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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 022 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

[Français]

    Aujourd'hui, le 10 juin 2010, c'est la 22e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Nous poursuivons notre étude des droits de la personne au Venezuela. Aujourd'hui, nous n'avons qu'un seul témoin, le rabbin Adam Scheier de la Congrégation Shaar Hashomayim. Il est ici pour nous parler des droits de la personne et du traitement réservé à la communauté juive au Venezuela.
    Je vois que M. Dorion a levé la main.
    Monsieur Dorion, allez-y.

[Français]

    J'ai à faire un rappel au Règlement. Monsieur le président, j'ai déposé des motions à ce sous-comité il y a déjà trois semaines, plus précisément le 20 mai, et je constate qu'on ne procède pas à l'étude de ces motions. Je demande qu'on prenne aujourd'hui tout au plus 15 minutes pour étudier la deuxième motion que nous avions commencé à examiner, mais qui n'a pas été examinée.

[Traduction]

    Merci.
    J'avais l'intention de... Comme je l'ai dit à M. Dorion en dehors des délibérations du comité. Je l'ai pris en aparté dans la salle du comité à notre dernière réunion et je lui ai proposé que j'essaierais d'organiser une réunion spéciale pour discuter des motions.
    Ce que j'ai dit à ce moment-là, et je veux le dire publiquement à l'ensemble du groupe, c'est qu'à mon avis, il faudra plus que 15 minutes pour discuter des trois motions de M. Dorion. Cela pourrait même prendre plus de 15 minutes pour discuter de l'une d'entre elles, d'après ce qu'on a vu antérieurement. Alors, il m'a semblé approprié d'essayer de trouver un moment pour tenir une réunion spéciale afin que nous puissions consacrer une heure entière à cette question. Je ne suis pas certain si c'est acceptable pour le groupe.
    Je devrais commencer par demander à M. Dorion s'il trouve acceptable que nous cherchions un moment pour tenir une réunion spéciale. Il faudrait que ce soit la semaine prochain.
    Est-ce que cela vous paraît raisonnable?

[Français]

    Je suis prêt à faire ce compromis, mais je voudrais que ce soit vraiment établi et que ce soit le plus tôt possible, par exemple mardi prochain.

[Traduction]

    Cela me semble une proposition raisonnable. Nous avons déjà tenu une telle réunion sur un sujet différent, mais nous avions choisi une heure qui a semblé appropriée.
    Si le groupe accepte de me laisser la question entre les mains, je vais essayer de trouver un moment avec la greffière, peut-être à la même heure, c'est-à-dire à 9 heures mardi. Nous allons confirmer et si cela fonctionne, peut-être que nous pourrions convoquer une réunion.
    Cela ne me convient pas, monsieur le président, mais je m'en remets à vous.
    Comme je l'ai dit, nous essayons de trouver « un » moment. C'est seulement une suggestion.
    Je suis d'accord avec M. Dorion pour dire que nous ne savons pas quel est le calendrier de la Chambre, alors, il est certain que le plus tôt sera le mieux.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Marston.
    Je regarde la journée du 15 juin. Pourrions-nous commencer tôt le mardi 15 juin?
    C'est peut-être possible.
    Est-ce que les membres du comité sont d'accord pour que la greffière discute de cette question avec vos bureaux de manière autonome? À l'heure actuelle, nous sommes en train d'utiliser le temps du témoin.
    Des voix: Oui.
    Le président: Alors, nous pourrons régler cette question.
    J'inviterais maintenant le rabbin Scheier à commencer son témoignage. Après, les membres du comité poseront des questions.
    Merci.
    Monsieur le président, j'aimerais exprimer ma gratitude pour l'invitation à prendre la parole devant ce comité aujourd'hui.
    De même, j'aimerais féliciter ce comité d'accorder son attention à cette question urgente des droits de la personne au Venezuela. C'est un honneur que de prendre la parole devant cette assemblée distinguée.
    Plus particulièrement, c'est un honneur de prendre la parole devant un de mes héros personnels et un grand défenseur des droits de la personne au Canada et dans le monde, l'honorable Irwin Cotler.
    Alors, c'est vraiment un plaisir que d'être ici. Je sais que le temps qui m'est accordé est limité, alors, je vais aller droit au but.
    À un certain moment, la communauté juive du Venezuela était une communauté prospère et en croissance. Les gens vivaient avec un sentiment de paix et de sécurité et de continuité, vivant en harmonie avec leurs concitoyens vénézuéliens. À son apogée il y a seulement 10 ans, la communauté juive du Venezuela comptait 24 000 membres. Aujourd'hui, 12 000 Juifs vivent au Venezuela, et leur nombre diminue d'année en année.
    Juste la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de discuter avec le grand rabbin du Venezuela, le rabbin Pynchas Brener, qui a dit qu'en ce moment même, la communauté retient son souffle et attend de voir qui d'autre partira. La communauté a perdu la moitié de son effectif au cours de la dernière décennie et, au moment où l'année scolaire prend fin, c'est maintenant que de nombreuses familles vont annoncer que c'est maintenant à leur tour de quitter le Venezuela, endroit que de nombreuses familles ont considéré comme leur pays pendant de nombreuses générations.
    Pourquoi ces gens partent-ils? Pourquoi les Juifs quittent-ils le Venezuela? C'est parce que le gouvernement de Hugo Chávez a créé un climat de peur et de terreur pour les citoyens juifs du Venezuela. En 2004 et en 2007, le gouvernement a procédé à deux rafles distinctes dans des établissements communautaires juifs. Le prétexte invoqué était de trouver des armes et des produits de contrebande dans ces établissements. Le véritable but de ces rafles était de démontrer que la communauté juive et tous ceux qui appuient Israël ne sont pas les bienvenus au Venezuela.
    La rafle de 2004, par exemple, a été effectuée à l'école communautaire juive Colegio Hebraica à 6 h 30 un jour de classe. Trente-cinq policiers, dont un grand nombre étaient armés et masqués, ont tenu les enfants en otage à l'intérieur de l'école dont les portes avaient été verrouillées pendant qu'on fouillait les lieux. Évidemment, la fouille n'a donné aucun résultat tangible. Elle a été infructueuse comme l'a déclaré le gouvernement, mais le message d'intimidation avait clairement été passé.
    Une rafle semblable a été effectuée en 2007 au Centro Social, Cultural y Deportivo Hebraica, un club social et sportif. Encore une fois, les représentants du gouvernement n'ont rien trouvé à l'intérieur de l'établissement communautaire juif, bien que les membres de la communauté juive craignent que pendant la rafle, le gouvernement ait mis la main sur les dossiers de la communauté juive à partir des ordinateurs du club.
    En janvier 2009, aux petites heures du matin le jour du sabbat, 15 hommes non identifiés se sont introduits par effraction dans la synagogue Tiferet Israel à Caracas. Ils ont saccagé des bureaux, ils ont écrit des messages de menace sur les murs intérieurs de la synagogue et ils ont profané des objets sacrés. Un mois plus tard, en février, une bombe a été lancée dans la synagogue Beth Shmuel, endommageant la propriété et transmettant un message de menace à la communauté juive.
    Pour votre information, j'aimerais présenter à titre de témoignage, comme nous en avons discuté auparavant, monsieur le président, certaines photographies que j'ai prises au cours d'une visite que j'ai effectuée après ces attaques dirigées contre la communauté.
(1315)
    Je vais demander à la greffière d'aller les chercher pour les remettre aux membres qui pourront se les passer pendant que vous poursuivez votre exposé.
    À la suite des attaques les plus récentes survenues en 2009, j'ai visité la communauté juive à Caracas dans un geste de solidarité et pour obtenir de l'information sur ce qui s'est véritablement passé dans cette attaque contre la communauté juive. J'ai gardé le contact avec des membres de la communauté au cours de la dernière année et il m'ont demandé d'exprimer leur gratitude au gouvernement canadien, au Parlement, pour les motions qui ont été déposées, pour les diverses pétitions qui ont été présentées au nom de la communauté juive aux abois du Venezuela, et pour le geste diplomatique courageux que le Canada a posé en acceptant de représenter les intérêts consulaires d'Israël après l'expulsion de l'ambassadeur d'Israël en janvier 2009.
    Le gouvernement du Venezuela est sensible à la façon dont il est perçu par la communauté des nations et nous avons été rassurés par la condamnation internationale qui constitue le seul rayon d'espoir pour l'avenir de la liberté politique et religieuse au Venezuela. Et pourtant, ceci étant dit, la communauté juive vit dans la peur. Je vous demande d'écouter certains propos des étudiants, certains jeunes Juifs qui grandissent dans le Venezuela de Chávez.
    Orly Margulis, qui termine maintenant sa 8e année, a écrit — et je n'ai pas changé un seul mot du courriel qu'elle m'a fait parvenir — ce qui suit:
J'ai l'impression que l'antisémitisme est un problème énorme au Venezuela. J'ai peur de sortir à cause de l'insécurité et de tous les problèmes que le gouvernement vénézuélien a causés. Le président déteste le peuple juif et il a récemment maudit Israël et nous a blâmés pour les morts à Gaza, ce qui me met très en colère. Je suis triste que ce pays — un pays qui a accueilli les Juifs après la Deuxième Guerre mondiale — est maintenant devenu un des endroits les plus dangereux au monde et un pays qui est très antisémite.
    Elle est en 8e année.
    Eduardo Herdan, 11e année, dit ceci:
Depuis que la guerre a éclaté à Gaza il y a un an et demi, le président du Venezuela a attaqué progressivement la communauté juive. Que ce soit verbalement, en nous insultant à la télévision nationale, ou en expulsant l'ambassadeur d'Israël, nous avons ressenti son antisémitisme. Les remarques du président ont été communiquées à la population vénézuélienne qui devient de plus en plus hostile à l'égard de la communauté juive.
    Monsieur le président, les enfants ont peur. Ils frissonnent lorsqu'ils voient des images ou entendent des enregistrements de leur président; ils ont peur lorsqu'ils l'entendent parler d'Israël.
    Écoutez les propos qu'il a tenus la semaine dernière, en réponse à l'incident touchant la flottille sur la côte de Gaza. Je ne vous demande pas d'examiner son approche politique, mais d'écouter son langage.
    Dans une diatribe dans laquelle il accusait Israël de financer l'opposition à son gouvernement, il a accusé le Mossad d'avoir envoyé des équipes d'assassinat au Venezuela pour le cibler, et il a affirmé que les forces israéliennes étaient présentes partout dans les Caraïbes; Chávez a également dit: « Maldito seas, Estado de Israel. Maldito seas, terrorista y asesino. » Cela veut dire: maudit soit l'État d'Israël; maudits soyez-vous, vous les terroristes et les assassins.
    Savez-vous pourquoi ces paroles ont amené les citoyens juifs du Venezuela à craindre pour leur sécurité, pour leurs institutions qu'ils ont bâties à force de travail et pour la sécurité de leurs enfants? Ce n'est pas seulement à cause de leur affinité ou de leur amour pour l'État d'Israël. C'est parce que les mots prononcés par Chávez sont les mots mêmes que les vandales ont écrits sur les murs de la synagogue qui a été profanée lors de cette entrée par effraction survenue tôt le matin, comme en témoignent certaines des photographies qui circulent.
    Ils ont écrit en janvier 2009, le matin du sabbat, sur les murs de la synagogue: « Israel malditos. No los queremos. Asesinos. » Cela veut dire: Israël maudite; nous ne voulons pas d'assassins.
    Tout cela pendant que l'empereur de ce même pays maudit Israël et traite les Juifs d'assassins dans ses discours politiques.
    D'une part, le gouvernement prend officiellement ses distances des actes de vandalisme et de terrorisme qui ont été commis et, d'autre part, Chávez se fait l'écho de ces actes dans ses discours.
    Ernesto Spiro, un enseignant de l'école, un dirigeant de la communauté juive de Caracas, m'a dit qu'il avait peur pour ses proches et qu'il était incertain de son avenir. En tant que fils de survivants de l'Holocauste, la seule chose qui empêche la haine du gouvernement vénézuélien à l'égard des Juifs de se transformer en une manifestation plus agressive à leur égard, c'est « la peur d'être reconnu par le monde pour ce que nous, Juifs vénézuéliens, savons ».
(1320)
    Il a dit:

Sincèrement, si j'avais eu les moyens économiques nécessaires pour supporter ma famille, il y a longtemps que nous aurions émigré dans un autre pays... Ma mère, qui est amoureuse du Venezuela, nous parle tristement, mais constamment, du sentiment qu'elle a, que le temps de quitter le pays approche.
    Il écrit qu'il est enseignant depuis 1995:

J'ai vu des centaines de mes élèves quitter le Venezuela pour de bon. Je me sens comme le capitaine d'un navire en train de couler, qui est le dernier à l'abandonner.
    Monsieur le président, les enfants du Venezuela ont peur. Ils ont de la difficulté à dormir la nuit. Les familles font des préparatifs de départ, pour aller rejoindre ceux qui, nombreux, sont déjà partis.
    Le Canada a des liens diplomatiques et économiques avec le Venezuela. Il est temps de faire valoir ces liens. Il est temps d'adopter une position de principe.
    En réponse aux attaques de 2009 sur les établissements communautaires juifs, des arrestations ont été effectuées et un simulacre de justice a été présenté au monde; pourtant, il n'y a pas eu de procès. La communauté juive et le monde ignorent toujours la peine qui a été infligée aux personnes qui ont supposément été arrêtées pour répondre de ces crimes ou ce qui leur est advenu.
    Il y a un consensus tacite au sein de la communauté juive du Venezuela selon lequel le gouvernement Chávez est le seul organisme dans le pays qui possède les moyens, la coordination et la volonté politique tordue pour perpétrer de telles attaques. La communauté internationale, dirigée par le Canada, doit exiger une enquête impartiale, indépendante et sanctionnée internationalement sur les attaques de janvier et de février 2009.
    De même, les membres de la communauté juive savent que l'antisémitisme est la politique officielle du gouvernement Chávez. Que ce soit parce qu'il cherche l'admiration d'Ahmadinejad ou de l'Iran ou pour d'autres motifs politiques ou personnels — je ne spéculerai pas —, Chávez a créé un climat de terreur et de peur pour la communauté juive vénézuélienne.
    Nous ne devrions pas ignorer le fait que les mêmes mots qui ont été écrits dans le cadre d'un acte d'intimidation et de vandalisme sont utilisés par Chávez dans ses discours politiques. Les vandales de la synagogue sont soit des agents du gouvernement soit des gens qui suivent le leadership très peu subtil du gouvernement. Ni l'une ni l'autre de ces possibilités ne devrait être acceptable pour le Canada et pour la communauté internationale.
    Maurisio Rubenstein, un élève de 10e année, a dit — ce texte a été traduit de l'Espagnole par une de ses compagnes de classe — ce qui suit:

Le gouvernement vénézuélien montre de l'antisémitisme de nombreuses façons différentes, mais tout tombe en place avec la certitude que nous n'avons pas confiance dans notre gouvernement. Notre propre président maudit Israël et l'attaque verbalement... Chaque fois que des synagogues ou des lieux religieux sont attaqués, tout le monde garde le silence... Je me sens comme si le passé se répétait. Je me sens comme si l'Holocauste était sur le point de se reproduire de nouveau. Je crois que nous ne devrions jamais le laisser se reproduire.
    Monsieur le président, les rythmes de l'histoire nous ont enseigné des leçons tragiques sur la façon dont les communautés minoritaires sont marginalisées, terrorisées et, finalement, déshumanisées.
    Premièrement, leurs croyances sont marginalisées. Aujourd'hui, les Juifs du Venezuela ont raison d'avoir peur d'exprimer leurs croyances personnelles et leur appui à Israël.
    Deuxièmement, leurs lieux de rassemblement religieux sont terrorisés. Cela a certainement été le cas de la communauté juive de Caracas qui n'a aucune garantie que les rafles du gouvernement ou les attaques parrainées par le gouvernement ne se reproduiront pas.
    Enfin, la communauté éprouve des craintes existentielles concernant la prochaine étape dans l'escalade de la rhétorique et des actions contre la communauté juive.
    Si nous attendons trop longtemps, de deux choses l'une: ou bien tous les Juifs quitteront le pays, comme c'est le cas actuellement, ou bien la communauté sera victime d'une autre tragédie. Ni l'une ni l'autre de ces possibilités ne devrait être acceptable pour ceux qui sont préoccupés par la situation des droits de la personne au Venezuela.
    Je vous remercie de votre temps et de l'attention que vous avez accordée à cette question pressante.
(1325)
    Merci beaucoup.
    Nous avons suffisamment de temps pour pouvoir faire un tour de huit minutes.
    Nous allons commencer par les libéraux.
    Monsieur Silva, voulez-vous commencer?
    J'aimerais débuter, rabbin Scheier, en vous remerciant de votre présence. Je veux affirmer que je partage vos sentiments à propos de notre estimé collègue, le professeur Cotler. Mais je veux souligner, aux fins du compte rendu, que c'est moi qui vous ai appelé, et non le professeur Cotler, au cas où quelqu'un au comité voudrait le savoir.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mario Silva: Il y a une raison qui explique pourquoi je voulais vous appeler à témoigner devant le présent comité. Pour donner un petit contexte historique, nous nous sommes rencontrés à un certain nombre d'occasions et vous aviez parlé assez éloquemment de la communauté juive au Venezuela et vous aviez également apporté certains témoignages sur cette situation. C'est à cause de cette préoccupation que vous avez exprimée, et que j'ai partagée, que j'ai pensé qu'il était très important que le comité entreprenne une étude sur le Venezuela.
    Ce que nous avons vu et lu est assez alarmant et très inquiétant. La façon dont un pays traite ses groupes minoritaires est une indication de la façon dont il réagit à l'égard des questions liées aux droits de la personne à une échelle plus grande.
    Je veux savoir si ce qui est arrivé à la communauté juive et la façon dont elle a été harcelée constitue une situation qui est unique à la communauté juive. Le gouvernement s'en prend-il à d'autres communautés ou est-ce vraiment une campagne antijuive qui est entreprise par le gouvernement?
    Premièrement, j'aimerais exprimer ma gratitude pour l'invitation et pour avoir pensé à moi pour ce témoignage.
    Je ne peux parler qu'à partir de mes interactions avec la communauté juive et de mon expérience dans ce pays. Toutefois, lorsque je me suis rendu sur place, la communauté m'a laissé savoir qu'un des aspects uniques de la communauté juive de Caracas, c'est le degré d'interaction et de partenariat avec la communauté musulmane là-bas, parce que toutes les deux se sentent menacées.
    Je ne sais rien à propos d'incidents ayant touché la communauté musulmane à Caracas. Je n'ai pas idée de l'importance de cette menace, mais je sais qu'il y a un partenariat naturel et une fraternité à cause de la position adoptée par Chávez à l'égard des institutions religieuses au Venezuela.
    Très bien. Merci beaucoup.
    J'ai quelques questions très brèves et ensuite, je vais laisser la parole à mon collègue, M. Cotler.
    Premièrement, savez-vous quelle était la taille de la communauté juive il y a, disons, 10 à 15 ans, comparativement à sa taille actuelle?
    Deuxièmement, vous avez parlé du président Chávez, mais une partie de la rhétorique la plus dangereuse et la plus antijuive vient non pas de Chávez lui-même, mais de son entourage immédiat, les conseillers et hauts dirigeants. J'ai entendu des témoignages et la langue utilisée est extrêmement consternante. Son silence et le fait qu'il ne condamne pas ces gens en dit long.
    Chávez s'est montré extrêmement critique à l'égard d'Israël, mais il a fait très attention de ne pas trop attaquer la communauté juive. Ses conseillers supérieurs ont attaqué la communauté juive et ont fait certaines déclarations très antijuives et il les a tout de même gardés dans les postes importants qu'ils occupent dans son gouvernement. Il joue ce petit jeu et je me demande si vous pouvez étoffer certaines de ces déclarations qui ont été faites par certains de ses conseillers.
     Je vais d'abord répondre à la question concernant les chiffres. Il y a 10 ans, la communauté comptait 24 000 membres; aujourd'hui, elle en compte 12 000 et ce nombre continue de diminuer. En ce qui concerne la population étudiante, le directeur de l'école m'a dit qu'il y a un certain nombre d'années — je suppose que c'était il y a 10 ans également —, il y avait 3 000 élèves dans l'école; aujourd'hui, il y en a 1 100.
    L'une des scènes les plus désolantes lorsqu'on visite l'école, c'est de voir le tableau des finissants, les bannières qui pendent du plafond de l'école. Elles deviennent de plus en plus courtes avec les années et les noms inscrits sur ces bannières sont écrits en caractères de plus en plus gros pour remplir l'espace disponible.
    On craint qu'au cours de l'année qui vient, le nombre d'élèves inscrits à l'école tombera sous la barre des 1 000 élèves, ce qui sera un dur coup pour l'image que se fait d'elle-même la communauté, la fierté qu'elle place dans la fréquentation des écoles juives. Le fait de passer d'un nombre aussi élevé à un nombre aussi faible a des répercussions très graves sur la communauté.
    Quant à la rhétorique de Chávez ou celle de son entourage immédiat, non seulement n'a-t-il pas pris ses distances par rapport à cette dernière mais, comme j'ai essayé de l'indiquer, dans ses derniers discours et dans son discours de la semaine dernière, c'est presque comme s'il recevait ses répliques... ou comme si les rédacteurs de son discours étaient les terroristes mêmes qui ont écrit sur les murs de la synagogue. Il s'agissait des mêmes mots, des mêmes sentiments. Nous ne devrions pas ignorer cela.
    À un certain nombre d'occasions, il a lui-même fait certaines menaces très bien voilées. Je crois qu'à une occasion, dans son discours de Noël, il a dit: « Ceux qui ont assassiné notre Sauveur », et a parlé de leur emprise sur le monde dans ce contexte. Ce n'est pas seulement ses conseillers; c'est sa rhétorique à lui qui est également très menaçante pour la communauté.
(1330)
    Allez-y, professeur Cotler.
    J'aimerais examiner le lien iranien avec Chávez et ce qui pourrait arriver au Venezuela.
    Comme vous le savez peut-être, les tribunaux argentins ont déterminé qu'en fait, sept dirigeants du gouvernement iranien, passés et actuels, ont participé à la planification et à la perpétration de la plus grande atrocité terroriste à survenir en Argentine depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir l'attentat à la bombe contre le centre communautaire juif AMIA en 1994. Suite à la décision des tribunaux argentins, Interpol possède actuellement un mandat d'arrêt contre le ministre de la Défense actuel de l'Iran, Ahmad Vahidi. Cela n'a pas empêché Ahmadinejad de la nommer ministre de la Défense. C'est comme s'il était récompensé de sa participation.
    Alors, ma question, c'est: quels sont les indications de l'influence directe de l'Iran sur Chávez, ou son rôle, sur le climat de peur qui s'est installée? Y a-t-il des préoccupations dans la communauté face aux activités terroristes iraniennes que nous connaissons en Amérique latine, qui sont également potentiellement présentes au Venezuela?
    Évidemment, la connexion avec l'Iran fait peur, non seulement à la communauté internationale, mais également à la communauté juive du Venezuela. Beaucoup ont laissé entendre que le moment des attaques a été choisi pour coïncider, je crois, avec la première rencontre officielle entre le Chávez et Ahmadinejad.
    Que les rumeurs qui circulent dans la communauté soient vraies ou non, je l'ignore. Je veux simplement illustrer la peur qui existe dans la communauté. Plus d'une personne, plus d'un leader de la communauté, des personnes respectées qui ne sont pas du genre à prêter foi aux rumeurs, disent que ce qui les effrayent le plus, c'est ce vol unique qui a lieu chaque semaine entre Caracas et Téhéran. C'est ce qui les effraie — parce que vous ne pouvez pas obtenir de place à bord de ce vol. Nous ignorons totalement qui sont les passagers, nous n'avons aucune idée de la raison pour laquelle ils font le voyage; nous savons seulement qu'il y a une forme quelconque de partenariat.
    La croyance, c'est que Chávez tente d'équilibrer deux situations politiques très délicates: la première, c'est son désir absolu de plaire à l'Iran d'où les soupçons qu'un grand nombre d'attaques contre la communauté juive ont été commandées ou encouragées par le gouvernement pour montrer à l'Iran qu'il contrôle la communauté juive; et l'autre, le simple désir d'être reconnu comme une figure messianique, une figure comme Castro, au sein de son cercle international immédiat et, évidemment, dans le monde également.
    C'est essentiellement l'équilibre qu'il tente d'établir. Il y a des menaces voilées, mais le message est clair. Il peut se défendre contre toute accusation directe qu'il a dit quelque chose de menaçant ou de génocidaire à l'égard de la communauté juive. En même temps, le message est très clair et il est entendu très nettement par la communauté.
    Malheureusement, c'est terminé pour cette série de questions.
    Monsieur Dorion.
(1335)

[Français]

     D'abord, merci d'être ici, monsieur Scheier. Certainement, c'est un devoir que de combattre l'antisémitisme et c'est certainement un rôle important pour notre sous-comité que celui de participer à la lutte contre l'antisémitisme au Canada.
    Il y a tout de même certaines précisions que je veux vous demander d'apporter. Vous mentionnez que l'antisémitisme est la politique officielle:

[Traduction]

l'antisémitisme est la politique officielle.

[Français]

du Venezuela de Chávez.
Reconnaissez-vous que quelqu'un puisse être très défavorable à la politique du gouvernement israélien, par exemple, sans être nécessairement antisémite? C'est ma première question.
    Deuxièmement, il semble bien que, parmi les gens qui entourent le régime Chávez, tout le monde ne semble pas se montrer antisémite. On voit sur le site de la station Radio Mundial une déclaration du président de l'Association israélite du Venezuela, Elías Farache — vous connaissez cette personne, peut-être —, qui remercie le président de la république et le gouvernement vénézuélien du sérieux avec lequel ils font enquête sur l'attentat contre la synagogue dont vous avez parlé.
    Elías Farache dit des choses comme celles-ci — je traduis, car c'est en espagnol:  La communauté juive du Venezuela et en particulier la congrégation de l'Association israélite du Venezuela et de Mariperez manifestent leur satisfaction pour le travail d'enquête du corps d'enquête scientifique, pénal et criminel dans le cas du vol et de la profanation de la synagogue Tiferet indépendamment du mobile, on a profané un édifice religieux en laissant des messages teintés de haine. Nous remercions le président de la république, Hugo Chávez, le chancelier Nicolás Maduro, le ministre Jesse Chacón, etc. 
    Voilà apparemment des gens de la communauté juive qui n'ont pas la même opinion de l'action du gouvernement vénézuélien que d'autres personnes de la même communauté.
    J'aimerais que vous nous donniez quelques explications à ce sujet. J'imagine que cette question de dissidence au sein de la communauté vous a intéressé à un moment de votre étude de la situation, et j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

[Traduction]

    Merci d'avoir posé des questions aussi intéressantes.
    Je suis d'accord pour dire que les sentiments anti-Israël ne sont pas, par définition, antisémites, ou ne conduisent pas potentiellement à l'antisémitisme. Toutefois, les faits sont éloquents. La communauté juive au Venezuela a été la cible d'attaques. Elle n'a reçu aucune assurance de la part du gouvernement qu'il s'agissait d'actes isolés commis par des groupes dénoncés publiquement. Le gouvernement n'a pas tendu la main à la communauté juive, ne l'a pas rassurée qu'il n'était pas derrière ces attaques.
    Or, un an et demi après les incidents, la communauté juive demeure convaincue du contraire. Elle estime que le gouvernement du Venezuela est peu accueillant à son égard, qu'il menace sérieusement sa survie. Pour cette raison, je pense que les sentiments anti-Israël de Chávez sont très profonds. Ils ne représentent pas simplement un point de vue politique sur la situation au Moyen-Orient. D'où la question suivante : comment une communauté juive, une communauté qui appuie ouvertement Israël, peut-elle se sentir à l'aise et vivre librement au sein de la société vénézuélienne?
    Pour ce qui est de la dissidence provoquée par les résultats de l'enquête et du processus judiciaire à la suite des attaques, il y a certes des personnes — et je ne les connais pas — qui sont satisfaites. Toutefois, les dirigeants de la communauté juive avec lesquels je me suis entretenu, y compris le grand rabbin et de nombreux leaders, ne sont pas convaincus que la notion d'application régulière de la loi a été respectée et que les auteurs de ces crimes horribles sur une institution juive ont été condamnés. Pour eux, le dossier n'est toujours pas réglé.
    Nous réclamons depuis déjà un certain temps la tenue d'une enquête indépendante internationale. Si les résultats de l'enquête démontrent, de manière satisfaisante, que le gouvernement du Venezuela n'a ménagé aucun effort pour retracer les auteurs de ces atrocités, eh bien soit. Or, aucune enquête indépendante n'a été lancée, et aucun comité international ne s'est penché sur cette affaire. Ceux qui vivent au Venezuela ou qui entretiennent des liens avec la communauté ne croient pas le travail d'enquête a été bien mené et que la sécurité des Juifs vénézuéliens est assurée.
(1340)

[Français]

    Il reste une minute et demie.
    Est-ce terminé? Non, d'accord.
    Dois-je comprendre que vous souhaiteriez une enquête internationale sur cet incident?

[Traduction]

    Oui, absolument.

[Français]

    Merci, monsieur.

[Traduction]

    Monsieur Marston.
    Bonjour.
    Il est vraiment difficile de savoir par où commencer. Je tiens toutefois à dire très clairement que les actes de profanation et les attaques constituent des gestes répréhensibles. Tout pays civilisé doit et devrait les condamner.
    Vous avez employé le mot « terroristes ». Je comprends parfaitement la peur que suscite... Compte tenu du passé du peuple juif, il est normal que cette situation inspire la crainte et la terreur. Ceux qui n'ont pas vécu cette expérience vont peut-être tout simplement attribuer ces gestes à des voyous. Malheureusement, on utilise encore l'expression « tueurs du Christ » dans un trop grand nombre de pays. Cette idée est répandue depuis des siècles, et il faudra des siècles pour la faire disparaître — du moins, c'est ce que je pense.
    Connaissez-vous David Bittan, le vice-président de la Confédération des Associations israélites du Venezuela? Nous avons fait quelques recherches en vue de votre comparution.
    Je vais tout simplement vous lire ce que j'ai ici: d'après une organisation juive bien connue du Venezuela, la Confédération des Associations israélites du Venezuela, la dénonciation de Chávez par des organismes américains comme ADL ou le Centre Simon Wiesenthal a été contre-productive, parce qu'à l'époque — c'est-à-dire en 2009, à la suite des incidents — , le gouvernement vénézuélien s'efforçait de tendre la main à la communauté juive de Caracas. L'an dernier, M. Bittan, le vice-président de la confédération, a affirmé que le gouvernement prenait les plaintes de la communauté au sérieux, que le nombre d'articles antisémites dans la presse vénézuélienne avait diminué de 60 p. 100.
    Eh bien, un seul article est de trop, c'est évident.
    Certains des témoins que nous avons rencontrés ont fait état de l'existence de problèmes du côté des forces policières du pays. Ils ont laissé entendre qu'un des premiers gestes de Chávez, à son arrivée au pouvoir, a été de procéder à une réforme de la police, qualifiée de véritable bande criminalisée.
    Il est vrai qu'une enquête internationale, s'il est possible d'en mener une, serait peut-être justifiée dans ce cas-ci. Si, comme vous l'affirmez, le racisme est systémique au sein du gouvernement du Venezuela, il est bien caché.
    Si les auteurs de ces actes étaient effectivement de simples voyous, comme l'indiquait le gouvernement, alors il faut qu'on le démontre très clairement. Encore une fois, si le racisme systémique...
    Personnellement, je crois que, d'après les témoignages que nous avons entendus, et plusieurs personnes ont parlé en bien de la Constitution, des changements qui ont été apportés, du fait que même si le référendum a été perdu par une faible marge, M. Chávez a respecté les résultats, il y a, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, des choses positives qui se produisent — je ne remets pas cela en question. Ce n'est pas l'impression que je veux donner.
    Autre point: nous avons appris que le Venezuela est entouré de bases américaines et que le pays se sent menacé. On ne l'a pas dit en ces termes, mais ce motif a été invoqué pour expliquer le virage de Chávez à l'égard de l'Iran, avec qui il veut créer une alliance, et Cuba, justement parce qu'il craint d'être renversé.
    Vu la grande complexité de la situation, il est compréhensible les gens assimilent tout cela à de l'antisémitisme.
    Il y a des personnes au Canada qui ont dénoncé l'invasion de Gaza — environ 1 500 civils ont perdu la vie au cours de celle-ci — ou, plus récemment encore, l'attaque par Israël de bateaux dans les eaux internationales, un geste que je déplore — je peux comprendre leur motivation, mais pas ce qui s'est passé . Or, cela ne fait pas d'elles des antisémites. Je serais le premier à remettre en question un tel jugement. Je me considère comme un ami de la communauté juive. Or, il arrive parfois que les amis posent des questions très dures.
    Comment dissocier l'antisémitisme des préoccupations réelles que suscite le comportement d'Israël depuis plusieurs années?
    Voilà la question que je me pose. Vous souhaitez peut-être y répondre.
(1345)
    Merci pour ces propos réfléchis. J'aimerais en parler brièvement.
    Il y a une chose qu'il importe de souligner: la presse vénézuélienne est très différente de la presse canadienne. Concernant la baisse de 60 p. 100 des articles antisémites, les médias sont contrôlés par le gouvernement, ce qui veut dire qu'il y a encore un certain nombre de messages qui sont véhiculés par le gouvernement.
    Voici la page de garde d'un journal qui a été publié le jour de ma visite, l'an dernier. Il s'agit d'un journal qui est publié par la PDVSA, une société pétrolière d'État. L'article porte sur Israël. Pour un survivant de l'Holocauste, le fait de voir les mots nueva administración, nouvelle administration, associés à la situation politique de Gaza, le fait de voir des images de l'Holocauste dans un journal soutenu par le gouvernement — il ne fait pas partie de la presse libre — suscite beaucoup de crainte au sein de la communauté. Je vais vous laisser ce document pour que vous puissiez le faire circuler.
    Pour ce qui est de savoir ce qui a poussé certaines personnes à commettre des atrocités, à terroriser la communauté juive en vandalisant la synagogue le matin du sabbat, on se demande quel motif pourrait être à l'origine de ces actes constants qui ont pour but de semer la peur et la crainte. Quels objets de valeur voulait-on voler dans une synagogue, un samedi matin? II n'y avait pas d'argent à cet endroit. Ils n'ont pas pris les rouleaux de la torah, ou encore les objets rituels. Ils ont laissé des messages sur les murs. Ils ont tout renversé dans les bureaux. Ils ont laissé les objets rituels cassés sur le plancher.
    Pourquoi le gouvernement mènerait-il un tel raid? Que cherchait-on en 2004, en 2007? Pourquoi poser un tel geste? Nous ne le savons pas. Pour ce qui est de savoir s'il existe une autre réponse, tout le monde se demande s'il y a quelqu'un d'autre en dehors du gouvernement vénézuélien qui souhaite envoyer un tel message à la communauté juive. La question reste sans réponse. Donc, oui, nous aimerions tous qu'une enquête soit menée.
    Autre point qui a déjà été mentionné et qui constitue, bien sûr, une autre source de préoccupation : les relations difficiles avec l'Amérique, les États-Unis, peut-être en raison de certains enjeux qui visent de manière précise cette région. Mais si l'Amérique n'est pas votre allié, alors qui l'est? Il n'est pas nécessaire que ce soit l'Iran. Voilà ce qui inquiète... et devrait inquiéter la communauté internationale: nous avons un allié au Venezuela qui est en train de se rapprocher de l'un des régimes les plus dangereux que le monde ait connu en 50 ans. Cette situation devrait nous alarmer.
    Vous avez parlé de raids menés par le gouvernement. Y avait-il des troupes armées, des policiers? Qu'est-ce qui vous permet de croire que le gouvernement était derrière tout cela?
    Il s'agissait tout simplement de raids militaires bien coordonnés.
    C'est ce que j'essaie de dire. Nous avons ici une situation où les policiers peuvent, potentiellement, se comporter comme des militaires. Je ne sais pas quel type de formation ils reçoivent au Venezuela, et j'exagère peut-être, mais... Tout cela est troublant, c'est vrai.
    Vous avez parlé d'actes physiques — les bureaux saccagés, les profanations. Y a-t-il des gens qui ont été attaqués? Y a-t-il eu des blessés, des morts?
(1350)
    Il n'y a eu aucune attaque physique lors de ces incidents. Les attaques ont eu lieu très tôt le matin, alors que personne n'était présent. Des attaques physiques ont eu lieu, en raison surtout du non-respect des lois qui prévaut au Venezuela, en particulier le long de la route dangereuse qui relie l'aéroport à la ville de Caracas. Plusieurs incidents ont été recensés. Mentionnons les attaques commises contre les dirigeants de la communauté qui, à leur retour de l'aéroport, ont été sortis de force de leurs voitures, frappés et volés.
    C'est exactement là où je veux en venir. Le Venezuela est reconnu à l'échelle internationale comme étant un pays violent. D'ailleurs, et je ne vise pas le Venezuela en particulier, il y a de nombreux pays d'Amérique du Sud qui ont des escadrons de la mort. Les disparitions de personnes sont chose fréquente. Si le gouvernement veut créer un sentiment de terreur, s'il veut se livrer à ce genre de pratique, il peut très bien le faire. Nous ne pouvons pas nier ces faits. Je pense que les forces policières sont hors de contrôle, qu'elles se comportent comme des bandits. Les motifs sous-jacents, les opinions antisémites, continuent d'exister, j'en suis convaincu, et c'est la raison pour laquelle je pose ces questions.
    Je n'essaie pas de blanchir M. Chávez. Il semble être à la dérive, contrairement à l'impression qu'il donnait quand il a été élu la première fois. C'est la conclusion qui se dégage des témoignages que nous avons entendus. Les gens qui ont vanté la constitution du Venezuela se disent très inquiets. Malgré les progrès importants réalisés en 10 ans dans le domaine de l'éducation et des soins de la santé, ils sont très préoccupés, selon moi, par les gestes que pose M. Chávez. Ils se demandent si la situation ne commence pas à déraper. C'est un personnage complexe.
    Je vais vous répondre, et ensuite revenir à un point qui a été soulevé, plus tôt. Vous avez dit qu'il y a des gens, au sein de la communauté, qui font état de progrès, qui affirment que nous sommes sur la bonne voie. Voici le conseil que m'ont donné les dirigeants de la communauté: parlez haut et fort, et continuez de le faire, car il y a ses choses que vous pouvez dire, mais que nous devons taire.
    Voilà ce qu'ils m'ont demandé de faire.
    Pour ce qui est des motifs de M. Chávez, de ses liens avec l'Iran, des propos écrits par les vandales sur les murs de la synagogue, propos qu'il a cités verbatim — un gouvernement ou un leader qui s'inquiète du sort réservé à une minorité, de la place qu'elle occupe dans ce pays, se distancerait tout naturellement de ce genre de choses au lieu de les embrasser.
    C'est vrai.
    Merci.
    Je vous ai laissé parler un peu longtemps que prévu. Vous avez eu la parole pendant presque 12 minutes. Nous devions avoir des tours de huit minutes, mais j'ai eu l'impression que nous arrivions au coeur du sujet, vers la fin.
    Qui va commencer: M. Sweet ou M. Hiebert?
    Monsieur Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venu nous rencontrer. Votre témoignage est fort intéressant.
    Je voudrais d'abord dire que les faits que vous nous avez présentés sont très clairs. Lorsque plus de la moitié de la population juive quitte un pays, c'est qu'il doit y avoir quelque chose qui la pousse à le faire. Le fait que le nombre d'étudiants soit passé de 24 000 à 10 000 montre clairement que les gens ne se sentent plus en sécurité.
    Vous avez parlé brièvement du vol hebdomadaire qui relie Caracas à Téhéran. Vous avez dit qu'il n'y a aucun siège de libre à bord ce vol. Cela me fait penser à d'autres enjeux qui ont été portés à notre connaissance.
    J'ai ici un article de journal publié la semaine dernière qui affirme que le Venezuela possède deux mines d'uranium. Toutefois, il n'a pas la capacité d'enrichir l'uranium. Or, l'Iran l'a. On dit que lors d'une rencontre entre Ahmadinejad et Chávez, à Caracas, en 2006, les deux dirigeants ont signé des contrats, dont un qui permet à l'Iran de construire une usine de fabrication de munitions au Venezuela. On a émis des hypothèses concernant les vols hebdomadaires, mais aucune preuve concrète n'a été fournie.
    Avez-vous des renseignements au sujet de ces vols et du fait qu'il n'y a aucun siège libre à bord de ceux-ci? Que peut-il bien se passer?
(1355)
    Je n'ai pas de renseignements privilégiés là-dessus. C'est ce qui inquiète tellement la communauté juive, le fait que personne ne sait vraiment ce qui se passe. Je n'ai pas d'informations concrètes à ce sujet.
    Pour ce qui est du niveau de collaboration entre l'Iran et le Venezuela, encore une fois, nous ne savons pas ce qui se passe et cela devrait nous préoccuper au plus haut point.
    Permettez-moi aussi d'attirer votre attention sur un autre reportage publié la semaine dernière, sur lequel j'aimerais entendre vos commentaires. Il s'agit d'un article de l'Associated Press qui raconte qu'un représentant du gouvernement a récemment empêché six candidats anti-Chávez de se présenter aux élections de septembre. L'article dit que le gouvernement peut empêcher une personne de se porter candidat à des élections même s'il n'a que des soupçons et aucune preuve tangible.
    Avez-vous des commentaires sur la viabilité de l'opposition au Venezuela? Aux élections de septembre, le choix sera-t-il clair pour les Vénézuéliens? Quel est l'état de l'opposition?
    Chávez a lui-même affirmé, la semaine dernière, que ce sont les « Israéliens maudits » qui soutiennent l'opposition dans son propre pays.
    Puisque je ne vis pas au Venezuela, je ne peux pas commenter l'état de l'opposition. Par contre, je peux dire que le gouvernement contrôle les médias du pays. Là-bas, la liberté de la presse et la liberté d'expression ne sont pas respectées, alors que nous souhaitons qu'elles le soient chez tous nos alliés. Toute opposition ferme ne pourrait certainement pas durer.
    On a l'impression que Chávez ne reçoit l'appui que d'un très faible pourcentage de la population vénézuélienne. Pourtant, il parvient à se faire élire chaque fois. Parmi les Vénézueliens à qui j'ai parlé, notamment des employés aux aéroports, des policiers et d'autres chefs religieux de la communauté juive, personne ne l'appuie. Qui vote pour lui? Comment parvient-il à être réélu et à demeurer au pouvoir? Je l'ignore. Il y arrive probablement en étouffant les médias et en contrôlant ce qui se dit tant au Venezuela qu'à l'extérieur du pays.
    Monsieur le président, je vais laisser mon collègue utiliser le reste de mon temps.
    Très bien.
    Vous avez quatre minutes, monsieur Sweet.
    Je vais seulement utiliser une partie de ce temps pour poser des questions au témoin. J'aimerais plus tard aborder, à huis clos, une question urgente.
    Vous avez brossé un assez bon tableau de la situation, monsieur le rabbin. Merci d'avoir pris le temps de vous déplacer jusqu'ici et bien sûr de vous être rendu au Venezuela.
    Combien de fois avez-vous rendu visite à la communauté juive au Venezuela?
    J'y suis allé une fois.
    Vous y êtes allé une fois.
    Avez-vous pu constater si les médias au Venezuela ont rapporté que...? Vous avez parlé de perquisitions, d'une entrée par effraction, puis d'une bombe. On a procédé à des arrestations, mais je suppose qu'aucun procès n'a eu lieu.
    Est-ce que les médias ont rapporté ces évènements de quelque façon que ce soit?
    Tout à fait. Les médias ont parlé de l'ensemble de ces évènements, mais leurs propos sont bien sûr surveillés. Tout le monde est au courant de ce qui s'est passé; c'est le but des attaques. Personne n'en connaît les auteurs, sauf dans le cas des perquisitions ordonnées par le gouvernement. Aucune loi n'a été violée lors de ces fouilles. S'il a des soupçons, le gouvernement a bien entendu le droit de procéder à la perquisition d'un établissement communautaire en suivant le protocole.
    Personne ne connaît la raison de ces attaques. Les médias en parlent. Qui en est responsable? Nous l'ignorons toujours. Pourtant, les faits sont rapportés. La communauté juive a d'autant plus peur que ces attaques continuent. Et malgré la vague d'inquiétude et la solidarité naturelle... Les gens craignent de montrer leur solidarité. Cette société n'est pas ouverte comme la nôtre, et c'est ce qui effraie aussi la communauté juive.
    Oui, les médias parlent de ces évènements. Tout le monde au Venezuela sait que des établissements communautaires juifs ont été la cible d'attaques en 2009. On n'a aucune idée du motif des attaques ni des auteurs.
(1400)
    Après les attaques, Hugo Chávez a repris mot pour mot les messages que ces vandales, ces terroristes, ces voyous — peu importe comment on les nomme — avaient laissés sur les murs; il s'agit là d'un lien flagrant qui a échappé aux médias.
    À ma connaissance, aucun média n'a fait le rapprochement.
    Étant donné la quantité d'éléments de preuve concernant chacun de ces trois incidents distincts, et, bien sûr, l'expulsion de l'ambassadeur, le rabbin...
    Vous savez, c'est une bonne chose que si vos voisins vous inquiètent... bien sûr, nous avons entendu des témoins qui affirmaient le contraire et disaient qu'il est loin d'être fréquent de rencontrer des gens qui craignent les Américains ou les Colombiens. En fait, le dernier témoin que nous avons reçu disait que la grande majorité de sa famille vient de la Colombie, ce qui est le cas de beaucoup d'autres Vénézuéliens.
    Le fait qu'il ait étreint Ahmadinejad, le pire violateur des droits de la personne au monde, à mon avis... Nous venons de terminer un rapport à ce sujet. J'irais même plus loin que vous, monsieur le rabbin, en disant que son régime est le plus dangereux qui ait jamais existé. Bien entendu, beaucoup de témoignages ont corroboré cette affirmation.
    J'aimerais vous remercier pour votre témoignage.
    Monsieur le président, je voudrais que nous poursuivions à huis clos maintenant, car il y a un point important à propos du rapport sur l'Iran dont j'aimerais discuter avec les membres du comité.
    D'accord.
    Monsieur le rabbin, je vous remercie beaucoup d'être venu et d'avoir témoigné.
    Je dois maintenant demander le vote sur la motion visant à poursuivre la séance à huis clos, qui ne fera pas l'objet d'un débat. Si elle est adoptée, vous devrez quitter la salle.
    Merci, monsieur le président.
    Vous n'avez pas à partir maintenant. Nous n'avons pas encore décidé si nous allons continuer à huis clos.
    Tous ceux qui sont en faveur de poursuivre à huis clos?
    Très bien. Puisque la majorité des membres sont d'accord, nous allons poursuivre à huis clos.
    Monsieur le rabbin, je vous remercie beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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