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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 23 avril 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement économique.
    Je veux remercier nos deux témoins...
    Vous avez quelque chose de neuf pour nous?
    Merci, monsieur le président.
    J'ai seulement un bref rappel au Règlement.

[Français]

    J'ai soumis une motion qui dit ceci:
Que le Comité consacre au moins une séance publique à l’étude de la position du Canada dans les négociations du traité des Nations Unies sur le contrôle des armements, qui devraient avoir lieu en février 2012; que cette ou ces séances aient lieu avant que la Chambre ne s’ajourne pour le congé d’hiver, afin qu’elles précèdent ces négociations; que les témoins à inviter à témoigner à ces séances comprennent des représentants de l’organisation Contrôlez les armes et le Ministre des Affaires Étrangères; que la Chambre des communes soit informée des conclusions du Comité avant que la Chambre ne s’ajourne pour le congé d’hiver.
    Monsieur le président, à quel moment aurons-nous l'occasion de discuter de cette motion?

[Traduction]

    Je propose que nous en discutions lors de la deuxième heure de notre séance.
    Merci beaucoup.
    D'accord, merci beaucoup.
    Je tiens donc à remercier nos deux témoins. Nous accueillons M. Raymond Baker, directeur de Global Financial Integrity au sein du Center for International Policy, qui témoignera via vidéoconférence à partir de Washington.
    Bienvenue à vous, monsieur Baker.
    Du Groupe d'aide économique du Canada pour le Soudan du Sud, nous recevons M.  David Tennant, directeur exécutif.
    Bienvenue à vous également.
    Monsieur Baker, pourquoi ne pas commencer avec vous? Nous vous accordons 10 minutes pour votre exposé préliminaire. Nous donnerons ensuite la parole à M. Tennant après quoi nous passerons à la période réservée aux discussions et aux questions.
    Vous avez la parole, monsieur Baker.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis ravi d'avoir l'occasion de comparaître à nouveau devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Voilà bien des années que j'admire le travail accompli par l'ACDI et les objectifs qu'elle vise dans sa poursuite du développement. Nous sommes très heureux de compter l'ACDI parmi les membres du groupe de travail sur l'intégrité financière et le développement économique dont nous assumons la direction.
    Je me réjouis également d'être accompagné de Christopher Lawton, un stagiaire qui est étudiant de deuxième cycle ici même à Washington. Il a travaillé pendant plusieurs années au sein du gouvernement du Canada et y retournera en juin.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais d'abord vous raconter une petite histoire.
    J'ai vécu pendant 15 ans au Nigéria où j'achetais des entreprises en vue de former un regroupement. À la fin des années 60, en plein coeur de la guerre civile nigériane, j'avais l'oeil sur une entreprise que je souhaitais acheter. Elle appartenait à une famille expatriée et avait perdu de l'argent tous les ans au cours des cinq années précédentes. J'ai offert 10 fois sa valeur comptable pour en faire l'acquisition.
    Des étudiants en administration de Harvard ont ultérieurement examiné le dossier et conclu unanimement qu'il s'agissait d'une mauvaise acquisition: je n'aurais pas dû acheter cette entreprise boiteuse. J'ai ensuite eu le plaisir de me présenter devant eux pour leur dire que non seulement nous avions acheté l'entreprise, mais nous avions réglé toutes ses dettes dès la première année, avant de nous verser de généreux dividendes pendant des années par la suite.
    Comment nous y sommes parvenus? Nous avons acheté les matières premières aux prix du marché mondial. Les propriétaires précédents avaient gonflé les coûts de leurs matières premières importées pour pouvoir sortir leurs profits du Nigéria. Nous les avons donc achetées suivant les prix du marché mondial pour réaliser des bénéfices au Nigéria et y payer des impôts en conséquence. À la lumière de cette expérience, et de nombreuses autres semblables qui ont suivi, je n'en reviens pas de tout le tort causé au système capitaliste et au processus de développement par les mécanismes permettant de faire passer l'argent d'un pays à l'autre.
    Je ne veux pas que personne pense que j'en ai contre la libre entreprise. Au contraire, je crois en un système de marché libre. Je crois au libre-échange, à la libre convertibilité des devises et à la libre circulation des capitaux. Il y a toutefois une condition: il faut que ce soit légal. C'est aux composantes illégales de ces mouvements financiers que je m'intéresse depuis toutes ces années.
    Après 35 ans dans le secteur du commerce international, je me suis joint au groupe de réflexion Brookings, j'ai rédigé un livre sur le sujet et j'ai créé Global Financial Integrity (GFI). Notre groupe analyse les mouvements illicites de fonds entre les pays. Selon nos estimations, des sommes totalisant environ 1 billion de dollars par année quittent les pays en développement à destination de pays mieux nantis. Ces fonds proviennent de trois sources différentes. Une partie est attribuable à la corruption; elle est le fruit des pots-de-vin versés et des vols perpétrés par des fonctionnaires gouvernementaux. Une autre portion est d'origine criminelle (trafic de drogues, fraude, contrefaçon, etc.) et une troisième partie est le fait de l'évasion fiscale.
    Bien des gens, surtout au sein des médias occidentaux, croient que le problème est entièrement attribuable à la corruption dans les pays en question. Suivant notre analyse de l'exode d'argent illicite, la corruption n'est responsable que d'environ 3 p. 100 du total des sommes sortant du pays. La proportion attribuable à des activités criminelles se situe entre 30 et 35 p. 100. La composante évasion fiscale, à l'égard de laquelle nous avons certes un rôle à jouer, représente de 60 à 65 p. 100.
    C'est donc une réalité qu'il faut absolument prendre en compte lorsqu'on réfléchit au rôle des multinationales dans les pays en développement. C'est un élément clé dans notre considération de la cohérence des politiques, un concept datant de quelques années déjà suivant lequel nous devons être cohérents dans la façon dont nous promouvons les activités de nos multinationales et quant aux interactions qui s'ensuivent avec les autres éléments des politiques gouvernementales

  (1535)  

    Pour favoriser cette cohérence des politiques, j'aimerais suggérer deux mesures qui pourraient influer sur nos discussions d'aujourd'hui.
    Premièrement, nous voudrions exhorter les industries extractives à rendre publiques les ententes qu'elles signent avec des pays en développement. Il serait peut-être difficile de le faire de façon rétroactive avec les ententes déjà conclues, mais il est certes possible de le prévoir dans les accords à venir. Une telle divulgation nous permettrait d'éviter une grande partie des problèmes que nous connaissons avec les tensions entre les multinationales et les pays en développement.
    Je vais vous donner un exemple. En vertu d'une entente intervenue pour l'extraction du cuivre avec la Zambie, ce pays ne recevait que 3 p. 100 du prix du marché mondial en redevances. Une personne très brave du nom d'Eva Joly s'est rendue en Zambie et a collaboré avec les autorités locales pour que l'on fasse invalider cette entente si injuste. L'injustice était flagrante à ce point que le contrat a pu être annulé et renégocié, ce qui a permis au gouvernement zambien d'obtenir un pourcentage beaucoup plus élevé.
    La seconde mesure que nous préconisons dans le contexte de la présente audience serait une comptabilité plus transparente de la part des multinationales à l'égard de leurs ventes, de leurs bénéfices et des impôts qu'elles paient dans les pays en développement. On irait ainsi encore plus loin que l'actuel mouvement Publiez ce que vous payez qui vise à ce que les industries extractives dévoilent les sommes versées aux gouvernements en redevances, impôts et autres droits.
    La formule de production de rapports pour chaque pays devrait concerner toutes les entreprises actives au sein des pays en développement. Il s'agit alors pour elles de rendre compte dans chaque cas de leurs ventes, bénéfices et impôts payés. Si une exigence semblable existait actuellement, nous pourrions constater que de nombreuses entreprises qui signalent des pertes ou de très faibles profits dans les pays en développement où elles sont actives, déclarent en même temps d'importants bénéfices dans des paradis fiscaux où elles n'ont aucune activité. Comment est-ce possible? Comment pouvez-vous déclarer des pertes ou des profits minimes dans des pays où vous consentez d'importants investissements et déployez un vaste personnel tout en faisant état de bénéfices élevés dans des endroits où vous n'avez ni installations ni personnel? C'est bien sûr en profitant des mécanismes disponibles pour faire sortir l'argent des pays en développement. C'est la seule façon d'y arriver.
    C'était donc simplement deux des mesures qui pourraient être prises, non seulement par le Canada mais aussi par d'autres pays, pour améliorer les rapports des multinationales avec les pays en développement.
    Notre groupe entreprend actuellement une étude d'une durée de trois ans, conjointement avec un institut de recherche norvégien et trois instituts de l'hémisphère Sud, soit au Brésil, au Nigéria et en Inde. Nous cherchons à analyser tout l'aspect externe du développement économique dans les pays moins bien nantis. Cela comprend les investissements totaux dans les pays en développement, les sommes totales qui en ressortent et l'argent qui est laissé dans ces pays. Pour ce faire, on tient compte de tous les mouvements de fonds licites et illicites, comme les investissements étrangers directs, les investissements de portefeuille, les remises, les transactions de type hawala et bien d'autres choses. Nous voulons en arriver à chiffrer l'ensemble de cette composante externe du développement.
    Nos données préliminaires indiquent que nous allons être en mesure de démontrer de façon assez crédible que les pays en développement sont créditeurs du reste de la planète et qu'il y a en fait un transfert net d'argent de ces pays vers les mieux nantis. Le même argument a déjà été avancé de façon très convaincante concernant l'Afrique. Nous pensons être en mesure d'en confirmer la pertinence pour l'ensemble des pays en développement.

  (1540)  

    Nous avons donc un important problème à régler au 21e siècle: il nous faut endiguer le flot des sommes illicites qui sortent des pays en développement. Ce n'est pas de cette manière que nous pourrons créer un marché mondial sûr et propice à la croissance. Notre objectif ultime doit être d'établir les conditions favorables à la croissance et à la prospérité pour tous les habitants de la planète.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup. Voilà des réflexions fort intéressantes.
    Nous avons grand hâte de vous poser des questions plus tard dans la séance.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Tennant.
    Bienvenue à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président et membres du comité, au nom de mon organisation, le Groupe d'aide économique du Canada pour le Soudan du Sud (CEDASS), je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous pour vous présenter notre point de vue sur le rôle du secteur privé dans les pays en développement.
    Notre organisation travaille dans le Soudan du Sud depuis 2006. Elle est constituée à 100 p. 100 de bénévoles qui ne reçoivent aucune indemnisation; ils paient leurs propres frais de déplacement et d'hébergement lorsqu'ils se rendent au Soudan du Sud.
    La majorité de nos membres viennent du milieu des affaires et du secteur agricole. Nous sommes une organisation humanitaire, mais nous essayons d'appliquer un modèle d'affaires qui vise la viabilité économique à long terme. Il va de soi que la contribution du secteur privé est impérative. Nous nous devons d'aider des pays comme la République du Soudan du Sud à édifier leur nation et à aspirer à l'indépendance économique tout en évitant les erreurs du passé qui ont fait en sorte que de nombreux pays en développement sont devenus dépendants à l'égard de l'aide internationale, même si le tout partait de bonnes intentions.
    Si la solution semble simple, son application ne l'est pas autant.
    Lors de ma comparution devant le comité en 2008, j'ai décrit un projet que nous souhaitions mettre en oeuvre pour la création de l'une des premières fermes mécanisées au Soudan du Sud. Comme vous le savez très bien, la République du Soudan du Sud est devenue officiellement un pays en juillet 2011 à la suite d'un référendum où plus de 90 p. 100 de la population s'est prononcée en faveur de l'indépendance.
    Il me faudrait trop de temps pour vous expliquer toutes les difficultés auxquelles nous avons été confrontés. Nous avons eu droit à toute la gamme des problèmes allant de la violence tribale qui a résulté en une attaque contre notre camp jusqu'aux difficultés financières, en passant par les coûts de transport et l'absence de routes, les défis environnementaux et les infestations aviaires. Bref, rien ne nous a été épargné, mais il importe surtout de constater, monsieur le président, que nous avons surmonté tous ces obstacles.
    En 2011, nous avons obtenu un rendement de deux tonnes métriques de maïs par acre, soit le plus élevé de toutes les fermes du pays. Pour cette année, nous visons de 2,5 à 3 tonnes métriques par acre. Si nous y parvenons, nous atteindrons l'un de nos principaux objectifs: la viabilité économique. Nous pourrons ensuite faire fond sur cette base pour accroître la superficie cultivée et le rendement.
    M. Stu McCutcheon, qui cultive quelque 2 000 acres de terre dans le sud-ouest de l'Ontario, est l'un de nos bénévoles qui ont passé quatre mois au Soudan du Sud l'an dernier. Il y retournera encore cette année. M. McCutcheon estime qu'en choisissant bien les pesticides, les engrais et les semences, nous pouvons viser un rendement de 3 à 3,5 tonnes par acre, ce qui se rapprocherait des normes canadiennes, et les égalerait même dans certains cas.
    Nos autres objectifs consistent à offrir une formation pratique en agriculture mécanisée au moyen de la méthodologie canadienne, à fournir de l'aide humanitaire à la population locale en construisant une clinique de santé, et à parfaire la formation des citoyens locaux au moyen d'un programme d'études conçu au Canada, le tout avec l'approbation des instances locales du secteur de l'éducation.
    Pour surmonter quelques-uns des obstacles qui se dressaient devant nous, nous avons déjà sollicité l'avis d'institutions comme le Ridgetown College. Nous envisageons l'établissement d'un partenariat plus étroit avec les établissements d'enseignement du Canada et du Soudan du Sud afin d'offrir les bases nécessaires à l'économie agricole. La plupart des programmes de formation existants ne reconnaissent pas la nécessité d'un engagement à long terme de l'étudiant et de l'application pratique des enseignements théoriques.
    Nous entretenons de bonnes relations avec le Programme alimentaire mondial depuis plusieurs années déjà. Il se porte acquéreur de nos récoltes dans le cadre de son programme Achats au service du progrès. Le programme va acheter la totalité de notre production et nous a approchés pour construire en partenariat une installation d'entreposage. Non seulement cela nous aiderait, mais cela permettrait également de protéger toutes les récoltes de la région de Jebel Lado où notre ferme est située.
    Il n'a pas été facile pour nous de surmonter ces difficultés et d'obtenir ces résultats, mais l'application du principe d'affaires fondamental visant la recherche de la viabilité économique nous a amenés à réexaminer continuellement tous les aspects de nos activités afin d'apporter les changements qui s'imposaient. Grâce à l'application de ces principes dans un contexte de viabilité économique, nous croyons être en mesure d'atteindre notre autre grand objectif, celui de la pérennité.
    Je crois qu'il vaut la peine de souligner quelques-unes de nos réalisations.
    Nos tracteurs et nos moissonneuses-batteuses sont au Soudan depuis 2008 et 2009. Il s'agit d'équipement usagé qui a été acheté au Canada et expédié là-bas. Grâce à nos programmes d'entretien bien planifiés, ces machines sont encore en bon état de marche. À titre de comparaison, les tracteurs neufs importés au Soudan du Sud avaient un taux de défaillance de pas moins de 85 p. 100 lors de leur première année d'utilisation.
    Nous avons conçu un programme d'épandage de pesticides qui permet de lutter efficacement contre des mauvaises herbes qu'un agriculteur a décrites comme étant les plus envahissantes qu'il ait vues.

  (1545)  

    Nous nous sommes procurés une semence canadienne qui sert de complément à notre programme de fertilisation et de gestion de la valeur nutritive.
    Nous avons conçu un programme de fertilisation qui insuffle à cette terre vierge l'azote et les phosphates nécessaires pour obtenir des rendements viables du point de vue économique et permettre la culture de superficies additionnelles.
    Nous avons enseigné nos méthodes d'agriculture et d'entretien de l'équipement à certaines personnes clés du Soudan du Sud. À compter de cette année, on dispensera de la formation sur l'établissement d'un budget. Nous nous employons à mettre en oeuvre un programme d'incitatifs pour nos intervenants clés sur place. Ce programme sera fondé sur l'atteinte des rendements visés, l'entretien de l'équipement, la formation de travailleurs locaux et le respect des budgets. Le but visé est de leur apprendre à se familiariser avec les aspects commerciaux de l'agriculture. Nous souhaitons les encourager à développer leur esprit d'entrepreneuriat et à adopter une mentalité propre au secteur privé. Cela nous aidera également à tendre vers la viabilité à long terme.
    La présence du secteur privé dans les pays en développement doit d'abord et avant tout se justifier par la volonté de créer une entreprise rentable. Tout cela a l'air assez évident. Cependant, nous connaissons tous des entreprises qui ont essuyé un échec dans les pays en développement. Les risques d'échec y sont exponentiellement plus élevés, ce qui fait que les possibilités de rendement doivent être meilleures pour attirer des investisseurs.
    En second lieu, il faut créer des programmes de formation sans plafonnement voilé pour les travailleurs locaux de telle sorte que la promotion au sein de l'organisation et la création de nouvelles entreprises soient non seulement permises, mais encouragées. Il faudra pour ce faire que le gouvernement du pays hôte mette l'accent sur les activités en ce sens.
    Troisièmement, les entreprises privées doivent pouvoir fonctionner avec un minimum d'interférence de la part du gouvernement qui devrait plutôt coopérer avec elles en réduisant les tracasseries administratives.
    Quatrièmement, une partie des bénéfices doit servir au financement de programmes communautaires au profit des citoyens locaux.
    Cinquièmement, il faut que ce soit ces citoyens locaux qui bénéficient des retombées à long terme, ce qui est le plus important.
    Il y a un secteur privé au Soudan du Sud. Dans bien des cas, l'implication internationale n'est guère encourageante. Les travailleurs locaux n'ont pas la possibilité de parfaire leur formation. Il ne semble y avoir aucun programme de gestion. Je crains que les entreprises étrangères qui viennent y faire des affaires ne quittent simplement le pays une fois qu'elles en ont terminé en ne laissant aucun avantage à long terme pour les citoyens locaux.
    La république du Soudan du Sud offre d'énormes possibilités pour la création d'une industrie agricole. Alors que des gens y meurent littéralement de faim, il est ironique de constater que ce pays renferme des milliers d'acres de terres arables pouvant accueillir un large éventail de récoltes. Il suffit de penser au développement du secteur agricole au Canada, qui a commencé par la culture individuelle de petites parcelles de terre, pour se rendre compte de tout le potentiel de ce pays qui regorge de terres fertiles, de pluie et de chaleur.
    Dans notre seul bassin hydrologique parallèle au Nil, il y a 20 000 acres de terres arables. Imaginez l'avenir si nous parvenions à cultiver toutes ces terres avec un rendement de trois tonnes par acre. Le déficit alimentaire du Soudan du Sud est estimé cette année à 450 000 tonnes métriques. Cette région à elle seule pourrait produire 60 000 tonnes métriques. Le climat offre des possibilités de double récolte, ce qui peut permettre d'augmenter le rendement encore davantage.
    Une industrie viable à long terme du point de vue économique favorise la création d'un grand nombre d'emplois connexes et d'autres entreprises dont elle a besoin.
    Malgré qu'elle soit nécessaire dans bien des cas, l'aide internationale suivant sa formule traditionnelle peut miner l'esprit d'entrepreneuriat au sein des collectivités locales. Les gens risquent de devenir dépendants de l'aide internationale et de se sentir moins pressés de développer leur propre industrie. Nous avons noté que cette attitude prend de l'ampleur depuis la fin de la guerre et la création d'un pays indépendant. Nous avons constaté une tendance regrettable à exiger davantage d'aide internationale pour subvenir aux besoins fondamentaux et obtenir des salaires non pas fondés sur le rendement, mais bien sur la volonté de toucher une rémunération plus élevée que les ressortissants d'autres nationalités comme les Ougandais, les Somaliens, les Érythréens et les Kényans qui travaillent au Soudan du Sud. Les gens originaires de ces pays créent de nombreuses entreprises. Nous préférerions voir les Soudanais du Sud lancer ces petites entreprises.
    La corruption, un problème majeur pour les pays en développement, est bien présente au Soudan du Sud. De nombreux citoyens de ce pays estiment que le chemin vers la richesse passe par le gouvernement qui peut ouvrir des portes par la voie de la corruption. Il faut dire que la république a nommé un ministre chargé de lutter contre la corruption, ce qui est tout à son honneur. Selon la politique énoncée, on compte intenter des poursuites contre ceux qui se livrent à des activités semblables.
    La corruption peut toutefois poser problème non seulement pour le secteur privé, mais aussi pour les pays donateurs. À la lumière de notre expérience restreinte dans ce secteur, nous croyons que si une classe moyenne peut être établie et que des entreprises locales sont jugées rentables sans avoir recours à la corruption, cette pratique perdra du terrain et les simples citoyens en viendront, à l'instar des Canadiens, à ne plus tolérer la corruption chez leurs leaders politiques. Nous devons reconnaître que la corruption est présente dans tous les pays, qu'ils soient développés ou en voie de développement.

  (1550)  

    Nous devons éviter de jouer les vierges offensées en invoquant l'existence de la corruption pour ne pas apporter notre aide. Nous devons plutôt contribuer à bâtir une économie légitime et viable à long terme qui, elle-même, favorisera le contrôle de la corruption. De nombreux Soudanais du Sud aspirent à un tel résultat, et nous devons tout mettre en oeuvre pour y contribuer.
    Dans le secteur agricole, les gouvernements établissent des politiques qui peuvent inhiber la croissance d'une industrie viable. Certains pays sont réticents à utiliser des semences ciblant des problèmes particuliers à une région géographique ou à un site donné. Comme vous le savez, l'industrie agricole nord-américaine utilise des semences hybrides depuis de nombreuses années, ce qui a contribué à des rendements parmi les plus élevés au monde.
    Nous ne sommes pas favorables à ce que nos politiques soient imposées aux pays hôtes, mais nous devrions user de persuasion pour les convaincre d'utiliser nos méthodes qui ont fait leurs preuves. En négligeant d'agir de la sorte et de reconnaître les possibilités de rendement dans les pays hôtes, on maintient leur industrie agricole dans une situation subsidiaire non viable.
    Il arrive beaucoup trop souvent que des agriculteurs locaux ayant besoin de 900 $ par acre pour faire leurs frais s'adressent au Programme alimentaire mondial qui encourage la production locale. L'an dernier, notre prix de vente à ce programme a été de 400 $. La différence réside simplement dans le rendement. Si le pays donateur fournit des fonds pour la création d'une agriculture fiable et durable, il ne devrait pas appuyer les politiques qui minent les possibilités en ce sens.
    Au cours des 25 dernières années, la communauté internationale a versé des milliards, si ce n'est des billions, de dollars au continent africain, ce qui est tout à son honneur et témoigne de sa générosité. Je vous demande de me dire si cette aide a produit les résultats escomptés.
    En conclusion, monsieur le président, nous souhaitons réaffirmer que nous sommes une petite organisation dotée de ressources limitées qui peut toutefois compter sur un groupe de bénévoles dévoués, passionnés et souvent entêtés qui ont su démontrer qu'une attitude propre au secteur privé peut porter fruit lorsqu'elle est combinée à une volonté d'aider les Soudanais à édifier leur nation.
    Même si nos actions sont limitées en raison des restrictions financières, nous savons que la population locale a bénéficié de nos accomplissements. Si nous disposions de ressources suffisantes, nous pourrions notamment accélérer les programmes de formation et d'enseignement grâce à la création d'une école sur place; accroître la superficie cultivée; sensibiliser la communauté agricole canadienne au potentiel agricole de la République du Soudan du Sud; et élaborer des programmes communautaires en santé et en éducation.
    Nous espérons atteindre un niveau de prospérité qui permettra aux Soudanais du Sud de prendre en charge l'exploitation agricole que nous avons lancée et d'en poursuivre l'expansion. Notre objectif ultime, et je dirais même notre rêve, monsieur le président, est de voir la population locale nous remercier de notre aide dans l'établissement d'une industrie viable à long terme et nous dire qu'elle n'a plus besoin de nos services.
    Je vous remercie de votre invitation et de votre attention, et je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
    Merci, monsieur le président.

  (1555)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons débuter le premier tour de questions du côté de l'opposition.
    Madame Laverdière, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie aussi nos deux témoins de leurs présentations extrêmement intéressantes. J'aimerais commencer par une première question à M. Baker.
    J'ai été particulièrement intéressée par une chose que vous avez mentionnée.

[Traduction]

    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais passer d'une langue à l'autre en espérant de ne pas trop faire souffrir nos interprètes.
    Dans votre analyse des entrées et des sorties de fonds, vous indiquez que les pays en développement sont nos débiteurs, ce que je trouve tout à fait compréhensible d'une certaine manière. Les entreprises privées doivent d'abord et avant tout rendre des comptes à leurs actionnaires qui ne se retrouvent habituellement pas dans ces pays en développement.
    Cela me rappelle les propos d'un dignitaire français qui parlait de l'indépendance d'un pays africain que je ne nommerai pas.

[Français]

    Il a dit que s'ils avaient su que ce serait aussi payant, ils auraient accordé l'indépendance beaucoup plus tôt.

[Traduction]

    Je ne pense pas que nous ayons d'objection à ce que les entreprises privées réalisent des bénéfices et sortent ces sommes des pays en développement, même si nous préférerions qu'elles en laissent davantage derrière elles.
    Nous étudions ici le rôle que les sociétés privées peuvent jouer en matière de développement. J'aimerais savoir quelles limites vous voyez à ce rôle. Certaines entreprises privées construisent des écoles ou des hôpitaux, mais elles semblent incapables de bâtir l'infrastructure nécessaire, ce que j'appelle l'infrastructure légale et de gestion, qui permettrait aux pays en développement de faire contrepoids à cet effet de dépendance. Cela ne peut être réalisé que grâce à une forme d'assistance de gouvernement à gouvernement.
    Est-ce que je fais fausse route?
    Non, pas du tout.
    Permettez-moi de vous parler, à titre d'exemple, d'une autre compagnie qui ne paie pas d'impôt en Afrique. Une étude a été effectuée récemment au sujet de la brasserie SABMiller, qui possède un certain nombre d'installations dans le monde. En faisant une étude de ses activités au Ghana, on a constaté que SABMiller n'avait déclaré aucun profit et n'avait payé aucun impôt au Ghana, et ce, malgré le fait qu'il s'agit d'une très grosse entreprise qui est prospère. Comment est-ce possible? Cette entreprise a exigé une redevance de franchisage extrêmement importante pour l'utilisation de sa marque. Elle a aussi demandé à ses filiales de payer des frais de gestion, et cet argent a été versé à une entité qui n'avait absolument aucun droit de regard sur la gestion. Ce sont simplement deux mécanismes qu'a utilisés SABMiller pour réduire les profits et ne rien avoir à déclarer.
    Le fait qu'une entreprise paie des dividendes à l'étranger ne me pose aucun problème. C'est tout à fait compréhensible. Ce qui me cause un problème, c'est l'utilisation de mécanismes comme ceux que je viens de décrire pour éviter de réaliser des profits, ou pour en faire très peu, ou même pour enregistrer des pertes, en même temps qu'on transfère dans un autre continent d'importantes sommes d'argent. C'est une situation problématique, à laquelle il faut remédier.
    Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que je ne sais pas comment les sociétés privées peuvent contribuer dans une large mesure au développement de la structure juridique d'un pays. Elles peuvent certainement favoriser son développement. Mais, en fin de compte, ce n'est pas leur rôle, car c'est un rôle qui appartient aux gouvernements.
    Les entreprises risquent d'être confrontées à des problèmes si leurs objectifs vont au-delà de la responsabilité qu'elles ont, c'est-à-dire fabriquer un produit et réaliser des profits. Cependant, il y a bien quelques exceptions. À l'époque de l'apartheid en Afrique du Sud, un certain nombre de sociétés ont encouragé le gouvernement à adopter la règle de la majorité. Au pire de l'épidémie de VIH-sida en Afrique du Sud, de nombreuses entreprises ont mis sur pied leur propre système de santé pour permettre à leurs employés de travailler pendant plus d'un an ou deux. Ce sont là des choses pour lesquelles une société peut effectuer une analyse coûts-bénéfices.
    Certaines choses peuvent être faites, mais je pense que tout doit être analysé. Il faut savoir quels sont les coûts et quels sont les avantages pour la principale mission de l'entreprise, qui est de fabriquer un produit et de réaliser des profits.

  (1600)  

    Ma question s'adresse à vous également, monsieur Baker.
    J'ai seulement une minute pour poser ma question, alors je vais aller droit au but. Appuyez-vous la Loi Dodd-Frank, qui a été promulguée aux États-Unis; vous êtes-vous penché sur cette mesure législative?
    Nous appuyons cette loi, qui s'inscrit dans la même veine que le mouvement en faveur de la divulgation des sommes versées par les sociétés. Les entreprises devraient rendre des comptes sur ce qu'elles paient à l'étranger. Je crois que c'est ce que pense la population en général dans bon nombre de pays dans le monde.
    Ce qui pose un problème en ce qui concerne la Loi Dodd-Frank, c'est qu'elle prévoit que les entreprises rendent des comptes pour chaque projet plutôt que pour chaque pays. C'est un élément dont on pourrait débattre. L'Union européenne envisage plutôt de demander aux entreprises de rendre des comptes pour chaque pays. Quoi qu'il en soit, j'estime que la Loi Dodd-Frank et la mesure législative que pense adopter le Parlement européen constituent un pas dans la bonne direction.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux députés du gouvernement. La parole est à Mme Brown.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d'être ici. Vos propos sont fort intéressants et je pense qu'ils nous aideront réellement à formuler certaines des conclusions que nous voulons inclure dans notre rapport.
    Monsieur Tennant, nous avons eu l'occasion de discuter ensemble lorsque nous étions au Soudan du Sud, où j'ai pris connaissance du travail que vous effectuez là-bas. Je tiens à vous remercier. J'ai trouvé fascinant d'apprendre ce que vous faites dans ce pays.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Je vais céder la parole à Gary Schellenberger, car je sais qu'il a beaucoup de questions à poser.
    Encore une fois, merci pour ces deux exposés. Les divers points de vue exprimés m'éclairent toujours.
    Monsieur Tennant, j'ai quelques questions à vous poser. Je connais votre projet. C'est seulement lorsque j'ai vu votre nom sur les documents de la séance d'aujourd'hui que je me suis mis à repenser à certaines des réunions. Une d'entre elles, je me souviens, a eu lieu à l'époque où vous avez expédié au Soudan du Sud un tracteur qui avait été démonté. On n'y pense pas tous les jours, mais cela m'est soudainement venu à l'esprit: je me suis demandé ce qui s'était produit sur le plan de la mécanisation de l'agriculture depuis que vous avez expédié ce premier tracteur.
    Je sais que tout cela coûte de l'argent, alors je vais vous demander d'abord comment ce projet a été financé.

  (1605)  

    C'est très simple, monsieur Schellenberger. Je vous remercie pour cette question. Ce projet est financé par de généreux Canadiens. Nous amassons des fonds. Ma propre entreprise et ma famille ont choisi d'aider l'organisme CEDASS à recueillir des fonds. Ce n'est pas une tâche facile parce qu'étant donné le contexte économique mondial, beaucoup d'organismes sollicitent des dons.
    Ce qui est important, et ce qui distingue notre forme d'aide des autres formes d'aide habituelles, qui sont tout aussi utiles, c'est que nous croyons que la meilleure façon d'aider les gens, c'est de leur donner l'occasion de s'aider eux-mêmes. C'est pourquoi la mécanisation de l'agriculture est tellement importante au Soudan du Sud.
    La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c'est en effet lorsque nous avons expédié un tracteur. Depuis, nous en avons expédié un autre ainsi qu'une moissonneuse-batteuse. Nous avons expédié je crois environ cinq conteneurs contenant du matériel agricole, et je peux affirmer que l'exploitation agricole fonctionne bien. Il ne fait aucun doute que nous sommes confrontés à certaines difficultés, mais n'importe quel projet comporte des embûches. Il faut les étudier et les surmonter.
    Que faudrait-il faire pour amener ce projet à un autre niveau?
    Je pense que ce que nous aimerions faire maintenant, c'est accroître le nombre d'acres et élaborer un programme de formation.
    J'ai trouvé intéressants les commentaires de M. Baker et la question du député concernant les pays en développement et le secteur privé. Si nous pouvions donner la formation nécessaire au peuple indigène pour qu'il puisse à un moment donné s'occuper lui-même de ces entreprises, il faudrait que... Toute entreprise privée qui oeuvre dans ces pays en développement doit comprendre, grâce à la persuasion ou à la législation, que le bénéficiaire ultime doit être le peuple indigène.
    Je pense qu'avec moins de 700 000 $, nous pourrions probablement parvenir à cultiver dans cette exploitation agricole entre 500 et 600 acres de terre. Nous croyons aussi qu'il est possible d'augmenter le rendement pour qu'il atteigne entre trois et cinq tonnes par acre, ce qui est phénoménal. Il serait aussi possible d'adopter un système à deux cultures.
    C'est ce qui s'impose. Ce n'est pas facile. Je consacre environ 30 à 40 p. 100 de ma journée de travail à ce projet.
    Ce qui arrive souvent dans certaines régions en développement, c'est que l'entreposage des produits agricoles... Si je me souviens bien, je sais qu'il y a eu de réels problèmes sur le plan de l'entreposage. Parfois les récoltes se gaspillent avant d'être amenées au marché. Est-ce que cette situation a été réglée dans une certaine mesure?
    Parce que nous entretenons de très bons rapports avec les gens du Programme alimentaire mondial et que nous travaillons en très étroite collaboration avec eux, quelques jours après la récolte ils sont là pour expédier les produits à Djouba, qui est, comme vous le savez peut-être, la capitale du Soudan du Sud. Nous n'avons donc plus de problèmes, mais il pourrait y en avoir encore.
    C'est pourquoi les gens du Programme alimentaire mondial se sont adressés à nous. En collaboration avec nous, ils souhaitent construire des installations d'entreposage qui pourraient être utilisées non seulement par notre exploitation agricole, mais aussi par d'autres fermes de petite et de grande taille qui seront montées dans la région de Jabal Lado.
    Que pourrait faire le gouvernement du Canada ou qu'a-t-il fait pour contribuer à accélérer les choses?
    Eh bien, il pourrait nous donner un million de dollars. Ce serait un beau cadeau.
    Des voix: Oh, oh!
    M. David Tennant: Je crois que nous avons eu énormément d'encouragement, non seulement de la part de députés, mais aussi de fonctionnaires. Nous avons collaboré très étroitement avec le groupe de travail sur le Soudan avant...
    Nous avons présenté des demandes à l'ACDI. Nous n'avons pas encore réussi à convaincre les gens de l'ACDI que notre projet mérite d'être financé, mais nous continuerons de discuter avec eux dans l'espoir qu'ils prennent conscience que l'aide provenant du secteur privé combinée à l'aide humanitaire constitue le meilleure moyen de venir en aide aux pays qui en ont besoin. Ce n'est pas la seule façon, mais c'est l'une des principales façons.
    Quel est le principal obstacle auquel vous êtes confrontés actuellement?
    Je pense que le Soudan du Sud est un pays instable. C'est un jeune pays, qui est aux prises avec beaucoup de problèmes, dont celui avec le Nord, qui est un des plus importants. Il y a eu aussi de la violence tribale. Toutefois, je crois encore que notre principal problème, de notre point de vue très restreint, est le financement.

  (1610)  

    Ce que vous cherchez à faire dans le cadre de ce projet, c'est amener les Soudanais à prendre en charge cette exploitation agricole. Est-ce que cet objectif vous semble réaliste en ce moment?
    Oui, tout à fait, à mon avis. Un certain nombre de Soudanais sont en train de suivre une formation au Soudan. Il faut du temps, mais ils commencent à apprendre les principes de gestion. C'est en mettant en pratique ces principes de gestion qu'ils parviendront, comme cela a été le cas dans notre pays il y a bien des années, à devenir des entrepreneurs et à monter, nous l'espérons, leurs propres fermes.
    Il faut comprendre que les Soudanais du Sud, pendant 25 à 50 ans, ont lutté pour survivre. Dans certains cas, particulièrement dans les régions rurales — dans les bois, à 30 miles de la ville — il faut leur enseigner comment travailler. Il faut partir du début.
    La progression est donc lente, mais selon moi on peut réussir.
    M. Gary Schellengerger: Merci.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais laisser les députés de l'opposition poser les dernières questions de ce tour.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d'être venus aujourd'hui et je vous remercie pour le travail que vous accomplissez en vue d'aider les personnes dans le besoin. Votre travail est différent, mais vos missions sont identiques et vous réussissez bien.
    Je veux commencer avec vous, monsieur Baker. J'aimerais revenir sur certaines choses que vous avez dites. Je trouve incroyable que ces gens soient privés d'une telle somme d'argent, qui devrait leur revenir. Je pense que vous avez dit qu'il s'agit d'un billion de dollars. C'est énorme.
    Comment pouvons-nous faire en sorte que des normes internationales soient appliquées là-bas? Nous avons établi des normes internationales pour les droits de la personne et différents domaines dans divers pays. Devrions-nous fixer des normes internationales ou mettre sur pied un tribunal pour ces pays? Il y a tellement d'argent qui échappe à ces pays pauvres; des sommes qui se retrouvent dans des comptes de banque en Suisse ou ailleurs. Comment pouvons-nous empêcher cette situation et comment pouvons-nous établir un processus... ?
    Nous sommes allés récemment aux Pays-Bas. On le sait, c'est à La Haye que se trouve la cour internationale, mais elle ne s'occupe pas vraiment de ce genre de problème. Est-ce que l'ONU ne devrait-elle pas créer une instance pour faire appliquer des normes fondamentales dans ces pays, des normes que les personnes ou les entreprises là-bas devraient respecter?
    Je vous remercie pour votre question. C'est une très grande question.
    L'argent qui disparaît des pays en développement passe en majeure partie par un système financier souterrain pour se retrouver au bout du compte en Occident. Ce système financier souterrain a commencé a être élaboré en Occident dans les années 1960. Il comporte maintenant plus de 60 paradis fiscaux dans le monde, à savoir des États qui pratiquent le secret bancaire et qui permettent la création de sociétés refuges avec des prête-noms ou des fiduciaires, de sorte que personne ne peut savoir qui est le véritable propriétaire.
    Ces fausses sociétés se comptent maintenant par millions dans le monde. Je dois dire très honnêtement que la majorité d'entre elles se trouvent aux États-Unis. Des comptes en fiducie anonymes sont également établis ainsi que des fondations frauduleuses. On a recours également à diverses méthodes de blanchiment d'argent. La falsification des prix des importations et des exportations commerciales est l'élément clé du transfert vers l'étranger de fonds issus de l'évasion fiscale. Comme je l'ai dit, cela représente environ 60 à 65 p. 100 du moins. total mondial. C'est ce système qui facilite le transfert de capitaux à l'extérieur des pays en développement.
    Je vous explique tout cela notamment pour vous faire voir que la solution comporte deux volets. Il n'y a pas seulement les pays pauvres qui doivent améliorer leurs administrations fiscales et les entités chargées des douanes. Il faut également que l'Occident prennent des mesures pour restreindre ces transferts d'argent, car il est très facile actuellement de transférer en Occident des fonds depuis les pays en développement.
    Ce qui nous distingue d'autres organismes, c'est que nous insistons sur le fait qu'il faut agir sur les deux éléments du problème. Principalement, les pays occidentaux doivent faire en sorte de restreindre les transferts de capitaux.

  (1615)  

    Cela dit, des traités visant les mines antipersonnel ont été signés ainsi que divers autres traités internationaux. Faudrait-il établir un traité international plus solide ou une série de normes dont nous devrions tous préconiser l'application au lieu d'essayer d'amener chaque pays à agir?
    Oui, c'est ce que je crois. Il faut grandement renforcer...
    Par où commencer? Nous prenons actuellement des mesures visant le système bancaire international, mais où pouvons-nous commencer dans ce cas-ci? Est-ce que ce serait à l'ONU? Sinon où? Serait-ce lors d'une conférence des ministres des Finances des pays du G20? Est-ce que ce serait dans ce cadre-là?
    Il se passe beaucoup de choses en ce moment. Il y a deux ans, le G20 a utilisé pour la première fois le terme « flux financiers illicites ». Nous avons réussi à faire entrer ce terme dans le vocabulaire de base du G20, de l'ONU, de la Banque mondiale, du FMI, de l'OCDE et d'autres organismes.
    Ce n'est pas tellement difficile de restreindre — nous n'essayons pas de stopper, mais bien de restreindre — ces flux financiers illicites. Il est facile d'y parvenir avec des mesures assez simples. J'en ai d'ailleurs mentionné une: le régime de déclaration pays par pays. D'autres mesures peuvent également être mises en place. Criminaliser l'évasion fiscale pourrait constituer un pas dans la bonne direction. L'échange automatique de données fiscales, comme cela se fait depuis longtemps entre les États-Unis et le Canada, serait extrêmement utile.
    Des mesures peuvent aussi être prises pour durcir notre législation sur le recyclage de l'argent, comme celles proposées par le Groupe d'action financière établi à Paris. Lors de sa dernière réunion, en février, ce groupe a déclaré que l'évasion fiscale devrait être une infraction sous-jacente au blanchiment de capitaux. La prochaine étape serait d'en faire une infraction criminelle peu importe les circonstances, qu'elles soient liées à l'évasion fiscale ou non. Il est possible d'agir. D'ailleurs, des entités d'organismes internationaux travaillent actuellement à l'élaboration de certaines mesures.
    Merci.
    Il me reste seulement quelques minutes.
    Monsieur Tennant, avant de me lancer en politique, j'ai fait un travail semblable au vôtre. C'est fascinant lorsque vous allez dans une région qui a tous les ingrédients pour irriguer la terre et ainsi de suite, mais ce qui compte, ce sont les droits fonciers, les droits relatifs à l'eau et les gens qui protègent leur propriété. Vous leur donnez parfois les outils, mais c'est le reste, l'infrastructure, la propriété des droits et diverses choses...
    C'est même une question de financement, n'est-ce pas? S'ils ne peuvent obtenir du microfinancement, c'est difficile pour les agriculteurs d'aller de l'avant. N'est-ce pas aussi l'un des plus grands problèmes? Vous pouvez apporter les semences et les engrais, installer les systèmes d'irrigation, mais ça reste un endroit plutôt chaotique, où quelqu'un peut venir voler le carburant ou...
    Est-ce une chose sur laquelle nous devrions insister? Devons-nous aider ces pays à établir le bon cadre de travail? Ce serait alors plus facile pour les gens comme vous d'amener les agriculteurs à investir leur propre argent ou à obtenir du microfinancement.
    À mon avis, les gouvernements doivent encourager cela.
    Bien sûr, la sécurité pose problème. Je n'ai jamais cru au culte du martyr. La sécurité est problématique pour nous. Nous avons été très chanceux. Nous sommes dans une région où il y a eu une flambée de lutte tribale. Il y a beaucoup de choses qui se passent; le Nord agite les tribus dans le Sud, et c'est donc difficile de travailler dans ce pays.
    Il s'agit toutefois de travailler avec la communauté locale. Les gens de la communauté sont les propriétaires et les bénéficiaires des terres, alors nous travaillons avec eux. Cette année, nous leur avons donné un pourcentage. Nous leur avons offert une formation. Nous les avons aidés à exploiter leurs propres parcelles.
    Il y a maintenant des banques qui viennent du Kenya — dont l'Equity Bank, une banque agricole basée au Kenya — et qui sont disposées à accorder le microfinancement nécessaire pour établir l'industrie agricole. Je crois que l'industrie agricole est ouverte à tous les gens du Soudan du Sud, contrairement à d'autres, comme l'industrie pétrolière.
    Je crois que si vous pouvez encourager le secteur agricole en offrant du microfinancement, en veillant à la sécurité, en traitant des droits fonciers... Le Soudan du Sud tente depuis trois ans d'instaurer un système d'enregistrement foncier, et ses efforts sont sur le point d'aboutir. Essentiellement, les terres appartiennent aux gens des communautés, et c'est là où il faut commencer.

  (1620)  

    C'est tout le temps...
    Je n'ai qu'une petite question de plus à poser, si tout le monde est d'accord. Ce sera bref.
    Les droits relatifs à l'eau du Nil vont-ils poser problème? Si vous devenez le grenier du centre de l'Afrique — le Nil traverse de nombreux pays —, les droits relatifs à l'eau susciteront-ils la controverse?
    Vous devez répondre rapidement.
    Rapidement, je dirais que l'Égypte croit que ce sera le cas, mais je ne sais pas combien de pays sont tributaires du Nil. Le Nil ne commence pas en Égypte; c'est là où il se termine.
    Cette question pourrait être problématique, mais dans notre région, le climat est tel que nous n'avons pas besoin d'irrigation pour l'instant. Nous avons de très bonnes conditions de pluie.
    L'hon. Mark Eyking: Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entreprendre la deuxième série de questions, avec des interventions de cinq minutes.
    Monsieur Van Kesteren, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de comparaître devant nous.
    Monsieur Tennant, nous avons eu une conversation il y a environ quatre ans, je crois, et Jeff était dans mon bureau également. C'est fascinant; à cette époque, vous aviez un autre projet, et vous pourriez peut-être nous parler rapidement de votre premier projet. Que s'est-il passé et où en est-on aujourd'hui?
    Ce projet visait un produit indigène du Soudan du Sud, qu'on appelle la gomme arabique. Il s'agit d'un chlorhydrate, que l'on récolte de la même manière que le sirop d'érable; c'est la plus proche comparaison que je peux trouver. Ce produit est utilisé de bien des façons dans l'industrie. L'arbre pousse sur une bande très étroite qui traverse l'Afrique du Nord.
    En bref, nous avons développé cette industrie. Nous avons mis sur pied une association pour les Soudanais, avec une entreprise américaine, l'un des plus importants transformateurs de gomme arabique du monde. Nous avons porté le projet aussi loin que nous le pouvions, puis nous avons mis les deux parties en contact. Selon les économies mondiales, à savoir s'il s'agit d'une marchandise... L'entreprise est maintenant dirigée par les Soudanais.
    Fantastique.
    Dites-nous encore, vous êtes tous des bénévoles? Tout le monde donne son temps?
    Deux des bénévoles m'accompagnent aujourd'hui. Jeff Lang est notre président, et le jeune homme blond là-bas est celui qu'on appelle l'homme aux oiseaux de Jabal Lado. Nous avions une infestation d'oiseaux là-bas. Nous aimons penser que nous réglons les problèmes de façon créative. Il s'est rendu sur place et a capturé quelques faucons. Il est propriétaire d'une entreprise qui s'appelle « Predator Bird Services ». Il a fait fuir tous les oiseaux nuisibles. Nous ne sommes pas allés au Soudan du Sud pour nourrir les oiseaux, mais bien pour nourrir les gens.
    Nous avons un groupe extraordinaire de bénévoles, et personne n'est rémunéré.
    C'est une histoire incroyable.
    Connaissez-vous Masara, au Ghana, une entreprise de maïs?
    Non.
    Nous lui avons rendu visite il y a un an, et c'est très semblable. Elle a introduit différentes pratiques et augmenté...
    L'un des domaines dans lesquels elle excelle, et vous l'avez mentionné, c'est l'entreposage. Vous pouvez certes produire du maïs, mais si vous le vendez à ce moment-là, vous obtiendrez le prix le plus bas. La meilleure chose à faire, c'est de l'entreposer et de négocier ensuite.
    Quels autres pays, dans la région, ou dans le monde — je vois un horizon plus large, plus lointain -- deviendraient des consommateurs fidèles du maïs que vous produisez au Soudan?
    Ce serait notamment la Somalie, l'Érythrée, bon nombre des pays subsahariens et l'Éthiopie.
    J'aimerais ajouter ceci, si vous me le permettez, monsieur Van Kesteren: il y a une chose qui m'irrite dans certains de ces pays — je suis Européen, alors je peux peut-être le dire —, et c'est l'influence des Européens, qui sont contre les semences hybrides.
    Voici, très rapidement, une comparaison. L'une des nouvelles fermes appartient au neveu du président et, conjointement, à une société thaïlandaise. Ses méthodes de production ont donné un rendement d'une demi-tonne l'acre. Ils ont tout l'équipement et tout l'argent dont ils ont besoin. Notre rendement est de deux tonnes l'acre, et nous pouvons obtenir jusqu'à trois tonnes et demie l'acre.
    Ces pays hôtes doivent comprendre qu'en Amérique du Nord, au Canada comme aux États-Unis, nous utilisons des semences hybrides depuis des années. Les rendements obtenus cette année sont attribuables à une chose: nous avons utilisé une semence capable de résister au pesticide que nous avons utilisé pour détruire les mauvaises herbes qui sont très envahissantes.
    C'est une chose sur laquelle le gouvernement du Canada doit se pencher.
    Voilà qui m'amène à ma dernière question. Lorsque les députés iront là-bas, et je suggère à certains députés d'y aller, que pouvons-nous faire pour vous aider? Vous avez mentionné le collège de Ridgetown, qui est en fait le campus de Ridgetown, dans ma circonscription. Art Schaafsma a collaboré à votre projet également.
    Que pouvons-nous faire, en tant que députés, lorsque nous rendrons visite au gouvernement et que nous essayerons d'atténuer quelques-uns de ces problèmes? Où pouvez-vous nous diriger? Aimeriez-vous, peut-être, obtenir de l'aide dans ce domaine?

  (1625)  

    Oui. À vrai dire, la ministre de l'Agriculture de la République du Soudan du Sud, que j'ai rencontrée avant mon départ de ce pays en janvier, m'a demandé si nous pouvions parrainer ne serait-ce qu'un étudiant qui pourrait venir au Canada pour étudier l'agriculture et nos méthodes dans un établissement comme le Collège Ridgetown ou l'Université de Guelph.
    À nos invités américains je signale que les pratiques agricoles nord-américaines sont supérieures à celles de tout autre pays ou continent. En accueillant ici des Sud-Soudanais pour leur enseigner les méthodes canadiennes d'ensemencement, d'utilisation des pesticides et d'épandage des engrais, le Soudan du Sud pourrait redevenir, je pense, le grenier de l'Afrique qu'il a déjà été, peut-être pas de mon vivant cependant.
    Merci infiniment.
    Je cède la parole à un député de l'opposition. Monsieur Dewar, vous disposez de cinq minutes.
    Je voudrais poser une brève question complémentaire à M. Baker.
    Vos propos sur le Dodd-Frank Act m'étonnent. Vous avez fait allusion à l'Union européenne. Nous présenterons un rapport. Recommanderiez-vous que le Canada adopte une telle loi? Que pensez-vous de cette possibilité?
    J'appuie la campagne « Publiez ce que vous payez », les efforts de transparence déployés par l'industrie extractive et les dispositions du Dodd-Frank Act. Que la reddition des comptes se fasse par projet ou par pays me préoccupe moins. Ce qui compte, c'est l'efficience optimale. Cependant, il ne fait aucun doute que les industries extractives doivent rendre des comptes rigoureusement sur les montants qu'elles versent au gouvernement des pays où elles sont établies, divulguant intégralement le produit des ventes, les profits réalisés et les taxes acquittées.
    Merci.
    Madame, je vous en prie.
    Merci infiniment.
    De toute évidence, ce qui freine l'essor des pays en développement, c'est tout cet argent qui en sort, les profits des industries extractives. Vous avez signalé que cela va dans les deux sens. Les pays développés peuvent intervenir efficacement.
    Je voudrais en savoir davantage sur les mesures susceptibles d'être prises par les pays en développement. Vous en avez évoqué certaines qui pourraient empêcher ces sorties de capitaux. Comment pouvons-nous aider ces pays à mettre en oeuvre de telles mesures?
    La plupart des pays en développement peuvent certes adopter des lois plus rigoureuses sur le recyclage de l'argent. C'est une lacune dans la plupart d'entre eux.
    Ils pourraient conférer davantage de pouvoirs à leurs unités du renseignement financier, les URF. Bien des pays africains comptent sur des URF très embryonnaires. Celle de l'Afrique du Sud est fort efficace. Elle a offert d'aider les autres pays africains à établir des modalités rigoureuses à ce chapitre.
    L'administration des douanes peut être renforcée puisque les données sur les prix sont affichées en ligne. On peut examiner les chiffres sur les importations et les exportations. On peut également vérifier si les factures sont conformes aux prix du marché mondial dans une mesure raisonnable. Les responsables des douanes, des ports et de l'impôt ont de plus en plus accès à ces données. Nous préconisons que les pays en développement adoptent de telles mesures en matière de divulgation des données.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Tennant, je vous remercie de votre exposé intéressant. J'aurais une brève question à vous poser.
    Vous avez fait allusion aux entreprises qui quittent un pays et sur les répercussions de ce départ, mais vous n'avez pas eu l'occasion de nous donner plus de détails. Avez-vous des précisions, des exemples?

  (1630)  

    Je ne suis pas sûr de pouvoir vous donner des exemples précis. Ce qui m'embête notamment au sujet du Soudan du Sud, ce sont les pétrolières qui extraient le pétrole et réalisent des profits au détriment des Sud-Soudanais.
    Dans le nord, de larges superficies ont été louées à des sociétés chinoises qui extraient le pétrole pour le compte de leur pays. Je sais que les Chinois ont recours à des détenus de leur pays dans le cadre des grands travaux de construction qu'ils ont entrepris à Juba. Ces travailleurs ont le choix entre aller en prison en Chine ou travailler au Soudan du Sud.
    Aucune formation n'est donnée. Donc, les Sud-Soudanais seront démunis lorsque les champs pétrolifères seront à sec. La formation devrait toujours être une priorité pour la communauté internationale. Qu'il s'agisse d'une multinationale ou d'une PME, l'entreprise devrait mettre l'accent sur la formation lorsque ses activités s'effectuent dans les pays en développement. Elle en a l'obligation morale. Ce n'est peut-être pas tout aussi important lorsque ces activités sont menées dans des pays développés.
    Merci.
    Il ne reste plus de temps, mais je sais que Nina souhaite poser une brève question en guise de conclusion.
    Je vous remercie infiniment tous les deux d'avoir comparu et de nous avoir fait profiter de vos connaissances.
    Monsieur Tennant, tout comme vous, j'ai vécu longtemps en Afrique, plus précisément au Libéria. Je me suis rendue dans de nombreux pays à titre de touriste et de parlementaire, notamment au Kenya, au Rwanda, au Burundi et au Nigeria. Ces voyages m'ont fait mieux comprendre l'énorme potentiel de l'Afrique et des Africains. Le continent offre d'immenses débouchés économiques.
    Les Sud-Soudanais veulent des emplois. Quelles mesures pourrait-on prendre pour encourager les entreprises à prendre des risques et à s'établir dans des pays comme le Soudan du Sud?
    Écoutez, si vous parlez du secteur privé, je pense que, premièrement, les entreprises peuvent y réaliser des profits. Je ne suis pas un fiscaliste ni un expert des marchés monétaires internationaux, mais si vous offrez des incitatifs dans des secteurs particuliers, notamment dans la formation pour permettre à la population locale de prendre la relève...
    Il faut également se rendre compte que les populations et les gouvernements de ces pays ont des responsabilités à assumer. Des Sud-Soudanais nous disent: « Vous offrez de l'aide internationale. Voici donc ce que nous exigeons. » À un certain moment donné, il faut leur répliquer: « Vous devez travailler pour l'obtenir. »
    Nous pouvons aider les autres pays à améliorer leur sort. Pendant des années, le Canada s'y est efforcé par l'intermédiaire de l'ACDI et d'autres organismes gouvernementaux, mais nous ne pouvons pas y parvenir seuls. Nous pouvons aider, créer les conditions propices, mais il incombe à ces peuples de relever le défi, comme les Canadiens ont su bâtir leur pays.
    Monsieur Tennant, d'après votre expérience au Soudan, quelles possibilités les entreprises étrangères offrent-elles aux populations africaines?
    Je suis moi-même un entrepreneur. Si j'étais beaucoup plus jeune... Pour un entrepreneur, il existe une avalanche d'occasions dans presque tous les secteurs. Le secteur agricole offre les meilleures perspectives aux entreprises canadiennes. Je serais ravi de faire valoir aux agriculteurs canadiens les occasions susceptibles de s'offrir à eux au Soudan du Sud.
    Mme Nina Grewal: Merci.
    Merci.
    Une dernière question. Madame Laverdière.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie infiniment encore une fois. Si je vous ai bien compris, il faut miser sur les entrepreneurs locaux pour favoriser le développement de leur pays et non pas uniquement sur les entreprises étrangères qui s'y établissent pour faire notamment de l'extraction. Certaines entreprises minières nous ont parlé, entre autres, de la formation donnée dans leur secteur d'activité. Cependant, je me pose des questions sur la pertinence de cette formation, étant donné que les personnes qui auront ainsi été formées n'auront plus de travail une fois que ces entreprises auront quitté le pays.
    Qu'en pensez-vous?

  (1635)  

    Je pense que, dans un pays comme le Soudan du Sud, où il y a abondamment de... Ce pays regorge de ressources minérales — il n'y a pas que le pétrole. Cependant, si vous mettez en oeuvre des programmes de formation donnant aux populations locales l'occasion, tout comme nous dans les pays occidentaux... Au Canada, la compagnie EllisDon, que vous connaissez, je crois, a favorisé la création d'entreprises de construction davantage que n'importe quelle école ou université. Pourquoi? Les populations locales ont profité de la formation offerte avant de décider de lancer leur entreprise.
    C'est la solution toute simple, qui est adaptée à ce domaine particulier, je le précise. C'est différent lorsqu'il s'agit d'une ressource épuisable. Quand une entreprise internationale s'établit dans un pays, elle doit offrir de la formation à la population locale afin que celle-ci puisse se prendre en mains ultérieurement.
    Merci.
    Monsieur Baker, avez-vous un dernier commentaire à formuler?
    Je souscris à la plupart des propos de M. Tennant sur l'importance de la formation. Je vous ai signalé avoir vécu au Nigeria pendant 15 ans et y avoir créé deux entreprises de fabrication, une entreprise de camionnage et une société financière de portefeuille. Je possédais également un cabinet de consultants. Je me suis départi de mes derniers actifs au Nigeria il y a à peine trois ans.
    La formation doit certes être au coeur de ce que nous faisons. Ces 15 dernières années, je me suis efforcé de promouvoir la responsabilisation optimale des entreprises à l'égard de leurs activités dans les pays en développement. J'estime que nous avons accompli des progrès remarquables.
    Merci beaucoup, monsieur Baker.
    Monsieur Tennant, je vous remercie également.
    La séance d'aujourd'hui a été instructive. Nous remercions nos témoins de leur collaboration.
    Sur ce, je vais suspendre la séance.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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