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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1145)

[Traduction]

    Je déclare la 39e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ouverte. Nous nous réunissons conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 29 février 2012 pour étudier le projet de loi C-299, Loi modifiant le Code criminel (enlèvement d’une jeune personne).
    Nous recevons comme témoin aujourd’hui M. Michael Spratt de l’Association canadienne des libertés civiles. Monsieur, si vous le souhaitez, vous pourrez faire une déclaration préliminaire comme à l’habitude puis nous commencerons notre table ronde.
    Tout d’abord, je suis heureux d’être ici aujourd’hui. C’est toujours avec plaisir, mesdames et messieurs, que je prends la parole devant ce comité.
    Je m’appelle Michael Spratt et je suis avocat spécialisé en droit criminel. J’exerce uniquement le droit criminel ici à Ottawa, en Ontario, au cabinet Webber Schroeder Goldstein Abergel. J’ai plaidé devant les tribunaux de toutes les instances et j’ai représenté toute sorte de contrevenants et traité de toutes sortes d’infractions.
    Aujourd’hui, je m’adresse au comité en tant que représentant de l’Association canadienne des libertés civiles. Naturellement, cet organisme national ne comprend pas seulement des avocats, mais aussi des milliers de membres provenant de tous les horizons.
    L’Association a été créée pour promouvoir le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles ainsi que pour protéger ces libertés contre les atteintes déraisonnables. Nous croyons que toute politique ou loi doit être la moins intrusive possible et doit s’appuyer sur des preuves. Il n’est donc pas étonnant que nous nous opposions à certaines des mesures comprises dans le projet de loi C-299. Nous nous y opposons, non pas parce que nous sommes en désaccord avec l’intention de la loi, mais bien parce qu’elle repose sur une politique inefficace consistant à imposer des peines minimales obligatoires ne permettant tout simplement pas d’atteindre les objectifs de la loi. Les peines minimales obligatoires ne reposent pas sur des preuves et sont loin de permettre d’atteindre les objectifs stratégiques qu’elles sont censées viser.
    Vous ne serez pas étonnés par notre première préoccupation concernant les peines minimales obligatoires puisque, comme d’autres groupes, nous avons déjà présenté des mémoires à ce sujet. Nous nous inquiétons du fait que ces peines risquent d’être inconstitutionnelles et de donner lieu à des infractions à la charte.
    Bien entendu, les peines doivent être soigneusement adaptées aux contrevenants et aux infractions. Il s’agit d’un principe historique qui guide depuis longtemps le système de justice pénale de common law. La rigidité de ces peines minimales obligatoires met à mal ce principe. L’injustice n’est peut-être pas l’intention d’une loi assortie de peines minimales obligatoires, mais en est souvent le résultat.
    Lorsqu’il s’agit en particulier des dispositions législatives sur l’enlèvement d’une jeune personne âgée de moins de 16 ans, quiconque examine la jurisprudence constatera rapidement que, en général, la plupart des peines imposées sont supérieures à cinq ans, soit la peine minimale imposée au titre de la loi. Cependant, l’élimination du pouvoir discrétionnaire des juges risque de nuire aux cas hypothétiques raisonnables pour lesquels une peine de moins de cinq ans serait adéquate. En effet, à cause de la rigidité des peines minimales obligatoires, notre système juridique n’aurait plus la possibilité d’exercer un pouvoir discrétionnaire dans ces cas.
    Pour ne pas trop m’attarder, je pourrai donner au cours de la période de questions des exemples de ces cas et je serai ravi d’en discuter avec vous.
    L’essentiel est que les dispositions législatives sur les peines minimales obligatoires ne donnent aucune latitude pour le traitement des cas peu communs ou la prise en compte de facteurs atténuants appelant une peine inférieure à la peine minimale obligatoire.
    Les juges sont les mieux placés pour imposer des peines justes. Évidemment, ils connaissent bien les faits, les contrevenants, l’infraction et la collectivité où ils siègent. Au Canada, nous jouissons d’une magistrature instruite, compétente et intègre. De fait, c’est le système que nous avons adopté partout dans le monde pour aider les nouvelles démocraties à établir leur système juridique.
    Par ailleurs, l’élimination du pouvoir judiciaire discrétionnaire des juges n’entraînera pas seulement des peines injustes et rigides. Voici certaines des conséquences pratiques qu'aura l’abolition de ce pouvoir discrétionnaire.
    Tout d’abord, ce pouvoir discrétionnaire ne sera pas réellement éliminé du système; il serait plutôt transféré aux avocats de la Couronne et aux services de police. Toutefois, contrairement au pouvoir judiciaire discrétionnaire, ce pouvoir discrétionnaire ne serait pas examinable ni transparent. De plus, il pourrait poser d’autres problèmes.
    Ironiquement, le problème qui pourrait en découler comporte deux volets.
    D’une part, le transfert du pouvoir discrétionnaire peut, comme je l’ai mentionné, donner lieu à des décisions discrétionnaires non examinables qui pourraient influencer ou induire le plaidoyer de personnes qui pourraient ne pas être coupables.
    D’autre part, lorsque des accusations requièrent une peine minimale obligatoire, mais sont également visées par un article du Code criminel qui n’est pas assorti d’une peine minimale obligatoire, le projet de loi pourrait souvent avoir l’effet inverse et encourager un règlement au titre de l’article du Code qui n’est pas assorti d’une peine minimale obligatoire.
(1150)
    Je dis que c’est ironique parce que, parallèlement, les peines minimales obligatoires entraînent une augmentation du nombre de procès. Si on est presque sûr de l’issue du procès, par exemple si la culpabilité est garantie, rien n’incite à régler le dossier rapidement lorsque l’accusé sait qu’il devra purger une peine minimale obligatoire, ce qui constitue, bien entendu, une charge supplémentaire pour les ressources de nos tribunaux. De plus, dans ce dossier, on cite à comparaître des témoins qui sont jeunes et que nous ne voulons pas nécessairement faire passer par tout le processus de comparution.
    Par ailleurs, les peines minimales obligatoires ont des conséquences disproportionnées sur les groupes autochtones, compte tenu du jugement dans l’affaire Gladue, et plus récemment dans l’affaire Ipeelee, rendu par la Cour suprême.
    Plus important encore… et je répète que nous acceptons les objectifs de la loi, mais que nous ne sommes pas d’accord avec les mécanismes utilisés pour les atteindre… les faits montrent clairement que les peines minimales obligatoires n’ont aucun effet dissuasif sur les contrevenants. Elles n’empêchent pas les infractions plus qu’elles n’offrent un niveau de protection plus élevé.
    Il existe un décalage illogique entre l’intention et le mécanisme; un décalage qui devrait être rattrapé par des faits probants. Dans le cas des peines minimales obligatoires, les faits montrent le contraire: ces peines n’ont aucun effet dissuasif.
    Je demande donc instamment au comité de revoir tous les documents. Je peux donner des exemples des conséquences sur le plan pratique mais d’autres pourront vous parler des données probantes recueillies en criminologie. Aussi, j’exhorte le comité à examiner le rapport de novembre 2010 du Centre canadien de politiques alternatives.
    J’insiste pour que le comité se tourne vers son voisin du Sud. Marc Mauer, le directeur général du Sentencing Project a déjà comparu devant des comités. Je vous recommande plus particulièrement de prendre connaissance de son témoignage du 28 octobre 2009 devant le comité sénatorial.
    Je demande au comité de se pencher sur la lettre du 6 février 2011 qui a été rédigée et signée par plus de 500 chefs de file et experts dans le domaine. La lettre portait plus particulièrement sur le projet de loi S-10, mais traitait également de la question des peines minimales obligatoires.
    Nous côtoyons des criminologues éminents, dont Anthony Doob, qui peuvent fournir des études ou des données probantes à soumettre au comité.
    Cependant, l’essentiel est que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces. Elles sont une façon simple d’aborder un problème complexe. À mon avis, elles sont une façon à courte vue d’aborder un problème. Je suis sûr que certains me diront que des peines minimales obligatoires sont déjà prévues dans le Code et que différents gouvernements y ont eu recours. Il reste que ce n’est pas une excuse pour adopter une politique qui a échoué dans le passé et qui n’est fondée sur aucune donnée probante.
    Si l’intention de ce projet de loi est de diminuer le nombre d’enlèvements de jeunes personnes et de protéger ces jeunes, les faits indiquent clairement — et je l’ai mentionné — que les peines minimales obligatoires ne permettront pas d’atteindre cet objectif. Elles auront cependant des conséquences concrètes dont je peux témoigner: un alourdissement du processus judiciaire, aucun effet dissuasif, le transfert du pouvoir discrétionnaire aux avocats de la Couronne et aux services de police et l’abolition du pouvoir discrétionnaire des juges, l’une des pierres d’assise de notre système de justice.
    Je répondrai maintenant à vos questions.
(1155)
    Allez-y, Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, maître Spratt. C'est intéressant. Ce n'est jamais une question facile, bien que la position du NPD soit claire. On a des réserves relativement aux peines minimales obligatoires, pour les mêmes raisons que celles que vous avez mentionnées. Par contre, soyons réalistes, quand on lit l'article 279 du Code criminel, on se rend compte que des peines minimales y sont incluses.
    Je ne sais pas si vous connaissez les articles 279 et suivants concernant l'enlèvement, la traite des personnes, la prise d'otage et le rapt. Comment justifier que dans un cas d'enlèvement d'enfant, par exemple, comme celui qui est visé par le projet de loi de M. Wilks, on refuserait une peine minimale alors qu'il y en a une, par exemple, dans le cas d'une première infraction, quand il y a eu usage d'une arme à feu à autorisation restreinte. On parle alors de cinq ans.
    L'enlèvement d'un enfant n'est-il pas suffisant pour qu'il y ait une peine minimale? Comment expliquez-vous cette distinction qu'on fait, dans le Code criminel, entre ces différentes infractions?

[Traduction]

    Soyons très clairs: la peine de cinq ans imposée pour un enlèvement d’enfant est adéquate dans la majorité des cas. Si le comité tient compte des décisions judiciaires passées, il constatera qu’il est très courant d’imposer une peine de plus de cinq ans. Nous soutenons simplement que si nous examinons ces dispositions législatives de façon isolée, la peine minimale obligatoire aura les conséquences énumérées précédemment. Je sais qu’il existe des peines minimales obligatoires dans le Code et que, dans certains cas, elles ont été jugées constitutionnelles, mais cela ne règle pas le problème qu’elles posent dans le cas présent.
    Nous sommes d’avis que, si le gouvernement souhaite changer la loi et s’écarter d’une des pierres angulaires, d’un des piliers de notre système de justice, il devrait le faire en prenant appui sur des données probantes. C’est le gouvernement qui souhaite modifier la loi, c’est donc le gouvernement qui devrait prouver que les peines minimales obligatoires permettront d’obtenir les résultats stratégiques souhaités pour ces dispositions législatives.
    Il est vrai que l'enlèvement d'un enfant, c'est grave. Oui, l'enlèvement d'un enfant avec une arme feu, c'est grave aussi. Cependant, à mon sens, ce n’est pas parce que cette porte est ouverte qu'on peut accepter l'idée d'imposer des peines minimales obligatoires sans avoir procédé à une évaluation minutieuse pour s’assurer que ces changements sont requis et qu’ils sont bel et bien appropriés.

[Français]

    Si je ne m'abuse, quand on consulte la jurisprudence, à part de rares exceptions qui s'expliquent d'ailleurs facilement, on parle plutôt de peines variant entre 8 ans et 15 ans. Ai-je raison de dire que les tribunaux regardent davantage vers le haut? N'ont-ils pas tendance à adopter la peine maximale plutôt que la supposée peine minimale qui devrait avoir un effet dissuasif?

[Traduction]

    Bien sûr, selon la jurisprudence, la peine d’emprisonnement minimale est très élevée. L’imposition d’une peine minimale obligatoire n’aura aucune incidence sur ces sentences. Je veux dire que la peine minimale obligatoire servira de point de départ, comme l’a indiqué la Cour suprême, pour les contrevenants les moins dangereux et les infractions les moins graves auxquels on appliquera la peine minimale. Toutefois, nous croyons que lorsqu’il s’agit d’appliquer des peines minimales, les scénarios comportent souvent des faits uniques… par exemple, dans le jugement Smickle de la Cour suprême… qui font en sorte qu’une peine minimale ne peut être imposée. Nous avons donc une solution en quête d’un problème. Voilà ce qu’est cette loi, parce que, selon moi, il n’existe pas de problème. Dans la jurisprudence, nous ne trouvons aucun cas de délinquants méchants et flagrants qui ont commis une infraction et qui se voient imposer une peine clémente.

[Français]

    J'aimerais parler d'une question qui me tracasse depuis que l'on étudie ce projet de loi. Par exemple, regardons le paragraphe 279(1.1), qui porte sur l'enlèvement. Un peu plus loin, on précise certaines infractions, relativement à l'enlèvement d'une personne de moins de 16 ans, par exemple. Je pense qu'il y a beaucoup de place pour des jeux entre la Couronne et la défense, afin d'éviter l'application du projet de loi s'il était adopté tel quel.
    Ai-je raison? Il y a une certaine confusion dans cette disposition.
(1200)

[Traduction]

    J’ai sans doute posé une mauvaise hypothèse. J’avais l’impression qu’on envisageait déjà une modification à ce projet de loi selon laquelle on exclurait les parents ou peut-être d’autres membres de la famille de l’enfant afin de ne pas entrer en contradiction avec d’autres articles.
    Il serait intéressant de discuter de la portée de cette exclusion; devrait-elle englober seulement les parents, les grands-parents, les beaux-parents ou seulement les personnes jouant le rôle de parent. Cet article pourrait entrer en contradiction avec d’autres articles du projet de loi. Cette préoccupation pourrait être quelque peu atténuée, si les modifications envisagées sont apportées. Il est clair par contre que les articles précédents pourraient s’appliquer à une personne et que cet article pourrait s’appliquer à elle également. Les avocats de la Couronne partout au Canada sont honnêtes et ils font très bien leur travail. Nombre de mes amis exercent cette profession. J’ai le plus grand respect pour ces avocats.
    Nous aboutissons toutefois au problème du transfert du pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’un avocat de la Couronne est aux prises avec une peine minimale obligatoire inadéquate imposée à une personne qui n’a pas les moyens de procéder à une contestation constitutionnelle longue et coûteuse, cet avocat est amené à utiliser son pouvoir de poursuite discrétionnaire pour éviter que l’issue du procès soit très injuste. Bien sûr, tout ce processus se déroule à huis clos. Il n’est ni examinable ni transparent. On ne fournit aucune justification et on ne donne pas l’impression que justice est rendue. Nombre des contestations constitutionnelles de la loi devraient pouvoir être évitées. Ces contestations sont coûteuses et rendent le système instable. Par l’intermédiaire du Code criminel, nous devrions nous efforcer d’éviter de créer de l'instabilité.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Je vais essayer de poser des questions ciblées sur ce que vous avez dit au sujet d’une approche fondée sur des données probantes. Il se pourrait que vous ayez déjà répondu implicitement à certaines de mes questions, mais je veux quand même vous les poser pour connaître les éléments de preuve qui existent.
    Peut-on prouver que des juges ont imposé des peines légères dans des cas d’enlèvement?
    Pas que je sache.
    Certains faits permettent-ils de croire que, si cette loi avait été promulguée il y a dix ans par exemple, le nombre d’enlèvements d’enfants aurait diminué?
    Non, Anthony Doob affiche tous les trois mois sur le site Web de l’université un bon résumé des études de criminologie. La grande majorité des données montrent que les peines minimales obligatoires n’ont aucun effet dissuasif.
    Je peux donc présumer qu’aucune preuve ne permet de croire que l’adoption de dispositions législatives sur les peines minimales obligatoires permettrait d’éviter ou de réduire les enlèvements.
    Pas selon les recherches que j’ai examinées.
    Pourquoi un contrevenant pourrait-il être accusé de rapt au lieu d’enlèvement? Les modifications à la loi, plus particulièrement celles concernant la peine minimale obligatoire, peuvent-elles inciter les gens à déposer plus fréquemment des accusations moins lourdes?
    Je pense que oui. Nous le constatons pour certaines des autres infractions pour lesquelles une peine minimale est imposée. De plus, une infraction peut être visée par plus d’un article du Code criminel. Lorsqu’une peine minimale obligatoire est prévue pour une infraction et qu’aucune peine minimale n’est prévue pour une autre, on doit souvent négocier considérablement afin d’établir les accusations que la Couronne doit déposer. On s’appuie alors sur les faits dans le dossier et sur le pouvoir de poursuite discrétionnaire. Ainsi, on pourrait voir le nombre d’accusations d’enlèvement diminuer dans certains cas et le nombre d’accusations de rapt ou d’autres accusations, comme celles de séquestration ou de voies de fait, augmenter.
    Toutefois, ça n’aura aucune incidence sur les infractions graves qui requièrent une peine de plus de cinq ans. Ça aura une incidence sur les cas limites qui ne requièrent pas une peine de cinq ans et qui présentent des circonstances atténuantes, soit pour l’infraction, soit pour le contrevenant.
(1205)
    Peut-on prouver que les accusations portées actuellement au titre du Code criminel pour les cas d’enlèvement de jeunes personnes ne sont pas adéquates?
    Pas que je sache.
    Comme vous en avez parlé en dernier, j’aimerais vous demander si la loi fait une distinction réelle ou appropriée entre les cas où le contrevenant est un membre de la famille et les cas où il est un étranger?
    Actuellement, la loi ne fait aucune distinction. Je sais que l’intention est de l’appliquer seulement aux enlèvements commis par des étrangers; il serait intéressant de s’attarder sur l’effet dissuasif d’une peine minimale obligatoire sur les membres de la famille par rapport aux étrangers. En fait, il se pourrait que l’effet dissuasif soit encore plus faible dans les cas d’enlèvements commis par des étrangers. Cependant, beaucoup dépendra de la portée ou de l'ampleur de cette exception.
    Bien sûr, certaines défenses qui s’appliquent à d’autres articles du Code criminel, notamment l’intérêt supérieur de l’enfant… il n’est pas clair si elles s’appliqueraient dans la version actuelle du projet de loi.
    Y a-t-il des faits probants qui permettent de croire que l'âge fixé à 16 ans est un point de démarcation approprié? Ne serait-il pas préférable de tenir compte d’éléments comme « l’âge » ou la « vulnérabilité » plutôt que d’un âge précis comme 16 ans?
    La détermination d'un âge précis présente certains avantages, c’est notamment moins nébuleux que d’utiliser un terme comme « vulnérable » ou d’avoir recours à des facteurs qualitatifs. Toutefois, le choix de cet âge semble tout à fait arbitraire. Je crois que l’âge de 16 ans a peu d’importance, si ce n’est que depuis longtemps, c’est l’âge auquel on obtient son permis de conduire. De toute façon, je pense que ce n’est même plus possible aujourd’hui.
    Dans tout le Code criminel, il y a des références à l’âge de 14 ans et à l’âge de 16 ans ainsi qu’à l’âge où l’on passe du système de justice pénale pour les adolescents aux peines applicables aux adultes. Je ne sais pas si les motifs justifiant l’établissement de l’âge à 16 ans sont fondés sur des données probantes ou s’il existe des problèmes dans la jurisprudence actuelle… je n’en ai pas vu… pour l’âge de 16 ans ou si on ne fait que s'aligner sur ce qui existe déjà dans le Code criminel.
    Merci.
    Monsieur Goguen.
    Merci d’avoir accepté de venir témoigner aujourd’hui.
    J’aimerais que l’on parle de la constitutionnalité des peines minimales obligatoires. Évidemment, ces peines ne sont pas une nouveauté dans le Code criminel. On sait qu’il existe une peine minimale obligatoire pour les meurtres au premier degré. Selon vous, ces peines sont-elles anticonstitutionnelles?
    Vous voulez dire la peine minimale obligatoire imposée pour un meurtre au premier degré?
    Oui.
    Non, elle ne l’est pas. Beaucoup de peines minimales obligatoires ne sont pas inconstitutionnelles. C’est une question distincte, on s'interroge sur la validité ou l'efficacité de cette orientation.
    D'accord.
    J’aimerais attirer votre attention sur un élément. Le juge Major a comparu devant le comité il y a quelques semaines. Nous lui avons alors demandé s’il était possible que l’imposition d’une peine minimale obligatoire pour une telle infraction résiste à un examen minutieux de la constitutionnalité, il s’agit, après tout, d’un crime relativement odieux puisque les enfants sont vulnérables et qu’il s’agit d’un enlèvement. Il était d’avis que ces peines résisteraient à une contestation constitutionnelle.
    Ce serait probablement le cas pour un crime très odieux pour lequel, selon la jurisprudence, on applique des peines supérieures à cinq ans… dans ce cas, il se pourrait très bien que la peine résiste à une contestation constitutionnelle.
    Les dispositions législatives sur les peines minimales obligatoires posent problèmes lorsque des facteurs atténuants entrent en cause puisque les peines minimales obligatoires sont une solution universelle qui ne tient pas compte de la réalité, c’est-à-dire que les infractions et les contrevenants peuvent être bien différents.
    On suppose que, lorsqu’on établit des peines minimales, on examine tous les cas, les meilleurs comme les pires. Évidemment, même le plus intelligent des hommes ne peut examiner toutes les possibilités. Certains cas demanderont donc un examen plus approfondi. On connaît tous l’affaire Smickle, dans laquelle des armes à feu ont été utilisées. Certains cas pourraient donc faire l’objet d’un examen de la constitutionnalité.
(1210)
    Le juge Major semblait penser que ce serait le cas.
    Évidemment, il existe une série d’infractions ordinaires au titre du Code criminel, qui sont beaucoup moins graves que cette infraction et qui ne sont pas tout assorties d’une peine minimale obligatoire. Cependant, j’espère que vous comprenez qu’il est de notre devoir, en tant que parlementaires, d’établir un barème pour la peine maximale et, dans certains cas, pour la peine minimale afin de donner des orientations pour ce qui constitue le crime le plus odieux et le comportement le moins acceptable dans le Code criminel. Au final, c’est une question d’ordre public.
    Plus ou moins. Il peut s’agir d’ordre public ou de perception publique, mais malheureusement les données montrent que les peines minimales obligatoires ne préviennent pas ces crimes. Si on ne tient pas compte de ces données, des répercussions préjudiciables que peuvent avoir les peines minimales obligatoires et du fait qu’il n’existe en réalité aucun problème, car les peines sont en grande partie supérieures à cinq ans…
    Je dois dire que nous jouissons d’un très bon système d’appel, de très bons mécanismes de contrôle. De plus, contrairement à certains pays, nous avons un État bien financé et hautement compétent qui est en mesure d’examiner les décisions inappropriées. Par conséquent, si on fait un mauvais usage du pouvoir judiciaire discrétionnaire et si des faits n’ont pas été pris en compte, il existe un mécanisme de contrôle. Je crois que nous n’avons pas besoin d’imposer des peines minimales obligatoires lorsqu’elles n’ont tout simplement aucune utilité et qu’elles entrent en contradiction avec certains des principes fondamentaux de notre système juridique.
    De quels principes parle-t-on, étant donné que l’on semble croire que ces peines résisteraient à un examen constitutionnel approfondi?
    Je parle ici du principe du pouvoir judiciaire discrétionnaire. C’est-à-dire le pouvoir selon lequel le juge qui prend connaissance des faits de l’affaire impose une peine juste et raisonnable en fonction des circonstances personnelles du contrevenant, du type d’infraction et des circonstances de l’infraction… une peine minimale obligatoire retire ce pouvoir discrétionnaire aux juges. Dans plusieurs cas, l’adoption de peines obligatoires pourrait créer des injustices.
    Si on pouvait établir un lien prouvant que les peines minimales obligatoires préviennent les infractions et nous protègent mieux, peut-être que je ne serais pas du même avis. Mais, ce n’est pas le cas. Si on avait des preuves que les juges ne comprennent pas, qu’ils imposent des peines trop clémentes et qu’il faut dénoncer davantage ces crimes, peut-être que je changerais d’avis. Malheureusement, aucune preuve ne vient rattraper le décalage entre l’objectif de cette loi et la façon dont cette loi tente d’atteindre cet objectif.
    J’aimerais prendre connaissance de ces preuves, si vous les avez avec vous.
    Je les ai ici, mais je ne sais pas s’il vaut la peine de les examiner maintenant, compte tenu du temps que nous avons.
    Je pense que nous pouvons prendre appui sur les prémisses suivantes: si le gouvernement veut modifier la loi et en adopter une nouvelle, il devrait lui incomber de justifier ces modifications et d’en démontrer l’utilité. Toutefois, si nous voulons renverser le fardeau de la preuve, comme on dit dans le Code criminel, et le faire porter sur moi, nous pouvons le faire. Je vais alors vous renvoyer à des études sur les peines minimales et leur peu d’utilité.
    J’aimerais que vous nous soumettiez ces études.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Scott.
    Merci, monsieur le président.
    Nous aimerions aussi voir ces études. Nous vous serions reconnaissants de nous les envoyer ou de nous donner les références.
    Bien sûr, je peux les envoyer au greffier du comité.
    Ce serait fantastique.
    Au cas où vous auriez mal interprété le témoignage du juge Major, je voudrais savoir si vous acceptez la distinction qu’il a faite. Il a effectivement indiqué que, selon lui, ce serait constitutionnel, mais il a fait une nette distinction en ajoutant que pour ce qui est de la politique de fond… pas seulement la politique parlementaire, mais également les principes sous-jacents au droit pénal en général… il était contre les peines minimales obligatoires dans ce cas.
    Êtes-vous du même avis?
    Je suis de cet avis. Nous n’avons qu’à nous tourner vers les États-Unis pour avoir des exemples de peines minimales obligatoires. Je suis totalement d’accord avec le juge Major sur ce point.
    Merci.
    À titre d’exemple, j’ai eu le privilège de discuter avec le chef Rodney Freeman après la séance. Nous avons parlé d’un aspect que nous n’avions pas vraiment eu la chance d’aborder. Je veux donc connaître votre point de vue.
    La peine d’emprisonnement de cinq ans est imposée dans les cas purs et simples d’enlèvement d’un jeune de moins de 16 ans. Nous ne parlons pas ici des autres événements qui, nous le reconnaissons tous, peuvent se produire après l’enlèvement. Pensez-vous qu’une capacité mentale réduite est le genre de facteur qu’un juge voudrait prendre en considération dans certains cas pour déterminer si une peine de cinq ans est excessive?
(1215)
    Oui, ce sont des facteurs que nous prenons souvent en considération. Il peut y avoir beaucoup de facteurs qui entrent en jeu pour une personne accusée qui, sans être considérés comme des problèmes d'aptitude ou une question de responsabilité pénale, contribuent à établir le niveau de responsabilité du contrevenant. Outre le contrevenant à proprement parler, nous pouvons avoir affaire à des jeunes, des délinquants juvéniles… pas des jeunes délinquants mais de très jeunes délinquants…, on pourrait donner plusieurs exemples, notamment une blague à l’école secondaire où un élève plus âgé amène un élève plus jeune dans sa voiture pour une initiation. Ce geste pourrait être visé en droit strict par les dispositions sur l’enlèvement. Prenons comme exemple une belle-mère ou une copine qui retire l’enfant de son copain d’une mauvaise situation familiale; concrètement, cette personne commettrait une tentative d’enlèvement et pourrait être emprisonnée en vertu de cette loi. Voilà certaines des hypothèses qui peuvent être formulées tant en ce qui concerne le contrevenant qu’en ce qui concerne l’infraction.
    Nous devrions examiner de façon plus approfondie l’incidence fluence que peut avoir la capacité mentale réduite sur la détermination de la peine.
    L’une de mes principales préoccupations… et je crois que vous en avez parlé… est que l'adoption d'une politique de peines minimales obligatoires montre un certain manque de confiance à l’égard du système judiciaire dans son état actuel et de la capacité des juges de juger de bonne foi les circonstances des cas qui leur sont soumis et que, dans une certaine mesure, elle traduit un manque de confiance envers les juges. Est-ce que c’est que vous évoquiez plus tôt?
    Oui, la perception du public est différente… et il existe des études intéressantes sur les facteurs qui influencent la perception du public quant à ce qui se produit dans notre système de justice. Il se peut que la population pense que certains résultats sont indésirables, mais lorsqu’on la renseigne comme il faut, elle change souvent sa perception des choses.
    Les peines minimales obligatoires sont une façon très crue de faire connaître la position du gouvernement sur les enjeux de la justice. Franchement, je crois que nous ne donnons pas assez de crédit à la population et qu’il y a bien d’autres façons nuancées fondées sur des données probantes et sur la réalité pour communiquer les grandes orientations prises par le gouvernement.
    Vous soulevez un bon point. Dans son témoignage, le chef Freeman a indiqué qu’il faisait confiance au système et au pouvoir discrétionnaire des juges, mais que le problème réside dans ce que la population perçoit comme un manque de cohérence. La population doit être rassurée. Son témoignage portait en partie là-dessus et ce que vous avez dit va dans le même sens.
    Pour moi, c’est comme si on faisait les choses à l’envers. Si nous savons que les juges utilisent un processus décisionnel équilibré et nuancé qui nécessite souvent une peine moindre que ce que la peine minimale obligatoire serait et si la population ne comprend pas bien qu’il existe différentes peines, ne s’agit-il pas d’une incohérence… j'estime que cela est une grave erreur de fonder une politique politique sur les perceptions de la population.
    Convenez-nous que c'est à peu près la position que vous défendez?
    Oui, on met la charrue devant les bœufs ou on la fait rouler en marche arrière. Je peux vous assurer que l’Association canadienne des libertés civiles est d’avis qu’il faut partir d’une politique fondée sur des principes et des faits probants que la population appuiera, si elle est bien informée.
    Madame Findlay.
    Merci et merci d’être venu ici aujourd’hui, monsieur Spratt.
    Je crois que vous serez d’accord avec moi sur le fait que l’établissement des dispositions législatives en vertu du Code criminel relève exclusivement du Parlement fédéral.
    Bien sûr.
    Et le pouvoir judiciaire discrétionnaire est, j’en conviens, un aspect fondamental de notre système de justice et un aspect dont nous sommes fiers.
    Cependant, le Code criminel prévoit beaucoup de peines maximales. Percevez-vous les peines maximales de la même façon que les peines minimales, c’est-à-dire d’un point de vue stratégique, une peine que le Parlement ne devrait pas établir?
    Différentes études ont été réalisées sur les peines maximales. Je crois qu’il s’agit d’un sujet fascinant. Selon moi, c’est le moment de réévaluer le Code criminel et d’y incorporer des politiques fondées sur des données probantes.
    Nous avons déjà vu la possibilité d’imposer des peines d’emprisonnement à perpétuité consécutives… ou une libération conditionnelle et des périodes d’admissibilité. Je fais confiance à notre magistrature et je sais que s’il y a un avocat de la défense compétent et bien rémunéré et des avocats de la Couronne compétents, le système adversatif et le pouvoir judiciaire discrétionnaire produiront les résultats voulus. Je ne crois pas que nous ayons besoin de peines maximales et minimales pour indiquer aux juges quel devrait être le résultat du processus judiciaire.
(1220)
    Autrement dit, selon vous, ce sont les juges qui doivent déterminer les peines en usant de leur pouvoir discrétionnaire et il n'appartient pas au Parlement de fixer des peines minimales ou maximales.
    Est-ce que c’est bien votre raisonnement?
    Oui. Simplement, un chiffre écrit dans un livre, ou comme aux États-Unis, dans un tableau donnant les peines à imposer… Parfois, le travail d’avocat de la défense est très facile aux États-Unis puisque tout ce qu'ils ont à faire est de passer en revue la liste pour y trouver un éventail de peines. Cette façon de faire ne représente pas la réalité de l’expérience humaine, comme nous la connaissons, c’est-à-dire que chaque situation est différente et que chaque personne est différente.
    Je crois que les juges qui appliquent leur pouvoir judiciaire discrétionnaire dans le cadre de notre système sont les mieux placés pour imposer une peine et qu’ils n’ont pas besoin d’un carcan comme les peines maximales et minimales.
    Vous avez parlé des États-Unis une fois de plus. Ne convenez-vous pas avec moi que, souvent, aux États-Unis, les peines minimales imposées sont bien plus élevées que celles que nous envisageons d'entrer dans le Code criminel et que celles déjà adoptées? Par exemple, une peine minimale pour une infraction de ce genre s’élève à 20 ans dans certains États.
    Ils ont choisi des chiffres différents, mais c’est précisément l’idée, n’est-ce pas? C’est un chiffre qui a été choisi simplement et qui ne concorde pas avec les principes de notre système. Peu importe le chiffre, que ce soit un an ou dix ans, le fait est que cette politique n’est pas fondée sur des faits probants.
    Vous avez utilisé le terme « faits probants ». Par « faits probants », vous entendez probablement les études du type de celles qui portent sur la criminologie et autres choses de ce genre. Autrement dit, par « faits probants », vous voulez dire les recherches, n’est-ce pas?
    Oui.
    Une part importante de ces recherches repose sur l’expérience américaine comme élément de comparaison. Si l’on examine l’expérience américaine, l’on peut voir que bon nombre des peines minimales prévues là-bas — et je viens d’en donner un exemple — sont beaucoup plus élevées qu’au Canada; il me semble évident que cela va fausser le résultat de ces études.
    L’on ne peut prendre un système différent — même s’il est accusatoire, le système est fort différent —, une perspective américaine très différente, et soutenir que la même chose se répétera au Canada.
    Mais n’est-ce pas là l’intention?
    Si l’on examine des études menées aux États-Unis, selon lesquelles une peine d’au moins 20 ans n’a aucun effet dissuasif, cela s’applique très bien. Si une peine minimale de 20 ans n’a aucun effet dissuasif, où se trouve la preuve qu’une peine minimale de cinq ans aura un effet dissuasif?
    C’est très facile d’imposer des peines minimales. C’est aussi très facile de dénoncer un comportement. Je suppose que c’est l’avantage qu’offrent les peines minimales: elles servent à dénoncer, à affirmer que nous croyons qu’un comportement donné est mauvais. C’est ce que nous faisons déjà au moyen des lois. Cependant, les peines minimales ne contribuent pas à la réadaptation et elles ne contribuent pas non plus à dissuader.
    Dans le cadre du projet de loi à l’étude, le gouvernement a comme objectif déclaré de protéger les enfants, et c’est inexact.
    Sans vouloir vous manquer de respect, je dirais que c’est votre opinion, et elle repose sur les études que vous avez examinées. Vous renvoyez à des études qui, dans une certaine mesure, ont été effectuées dans un vide. Dans le projet de loi en cause, l’on propose un nouveau minimum qui n’a pas été mis à l’essai. On créerait ainsi une nouvelle loi ici.
    Je crois comprendre également qu’aux États-Unis, chaque État a le pouvoir d’adopter ce genre de loi, de sorte que le degré d’uniformité nationale que nous visons au Canada par l’intermédiaire d’un Code criminel national n’est pas le même là-bas. N’est-ce pas exact?
    Merci. Nous n’avons plus de temps.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Me Spratt. L'une des difficultés éventuelles que suscitera l'interprétation de cette nouvelle disposition est que le terme « person » employé à l'article 279 de la version anglaise du Code criminel renvoie à la fois à l'accusé et à la victime. On pourrait, en effet, comprendre que la nouvelle disposition ne s'applique qu'aux accusés de moins de 16 ans, et non pas lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans.
    Selon vous, devrait-on modifier la disposition pour éviter toute confusion dans la version anglaise, par exemple en parlant de la personne enlevée comme de la victime ou en rédigeant la disposition comme suit:
(1225)

[Traduction]

« Commet une infraction quiconque »,

[Français]

comme dans les articles 253, 264.1 et 270 du Code criminel?
    Finalement, la peine minimale obligatoire serait-elle applicable à de jeunes accusés? Veuillez expliquer.

[Traduction]

    Oui. De toute évidence, cette loi doit s’appliquer lorsque la victime de l’enlèvement est âgée de moins de 16 ans. Il ne serait pas logique de l’appliquer à l’égard de l’accusé, puisque, bien sûr, les peines minimales obligatoires ne s’appliquent pas du tout sous le régime de la LSJPA.
    Fait intéressant, l’une des raisons pour lesquelles elles ne s’appliquent pas sous le régime de la LSJPA est qu’il existe de très bonnes études sur la dissuasion des adolescents, leur processus de réflexion et leur réadaptation.
    Comme vous, je crois que cela devrait être clarifié. Elles ne s’appliqueraient pas à l’égard des adolescents pour nombre des mêmes raisons que j’ai formulées — l’absence de recherches sur l’applicabilité ici au Canada. Alors, oui, je crois moi aussi que cela devrait être clarifié.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Raymond Côté.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins d'être présents.
    J'aimerais vous amener sur le terrain de la dissuasion. Si je ne me trompe pas, c'est l'un des objectifs du projet de loi. Je ne vous cache pas que c'était important aux yeux des témoins qu'on a pu entendre. Ils croyaient vraiment qu'une peine minimale était dissuasive. Vous avez déjà exposé le fait qu'il a été démontré, dans différents contextes, dans d'autres pays ou d'autres situations, que cela n'a pas d'effet dissuasif. Cela semble très clair.
     De plus, on a reçu M. Michel Surprenant, il y a deux semaines. Il est vice-président de l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues. Il a beaucoup concentré son témoignage et ses exemples sur les prédateurs sexuels qui pouvaient enlever des enfants. On peut imaginer que cela pourrait faire partie des nombreux cas qui seraient traités en vertu de cet article. M. Surprenant était convaincu de ce qu'il avançait et semblait s'appuyer sur des études selon lesquelles ces prédateurs sexuels étaient guidés par leur instinct avant tout. Il n'y avait pas nécessairement de réflexion liée à leur crime, même s'il les décrivait comme étant rusés pour atteindre leur proie.
    Sauf erreur, dans ce cas, encore une fois, la peine minimale serait absolument sans effet, elle n'aurait pas d'effet dissuasif.

[Traduction]

    Cela irait dans le même sens que les renseignements et les études que j’ai consultés, de même que mon expérience à l’égard de ma propre clientèle, et le système de justice criminelle en général. La plupart des personnes qui interagissent avec le système de justice ne sont pas très prévoyantes. Elles sont incapables de calculer les coûts-avantages, surtout dans le cas des infractions d’ordre sexuel; évidemment, ces personnes ont des antécédents très complexes qui leur sont propres, et souffrent de dépendances et de maladies mentales. La dissuasion joue un rôle très modeste à l’égard de tels contrevenants.

[Français]

    J'avais posé une question à ce sujet au chef Freeman. Visiblement, cela tient moins à la réécriture d'articles du Code criminel qu'à la mise en place de mesures permettant d'éviter des enlèvements. L'éducation de la population, la coordination des forces de police, l'établissement de systèmes d'alerte, comme le programme d'alerte AMBER, pourrait permettre de contrer ces cas d'enlèvements, en constituant un facteur de dissuasion supérieur. Qu'en pensez-vous?
(1230)

[Traduction]

    J’ignore si ceux-là auraient un effet dissuasif plus fort spécifiquement, mais je crois qu’ils seraient beaucoup plus utiles sur le plan de la politique. Le système d’alerte Amber permet d’appréhender une personne, de communiquer de l’information et de retrouver des enfants, ce qui est une excellente politique. Évidemment, surtout de mon point de vue en tant qu’avocat de pratique privée, les sommes d’argent consacrées à la réadaptation... À Ottawa, nous avons la chance d’avoir Le Royal, l’un des établissements de santé psychiatrique prééminents, et nous avons le Centre St. Lawrence Valley, situé tout près. L’argent est beaucoup mieux investi dans des endroits comme ceux-là, à mon avis.
    Je crois, très franchement, que le gouvernement peut dénoncer et montrer qu’il abhorre ce type d’agissement sans peine minimale obligatoire. Je crois que les citoyens sont en mesure de comprendre que l’on peut dénoncer une conduite sans tout casser et donner des coups d’épée dans l’eau. Un public renseigné saura que d’autres mesures sont plus utiles. La seule absence d’une peine minimale obligatoire ne signifie pas que cette conduite est approuvée et acceptée.
    Merci.
    Monsieur Seeback.
    Merci, Monsieur le Président.
    M. Spratt, vous avez formulé aujourd’hui un certain nombre de commentaires que je trouve intéressants. Lorsque l’on vous a demandé si une PMO est constitutionnelle pour un meurtre au premier degré, vous avez répondu par l’affirmative, mais la question de savoir s’il s’agit ou non d’une bonne politique est toute autre chose. Je dois comprendre que vous êtes d’avis qu’il ne devrait y avoir aucune pénalité minimale obligatoire pour un meurtre au premier degré.
    Oui, je veux dire...
    Oui, il ne devrait y avoir aucune PMO?
    Oui.
    M. Kyle Seeback D'accord. Donc...
    Me Michael Spratt Du point de vue de la politique, non.
    Exactement, alors serait-il juste de dire que vous ne pouvez penser à aucune circonstance dans laquelle une PMO convient? Vous ne croyez pas qu’il devrait y avoir quelque PMO que ce soit.
    C’est exact.
    Alors, peu importe le crime, il ne devrait y avoir aucune pénalité minimale obligatoire.
    C’est cela. Cela ne signifie pas que je ne crois pas que certains crimes devraient être assortis de pénalités très dures et très sévères.
    Vous semblez dire aussi que les pénalités minimales ne devraient pas exister non plus.
    Logiquement, il ne devrait pas exister de pénalités maximales non plus.
    Donc, vous ne croyez pas que le législateur devrait donner aux tribunaux des indications sur la détermination de la peine; il devrait s’agir d’un pouvoir complètement discrétionnaire des juges.
    Oh non, le législateur offre de nombreuses formes d’indications sur la détermination de la peine. Prenons par exemple…
    Si aucun minimum ou maximum n’est prévu, quelle indication le législateur donne-t-il aux juges sur la détermination de la peine?
    Bien, le Code criminel énonce des principes aux fins de la détermination de la peine. Les juges peuvent être invités à prendre en considération des facteurs aggravants et atténuants. Voilà des indications qui sont utiles...
    D’accord. Les gens qui se présentent devant notre comité pour s’opposer aux PMO affirment systématiquement qu’elles n’ont aucun effet de dissuasion. Je crois comprendre que c’est ce que vous avancez également, que les PMO ne constituent pas une force de dissuasion.
    Oui. Évidemment, comme je suis criminaliste, je n’ai effectué aucune étude moi-même…
    C’est exact, mais…
     … mais d’après ce que j’ai lu, oui, c’est exact.
    Vous reconnaissez cependant qu’il existe deux types de dissuasion, n’est-ce pas? D’une part, il y a les éléments dissuasifs généraux, auxquels vous renvoyez lorsque vous dites que, de manière générale, le public ne sera pas dissuadé par une PMO, mais il y a aussi, d’autre part, les éléments dissuasifs spécifiques, n’est-ce pas?
    Oui.
    Donc, si cette personne est en prison pendant au moins cinq ans et qu’elle ne peut commettre un autre crime, elle est spécifiquement dissuadée de commettre des crimes contre les enfants.
    Eh bien, elle est empêchée de commettre d’autres crimes…
     C’est exact. Elle est donc spécifiquement dissuadée...
    Eh bien, non, elle est empêchée de commettre certains crimes, mais certaines questions sont intéressantes: les longues périodes d’incarcération mènent-elles à un taux de récidive plus bas…
     Bien, c’est un argument complètement différent…
     Ce ne l’est pas vraiment, n’est-ce pas?
    C’est une question de sémantique, ce que vous dites... vous dites que la personne est incarcérée et que, donc, elle ne peut commettre un crime. Vous parlez d’incarcération alors que j’y vois de la dissuasion, mais c’est la même chose. Elle ne se retrouvera pas dans la population générale pendant cette période et elle ne pourra donc pas récidiver.
    Il ne s’agit pas d’une question de sémantique. Elle n’est pas dissuadée de récidiver, elle en est empêchée. Il y a une énorme différence entre les deux.
    C’est « bonnet blanc, blanc bonnet ».
    Je préfère en fait « blanc bonnet ».
     Je vais partager une part de ma période avec Madame James.
    J’ai quelques questions sur la dissuasion. Il est évident que vous ne croyez pas que les peines minimales obligatoires dissuadent les contrevenants de commettre le crime, alors…
    Je suis disposé à me laisser convaincre, cependant. Je n’ai simplement rien trouvé. Personne ne m’a encore présenté quoi que ce soit…
    … Je vais simplement vous poser une question très simple. Croyez-vous que des peines plus clémentes auraient pour effet de dissuader un contrevenant de commettre un crime?
    Non.
    D’accord. Alors n’importe quelle peine imposée à un criminel reconnu coupable ...? Est-ce qu’une peine, quelle qu’elle soit, aurait pour effet de dissuader une personne de commettre un crime?
(1235)
    Les études ne sont pas suffisamment générales pour toucher à n’importe quelle peine ayant pour effet de dissuader un crime. Je crois que les peines emportent certainement un degré de dissuasion, mais les promoteurs de la recherche que j’ai étudiée... et je suggère fortement à notre comité d’écouter les propos de Anthony Doob et d’autres personnes qui, comme lui, ont elles-mêmes effectué des recherches.
    Mais la recherche que j’ai consultée montre que ce n’est pas la gravité de la punition qui a un effet dissuasif, mais la probabilité d’être appréhendé. Alors peu importe que vous écopiez d’un jour ou de cinq jours. Ce qui dissuade davantage, c’est la question de savoir si vous allez vous faire attraper?
    Donc, si je poursuis dans la même veine, vous avez effectivement déclaré que, dans la plupart des cas d’enlèvement d’enfant — ou je suppose dans les cas d’enlèvement en général — les peines qui sont imposées sont nettement « appropriées ». Alors permettez-moi de vous poser une question concernant les peines qui ne conviennent pas.
    Comment donc, comme gouvernement, pouvons-nous protéger la société? Comment donc, comme gouvernement, pouvons-nous protéger les enfants sur le territoire du Canada? Comment les protégeons-nous si, en tant que parlementaires, nous ne pouvons dicter ce que les peines minimales et obligatoires devraient être?
    Je me retrouve devant un problème réel: si nous nous abstenons de fixer des minimums obligatoires ou des minimums et des maximums dans notre Code criminel et dans notre système judiciaire, nous nous trouvons à affirmer qu’il appartient aux juges de déterminer quelle devrait être la peine, sans égard à la question de savoir s’il s’agit d’un meurtre ou d’un simple vol à l’étalage. Nous laissons donc à une personne qui siège seule dans nos tribunaux le pouvoir discrétionnaire de prendre cette décision, et je crois que le public canadien, s’il en était informé, ne l’accepterait pas du tout.
    Alors permettez-moi de vous poser cette question…
    Le président Très brièvement.
    Mme Roxane James Oui.
    S’il ne revient pas au gouvernement de fixer les peines minimales obligatoires et les peines obligatoires ainsi que les peines minimales et qu’on laisse aux juges le soin de le faire, comment protégeons-nous la société contre les juges qui décident que la même infraction devrait être appliquée à l’égard d’une personne qui commet un vol à l’étalage et à l’égard d’une personne qui commet un meurtre? Permettez-moi de poser cette question.
    Eh bien, je n’aborderai pas la fausse logique de cette comparaison, et je me contenterai de dire que le gouvernement offre effectivement des indications. La détermination des peines repose sur des principes. Il y a des facteurs aggravants et des facteurs atténuants. Il y a un droit d’appel.
    Mais il y a un ensemble déterminé, et vous pouvez prononcer une déclaration de culpabilité. De toute évidence, à un moment donné, quelqu’un doit déterminer quelles peuvent être la peine minimale et la peine maximale.
    Je suis désolé, mais la période est nettement écoulée.
    Merci beaucoup.
    J’ai initialement prévu que cela se terminerait à 12 h 30 parce que nous devons traiter d’autres questions. Nous terminerons à ce moment-ci. J’aimerais remercier M. Spratt d’être venu aujourd’hui.
    Nous ferons une courte pause, puis nos traiterons des questions de notre comité.
    Merci.
(1235)

(1240)
    Nous reprendrons l’audience pour quelques minutes seulement pour traiter de la question du budget. Un budget a été distribué par le greffier et j’ai besoin d’une motion pour accepter le budget. Je crois que nous avons un projet de loi qui y est presque.
    M. Goguen présente la motion. Tous ceux qui sont en faveur?
    (La motion est adoptée [Voir Procès-verbal])
    Le président: Nous ferons une pause d’au plus 30 secondes pour passer aux points de l’ordre du jour qui doivent être étudiés à huis clos.
    [ La séance se poursuit à huis clos].
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