sur ceux qui ont recours à ces centres financiers extraterritoriaux de façon tout à fait légitime.
    Merci.
     Merci, monsieur Carrier.
    Madame Glover, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins. Je m'adresse d'abord à Mme Champoux-Paillé.
    J'ai lu vos recommandations hier soir et la recommandation no 3 m'a vraiment intéressée. J'ai aussi entendu aujourd'hui nos deux autres témoins dire qu'ils sont complètement d'accord avec vos propositions d'imposer des pénalités plus lourdes et de viser ceux qui pratiquent l'évasion fiscale. Votre recommandation vise aussi les conseillers. Or, nous avons reçu devant ce comité plusieurs de ces conseillers qui nous ont dit le contraire, soit qu'on devrait vraiment imposer moins de pénalités, ce qui encouragerait ceux qui pratiquent l'évasion fiscale à soumettre volontairement leurs états financiers, etc. Cela m'a beaucoup surprise.
    Madame Champoux-Paillé, que pensez-vous de ces conseillers qui viennent nous dire en comité que le fait d'avoir moins de pénalités permettrait de réduire le nombre de ceux qui commettent actuellement des crimes?
    À notre avis, il est essentiel que ces pénalités soient renforcées et augmentées. C'est la seule façon de mettre fin aux pratiques de ces conseillers qui incitent leurs clients à ne pas payer l'impôt qu'ils doivent.
    Madame, je tiens à réitérer notre recommandation à ce sujet.
    Merci bien.
    Les autres témoins présents aujourd'hui semblent partager cette opinion. Une de vos propositions, la recommandation no 1, commence comme suit: « Presser aussi les banques d’abolir leurs filiales et leurs succursales dans les paradis fiscaux [...] »

[Traduction]

    Je vais passer à l'anglais pour les deux autres témoins.
    Vu la recommandation de Mme Champoux-Paillé, il serait intéressant de connaître l'opinion de M. Hejazi. À votre avis, qu'arriverait-il à nos entreprises canadiennes si nous empêchions nos banques de mener leurs activités dans des pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux? Si nous changeons les règles du régime fiscal au Canada pour interdire le recours à des pratiques fiscales étrangères, qu'arrivera-t-il aux entreprises canadiennes qui sont présentes sur les marchés mondiaux?
    Selon la loi, le fait de limiter la capacité des compagnies canadiennes à passer par ces centres extraterritoriaux pour des raisons légitimes nuirait à la compétitivité de l'économie canadienne, et des banques en particulier. Je devrais vous faire remarquer qu'environ 40 p. 100 des investissements canadiens à l'étranger se font dans le secteur financier, et les banques jouent un rôle prépondérant dans ce domaine. Bon nombre des entreprises canadiennes qui sont présentes dans l'économie mondiale travaillent avec des banques canadiennes. Il faut qu'elles soient ensemble, parce que les banques canadiennes collaborent avec ces entreprises depuis de nombreuses années.
    Ainsi toute mesure visant à limiter la capacité des banques canadiennes à mener leurs activités dans ces pays, ou à leur interdire de le faire, aurait nécessairement des effets dramatiques et surtout fort négatifs sur l'économie canadienne. Je suis également convaincu que bon nombre d'autres entreprises — non pas les banques, évidemment — cesseraient d'être canadiennes. Elles décideraient tout simplement d'implanter leur siège dans d'autres pays qui leur permettent d'utiliser ces structures financières internationales.
    Il convient vraiment d'insister sur le fait que les avantages fiscaux qui accompagnent le recours aux centres financiers extraterritoriaux ne sont pas nécessairement négatifs pour l'économie canadienne. Il y a de nombreux…
(1005)
    Je vous remercie pour cette explication, monsieur Hejazi.
    Je voudrais maintenant passer à M. Jarislowsky, étant donné qu'il ne me reste plus que très peu de temps
    Monsieur Jarislowsky, pourriez-vous répondre à la même question?
    Je suis entièrement d'accord; il ne convient pas de faire cela, à mon avis. Il faut surtout s'être assuré que les opérations des banques canadiennes sont légitimes et qu'elles ne sont pas motivées par le désir de dissimuler des activités criminelles.
    Pour en revenir à l'autre question, je suis tout à fait convaincu que bon nombre de fiscalistes-conseils se sont beaucoup enrichis en conseillant aux gens de faire des choses qui étaient essentiellement illégales. Par la suite, lorsqu'on a su que c'était illégal, ils ont encore touché des honoraires très importants pour défaire ce qu'ils avaient fait précédemment. Je suis fermement convaincu que les gens qui travaillent dans ce domaine doivent s'assurer de ne faire que ce qui est légal.
    Monsieur Jarislowsky, vous êtes un homme selon mon coeur. Vous êtes très franc, et je vous en remercie.
    Je suis assez d'accord avec vous, et c'est la raison pour laquelle les conseillers qui viennent nous dire qu'il faut réduire les amendes et les mesures d'exécution me tapent vraiment sur les nerfs — vraiment.
    Merci, madame Glover.
    La parole est maintenant à M. Pacetti.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier tous les témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Il est vrai qu'on nous fournit un certain nombre de réponses, mais le problème, c'est qu'on est en train de confondre toutes sortes de choses. Pour moi, il y a deux éléments. D'une part, il y a des gens qui se servent de comptes extraterritoriaux pour frauder le fisc et, d'autre part, il y a des entreprises qui ne s'en servent pas nécessairement pour se soustraire à l'impôt. Je veux m'assurer de bien comprendre la situation.
    Quand les entreprises prétendent y avoir recours pour des raisons légitimes — et cette question s'adresse à vous, monsieur Hejazi — est-il vrai qu'il peut être légitime d'avoir des comptes extraterritoriaux? Prenons l'exemple des banques. Si les banques canadiennes mènent leurs activités aux États-Unis ou en Chine, est-il nécessaire que l'argent passe par la Barbade?
    Oui. C'est important parce que, lorsqu'une entreprise canadienne mène des activités commerciales dans un pays comme la Chine, des banques et d'autres entreprises originaires d'autres pays développés de l'OCDE sont présentes également en Chine. Ces autres entreprises ont accès à des structures financières semblables à celles qui existent à la Barbade, pour reprendre votre exemple, et dans d'autres pays étrangers.
    Donc, l'entreprise qui passe par ces centres financiers extraterritoriaux bénéficie d'un taux d'imposition inférieur, ce qui veut dire que son capital lui coûte moins cher, et cette entreprise canadienne est donc à même d'affronter la concurrence dans un pays comme la Chine. Par contre, si une compagnie canadienne n'avait pas le droit de profiter d'une telle structure, elle serait défavorisée par rapport à une banque ou entreprise britannique, française ou allemande qui pourrait en bénéficier.
    Dans ce cas-là, c'est une raison légitime de le faire, selon vous.
    À quel moment cela devient-il illégitime? Quand peut-on considérer que c'est une tentative pour frauder le fisc?
    Un exemple hypothétique serait le transfert de revenus gagnés au Canada — ou encore de propriété intellectuelle, d'activités de recherche et de développement, de brevets ou de ce genre de choses — à une société affiliée située dans un autre pays. On peut considérer qu'il s'agit d'évasion fiscale lorsqu'une personne se sert de ces structures créatives pour retirer des actifs ou des revenus de l'environnement canadien et les transférer dans un autre pays afin d'éviter de payer des impôts qui sont légalement exigibles au Canada. Voilà un exemple hypothétique.
    Je ne connais pas de cas précis où cela s'est produit, mais cela vous donne un exemple de la façon dont on peut se servir de mécanismes qui existent dans d'autres pays pour soustraire à l'impôt des revenus ou actifs qui devraient être imposables au Canada.
    Je vous remercie.
(1010)

[Français]

    Madame Champoux-Paillé, avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet? Croyez-vous que les compagnies canadiennes multinationales devraient disposer d'un moyen pour transférer leurs revenus dans des paradis fiscaux, donc dans des pays où on paie moins d'impôt, pour être plus compétitives?
    À notre avis, ces stratégies sont à proscrire.
    Je vais revenir sur une question qui a été posée plus tôt. La Banque Nationale a réduit considérablement sa présence dans les paradis fiscaux, mais elle continue, vous en conviendrez, à faire de l'argent. Il s'agit d'avoir une saine gouvernance.
    D'accord. Je ne veux pas me porter à la défense de la Banque Nationale, mais on ne peut pas dire qu'elle est une multinationale présente partout.
    Comparativement au succès des cinq ou six autres banques.
    La Banque Nationale est du même calibre que les autres.
    Non, mais sur le plan de la compétitivité, la Banque Nationale n'est pas aussi présente que les autres banques. C'est une des raisons. Je ne porte pas de jugement. Selon vous, ce n'est pas un avantage en termes de compétitivité?
    Ce n'est pas un avantage acceptable.

[Traduction]

    Monsieur Jarislowsky, à mon avis, si l'on tient compte du fait que les particuliers ont recours aux paradis fiscaux pour frauder le fisc et que les sociétés y voient une nécessité, doit-on conclure que vous êtes vous-même contre l'idée d'accorder une amnistie — non pas une amnistie, car je n'aime pas ce terme, mais disons de permettre aux gens de rapatrier tous leurs revenus, qui seraient alors imposables en fonction d'un taux de 20 p. 100, de 30 p. 100, de 40 p. 100, ou même de 50 p. 100. Seriez-vous toujours contre ce genre de solution?
    Soyez bref, je vous prie.
    Nombreux sont les cas d'amnisties répétées. À mon avis, si vous optez pour une amnistie, il faut que tous ceux qui en bénéficient soient tenus de payer des impôts sur ces sommes d'argent, même si le taux d'imposition est inférieur. Il ne faut pas leur permettre de rapatrier cet argent sans payer d'impôt du tout.
    Deuxièmement, si les intéressés abusent de l'amnistie une deuxième fois, il convient, selon moi, de leur coller le maximum.
    Merci.
    La parole est à M. Hiebert.
    Je remercie tous les témoins pour leur présence.
    Je trouve la discussion fort intéressante.
    Si je devais résumer ce que j'ai compris des observations de M. Hejazi et de M. Jarislowsky, je dirais qu'il existe des moyens légitimes par lesquels les sociétés peuvent se servir de ces centres financiers extraterritoriaux pour réduire au minimum l'impôt qu'elles ont à payer, devenir ainsi plus concurrentielles et donc être incitées à demeurer au Canada. Mais les particuliers peuvent difficilement, et peut-être pas du tout, profiter de ces centres financiers extraterritoriaux pour réduire au minimum l'impôt qu'ils ont à payer et il convient d'empêcher des manoeuvres de ce genre en négociant des mesures d'exécution ou une plus grande transparence avec les administrations concernées, même en reconnaissant que la plupart des gens ne voudront pas quitter le pays pour se soustraire à l'impôt, comme le ferait éventuellement une société.
    Est-ce que j'ai assez bien résumé ce que vous nous avez dit?
    Si c'est à moi que vous posez la question, je dirais oui et non. Pour les personnes très riches, la réponse serait sans doute non car, dans la mesure où ces dernières voudraient profiter de cet avantage, elles s'en iraient, paieraient la totalité de leurs gains en capital à ce moment-là, ou encore donneraient cet argent à une oeuvre de bienfaisance ou quelque chose du genre. Donc, je n'accepte pas complètement votre thèse.
    Au Canada, il est trop facile de devenir non-résident et de sortir son argent du pays.
    Monsieur Hejazi.
    Oui, beaucoup de gens décident de se déclarer non-résidents, de sorte que les revenus qu'ils gagnent dans l'économie mondiale deviennent non imposables. Un Canadien qui décide de faire cela et s'installe dans un autre pays n'enfreint aucune loi et fait quelque chose de parfaitement légitime. Mais la situation se complique en ce sens que bien des Canadiens riches peuvent décider de créer une société, de sorte que la distinction entre les sociétés et les particuliers devient moins claire, et il y a aussi des particuliers qui décident, par exemple, de créer une banque privée à l'étranger afin de gérer les actifs qu'ils possèdent dans ce pays-là. Donc, dans un premier temps, j'accepte la dichotomie que vous présentez, mais en même temps, elle n'est pas toujours aussi nette.
    Merci.
    J'ai l'impression que nous souhaitons que le Canada offre aux entreprises canadiennes un environnement sûr pour leurs investissements parce que nous voulons qu'elles restent ici; nous ne voulons pas qu'elles quittent le Canada étant donné que l'environnement international est très concurrentiel; par contre, cette préoccupation vise moins les particuliers. Si Untel décide d'établir une fiducie ou une banque privée à l'étranger, ou simplement de s'installer dans un pays plus chaud où il fait plus beau en hiver, nous sommes prêts à accepter qu'il en soit ainsi. Mais nous ne voulons pas que ce soit pareil pour les sociétés. Est-ce que cela vous semble juste?
(1015)
    Je dirais que oui. Étant donné les pertes importantes d'emplois au Canada et la délocalisation de la production, nous ne voudrions certainement pas faire quoi que ce soit qui puisse augmenter les frais pour les entreprises qui veulent mener leurs activités dans l'environnement canadien. Donc, je suis d'accord avec vous.
    De combien faudrait-il faire baisser encore nos taux d'imposition?
    Au cours des 30 dernières années au Canada, nous avons perdu la moitié de notre activité manufacturière, surtout à cause de l'appréciation du dollar canadien. Et, de nos jours, il est très difficile d'attirer les investissements dans l'industrie manufacturière, étant donné qu'on ne peut pas savoir quel pourrait être le cours futur du dollar canadien. J'estime qu'il faut donc faire l'impossible pour retenir au Canada ce qui nous reste.
    Notre gouvernement a beaucoup baissé les taux d'imposition au cours des cinq dernières années, et nous visons un taux d'imposition de 15 p. 100 à partir de l'année prochaine. De combien encore faudrait-il baisser nos taux d'imposition pour retenir nos entreprises canadiennes et minimiser l'incitation à s'implanter à l'étranger?
    Je dirais, encore une fois, que tout dépend du cours du dollar canadien. Si la valeur du dollar canadien atteint 1,50 $US, d'autres compagnies encore vont fermer leurs portes. C'est l'un des problèmes les plus importants. Quatre-vingt pour cent de nos échanges se font avec les États-Unis. Ils sont en train de nous ruiner à force de faire déprécier leur dollar et de faire apprécier le nôtre.
    Monsieur Hejazi.
    Je pense que le gouvernement a choisi exactement la bonne orientation. Il est difficile de dire quel taux d'imposition serait le plus approprié, et ce parce qu'il y a une grande différence entre les taux prévus par la loi et les taux effectifs, étant donné les déductions et autres avantages dont bénéficient les sociétés.
    Je dirais que nous sommes certainement sur la bonne voie. Il y a encore du chemin à faire, mais il faut baisser les taux d'imposition sur les sociétés afin d'inciter les entreprises étrangères à s'implanter au Canada, et les entreprises canadiennes, à continuer à mener leurs activités commerciales ici.
    Merci.
    Madame Champoux-Paillé.

[Français]

    J'aimerais qu'on se demande à qui profitent ces baisses d'impôts. Est-ce davantage aux grandes organisations, aux grandes entreprises, aux grandes multinationales, ou aux PME qui payent déjà leur part d'impôt? Je crois que la question devrait être posée.

[Traduction]

     Merci.
    Merci, monsieur Hiebert.
    La parole est de nouveau à M. Szabo.
    Monsieur Hejazi, souhaitez-vous répondre à la question qui été posée?
    Oui, tout à fait.
    Ces grandes sociétés multinationales, les grandes sociétés canadiennes et les banques, par exemple, ont un très grand nombre d'actionnaires. Quand les grandes entreprises bénéficient de baisses d'impôt, que font-elles de ces revenus additionnelles? Eh bien, elles le versent à leurs actionnaires. Et cet argent qui est versé aux actionnaires est entièrement imposable. Quand elles touchent ces revenus supplémentaires et sont prospères dans l'économie mondiale, elles augmentent leur effectif.
    Mes cours à l'École Rotman sont remplis de gens qui travaillent pour les banques. J'aimerais vous citer l'exemple de la Banque de Nouvelle-Écosse, qui a une forte présence dans les Caraïbes. En fait, bon nombre des étudiants de l'École Rotman sont chargés de gérer ces opérations mondiales.
    Les avantages sont multiples. Ce n'est pas comme si la société qui bénéficie de ces dégrèvements fiscaux pouvait ensuite disparaître sur une plage pour vraiment en profiter. Cet argent est versé aux actionnaires et aux employés; il retourne dans l'économie canadienne.
    Merci.
    Très bien. Je comprends.
    Nous n'avons pas beaucoup parlé jusqu'à présent de l'étendue du problème. J'espère que les trois témoins voudront réfléchir à cette question et au degré d'urgence qui y est rattaché, en essayant d'établir la comparaison avec l'économie parallèle ici au Canada, par rapport à son importance et son rang de priorité.
    Selon moi, il pourrait y avoir une certaine concordance en ce qui concerne les approches qu'il convient d'adopter — par exemple, celle de la carotte et du bâton, etc. J'invite chacun d'entre vous à me répondre très brièvement au sujet du rang de priorité de ces deux problèmes et du délai qu'il faut prévoir pour trouver des solutions raisonnables.
    Madame Champoux-Paillé
(1020)

[Français]

    De l'avis du MÉDAC, il faut effectuer une réforme globale du système fiscal sur des principes de solidarité économique.

[Traduction]

    Très bien.
    Monsieur Jarislowsky.
    J'ignore l'étendue du problème, et à mon avis, personne ne sait vraiment dans quelle mesure les abris fiscaux sont employés par les particuliers. À mon avis, c'est sans importance.
    Il faut y mettre fin dans la mesure du possible. Il faut mieux former les employés du ministère du Revenu pour être en mesure d'y arriver. Mais il faut surtout mettre l'accent sur les emplois canadiens et le bon rendement des investissements canadiens, ce qui va augmenter le niveau d'investissement au Canada.
    Très bien.
    Monsieur Hejazi.
    Pourrais-je prendre deux minutes, ou est-ce trop?
    Il me reste deux minutes. Prouvez-moi que c'est un bon investissement. Allez-y.
    Vous mettez beaucoup de pression. Mais je vous dirais que le rendement est imposable… Non, je plaisantais.
    Tout comme nous disions que la baisse des taux d'imposition sur les sociétés nous met sur la bonne voie, nous savons que la réduction des taux d'imposition, à la fois sur les sociétés et sur le revenu des particuliers, nous permet de progresser en réduisant l'étendue du problème.
    Mais permettez-moi maintenant de vous parler de l'utilisation légitime de ces centres extraterritoriaux. J'aimerais vous donner quelques statistiques. L'économie mondiale représente environ 500 milliards de dollars; environ 20 p. 100 de cette somme passe par les centres financiers extraterritoriaux.
    Supposons que cela représente 100 milliards de dollars. Je vous donne quelques chiffres approximatifs à ce sujet. Si 100 milliards de dollars passent par les centres financiers extraterritoriaux… supposons que le taux de rendement, c'est-à-dire les revenus qui en découlent corresponde à 8 p. 100. Cela signifie que ces 8 milliards de dollars de revenus par an qui découlent de ces investissements finissent dans ces CFE.
    Supposons maintenant que le taux d'imposition applicable soit de 40 p. 100. Donc, nous avons 100 milliards de dollars dans ces centres extraterritoriaux, le taux de rendement est de 8 p. 100, ce qui donne 8 milliards de dollars de revenus, et le taux d'imposition est de 40 p. 100. Beaucoup de gens pensent que si nous étions en mesure d'imposer la totalité des revenus qui sont générés dans les CFE, les recettes fiscales se monteraient à environ 3,2 milliards de dollars. Voilà le chiffre qui est évoqué par certains. C'est une sorte de maximum. Si le gouvernement canadien décidait de limiter la capacité des Canadiens à recourir aux CFE, d'après beaucoup de gens à qui j'ai parlé, les recettes fiscales canadiennes augmenteraient d'environ 3,2 milliards de dollars. Selon moi, il y aurait au contraire une baisse des recettes fiscales. Si je suis de cet avis, c'est parce que les revenus ainsi générés finiraient par baisser, étant donné que les entreprises canadiennes concernées seraient moins productives et moins concurrentielles.
    Deuxièmement, bon nombre d'entreprises canadiennes décideraient tout simplement de quitter le Canada…
    Merci pour cet explication.
    Mais s'agissant de l'ampleur du phénomène… nous parlons toujours d'environ 3 milliards de dollars. C'est minime au fond, comparativement à l'ampleur de l'économie parallèle au Canada.
    En ce qui concerne l'évasion fiscale — et encore une fois, comme l'a si bien dit notre collègue de Montréal, c'est un phénomène qu'il est impossible de mesurer — je pense que la majeure partie du manque à gagner en recettes fiscales au Canada résulte du fait que les Canadiens font des travaux chez eux, et non pas du recours par des entreprises ou des particuliers canadiens aux centres financiers extraterritoriaux. Donc, je suis entièrement d'accord avec vous.
    Merci.
    Je suis d'accord, moi aussi.
    Merci, monsieur Szabo.
    À mon avis, il faut surtout mettre fin au marché noir au Canada et à l'évasion fiscale qui va de pair avec ses activités.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Wallace.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier nos témoins de leur présence ce matin. La discussion est très intéressante.
    Je voudrais surtout poser des questions à Mme Champoux-Paillé. Je dois malheureusement m'exprimer en anglais.
    Je pense que la conclusion fondamentale de notre discussion jusqu'ici est qu'il existe une différence — et je suis du même avis — entre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal.
    Chaque année à cette époque, bon nombre de mes collègues et des gens qui habitent dans ma région investissent leur argent dans des REER. Je dirais qu'ils essaient de cette façon de payer moins d'impôts. Ils ne songent pas nécessairement aux avantages à long terme d'un pécule pour la retraite; c'est plutôt une sorte de réflexe: « Il faut que je mette de l'argent dans un REER, je suis loin d'avoir atteint ma limite, et cela va me permettre de payer moins d'impôts. » Donc, c'est plutôt de la planification ou de l'optimisation fiscale. À mon avis, il n'y a pas de mal à cela.
    Personnellement, je préférerais un régime fiscal plus uniforme avec beaucoup moins de déductions. Mais cela ne va pas se produire. Le régime fiscal est tel qu'il est, et pour moi, ça, c'est de la planification ou de la gestion fiscale.
    J'ai organisé une activité la semaine dernière à laquelle ont assisté 260 aînés; c'était un colloque sur la planification fiscale présenté par l'ARC et Service Canada où les représentants de ces deux agences étaient les conférenciers et nous avions 260 participants. Ces derniers ont justement posé certaines questions au sujet de qui relevait davantage la planification fiscale, et les représentants de ces deux agences n'étaient pas en mesure de répondre parce que les particuliers doivent s'adresser à un conseiller financier pour obtenir ce genre d'information.
    Voilà qui m'amène à ma question au sujet de la nature de votre organisation. Je ne comprends pas tout à fait ce que vous faites étant donné ce que vous dites… Vous dites ceci: « Il a pour mission, comme son nom l'indique, l'éducation et la défense des épargnants et des investisseurs ». Dans le cas de votre organisation, cela ne comprend-il pas — puisque vous parlez de l'éducation des investisseurs — la planification fiscale et l'évitement fiscal, par opposition à l'évasion fiscale tout simplement? Votre organisation fait-elle…?
(1025)

[Français]

    Nous faisons de la formation sur la façon de bien se comporter en tant que citoyen. En ce sens, nous faisons la promotion d'une contribution juste et équitable à l'impôt. Les membres de la société ont raison de prévoir pour leur retraite, mais le fait d'éviter de payer de l'impôt et d'investir à l'étranger pour en payer moins, c'est inacceptable. Nous formons les gens en conséquence.

[Traduction]

    Voici ma prochaine question. Dans votre exposé aujourd'hui, et je vous remercie de nous l'avoir fourni dans les deux langues officielles, vous citez trois documents: « L'opportunité de fermeture des filiales bancaires dans les paradis fiscaux », 2002; « Fermeture des paradis fiscaux », 2005; et « Abolition des filiales et des succursales dans les paradis fiscaux », 2011. S'agit-il de documents qui ont été présentés par votre organisation?

[Français]

    Oui, aux institutions bancaires.

[Traduction]

    Très bien.
    Selon moi, il serait assez difficile d'arriver à abolir certaines opérations bancaires dans d'autres pays. Je sais que vous dites que votre travail a suscité une réaction de la part de la Banque Nationale, qui a décidé de supprimer certaines de ses succursales. N'est-il pas tout aussi important de demander aux banques de nous faire savoir quelles sommes d'argent sont transférées par les Canadiens à leurs succursales extraterritoriales, pour que nous sachions que c'est là que se trouve cet argent?
    N'est-ce pas plutôt cela que vous visez au fond? C'est l'information qui vous intéresse; vous voulez savoir si les banques ont des filiales dans ces pays ou non. Ou faites-vous une distinction à cet égard?

[Français]

    Nous ne demandons pas que les banques n'aient pas de filiales à l'étranger. Nous demandons qu'elles n'en aient pas dans des paradis fiscaux. Nous avons eu gain de cause. Au cours de la dernière année, nous avons déposé une proposition semblable auprès des actionnaires de la CIBC et elle a obtenu un résultat de 9,5 p. 100 auprès de ceux-ci. Vous allez me dire que ce n'est pas beaucoup, mais 9,5 p. 100, ça représente les petits actionnaires. Il faut tenir compte du fait que 30 p. 100 de l'actionnariat des banques est constitué des petits épargnants, que 50 p. 100 ne votent pas et que 15 p. 100 votent. En fin de compte, 9 p. 100 sur 15 p. 100, ça signifie que 50 p. 100 des petits épargnants ont voté en faveur de la proposition voulant que les paradis fiscaux soient abolis.

[Traduction]

     Très bien. Merci beaucoup, madame.
    Merci, monsieur Wallace.
    La parole est de nouveau à M. Rafferty.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question à vous trois. Comme je suis le dernier intervenant, j'aimerais…
    Suis-je le dernier intervenant?
    Ah, bon; nous avons une motion à examiner — c'est vrai.
    Nous avons une motion. Tout dépend du temps que les membres veulent consacrer au débat sur la motion. Mais vous avez tout de même droit à vos cinq minutes.
(1030)
    Très bien.
    Ce que j'aimerais vous inviter à faire, l'un après l'autre — et vous aurez environ 90 secondes chacun car, si vous prenez moins de 90 secondes et qu'il ne reste du temps, je serai obligé de parler de baisses d'impôts pour les sociétés, et je préfère ne pas aborder cela ici…
    En réalité, nous parlons d'équité fiscale. Si vous avez une ou deux idées à ce sujet ou des recommandations à nous faire sur la façon d'améliorer l'équité fiscale, en tenant compte de la discussion d'aujourd'hui, je pense que nous serions tous heureux de les entendre.
    Mme Champoux-Paillé pourrait peut-être commencer. Je voudrais donner autant de temps à chacun d'entre vous.

[Français]

    Dans notre mémoire, nous avons fait plusieurs propositions. Je ne vais pas les reprendre, mais simplement mentionner que l'une des principales consiste à recommander une réflexion fondamentale sur le côté éthique de notre système fiscal canadien. Nous en sommes là, et je vous prierais de recueillir les commentaires de particuliers, de gens ordinaires, sur ce qu'ils pensent de notre système fiscal canadien.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Jarislowsky.
    Pour moi, tant qu'il y aura de la politique, cela n'existera pas.
    Peut-être aimeriez-vous développer un peu votre idée. Il vous reste quelques secondes.
    Je vous ai donné quelques exemples tout à l'heure: la fusion municipale décrétée par la ville de Montréal, les taxes scolaires… La liste est longue. Comme me l'a dit mon ami, le premier ministre du Québec: « Je cesserai d'acheter des voix quand je ne ferai plus de politique. » Pour moi, c'est atroce.
    Je pense également que, dans la mesure où il existe des groupes de pression qui influencent les décisions — et c'est d'autant plus vrai aux États-Unis… Là les gens n'ont presque pas le choix; ils sont bien obligés de défendre certains intérêts, car sinon, ils ne pourront pas récolter l'argent qui leur faut pour se faire réélire. Tant que ce sera le cas, il n'y aura pas de véritable équité fiscale, et je ne m'y attends pas non plus.
    Monsieur Hejazi.
    J'aime beaucoup votre question. Elle est formidable, et j'aurais aimé avoir une heure pour vous répondre, mais je sais que je n'ai qu'une minute.
    Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, « tant qu'il y aura de la politique, etc. … », pour les gens indignes en parlant de l'évasion fiscale, de paradis fiscaux, du fait que les multinationales ne paient pas leur juste part, et quand vous posez la question à un groupe représentatif de Canadiens, on peut dire que cela leur fait plaisir de… Je ne sais pas exactement comment formuler cela, mais…
    Au fond nous voulons que les décideurs prennent des décisions éclairées. Il ne faut pas prendre une décision en étant motivé uniquement par le désir de récolter des voix ou de faire plaisir à un grand segment de la population qui peut ne pas bien comprendre les questions que nous examinons aujourd'hui.
    Selon moi, l'équité fiscale deviendra réalité quand nous créerons un environnement qui permet à nos entreprises d'être concurrentielles à l'échelle mondiale. Il y a à présent un écart de prospérité de 10 000 $ entre le Canada et les États-Unis: l'Américain moyen gagne 10 000 $ de plus que le Canadien moyen. Si nous réussissons à créer un environnement qui favorise la compétitivité mondiale et fait disparaître cet écart de prospérité — en relevant le niveau de revenu au Canada pour qu'il atteigne le niveau aux États-Unis — les mêmes taux d'imposition que nous appliquons aujourd'hui permettront de récolter des recettes fiscales tellement importantes que le gouvernement sera en mesure de financer toutes les initiatives qui lui semblent appropriées.
    Donc, pour réaliser l'équité fiscale, il faut être sensible à des considérations économiques — en d'autres termes, établir un environnement qui crée le plus grand gâteau économique possible, et ensuite se servir des recettes fiscales qui en découlent pour financer les différentes initiatives.
    Merci.
    Monsieur Hejazi, une dernière petite question. Il me reste 30 secondes.
    Les CFE, comme vous les appelez, sont-ils appropriés? Le système actuel est-il juste?
    Oui, sans aucun doute. Le fait que les entreprises canadiennes soient aussi concurrentielles qu'elles le sont dans l'économie mondiale, avec tous les avantages connus que cela apporte au Canada — la hausse de notre PIB et du revenu par habitant, entre autres — a permis de générer des recettes fiscales additionnelles. Les CFE sont appropriés dans la mesure où on y a recours pour des raisons légitimes. Faire obstacle à ce régime finirait par nuire au Canada et à l'équité fiscale.
    Merci.
    Monsieur Jarislowsky, je vous permets d'ajouter un bref commentaire.
(1035)
    Je dirais que, dans la mesure où nous avons plus de capitaux à notre disposition parce que nous maîtrisons mieux les dépenses gouvernementales et que les impôts sont moins élevés — à l'heure actuelle, les dividendes font l'objet d'une double imposition — de façon à générer plus de capitaux de placement, selon moi, plus le Canada sera riche à long terme.
    Je vous remercie.
    Cela m'attriste d'avoir à interrompre la discussion. Elle a été tout à fait fascinante, et je sais que les membres ont encore des questions à poser.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de nous avoir livré vos présentations et d'avoir répondu à nos questions.

[Traduction]

    Nous avons une motion à examiner aujourd'hui, et je vais donc remercier nos témoins et leur permettre de disposer; maintenant je vais entendre le rappel au Règlement de Mme Glover…
    Mon rappel au Règlement concerne les témoins.
    Le président: Ah, bon.
    Madame Glover.

[Français]

    Je veux remercier Mme Champoux-Paillé. Sa présentation était en français et en anglais, mais à la page 13, j'ai trouvé quelque chose de très intéressant. Or, c'est uniquement en français. Pourrait-on traduire cette partie en anglais pour que tous les membres du comité puissent en bénéficier?
    Merci.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci de nous l'avoir fait remarquer.
    Je tiens à remercier tous nos témoins. Si vous avez d'autres renseignements à nous soumettre, veuillez les faire parvenir à notre greffier, et nous nous chargerons de les transmettre aux membres. Merci infiniment de votre présence.
    Je donne tout de suite la parole à M. Brison. Vous avez tous reçu une copie de sa motion.
    Monsieur Brison, veuillez proposer votre motion.
    Monsieur le président, j'imagine que les représentants de diverses compagnies d'assurance générale ont dû s'adresser à d'autres membres du comité également concernant cette question de démutualisation. Pour moi, ce n'est pas une question partisane; par contre, les compagnies en question ont entrepris des démarches auprès de nous tous à ce sujet. Cela étant, je crois qu'il serait utile que le comité bénéficie d'une séance d'information avec les responsables du ministère des Finances et de ceux qui sont chargés de la démutualisation des compagnies d'assurance générale.
    Vous avez tous reçu le texte de ma motion. Je propose donc que le comité entreprenne, dans les plus brefs délais, une étude sur la démutualisation des compagnies d'assurance générale; que le comité convoque une réunion afin d'étudier les répercussions de la démutualisation des compagnies d'assurance générale, y compris ce qui suit: un résumé des enjeux préparé par la Bibliothèque du Parlement; les déclarations de fonctionnaires du ministère des Finances et leurs réponses aux questions des membres du Comité des finances; les déclarations d'experts et de divers autres témoins pour et contre la démutualisation des compagnies d'assurance générale, de même que leurs réponses aux questions des membres du Comité des finances; et tout autre témoin ou document qu'il juge utile.
    Merci, monsieur Brison.
    Mme Glover demande la parole.
    Désolée, monsieur le président. Disons que je suis généralement favorable; cependant, je ne suis pas sûre…
    Pourrais-je poser une question à M. Brison, par l'entremise du président?
    Avez-vous inclus le troisième élément concernant les experts et les témoins? J'allais proposer un amendement au libellé — c'est tout — mais si vous allez le retirer…
    Je viens de recevoir ce texte. C'est la première fois que je le vois.
    Vous parlez de l'amendement où il est question d'enjeux et de préoccupations liés…
    Je voudrais simplement tirer au clair la situation. La motion à l'étude est celle qu'on vient de vous présenter, et vous en avez tous un exemplaire. Si vous souhaitez proposer un amendement, vous pouvez le faire.
    Oui. Si vous voulez proposer un amendement, je suis tout à fait ouvert à cette possibilité. Cela ne change pas l'intention.
    Voici mon amendement. Je propose qu'au troisième paragraphe où il est question d'experts et de témoins, nous enlevions les mots « pour et contre »…
    D'accord.
    … et que nous les remplacions par les mots « au sujet d'enjeux et de préoccupations liés à ». Ensuite, on garde le mot qui suit et on ajoute ceci « la démutualisation potentielle des compagnies d'assurance générale, y compris la possibilité de lignes directrices. » Et, à la dernière phrase où il est question de « tout autre témoin ou document qu'il juge utile », je propose d'ajouter, à titre d'amendement favorable, « et que le comité soumette ses recommandations à l'examen du ministre des Finances ».
    Oui, c'est très bien.
    J'accepte volontiers les changements concernant l'expression « liés à » et « comité ».
    Le président est d'avis que l'amendement est recevable, mais si on dit « et que le comité fasse part de ses conclusions à la Chambre des communes », cela revient au même.
    D'accord?
    Le débat est ouvert sur l'amendement.
    M. Paillé demande la parole.
(1040)

[Français]

     Je suis d'accord pour qu'on retire les mots « pour et contre ». En effet, les gens vont de toute façon préciser leurs positions à ce sujet. J'aimerais simplement savoir ce que vous avez proposé pour le dernier paragraphe. Je n'ai pas saisi de quoi il s'agissait. Avez-vous proposé autre chose?

[Traduction]

    Madame Glover.

[Français]

    Simplement qu'on fasse un rapport.
     Je suis tout à fait d'accord. Ça ne me cause aucun problème.

[Traduction]

    Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement?
    Non.
    Tous ceux qui sont pour l'amendement?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Tous ceux qui sont pour la motion modifiée?
    Monsieur Paillé.

[Français]

    Est-ce qu'on peut discuter de la motion avant de voter, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Y a-t-il des interventions sur la motion modifiée?
    Monsieur Paillé.

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord avec notre ami M. Brison parce qu'on en a entendu parler. Les gens des compagnies d'assurances ont rencontré ou vont rencontrer le ministre des Finances. On veut entendre les déclarations des fonctionnaires du ministère des Finances. On veut aussi se pencher sur la question de la Bibliothèque et entendre les déclarations des témoins. Je me demande simplement si une seule séance est suffisante. J'ai l'impression qu'il pourrait y avoir plus d'une personne ou d'un témoin expert. Il pourrait y avoir plus de gens du ministère des Finances. Bref, même si je suis d'accord avec la motion, je voudrais qu'on se garde la possibilité de consulter des gens. Il serait important de faire un post-mortem concernant les compagnies d'assurances générales qui ont fait l'objet d'une démutualisation il y a un certain nombre d'années et de voir quelles répercussions aurait la démutualisation sur les autres compagnies d'assurances.

[Traduction]

    En tant que président, je pourrais peut-être faire une suggestion. Nous pourrions dire « que le comité entreprenne une étude », et de cette façon, il pourrait s'agir d'une ou de deux réunions; on n'aurait pas précisé le nombre de séances. À ce moment-là, le comité peut faire savoir au président combien de réunions il voudrait convoquer sur la question.
    Peut-il s'agir d'un amendement favorable de la part du président?
    Des voix: D'accord.

[Français]

    D'accord. On fait confiance au président.

[Traduction]

    Très bien.
    Monsieur Szabo, voulez-vous intervenir sur la motion?
    Je voudrais simplement faire une observation d'ordre procédural, étant donné que cette étude pourrait finir par représenter beaucoup de travail.
    Pour que tous les membres du comité soient au courant des enjeux dès le départ, j'aimerais que le résumé de la Bibliothèque du Parlement soit préparé bien à l'avance pour que les membres aient l'occasion de se préparer, au lieu d'arriver à la réunion et de voir le résumé de la Bibliothèque du Parlement pour la première fois.
    Je pense que nous pourrions l'avoir d'ici vendredi.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Désolé. C'est un argument tout à fait valable.
    J'ai l'impression que nous n'allons pas pouvoir entreprendre cette étude avant le mois d'avril; donc, je suis convaincu que nous pourrons l'avoir bien avant ce moment-là.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Je voudrais signaler aux membres que je serai absent la semaine prochaine. M. Pacetti présidera les réunions, qui commenceront à 11 heures.
    Merci.
    La séance est levée.
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