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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (0855)  

[Traduction]

    Bienvenue à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd’hui notre séance d’information sur la situation en Syrie.
    Nous accueillons aujourd’hui l’ambassadrice Akoguz. Je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps de venir nous parler.
    Quelques membres du comité ne sont pas encore arrivés. Comme la plupart d’entre vous le savent, il y a eu un problème en matière de sécurité à l’édifice de la Confédération et ces députés se joindront à nous en cours de route.
    Commençons sans plus tarder.
    Madame l’ambassadrice, bienvenue. Nous sommes impatients de vous entendre. Je vous demanderais de faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Merci beaucoup de m’avoir invitée et de nous donner l’occasion d’expliquer notre point de vue au sujet des événements en Syrie.
    Je suis désolée d’être en retard; j’ai été coincée dans un bouchon de circulation.
    Je ferai maintenant ma déclaration préliminaire.
    Le but principal de la politique étrangère de la Turquie est d’assurer la paix et la stabilité dans notre région, mais les événements du Printemps arabe ont transformé la situation au cours des deux dernières années. En Syrie, en particulier, la crise continue de s’aggraver et la situation se détériore rapidement: tous les jours, des centaines de personnes innocentes sont tuées par les bombardements aveugles des forces du régime. L’assise politique et sociale du régime se désintègre constamment. Les défections à différents niveaux, y compris dans l’armée, se poursuivent. La situation de plus de 2,5 millions de personnes déplacées vers d’autres pays et l’économie dévastée ne font qu’ajouter à la gravité de cette tragédie.
    La prolongation du conflit est néfaste pour la Syrie, pour le peuple syrien et pour la région. Il nous faut accélérer le processus dans la mesure du possible afin d’éviter une escalade additionnelle de la violence et sa propagation dans les régions voisines.
    Avec l’escalade de la violence en Syrie, le régime est devenu une menace claire et imminente sur le plan tant des forces classiques que des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, non seulement pour le peuple syrien, mais aussi pour la région et pour la limite sud-est de la zone OTAN.
    Étant donné la menace que représente visiblement le régime syrien, nous avons demandé aux autorités militaires de l’OTAN d’examiner un plan de contingence mis à jour. Cet examen est en cours.
    Nous considérons les capacités de la Syrie en matière de missiles balistiques et ses stocks d’armes chimiques comme posant un grave problème de sécurité nationale. Nous sommes aussi vivement préoccupés par les tensions croissantes au sein de la société syrienne, qui pourraient en venir à créer des fossés infranchissables le long des lignes de faille ethniques et religieuses. Plus il faudra de temps pour résoudre la crise, plus les risques de conflits ethniques et de guerre civile seront grands.
    Il ne faudra jamais permettre à des groupes extrémistes ou terroristes de détourner la lutte populaire en Syrie et d’exploiter les troubles actuels à leurs propres fins. Certains groupes terroristes, comme Al-Qaïda ou le PKK, tentent de tirer parti de la situation actuelle. Nous ne pouvons tolérer aucune tentative des groupes terroristes, en particulier le PKK, d’établir des bases en Syrie.
    L’éventualité d’un mouvement massif de réfugiés est un autre grave sujet de préoccupation; cela pourrait déboucher sur une tragédie humanitaire à nos frontières. Le ministre Davutoglu a déjà exprimé nos vues de façon très détaillée lors de la réunion du 30 août du Conseil de sécurité de l’ONU.
    Actuellement, le nombre de Syriens dans des camps en Turquie dépasse le seuil des 100 000 personnes. Nous sommes entièrement solidaires avec le peuple syrien et nous poursuivrons nos efforts pour répondre à leurs besoins. Cependant, nous estimons que la politique de la porte ouverte de la Turquie a pour effet d’amortir la réaction internationale potentielle, puisque les conséquences tragiques de la brutalité du régime syrien sont toutes assumées par les pays voisins. Nous attendons de nos partenaires un engagement sérieux et une contribution effective sur le plan du partage de ce fardeau.
    À cet égard, nous devrions aussi chercher des moyens de faire face à cette crise humanitaire à l’intérieur des frontières de la Syrie. La menace que constitue le régime syrien prend maintenant de nouvelles dimensions alors que ce régime étend au-delà des frontières nationales les politiques de violence et d’agression qu’il applique contre son peuple.
    Nous sommes résolus à prendre toutes les mesures nécessaires, en conformité avec le droit international, pour protéger les frontières de la Turquie ainsi que les droits fondamentaux et les intérêts des citoyens turcs. Les actes agressifs et hostiles que le régime syrien pose à l’égard de la Turquie ne peuvent pas rester sans réponse.
    Une ville qui se trouve à la frontière entre la Turquie et la Syrie, Akçakale, est devenue une cible de l’artillerie syrienne depuis le 20 septembre. Notre ministre effectuait une visite au Canada le jour même où cela a débuté, après que des groupes de l’opposition se furent emparés d’une ville frontalière syrienne, Tal Abyad, le 19 septembre.

  (0900)  

    Depuis que le premier obus d’artillerie est tombé en sol turc, la Turquie n’a épargné aucun effort pour agir en entière conformité avec le droit international ainsi qu’avec les normes et règlements établis.
    Deux notes diplomatiques différentes, soulignant le fait que le tir d’obus vers la Turquie est complètement inacceptable et constitue une violation flagrante du droit international, et réclamant que le régime syrien mette immédiatement fin à de tels actes d’agression, ont été remises au consulat de la Syrie à Istanbul les 21 et 27 septembre.
    Les notes indiquaient aussi officiellement que la Turquie entend protéger ses droits émanant du droit international et elles réaffirmaient que nous n’aurions aucune hésitation à riposter de nouveau si le régime syrien persistait dans ses actes d’agression.
    Lorsque les forces syriennes ont continué à bombarder le territoire turc en dépit des avertissements, l’armée turque a attaqué, en entière conformité avec le droit international et le principe de la proportionnalité, la zone où se trouvait l’artillerie syrienne responsable des bombardements. Nous avons aussi méticuleusement pris soin de tenir la communauté internationale au courant des événements.
    Le 3 octobre, Akçakale a été frappée par six obus qui ont tué cinq citoyens turcs innocents — tous des femmes et des enfants. Même si les autorités du régime niaient toute responsabilité depuis le 20 septembre, lorsqu’elles ont été confrontées à la réaction déterminée de la Turquie, elles ont reconnu publiquement leur responsabilité et elles ont cessé les tirs. Cela montre qu’elles avaient le choix de ne pas cibler le territoire turc en premier lieu et que, même s’il s’agissait d’une erreur, elles étaient en mesure de mettre fin à ces actes et de corriger cette erreur. Il est donc parfaitement clair que la position du régime à l’égard de ces incidents était basée sur la tromperie et des mauvais calculs.
    La Turquie a porté une attention particulière au principe de la proportionnalité lorsqu’elle a riposté contre cette dernière violation commise par le régime syrien.
    L’OTAN, l’UE, le Conseil de sécurité de l’ONU et le Secrétaire général de l’ONU, de même que de nombreux membres de la communauté internationale, condamnent les actes d’agression du régime syrien. Nous les remercions tous pour leur solidarité.
    Je profite de l’occasion pour exprimer notre gratitude pour la déclaration qu’a rapidement faite le ministre des Affaires étrangères, M. Baird, pour condamner les bombardements du régime syrien sur notre territoire qui ont causé la mort de cinq citoyens innocents.
    La menace à la sécurité que la Syrie fait peser sur sa région devient de plus en plus dangereuse. Il y a eu des attaques semblables du régime contre la Jordanie et le Liban.
    En raison des événements en Syrie, le Parlement de la Turquie a adopté, le 4 octobre, un décret autorisant le gouvernement à envoyer l’armée turque dans des pays étrangers. Ce n’est pas une déclaration de guerre. Toutefois, la Turquie est capable de protéger ses citoyens et ses frontières et elle prendra toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que de tels actes d’agression ne se reproduisent pas.
    Au cours de la période de transition, il faudra préserver l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Syrie. Nous devons travailler ensemble à élaborer un plan de transition réalisable qui préservera l’infrastructure et les institutions publiques actuelles. À ce stade-ci, nous devons nous concentrer sur l’accélération du processus de transition et la fin du régime actuel. Nous ne pourrons pas tolérer l’établissement d’une administration de facto en Syrie par un seul groupe ethnique ou religieux.
    Voilà les principaux points que je voulais aborder. Je suis prête à répondre à vos questions

  (0905)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par M. Dewar. Monsieur, vous disposez de sept minutes.
    Merci. Madame, je vous remercie beaucoup d’être venue comparaître. Nous ne vous avons guère donné de préavis et je vous remercie d’avoir accepté de modifier vos horaires pour pouvoir témoigner devant le comité aujourd’hui.
    Je voudrais commencer par renforcer le message que transmet non seulement le gouvernement, par l’entremise du ministre Baird, mais aussi l’opposition officielle. Nous avons publié une déclaration. Pour le compte rendu, nos pensées vont, bien entendu, aux victimes de cette attaque terrible et à leurs familles. Nous soutenons aussi les efforts que votre gouvernement fait pour maintenir la paix et la stabilité dans la région; c’est ce que nous voulons tous. La dernière chose que quiconque veut voir, c’est la propagation de ce conflit à l’extérieur de la Syrie. Or, c’est déjà ce qui se passe. Donc, je tiens à renforcer ce message au nom de notre parti également.
    Cela dit, je n’ai que deux ou trois questions. Dans votre exposé, vous avez parlé de l’importance d’un engagement sérieux et d’une contribution effective des autres pays à l’égard de la résolution du conflit. Vous avez abordé, entre autres, les questions de l’aide humanitaire et du soutien à la transition. Mardi dernier, le comité s’est penché sur ces questions et sur la façon dont cela pourrait se faire.
    Pourriez-vous nous donner un aperçu des aspects auxquels vous voudriez que le Canada participe ou continue de participer?
    La communauté internationale a tenu quelques conférences des forces de l’opposition. La dernière était la conférence de la Ligue arabe, à l’issue de laquelle une déclaration a été adoptée.
    Nous pourrions soutenir l’opposition et nous ne devrions pas laisser les forces extrémistes prendre… L’opposition est un peu dispersée en ce moment, mais elle semble avoir davantage confiance en elle. Les forces de l’opposition élargissent progressivement les zones qu’elles contrôlent. Le Conseil national syrien est également engagé dans un processus d’amélioration. Il fait l’objet d’une restructuration qui vise à en accroître le caractère inclusif et la transparence. Je crois que c’est un pas dans la bonne voie.
    Il faudrait que l’opposition soit bien représentée, de telle sorte qu’elle puisse protéger ses propres droits, ses propres gens. Ainsi, les conférences pourront se poursuivre et l’opposition acquiert davantage de confiance en soi présentement.
    Pour poursuivre dans la même veine, votre gouvernement a participé au groupe de contact régional avec d’autres pays — l’Égypte, l’Arabie saoudite et l’Iran, en fait. Pourriez-vous faire le point à ce sujet? Qu’est-ce qui ressort de ce processus?
    Nos ministres se sont rencontrés le 20 septembre, immédiatement avant la visite de notre ministre au Canada. Le ministre des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite était absent à cause d’ennuis de santé, mais il a envoyé un représentant. La principale idée qui est ressortie de cette rencontre était également d’aider l’opposition à être mieux représentée et à être mieux organisée dans son travail.
    Pas plus tard qu’hier, M. Brahimi, l’envoyé spécial, a lancé l’idée d’un cessez-le-feu. Je me demande si votre gouvernement ou votre président ont commenté cette affirmation.
    Oui. Il y a une fête religieuse la semaine prochaine et M. Brahimi a suggéré d’arrêter tous les combats au moins pour cette période. C’est l’Aïd al-Adha, la période des jours saints musulmans. Notre ministre a déclaré qu’il était entièrement en faveur, à condition que le régime syrien tienne aussi sa promesse de cesser les attaques contre les civils et contre l’opposition.
    L’opposition et le régime syrien ont accueilli cette idée favorablement et notre ministre a déclaré son appui, à condition que les deux camps cessent de combattre.

  (0910)  

    Cela nous ramène à votre point au sujet des forces de l’opposition et du soutien à leur dispenser pour qu’elles soient plus cohésives. Manifestement, si elles tentaient à tout le moins de s’engager dans un cessez-le-feu, ce serait utile.
    J’aimerais maintenant aborder la question de la relation avec la Russie. C’est une question sur laquelle bien des gens se sont exprimés. Notre parti a assurément exprimé sa position là-dessus, et le gouvernement aussi. Je parle de l’importance qu’il y a à tenter d’influencer la Russie. Pouvez-vous nous dire quelles mesures votre gouvernement a prises pour tenter de persuader la Russie de permettre l’adoption, par le Conseil de sécurité, d’une résolution ferme concernant la Syrie?
    Depuis le début de la crise, la plupart des membres de la communauté internationale ont exprimé leur appui. Les États-Unis, la France, le Canada et la Turquie ont adopté à peu près la même position. La position de la Fédération de Russie et de la Chine n’est pas la même que celle du reste de la communauté internationale, ni celle de l’Iran, à l’échelle régionale. La Russie et la Chine ont empêché l’adoption de trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU concernant la Syrie. L’une de ces résolutions était liée à la question humanitaire et même celle-là n’a pas pu être adoptée à cause de leur veto. Notre ministre est en communication constante avec leurs ministres des Affaires étrangères. Nous avons des communications soutenues, mais leur position n’a pas changé.
    M. Poutine viendra bientôt faire une visite en Turquie et il y aura peut-être alors des discussions sur cette question.
    Merci beaucoup
    Monsieur Dechert, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Akoguz, d’être parmi nous ce matin. Tous les Canadiens sont très reconnaissants à la Turquie pour ce qu’elle a fait jusqu’à présent: accueillir des réfugiés en provenance de Syrie et maintenir dans la mesure du possible la paix le long de sa frontière avec ce pays. Nous félicitons le gouvernement turc pour cette réaction.
    Nous félicitons aussi le gouvernement de la Turquie pour avoir agi rapidement afin d’intercepter des expéditions d’équipement militaire; je crois que le ministre Baird a fait une déclaration en ce sens la semaine dernière.
    J’aimerais que vous nous parliez un peu de cela. Y a-t-il eu d’autres expéditions de matériel militaire à destination de la Syrie qui ont traversé l’espace aérien turc? Quel en est le volume, d’après vous? Et pouvez-vous nous dire quelle a été la réaction de la Russie face à l’interception de ce matériel qui, si j’ai bien compris, provenait de Russie?
    Oui, nous avions été informés qu’un avion civil transportait des munitions et nous l’avons intercepté. C’est un droit dont jouissent tous les pays selon les règles de l’OACI et c’est un droit dont jouit l’aviation turque.
    Je crois qu’il s’agissait de composantes de radar et tout le matériel que les avions civils transportent doit être déclaré. Le matériel transporté doit être de nature civile. C’est la norme en aviation civile: les avions civils ne sont pas autorisés à transporter de l’équipement militaire. Il y a des avions militaires pour cela.
    Il n’y avait aucun doute que les composantes pouvaient également servir à des fins militaires. Après l’interception, nous avons avisé les Russes que l’avion transportait ces composantes. Le vol avait quitté Moscou à destination de Damas. Le pays qui intercepte l’avion a le droit de saisir le matériel et c’est ce que nous avons fait; nous avons aussi fermé notre espace aérien aux avions syriens après cela.
    La Fédération de Russie en a été informée et le ministre Lavrov a ensuite déclaré qu’il ne s’agissait que de composantes de radar; toutefois, même le transport de composantes de radar est interdit pour les avions civils.
    Il y a eu un avion d’un autre pays qui avait suscité des soupçons et qui a traversé notre espace aérien. Tous les pays demandent une autorisation au préalable s’ils envoient de l’aide humanitaire. Il y avait un avion arménien qui transportait des fournitures humanitaires. L’autorisation a été demandée et nos autorités ont permis à cet avion de traverser l’espace aérien turc, à condition que la cargaison soit inspectée au préalable. L’inspection a eu lieu et il ne s’agissait essentiellement que de fournitures humanitaires; l’avion a donc été autorisé à poursuivre son vol vers la Syrie.

  (0915)  

    Très bien. Je n’ai aucun doute que l’intervention qu’a faite la Turquie pour intercepter le matériel radar a sauvé des vies et qu’elle en sauvera d’autres à l’avenir en Syrie; donc, au nom du Canada, merci pour cette action.
    Nous voulons aussi exprimer nos sympathies pour la perte des cinq citoyens turcs. Nous vous présentons nos sympathies, à vous et aux familles des victimes.
    Je crois comprendre que le régime Assad a récemment fait usage de la force aérienne près de la frontière avec la Turquie. Y a-t-il eu une quelconque pénétration de l’espace aérien turc par un avion syrien?
    Non, il n’y a eu que cet envoi de matériel. Le régime syrien a maintenant perdu le contrôle de la zone qui se trouve au point zéro de la frontière avec la Turquie. L’opposition s’empare de cette zone et il y a donc des combats. Les luttes se produisent le long de la frontière et nous avons des problèmes à ce point zéro avec la Syrie. Akçakale a été l’un de ces endroits; elle a été attaquée. Les obus des forces du régime peuvent frapper la Turquie par simple dépassement de la cible. Après l’incident d’Akçakale… Auparavant, il y avait eu quatre ou cinq obus qui étaient tombés en sol turc dans cette zone. L’armée turque a fait une incursion en territoire syrien et cela a été fait selon le principe de la proportionnalité. Le droit international a été respecté quand l’armée turque a attaqué. Elle visait seulement l’endroit en Syrie d’où les obus provenaient. Ensuite, cela a cessé. À ce que je sache, il n’y a eu aucune intervention des forces syriennes dans notre espace aérien.
    La Turquie a-t-elle besoin d’une aide de la communauté internationale, de l’OTAN, pour intercepter des avions pénétrant dans son espace aérien?
    Non. Nous sommes en mesure, à ma connaissance, de protéger notre espace aérien. La riposte de l’armée turque avait pour objet de montrer qu’aucune agression de la part de la Syrie ne resterait sans réponse, car nous avons perdu des citoyens. De plus en plus, à mesure que le régime devenait plus désespéré…
    Étant donné qu’Assad fait usage de la force aérienne, de la technologie aérienne et militaire, contre ses propres citoyens, quel est votre avis sur la faisabilité de l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie?
    Le temps est écoulé.
    Je vais vous demander de répondre à cette dernière question, après quoi nous passerons à la prochaine série de questions.
    Cela pourrait se faire, mais cela dépendrait du régime syrien. Une zone d’exclusion aérienne qui toucherait aussi les avions syriens, mais…
    Puis-je clarifier ma question?
    Faites-le très brièvement.
    Quel est votre avis sur la faisabilité de l’imposition, par la communauté internationale, d’une zone d’interdiction aérienne au-dessus de la Syrie pour clouer au sol l’aviation syrienne afin qu’elle cesse d’attaquer la population du pays?
    Je crois qu’une proposition en ce sens a été faite, mais qu’elle a été rejetée. Le régime pourrait peut-être aussi continuer à utiliser son espace aérien. Les Syriens jouissent de leurs propres droits à l’intérieur de leurs frontières.

  (0920)  

    Je comprends; ce que je veux dire, c’est…
    Nous n’avons plus de temps. Il faudra reposer ces questions plus tard.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci pour votre présence, madame.
    À cause de sa situation géographique, la Turquie semble toujours se trouver en plein milieu des événements. Ce n’est pas de sa faute; c’est simplement comme ça. Donc, nous félicitons votre gouvernement pour la façon dont il réagit face à encore un autre conflit.
    Vous avez fait allusion aux réfugiés. Combien y en a-t-il à présent? Quelles sont vos estimations au sujet du nombre de réfugiés qui seront dans votre pays d’ici la fin de l’année?
    Il y a deux jours, le nombre de Syriens réfugiés en Turquie a franchi la barre des 100 000. Hier, il y avait 101 000 réfugiés en Turquie. Depuis le début du conflit, nous avons accueilli 144 000 réfugiés; 40 000 d’entre eux sont retournés en Syrie. Ils ne peuvent pas se déplacer de part et d’autre de la frontière.
    Nous avons construit 14 camps pour abriter les réfugiés, ce qui nous a coûté environ 40 millions de dollars américains. C’est un fardeau énorme pour nous. Nous laissons nos frontières ouvertes aux Syriens et nous respectons le principe qui consiste à ne rejeter personne à la frontière; donc, nous tentons d’aider quiconque veut entrer dans notre pays. Mais bâtir les camps exige du temps et le nombre de personnes qui veulent se réfugier en territoire turc augmente très rapidement.
    L’UNHCR s’emploie aussi à fournir des abris et de la nourriture de l’autre côté de la frontière, en Syrie.
    Il doit y avoir un moyen de tenter d’aider les Syriens sur leur propre territoire; toutefois, ils continuent d’affluer en Turquie. À présent, nous avons 14 camps et nous sommes en train d’en construire deux autres.
    Le Canada vous aide-t-il à cet égard?
    Pas encore. Je crois que le Canada dispense une aide par l’intermédiaire de la Jordanie, ou de la Croix-Rouge, ou peut-être aussi du Liban.
    Serait-il utile que vous receviez une aide du Canada?
    Oui, bien sûr. Notre ministre a aussi participé à une réunion sous les auspices de l’ONU où il a demandé de l’aide à la communauté internationale. Cela dépasse largement… nous devons dépenser beaucoup…
    Est-ce que c’est ce que vous entendez par le corridor où les réfugiés se déplacent de part et d’autre de la frontière? Est-ce là ce qu’on entend par une zone sûre ou un corridor sûr? Cela existe-t-il actuellement ou est-ce quelque chose que vous envisagiez de mettre en place?
    Non. L’ONU ou la communauté internationale devraient trouver un moyen d’aider les Syriens sur leur propre territoire, de sorte qu’ils ne deviennent pas des personnes déplacées au-delà des frontières. Ils ne devraient pas avoir à se réfugier dans les pays voisins. Il faudrait trouver une solution sur leur propre territoire. En ce moment, une telle solution n’existe pas et les Syriens tentent de franchir la frontière pour se mettre à l’abri.
    Au sujet de l’incident qui s’est produit à la frontière — le bombardement — certains diraient qu’il s’agissait peut-être d’une erreur et d’autres diraient qu’il y avait des ennemis de la Syrie en Turquie. Il y a toutes sortes d’histoires qui circulent. En définitive, quelqu’un a attaqué la Turquie et vous avez le droit de vous défendre. Vous faites partie de l’OTAN, ce qui accroît la gravité de la situation. Je suis encouragé d’apprendre que le président de la Russie fera une visite dans votre pays. Je crois qu’il est très important d’inciter tout le monde au calme.
    Avez-vous des sujets d’inquiétude? Dans quelle mesure craignez-vous que cela ne devienne un plus grand conflit? Que pensez-vous des négociations de l’OTAN en ce moment? Estimez-vous qu’il y a une accalmie présentement et qu’avec la visite de Poutine, il pourrait y avoir une éclaircie à l’horizon? Ou croyez-vous plutôt que cela continuera d’être une pente dangereuse?

  (0925)  

    C’est une pente dangereuse, comme vous dites, mais la Turquie n’a aucune intention d’entrer en guerre, pas plus que l’OTAN. Comme vous l’avez dit, ces bombardements… en fait, ils ont débuté le 20. Ils se sont poursuivis le 21 et le 23. Nous doutons qu’il se soit agi d’erreurs dans tous les cas. En fin de compte, cinq de nos citoyens ont perdu la vie. Nous avons inspecté les obus qui sont tombés en territoire turc. Il est impossible qu’ils aient appartenu à l’opposition. Nous sommes sûrs qu’ils appartenaient au régime syrien.
    En accord avec le droit international et avec la responsabilité que nous avons de protéger nos propres citoyens, l’armée turque a attaqué le point d’où provenaient les obus. Après cela, les bombardements ont pris fin. Nous croyons que cela démontre clairement que les forces du régime syrien en étaient les auteurs. Nous avons informé l’OTAN avant et après l’intervention turque en Syrie. Tous les membres de l’OTAN ont manifesté leur appui. Ils ont exprimé leurs condoléances aux familles.
    Nous verrons ce que l’avenir nous réserve, mais la Turquie n’a nullement l’intention d’entrer en guerre.
    Que pensent les gens en Turquie? Je suppose que bon nombre ont des membres de leur famille en Syrie — c’est ce que je présume. Ces frontières remontent à peine à une centaine d’années; il doit y avoir des liens religieux. Quels sont les sentiments des Turcs? Je suppose qu’ils éprouvent une certaine colère à cause des bombardements. Sont-ils très inquiets? Quel est le climat dans votre population?
    Monsieur Eyking, votre temps est écoulé.
    Cette fois-ci encore, je vous demanderai tout de même de répondre à cette dernière question.
    Avant 1998, la Turquie éprouvait des problèmes avec la Syrie. Nos relations étaient difficiles parce que ce pays soutenait le groupe terroriste PKK. Après 2000, lorsque Bashar al-Assad est arrivé au pouvoir, les relations ont commencé à se développer rapidement. En 2000, le commerce bilatéral entre les deux pays atteignait près de 2,5 milliards de dollars. Nous avions des investissements en Syrie. Nous avons des parents là-bas. Les gens se déplaçaient de part et d’autre de la frontière. Nous avions une dispense de visa avec la Syrie. En 2009, nous avons tenu une réunion sur la frontière même à laquelle ont participé les deux premiers ministres et 10 ministres.
    Après le début du Printemps arabe, le régime Assad a cessé de répondre aux besoins de son propre peuple. C’est devenu une tragédie humaine, qui est également devenue une tragédie humanitaire.
    C’est tout le temps dont nous disposons.
    Pour la prochaine série de questions, chacun aura cinq minutes. Nous allons commencer par Mme Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, madame Akoguz, d’être présente ici ce matin.
    Je veux me concentrer en particulier sur la situation humanitaire. Je crois qu’il importe de poursuivre dans la même veine que M. Eyking, lorsqu’il a demandé s’il serait utile ou non que la Turquie reçoive de l’aide du Canada. Je ne crois pas que la Turquie ait jamais demandé d’aide au Canada, pour ce qui est de l’aide humanitaire.
    Je félicite la Turquie pour les mesures qu’elle a prises à l’égard des personnes déplacées qui se présentent à ses portes. Vous avez fait un boulot extraordinaire en accueillant ces gens, en les aidant et en vous assurant qu’ils auraient un endroit où vivre. Donc, merci, et nos compliments à votre pays.
    Je reviens donc à la question de l’aide humanitaire. Le Canada a fourni environ 12 millions de dollars, jusqu’à présent, en aide à la Syrie. Nous avons canalisé ces sommes vers le Comité international de la Croix-Rouge ou le Programme alimentaire mondial pour faire en sorte que les gens obtiennent l’aide dont ils ont besoin en réserves alimentaires.
    La Turquie compte-t-elle des représentants au sein du comité du Croissant-Rouge et ces gens travaillent-ils à l’intérieur de la Syrie pour aider la Croix-Rouge à acheminer la nourriture? Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation?
    Nous travaillons en étroite collaboration avec l’UNHCR, et le Croissant-Rouge turc prend aussi une part très active aux opérations. Il y a également une autre organisation turque qui participe —une organisation gouvernementale — à la distribution de l’aide que nous recevons ou que nous fournissons nous-mêmes. Le Croissant-Rouge participe aussi.
    L’ONU a mis en place un programme à l’intention des pays voisins qui accueillent des réfugiés syriens, mais les sommes sont de beaucoup inférieures à ce que la Turquie a dépensé jusqu’à présent.
    Nous n’avons pas expressément demandé d’aide au Canada, mais nous avons lancé un appel à la communauté internationale. Au début, lorsque les réfugiés ont commencé à affluer en Turquie, nous n’avons pas demandé d’aide internationale. Pendant les premières semaines, nous croyions que nous pourrions nous en occuper nous-mêmes, mais lorsque le nombre de réfugiés est devenu de plus en plus important et que le conflit s’est aggravé en Syrie, nous avons demandé un soutien à la communauté internationale. Notre ministre aussi, dans les rencontres internationales, parle toujours du nombre de camps que nous devons construire et il explique également la situation humanitaire en Turquie.
    Donc, nous avons demandé… et nous communiquons de l’information. L’UNHCR oeuvre aussi sur le terrain en Turquie, dans les camps, et c’est lui qui dirige toutes les opérations chez nous également.

  (0930)  

    Pouvez-vous nous dire ce que vous avez entendu, le cas échéant, de la part des gens sur le terrain qui tentent d’entrer en Syrie avec le Croissant-Rouge? Ont-ils indiqué s’ils ont accès ou non aux Syriens pour leur fournir de l’aide?
    Ils fournissent de la nourriture et d’autres articles de première nécessité à des gens en Syrie également, au point zéro de la frontière. Nous ne pouvons pas entrer en Syrie, mais nous sommes constamment… Nous avons maintenant mis en place le 14e camp et il y a 101 000 Syriens qui sont réfugiés en Turquie. En fait, ils n’ont pas le statut de réfugiés, mais ils bénéficient d’une protection temporaire en Turquie. Nous ne pouvons pas accueillir tous les gens qui entrent en Turquie, mais ils affluent en grand nombre, et nous essayons de fournir de la nourriture et d’autres biens au point zéro à l’intention des Syriens qui n’entrent pas en Turquie.
    Vous avez parlé très brièvement…
    Je suis désolé, c’est tout le temps que nous avons pour cette série de questions. Il faudra poursuivre au cours de la prochaine série.
    Je vais maintenant accorder la parole au NPD, à Mme Laverdière.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup d’être présente ici ce matin.
    J’aimerais examiner un peu plus la question de la situation humanitaire. Tout d’abord, je crois que vous avez dit que la Turquie avait officiellement demandé à la communauté internationale de l’aider à…
    Excusez-moi, le mot anglais m’échappe… je veux dire : « l’aider à accueillir les gens venant de la Syrie ».

[Français]

    Je parlais donc du fait d'accueillir les gens provenant de la Syrie.

[Traduction]

    Je poursuivrai en anglais maintenant, n’ayez crainte; il s’agissait seulement de ce mot.
    Par quels moyens avez-vous lancé votre appel?
    Notre ministre a fait une déclaration dans laquelle il lançait un appel à la communauté internationale; c’était en avril, je crois. Dans toutes ses conférences internationales et ses rencontres avec des homologues, il décrit et explique la situation en Turquie et il demande également de l’aide.
    Merci.
    Nous comprenons que vous seriez très heureux que le Canada soit en mesure de vous fournir…
    Oui, bien sûr.
    Je sais qu’il est difficile de citer un chiffre à l’improviste, mais compte tenu de ce que vous recevez des autres pays, quelle serait, idéalement, la contribution du Canada?

  (0935)  

    Je peux vous donner quelques exemples de ce que nous avons reçu. Nous avons dépensé près de 400 millions de dollars depuis le début du conflit. Au chapitre de l’aide que nous avons reçue, je peux vous mentionner quelques pays. Nous avions une liste de matériel dont nous avions besoin, comme des tentes ou des couvertures, et de matériel utile pour eux; ou encore, la contribution pouvait être monétaire.
    Nous avons reçu: de la Norvège, 10 millions de couronnes; de la Croatie, 50 000 $; de la Slovaquie, 45 000 €; de l’Italie, de l’équipement; de la France, de l’équipement; l’Arabie saoudite nous a aidés à construire l’un des camps, qui loge 10 000 personnes; de la Belgique, 500 000 €; l’UNHCR, l’UNICEF et l’Organisation internationale pour les migrations ont tous fourni quelque chose. Ce sont là quelques exemples du soutien que nous avons reçu des communautés.
    Merci beaucoup.
    Si vous avez des chiffres officiels ou des documents écrits à ce sujet, je crois qu’il serait très intéressant que nous les consultions. Peut-être pourriez-vous les fournir au comité?
    Je peux envoyer ces renseignements par courriel à Mme Burke. Nous avons effectivement un document dans lequel nous demandons une aide internationale et nous énumérons ce qui nous serait utile.
    Je pense que cette information serait très utile au comité.
    Comme je crois qu'il ne nous reste que de très peu de temps, pouvez-vous nous dire très brièvement quelles seront les répercussions de l'hiver qui s'annonce? Il va probablement aggraver la situation des réfugiés dans les pays voisins, en particulier en Turquie, mais aussi celle des personnes déplacées sur le territoire même de la Syrie.
    À quelle difficulté vous attendez-vous?
    Je sais que les camps installés en Turquie sont conçus pour faire face à l'hiver, mais il se peut que le nombre de personnes y cherchant refuge augmente avec son arrivée.
    Ces camps sont très bien équipés. Les étrangers peuvent les visiter, y compris les représentants des médias. Beaucoup l'ont fait. Il n'y aura pas de problème en Turquie. On compte maintenant 101 000 réfugiés et deux camps additionnels vont être construits. Le nombre de personnes qui pourra chercher refuge en Turquie va augmenter.
    Vous avez toutefois raison au sujet des personnes déplacées sur le territoire syrien qui, elles, pourraient être touchées par l'arrivée de l'hiver.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposons.
    C'est à vous, monsieur Van Kesteren, qu'il revient déposer la dernière question de cette période de cinq minutes. Nous passerons ensuite probablement à la conclusion.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci d'être venu nous rencontrer ce matin.
    J'ai la chance de présider le Groupe d'amitié Canada-Turquie.
    C'est une question qui nous inquiète tous beaucoup. Si j'ai bonne mémoire, c'est lundi soir prochain que nous allons recevoir la diaspora turque. Je sais que ce sera le sujet de nos discussions.
    L'une des raisons pour lesquelles j'ai accepté ce poste, et je sais que ceux qui se sont joints à cette association parlementaire seront d'accord avec moi, est que nous y mettons de l'avant l'importance de la Turquie. La Turquie exerce un leadership que, à mon avis, aucun autre pays islamique de la région n'est en mesure d'avoir. Dans la plupart des cas, ce leadership a été bénéfique.
    Il y a une chose que j'aimerais savoir. Vous nous avez dit que l'Arménie a emprunté votre espace aérien pour acheminer de l'aide humanitaire en Syrie, et nous trouvons tous cela fort encourageant. En quoi la Turquie exerce-t-elle un rôle de leader au sein de la Ligue arabe? Les pays qui en sont membres doivent faire état de leur frustration face aux troubles et au conflit en Syrie. Comment exercent-ils leur leadership? D'autres pays membres de la Ligue arabe s'en remettent-ils à la Turquie pour négocier une forme quelconque de paix ou de réconciliation dans la région?

  (0940)  

    Nous sommes très impliqués au sein de la Ligue arabe dans la recherche d'une solution en Syrie, mais la Ligue elle-même s'efforce aussi très activement dans le même sens. Elle a organisé cette conférence des organisations qui forment l'opposition, ce qui les a aidés à mieux se structurer et à avoir davantage confiance en elles-mêmes. Il y a beaucoup de factions au sein de l'opposition. La conférence a également permis d'adoucir les points de vue extrémistes qui auraient pu affaiblir l'opposition. La Turquie a participé à ces efforts.
    Je pense au Printemps arabe. Nous convenons tous que les événements syriens en sont un prolongement. La Turquie a été le premier pays à faire sienne la démocratie. Par le passé comme aujourd'hui, elle a fait un excellent travail en montrant que c'est là un objectif atteignable. C'en est un que les autres pays de la région veulent également atteindre.
    Les pays qui ont connu ces types de difficultés au cours des dernières années ont-ils demandé à la Turquie d'exercer un rôle dans la négociation d'une solution pacifique ou la Turquie l'a-t-elle fait de son propre chef?
    Nous allons célébrer la semaine prochaine le 89e anniversaire de notre république. Nous avons pendant longtemps été la seule démocratie de la région, avec Israël. Lors de l'apparition du Printemps arabe, la Turquie a expédié des messages... et nous avions alors des relations très étroites avec la Syrie. Nos dirigeants ont conseillé à leurs homologues syriens de faire des réformes et de tenir compte de la volonté du peuple. Nous avons offert de l'aide à tous les pays de la région, y compris la Syrie. Nous avons organisé avec ce pays des réunions au niveau des présidents, des premiers ministres et des ministres. Lorsque le Printemps arabe s'est manifesté en Syrie, et que les manifestations de l'opposition ont débuté, nous avons poursuivi nos discussions avec la Syrie. Les autorités turques ont expliqué aux représentants de ce pays qu'il fallait mettre en oeuvre des réformes, et qu'ils devraient tenir compte de la volonté de leur propre peuple. Les communications se sont poursuivies pendant un certain temps. Elles ont été interrompues du fait de la violence exercée par le régime Assad contre son propre peuple.
    Vous avez tout à fait raison de rappeler que la Turquie et Israël étaient les seuls pays démocratiques de la région. Cela vous confère un rôle très important à jouer et nous vous incitons à continuer de l'exercer.
    Monsieur le président, j'ignore s'il me reste du temps.
    En vérité, non. Vous vous arrêtez pile au bon moment. Je m'apprêtais à vous interrompre. Je vous remercie.
    Madame Akoguz, nous vous remercions beaucoup d'être venue nous rencontrer aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vous avoir consacré de votre temps.
    Cela dit, je vais suspendre la séance pour permettre au groupe suivant de témoins de prendre place.
    Je tiens encore une fois à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce matin.

  (0940)  


  (0945)  

    Les membres du comité vont se rasseoir et nous allons passer à la seconde partie de notre séance.
    Je souhaite la bienvenue à Mme Mariam Hamou et à M. Faisal Alazem. Nous tenons à vous remercier toutes deux d'avoir pris le temps de venir nous entretenir de la situation en Syrie. Vous faites donc partie de la diaspora syrienne ici, au Canada, et nous désirons connaître votre point de vue sur ce qui se passe.
    Je crois savoir que vous avez toutes deux des déclarations préliminaires à faire.
    Si vous êtes d'accord, nous allons commencer par Mme Mariam Hamou. Lorsque vous vous serez tous deux exprimés, nous passerons aux questions. Madame Hamou, la parole est à vous.
    Je vous remercie de m'avoir invitée parmi vous aujourd'hui.
    Permettez-moi de commencer par vous situer, dans les grandes lignes, le contexte de ce qui se produit en Syrie.
    Je vais commencer par faire état de statistiques provenant de gens connaissant bien la question. Ce sont des gens dont nous connaissons l'identité, et non pas des personnes disparues ou dont nous ignorons l'identité. Cela fait que ces statistiques sont un peu faussées.
    D'après le Center for Documentation of Violations in Syria, on comptait hier matin 30 273 morts. Chez les enfants, on avait enregistré 2 020 décès de garçons et 848 décès de filles. S'ajoutaient à cela 26 383 civils tués.
    Je tiens également à vous parler un peu des détenus. Le nombre de ceux considérés comme des révolutionnaires est de 31 763 jusqu'à maintenant. Cela risque de vous surprendre, mais les responsables syriens ont fait également emprisonner des enfants, soit 768 garçons et 24 filles.
    D'après les derniers rapports de Human Rights Watch, le régime Assad lance des bombes à dispersion sur sa population. Les représentants de Human Rights Watch en Syrie prétendent que, depuis que l'emploi de ces bombes a été détecté, les forces du régime s'en servent de plus en plus, et dans des régions où il n'y a que des civils. Ce type de bombes a été utilisé dans six régions réparties dans quatre provinces distinctes. Une fois encore, ces bombes visent des régions où ne se trouvent que des civils, alors qu'aucune d'elles n'est sous le contrôle de l'Armée syrienne libre. Il faut aussi savoir que le régime syrien est pleinement responsable de l'utilisation de ces armes interdites par les conventions internationales, qui semblent être utilisées de façon systématique en Syrie. Le régime viole les règles de base énoncées dans les conventions des Nations Unies.
    L'offensive du régime Assad sur ses citoyens cause en moyenne la perte de 150 personnes par jour. Le 17 octobre, c'est donc hier, 155 personnes ont été tuées; le 16 octobre, ce fut 133 personnes et 100 le 15. Cela vous donne une idée et ces chiffres ne concernent que les derniers jours. Le dernier rapport indique que les forces du régime Assad jettent des bombes en forme de baril dans les régions occupées par des civils, en particulier sur les écoles, où elles tuent la plupart des enfants qui se trouvent à l'intérieur. Une fois encore, ces bombes ne sont pas utilisées dans les régions aux mains de l'Armée syrienne libre, mais visent précisément les enfants.
    On fait état de torture dans toutes les villes, et dans toutes les familles. Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise avec des détails sordides, mais je vais vous raconter une histoire qui fait froid dans le dos. En Syrie, les femmes sont systématiquement violées, et pas par un seul membre des milices, par deux ou par trois, mais par un grand nombre. Lorsque les miliciens ont fini de violer leur victime, ils insèrent une souris vivante dans son vagin pour faire perdre à la femme tout sens de dignité qu'elle pourrait encore avoir.
    Les enfants meurent non seulement du fait des brutalités du régime, mais également de malnutrition alors que la nourriture et l'eau deviennent de plus en plus rares. Les prix des aliments ont été multipliés par six en Syrie depuis le début de la révolution. Une miche de pain devient de plus en plus inabordable, et les familles doivent parfois se passer de nourriture. Des bébés meurent parce que leurs mères ne peuvent plus les allaiter, parce qu'elles-mêmes sont sous-alimentées et ne donnent plus de lait. Dans certaines régions, en particulier à Homs, on ne trouve plus de lait de formule ou d'eau saine pour le préparer. Dans de nombreux cas, c'est un désastre total.
    Les maisons des gens ont été complètement détruites, parfois des rues entières et dans certains cas, les villes sont maintenant vides à cause des combats. C'est le cas de Homs, d'Idlib, de Zabadani et d'Aleppo. Rien n'est sacré. Le régime détruit tout. Des sites patrimoniaux de l'UNESCO, que certains d'entre vous connaissent peut-être, ont été détruits parce qu'Assad veut rester le président de ce pays.
    Les images et les histoires sont effrayantes et difficiles à oublier, mais elles sont devenues courantes pour ceux d'entre nous qui sont impliqués dans la révolution. Mon grand-père est tout juste rentré de Syrie il y a deux semaines. Il a 90 ans. Je me suis assise avec lui pour qu'il me raconte ce qui se passe en Syrie et nous pleurions tous deux comme des bébés quand il a eu terminé. C'est un homme défait. En vérité, c'est difficile de voir son grand-père dans cet état, et de voir qu'à la fin de sa vie, il est le témoin de la ruine complète du pays qu'il aimait tant. C'est ce qui se passe en Syrie.

  (0950)  

    Je vais maintenant vous parler un peu de ce qui se passe sur le terrain, dans les camps de réfugiés. D'après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, environ 261 114 personnes sont reconnues comme réfugiées. Le nombre de celles qui se trouvent dans les camps de réfugiés varie. Il y en a 96 000 en Turquie, 58 000 en Jordanie, 65 000 au Liban et 40 000 en Irak. Plus de 50 000 Syriens attendent à la frontière d'être admis dans d'autres pays, mais ils ne peuvent y rentrer parce qu'ils n'ont pas les documents nécessaires.
    Les chiffres concernant la Jordanie ne sont pas précis parce que les gens entrent et sortent des camps. Au Liban, les chiffres sont aussi flous, parce que beaucoup de villes frontalières avec la Syrie accueillent quantité de réfugiés qui ne sont pas comptabilisés. Le nombre de réfugiés au Liban est plus près de 100 000.
    Il y a également, à la frontière de la Jordanie et de la Syrie, des sites improvisés qui accueillent 10 000 personnes dans une misère noire. J'ai vu l'autre jour une photo de trois bébés couverts de mouches, sans couche, aux vêtements sales et buvant et mangeant Dieu sait quoi. C'est difficile à imaginer. Ces gens ne peuvent entrer en Jordanie parce qu'ils n'ont pas les documents nécessaires pour franchir la frontière.
    Le défi le plus important actuellement, dont vous a déjà parlé la représentante de la Turquie, est la venue de l'hiver. Nous essayons d'acheminer suffisamment de vêtements et de couvertures chaudes aux gens pour leur permettre d'y survivre dans les camps de réfugiés. Quantités de groupes américains et canadiens qui viennent en aide aux réfugiés syriens s'efforcent d'acheminer des couvertures et des vêtements chauds dans les camps, mais la nourriture y est également très limitée, voire rare.
    Certains rapports font état de cas choquants, voire horribles, dans le camp de Zaatari, en Jordanie. Des jeunes femmes, des jeunes filles en vérité, y sont vendues pour l'équivalent de 20 $ canadiens pour devenir les femmes d'hommes plus âgés. Ces ventes se faisaient en ligne. C'est incroyable. Cela n'a pas été arrêté rapidement et beaucoup de filles ont donc été vendues. Beaucoup de ces filles n'ont pas de pères, car ils sont décédés pendant la guerre civile ou pendant cette guerre, où ils se battent.
    D'autres réfugiés se rendent en Égypte. Leur statut n'est bien évidemment pas reconnu par les Nations Unies. Il n'y a pas de camp officiel de réfugiés en Égypte, mais il y a des gens dans ce pays qui essaient de les accueillir également.
    Je me suis entretenue il y a quelques jours avec une représentante qui m'a expliqué que la situation est difficile. Les gens arrivent avec très peu d'argent, très peu de nourriture, pratiquement rien, et essaient de se trouver des emplois en Égypte. Il faut savoir qu'il est déjà très difficile de se trouver un emploi en Égypte. Les fournitures manquent et l'hiver arrive.
    Sur le terrain, tiraillés entre les efforts de militarisation et la recherche de la paix, les mouvements locaux se battent encore pour la liberté. C'est un combat qui a commencé dans les rues de Syrie. Ce combat des Syriens pour la liberté ajoute un nouveau chapitre à l'histoire de l'humanité, un chapitre qui ne ressemble en rien aux autres, si coloré par ses slogans de liberté et de dignité, et il y a des gens qui se battent sur le terrain. Malgré tout cela, il y a encore des gens qui descendent dans la rue pour manifester en faveur de la liberté.
    Au cours des 19 mois qui viennent de s'écouler, les Syriens ont continué à descendre dans la rue, malgré les tentatives désespérées du régime d'écraser et de réprimer ces manifestations pacifiques en bombardant les civils avec ses avions de guerre. Mais les Syriens tiennent à poursuivre leur lutte éternelle pour la liberté et la survie, pour vaincre et s'assurer un avenir plein d'espoir, pour affirmer que demain leur appartient, en participant aux 405 manifestations que le comité local de coordination a relevé vendredi dernier, le 12 octobre.
    Malgré tout ce que nous avons entendu, les Syriens se battent encore pour leur liberté, et nous devons les aider à l'obtenir.
    Je vais m'en tenir là et céder maintenant la parole à M. Faisal Alazem. S'il nous reste du temps, je pourrais terminer ce que j'avais à vous dire.

  (0955)  

    Nous vous remercions beaucoup de votre témoignage.
    Je donne maintenant la parole à M. Alazem.
    Je crois que Mme Hamou a bien décrit ce qui se passe en Syrie, et les horreurs qui s'y déroulent. Pour moi, je vais essentiellement vous parler de ce que nous pouvons faire. Je crois que tout le monde a été touché par ce que nous avons entendu et il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire au Canada.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de me permettre d'entretenir les membres de votre comité de la situation dans mon pays d'origine, la Syrie. Ce sont des jeunes comme moi qui ont lancé la révolution syrienne, des jeunes qui rêvent de liberté et de démocratie, de droits universels pour tous les Syriens, indépendamment de leur appartenance ethnique, religieuse ou de leur sexe, qu'ils soient sunnites, alawites, chrétiens, juifs, Kurdes ou quoi que ce soit d'autre, qui veulent vivre librement et dans la dignité.
    Les Syriens manifestent en faveur de la liberté, de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la liberté de différer d'opinion. Ils rêvent de mettre fin à la corruption et au népotisme, ils rêvent de chances égales et d'un niveau de vie plus élevé pour tous et, surtout, de dignité et de justice. Ils rêvent tout simplement de choses que nous tenons pour acquises ici, au Canada.
    Depuis la première manifestation qui s'est tenue en mars de l'an dernier à Deraa, la Syrie a connu l'une des pires campagnes de terreur à l'initiative d'un gouvernement que le monde ait connu, avec l'appui de ses alliés dans la région et au niveau international, en particulier de l'Iran, de la Russie et du Hezbollah. Le pays a été témoin de crimes systématiques contre l'humanité, de crimes de guerre et, dans certains cas, de nettoyage confessionnel. On peut en donner comme exemple le tristement célèbre massacre de Houleh au sujet duquel le ministère des Affaires étrangères a rédigé un communiqué de presse. Plus de 100 personnes y ont été tuées et brûlées, dont 49 étaient des enfants de moins de 10 ans.
    Le régime Assad a mis en oeuvre tous les moyens de l'État pour écraser la rébellion, l'armée, y compris son artillerie, des prisons secrètes, la propagande et, depuis les derniers mois, l'emploi d'avions de combat. À Homs, Aleppe, Deraa, Deir Ezzor, Idlib et Damas, des avions de combat bombardent des quartiers habités par des civils en y larguant des barils de TNT et des bombes à dispersion qui sont interdites par les conventions internationales.
    Les hôpitaux syriens sont devenus des centres de détention et de torture, comme Amnistie Internationale en a fourni la preuve. Des manifestants blessés et même des civils pris entre deux feux ont été kidnappés et emmenés dans les locaux des services de sécurité pour y être interrogés et torturés, et souvent tués.
    L'incapacité de la communauté internationale à protéger le peuple syrien par l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ne justifie pas de ne rien faire. Plus que jamais, la communauté internationale doit se prévaloir du devoir de protéger, que les Canadiens que nous sommes avons largement contribué à définir, pour protéger les Syriens. Ce devoir de protéger a été précisément instauré, à l'initiative du Canada, pour des cas comme celui-ci, dans lesquels le Conseil de sécurité n'est pas en mesure d'agir ou ne le veut pas.
    La poursuite de la campagne barbare du régime syrien a poussé des dizaines de milliers de soldats à déserter l'armée syrienne et à résister au régime, et elle a contraint des milliers de civils à s'armer pour protéger leurs familles et eux-mêmes. Si les combattants de la liberté ont fait preuve d'énormément de courage et d'héroïsme, l'absence d'aide internationale a permis à des éléments plus radicaux d'apparaître. Leur importance n'est que marginale pour l'instant, mais il ne fait aucun doute qu'elle va s'accroîtra si le conflit traîne en longueur, et si ces éléments sont les seuls à offrir d'aider activement les rebelles et de financer les achats d'armes de la résistance.
    Quelle aide le Canada peut-il apporter? Il a un rôle important à jouer pour soutenir le peuple syrien, aussi bien au pays que dans la région.
    La communauté internationale ne peut pas se laisser neutraliser par les vetos de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité des Nations Unies alors que des abus systématiques et manifestes des droits de la personne et des crimes contre l'humanité sont commis. Il est temps de contourner le Conseil de sécurité des Nations Unies pour protéger les civils syriens, comme on l'a fait dans le cas du Kosovo. Dans ce dernier cas, bien que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait été contourné, le secrétaire général des Nations Unies de l'époque, M. Kofi Annan, a déclaré « [...] il y a des moments où l'emploi de la force peut être légitime pour préserver la paix. »

  (1000)  

    Comme les MiG syriens bombardent tous les jours des civils en Syrie, ainsi que les zones d'exclusion aérienne et les corridors humanitaires destinés à protéger les civils déplacés, mais aussi les déserteurs de l'armée, la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne est inévitable. J'insiste sur le sort des déserteurs parce que les gens ne réalisent pas à quoi ils s'exposent en désertant l'armée syrienne. Si nous, la communauté internationale, ne protégeons pas ces gens ou ne facilitons pas ce processus, la situation va s'éterniser.
     Tant que le régime Assad aura la haute main sur la situation militaire en Syrie, il ne fera aucune concession ni n'acceptera aucune transition. C'est pourquoi il est nécessaire de venir en aide aux combattants de la liberté et aux conseils militaires locaux de l'Armée syrienne libre pour modifier l'équilibre des forces et accélérer la fin de cette tyrannie de 42 ans.
    On estime qu'il faudrait disposer de 150 millions de dollars par mois pour assurer un niveau de vie minimal aux 2,5 millions de personnes déplacées et réfugiées. Diverses organisations et agences, comme l'UNHCR, l'UNICEF et la Croix-Rouge apportent une aide humanitaire, sans parvenir néanmoins à répondre aux besoins fondamentaux des Syriens.
    La situation est particulièrement mauvaise en Jordanie. Les réfugiés du camp jordanien de Zaatari, que notre ministre des Affaires étrangères, M. Baird, a visité, ont déclaré que ce camp, balayé tous les jours par des tempêtes de sable, ne fait qu'apporter une mort lente. Nous incitons le Canada à accroître son aide humanitaire aux réfugiés syriens, et en particulier à ceux qui se trouvent sur le territoire syrien. Le Canada a hésité à fournir une aide humanitaire sur le territoire de la Syrie, là où elle est la plus nécessaire. On peut en donner comme exemple le retrait de deux millions de dollars qui étaient destinés à financer des hôpitaux de campagne en Syrie et qui ont plutôt été versés à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge. Malheureusement, il faut savoir, comme c'est largement documenté et comme le gouvernement canadien en a été informé, que le Croissant-Rouge collabore étroitement avec le régime en Syrie. En fait, Abdul Rahman Attar, son dirigeant en Syrie, a offert d'y utiliser les bâtiments qu'il possède comme centres de détention.
    Au Canada, de nombreux membres de la communauté canado-syrienne s'inquiètent du sort de leurs familles en Syrie, ou de celui des personnes exilées dans des tiers pays. C'est pourquoi ils demandent au Canada, où c'est une tradition de longue date, de faciliter la venue ici des membres de leurs familles. Nombreux sont les membres de la communauté canado-syrienne qui s'inquiètent qu'aucun programme de traitement prioritaire des dossiers ou de réunification des familles ne soit en place pour aider leurs familles touchées par la crise humanitaire en Syrie. Le Canada a mis en oeuvre de telles mesures en 2007 pour l'Irak, pour l'Algérie également, et après le tremblement de terre de 2010, pour Haïti. Nous trouvons surprenant que, jusqu'à maintenant, aucun programme de cette nature n'ait été mis en oeuvre, qu'aucun traitement prioritaire n'ait été accordé aux dossiers syriens, malgré la catastrophe humanitaire.
    La communauté syrienne espère également que le Canada admettra un nombre limité de réfugiés politiques qui sont exposés à de graves dangers en Syrie et dans les pays avoisinants, en particulier ceux qui ont des parents au Canada.
    Le régime syrien s'en prend également aux étudiants universitaires pour leur participation aux manifestations, ou tout simplement parce qu'ils ont des points de vue politiques différents. Il a expulsé des manifestants des universités et les a empêchés de poursuivre leurs études. Il a, à de nombreuses reprises, attaqué les campus ou les résidences universitaires, faisant usage de gaz lacrymogènes et d'armes à feu. Des étudiants ont été tués et d'autres contraints d'abandonner l'université par crainte d'être arrêtés.
    Les combats pourraient se poursuivre en Syrie et ces étudiants méritent de pouvoir reprendre leurs études. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Canada d'instituer des bourses destinées aux étudiants syriens qui ont été contraints de quitter leurs universités du fait du conflit. De telles bourses peuvent aider les étudiants à poursuivre leur scolarité au Canada ou dans des pays voisins comme le Liban ou la Jordanie. Je tiens à vous dire que les États-Unis et l'Union européenne ont mis en place des programmes similaires.
    Pour la première fois au cours des 50 dernières années, les intérêts du peuple syrien et ceux du monde libre coïncident. Pour le bien des valeurs que nous partageons comme Canadiens, je vous demande de ne pas laisser passer cette occasion, pour le bien des enfants syriens et pour le bien de l'humanité.
    Je vous remercie.

  (1005)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons entamer notre première série de questions de sept minutes avec M. Dewar. La parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Il va sans dire que nous remercions énormément nos témoins. Aucun de nous, autour de cette table, ne connaît ce type de réalité. Tout ce que nous pouvons faire est d'essayer d'imaginer, et c'est très difficile. Ce que vous vivez est difficile, à titre personnel, mais le fait que vous soyez si calmes et si centrés sur ce que nous pouvons faire nous aide énormément.
    La première chose que nous voulions faire était d'entendre ce que vous aviez à en dire en personne. Il a été question d'organiser un débat à la Chambre des communes. En toute franchise, il me paraissait plus utile de vous entendre en comité. Il faut que nous recueillions l'information qui nous manque. Nous pouvons lire les journaux, mais vous êtes parvenus aujourd'hui à éclairer les parlementaires de tous les partis qui siègent à ce comité, et je vous en remercie.
    Je crois que vous nous avez fait part de la dimension personnelle ainsi que de la dimension politique. Il est très difficile de bien digérer tout ce que vous nous dites sur le plan personnel, madame Hamou. Vous parlez de la destruction de sites historiques, mais il me semble qu'on assiste à une destruction de l'humanité au ralenti. Que des lieux de soins soient utilisés comme centres de torture, comme nous l'a dit M. Alazem, est très difficile à admettre.
    Vous avez mis de l'avant des choses que nous pouvons faire, et c'est sur elles que je veux mettre l'accent. Je me contente de dire ceci pour l'instant; je n'en ai parlé à personne autour de cette table. J'aimerais que le comité que nous constituons puisse, peut-être, adopter une motion pour discuter de ce que nous pouvons faire, et la transmettre au gouvernement. Ne serait-ce pas une bonne chose? Je soumets cette idée à mes collègues.
    Je crois que les choses que vous avez évoquées sont réalisables. À ce que nous a dit notre premier témoin, nous pourrions accroître notre aide en Turquie, par exemple l'aide aux réfugiés. Il est manifeste qu'ils ont besoin d'aide. Nous pourrions influer sur le traitement prioritaire des dossiers des personnes qui ont de la famille ici. Cela s'est déjà fait par le passé. Nous pourrions venir en aide aux étudiants.
    Je crois que tout le monde a été captivé par le Printemps arabe, mais ce n'est pas la même chose d'en parler et de faire quelque chose. Si d'autres le font, pourquoi pas le Canada? Il y a peut-être des mesures que ce comité pourrait envisager de proposer sous forme de motion.
    Je ne dépose pas de demande précise pour l'instant. Je n'essaie pas de faire ici de la politique partisane. J'aimerais sincèrement que ce comité puisse reprendre à son compte ce que les témoins nous ont dit.
    Madame Hamou, d'où proviennent précisément les horribles témoignages dont vous nous avez fait part? Par le passé, les membres de ce comité se sont particulièrement intéressés au viol comme arme de guerre. Où avez-vous entendu ces histoires et comment ont-elles été documentées?

  (1010)  

    Je me suis entretenue avec des membres des comités locaux de coordination. Ce sont là des cas qu'ils ont documentés. Ils constituent un conseil installé en Syrie qui organise les manifestations, mais il relève également l'identité des personnes décédées. Ils documentent donc ces décès, ainsi que toutes les atrocités qui se produisent.
    Ce qu'ils font est donc consigné, et ils vous en font part.
    Oui, tout à fait, tout cela est consigné.
    Il me paraît important de transmettre toutes ces informations au gouvernement par tous les canaux à notre disposition. Il est sûrement désireux de les avoir, si vous ne les lui avez pas déjà communiquées.
    Oui, tout à fait. Je vais vous donner toutes mes sources d'information.
    Je vous remercie.
    Monsieur Alazem, je réfléchis à vos commentaires sur le rôle du Canada par le passé et sur les choses que nous pourrions faire... Je suis curieux de savoir ce que, à votre connaissance, les autres pays font. Quelle est la chose la plus importante que le Canada pourrait faire maintenant?
    Nous pouvons commencer par ce qui est facile, soit par ce que nous pouvons faire chez nous. Comme je vous l'ai dit, le programme de réunification des familles est très important. Je ne peux vous décrire toute l'anxiété et le stress que vivent actuellement les Syriens.
    Comme vous le savez probablement, je l'ai dit dans mon témoignage, lorsqu'un avion syrien bombarde un quartier, il ne fait pas la distinction entre les partisans du régime et ceux de l'opposition, ou les gens qui ne font que traverser la rue à ce moment-là. En Syrie, résider dans certains endroits, comme à Idlib et à Aleppo, et même dans la banlieue de Damas, équivaut pratiquement à une condamnation à mort.
    Le Canada a déjà pris ce genre de mesure par le passé. Ça ne pose pas de difficulté majeure et, comme Canadiens, nous pourrions en être fiers.
    Le Canada pourrait aussi s'enorgueillir de l'adoption de mesures humanitaires. Nous comptons 2,5 millions de Syriens déplacés, et approximativement 500 000 réfugiés. On parle officiellement de 350 000, mais le chiffre réel est beaucoup plus élevé. Lorsque vous interrogez les réfugiés du camp de Zaatari, en Jordanie, sur leurs conditions de vie, ils vous répondent qu'ils préféreraient mourir dans la dignité dans leur pays. Cela vous indique combien la situation est dégradée dans ce camp.
    Il ne fait aucun doute qu'il y a des besoins. Imaginons que le Canada accepte de verser 2 millions de dollars. Cela permettrait juste de subvenir aux besoins des 2,5 millions de personnes déplacées et de réfugiés pendant une journée.
    Outre le versement de fonds, nous devrions aussi nous efforcer de mettre en oeuvre des programmes. J'ai rencontré, sur la frontière entre la Turquie et la Syrie, des activistes qui s'efforcent de mettre au point une machine pour fabriquer du pain. Si leur objectif est de nourrir les gens, ils veulent aussi permettre à certains de travailler. Il y a tellement de projets que nous pourrions contribuer à financer! Je peux vous en remettre une liste. La question n'est pas uniquement financière. Ce qui importe est de venir en aide à ces gens.
    Je me répète, mais j'aimerais que ce comité adopte une motion pour demander au gouvernement, pour le moins, d'accroître son aide dans les deux domaines qui ont été mentionnés, l'accélération du traitement des dossiers d'immigration et l'aide humanitaire aux gens qui se trouvent dans les camps des régions frontalières.
    Nous pourrons peut-être en reparler plus tard.
    Je vous remercie.

  (1015)  

    Je vous remercie, monsieur Dewar.
    Je donne maintenant la parole à M. Dechert, qui dispose de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci à vous, madame Hamou et monsieur Alazem, d'être ici.
    Je crois que tous les Canadiens sont fort préoccupés par les évènements survenus en Syrie au cours des 18 derniers mois et qu'ils se demandent ce qu'il est possible de faire.
    J'aimerais savoir une chose. L'un ou l'autre d'entre vous est-il allé en Syrie récemment?
    Non.
    D'accord.
    Si je me souviens bien, vous nous avez dit, madame Hamou, que votre grand-père était ici récemment. Il a pu sortir du pays.
    Il vient d'en sortir.
    Comment en est-il sorti? En passant par un camp de réfugiés?
    Non, c'est un citoyen canadien.
    Je vois.
    Mais il a 90 ans et il veut mourir en Syrie. Nous l'avons convaincu de revenir à la maison. S'il était resté là-bas, il aurait probablement...
    Il y était et il est revenu.
    Oui. Il est revenu.
    D'accord. Je me demandais simplement de quoi vous aviez été directement témoin.
    La question que je veux aborder maintenant avec M. Alazem est l'état de l'opposition syrienne. Fait-elle preuve de cohésion? Est-elle composée de groupes différents? Avec qui la communauté internationale devrait-elle traiter au sein de l'opposition à Assad? Quel est le groupe qui représente le plus important nombre de combattants de la liberté en Syrie?
    Tout d'abord, il faut faire la distinction entre l'opposition politique et les activistes non violents qui sont sur le terrain. Il y a aussi les comités locaux de coordination, et les rebelles, qu'on appelle Armée syrienne libre. Il est vrai que la coordination entre les divers groupes de rebelles était déficiente depuis longtemps mais, et c'est fort heureux, cet aspect de la situation s'est amélioré récemment. Il faut savoir que Burhan Ghalioun, d'autres membres du Conseil national syrien, et que d'autres personnes connues du monde politique et de l'opposition syrienne, travaillent actuellement à un projet d'unification. Ce projet a été baptisé l'Armée nationale syrienne et vise à tenter d'unifier toutes ces forces sur le terrain et à tenter de faire parvenir le financement et le soutien aux combattants en qui nous pouvons avoir confiance.
    Comme je l'ai dit, nous craignons, si nous n'appuyons pas ces combattants, que les radicaux prennent notre place. Ces combattants pourraient décider, pour des raisons pratiques, de s'allier avec ces radicaux parce que personne d'autre ne les aide. Cette hypothèse serait encore plus vraisemblable si les radicaux étaient aussi en mesure de leur apporter un soutien financier.
    À votre avis, est-il possible de constituer un gouvernement de remplacement crédible? Aujourd'hui, si Assad devait partir, un groupe est-il en mesure de constituer un gouvernement syrien?
    Nous savons fort bien que l'opposition syrienne a du mal à s'unifier. En même temps, nous vivons ici dans un pays démocratique et libre et je ne crois pas que tout le monde soit du même avis. Il y a une opposition et il y a...
    C'est exact. J'essaie simplement de savoir qui parle au nom du peuple syrien qui veut se débarrasser d'Assad.
    Je crois que le problème important auquel nous sommes confrontés est qu'il y a tant de groupes divers en Syrie, et que nous avons une opposition forte, mais que la presse n'en fait pas état. On n'a pas écouté ce que ces groupes ont à dire.
    Comme vous le savez, en Syrie, s'opposer au régime entraîne une condamnation à mort ou vous fait jeter en prison. En dehors de la Syrie, je peux vous dire que le Conseil national syrien, qui est actuellement en cours de réorganisation, tiendra une réunion à Doha au début de novembre. Ce conseil regroupe le plus grand nombre d'organisations d'opposants en Syrie. Il y en a d'autres également. Michel Kilo et Haytham Manna sont également des personnalités de l'opposition.
    Dans vos commentaires préliminaires, vous nous avez parlé d'acteurs étrangers qui sont impliqués dans les combats en Syrie. Vous avez mentionné l'Iran et le Hezbollah. Y a-t-il en Syrie des combattants non syriens qui se battent pour le régime Assad contre le peuple syrien? En second lieu, à votre avis, cela modifie-t-il la nature du conflit?
    Je crois que ce n'est pas une surprise pour les Syriens que nous sommes. Nous savons que ce n'est pas le peuple qui défend la dictature. Nous savons qu'il y a de nombreux intervenants dans ce jeu géopolitique. Nous savons que nous nous battons contre l'Iran, contre la Russie et contre les autres intervenants qui sont dans la région. La semaine dernière, des combattants du Hezbollah ont été tués à al-Qusayr.

  (1020)  

    Ils venaient du Liban, n'est-ce pas?
    Ils venaient du Liban, c'est vrai. Des combattants du Hezbollah ont été tués en Syrie.
    Il est intéressant de noter que des gardes révolutionnaires iraniens ont été vus à Damas. Quand on leur a demandé ce qu'ils faisaient là, ils ont dit qu'ils étaient effectivement des gardes révolutionnaires. Par contre, lorsque le porte-parole des affaires étrangères iraniennes a été interrogé à leur sujet, il a dit qu'ils faisaient du tourisme à Damas. Il faut reconnaître qu'il est révélateur de voir qui fait du tourisme en ce moment en Syrie.
    Il ne fait aucun doute que l'Iran a joué un rôle énorme. Je peux vous dire que mon compte de courriel a été piraté à partir de l'Iran.
    Nous savons que l'Iran y finance des combattants. Qu'adviendrait-il, à votre avis, si la communauté internationale essayait d'imposer une zone d'exclusion aérienne en Syrie? Que pensez-vous que l'Iran ferait si la communauté internationale essayait de paralyser l'armée de l'air d'Assad?
    À mon avis, on prête à l'Iran, et même à la Russie, un rôle plus important que celui qu'ils jouent réellement. Je suis tout à fait certain que si une zone d'exclusion aérienne était imposée en Syrie, et si des zones sûres... Et il ne faut pas oublier que des régions de Syrie sont libérées.
    Elles sont situées le long de la frontière.
    Abdulbaset Sieda, le chef du Conseil national syrien, et Burhan Ghalioun sont entrés en Syrie, et il y a des régions libérées. Hillary Clinton a même déclaré, montrez-nous une région libérée et nous la protégerons.
    Où sont situées ces régions? Pouvez-vous nous le dire rapidement?
    Il y en a par exemple le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie, près de Kilis et d'Idlib. Il est par contre difficile de défendre une région qui vient d'être libérée lorsqu'elle est ensuite bombardée par des avions de combat.
    Je vous remercie. C'est tout le temps dont nous disposions.
    Nous allons maintenant passer à la dernière question de cette première série.
    M. Eyking, vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci d'être parmi nous.
    Madame Hamou, votre exposé était excellent, même s'il était choquant. Ce sont des choses terribles à entendre. J'espère simplement que tous les comités des affaires étrangères à travers le monde vont entendre ce type de témoignage, parce qu'il arrive souvent que nous ignorions ce qui se passe sur le terrain. Je vous en félicite.
    Monsieur Alazem, votre Syrian Canadian Council a-t-il jamais demandé au ministre des Affaires étrangères de le recevoir?
    Je l'ai rencontré moi-même et nous l'avons rencontré avec le Père Paolo, dont vous avez peut-être entendu parler. C'est un prêtre italien qui se trouvait en Syrie et qui a été expulsé du pays pour avoir critiqué le régime. Nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. John Baird, il y a environ deux mois.
    Je trouve intéressant que vous fassiez allusion au fait que nombre d'autres pays sont dans une situation comparable à la nôtre, que ce soit de par leur économie ou de par leur emplacement. Ce sont probablement les pays européens, et d'autres pays comme eux, qui interviennent plus énergiquement que nous le faisons et qui en font plus que nous. Nous avons déjà évoqué ici diverses choses, qu'il s'agisse de bourses ou de s'occuper des réfugiés politiques ou de la réunification des familles.
    Monsieur Baird va-t-il de l'avant dans certains de ces domaines, ou devons-nous les mettre de l'avant au moyen d'une motion? Vers quelle solution penche-t-on?
    Pour être honnête avec vous, nous avons remis au ministre des Affaires étrangères une étude sur la façon dont le Canada pourrait appuyer la Syrie. Elle faisait état de diverses idées, de différents projets, y compris dans le domaine des télécommunications. À titre d'exemple, l'une des idées était d'acheter... les activistes pourraient filmer ce qui se passe. Ce document mentionnait également une meilleure coordination dans le domaine des bourses et même la réunification des familles. Ces sujets ont déjà été mentionnés au gouvernement du Canada.
    Nous avons également mis en garde le gouvernement contre le Croissant-Rouge. Nous avons présenté un projet au ministre des Affaires étrangères. Il s'agit de financer des hôpitaux de campagne à l'intérieur de la Syrie, et c'est un projet qui nous tient énormément à cœur parce que nous savons ce qui se passe dans les hôpitaux syriens. Nous savons que lorsque vous y êtes détenu et que vous arrivez avec une blessure par balle, ou que vous avez du sang sur vous, vous allez presque certainement être emprisonné ou tué. C'est pourquoi ce projet d'hôpitaux de campagne était très important. Au départ, le gouvernement a accordé 2 millions de dollars pour assurer son financement, mais nous avons été surpris d'apprendre dans les médias que cette aide était retirée et donnée à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge. Comme je l'ai précisé dans mon témoignage, en Syrie, le Croissant-Rouge ne bouge pas le petit doigt sans avoir obtenu le feu vert du régime.

  (1025)  

    C'est choquant. Nous avons appris que l'ACDI a coupé ce budget, et il ne s'agissait pas de beaucoup d'argent. Il est non seulement choquant que nous ayons cessé de financer ces hôpitaux de campagne, mais aussi que l'argent aille du mauvais côté. Cela va pratiquement à l'encontre de ce que nous faisons. Pouvez-vous nous fournir un peu plus de détails sur ces hôpitaux de campagne et nous préciser qui les met sur pied, sur la nature du projet et sur ses répercussions, et sur les effets que le gouvernement conservateur a sur ces hôpitaux de campagne en ne participant pas à leur financement?
    J'en appelle au Règlement. Ce n'est pas que l'ACDI a retiré l'argent. L'argent a été donné...
    C'est moi qui ai la parole...
    Il ne s'agit pas d'un appel au Règlement. Nous pourrons obtenir des précisions par la suite.
    Monsieur Eyking, poursuivez.
    Ce projet est animé par une organisation appelée l'Union des organisations syriennes de secours médicaux. Elle a son siège à Paris. Elle est constituée en organisme à Paris et le gouvernement français lui a même versé des fonds. Jusqu'à maintenant, elle a créé 25 hôpitaux de campagne sur le territoire syrien.
    L'un des principaux défenseurs de ces hôpitaux au Canada est un docteur appelé le Dr Anas Al-Kassem, qui vit à Oakville. Il est allé en Syrie et je crois qu'il y est encore. J'ai lu une communication venant de lui. Il a été le premier médecin du Canada à amener Médecins Sans Frontières en Syrie. MSF ne voulait pas reconnaître officiellement être présent en Syrie, et il les a amenés dans ces hôpitaux de campagne. Nous espérons toujours recueillir des fonds pour ce projet, parce qu'il est très cher à nos cœurs et qu'il innove réellement.
    Il n'est pas trop tard pour que le gouvernement canadien dise « Regardez, cet argent pourrait encore être utilisé pour construire ces hôpitaux. Contribuer à ce projet pourrait vraiment profiter à tous, aussi bien aux Canadiens qu'au peuple syrien .»
    Vous parliez de ce docteur d'Oakville. Il pourrait contribuer à faciliter ce genre de démarche.
    C'est tout à fait exact. Il a communiqué avec le gouvernement pour lui dire que ce serait triste que les Syriens aient à supporter les conséquences d'un différend politique au Canada. J'ignore pourquoi cet argent a été affecté à une autre fin, mais la conséquence en est que des gens sont tués.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous disposez d'une minute et demie.
    J'aimerais vous poser quelques questions sur vos concitoyens syriens vivant au Canada, sur cette diaspora dont votre grand-père et vous faites partie. Ses membres doivent suivre tout cela de très près. Qu'attendent-ils de nous, les Canadiens, outre le financement des hôpitaux? Que veulent-ils que le gouvernement canadien fasse de plus? Intervenir à l'échelle internationale ou...? Pouvez-vous nous indiquer une ou deux mesures jugées prioritaires par la diaspora pour les mois à venir?
    Comme je l'ai déjà dit, au pays, nous pouvons travailler sur les problèmes de réunification des familles et de bourses, et sur le volet humanitaire. À court terme, nous pourrions oeuvrer à une plus grande cohésion en Syrie des rebelles ou des combattants de la liberté. Notre soutien devrait d'ailleurs aller au-delà de la livraison d'armes et toucher, par exemple, la fourniture d'équipements de télécommunication et de renseignements. Il est possible d'agir sur divers fronts.
    Je ne vais rien vous apprendre en vous disant que l'Iran et la Russie jouent un rôle déterminant en Syrie. Vous avez entendu la chargée d'affaires turque. Ce n'est une surprise pour personne, en Syrie, que l'avion turc qui a été abattu l'ait été avec l'aide de la Russie.
    J'ai séjourné un peu à Damas lors d'un voyage en Syrie, il y a quelques années. J'ai trouvé la similitude frappante avec la situation à Cuba. C'est comme s'il y avait, dans tous les domaines, une forme de retenue; les véhicules sont plus âgés.
    Les Canado-Syriens arrivent-ils à communiquer avec leurs proches? Peuvent-ils leur téléphoner ou les rejoindre sur Internet? Comment communiquent-ils avec leurs êtres chers et les membres de leurs familles?
    C'est tout le temps dont nous disposions, mais je vous laisse répondre à la question.
    Facebook est un outil incroyable. Pour beaucoup d'entre nous, il s'agit d'une application ou d'une plate-forme qui relève du domaine des loisirs. En Syrie, c'est une plate-forme de coordination et un outil utile à la révolution. L'accès y a été coupé pendant un certain temps mais, après la manifestation de Deraa, les autorités l'ont rétabli car ce site leur permet d'exercer une meilleure surveillance et de voir qui sont leurs partisans et leurs opposants. Même si les communications sur Facebook sont étroitement surveillées, c'est un outil largement utilisé. Il arrive néanmoins que la situation dans une ville donnée les amène à y couper les communications. C'est ainsi qu'Aleppo a été privé d'Internet et de services téléphoniques pendant un certain temps, comme ce fut le cas à Deraa au début.
    Nous pouvons aussi utiliser Skype ou le téléphone. Je peux vous raconter une histoire intéressante. Alors que je parlais à mes parents, qui étaient à Damas, je me suis aperçu que la ligne était sur écoute. J'ai alors dit que je savais que quelqu'un écoutait et la personne a décliné son identité. C'est incroyable.

  (1030)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre dernière série de questions avec Mme Brown.
    Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais apporter une précision. Le montant de 2,5 millions de dollars était destiné à permettre la livraison de fournitures médicales et à assurer un approvisionnement en eau potable et en traitements assainissants. Il est malheureusement apparu, après enquête, que ces fonds allaient être consacrés à des infrastructures. C'est pourquoi ils ont été redirigés vers le Comité international de la Croix-Rouge afin de servir à livrer des fournitures médicales. Ce financement n'a donc pas été retiré.
    La parole est maintenant à M. Van Kesteren.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous. Ce que nous entendons est très troublant. Comme l'a dit M. Dewar, je crois que toutes les personnes présentes sont touchées par vos témoignages.
    J'aimerais que vous conveniez que le Canada a dépensé plus d'argent par habitant que les États-Unis. Je crois que nous sommes un peu frustrés dans une certaine mesure. Je tiens également à mentionner quelque chose au sujet de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Leurs représentants ont participé à notre dernière réunion et nous ont affirmé qu'ils sont apolitiques. Nous leur avons versé 12 millions de dollars. Laissez-vous entendre que nous devrions retenir les fonds destinés à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge? Est-ce ce que nous devrions faire selon vous?
    C'est bien de financer la Croix-Rouge car elle apporte de l'aide aux résidents des camps de réfugiés, en particulier en Turquie. Elle ne travaille pas en Syrie, comme le fait le Croissant-Rouge.
    Cela va sérieusement compliquer les choses si nous disons à ces organismes qu'ils peuvent dépenser notre argent à tel endroit, mais pas à tel autre. Ne vaudrait-il pas mieux tout simplement interrompre cette aide, bloquer le versement des 12 millions de dollars et annoncer que nous ne financeront plus ce type d'aide?
    Je crois que nous pouvons cibler les mesures que nous voulons financer, à la fois comme Canadiens et comme Syriens vivant au Canada. Je suis convaincu que tous ceux qui se trouvent dans cette pièce, et beaucoup d'entre nous sont d'origine syrienne, sont touchés. Nous nous sentons tous concernés. Nous aurions aimé financer les hôpitaux de campagne en Syrie et tous les efforts qui se font pour venir en aide aux réfugiés qui se trouvent en Jordanie et en Turquie.
    C'est très difficile. Je crois que nous pouvons en convenir. C'est une situation délicate.
    Je voudrais que vous me parliez de la diaspora. Que font ses membres? Se sont-ils dotés d'une structure? Ont-ils lancé des souscriptions? Pouvez-vous nous dire ce qu'ils font?
    Voulez-vous répondre, Mariam?
    Bien sûr. La diaspora s'est organisée sous le parapluie du Syrian Canadian Council. Je crois que son principal objectif est de recueillir des fonds pour fournir des couvertures, de l'alimentation et des vêtements aux résidents des camps en dehors de la Syrie. En Syrie même, il est encore très difficile d'acheminer quoi que ce soit, y compris des fonds, sans passer par le gouvernement Assad. Vous savez, nous essayons d'y envoyer de l'argent mais nous n'avons aucune garantie qu'il ne va pas être détourné par les dirigeants.
    Il y a bien une organisation qui s'efforce de recueillir des fonds, même si elle ne s'inscrit pas dans l'éventail politique et ne fait pas appel aux médias.
    Avez-vous une idée du montant que la diaspora a ainsi recueilli?
    Je ne suis pas en mesure de vous répondre pour plusieurs raisons. Il arrive souvent que les gens recueillent des couvertures et des vêtements, qu'ils expédient ensuite en conteneurs.
    Il s'agit donc davantage d'actions isolées qui ne sont pas coordonnées. Je peux le comprendre.
    Tout à fait, oui. En ce qui concerne l'argent, c'est très difficile.
    Je crois que, au cours de la dernière année, cette organisation est probablement parvenue à recueillir entre 200 000 et 300 000 $ grâce aux activités qu'elle a organisées dans plusieurs villes.
    À ce que je sais, le montant recueilli, rien que dans les villes, approche les 2 millions de dollars.

  (1035)  

    Oh, 2 millions de dollars en liquide.
    Oui, 2 millions de dollars ont été recueillis et, je crois, transférés par le canal de la Jordanie. Je ne parle pas uniquement de Montréal, mais pour tout le pays, d'un océan à l'autre, de Vancouver à Montréal.
    Très rapidement, voici l'état de la situation. Je veux que vous réfléchissiez à ces choses. Nous avons accueilli ici les représentants de la République de Turquie. Les faits sont indubitables et je crois que nous convenons tous que la clé de la réussite de ce mouvement est l'instauration de la démocratie, de la vraie démocratie, avec le droit à la propriété, à la liberté religieuse, à la libre expression et à des choses fondamentales comme celles-ci. Le problème qui se pose quand vous nous proposez de soutenir les rebelles est que la plupart des Canadiens se disent « Je ne suis pas sûr de le vouloir parce que je ne vois pas très bien de quoi sera fait l'avenir dans ce pays! »
    Nous avons déjà vu ce genre de situation avec le Printemps arabe. Nous avons tous espéré voir l'évolution que vous nous avez dit souhaiter mais, au final, le résultat en a été fort éloigné.
    Je me permets de vous suggérer de mettre l'accent sur la démocratie. Il faut que les bouleversements que connaît votre pays débouchent sur cette démocratie. Je vous invite et vous incite aussi à voir ce qui se passe en Turquie, et j'incite la Turquie à poursuivre...
    Je vous remercie, monsieur Van Kesteren. Le temps dont nous disposions est épuisé.
    Nous allons terminer avec Mme Laverdière, puis nous nous réunirons à huis clos pendant cinq minutes environ pour parler de nos travaux à venir. Je donne donc la parole à Mme Laverdière, pendant cinq minutes, pour conclure.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins. Leur présentation était à la fois très touchante et très intéressante. Ça incite à la réflexion.
    Faisal a dit que le manque d'appui aux résistants armés sur le terrain provoquait la venue de groupes plus radicaux et que, par conséquent, il faudrait appuyer les gens sur le terrain. En général, on s'entend sur le fait que fournir plus d'armes à la Syrie n'est pas forcément la solution. C'est notre position.
     Quelles sont les autres avenues? On en a parlé à plus d'une reprise, mais j'aimerais qu'on fasse une récapitulation des faits. Quelles sont les autres façons dont on pourrait appuyer l'Armée syrienne libre?
    Je vous remercie. Je vais répondre aux deux, car ces questions sont en quelque sorte reliées.
    Compte tenu de ce qui se passe en Syrie, nous pensons que la solution va inévitablement passer par la force. Tous ceux qui connaissent un tant soit peu la politique ou la géopolitique de cette région — qu'on parle du régime Kadhafi, de celui de Saddam ou d'autres dictateurs — savent que ces régimes ne croient pas aux transitions politiques. Ils existent depuis quatre décennies. Imaginez, c'est la première république héréditaire dans l'histoire de la planète, et la Corée du Nord est celle qui nous a suivis.
    Espérer que le régime Assad va quitter le pouvoir grâce à des missions comme celle de Kofi Annan ou de Lakhdar Brahimi n'est pas réaliste. Ça pourra se passer uniquement si la balance du pouvoir en Syrie se déplace. On peut y arriver de deux différentes manières: soit par une intervention, comme ça s'est fait au Kosovo, soit au sol, en territoire syrien, en déplaçant la balance du pouvoir. Appuyer les résistants est une manière de le faire.
    Je peux vous dire que la révolution en Syrie est restée non violente durant six ou sept mois, mais que le régime a tout fait pour qu'elle devienne armée. Il a expressément visé les activistes non violents comme Ghiyath Matar, à Darayya. On l'appelait « Petit Gandhi ». Il distribuait de l'eau et des roses aux militaires syriens. Bien sûr, ce sont les activistes de cette liste qui ont été visés et qu'on a ramenés à leurs parents après leur avoir tranché la gorge et les avoir torturés. Le régime a tout fait pour militariser ce conflit.
    Malheureusement, la seule manière de mettre fin à ce régime et de permettre à la Syrie d'entamer une transition vers la démocratie est par la force. Nous n'avons aucun doute à ce sujet.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je tiens également à remercier les témoins de leur présence parmi nous.
    Nous avons été très sensibles à leurs témoignages qui nous ont beaucoup touchés. Nous vous remercions de nous avoir consacré de votre temps.
    Oui, monsieur Dewar.

  (1040)  

    Monsieur le président, j'aimerais juste savoir si le parti gouvernemental serait prêt à envisager l'adoption d'une motion.
    Nous allons devoir étudier cette question.
    Je veux que nous parlions à huis clos de ce que nous faisons ici. Nous avons entendu tous les témoins que nous avions, mais je veux discuter de notre calendrier.
    Encore une fois, merci à tous.
    Je suspends la séance pendant une minute pour permettre aux personnes présentes de quitter la pièce et nous allons poursuivre à huis clos pour parler de nos travaux à venir.
    Merci beaucoup.
     [La réunion se poursuit à huis clos.]
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