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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 002 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mars 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Nous sommes le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous tenons notre deuxième séance. Nous poursuivons notre étude du système correctionnel fédéral, en particulier la santé mentale et la toxicomanie.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins cet après-midi: Brenda Tole, directrice à la retraite; Ruth Martin, enseignante clinique; et Amber-Anne Christie, adjointe de recherche. Nous vous souhaitons à toutes la bienvenue au comité.
    Avant de commencer vos déclarations, vous pouvez vous présenter un peu plus en détail. Ensuite vous aurez environ 10 minutes pour chacune de vos déclarations préliminaires.
    Si vous n'avez jamais comparu devant le comité, sachez que c'est l'opposition officielle qui commence normalement la période de commentaires et de questions, puis la parole est accordée, tour à tour, à chacun des partis politiques. Voilà notre façon de fonctionner au comité.
    Avez-vous décidé qui va commencer?
    Madame Christie, allez-y.
    Je suis membre des premières nations cries. Incarcérée pour la première fois à l'âge de 20 ans, je suis retournée en prison 30 fois au cours des cinq années suivantes. La dernière fois, j'ai séjourné six mois au Centre correctionnel pour femmes Alouette. Avant cela, j'ai été détenue à l'établissement de détention avant-procès de Surrey ainsi qu'au Centre correctionnel pour femmes de Burnaby. J'ai été longtemps héroïnomane et j'ai vécu dans la rue dans les quartiers de l'est de Vancouver. Je ne prends plus de drogue ni d'alcool et je ne suis pas retournée en prison depuis quatre ans et demi. Je suis devenue mère et j'apporte ma contribution à la société.
    J'occupe un poste d'adjointe de recherche à l'Université de la Colombie-Britannique, où je fais de la recherche participative axée sur la communauté. Je travaille dans le cadre du projet Doing Time, au sein d'une équipe appelée Women in 2 Healing. Mon travail consiste à interroger les femmes qui ont été incarcérées dans un établissement provincial au cours de la dernière année. Nous les rencontrons immédiatement après leur sortie de prison, puis trois, six, neuf et douze  mois plus tard pour savoir si elles ont atteint leurs neuf objectifs de santé.
    Nous participons également à un projet de recherche participative dans la collectivité intitulée Aboriginal Healing Outside Of The Gates, dont je vais vous parler plus en détail dans ma déclaration liminaire. Nous avons pour but d'aider à la réinsertion sociale sans encombre de ces femmes dans la collectivité.
    Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui, et j'espère que vous allez écouter ce que j'ai à dire.
    Lorsque j'ai passé en revue le montage documentaire sur l'incarcération d'Ashley Smith, je n'ai pas pu m'empêcher de voir un lien entre nous deux. J'ai été en prison 30 fois. Vingt-neuf fois sur 30, la peine a été purgée en isolement, du moins en partie. Je comprends entièrement la solitude et l'isolement ressentis quand on est confiné dans une cellule à ne rien faire toute la journée et aussi que l'on ait désespérément besoin d'avoir un contact humain. Je me souviens d'attendre impatiemment les repas pour pouvoir lire incessamment les étiquettes des bouteilles. Je n'étais pas en isolement pour des raisons de comportement ou de sécurité, mais parce que j'étais en sevrage d'héroïne.
    Je ne pouvais pas encore avoir dans ma cellule quoi que ce soit pour me tenir occupée, comme un livre ou du papier et un stylo. J'attendais avec impatience que le garde fasse le compte des détenues en espérant que ce serait un garde assez gentil pour nous dire comment était sa journée. C'était une forme de contact humain.
    Je suis restée plongée dans ce cercle vicieux jusqu'à ma dernière journée dans le système correctionnel en 2005. J'ai été envoyée pour la première fois au Centre correctionnel Alouette pour les femmes, et c'était aussi la première fois que je n'ai pas été mise en isolement. C'était à l'époque où Brenda Tole était la directrice et Ruth Martin le médecin de l'établissement. Lorsque je suis arrivée à Alouette, j'ai passé un examen médical, et à mon grand étonnement, on m'a assigné à une unité.
    J'ai ensuite obtenu un emploi dans l'établissement, puisqu'il s'agissait d'un camp de travail, et j'ai repris contact avec des membres de ma famille à l'extérieur de l'établissement grâce à l'aide d'un médecin extraordinaire qui m'y avait encouragée. J'ai aussi reçu des soins de santé à l'établissement, ce que j'ai rarement obtenu dans d'autres établissements. J'étais très malade, et souffrais de nombreuses complications attribuables à ma consommation de drogues. J'étais en détention provisoire, alors je ne pouvais pas avoir accès au programme axé sur la toxicomanie ou la maîtrise de la colère.
    Toutefois, il était difficile de ne pas remarquer un programme très présent. Il y avait des bébés en établissement. J'ai été surprise la première fois que j'ai vu les bébés. L'établissement fonctionnait plus comme un centre de réinsertion sociale qu'une prison. C'était extraordinaire. Non seulement y avait-il une bibliothèque et un gymnase, mais il y avait aussi une personne aînée à qui parler. On pouvait aussi jouer du tambour et danser tous les mardi soirs. Étant moi-même mère, je dois avouer que cela m'a permis de me souvenir de choses auxquelles je renonçais, et je sais que les autres détenues composaient avec leurs problèmes et réagissaient différemment parce qu'il y avait un bébé sur place.
    J'ai été libérée de prison en octobre 2005, et je n'y suis pas retournée depuis. Je serais la première à vous dire que cet établissement a changé ma vie. J'ai été dans de nombreux autres établissements auparavant, mais dans cet établissement, j'ai été traitée comme une personne, et non comme un numéro.
    Un an après ma mise en liberté, j'ai contacté sur Facebook un groupe appelé ACCW alumni. Nous nous sommes réunis à l'extérieur de la prison et avons commencé la recherche que Ruth avait entreprise pour nous à l'établissement. Aujourd'hui, je travaille à l'Université de la Colombie-Britannique comme adjointe de recherche, et ce depuis plus d'un an, et je suis membre de l'équipe Women in 2 Healing. Nous faisons de la recherche dans des domaines qui nous passionnent dans l'espoir de donner lieu à des changements.
(1535)
    Nous formons un réseau de soutien composé de femmes qui doivent faire face aux défis de l'incarcération. Le fait de travailler avec Women in 2 Healing a changé ma vie de nombreuses façons. Aujourd'hui, je peux aider d'autres détenues à faire face à ces défis.
    Je travaille également pour le projet Doing Time. Nous passons en entrevue des femmes à leur sortie de prison, puis trois, six, neuf et douze mois plus tard. Nous leur posons des questions sur l'accès aux soins de santé, le logement, les ressources communautaires, la consommation de drogue, la spiritualité, l'estime de soi et l'emploi, entre autres. Notre équipe a passé en entrevue plus de 500 femmes.
    Nous sommes à mi-chemin de notre troisième projet financé par contributions, un autre projet de recherche participative communautaire, appelé Aboriginal Healing Outside of the Gates. Dans le cadre de ce projet, nous passons en entrevue des femmes autochtones qui ont été incarcérées dans des centres de correction provinciaux et fédéraux.
    Ce projet a pour objectif d'identifier exactement les défis auxquels les femmes doivent faire face après avoir été dans la collectivité pendant un certain temps, l'impact de leur incarcération sur leur cheminement en matière de réinsertion sociale et les obstacles. Nous voulons aussi savoir quel pourcentage des femmes ont eu accès aux soins de santé et à des ressources communautaires après leur mise en liberté.
    Ce qu'on voit jusqu'à maintenant, c'est qu'un pourcentage élevé de femmes ont recommencé à consommer de l'alcool et des drogues en raison de leur incapacité à pouvoir avoir un accès approprié à des ressources et à obtenir un emploi. Mais les femmes ont toujours espoir qu'elles pourront changer la situation.
    Elles nous ont aussi dit qu'elles doivent être traitées avec dignité et respect. Ce n'est pas toujours le cas après l'incarcération. Elles sentent toutes le besoin de ne pas être poussées à faire n'importe quoi après leur incarcération. Ce n'est pas ce qu'elles veulent. Je dois dire qu'un emploi stable, un réseau de soutien composé de personnes sûres et le fait d'avoir quelqu'un qui écoute ont été les grands facteurs positifs dans ma vie jusqu'à maintenant.
    Parmi les plus grands défis pour les femmes mises en liberté — et je veux mettre l'accent là-dessus, c'est que les femmes ne peuvent pas avoir de références pour un logement à leur mise en liberté; elles finissent donc par être sans-abri. Sur 500 femmes, 40 p. 100 étaient sans-abri au moment de leur mise en liberté — je dis bien 40 p. 100 — et beaucoup d'autres, la grande majorité, finissent par être sans-abri en l'espace de quelques mois. Cette situation doit changer.
    Elles n'obtiennent pas non plus les traitements en matière de toxicomanie et de santé mentale dont elles ont besoin et qu'elles désirent. Aussi, on n'accorde pas assez de place aux femmes dans les centres de traitement qui acceptent les femmes sortant de prison. Les centres qui sont prêts à les accueillir ont de longues listes d'attente, et la majorité des centres n'acceptent pas ces femmes justement parce qu'elles ont été en prison.
    Le fait de donner à une femme en prison un chèque de bien-être social et de lui dire « débrouille-toi » ne constitue pas une réinsertion sociale. Les lacunes dans le système doivent être comblées.
    Je vous remercie de m'avoir écoutée.
(1540)
    Merci beaucoup. Nous vous remercions.
    À qui le tour?
    Madame Martin, allez-y.
    Aujourd'hui je porte trois chapeaux. Je jongle avec un bon nombre de chapeaux, mais aujourd'hui, j'en porte trois.
    En tant que médecin de famille en milieu carcéral, j'ai travaillé dans le système correctionnel pendant 16 ans, essentiellement auprès des femmes et surtout dans le système provincial, mais j'ai tout de même de l'expérience dans les établissements pour hommes et le système fédéral.
    En plus d'être médecin, je suis également enseignante clinique au département de médecine généraliste à l'Université de Colombie-Britannique. Amber a parlé de quelques recherches auxquelles je participe.
    En troisième lieu, et c'est un poste plus récent, je suis directrice du Collaborating Centre for Prison Health and Education. C'est un groupe composé d'universitaires et d'organisations communautaires — en fait, nous accueillons quiconque veut se joindre à nous — qui cherchent à trouver des façons de faciliter les possibilités de collaboration touchant les services de recherche dans l'éducation en matière de santé et de défense des droits des détenus, de leurs familles et des collectivités.
    J'aimerais vous faire part de cinq réflexions personnelles que j'ai formulées sur la santé mentale, essentiellement en ce qui a trait aux femmes détenues. Ces réflexions personnelles cadrent avec les publications sur la santé en milieu carcéral que j'ai indiquées dans les notes en bas de page du mémoire que je vous ai présenté. Je serais heureuse de vous fournir ces documents si vous souhaitez en prendre davantage connaissance ultérieurement. N'hésitez pas à me le demander.
    Il est bien établi que les populations carcérales partout dans le monde sont en moins bonne santé que la population en général, et que les femmes détenues sont en moins bonne santé que les détenus du sexe opposé. En tant que médecin en milieu carcéral, j'ai pu le constater au fil des ans. En voyant les femmes entrer et sortir du système carcéral au fil des ans, j'ai pu constater que la plupart des femmes sont incarcérées en raison de crimes découlant de leurs problèmes de santé et de leur vie sociale désordonnée. Par conséquent, je me suis rendu compte que la clé de la réinsertion réussie des femmes dans la société repose sur la façon dont on peut habiliter les femmes détenues à améliorer leur santé.
    La seconde réflexion porte sur les membres des peuples autochtones qui sont, de façon tragique, surreprésentés dans nos systèmes. Au fil des ans, j'ai écouté des patients autochtones et des collègues autochtones m'expliquer la façon dont ils perçoivent la santé. Ils m'ont appris que la santé mentale n'est pas un problème distinct. Elle fait partie intégrante de la santé physique, émotionnelle et spirituelle d'une personne. Je me suis rendu compte que j'ai commencé ma carrière avec un point de vue très eurocentrique ou occidental de la santé, et j'ai compris que si l'on veut que les détenus participent à l'amélioration de leur santé, nous devons tous améliorer nos connaissances culturelles et notre sensibilité à cet égard.
    Troisièmement, je voudrais également que vous sachiez que les femmes qui ont déjà été incarcérées, sont des expertes en ce qui a trait à leur propre santé. Et j'ai pu confirmer ce point de vue dans le cadre du projet participatif de recherche sur la santé que nous avons entrepris en milieu carcéral. Je pensais que nos recherches allaient cibler le VIH, l'hépatite C et la toxicomanie, mais en fait, lorsque nous avons demandé aux femmes détenues quels sujets de recherche pourraient les aider à améliorer leur santé, elles nous ont dit qu'elles voudraient devenir de meilleures mères. Elles voulaient participer à un travail pertinent. Elles voulaient améliorer le soutien des collectivités et obtenir des logements sûrs.
    Les objectifs recensés par les détenues comme étant importants pour améliorer leur santé étaient très semblables à mes propres objectifs et, probablement, aux vôtres. Ils sont conformes aux documents publiés ayant trait à la santé mentale, à l'inclusion sociale et à la promotion de la santé. Tous ces documents s'entendent pour dire que, si l'on veut améliorer la santé mentale d'une population, il faut renforcer la confiance en soi, faire en sorte que les gens participent aux processus décisionnels et mettre l'accent sur leurs atouts plutôt que sur leurs lacunes. Ainsi, nous pourrons accroître leur sentiment d'espoir et les convaincre qu'ils peuvent réussir et apporter des changements.
    La quatrième chose que j'ai apprise grâce à mon travail avec le centre de collaboration, c'est que bon nombre d'organisations plurisectorielles souhaitent vivement collaborer avec les établissements carcéraux pour promouvoir la santé. En fait, elles reconnaissent qu'elles devraient avoir un rôle à jouer, particulièrement en ce qui touche deux composantes des services.
    D'abord, les détenues devraient avoir accès aux meilleurs services carcéraux multidisciplinaires axés sur les patients que nous pouvons leur offrir, y compris en santé. Ensuite, lors de la période de transition pour s'adapter au monde extérieur, les détenues devraient avoir accès à une continuité de soins bien coordonnés. Voici trois exemples de ce que je viens de dire: des collaborations interministérielles dans d'autres pays en matière de santé, des collaborations entre universitaires en matière de santé et des collaborations à l'échelle de l'établissement carcéral et de la collectivité, si on veut.
(1545)
    Et finalement, j'aimerais souligner que la plupart des détenus que j'ai rencontrés ne sont pas en bonne santé mentale. Comme vous le savez, le taux de prévalence varie selon la façon dont on diagnostique la maladie mentale ou bien selon la façon dont on la mesure. Dans la documentation, on voit qu'elle varie de 12 p. 100 jusqu'à entre 76 à 80 p. 100, et ce sont les chiffres que vous ont mentionnés les témoins précédents.
    La plupart des femmes que je vois dans les cliniques en milieu carcéral ne peuvent pas être diagnostiquées comme étant atteintes d'une maladie mentale psychiatrique, et leur état de santé ne justifie pas qu'on les transfère dans un hôpital ou un centre de traitement psychiatrique. Toutefois, la plupart des personnes que j'ai vues en prison ont des problèmes de santé mentale comme l'anxiété, l'insomnie, des rappels de traumatisme antérieur, des épisodes dépressifs, des conflits interpersonnels et un mauvais contrôle de leurs pulsions. Ils ont également des problèmes de dépendance, qui sont associés aux problèmes de santé mentale. Certains peuvent être liés à un état sous-diagnostiqué ou sous-contrôlé, comme un problème d'apprentissage ou le syndrome d'alcoolisation foetale.
    Peu importe, toutes les femmes en établissement carcéral m'ont dit que si elles pouvaient trouver une façon d'améliorer leur santé mentale pendant leur détention, elles auraient une meilleure chance de succès à leur sortie de prison. J'ai réfléchi sur environ six suggestions — et peut-être même davantage — découlant de mon expérience de travail avec les détenus et de la documentation sur le milieu carcéral.
    Première suggestion. Au Canada il faudrait que l'incarcération soit perçue comme étant une possibilité pour les détenus d'améliorer leur santé mentale et de changer leur vie. Par conséquent, il faudrait faire tout en notre pouvoir pour favoriser les processus dans les établissements carcéraux qui ont obtenu du succès dans l'amélioration de la santé.
    Deuxième suggestion. Il faudrait intégrer dans tous les systèmes correctionnels des processus participatifs permettant d'écouter ce que les anciens détenus ont à dire sur les façons d'améliorer la santé mentale dans ces établissements et d'agir sur leur recommandation.
    Troisième suggestion. Les établissements carcéraux sont des milieux de travail très stressants. Le personnel carcéral ressent une véritable tension entre la prestation de soins et la sécurité, ce qui est très épuisant pour le personnel. Le moral du personnel de détention influe grandement sur la santé mentale des détenus. Par conséquent, les établissements carcéraux devraient adopter ce que la documentation décrit comme étant « une méthode visant l'ensemble de l'établissement », qui vise à promouvoir la santé tout en suscitant l'adhésion du personnel et des détenus. Ainsi, les établissements carcéraux deviendront plus efficaces dans l'amélioration de la santé mentale des détenus.
    Quatrième suggestion. Il faut favoriser des milieux carcéraux sains, parce qu'ils permettent de renforcer les avantages obtenus par les détenus qui participent à des programmes d'éducation en milieu carcéral. À l'inverse, un milieu carcéral malsain neutralisera et sapera les avantages fournis par ces programmes.
    Cinquième suggestion. Les établissements qui ont recours à des solutions de rechange créatives plutôt qu'à l'isolement cellulaire favorisent une meilleure santé mentale à la fois pour le personnel et pour les détenus. Le recours à l'isolement ne contribue pas à améliorer la santé mentale d'une personne. L'isolement est plutôt nocif à cet égard, surtout parmi les personnes ayant des difficultés préexistantes en matière de santé mentale. Par conséquent, au Canada, nous devrions soutenir et féliciter les équipes de gestion d'établissements carcéraux qui n'ont pas recours à l'isolement. En fait, nous devrions décourager le recours à l'isolement cellulaire au Canada.
    Sixième suggestion. Étant donné que la mentalité d'ensemble d'un milieu carcéral influe sur la santé mentale du personnel et des détenus, nous devrions tout faire, des plus hauts échelons ministériels jusqu'aux simples exécutants, pour soutenir les équipes de gestion d'établissements carcéraux qui mettent en place un système de valeurs sain.
    Merci beaucoup d'avoir écouté mes réflexions. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants.
    Madame Tole, enfin.
    Monsieur le président et membres du comité, je suis très heureuse d'être ici et d'avoir la possibilité de vous parler au sujet de questions très importantes en matière d'établissement carcéral.
    Mon expérience a été acquise dans le système correctionnel de la Colombie-Britannique. J'ai travaillé pendant 36 ans dans ce secteur à la fois au sein des collectivités et dans les milieux carcéraux où j'ai collaboré avec des jeunes, des hommes et des femmes. Le dernier poste que j'ai occupé est celui de directrice de prison au centre correctionnel Alouette pour les femmes.
    Au fil des ans, la Colombie-Britannique a tiré profit de ses relations avec Service correctionnel Canada. Ce ministère est généreux lorsqu'il s'agit de partager de l'information concernant les politiques, les programmes et la recherche. Le système provincial accueille les détenus en détention provisoire, ceux ayant reçu une peine d'emprisonnement ainsi que les détenus immigrants. La peine d'emprisonnement maximale dans le système provincial est de deux ans moins un jour. Toutefois, il arrive souvent que les personnes passent de longues périodes, voire quelquefois des années, en détention provisoire en attendant leur procès. Tous les délinquants qui sont admis à Service correctionnel Canada ont déjà été détenus dans un établissement provincial avant leur admission. En Colombie-Britannique, il y a environ 2 500 personnes en détention et 25 000 en supervision dans la communauté, qui ont été libérées sous caution ou qui sont en probation. La différence dans la durée des peines a d'énormes répercussions pour ce qui est des programmes et de la prestation de services ainsi que de la réinsertion sociale. Mais les deux systèmes font face à des défis semblables. Service correctionnel Canada a le mandat d'assurer la protection du public tout en exerçant un contrôle humain. Le processus visant à trouver un équilibre entre l'attitude du public vis-à-vis des contrevenants, la recherche et les meilleures pratiques correctionnelles est très difficile.
    Ce comité met l'accent sur les délinquants ayant des troubles mentaux et la programmation qui leur est offerte. J'aimerais vous parler un peu des interventions et des initiatives qui, d'après moi, ont des résultats positifs pour le personnel, les entrepreneurs et les délinquants dans un milieu carcéral. Je vais mettre l'accent sur les délinquantes, puisque c'est le domaine où mon expérience est la plus récente, mais, bon nombre de ces questions sont pertinentes pour les deux types de population.
    Les délinquantes représentent environ 10 p. 100 de la population carcérale, et en raison de ce petit nombre, elles ont été largement influencées par la plus vaste population carcérale mâle dans des domaines comme la conception des établissements, la sécurité, la classification, l'évaluation des risques et des besoins et les programmes. Lorsque nous avons ouvert le centre correctionnel Alouette pour les femmes, nous avons eu la possibilité de nous éloigner progressivement d'un modèle axé sur la sécurité et le contrôle vers un modèle prosocial plutôt axé sur la responsabilité de la délinquante. Il est très difficile de s'éloigner des attitudes et des idées de longue date en matière de sûreté et de sécurité. Toutefois, nous avons trouvé que l'environnement plus normal rendait le centre plus sûr pour le personnel et les délinquantes, et que la violence institutionnelle et que les incidents faisant usage de la force étaient grandement réduits.
    Comme j'ai peu de temps, je vais brièvement dresser la liste de certains des facteurs qui selon moi ont contribué aux changements positifs dans ce centre.
    L'aménagement physique des lieux et l'environnement du centre ont une répercussion considérable sur le personnel et les délinquantes, particulièrement pour celles qui sont atteintes de troubles mentaux. Tous et toutes peuvent profiter de la lumière naturelle, de l'air frais, d'activités physiques à intervalles réguliers ainsi que de la liberté de mouvement lorsque c'est possible. Il est important de signaler que ce type de bâtiment est habituellement beaucoup moins coûteux à construire et à entretenir. La classification des femmes dans des milieux les moins restrictifs possibles doit être une des plus hautes priorités. Les femmes, particulièrement les femmes autochtones, ont tendance à être classées dans des établissements de sécurité plus élevée que nécessaire. Il est beaucoup plus cohérent et efficace de placer les délinquantes dans un milieu le moins restrictif possible au moyen d'un bon processus de classification plutôt que de les obliger à faire une demande de classement ou à mériter un classement. Tous les délinquants, particulièrement ceux ayant des troubles de santé mentale, fonctionnent beaucoup mieux dans un milieu thérapeutique moins restrictif.
    Par exemple, au centre Alouette, nous avions un certain nombre de délinquantes qui étaient en détention préventive avant leur transfert à Service correctionnel Canada. Elles fonctionnaient bien pendant des périodes de plus d'un an dans un centre à sécurité moyenne ouvert, c'est-à-dire dans notre centre. Lorsqu'elles recevaient leur peine, elles étaient transférées au système fédéral, et elles devaient rester dans un établissement à sécurité maximale pendant deux ans en raison de la politique. C'est un exemple qui, au plan de la classification, peut avoir d'immenses répercussions. La politique ne fait preuve d'aucune souplesse. Elle rend très difficile la mise en oeuvre de mesures visant l'intérêt de tous.
    Les délinquantes s'intéressent beaucoup aux programmes et services d'un centre correctionnel, et si elles sont sollicitées, elles peuvent contribuer à définir leurs besoins. Les communications ouvertes avec le personnel et l'administration peuvent réduire le développement d'une sous-culture négative, qui existe souvent dans un établissement correctionnel. Les délinquantes, sous la surveillance du personnel, devraient être encouragées à assumer la responsabilité de certains aspects pertinents du programme et des opérations. Les femmes autochtones semblent davantage affectées par leur isolement par rapport à leur famille et leur collectivité. Les programmes qui facilitent le retour de ces femmes dans leur collectivité, sous la supervision de la bande ou des composantes d'initiatives de justice communautaire, lorsque c'est possible, semblent présenter les meilleurs résultats. La surreprésentation toujours croissante des femmes autochtones dans les établissements carcéraux continue de poser de graves préoccupations. C'est une tragédie. Et je ne pense pas que l'ajout de programmes et de services visant les Autochtones dans l'environnement correctionnel actuel nous permettra de changer la situation.
(1550)
    Il est beaucoup plus prometteur de soutenir les gouvernements, les organisations, et les fournisseurs de service autochtones pour qu'ils assument davantage de responsabilités pour la gestion des délinquantes autochtones.
    Le respect mutuel entre le personnel et les délinquantes est essentiel pour un environnement sûr et sécuritaire. Les membres du personnel qui s'adressent aux délinquantes avec respect et qui mettent l'accent sur le professionnalisme et l'aide qu'ils peuvent apporter contribuent à la création d'un environnement qui est prosocial. Un meilleur milieu de travail a une incidence sur le recrutement et le maintien en poste du personnel et permet de réduire le taux d'absentéisme du personnel. Les aspects positifs de bonnes relations entre le personnel et les délinquantes se reflètent dans l'intérêt marqué pour les programmes et dans la participation. Il faut reconnaître que les effets négatifs de l'incarcération augmentent avec la durée de l'incarcération.
    Des services de santé de qualité constituent une des plus importantes composantes du centre correctionnel. Les professionnels en santé physique et mentale qui travaillent en coordination avec les services de correction pour offrir des services de santé uniformes et en temps voulu, y compris l'éducation préventive, sont essentiels. Il faut lutter constamment pour offrir des soins de santé comparables à ceux offerts dans la collectivité. Il est également nécessaire d'assurer la continuité des soins au moment de la réinsertion sociale. L'établissement de partenariats avec les autorités de santé provinciales permettrait d'assurer la continuité des soins et d'obtenir des normes égales à celles de la collectivité tout en préconisant une méthode axée sur « le patient d'abord, le délinquant après. » La formation offerte par les services de santé mentale dans le contexte judiciaire a été bénéfique pour notre personnel, par le passé. Les membres du personnel comprennent les symptômes de maladie mentale et les comportements non conformes parce qu'ils en ont un point de vue différent. Ça les a familiarisés au modèle d'interventions hospitalier pour traiter les délinquantes qui ont des problèmes de troubles mentaux.
    Le recours à l'isolement pour des raisons autres que des questions disciplinaires sérieuses a un effet très négatif sur les délinquantes, particulièrement lorsqu'il s'agit de femmes ou bien de femmes ayant des troubles de santé mentale. Je n'ai vu aucun avantage à isoler une personne du soutien, du réconfort et du contact humain pendant de longues périodes de temps. Au contraire, l'isolement a plutôt tendance à accroître les problèmes de comportement. Ce qui est plutôt bénéfique pour les délinquantes, ce n'est pas l'isolement, mais plutôt l'embauche de personnel supplémentaire ou d'entrepreneurs qui peuvent communiquer avec eux ou bien davantage d'attention accordée par des professionnels de la santé.
     L'automutilation est un problème complexe et difficile. En quatre ans au centre Alouette, nous avons été témoins d'un incident d'automutilation mineure, qui ne s'est pas répété. Je pense qu'il est important, lorsqu'on examine des problèmes d'automutilation d'en tenir compte non pas de façon isolée mais plutôt dans l'environnement dans lequel il se produit. C'est en fait un symptôme de détresse émotionnelle extrême.
    Pour ce qui est des femmes et de leurs enfants. Un pourcentage élevé de femmes incarcérées ont des enfants à leur charge. Les délinquantes se trouvent souvent dans des centres très éloignés de leurs enfants et de leurs familles. Cela devrait être une considération majeure lors de tout transfert administratif. Les initiatives qui font la promotion et qui favorisent le contact entre les femmes et leurs enfants sont très avantageuses pour l'un et l'autre. Cela comprend un plus grand nombre de visites, de courriels, d'enregistrements, d'appels téléphoniques et de lettres. La recherche indique que les enfants dont la mère est incarcérée subissent davantage de répercussions négatives si le contact avec leur mère est réduit ou absent. Un des facteurs les plus motivants pour inciter les femmes à changer leur comportement ou leur style de vie est la grossesse et le fait d'avoir des enfants. Le fait d'avoir un programme de soutien mère-enfant au centre Alouette a eu une incroyable incidence positive sur les mères qui ont participé ainsi que sur les autres délinquantes et les membres du personnel. Cette initiative était essentiellement une initiative en matière de santé, et elle a été réalisée conjointement avec le Vancouver Women's Hospital, qui nous avait demandé d'y songer. L'hôpital a travaillé de très près avec nous sur ce programme.
    Sur les 12 femmes qui ont ramené des bébés de l'hôpital et qui ont été libérées dans la collectivité avec leurs enfants, 11 d'entre elles n'ont pas été réincarcérées. Cette initiative était également le fruit d'un partenariat avec plusieurs autres ministères, organismes communautaires et des délinquantes et leur famille. Elle était fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
     Il y a une chose qui n'est pas dans mes notes mais sur laquelle je voudrais présenter mes observations, c'est-à-dire la réinsertion sociale. La réinsertion est en fait la combinaison de la collectivité qui participe à l'intérieur du centre et par la suite avec les délinquantes à l'extérieur du centre. La collectivité est un groupe très intéressé qui est prêt à participer à l'intérieur du centre. Elle offre un savoir-faire et des normes qui lui sont propres. C'est valable pour un certain nombre de domaines, y compris ce dont le Dr Martin a parlé en matière de santé, mais également en matière d'éducation et de préparation à l'emploi et de cours professionnels. La collectivité renferme une source incroyable d'informations et de programmes qui sont offerts.
(1555)
    Je pense qu'il est très important pour la collectivité de participer à ce qui se passe dans les centres. C'est une façon pour le public de s'instruire sur ce qui fonctionne réellement pour les délinquantes, qui est quelquefois contraire à la perception du public, qui est plutôt négative. Ça réduit également le facteur de risque.
    Quant à l'accroissement du nombre de permissions de sortir et de la possibilité pour les délinquantes de retourner dans la collectivité, je pense que les maisons de transition dans la collectivité, surtout les centres pour les femmes et les enfants, sont essentielles.
    Il est important de reconnaître que les femmes ont tendance à être associées aux mêmes risques que posent les hommes relativement à la sécurité publique, ce qui est tout simplement faux. Lors de la mise en liberté, pour les délinquantes, je crois qu'il s'agit d'une possibilité de vraiment accroître l'accès des délinquantes à la collectivité.
    Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter mes observations. Je serais heureuse de répondre aux questions du comité.
    Merci.
(1600)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à l'opposition officielle.
    Monsieur Holland, voulez-vous passer en premier?
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    J'aimerais commencer avec Mme Christie, je veux profiter de cette occasion pour vous remercier de votre courage et d'être venue raconter votre histoire devant le comité. Je pense que c'est très informatif, et il n'a pas dû être facile pour vous d'en parler.
    Vous avez vécu une expérience où, comme la plupart des délinquants, vous aviez un problème de toxicomanie. Nous savons que plus de 80 p. 100 des délinquants dans les établissements fédéraux font face à un problème quelconque de toxicomanie. Si vous pouvez vous rappeler votre première expérience en établissement carcéral, et vous y êtes retournée bon nombre de fois, pouvez-vous nous dire ce qui aurait pu faire une différence pour vous à ce moment-là? Étiez-vous à une étape de votre vie où votre première expérience dans un établissement et avec le système judiciaire aurait pu faire en sorte que vous auriez pu changer de voie dans votre vie à ce moment-là?
    Je pense que si on m'avait laissée sortir d'isolement, j'aurais eu la possibilité d'essayer de suivre des programmes. J'ai essayé de le faire. Dès qu'on m'a permis de sortir de l'isolement, je n'y suis jamais retournée. J'ai eu la possibilité d'accéder à ce genre de choses.
    Vous parlez de toutes les fois où vous y êtes allée.
    Il s'agit d'une fois.
    On ne vous a offert qu'une fois de réellement profiter de la possibilité de suivre les programmes dont vous aviez besoin.
    Oui. La majorité du temps que j'ai passé en établissement, j'étais incarcérée sous sécurité maximale et j'étais en isolement pour sevrage de drogue. C'est seulement après mon transfert au centre Alouette que j'étais autorisée à quitter l'isolement cellulaire.
    Mesdames Martin et Tole, mon problème, c'est que littéralement des milliards de dollars sont affectés à la construction de nouveaux établissements carcéraux. Je ne vois pas vraiment des fonds pour de nouveaux programmes, de nouveaux services et de l'aide aux provinces pour qu'elles pratiquent l'intervention précoce. La population carcérale est en explosion. Nous savons que le nombre de femmes incarcérées croît plus rapidement que celui des autres populations carcérales. Nous savons que les femmes sont plus susceptibles d'avoir des problèmes de santé mentale et de s'automutiler. Les enjeux sont élevés et, il semble que vous nous dites plutôt qu'il faut investir en amont.
    Madame Martin, quel est notre taux de réussite? Vous avez parlé des objectifs qu'il faut atteindre et vous avez dit que nous devons aider les femmes à s'intégrer et à se défaire des problèmes auxquels elles font face. Où en sommes-nous dans l'atteinte de ces objectifs? Que pensez-vous de la trajectoire que nous empruntons à l'heure actuelle?
    Je suis très déconcertée par cette trajectoire. Il y a 16 ans que je travaille dans ce domaine. Je pense que lorsque des personnes sont condamnées, leur punition est à la fois leur condamnation et le fait d'être retiré de la société. Dès ce moment, et en premier lieu, il faudrait tout faire pour stabiliser tous les problèmes de santé et de santé mentale aigus. Il faudrait tout faire à partir de ce moment pour les aider à régler leurs problèmes de santé généraux afin de pouvoir, à leur libération, devenir des membres qui contribuent à la société.
    Il faut examiner ce qui fonctionne et faire ce qui fonctionne. Le fait de construire de vastes structures massives avec un grand nombre d'unités de ségrégation cellulaire n'apportera aucune aide.
    Vous avez également mentionné cette question, madame Tole ou madame Martin, mais comment fait-on pour assurer la continuité des soins?
    Ce que j'entends dire — et madame Christie, vous l'avez mentionné dans votre déclaration préliminaire —, c'est qu'il y a un manque de continuité. Ainsi, les gens sont libérés et ils avaient peut-être reçu du soutien et ils commencent à se diriger dans la bonne voie. Ils sont libérés et ils se retrouvent sans logis. Et ils n'ont plus aucun soutien pour faire face à leur problème de toxicomanie. Ils n'ont pas de réseau de soutien dans la collectivité.
    Que faut-il avoir, selon vous, de l'autre côté du mur de l'établissement pour faire en sorte que les gens reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour ne pas retourner encore une fois en prison?
(1605)
    Je pense que les soins comportent plusieurs volets. Oui il est question de soins, mais il y a aussi la santé mentale, et comme Brenda y a fait allusion, c'est aussi une question d'éducation. Le Canada n'a probablement pas fait un très bon travail, mais nous pouvons en fait tirer des leçons d'autres pays.
    L'un des documents que j'ai cités en note de bas de page est un rapport de quatre pays — l'Australie, la France, la Norvège et la Grande-Bretagne. La Norvège est évidemment le pays qui a la plus longue expérience. En Norvège, on a intégré non seulement la collaboration avec le système de soins de santé publique et nationale, mais les soins de santé ont en fait été transférés.
    Au Canada, ça c'est déjà fait en Nouvelle-Écosse. En Alberta, c'est en train de se faire, et en Colombie-Britannique, on en discute certainement. Ce qu'on voudrait pour les soins de santé, pour ce qui est d'offrir un suivi des soins lorsque les gens sont libérés et aussi pour veiller à ce que la norme de soins en établissement soit équivalente à celle de la collectivité, c'est en fait une fusion des services de soins de santé.
    Nous avons eu l'occasion de faire des visites à Londres et en Norvège, alors je crois qu'il est utile de revoir cet exemple.
    J'aimerais aussi poser les questions suivantes. Pour ce qui est des coûts, est-ce qu'il en coûte beaucoup plus pour incarcérer une détenue qu'un détenu? On parle de plus de 100 000 $. Je ne me rappelle pas du montant exact. Avez-vous examiné les coûts que représenteraient ces services de première ligne, autrement dit, après la première expérience — plutôt que de remettre en détention une personne 10, 20 ou 30 fois, et le coût lié à l'incarcération d'une personne pendant plus ou moins une décennie, avez-vous fait ce genre de comparaison?
    Peut-être qu'on pourrait faire valoir qu'il en coûte en fait moins de procéder de cette façon.
    Oui, j'en suis certaine. Peut-être que votre comité pourrait faire ce genre d'étude, parce que je suis certaine qu'il y a des avantages financiers, sans parler des droits de la personne pour ce qui est de l'équivalence des soins.
    Je ne sais pas, Brenda, si vous avez quelque chose à ajouter.
    La seule chose que j'ajouterais, c'est que je crois que certaines des provinces s'éloignent quelque peu de cette façon de faire, mais les systèmes correctionnels ont tendance à avoir l'impression qu'ils doivent élaborer leurs propres programmes pour tout, qu'il s'agisse de santé, d'éducation, ou de n'importe quel autre programme. Enfin, une grande proportion de ces programmes sont disponibles dans la communauté au moyen de partenariats, ce qui selon moi est une solution beaucoup plus viable du point de vue économique. En plus on crée des liens, parce que ces organismes et ministères, peu importe avec qui vous concluez un partenariat, sont dans la collectivité et au parfum tout le temps. La continuité est assurée, dans une certaine mesure, grâce à ce partenariat, parce que les gens sont déjà dans la collectivité. Alors les retombées sont incroyables.
    Selon notre expérience, la plupart de ces organismes, ministères ou autres agences gouvernementales sont assez enthousiastes à l'idée de créer des partenariats. Ils voient la population comme faisant partie de leur collectivité et sont volontiers prêts à participer et à s'engager comme partenaires. Le problème, c'est que le système correctionnel a tendance à être une entité en soi et à se replier sur lui-même et à être très fermé. Dans la réalité, cette façon de faire nous nuit. Je crois aussi que nous perdons beaucoup d'occasions de sensibiliser le public et la communauté à la population et de nous renseigner sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
    Je vous remercie.
    Nous allons devoir passer au Bloc.
    Madame Mourani.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je voudrais saluer les personnes qui sont présentes aujourd'hui, et les remercier de leur témoignage.
    J'aurais besoin de quelques clarifications. Madame Tole, dans votre présentation, vous parlez du Service correctionnel du Canada et du Centre correctionnel Alouette. Ce centre est-il de type provincial ou fédéral?
(1610)

[Traduction]

    Il s'agit d'un établissement provincial.

[Français]

    C'est ça, puisque vous parlez de sentences de deux ans moins un jour, donc c'est de type provincial. Est-ce un établissement à sécurité minimum?

[Traduction]

    Oui, c'est un établissement ouvert à sécurité moyenne.

[Français]

    D'accord.
    Donc, on ne parle pas du Service correctionnel du Canada, mais du service correctionnel de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    D'autre part, j'aimerais faire une autre précision, Mme Christie. Vous parlez de 30 incarcérations en cinq ans. Ces 30 incarcérations ont-elles eu lieu dans le système fédéral?
    Par la suite, lorsque vous vous êtes retrouvée au provincial, il semble que cela allait mieux pour vous.

[Traduction]

    Il s'agissait exclusivement d'établissements provinciaux, oui.

[Français]

    Un autre point et, ensuite, je passerai à mes questions plus ouvertes.
    Madame Martin, vous disiez dans votre présentation — je vous avoue que je ne comprends pas bien — que l'incarcération pouvait être vue comme une occasion offerte aux détenus d'améliorer leur santé mentale et de changer de vie.
    On a visité plusieurs pénitenciers fédéraux. On est même allés ailleurs, mais parlons juste du Canada. En fait, ce que j'ai vu n'améliorerait pas la santé mentale des gens ni ne changerait leur vie. On parle de personnes atteintes de troubles mentaux. J'ai vu que ces gens étaient davantage traités en isolement. Certes, certaines institutions fédérales avaient d'autres façons de faire. Donc, je me questionne sur cette phrase: l'incarcération est-elle une solution pour les personnes atteintes de santé mentale?

[Traduction]

    Peut-être que c'était mal exprimé, mais ce que je dis, c'est qu'une fois incarcérés, les gens ont l'occasion d'améliorer leur santé mentale. Nous devrions donc tout faire en notre pouvoir au Canada pour faciliter l'amélioration de la santé mentale, plutôt que sa détérioration.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Est-ce que ça répond à votre question?

[Français]

    Croyez-vous que le système correctionnel actuel — je ne parle pas du système provincial, et je ne sais pas si vous avez une expérience au niveau fédéral —, tel que nous le connaissons, facilite ou aide les personnes atteintes de troubles mentaux et même les personnes qui ont des problèmes de toxicomanie? Trouvez-vous que le système est adapté à ce genre de population carcérale?

[Traduction]

    Lorsque je travaille dans le système, j'essaie de considérer les personnes que je vois comme des patients, mais je pense que la sécurité est le principal objectif de nombreux employés et systèmes correctionnels, alors il y a toujours une certaine tension. Évidemment, les personnes dans le système peuvent trouver certaines mesures utiles à certains moments, mais je ne crois pas que l'éthos du milieu carcéral, dans de nombreux cas, puisse améliorer la santé mentale. Pendant 16 ans, j'ai travaillé avec de nombreux directeurs différents et dans le cadre de nombreux différents systèmes de gestion, et je crois que le directeur de prison est la personne qui peut influencer l'éthos du milieu carcéral.
    Je ne sais pas combien d'établissements parmi les 56 établissements fédéraux canadiens sont propices à l'amélioration de la santé mentale. Évidemment, des témoins précédents ont cité des réussites. Je crois qu'il faut trouver les mesures qui fonctionnent, et nous devons les décrire, en faire l'éloge et leur décerner des prix, parce qu'il nous en faut plus.

[Français]

    Merci.
    Par exemple, lorsque les personnes sont arrêtées et jugées, ne croyez-vous pas qu'à partir du moment où on détecte qu'une personne a un problème de santé mentale, quel que soit le délit commis, elle devrait être transférée dans un hôpital plutôt qu'une prison?

[Traduction]

    Honnêtement, la plupart des gens que je vois en établissement ont dans une certaine mesure des problèmes de santé mentale; il y a toute une gamme. On peut voir cela chez tout le monde, dans la façon de composer avec la vie. Nous avons tous des problèmes d'ordre mental à un moment ou un autre de nos vies. La majorité des gens que je vois dans le système provincial ne sont pas des patients qui souffrent de problèmes psychiatriques et qui ont besoin d'être transférés à un hôpital, mais elles ont des difficultés en matière de santé mentale.
    Par exemple, nous nous servons tous de l'exemple d'Ashley Smith, parce que c'est probablement la raison pour laquelle vous étudiez cette question. Ashley Smith a eu une adolescence difficile. Avait-elle des problèmes d'ordre psychiatrique? Non, mais elle avait certaines difficultés, et de toute évidence les difficultés se sont aggravées avec le temps.
    Je crois que vous dites qu'une fois incarcérés, tous les détenus ont besoin d'un environnement thérapeutique, oui, et ils ont tous besoin d'aide. Est-ce que les établissements peuvent fournir cette aide? Possiblement avec le bon directeur, la bonne attitude et des partenariats avec la collectivité. Il faudrait donc changer l'éthos dans les établissements correctionnels.
(1615)

[Français]

    Ai-je encore du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    J'aurais une question pour Mme Tole.
    Vous êtes du palier provincial. Vous savez que la santé est de compétence provinciale. J'essaie de voir comment, dans le Canada fédéral, le Service correctionnel du Canada — qui, lui, a à gérer une loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition alors que la loi provinciale n'est pas de sa responsabilité — peut faire pour que ces personnes soient traitées?
    Je vous donne un exemple: en Angleterre, les personnes qui ont un problème de santé mentale — psychiatrique — bien identifié sont gérées selon la loi sur la santé de l'Angleterre. C'est un pays, donc il a une loi.
    Par contre, ici, nous avons différentes lois qui dépendent des provinces ou du fédéral. Étant donné que nous avons ces deux paliers de gouvernement, comment le Service correctionnel du Canada peut-il faire pour gérer la Loi sur la santé des provinces en plus de la Loi canadienne sur la santé?

[Traduction]

    Je crois que ce qui serait le plus plausible, ce serait en fait de conclure une entente avec les autorités responsables de la santé dans les provinces; on aurait ainsi un niveau uniforme de santé, qui correspondrait au niveau dans la collectivité. C'est en fait ce qu'a fait la province. On a une entente. Il ne s'agit pas d'un système de santé en soi, c'est une entente avec le système de santé provincial. Cela fonctionnerait pour le système fédéral également. Il suffit simplement d'en examiner la possibilité.
    Je vous remercie.
    Monsieur Davies, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je veux vous remercier toutes les trois d'avoir pris du temps dans votre horaire chargé pour venir nous aider à mieux comprendre les problèmes et les défis auxquels nous devons faire face.
    J'aimerais vraiment prendre un moment pour souligner le fait que nous parlons de problèmes de santé mentale et de toxicomanie chez les femmes. Comme vous devez le savoir, notre comité a visité de nombreux établissements et s'est intéressé principalement aux questions touchant les hommes. Je sais qu'il y a beaucoup de similarités, mais il y a aussi certaines différences importantes, alors je tenais à vous remercier de nous faire part de votre expérience relativement à l'incarcération des femmes.
    Je vais commencer par Mme Tole. Vous avez dit que lorsque vous avez ouvert le centre correctionnel Alouette pour les femmes et que vous y étiez la directrice, vous avez eu l'occasion de vous éloigner d'un modèle axé sur la sécurité et le contrôle et vous rapprocher d'un modèle prosocial de responsabilité des délinquantes, et que vous avez trouvé que cet environnement normalisé a accru la sécurité du personnel et des détenues au centre et que le nombre d'incidents violents en établissement ou nécessitant le recours à la force a été réduit. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer davantage ce qui selon vous est la cause de ces résultats.
    Je crois en fait que nous avions un environnement physique qui était favorable. Il s'agissait d'un environnement de style campus entouré d'une clôture très élevée, alors le centre était certainement sécuritaire de ce point de vue. Nous avons eu la chance de commencer avec une petite population. Nous avions environ 45 détenues au début, et lorsque je suis partie, il y en avait 144. Il a fallu encourager le personnel et détendre progressivement un environnement qui était devenu très restrictif, comme on le voit dans les établissements provinciaux et fédéraux.
    Le processus a été lent. Je dois vous dire qu'il est difficile pour un personnel ayant l'habitude de fonctionner dans un certain environnement de s'en éloigner. La réaction de la population a été entièrement positive — nous n'avions littéralement plus d'actes de violence contre le personnel. Je ne dirai pas que nous n'avions plus de violence. Il y avait à l'occasion des conflits entre les femmes sur place, mais le nombre a été considérablement réduit. Nous avons, comme je l'ai dit, presque plus de cas d'automutilation.
    Il a donc simplement fallu un processus continu d'engagement de la part du personnel, ce qui a mené à une sécurité dynamique. Le personnel allait sur le terrain et dans les unités avec les femmes plutôt que de s'asseoir dans un bureau. Il s'agissait de faire participer les femmes à ce qui se passait au centre, de les écouter, de les faires participer à la recherche mentionnée par Mme Martin et de leur donner de plus en plus de responsabilité. Évidemment, nous avions occasionnellement des problèmes. Je ne dirai pas que la situation était parfaite, parce qu'elle ne l'était pas. Mais nous avons aussi remarqué que le taux d'absentéisme de notre personnel, qui était l'un des plus élevés dans la province, était le plus bas lorsque j'ai quitté l'établissement.
    Il est faux de penser que plus un environnement est structuré, plus il est sécuritaire. Ce n'est pas vrai. Plus l'environnement est clos, structuré et autoritaire, plus il est difficile de vivre dans cet environnement, et plus on a tendance à avoir des problèmes de gestion. Il ne s'agit donc par conséquent pas d'un environnement sécuritaire. Il est malheureux de constater que de plus en plus d'établissements se dirigent vers cela: davantage de technologie, une sécurité accrue, mouvements de plus en plus limités — parce que ce qu'on génère en fait, c'est une population très dysfonctionnelle qui constitue une menace pour le personnel.
(1620)
    Je vous remercie.
    Madame Christie, d'abord, je veux vous féliciter de votre réussite et pour avoir surmonté votre dépendance également. Je sais qu'il faut beaucoup de courage pour y arriver, et je crois qu'il s'agit d'une réalisation remarquable.
    Vous avez dit que vous faites des entrevues détaillées avec des femmes autochtones qui relèvent des gouvernements fédéral et provinciaux et qu'elles partagent des histoires sur l'accès aux ressources de santé communautaires et les façons dont leur incarcération a eu des effets sur leur santé mentale.
    Relativement à la dernière partie, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que ces femmes vous disent sur la façon dont leur incarcération a eu un effet sur leur santé mentale? Aussi, il faut penser à ce que nous pouvons faire pour mettre fin à cette situation. Que feriez-vous si vous étiez directrice d'un établissement pour femmes et que vous pouviez régler ces problèmes?
    Eh bien, d'abord, je vais vous dire ce que ces femmes nous disent. Je ne vais pas reprendre les paroles dites par certaines de ces femmes. La majorité des femmes que nous avons passées en entrevue étaient de ressort fédéral. Elles ont toutes dit qu'aucun de leurs besoins en matière de santé mentale n'avait été satisfait en établissement. Elles disent qu'elles n'ont pas été respectées. Elles disent que leur culture n'a pas été respectée et donc qu'elles n'ont pas été respectées.
    Quelle était l'autre question?
    La première partie portait sur la façon dont la santé mentale a été influencée par l'incarcération. La deuxième partie, sur ce que vous feriez pour améliorer les choses. Comme vous avez été incarcérée, que feriez-vous pour améliorer la santé mentale des femmes si vous étiez directrice?
    J'adopterais certainement davantage l'approche correctionnelle dont Brenda Tole parlait. J'ai personnellement vu la différence. Il y a neuf personnes avec qui je travaille qui étaient incarcérées à l'institution dirigée par Brenda Tole en même temps que moi. Elles vont toutes bien. Elles ont toutes un emploi. Nous réussissons toutes très, très bien. Nous sommes passées d'environnement restreint à des environnements sans restrictions. La fin de l'isolement a été un facteur très, très important.
    Je vais vous parler d'une chose dont je me souviens. Plus tôt, nous parlions de conflit. Voilà comment l'établissement composait avec certaines des difficultés qui survenaient. Lorsque j'étais là, il y avait deux femmes en conflit. Elles ont été envoyées en isolement pendant une heure — pas une nuit, pas deux jours, pas 16 jours, mais une heure — et ensuite elles devaient faire de la résolution de conflit. Si elles ne réglaient pas leurs différends, elles étaient renvoyées dans un établissement à sécurité maximale. Personne ne veut retourner en établissement à sécurité maximale, alors le différend a été réglé. Ça a été extraordinaire à quel point les femmes peuvent en fait régler des problèmes si on leur donne la chance de les régler.
    Nous avons parlé de faire participer la collectivité. Nous avons besoin de la collectivité dans les établissements. Lorsque les femmes sont incarcérées, comment sont-elles censées apprendre les choses qu'elles doivent savoir dans la collectivité? Toute l'information provient des gens qui composent avec eux pour des raisons de sécurité, vous savez ce que je veux dire, comme les agents de correction. Je vais vous dire quelque chose. Je ne veux pas être renseignée sur la toxicomanie par un agent de correction. Je ne veux pas non plus qu'un agent de correction me renseigne sur la gestion de la colère. Je veux apprendre d'un conseiller enregistré ou d'une personne de la collectivité, une personne neutre, pas quelqu'un qui va me confiner à une cellule la nuit.
(1625)
     Je vous remercie. J'ai...
    Vous n'avez plus de temps. Pouvez-vous être très bref?
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez toutes les trois parlé d'isolement. J'aimerais avoir un peu plus de détails. Certaines personnes disent qu'on ne peut pas l’éviter, que nous sommes obligés de l’employer. Est-ce bien vrai?
    Eh bien, on en a été directement témoin par le biais de Brenda. Certains pourraient dire qu'il s'agit d'une situation provinciale qui ne s'applique pas à l'échelle fédérale, mais je sais qu'il y a d'autres pays qui utilisent le même modèle.
    Par exemple, je suis allée visiter la prison Styal, au Royaume-Uni, où il y a 450 femmes condamnées pour différentes raisons, c'est-à-dire qu'il y a des meurtrières et des femmes en détention provisoire, et il n'y a pas de ségrégation. Ils ne séparent plus les prisonnières depuis trois ans. Cette méthode a été instituée en raison du haut taux de suicides. Je pense que sur 450 femmes, il n'y a eu qu'un suicide en trois ou quatre ans.
    C'est donc possible. Il faut changer la façon dont nous voyons les services correctionnels au Canada. L'attitude du personnel devra changer, comme Brenda l'a constaté, mais c'est possible et les résultats sont éloquents.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer du côté des ministériels.
    Vous avez sept minutes, monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'avoir offert leurs exposés et d'être venus de si loin pour ce faire.
    Commençons par le changement de paradigme, madame Martin. Dans votre exposé, vous indiquez, et c'est probablement facile de défendre cette proposition, que nous découragions de façon active l'utilisation de l'isolement cellulaire. Mais par quoi le remplacer dans le cas de prisonniers qui s'agitent, qui sont violents et qui constituent une menace physique, potentielle ou réelle, pour les autres prisonniers et le personnel?
    Je ne suis pas experte dans le domaine. Je sais seulement qu'au point de vue humain et au point de vue de la santé mentale, c'est approprié. Je peux seulement vous parler de ce que j'ai constaté dans d'autres pays.
    J'estime que nombre de problèmes comportementaux découlent de problèmes de santé mentale. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la majorité des prisonniers ont un quelconque problème de santé mentale.
    D'abord, les mettre en isolement cellulaire n'est pas la réponse et ne les aidera pas à régler leurs problèmes. Dans un centre que j'ai visité, plutôt que de mettre les gens en isolement cellulaire, on les envoie dans une unité spéciale où on trouve davantage de conseillers, de gens pour les aider, d'infirmières spécialisées dans la psychiatrie, d'intervenants de la collectivité. Tous ces gens travaillent avec les prisonniers de façon assez intensive ou rapprochée pour qu'ils ne soient pas laissés à eux-mêmes. Dans un certain sens, cela nécessite davantage de ressources, d'engagements communautaires et d'engagements dans le domaine de la santé, mais l'hypothèse qui sous-tend cette méthode, c'est que l'état des gens s'améliorera s'ils sont en contact avec d'autres par opposition à être isolés et seuls. Si vous mettez les gens en isolement, comme Amber l'a mentionné et comme le montrent les études, vous les privez du contact avec les autres et de nombre d'autres choses qu'ont normalement les humains, et leur état empire. Ils deviennent plus frustrés, plus agressifs et plus violents, et leur santé mentale commence à empirer sérieusement.
    Très bien. Je sais que vous êtes seulement experte dans le domaine de la santé mentale et du traitement des prisonniers.
    Madame la directrice Tole, vous devez assurer la sécurité de votre personnel et des autres prisonniers. Peut-être pourriez-vous vous pencher sur la suggestion de Mme Martin, qui a affirmé que nous devons trouver les solutions de remplacement créatif à l'isolement cellulaire. Je suis d'accord, priver les prisonniers de tout contact social n'aide en rien leur santé mentale, mais vous, en tant qu'ancienne directrice, vous devez trouver un équilibre entre cette démarche et la sécurité de vos employés et des autres prisonniers.
    Oui, et j'aimerais apporter des précisions.
    Il existe différents types d'isolements cellulaires. Il y a l'isolement administratif, qui est souvent utilisé dans le cas de problèmes de santé mentale ou d'automutilation, et il y a l'isolement que l'on emploie pour séparer les prisonniers en raison de comportements violents qui ne sont pas liés à la santé mentale.
    Je dirais qu'il existe de nombreuses solutions créatives que l'on peut employer pour favoriser la santé mentale, et Mme Martin en a mentionné quelques-unes. Ce n'est pas qu'il ne faille pas, à l'occasion, séparer certains prisonniers. La question, c'est plutôt la façon de le faire et la durée de l'isolement parce qu'on ne peut pas s'attendre à ce que l'état des prisonniers s'améliore s'ils sont mis dans des situations extrêmement difficiles pendant de très longues périodes. Au bout du compte, on ne fera que générer des comportements beaucoup plus dangereux et violents.
    Dans les établissements où j'ai travaillé, des prisons pour les hommes comme des prisons pour les femmes, oui, on emploie l'isolement cellulaire. Parfois, il faut séparer les prisonniers. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place un environnement aussi strict que ceux que l'on voit habituellement car ce type d'environnement prive essentiellement les gens de leurs besoins élémentaires en tant qu'être humains.
    L'autre aspect, c'est la durée. Si vous séparez un prisonnier en raison d'une mesure disciplinaire ou d'une manifestation de violence, vous n'avez pas à le mettre en isolement cellulaire pendant une longue période de temps. J'ai constaté que cette question, dans les prisons pour hommes, faisait l'objet d'un examen quotidien par la direction et que plus on peut sortir le prisonnier de l'isolement cellulaire rapidement pour l'intégrer dans un environnement normalisé, plus le personnel est en sécurité. Je sais que c'est quelque chose de très difficile à envisager lorsque vous regardez le produit final, le détenu qui est très violent et qui s'agite, mais en réalité, vous allez constater si vous vous reportez en arrière, que dans la plupart des cas, il s'agit d'un processus continu et que tout n'était pas ainsi au début. Lorsque vous isolez des gens pendant de très longues périodes vous vous retrouvez avec des détenus très violents et très dangereux. Leur état ne s'améliore pas.
    Prenons l'exemple des enfants. Si vous les punissez de façon extrêmement sévère lorsqu'ils commettent des erreurs ou qu'ils sont contrariants, vous n'obtenez pas de réaction positive. Et lorsque vous persévérez dans cette voie pendant de longues périodes de temps, vous vous retrouvez avec une situation extrêmement malheureuse sur les bras.
(1630)
    Merci.
    Madame Martin, le Solicitor General de la Colombie-Britannique, permet-il aux médecins de prescrire de la méthadone aux détenus qui ont une accoutumance aux opiacés?
    Oui.
    Assurez-vous le suivi auprès de votre groupe lorsqu'il réintègre la société pour évaluer le succès du programme de prescription de la méthadone?
    Non, nous ne le faisons pas.
    Savez-vous si le Solicitor General de la Colombie-Britannique le fait?
    Je l'ignore. Je sais que si le système de soins de santé... À l'heure actuelle, le système provincial de soins de santé est administré par un entrepreneur privé dans le domaine des soins de santé. J'ignore si en ce moment, on assure un suivi. J'espère que si des services intégrés sont dispensés par le système de soins de santé provincial pour appuyer les soins de santé dans les établissements carcéraux, ce genre de données existe et peut être consulté.
    Pouvez-vous, peut-être en me donnant des exemples, nous dire si, à votre avis, le programme de prescriptions de méthadone s'est avéré utile dans le cas de dépendances à l'héroïne, à la morphine ou aux opiacés?
    Je travaille dans une prison en tant que médecin et tout ce que je vois, ce sont des échecs, tout comme le personnel d'ailleurs parce que les gens sont renvoyés en prison lorsqu'ils ne réussissent pas à réintégrer la société. On ignore si les gens qui ne retournent pas en prison ont réintégré la société ou s'ils sont décédés. Il est difficile de déterminer si le programme fonctionne. Du point de vue médical, la méthadone est la seule option dont nous disposons pour traiter l'accoutumance à l'héroïne, à mon avis. À titre d'exemple, je sais que les gens qui sont incarcérés et qui reçoivent un traitement à la méthadone ne sont pas aussi malades que ceux qui sont dans la rue et qui consomment de l'héroïne.
    Je ne sais pas si j'ai répondu. Je ne suis pas certaine de comprendre ce qui sous-tend votre question et ce dont vous voulez que je parle.
    Je pense que vous avez répondu à ma question.
    Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
    Votre temps est écoulé.
    Merci à tous nos témoins.
    J'étais tellement passionné par les propos de nos invités que j'ai oublié de noter le temps.
(1635)
    J'aurais pu continuer et vous ne vous en seriez jamais aperçu.
    Très bien. Nous allons maintenant retourner du côté du Parti libéral.
    Monsieur Wrzesnewskyj.
    Madame Martin, environ 10 p. 100 des personnes incarcérées sont des femmes. Je présume aussi que le type de crimes pour lesquels elles sont incarcérées sont assez différents de ceux commis par les hommes. Est-ce exact?
    Je ne pense pas que je sois la mieux placée pour répondre à cette question, mais assurément, c'est ce qu'affirment les études sur la santé dans les prisons. Le profil des femmes est différent de celui des hommes.
    Peut-être Mme Tole pourrait répondre à la question?
    En ce qui concerne les détenues d'établissements provinciaux, 40 p. 100 de celles qui sont condamnées le sont pour non-respect des dispositions quelconques, que ce soit les conditions de leur liberté sous caution ou de leur probation, ou celles d'une ordonnance des tribunaux. Un fort pourcentage de ces détenues enfreignent les règles des tribunaux assez souvent pour se retrouver condamnées au bout du compte.
    C'est le cas pour tous les prisonniers ou seulement les femmes?
    Je parle des femmes. Je dirais qu'il y en a aussi une bonne proportion, probablement près de 50 p. 100, qui commettent des infractions liées aux drogues ou à la propriété et un très petit pourcentage qui sont violentes.
    Il semble donc y avoir d'importantes différences dans la nature des crimes commis, ce qui semble indiquer que les causes profondes sont bien différentes. J'ai écouté vos témoignages et il semble qu'à part les problèmes de santé ou de santé mentale, c'est le désespoir qui semble être la cause profonde des crimes. Je présume que celle-ci serait semblable dans bien des cas chez les hommes bien que les motifs soient sans doute très différents.
    Le désespoir n'est-il pas la raison principale pour laquelle les femmes sont incarcérées?
    J'ai constaté que la plupart des femmes ont vécu des expériences extrêmement traumatisantes. Vous pouvez imaginer le type de traumatisme qu'elles ont vécu. Souvent, lorsque je discute avec une femme, il y a une boîte de mouchoirs entre nous et nous y avons toutes deux recours. Nombre d'expériences extrêmement traumatisantes expliquent en partie leurs problèmes de santé mentale, d'alcoolisme et/ou de toxicomanie. De nombreuses femmes consomment des drogues et de l'alcool pour maîtriser ou mettre en veilleuse les émotions qui découlent d'un traumatisme. Elles commettent des crimes en raison de problèmes de drogue et d'alcool et/ou par désespoir.
    Tout ça semble accentuer le fait que peut-être, une grande proportion, sinon la majorité, des femmes incarcérées pourraient, avec le bon traitement et les bons programmes, être réintégrées à la société. Êtes-vous d'accord, et pourriez-vous hasarder un pourcentage?
    Je dirais que 90 p. 100 ou même 95 p. 100 des femmes à qui je parle veulent prendre leurs vies en main. Elles veulent devenir membres de la société. Elles veulent cesser de consommer de la drogue. Nombre d'entre elles ne savent pas comment faire. Elles ignorent ce qu'est une vie normale.
    Il y a énormément de femmes motivées.
    Oh oui. Elles disent peut-être qu'elles ne sont pas tout à fait prêtes, mais elles savent qu'elles veulent changer.
    Il semble y avoir beaucoup de femmes motivées. Il semble y avoir différentes causes profondes. Manifestement, il existe des exemples de réussite concrets. Lorsqu'on examine la différence de coût entre les 100 000 $ et plus nécessaires pour incarcérer quelqu'un et les 20 000 $ requis au titre du programme chaque année pour la réhabilitation, sans compter la différence de coût pour la société entre un récidiviste et quelqu'un qui devient un membre productif... Il y a également des avantages indirects.
    Je voudrais d'abord souscrire aux propos de mon collègue et vous dire, madame Christie, que vous faites preuve de grand courage non seulement en témoignant ici mais en travaillant avec les femmes qui font face aux problèmes que vous avez affrontés par le passé.
(1640)
    En fait, votre temps est écoulé.
    J'aurai peut-être une autre occasion de poser des questions.
    Oui, il y aura une autre série de questions.
    Monsieur MacKenzie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
    Certaines de vos remarques sont intéressantes, madame Martin. Nous sommes allés en Norvège et en Grande-Bretagne. Vous parlez des études. Fait intéressant, nous avions reçu des renseignements précédemment au sujet de l'isolement cellulaire. Après avoir creusé un peu, nous avons constaté que l'isolement cellulaire était employé plus souvent que semblait indiquer le document fourni, ce qui concorde avec ce que Mme Tole affirme, soit que personne ne veut employer l'isolement, mais qu'il y a certaines circonstances dans lesquelles il est approprié.
    Cela dit, comme tout le monde ici, je suis impressionné par le fait que Mme Christie soit venue ici aujourd'hui nous raconter ce qu'elle a vécu. Nous pouvons apprendre énormément. À mon avis, dès qu'on envoie tous ces gens en pénitencier, on est perdant. Quelque chose a mal tourné lorsque ces gens étaient enfants, jeunes adultes ou emprisonnés dans des établissements provinciaux. Dans certains cas, c'est le système de soins de santé qui n'a pas été à la hauteur. Puis, ces gens se retrouvent dans les pénitenciers ce qui indique que tous ces éléments ont flanché. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond?
    Je suis consterné. Vous avez été incarcérée à 30 reprises en cinq ans, soit une fois tous les deux mois, et vous nous dites que vous avez été mise en isolement cellulaire et qu'à votre sortie, vous étiez prête à changer. Vous nous avez parlé de deux filles qui se bagarraient et qui ont été mises en isolement cellulaire. Elles ne voulaient pas retourner dans un établissement à sécurité maximale alors elles ont pris leurs vies en main. C'est tout comme si elles avaient eu besoin de se faire dire par quelqu'un au sein du système carcéral: « Ce n'est pas la voie que vous devez emprunter. Vous devez chercher de l'aide ou en trouver. » Ai-je tort? De toute évidence, à 29 reprises, vous n'avez pas reçu l'aide dont vous aviez besoin ou le système n'a pas réussi à vous dissuader de récidiver.
    Vous savez...
    Je ne dis pas que c'est votre faute. C'est notre faute. Le système ne fonctionne pas.
    Je suis tout à fait d'accord; le système a complètement échoué et je suis presque totalement convaincue que si on m'avait donné l'occasion de sortir d'isolement, j'aurais pu réussir.
    Brenda a mentionné le temps que les femmes passaient en isolement cellulaire. C'est extrêmement important. On mettait les filles en isolement pendant une heure pour qu'elles puissent se calmer, car elles se bagarraient, et non pas pour les punir. On m'a mise en isolement pendant 16 jours de suite. C'est long. Je ne sais pas si vous avez déjà été isolé pendant une demi-heure ou 45 minutes...
    Pas récemment.
    Une voix: Nous allons inclure ce point dans les recommandations.
    Peut-être que c'est quelque chose à envisager parce que lorsque vous comptez les briques du mur pour éviter de sombrer dans la folie...
    Aviez-vous déjà été en isolement avant?
    Que voulez-vous dire? Je ne suis jamais retournée en prison.
    Non, mais avant cela, vous avez été emprisonnée 29 fois. Aviez-vous été mise en isolement par le passé?
    Chaque fois.
(1645)
    Nous cherchons à réparer le système. Qu'est-ce qui vous a fait changer la dernière fois?
    On m'a envoyée dans une prison où l'on m'a mise en isolement cellulaire... J'attendais d'être envoyée en prison. Les prisons débordaient à cette époque. J'avais passé neuf jours en désintoxication dans une cellule municipale, ce qui était tout simplement merveilleux. Non seulement je vomissais dans ma cellule, mais je n'avais pas de nourriture et je dormais sur du métal.
    Quand je suis arrivée en prison, j'avais terminé ma désintoxication, et ils n'ont donc pas eu besoin de le faire en prison. On m'a envoyée à Alouette, où j'ai pu commencer à sortir de ma coquille et à m'ouvrir sur le monde, sans drogue. Lorsque vous êtes isolée dans une cellule pendant des jours et des jours et puis qu'on vous relâche et que vous retournez dans la rue, qu'êtes-vous censée faire? Il n'y avait aucune réhabilitation possible.
    Je comprends. Comment arriver à mettre fin aux accoutumances la première fois, la deuxième fois ou la cinquième fois pour éviter que les gens retournent en prison?
    Eh bien, Ruth a parlé des soins de santé communautaires. Vaincre la dépendance n'est pas une chose facile. Je n'avais pas les moyens, comme d'autres, de participer au programme de méthadone. J'ai dû arrêter la drogue d'un seul coup. La majorité des gens ne reçoivent pas de méthadone lorsqu'ils sont envoyés en prison. On leur en donne s'ils en recevaient déjà avant d'être envoyés en prison. Ils doivent donc tout arrêter d'un coup. Lorsque vous le faites pendant 13 jours consécutifs et que la plupart du temps vous êtes isolée comme je l'étais, vous n'avez pas le temps d'avoir un plan de traitement quelconque par après. On vous relâche tout simplement et vous retournez dans la rue.
    À titre de précision, nul besoin d'isoler les gens lorsqu'ils tentent de vaincre leur dépendance. Ce n'est pas du tout nécessaire.
    Je comprends.
    Amber n'a pas été envoyée en isolement lorsqu'elle est arrivée à Alouette. Je pense que vous sous-entendiez en quelque sorte qu'elle était en isolement, puis qu'elle avait été relâchée, mais elle n'avait pas été mise en isolement.
    J'avais compris en quelque sorte que pendant qu'elle était emprisonnée dans une cellule municipale, ce qui est presque de l'isolement, je ne vois pas quel autre terme on pourrait utiliser, elle s'était désintoxiquée à tort ou à juste titre, avec ou sans aide médicale.
    Mais est-ce ce qu'il faut faire, se désintoxiquer? C'est ce qui a changé le cours des choses?
    Oui. J'avais besoin de me désintoxiquer dans un endroit sûr. Il ne s'agissait pas d'isolement. Il y avait six autres femmes dans la cellule avec moi.
    Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Desnoyers, du Bloc.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis un peu le petit nouveau au sein du comité et je trouve fascinant ce que j'entends par rapport à l'aspect de la prévention et à la façon dont on travaille dans cet établissement. Je vais poser trois ou quatre questions et vous pourrez y répondre par la suite. J'en ai une plus particulièrement pour Mme Christie.
    Cette façon de faire est-elle transférable autant chez les hommes que chez les femmes? Il est certain qu'au niveau provincial, il y a peut-être des prisons à sécurité intermédiaire — comme vous l'avez mentionné plus tôt — où il est plus facile de faire ces choses, comparativement au fédéral. Tout à l'heure, on parlait de coûts. Selon moi, il n'y a pas de coûts à cela lorsqu'on a des projets intéressants qui peuvent amener quelqu'un, sur le plan de la santé mentale, à un niveau de santé où, lorsqu'il retournera dans la société, il sera quelqu'un de productif. Ce sont des points majeurs et importants dont on devrait être fiers, en tant que société, si on réussit en ce sens.
    J'aimerais également entendre Mme Christie sur le projet Doing Time. On rencontre régulièrement les femmes. En même temps, il semble y avoir un problème — de la façon dont vous en avez parlé — quant aux services dans la communauté qui ne sont pas toujours disponibles, entre autres pour le logement social. Vous avez beaucoup parlé des femmes qui sortent de prison et qui n'ont pas de logement. Même elles se retrouvent sans logement éventuellement.
    Bref, sauf erreur, notre société crée de la pauvreté alors qu'on a beaucoup de richesses. On met les gens en prison et il arrive qu'on fasse de la ségrégation à leur égard. En revanche, vous avez une nouvelle formule qui permet de les réinsérer dans la société, grâce à des partenariats importants. Je trouve cela fascinant et j'aimerais vous entendre, entre autres, sur le projet Doing Time et savoir si ce projet est transférable.

[Traduction]

    Absolument. Nous espérons commencer à former des hommes pour qu'ils puissent faire ce que nous faisons. L'initiative « Doing Time » est un projet de recherche sur l'action participative communautaire. Je ne me rappelle plus exactement combien il y a de membres dans l'équipe, mais il y a neuf femmes, je pense — peut-être plus, peut-être moins —, qui sont employées maintenant par l'Université de la Colombie-Britannique, qui se rendent sur le terrain faire des entrevues avec des femmes qui ont été incarcérées au cours de l'année. Nous leur posons des questions et nous obtenons des réponses pertinentes parce que ce sont des gens qui ont été incarcérés qui les posent. Nous recueillons des réponses extrêmement honnêtes, sans compter que nous les invitons à venir et à faire des recherches avec nous.
    Nous espérons que cette initiative aura le même effet sur les hommes que sur nous. Je suis une personne parmi d'autres. Je fais partie d'une équipe qui pourrait remplir cette pièce de femmes dont la vie a changé grâce à cela. Donc oui, l'initiative peut vraiment fonctionner et tout peut complètement changer.
(1650)

[Français]

    Je voudrais vous poser une question par rapport aux logements sociaux. Vous avez dit que les femmes avaient des problèmes à avoir des logements.
    Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet ainsi que sur la transférabilité du projet dans d'autres prisons, qu'elles soient fédérales ou provinciales?

[Traduction]

    Je ne suis pas certaine de bien comprendre la question, mais nous avons reçu une subvention de recherche pour effectuer ces travaux et nous étudions des femmes cette année. Il s'agit d'un projet de recherche étalé sur trois ans, et la prochaine étape sera de déterminer si nous pouvons obtenir un financement de recherche équivalent dans le but d'effectuer le même type d'étude avec des hommes. Un projet similaire a été lancé dans le sud de l'Angleterre. Je communique avec l'équipe responsable.
    L'avantage de la recherche participative, comme l'a confirmé Amber, c'est que les gens participent à l'élaboration des questions, à la collecte des données et à l'analyse. La transformation que vivent les gens qui participent à ce genre de recherche participative communautaire est profonde. Les deux parties apprennent l'une de l'autre.

[Français]

    Me reste-t-il encore du temps?

[Traduction]

    Il vous reste dix secondes.

[Français]

    On dit qu'il y a 2 500 personnes en détention et 25 000 autres en supervision en Colombie-Britannique. Pour ce qui est des 25 000 autres, y a-t-il des organismes qui travaillent avec ces personnes avant qu'elles n'arrivent en prison?

[Traduction]

    L'une des choses que l'on n'a pas mentionnée lorsqu'on a parlé de la santé mentale et à laquelle vous faites probablement allusion, ce sont les interventions menées avant la détermination de la peine. En Colombie-Britannique, il existe des programmes de traitement de la toxicomanie et des programmes communautaires. Les patients ayant des troubles de santé mentale profiteraient probablement dans une grande mesure de programmes de traitement de problèmes de santé mentale. Ces programmes visent à aiguiller les gens vers des ressources communautaires, soit des ressources de traitement et des services en établissement qui les aideront et les maintiendront hors du système carcéral, parce qu'un pourcentage élevé de ces personnes ne devrait pas être emprisonné. Je pense que vous avez entendu de nombreux témoignages à cet effet.
    Voilà le type d'interventions en place. Je pense que ce type de mesures ferait toute la différence lorsque l'on parle de santé mentale, et ce, au sein des systèmes provinciaux comme du régime fédéral.
    Merci.
    Monsieur Norlock, s'il vous plaît.
    Et merci à nos témoins de s'être présentés aujourd'hui. Les échanges ont été très instructifs.
    Quand nous avons visité les prisons en Grande-Bretagne — vous avez parlé de la Grande-Bretagne —, je peux vous dire que les gens à qui nous avons parlé avaient des opinions diverses quant au coût et au caractère abordable de certains des programmes. J'ai un défi pour vous: me dire, vu les réalités du monde où l'on vit et le fait qu'on ne peut pas simplement se servir dans la caisse, étant donné qu'il ne suffit pas d'établir une liste de desiderata pour que l'argent tombe du ciel... C'est un défi qui se posait dans mon ancien emploi, où le patron arrivait et disait: « Compte tenu des ressources que nous avons, je veux que vous reconstruisiez ou que vous changiez certaines choses. » Vu, toutefois, que le gouvernement fédéral... Vous savez que nous fonctionnons en vase clos et, sauf erreur, madame Tole, vous avez fait allusion au fait que nous ne pouvons pas régler seuls certains des problèmes que nous affrontons. Vous avez donc la responsabilité du gouvernement fédéral, celle des gouvernements provinciaux — on parlait de logement social — ainsi que celle des municipalités parfois.
    Vous parliez de certaines de vos expériences dans un lieu de détention local et vous avez laissé entendre que le gouvernement fédéral n'a pas fait sa part. Nous avons augmenté de 3 p. 100 les paiements de transfert au titre des programmes sociaux versés aux provinces et continueront à le faire chaque année. Pour l'Ontario, le total est de neuf milliards de dollars en transferts divers. Mais je pense qu'il faut mieux s'y prendre.
    Je vais vous poser des questions vite fait sur certaines des choses dont je vais parler. Nous avons visité Okimaw Ochi en Saskatchewan, et les traitements pour les premières nations sont une vraie réussite, à ce que je comprends, pour enchaîner sur ce que disait Mme Christie. Nous nous sommes rendus en Saskatchewan et l'intégration... Il y a là-bas une prison qui fonctionne essentiellement comme un hôpital, plutôt que comme une prison.
    Puis nous avons visité Dorchester et avons parlé à certains des détenus. L'un des détenus atteint de maladie mentale nous a dit demander lui-même à être mis en isolement lorsqu'il ressent le besoin d'être seul. J'oublie ce dont il souffrait — de schizophrénie, me semble-t-il —, mais être seul contribue grandement à soulager sa maladie mentale. Alors, si nous avions une baguette magique et que nous pouvions, admettons, faire disparaître d'un coup l'isolement, je crois qu'il faudrait être prudents. L'isolement a son utilité car parfois les gens ont besoin d'être seuls et ont besoin qu'on leur en donne la chance.
    Il y a le logement social, auquel ont été affectés deux milliards de dollars. Dans ma collectivité, 400 000 $ vont à un foyer pour les femmes victimes d'abus.
    Je me demandais si chacun de vous pourrait commenter le fait qu'il faut peut-être de nouveaux rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces, pour permettre une mise en commun des pratiques exemplaires et des choses de ce genre.
    Mon ancien adjoint exécutif était en congé de Services correctionnels Canada; il travaille à présent dans l'un des plus gros établissements du Canada, Warkworth. Parfois, on a affaire à du personnel et à des syndicats qui exigent en fait certaines de ces mesures. On ne peut pas donc dire que l'on va tout faire disparaître d'un coup de baguette magique, pas quand les syndicats réclament plus de mesures de ce type.
    J'aimerais entendre vos commentaires, s'il vous plaît.
(1655)
    Laissez-moi dire deux mots à ce sujet, vu que c'est effectivement la situation. Le personnel, souvent par l'intermédiaire du syndicat, exige souvent plus de technologie, plus de sécurité, alors qu'il y a un équilibre. Quand nous avons ouvert l'établissement dont j'ai parlé et avons orienté les choses dans un autre sens, il a fallu d'extraordinaires efforts en matière de communication et beaucoup de temps. L'évolution vers le changement a été lente.
    Tout ce que j'ai à dire, c'est que mon expérience m'a démontré encore et toujours que le fait de rendre une institution plus sécuritaire et plus restrictive n'en fait pas du tout un lieu plus sûr. Je suis d'accord avec vous qu'il faut parfois... À Alouette, certaines personnes venaient nous dire qu'elles avaient besoin d'être isolées, d'être à part. Il n'y a rien de mal à cela. Tout dépend de la façon de procéder, des conditions, et du fait que la personne qui demande à être seule conserve un certain contrôle sur sa vie.
    Une bonne part des crises, de l'autodestruction, résulte d'une perte de contrôle: c'est un acte de désespoir dû en partie au fait que les gens n'ont plus aucun contrôle sur leur vie. Il y a donc un équilibre. Et je sais qu'il y a au Service correctionnel du Canada un syndicat différent du nôtre, ce qui complique les choses. Mais c'est, selon moi, une question de communication et d'éducation, parce que, au bout du compte, des pratiques exemplaires permettront une collectivité plus sûre.
    Je suis d'accord avec Brenda. Il va y avoir des cas où les gens veulent être isolés. Je ne sais pas pourquoi, mais tout est dans la façon de le faire, n'est-ce-pas? Priver quelqu'un de son matelas, de sa couverture, de son oreiller et d'une revue est inhumain. Ce n'est pas de l'isolement, ce n'est pas correct. Si l'isolement était traité différemment et s'il ne s'agissait pas de priver la personne d'absolument tout, ce pourrait être différent. Mais nous n'abordons pas la question comme il faut.
    En écoutant ce qui se disait, je me rappelais de quelque chose que nous avions dit à midi en mangeant. Je crois que c'est Amber qui l'a dit: la gentillesse ne coûte rien.
    Vous dites que certaines difficultés se présentent avec le personnel, parfois, ou de l'opposition. Je crois, pour dire vrai, que votre comité a une chance à saisir pour influencer véritablement le futur du service correctionnel. Nous avons tous été atterrés par la mort d'Ashley Smith. Il serait erroné de dire que ce sont des événements qui se produisent sans arrêt. Hélas, je crains que beaucoup de gens soient maltraités à cause du système que nous avons.
    Nous avons une occasion en or de faire des recommandations qui, sans nécessairement coûter beaucoup d'argent, pourraient entraîner des changements profonds. Améliorer chez le personnel la compétence culturelle, la connaissance culturelle et la sensibilisation aux réalités culturelles et aux différences entre les sexes coûte sans doute moins que d'essayer d'améliorer leurs habiletés en matière de sécurité.
    Féliciter les directeurs et les récompenser quand ils assurent un cadre sûr et sain coûterait sans doute peu, mais amènerait d'énormes avantages pour la satisfaction du personnel et le goût du métier. Je vois mal comment un employé qui a affaire avec des individus hostiles et fâchés et qui doit les mettre en isolement peut vraiment apprécier sa journée. J'estime que, si le personnel participait de façon véritable à la vie des gens dont il s'occupe et s'il avait le sentiment que toute la prison fonctionne selon la même vision, ce serait un bien meilleur endroit où travailler.
    Donc, effectivement, il faudra un changement de paradigme et des recommandations, mais ce n'est pas une tâche impossible.
(1700)
    Merci. Nous avons dépassé un peu le temps alloué, mais je voulais vous donner à tous une chance d'intervenir.
    Nous passons maintenant à Mme Crombie, mais nous devons quitter la salle dans une dizaine de minutes. Nous avons donc le temps pour deux...
    Monsieur le président...
    Est-ce un rappel au Règlement?
    C'est effectivement un rappel au Règlement.
    Rapidement, vu que le vote n'a pas lieu avant 17 h 30, en fait, et qu'il nous faut juste cinq minutes pour y aller, nous pourrions probablement poursuivre jusqu'à 17 h 20 sans risquer grand-chose.
    Nous avons nos instructions, de notre côté de la table. Il reste seulement deux personnes sur la liste, de toute façon, pour que nous ayons fini toute la série. Je pense donc que cela va tomber très bien.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire que je trouve cette préoccupation en ce qui concerne l'isolement, de l'autre côté de la table, un peu curieuse. Personnellement, j'aurais horreur de cela.
    Madame Christie, je suis vraiment très, très fière de vous et je pense que vous êtes une véritable source d'inspiration pour les jeunes femmes qui ont changé leur vie.
    Merci.
    Merci beaucoup de nous avoir révélé ainsi tant de votre vie personnelle, parce que je sais que cela a dû être difficile pour vous.
    Pourrais-je cependant creuser un peu plus, si vous me le permettez? Je trouve que vous vous exprimez vraiment bien et je me demandais si vous aviez fait des études structurées. D'autre part, pourriez-vous nous dire ce qui vous a mené à devenir accro à l'héroïne, si ce n'est pas trop personnel? Sinon, on peut passer à autre chose.
    Non, je peux vous le dire.
    Ruth est mon mentor. Je travaille avec Ruth et c'est elle qui m'instruit depuis un an ou deux. Sinon, j'ai fait des études traditionnelles jusqu'à la 12e année, comme tout le monde, et c'est un niveau que je dépasserais maintenant.
    C'est la méthadone qui m'a rendu accro. J'avais 16 ans et j'ai eu un bébé. On allait me l'enlever si je ne me mettais pas à la méthadone. Alors je me suis mise à la méthadone et j'ai manqué un rendez-vous. Je ne savais pas que l'héroïne pouvait arranger ma situation, mais c'est ce que quelqu'un m'a dit, alors j'ai commencé à prendre de l'héroïne pour me remettre de la méthadone. C'est ainsi que tout a commencé, puis les choses se sont détériorées et j'ai fini...
    Je pensais que vous diriez le contraire. J'allais vous demander si des traitements à la méthadone vous auraient aidée, mais, manifestement, c'est la cause plutôt que l'effet.
    Vous avez changé votre vie du tout au tout en grande partie grâce au programme et au traitement que vous avez suivis. Quelles sont les autres causes de votre succès? S'agissait-il seulement d'espoir, du logement ou de l'emploi que vous avez maintenant? Manifestement, vous faites très bien votre travail. Était-ce grâce au soutien que vous avez obtenu?
    L'emploi a joué un grand rôle. Au début, je n'ai pas accepté l'emploi; je l'ai occupé à titre bénévole pendant un an ou deux. On me poussait toujours à accepter l'emploi et j'ai fini par le faire. Cela a été une très, très bonne chose dans ma vie.
(1705)
    Je vous remercie de nous faire part des choses si personnelles.
    Manifestement, vu que 10 p. 100 des personnes incarcérées sont des femmes, même une seule femme en prison, c'est trop, et bon nombre d'entre elles sont autochtones. Pensez-vous, mesdames, qu'un traitement pour les problèmes de santé mentale et d'abus d'alcool ou de drogues, ainsi que des mesures pour lutter contre l'itinérance et tous les problèmes sociaux nous aideraient à diminuer notre population carcérale? Selon vous, si nous pouvions remédier à certains de ces maux sociaux en amont, aurions-nous moins d'hommes et de femmes dans le système correctionnel?
    C'est sûr. Comme je l'ai mentionné, la santé mentale est intimement liée à la santé affective, physique et spirituelle. Quand on a demandé aux femmes ce qui les aiderait à retrouver la santé, elles ont cerné les neuf objectifs de santé, au cours des deux ans du projet.
    Le projet « Doing Time » demande aux femmes qui sont dans la collectivité ce qui les aide à atteindre ces neuf objectifs et ce qui les empêche de le faire. Comme Amber y a fait allusion, les entrevues menées jusqu'à présent montrent que 40 p. 100 des femmes n'ont pas de logement quand elles sortent de prison. Comment une personne peut-elle recouvrer la santé quand elle n'a pas d'endroit où vivre? Comment va-t-elle assurer sa subsistance? La voie la plus facile pour ces personnes, c'est de retourner à ce qu'elles connaissent, soit la dépendance aux drogues et la consommation de substances interdites. Après, elles commettent un crime et sont renvoyées en prison.
    Je vais essayer de poser autant de questions que possible, et vous pourrez toutes y répondre.
    Madame Tole, en ce qui concerne la population autochtone, quand nous constatons que les femmes autochtones constituent un pourcentage aussi élevé de notre population carcérale, que pourrions-nous faire pour notre population autochtone en matière de services, de programmes ou de mesures préventives? Qu'est-ce qui fait défaut pour qu'il y ait tant de femmes autochtones dans les prisons? Est-ce un manque de systèmes, d'espoir, d'occasions, d'éducation ou d'emplois? Qu'est-ce que vous relèveriez?
    Mme Christie voudra peut-être répondre aussi.
    C'est probablement l'ensemble de ces choses. La pauvreté joue un rôle, ainsi qu'une série de problèmes systémiques endurés par la population.
    Généralement parlant, selon mon expérience, la population des premières nations, ou la population autochtone, est loin de prospérer dans notre système carcéral, qu'il soit provincial ou fédéral. Si on appuyait le processus de transfert des programmes et de la responsabilité aux bandes et aux nations qui sont en mesure de les assumer, et si on apportait un soutien à ce processus, on aurait sans doute beaucoup plus de succès. En tout cas, il est difficile de faire pire que ce que nous faisons actuellement. Quand il s'agit de gérer cette population, nous en sommes vraiment incapables.
    J'aurais juste un commentaire sur les façons dont on peut empêcher les gens de finir en prison, comme vous l'avez dit. Au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Grande-Bretagne, la population des femmes a enregistré une augmentation marquée, vraiment spectaculaire, au cours des cinq dernières années. Or, ce sont des pays où il y a eu des réductions dans les programmes sociaux. Ces compressions touchent toutes les populations, mais les femmes d'abord.
    En fait, l'orientation vers une espèce de guerre contre les drogues et la criminalité, accompagnée d'une réduction dans les programmes sociaux, a fait augmenter le nombre de membres de cette population dans notre système.
    J'aimerais également entendre ce que Mme Christie a à dire sur la question, notamment en ce qui concerne le traitement d'un point de vue autochtone et le recours à des solutions de rechange.
    Après, il faudra conclure.
    Allez-y.
    L'expérience vous montrera que chaque cas est différent. Notre étude menée auprès des femmes autochtones relève que chacune vient d'une bande différente, croit différentes choses, alors que les gens ne sont toujours pas sensibilisés aux réalités culturelles dans les établissements. En fait, il m'est arrivé une seule fois de rencontrer une personne de ma culture en milieu carcéral.
    Pour ce qui est des organisations externes, je pourrais parler pendant des heures des réalisations de notre projet de recherche auprès de la population autochtone et de la façon dont nous avons fait venir nos femmes des établissements. Nous avons réuni tant de membres différents de notre collectivité, avons fait venir les femmes et leur avons donné la chance de faire connaissance. Vous comprenez ce que je veux dire? C'est un processus d'apprentissage pour savoir ce que les femmes veulent, ce dont elles ont besoin, et ce qu'elles sont disposées à prendre.
(1710)
    Monsieur McColeman, s'il vous plaît.
    Tout d'abord, laissez-moi vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui. Vous nous avez fourni des renseignements précieux et je vous remercie d'avoir pris le temps de vous déplacer jusqu'ici et d'avoir le courage de comparaître devant nous également.
    Je veux d'abord parler du commentaire selon lequel nous nous préoccupons de la mise en isolement et préciser que, si nous voulons vraiment être partisans, c'est de l'autre bord de la table que la question a été soulevée. Nous pensons également que c'est un problème. Nous voulons tous tâcher de mieux comprendre la question.
     J'aimerais entendre vos réactions à mes commentaires. Dans le système fédéral, on a généralement des condamnations plus longues et plus de temps pour différents types de réadaptation. Quand nous avons voyagé et visité divers établissements, nous avons constaté qu'il existait certains programmes, mais, selon moi, c'est loin d'être suffisant pour former les détenus afin qu'ils puissent occuper un emploi décent à leur sortie. Cela joue-t-il un rôle?
    Madame Tole, puisque vous avez été directrice, vous pourriez peut-être répondre à ma question. Je sais que, dans le système provincial, où les contrevenants purgent des peines maximales de deux ans moins un jour, vous ne disposez pas de beaucoup de temps. Permettez-moi quand même d'explorer la question un peu et de vous demander si, selon vous, il serait utile qu'on mette l'accent sur l'éducation et la formation à de nouveaux métiers pour les gens dans les établissements, afin qu'ils puissent mieux se réintégrer à leur sortie et avoir un véritable travail.
    Je pense que c'est vraiment essentiel, que c'est très important. Je pense qu'une condamnation plus longue est une épée à double tranchant, en quelque sorte. Lorsque les gens purgent des peines plus longues, vous pouvez leur offrir plus de programmes, mais, en fait, plus les gens sont longtemps isolés d'un environnement normalisé, de la vraie vie, plus leur réintégration est difficile, car cette réclusion a un effet négatif sur eux.
    Ils peuvent se concentrer sur certains points, ils peuvent participer et, pendant leur incarcération, on peut effectuer un certain travail thérapeutique, mais aussi leur offrir une formation valable pour le travail, les métiers, dans des domaines qui leur permettront sans doute d'avoir un vrai emploi à leur sortie. Il y a aussi des activités enrichissantes, comme de leur permettre, si c'est raisonnable, de participer à la collectivité, en faisant du bénévolat ou en faisant certaines bonnes actions avec la collectivité. Là encore, il y a beaucoup de bonne rétroaction.
    Je n'ai encore jamais vu des détenus qui ne préféraient pas être occupés, qu'il s'agisse de travail ou d'éducation. Tout les intéresse. Les activités leur offrent aussi un mode de vie sain, et c'est vraiment nécessaire. Ce sont des gens qui vont parfois rester longtemps dans le système. Il est très difficile de réintégrer la société quand vous avez vécu dans un isolement profond.
    Je dirais que les succès sont souvent liés à l'acquisition d'une estime de soi. Or, l'estime de soi et la santé sont en partie liées à la capacité de faire quelque chose d'important dans la vie, quelque chose que l'on trouve satisfaisant. Manifestement, si possible, nous devrions concentrer nos efforts sur ces aspects.
    Madame Martin, vous avez dit qu'il y avait beaucoup d'initiatives peu coûteuses qui pouvaient être prises. J'aimerais en voir une liste et je vous remercierais de bien vouloir nous en fournir une, si vous le voulez bien. Nous avons votre témoignage d'aujourd'hui, mais il serait bon d'avoir des procédures et des politiques pratiques et établies.
    Vous avez tous opiné du chef quand nous avons mentionné Okimaw Ochi — j'espère que ma prononciation est correcte —, que nous avons visité, comme modèle radicalement différent d'établissements pour les femmes autochtones. Tout d'abord, êtes-vous allée là-bas? Avez-vous eu l'occasion de visiter l'établissement? Connaissez-vous le modèle? J'aimerais savoir ce que vous pensez de la structure, du fonctionnement et de l'efficacité du modèle.
    Je connais l'établissement, mais je ne l'ai jamais visité. Il fonctionne essentiellement sur un modèle de type thérapeutique et utilise la spiritualité et les enseignements des premières nations. Je ne sais pas quelle est la situation dernièrement, mais je sais que la présence des enfants était un encouragement pour les femmes détenues.
    La seule critique que je ferais, c'est que l'on n'ait pas élargi ce modèle pour les femmes. Vu la population dans le système fédéral et provincial, je me demande pourquoi le modèle n'a pas été élargi. Il semble être le centre pour femmes qui connaît le plus de succès en matière de violence, de diminution des problèmes mentaux, d'environnement sain, de détenus en santé et de bonnes relations avec le personnel. Même si je n'ai pas visité l'établissement, c'est ce que je comprends, après avoir lu de nombreux articles à son sujet et avoir parlé à diverses personnes.
(1715)
    C'était vraiment différent et vraiment impressionnant. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais j'ai été un peu surpris de constater que le taux de récidive à la sortie de cet établissement restait très élevé.
    C'est un modèle unique en son genre. Je me demandais si vous avez des commentaires sur le modèle.
    Comme votre recherche le montre, les gens doivent vraiment vouloir changer, n'est-ce pas? Le moment où l'on se regarde dans le miroir et que l'on décide de changer sa vie est différent pour chacun, je suppose, surtout dans ces populations. J'aimerais connaître votre avis quant aux véritables motivations et surtout le vôtre, madame Martin. Quelles sont les véritables motivations qui amènent les gens à vouloir se prendre en main?
    Je pense que vous pouvez tirer la réponse des récits que vous entendez. Pour chaque femme, c'est un peu différent, mais, d'après ce que j'ai entendu, le fil commun est l'espoir de pouvoir réussir, la présence de gens qui croient en elle et le soutien de la collectivité. C'est une conjonction de facteurs et les gens disent souvent qu'arrive le moment où ils se disent: « Ah c'est possible, je peux le faire. »
    Recueillir les récits qui illustrent ce moment pivot constitue un autre projet de recherche. Les personnes auront une révélation. Il peut leur falloir un certain temps avant de passer à l'action. C'est presque un système de bascule: la motivation arrive à un stade où les choses se placent et où ces personnes peuvent faire basculer leur vie, mais il faut qu'elles aient de l'espoir.
    Merci.
    On m'a demandé une brève question. J'en ai une.
    On nous a dit pendant nos voyages que les gens qui étudiaient les problèmes de santé mentale dans les prisons indiquaient qu'ils étaient systématiquement accompagnés de problèmes de drogue et que le problème de drogue précédait toujours celui du trouble de santé mentale. Est-ce quelque chose que vous avez constaté de votre côté?
    Vous avez dit que le problème de santé mentale précédait le problème de drogue?
    Non, le contraire, qu'il était précédé par un problème de drogue.
    Je dirais que les deux sont associés. Je ne suis pas sûre qu'on puisse déterminer si l'un précède l'autre. J'en doute. Mais les deux sont certainement associés, c'est indubitable.
    Entendu.
    Je vous donne une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux que M. McColeman ait soulevé cette question importante, qui fait actuellement l'objet d'un débat de société et qui porte sur les peines d'emprisonnement plus longues. Il a dit que les sentences devraient être assez longues pour qu'on puisse aider les contrevenants à réintégrer la société. Je suis content qu'il ait placé la question dans ce contexte, car, malheureusement, la plupart du temps le débat tourne autour de slogans, tels que « Vous commettez un crime, vous devez payer ». C'est donc basé sur une approche punitive. Un autre argument invoqué pour justifier les peines plus longues est basé sur la sécurité: nous avons peur de ces personnes, donc mettons-les en prison pour aussi longtemps que possible.
    Madame Christie, vous auriez pu être l'enfant-modèle pour ces arguments il y a cinq ans. Vous avez été incarcérée puis libérée trente fois.
    Mais quelque chose a changé. Nous avons appris ce qui a changé: les programmes. Une nouvelle approche vous a aidée à changer votre vie, et vous nous avez dit que vous pourriez nous donner beaucoup d'autres exemples de femmes qui ont pu changer leurs vies grâce à ces programmes.
    Auparavant, pendant la période où vous avez été en prison puis libérée d'innombrables fois, si on vous avait incarcérée pendant une longue période de temps, est-ce que cela vous aurait aidée à vous en sortir? Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît.
(1720)
    Probablement pas. Non.
    Merci.
    Merci beaucoup à vous tous
    La séance est levée.
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