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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 13 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bon après-midi à tous. Après une période des questions animée, c'est avec plaisir que nous nous réunissons pour la séance no 66, conformément à l'ordre de renvoi daté du 12 décembre, visant à étudier le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence.
    Nous recevons au cours de la première heure M. Peter Tinsley, ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire; nous accueillerons également Eric Granger et Anne Weinstein, représentants de la Criminal Lawyers' Association du Canada.
    M. Tinsley sera le premier à prendre la parole. Nous le remercions d'avoir accepté de venir malgré le court préavis; en effet, certains des témoins attendus aujourd'hui n'ont pas pu se présenter. Comme la plupart d'entre vous le savent, M. Tinsley a eu une longue et distinguée carrière au sein des Forces armées canadiennes. Il a servi à l'étranger, mais a également été officier de la police militaire. Il a travaillé au cabinet du juge-avocat général, et a tout récemment présidé la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
    Monsieur Tinsley, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, et j'apprécierais que vous respectiez le délai de 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui, même si l'invitation est arrivée un peu tard. J'ai rassemblé rapidement quelques notes, que j'ai remises au greffier, mais je ne vais pas en faire la lecture, car je n'aurai pas assez de 10 minutes. Le greffier m'a gentiment fait savoir qu'il ferait traduire ces notes et qu'il vous les distribuerait. Vous pourrez donc, à un moment donné, prendre connaissance de toutes mes réflexions, et je m'en réjouis.
    J'apprécie beaucoup le fait de pouvoir participer à ce processus qui concerne une question très importante touchant le système de justice militaire. Comme le président l'a indiqué, je ne suis pas venu témoigner simplement à titre d'ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire; j'ai également fait une longue carrière dans le domaine de la justice militaire, d'abord à titre d'officier de la police militaire, puis d'avocat militaire et enfin, à l'échelle nationale et internationale, je me suis occupé de questions de gestion et de gouvernance des services de police.
    Je vais utiliser les quelques minutes dont je dispose pour parler d'une seule petite disposition du projet de loi C-15, à savoir le paragraphe 18.5(3). Je tiens pour acquis que les membres du comité connaissent bien le contenu du paragraphe proposé. Il concerne précisément le nouveau pouvoir réglementaire du vice-chef d'état-major de la défense de donner des directives au Grand Prévôt des Forces canadiennes en ce qui concerne des enquêtes particulières de la police militaire.
    Comme je l'ai dit, le paragraphe 18.5(3) proposé est très court, mais à mon avis, il est très important, car il aura des répercussions négatives tant sur l'indépendance réelle et perçue de la police que sur les mécanismes de surveillance, en particulier les mécanismes de surveillance de la commission de la police militaire qui ont pour but d'empêcher toute ingérence dans les enquêtes de la police.
    À mon humble avis, si elle est adoptée, cette petite disposition constituerait une mesure rétrograde et serait la plus importante contribution à l'élément du titre abrégé du projet de loi C-15 où il est question de renforcer la justice militaire.
    Le renforcement du système de justice militaire, dont la police militaire est un élément essentiel, est un processus qui n'a cessé d'évoluer depuis le dépôt du rapport de la Commission d'enquête sur la Somalie, en 1997, et l'adoption subséquente du projet de loi C-25, en 1998. Auparavant, le système de justice militaire du Canada, constitué sous le régime de la Loi sur la défense nationale, était de manière générale resté figé et inchangé pendant un demi-siècle, soit du milieu des années 1950, au moment de l'adoption de la première Loi sur la défense nationale, jusqu'à 1998.
    D'ailleurs, tout le monde a poussé un soupir de soulagement, en 1992, quand le système de justice militaire a survécu à une première remise en question importante, en application de la Charte canadienne des droits et libertés: la Cour suprême du Canada a déclaré que l'élément central de ce système, le procès devant une cour martiale, était conforme à la Charte après certains changements réglementaires, par exemple au chapitre de l'indépendance du tribunal.
    Personne ne pouvait cependant prévoir ce qui allait bientôt se passer en Somalie en 1992 et en 1993, et personne n'aurait pu savoir que les Forces canadiennes, y compris le système de justice militaire, allaient faire l'objet d'un examen public, puisque rien de tel ne s'était jamais produit. Malgré le fait que la conduite des membres des Forces canadiennes en Somalie a fait l'objet d'une enquête par la police militaire et que des accusations ont été portées, y compris des accusations de meurtre et de torture, et malgré le fait qu'il y a eu des procès devant une cour martiale et que des appels ont été interjetés devant la Cour d'appel de la cour martiale de même que devant la Cour suprême du Canada, sans que les tribunaux ne critiquent le processus, le tribunal de l'opinion publique, lui, n'était pas aussi convaincu.
    Je sais que les membres du comité ont déjà longuement entendu parler de ce processus d'évolution, mais puisqu'on se fie autant à l'opinion très valable d'anciens juges en chef du Canada quand il est question de constitutionnalité, j'aimerais attirer votre attention pour un court moment sur les conseils précis et tout aussi précieux au sujet de l'indépendance de la police et de la surveillance.
    Pour commencer, la Commission d'enquête sur la Somalie a examiné en détail les réactions des institutions aux événements survenus en Somalie, et cela comprend la police militaire. Ce faisant, la commission s'est montrée particulièrement critique à l'égard de la position de la police militaire dans la hiérarchie militaire et de l'influence des commandants et de la chaîne de commandement sur les activités de la police, laquelle altérait toute idée d'indépendance et ouvrait la porte à une perception selon laquelle une influence inadéquate était exercée. En conséquence, l'une des recommandations importantes de la commission visait à faire en sorte que le chef de la police militaire doive rendre compte au chef d'état-major de la défense pour toute chose, sauf pour les enquêtes relatives à des infractions disciplinaires ou criminelles graves.

  (1540)  

    Le projet de loi C-25 était aussi beaucoup inspiré du rapport présenté en 1997 par le Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, présidé par le regretté juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Brian Dickson.
    En ce qui a trait à la police militaire, le rapport du groupe consultatif spécial explorait un grand nombre des thèmes qu'avait étudiés la Commission d'enquête sur la Somalie, par exemple les impératifs concurrents ou contradictoires en matière de commandement et de contrôle de la police militaire, à l'appui des opérations militaires, et les impératifs concernant uniquement la fonction d'enquête de la police.
    Pour faire en sorte que les exigences liées aux deux rôles soient respectées, le rapport du groupe consultatif de M. Dickson recommandait une séparation des processus: les commandants militaires continueraient à commander et à contrôler tous les employés de la police militaire jouant un rôle de soutien opérationnel ou de renseignement, tandis que le chef de la police militaire assurerait un commandement et un contrôle directs sur tous les autres employés. Concernant le dernier cas, le rapport souligne à grands traits l'importance de l'indépendance de la police quand on veut assurer l'intégrité du système de justice.
    Une autre recommandation importante du rapport du groupe consultatif spécial, visant à faire en sorte que le système de justice militaire soit digne de la confiance et du respect du public, consistait à créer un bureau indépendant pour l'examen des plaintes et la surveillance de la police militaire, conformément aux normes établies pour la police civile.
    Le rapport du groupe d'examen des services de la police militaire, également présidé par M. Dickson, a été présenté en 1998. Ce rapport constatait que le cadre de responsabilisation, document signé par le VCEMD et par le Grand Prévôt en 1998, était conforme aux recommandations du rapport du groupe consultatif spécial en ce qui a trait à l'indépendance de la fonction policière. Un élément clé de ce cadre de responsabilisation portait que le VCEMD ne participerait directement d'aucune manière aux enquêtes en cours et qu'il ne pourrait donner aucune directive au Grand Prévôt en ce qui concerne les décisions opérationnelles liées à une enquête.
    Comme vous le savez très bien, le premier examen législatif de la Loi sur la défense nationale a été réalisé en 2003 par le regretté juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Antonio Lamer. Deux observations importantes de ce rapport méritent d'être signalées. Elles concernent les questions très étroitement liées de l'indépendance et de la surveillance de la police militaire.
    Une observation concerne le rôle du Grand Prévôt. Le juge Lamer fait la remarque suivante:
ççççççç
[Ce rôle] est régi en grande partie par le cadre de responsabilisation qui a été mis au point en 1998 pour assurer à la fois l’indépendance du prévôt et le professionnalisme et l’efficacité du service de police militaire…
    « Cette absence de définition dans la loi », fait-il ensuite observer, concerne un cadre de responsabilisation, qu'on pourrait assimiler à un protocole d'entente, mais pas un cadre législatif comme celui prévu pour des juges des tribunaux militaires, le JAG, le directeur des poursuites militaires, etc.
    Le juge Lamer poursuit en disant ceci:
La police militaire bénéficie d’une meilleure protection depuis la création de la CPPM, un organisme de surveillance civil et quasi judiciaire indépendant du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, qui a été établi afin de rendre plus transparent et plus accessible le traitement des plaintes déposées contre la police militaire…
    — et, plus précisément —
de décourager l’ingérence dans les enquêtes de celle-ci…
    Je suis d'avis que le projet de loi C-15 respecte bien la recommandation du juge Lamer de combler le vide législatif touchant les responsabilités du Grand Prévôt des Forces canadiennes en proposant qu'elles soient définies une fois pour toutes dans la Loi sur la défense nationale. Toutefois, ce faisant, malgré les recommandations similaires de la Commission d'enquête sur la Somalie, du rapport Dickson et du juge Lamer sur la nécessaire indépendance de la police militaire par rapport à la chaîne de commandement pour ce qui a trait aux décisions de nature opérationnelle de la police et aux enquêtes de la police — sans compter que cela contraste nettement avec le cadre de responsabilisation —, le projet de loi propose une disposition qui autorise précisément le VCEMD à
établir des lignes directrices ou donner des instructions à l'égard d'une enquête en particulier.
    Les systèmes de justice doivent toujours suivre l'évolution de la situation, des normes et des attentes des sociétés qu'ils sont censés servir. Le système de justice militaire a évolué rapidement au cours des deux dernières décennies, et il était temps qu'il le fasse. On a entre autres reconnu que la police militaire est un service de police canadien — c'est le septième en importance au pays — et que le public s'attend à ce qu'elle applique les lois canadiennes au pays et à l'étranger en se conformant aux normes les plus élevées.
    Le projet de loi C-15 fait partie de ce processus continu. Ce dont il est question ici, c'est de savoir si un élément important de cette évolution, ainsi que les recommandations unanimes touchant les enjeux clés de l'indépendance de la police et la question connexe de la surveillance efficace de la police militaire, sera pour une raison inexpliquée passé sous silence, et si on ne va pas d'ailleurs faire un pas en arrière.

  (1545)  

    Je veux donc très brièvement faire valoir que, si le projet de loi C-15 est adopté sous sa forme actuelle, y compris avec le nouveau paragraphe 18.5(3), qui autorise le VCEMD à intervenir dans les activités et les enquêtes de la police, on contreviendra aux principes de l'indépendance de la police, que la Cour suprême a reconnus en 1999 à titre de principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit, et on déviera en outre de la norme concernant les relations entre la police et le gouvernement, du moins au Canada et, je puis vous le dire, dans le reste du monde industrialisé, où l'on reconnaît l'importance de l'indépendance de la police et où les commissions des services de police et les organes directeurs similaires ne sont pas autorisés à donner des instructions touchant des activités policières précises.
    De fait, cela contredirait — et désavouerait, même — la notion d'ingérence par la chaîne de commandement associée au pouvoir de surveiller la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, éliminant du coup toute surveillance légalement autorisée d'une telle ingérence par le VCEMD, qui n'est pas assujetti à la compétence de la Commission d'examen des plaintes.
    Je suis prêt à répondre à toutes vos questions, mais je vais d'abord vous en poser une: Pourquoi?
    Merci, monsieur Tinsley.
    Notre prochain témoin est Eric Granger, détenteur de diplômes en droit de l'Université McMaster et de l'Université d'Ottawa, qui lui a décerné la Médaille d'argent en 2004. Il pratique le droit ici, à Ottawa, au cabinet de Greenspon, Brown and Associates, à titre d'avocat criminaliste surtout, et s'emploie également à défendre les libertés civiles de ses clients, tant au civil qu'au pénal.
    Il est accompagné par Anne London-Weinstein, avocate de la défense spécialisée en droit pénal, qui pratique également à Ottawa. Elle travaille pour le cabinet Weinstein Law et enseigne également à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, où elle donne des cours sur la preuve, le droit pénal et la plaidoirie.
    Monsieur Granger, je vous prierais de faire maintenant votre déclaration préliminaire...
    Merci, monsieur le président, et merci également aux membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de ce texte de loi important au nom de la Criminal Lawyers' Association.
    La Criminal Lawyers' Association est un regroupement de professionnels du droit pénal. Nous comparaissons ici dans le cadre de notre mandat, qui consiste entre autres à commenter les dossiers de droit pénal et constitutionnels en mettant l'accent sur les libertés civiles.
    Nous voulons dès le départ indiquer que ni Mme Weinstein ni moi-même n'oeuvrons dans le système de justice militaire. Nous ne sommes pas des experts du droit militaire. Certains membres de notre association oeuvrent au sein de ce système; ce n'est pas notre cas, mais nous sommes ici de manière générale pour représenter notre association et discuter des enjeux des dispositions du projet de loi C-15 en mettant en relief les similitudes entre le système de justice pénale civil et le système de justice militaire. Nous allons vous présenter le fruit de nos réflexions concernant les répercussions possibles sur la charte et les libertés civiles de dispositions particulières du projet de loi
    Je vais pour commencer commenter brièvement quelques-unes des dispositions de ce projet de loi que notre association soutient et qui, à notre avis, renforcent l'équité de la procédure et intègrent les valeurs de la Charte. Ensuite, Mme Weinstein formulera quelques brefs commentaires sur certaines dispositions de la loi qui, à notre avis, ne vont pas assez loin. Il s'agit essentiellement de l'interaction entre le processus des procès sommaires et l'absence de protection procédurale, dans ce processus, par rapport aux conséquences éventuelles de ce processus. Ces conséquences sont parfois identiques à ce qui se passe dans le cadre du système de justice civile, en particulier l'ouverture d'un casier judiciaire.
    Pour commencer, je vais parler brièvement de certaines dispositions du projet de loi auxquelles l'association est très favorable.
    Les premières dispositions sont les articles 24 et 62, les deux dispositions qui traitent en particulier de la modernisation des dispositions de la loi relatives à la détermination de la peine. Nous sommes bien sûr favorables à ces dispositions, puisqu'elles ajoutent des protections procédurales au régime de détermination de la peine et introduisent en outre un certain nombre d'énoncés de principe relatifs à la détermination de la peine qui devront être appliqués dans le système de justice militaire. Cela s'approche davantage des principes relatifs au système civil établis par le Code criminel, et nous pourrons probablement nous inspirer de la jurisprudence constituée en common law et dans le système de justice civile pour aider à appliquer ces principes au moment de leur intégration au système de justice militaire.
    Il y a également le concept selon lequel les faits aggravants — c'est-à-dire des faits plus graves, propres à une affaire donnée, qui peuvent être retenus contre une personne au moment de la détermination de la peine — doivent être établis hors de tout doute raisonnable. Cette exigence est une garantie procédurale importante, puisque, évidemment, plus les faits sont graves, plus la peine appropriée est lourde. Nous sommes favorables à l'introduction de ce principe dans le régime de détermination de la peine.
    On propose de plus des solutions de rechange comme l'absolution inconditionnelle, ce qui signifie qu'aucun casier judiciaire ne sera ouvert à l'égard de certaines infractions réglées au premier échelon. Nous pensons que c'est une solution de rechange importante, puisqu'elle permet, tout comme dans le système civil, d'adapter plus précisément la punition aux circonstances de l'infraction et à la situation du délinquant.
    La solution de rechange portant sur la peine discontinue est également importante. L'inaccessibilité d'une peine discontinue était certes un problème, que le juge en chef Lamer a souligné, en particulier pour la détermination de la peine de membres des forces de la réserve ou de civils assujettis à la loi dans les cas où l'imposition d'une peine d'emprisonnement soulève de graves préoccupations. La peine d'emprisonnement devait être purgée de manière consécutive, et cela pouvait entraîner un préjudice grave, par exemple la perte de l'emploi, pour les personnes condamnées à ce type de peine.
    Je vous fais remarquer, toutefois, que l'on propose ici une limite de 14 jours pour les peines discontinues. Dans le système civil, selon le Code criminel, la limite est de 90 jours; c'est le juge du tribunal civil qui a le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine discontinue lorsque la peine est de 90 jours ou moins. Nous serions à coup sûr en faveur d'une possibilité de peine discontinue plus longue.

  (1550)  

    En particulier, selon le régime des procès sommaires, on peut imposer une peine d'emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu'à 30 jours, censément pour des infractions moins graves. Il serait avantageux que le juge ait la possibilité d'imposer une peine discontinue dans de tels cas.
    Ce sont les deux dispositions sur lesquelles je voulais m'attarder, parmi les dispositions que nous soutenons. Notre mémoire en aborde bien sûr beaucoup d'autres.
    Je vais maintenant laisser la parole à Mme Weinstein, qui parlera de dispositions qui nous préoccupent particulièrement.
    Merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités ici aujourd'hui. C'est la première fois que je me présente devant un comité, et c'est un vrai plaisir.
    J'ai moi aussi fourni des notes. Malheureusement, je les ai préparées à la dernière minute. Elles seront traduites et vous seront distribuées plus tard.
    Je tiens avant tout, cet après-midi, à m'assurer que les membres de nos Forces canadiennes, qui comme on le sait, font de grands sacrifices personnels au nom de l'ensemble des Canadiens ne se voient pas privés de certaines des protections constitutionnelles dont jouissent les autres citoyens canadiens.
    Il est entendu, bien sûr, que le droit militaire a pour objectif de maintenir la discipline pour faire en sorte que la défense de notre pays reste solide. Le rapport sur la Somalie nous a appris que les habitudes d'obéissance sont essentielles lorsque des soldats sont envoyés dans des régions du monde où le système de droit s'est effondré.
    Toutefois, comme l'a dit le général Westmoreland, dans d'autres circonstances:
Un tribunal militaire ne doit pas avoir la double fonction d'instrument de discipline et d'instrument de justice. Il doit être un instrument de justice et, dans le cadre de cette fonction, promouvoir la discipline.
    L'ancien juge Lamer a confirmé cela dans son rapport: même s'il est nécessaire d'instituer un système de justice distinct dans le contexte militaire, en raison de la raison d'être particulière des Forces armées dans notre société, il faut déployer tous les efforts nécessaires pour veiller à ce que les valeurs constitutionnelles soient protégées et à ce que les membres des Forces canadiennes ne soient pas privés de la protection qui est accordée aux autres.
    Nous savons par exemple que l'indépendance judiciaire, prévue à l'alinéa 11d) de notre Charte, est un principe constitutionnel que la Cour suprême a maintenu et qui a été formulé dans le sillage de l'arrêt Regina c. Généreux. C'est à cette fin que le juge en chef Lamer a recommandé la création d'un tribunal militaire permanent qui renforcerait l'idéal d'un tribunal indépendant composé de juges militaires, ce qui serait, a-t-il dit, conforme aux valeurs mises de l'avant dans la Charte.
    On s'entend sur le fait que les procès sommaires ont pour but de régler les dossiers les moins importants — des infractions mineures, des choses de ce type —, mais la Criminal Lawyers' Association craint surtout qu'une personne soumise à un procès sommaire soit victime de stigmatisation et que la constitution d'un casier judiciaire ait des effets à long terme pour cette personne après son service, affectant sa mobilité, sa capacité de voyager et ses possibilités d'emploi, si on ne lui accorde pas les protections procédurales normalement accordées à un accusé dans le système civil.
    Ces préoccupations tiennent en partie au fait que, dans un procès sommaire qui pourrait déboucher sur une condamnation au criminel, l'intimé n'a pas droit aux services d'un conseil; il peut compter sur un officier désigné, mais ce dernier n'est pas avocat de formation. Le tribunal est présidé par un commandant, et l'officier désigné est un subalterne de ce commandant. À mon humble avis, cela peut ouvrir la porte à des craintes de partialité à l'égard de la personne accusée, dans ces circonstances.
    Malgré que les procès sommaires soient nécessaires en tant que moyen de maintenir la discipline, le fait que le commandant puisse ouvrir un casier judiciaire lorsqu'il a agi à titre de juge des faits — en tant que procureur — et qu'il ait été mis au courant de la situation avant de prendre connaissance des faits présentés pendant le procès par un sergent-major peut donner à penser que le juge des faits ne saurait être considéré comme impartial en raison de sa situation particulière. Le commandant est en même temps porté à promouvoir l'efficience de son unité, en plus de devoir s'assurer que le procès se déroule de manière équitable. À mon humble avis, il s'agit d'idéaux concurrents qui pourraient faire croire à une atteinte à l'intégrité de la procédure.
    Bien qu'on puisse faire valoir que cette pratique est rachetée par l'article 1 de la Charte, dans le cas des infractions qui ne sont pas punissables par une condamnation au criminel, j'estime, personnellement, que si une condamnation au criminel est une issue possible, la pratique ne se défend pas sur le plan constitutionnel.
    J'ai fait rapidement quelques recherches avant de me présenter ici aujourd'hui — et, comme M. Granger l'a dit, je ne suis pas une experte du droit militaire —, mais cela m'a suffi pour trouver, dans le rapport annuel du JAG de 2008-2009, les résultats d'un sondage mené auprès des membres des Forces canadiennes dans lequel ils déclaraient sans ambages que l'issue d'un procès sommaire est fixée d'avance et que la chaîne de commandement exerce une influence sur le processus.
    Si c'est bien le cas, si c'est l'impression des membres des Forces canadiennes, s'il est possible que ce procès débouche sur une condamnation au criminel, laquelle entraîne la stigmatisation, c'est inacceptable sur le plan constitutionnel, à mon humble avis.

  (1555)  

    Un autre aspect préoccupant est le fait que le cours de formation que doit suivre un officier pour devenir l'officier chargé de présider un procès sommaire ne dure que deux jours. C'est là, à tous les égards, une formation rudimentaire, mais c'est particulièrement inquiétant si cette personne peut imposer une condamnation au criminel qui pourrait, au bout du compte, s'avérer une condamnation injuste en droit.
    Il ne faut pas seulement que justice soit faite, il faut aussi qu'il y ait apparence de justice. On sait que les Ordonnances et règlements royaux reflètent une reconnaissance du fait qu'une procédure de procès sommaire a pour but de favoriser un règlement rapide mais juste d'une infraction mineure d'ordre militaire.
    Nous recommanderions qu'il n'y ait pas de condamnation au criminel ni de stigmatisation de la personne déclarée coupable tant que des garanties procédurales normales n'auront pas été mises en place.
    Ces commentaires font écho aux déclarations du juge LeSage formulées dans son rapport, à la recommandation 15.
    Si vous avez quelque question que ce soit au sujet de ces déclarations, n'hésitez pas à me les poser. Merci.
    Merci beaucoup. Cette déclaration préliminaire est très appréciée.
    Monsieur Harris, vous serez le premier à poser des questions. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier toutes les personnes ici présentes. Je sais que certains d'entre vous ont été avisés à la dernière minute.
    Monsieur Tinsley, votre déclaration préliminaire m'a rappelé un conférencier qui avait dit ceci: « Mon discours est long; je n'ai pas eu le temps d'en rédiger un plus court. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais rédigé un discours plus court. »
    Je dois dire que vous avez très bien réussi à formuler un argument convaincant contre ce que vous qualifiez de retour en arrière en vous appuyant sur les déclarations du juge en chef Lamer et du juge en chef Dickson, ce qui a fait l'objet d'une entente, d'une pratique, dont le juge Lamer a toujours parlé en bien.
    Cet aspect a été traité comme une simple politique, mais il me semble que c'est un aspect beaucoup plus important que cela, d'autant plus que le juge Lamer a dit que cela devrait être intégré à la loi.
    Pourriez-vous donner un exemple de situation où il serait permis d'intervenir ainsi? Il ne faut pas penser que cela ne peut pas se produire. Quand j'étais en Afghanistan, il y a deux ou trois ans, en compagnie de mes collègues du comité de la défense, l'officier qui commandait l'ensemble de nos troupes en Afghanistan a été relevé de ses fonctions et renvoyé au Canada, et il a été accusé d'avoir eu un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Je présume que cela a supposé l'intervention de la police militaire et la tenue d'une enquête, mesures qui, en théorie, selon le projet de loi, auraient pu être interrompues, abandonnées ou orientées différemment. Ne trouvez-vous pas cette possibilité troublante?

  (1600)  

    Monsieur Harris, j'espère que mes commentaires ont bien fait comprendre que je trouve cette possibilité non seulement troublante, mais assez effrayante, puisque cela nous ferait faire un pas en arrière. L'indépendance de la police, à mon avis, doit être la même que dans le contexte civil, la Cour suprême ayant déterminé, dans l'arrêt Campbell, qu'elle est l'un des principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit.
    La police militaire a fait beaucoup de chemin. À une certaine époque, la fonction policière, dans le contexte militaire, était en bonne partie une question de force de la personnalité.
    Je vais vous raconter une anecdote. Lorsque j'étais lieutenant, j'ai été nommé responsable de l'unité de la police militaire de la BFC de Kingston; dès les premiers jours, un officier supérieur du secteur administratif m'a pris à part pour m'informer du fait que la coutume, dans cette base, lorsqu'un officier était intercepté en état d'ébriété au volant d'un véhicule, voulait qu'on le reconduise chez lui. Il ne devait pas être poursuivi pour conduite avec facultés affaiblies. Cette pratique s'appliquait aux officiers, mais pas aux sous-officiers.
    Je ne pouvais pas accepter cela. Heureusement, le commandant de la base était nouveau, et quand j'ai été le voir — même si cette décision aurait pu entraîner la fin de ma carrière —, je lui ai demandé s'il observait lui aussi cette coutume. Je lui ai dit que ce n'était pas moi qui l'avais instaurée et que je ne la respecterais pas. J'ai pu poursuivre ma carrière, car il était d'accord avec moi.
    Quant aux incidents en Somalie, à savoir la mort d'un garçon de 16 ans, il n'y avait dans le contingent des Forces canadiennes que deux officiers de la police militaire, le sergent et un très jeune caporal. Le sergent était en congé de repos et récupération. Le caporal ne savait pas quoi faire. Le commandant a entrepris une enquête sommaire sur un décès par suite de torture. Le sergent est revenu. Il était plus âgé et plus expérimenté, et il avait une très forte personnalité. Il a mis le holà en disant: « Il y a quelque chose qui ne va pas ici. Il s'agit d'un acte criminel. Cette affaire relève de la police. » Il a eu le courage de communiquer directement avec le quartier général de la Défense nationale et avec le quartier général de la police militaire. Mais ce qui a enfoncé le clou, c'est que, le lendemain, quand un des auteurs du crime a tenté de se suicider, il y a eu tout un branle-bas dans l'administration des premiers soins qui n'a pas manqué d'attirer l'attention d'un groupe de représentants des médias qui se trouvaient à être sur les lieux. L'affaire a ainsi été dévoilée.
    En fait, alors, dans les deux exemples dont nous parlons — ce qui s'est produit en Afghanistan et en Somalie —, cela se passait dans un contexte de combat, et pourtant, l'importance de l'indépendance de la police est toujours pertinente, même s'il s'agissait d'un contexte de combat, d'opérations sur le terrain, etc.
    Oui. Comme je l'ai dit, je ne vois pas de différence. Si l'indépendance n'existe pas, il existe un risque que la police sera utilisée à des fins inappropriées.
    Nous pouvons examiner des cas qui se sont produits au Canada, par exemple les critiques formulées par le public à l'égard des actes du gouvernement de l'Ontario, qui en 1995 a donné à la police provinciale des instructions sur la façon de régler la situation à Ipperwash. Les buts n'étaient pas pertinents, et il y aurait eu, selon certains, des motifs politiques, etc. Si la police n'est pas isolée de manière à pouvoir travailler de manière indépendante, le risque que des situations comme celles-là se reproduisent est très réel.
    Je travaille à l'heure actuelle dans des pays en transition — comme vous le verrez dans ma notice biographique —, c'est-à-dire au Brésil, en Ouganda et, je le soulignerais, dans l'ancienne Yougoslavie. J'ai été procureur dans diverses affaires liées à des crimes de guerre, et un nombre étonnant de ces affaires concernaient des unités de la police militaire, puisque selon une logique discutable, les unités de la police militaire de l'armée serbe étaient souvent affectées à l'administration des camps. Il s'agissait en fait de camps de concentration. Cela se faisait, comme je l'ai dit, selon une vision tordue voulant qu'il s'agisse là d'application de la loi. Alors, on a utilisé la police, et on l'a chargée de faire cela.
    J'ai lu dans la transcription d'une des audiences que quelqu'un a laissé entendre que le VCEMD pourrait avoir besoin de ce pouvoir pour empêcher que des officiers de la police militaire, si j'ai bien compris, ne se tuent en se rendant sur des scènes de crimes pour faire enquête, lorsque les circonstances opérationnelles ne permettent pas la tenue de ce type d'enquête. Au fil des ans, j'ai constaté que les agents de police et les officiers de la police militaire avaient quelques traits de personnalité en commun, mais, croyez-moi, les tendances suicidaires n'ont jamais fait partie de ces traits de personnalité.

  (1605)  

    Merci, monsieur.
    Il me reste 30 secondes.
    Monsieur Granger, madame Weinstein, merci de votre exposé. Est-ce que vous avez pu lire les transcriptions de la séance de lundi, ou avez-vous entendu M. Ruby témoigner dans le même sens, lundi, au sujet de la constitutionnalité des procès sommaires?
    Je crois comprendre de votre discours que vous êtes d'accord avec sa position, qu'il a énoncée dans des termes assez forts, selon laquelle ils seraient contraires à la constitution et ne devraient pas pouvoir donner lieu à une condamnation au criminel. Le juge LeSage a déclaré qu'il ne devrait y avoir un casier judiciaire que dans des circonstances exceptionnelles.
    Êtes-vous d'accord avec ces déclarations?
    Je n'ai pas entendu le témoignage de M. Ruby, mais je suis d'accord sur le fait qu'une condamnation au criminel prononcée en l'absence de mesures de protection et de procédures constitutionnelles devrait être une chose à éviter.
    Merci.
    Monsieur Alexander, vous avez la parole.
    Monsieur Tinsley, vous avez mentionné que les Canadiens ont droit à un système de police militaire permettant d'appliquer les lois canadiennes. De manière générale, est-ce que notre police militaire applique les lois canadiennes?
    Si elle ne le fait pas, monsieur Alexander, elle ne fait pas son travail.
    Mais, selon votre expérience, réussit-elle à faire appliquer les lois canadiennes?
    Oui. Je crois que de manière générale, elle y réussit. Il y a certainement des exceptions, mais la réponse est oui.
    Merci.
    Si — pendant des opérations menées en Bosnie, en Afghanistan ou dans un autre pays où des combats se déroulent — notre police militaire voulait mener une enquête dans un secteur donné et que les commandants des opérations apprenaient tout d'un coup qu'il y avait dans ce secteur de fortes possibilités d'attentats-suicides à la bombe ou de bombes placées le long des routes, le commandant des opérations n'aurait-il pas le devoir d'en informer la police militaire?
    Je crois qu'il aurait le devoir de le faire.
    Examinons cela d'un point de vue pratique. Dans de telles circonstances opérationnelles, la police militaire ne serait pas en mesure de passer à l'action sans l'aide de troupes opérationnelles. Si le commandant opérationnel estime que c'est trop dangereux et qu'il ne fournira aucun soutien, aux termes de la loi actuelle, les membres de la police militaire concernés pourraient peut-être déposer une accusation ou faire une allégation d'ingérence, mais c'est peu probable. Comme je l'ai mentionné — et je ne voulais pas que cela paraisse comme une banalité ou une blague —, je n'ai jamais connu de membre de la police militaire ni de policier suicidaire.
    Mais ils pourraient très bien ne pas être au courant d'une circonstance opérationnelle que les commandants opérationnels connaissent.
    Si on envisage la chose de façon réaliste et pragmatique, au sein d'une telle formation opérationnelle, les renseignements seraient communiqués.
    Mais la communication des renseignements — sans la délivrance du mandat légal prévu au paragraphe 18.5(3) —, pourrait-elle être considérée comme une ingérence dans une enquête policière?
    Comme je l'ai dit, cela pourrait arriver, mais on ferait la lumière sur la situation au moyen d'une enquête indépendante.
    En l'absence de motifs d'ordre juridique, comment pourrait-on trancher?
    Il faudrait se demander si les renseignements fournis par le commandant opérationnel étaient exacts ou s'il y avait des motifs inadéquats. C'est ce que le présent cadre de responsabilisation vise à...
    Le fait de sauver des vies ne serait-il pas un motif solide si on met en oeuvre la modification figurant au paragraphe 18.5(3)?
    Nous ne semblons pas nous comprendre. Je vous ai dit que je n'ai jamais connu d'officier de la police militaire ni de policier qui — sans aucune raison apparente — a intentionnellement mis sa vie en danger.
    Monsieur Tinsley, avez-vous déjà participé à des opérations en tant que militaire actif dans une zone de combat?
    Si vous considérez la Somalie comme une zone de combat, j'ai participé à cette mission.
    À titre de militaire actif dans le cadre d'une mission de combat?
    Est-ce que vous m'avez entendu dire « Somalie »? J'y étais en mission. J'étais le conseil principal dans le cadre des procès menés en Somalie.
    Les Forces canadiennes participaient-elles à des opérations de combat à ce moment-là?
    Eh bien, c'était certainement une zone de danger.
    Merci, monsieur Tinsley.
    Vous avez fait remarquer, dans votre note biographique — et je suppose que vous en êtes l'auteur, puisqu'elle se trouvait sur le site Web du Parti libéral —, que vous avez notamment été « procureur principal et avocat-conseil d'appel dans le cadre des poursuites très médiatisées intentées contre des membres des Forces canadiennes en Somalie qui ont été accusés de meurtre et de torture ».
    Est-ce que vous considéreriez cela comme le point saillant de votre carrière jusqu'à présent?

  (1610)  

    Je ne vois vraiment pas la pertinence de la question, mais je dirais, très franchement, qu'il s'agissait d'une des périodes les plus pénibles, compte tenu de la tristesse de la situation. Parmi tous ceux qui ont vécu cela, monsieur Alexander, personne n'en est fier. Nous avons fait ce qu'il fallait.
    Est-ce que vous considérez cela comme le travail le plus important que vous ayez accompli jusqu'à maintenant?
    C'était important, en ce sens que le public exigeait des comptes et que nous en avons fournis.
    Parlons de votre rôle à la CEPPM, dont le mandat changera dans le sillage des modifications en question; le 9 février 2007, vous avez ouvert une enquête et tenu des audiences publiques relativement à de graves allégations de violence à l'endroit de personnes sans défense détenues par les FC. Deux ans plus tard, il a été conclu qu'il n'y avait eu ni violence ni mauvais traitement de la part des Forces canadiennes.
    Est-ce exact?
    De quelle enquête menée en Afghanistan parlez-vous? Celle d'intérêt public?
    Celle menée en 2007 et en 2008.
    Dans le cadre d'une audience ou d'une enquête?
    Je fais référence à votre rapport final relatif à une enquête d'intérêt public menée aux termes de l'article 250.38 de la Loi sur la défense nationale, en raison d'une plainte déposée par M. Amir Attaran.
    D'accord. Oui, en effet, à la fin de cette enquête...
    J'ai effectivement commencé cette enquête. Elle a été menée avec beaucoup de rigueur. Il a été conclu qu'aucun mauvais traitement n'avait été infligé aux trois prisonniers afghans en question. De fait, je crois qu'on pourrait penser que j'ai complimenté les membres du personnel militaire concernés à l'égard de la façon dont ils ont traité les intéressés. D'ailleurs, quelqu'un avait fait remarquer qu'une personne avait subi une IRM en moins d'une heure et que les résidents canadiens —les citoyens du Canada — aimeraient bien obtenir un service aussi rapide dans leurs établissements de soins de santé.
    Mais vous avez bel et bien passé en revue 5 500 pages d'éléments probants, assisté aux entrevues de 54 témoins menées par le SNEFC et interviewé 34 personnes, en votre qualité de président de la CEPPM, par l'entremise de vos enquêteurs.
    Les ressources et le temps consacrés en valaient-ils la peine, compte tenu des résultats?
    Sur le plan de la confiance du public, monsieur Alexander, je ne crois pas que le fait de conclure à l'absence de faute soit nécessairement la mesure appropriée. En fait, je suis certain qu'il ne s'agit pas de la mesure appropriée.
    Comme vous pouvez le constater dans ma note bibliographique, j'ai été directeur de l'Unité des enquêtes spéciales de l'Ontario durant presque cinq ans, et de nombreuses enquêtes ont été menées. En pourcentage, des accusations criminelles n'ont été portées contre des policiers que dans 5 à 7 p. 100 — si je me souviens bien — des enquêtes, mais, si vous voulez laisser entendre que l'affectation de ressources publiques n'est pas nécessaire pour maintenir la confiance du public, je ne suis pas de cet avis.
    Monsieur Tinsley, au cours de cette période de presque deux ans, il y avait des doutes sur la possibilité que des abus aient été commis par la police militaire. Êtes-vous en désaccord parce que vous n'aviez pas présenté vos conclusions?
    Pourriez-vous reformuler votre question de façon moins déroutante?
    En 2007 et en 2008 —lorsque vous étiez en train de réunir vos conclusions —, la tenue des audiences, l'envergure et le niveau d'attention des médias ont créé un doute dans l'esprit du public quant à savoir si la police militaire traitait les détenus adéquatement.
    Savez-vous que, durant la période où les Canadiens attendaient les conclusions de votre rapport, 62 soldats canadiens ont été tués en Afghanistan?
    Permettez-moi simplement de vous dire, monsieur Alexander, que votre temps est écoulé, alors, monsieur Tinsley, pourriez-vous répondre brièvement?
    Je m'oppose à cette question. Ces événements ont eu lieu au cours de la même période. Il est déplacé d'avancer que ce témoin qui mène une enquête aux termes de la loi ait quoi que ce soit à voir avec la mort de 62 Canadiens.
    Durant toute la période en question, toutes sortes d'allégations ont également été faites, et nous étions très heureux de savoir que des mesures avaient été prises et qu'une enquête adéquate était menée, car notre comité ne pourrait faire cela.
    C'est simplement un argument. Cela n'a rien à voir avec le sujet étudié.
    Un peu de silence. Je crois que c'est de l'ordre de débat.
    Monsieur Tinsley, je vais vous laisser décider de la façon dont vous souhaitez répondre à la question de M. Alexander.
    Je ne suis pas certain qu'il s'agissait d'une question sérieuse de sa part, mais je vais tenter d'y répondre comme si c'était le cas.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    C'était une question sérieuse. La vie de 62 Canadiens doit être prise au sérieux.
    Monsieur Tinsley, si vous pouvez répondre...
    À mon avis, M. Alexander compare des pommes à des oranges.
    De fait, une allégation très publique impliquant un certain nombre de membres du personnel militaire —y compris plusieurs membres de la police militaire —, a été faite concernant des mauvais traitements envers les prisonniers en question. Comme je l'ai répété plusieurs fois lorsque je présidais la CEPPM, cela faisait planer un nuage noir sur ces membres des Forces canadiennes. Mes fonctions consistaient à faire enquête et à déterminer objectivement s'il y avait faute ou si le nuage noir devait être entièrement dissipé, et, dans le cas de la plainte déposée par M. Attaran, c'est ce que nous avons fait.

  (1615)  

    Monsieur McKay, les sept dernières minutes sont à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous. J'essaierai de m'abstenir de jouer à l'apprenti avocat.
    Monsieur Tinsley, j'ai trouvé que votre témoignage était très clair. Essentiellement, un protocole d'entente a été conclu en mars 1998, et —pour aller à l'essentiel —, il interdisait au VCEMD et à toute autre personne de s'ingérer dans une enquête policière. L'entente remonte à 1998. Est-ce exact?
    C'est ce que je crois comprendre. Il s'agissait d'une initiative émanant des FC qui a été lancée à la lumière des observations, des conseils et des directives fournies par la Commission d'enquête sur la Somalie et le juge...
    Alors, nous avons en quelque sorte tiré des leçons. Nous avons appris que la chaîne de commandement ne devrait pas se mêler d'une enquête policière. Si absolument aucune mesure n'avait été prise, si le paragraphe 18.5(3) n'avait pas été proposé, cet échange n'aurait pas lieu. Le protocole d'entente serait tout de même en place, et il n'existerait aucune disposition législative relative à l'ingérence de la chaîne de commandement. Est-ce exact?
    Oui. Je crois que nous pouvons probablement jeter une partie du blâme sur le juge Lamer. Il a formulé une recommandation, je crois que c'est la recommandation numéro 56...
    Celle d'inscrire cela dans la loi...
    Dans le code, dans la loi...
    Mais le gouvernement n'a pas compris. Il a dit qu'il ajouterait cet élément dans la loi, mais il s'est trompé d'élément.
    À mon avis, il est quelque peu imprévoyant de lire la recommandation et de l'appliquer littéralement sans lire les paragraphes précédents qui la justifient.
    Exactement.
    Le gouvernement accorde beaucoup d'importance à l'idée que des situations de combat surviennent et que les officiers de la PM ne peuvent pas se déplacer pour mener des enquêtes adéquates, alors, il nous faut cette capacité, mais, en lisant simplement la disposition, je ne vois aucune référence à une situation de combat ni à une situation semblable. Cela pourrait survenir à Trenton, pour l'amour du ciel.
    Je suis d'accord. C'est en quelque sorte ce que je voulais dire. Il n'y a absolument aucune limite, et, même si cela s'applique à un contexte de combat —comme je vous l'ai dit —, je crois que c'est inutile. Les policiers ne sont pas imbéciles, qu'il s'agisse d'une situation de combat ou d'une situation survenant au Canada où un corps brûlé se trouve dans un immeuble qui est la proie des flammes. À mon avis, dans la plupart des cas, la police attendra le feu vert du chef du service des incendies avant d'entrer dans l'immeuble.
    C'est un bon point.
    Puis-je m'adresser à M. Granger et à Mme Weinstein au sujet des procès sommaires?
    Vous avez soulevé des arguments très justes et renforcé les propos des témoins précédents qui ont abordé ce point avec une clarté suprême.
    Je n'ai certainement pas compris. Je n'ai jamais participé ni assisté au procès sommaire d'un militaire. Je crois savoir que le taux de condamnation est d'environ 98 p. 100. La notion de « sommaire » prend certainement tout son sens. Il semble que tout ce processus soit mis en place pour qu'on vous considère comme coupable jusqu'à preuve du contraire. Vous vous retrouvez dans une situation — ce n'est pas certain, mais c'est certainement possible — où vous faites face à des accusations d'infractions d'ordre militaire ou peut-être même d'infractions criminelles — comme la possession de marijuana — à l'égard desquelles vous pourriez être déclaré coupable en vertu du Code criminel.
    Il m'apparaît fondamentalement injuste qu'une personne n'ait pas accès à un conseil, qu'elle n'ait pas la possibilité d'interjeter appel, qu'elle se fasse humilier devant ses pairs, qu'elle doive composer avec la présence de son commandant, qu'elle ait un procureur qui agit à la fois comme juge des faits et procureur et qu'elle n'ait pratiquement aucun accès à des procédures liées au pardon ni à la capacité d'interjeter appel.
    Est-ce que tout ce processus vous paraît fondamentalement injuste?
    Les aspects de la procédure respectent la Charte, dans la mesure où il y a présomption d'innocence jusqu'à ce que les éléments de preuve permettent, hors de tout doute raisonnable, de réfuter la présomption d'innocence. Il s'agit d'une norme du droit pénal.
    Le problème, à nos yeux, c'est que le processus en soi prive une personne du droit d'avoir un conseil lorsqu'il y a possibilité de condamnation au criminel, ce qui peut suivre une personne après sa carrière dans les forces armées et avoir des effets dans sa vie ordinaire, et nous ne voulons pas punir les gens pour avoir fait partie des Forces canadiennes. Nous ne voulons pas lui accorder une protection constitutionnelle inférieure à celle dont jouirait Jean Untel de Kanata dans les circonstances.

  (1620)  

    Si vous vous joignez aux Forces canadiennes, vous ne devriez pas avoir à renoncer à vos droits en tant que citoyen canadien.
    Non, mais nous reconnaissons que l'approche doit être souple, car la justice militaire diffère de la justice civile.
    On ne saurait soustraire les infractions d'ordre militaire à l'application du droit criminel.
    Elles ne devraient pas.
    Il faudrait également souligner que, tout au long du procès, l'accusé est à la barre, accompagné de l'officier désigné pour l'aider, et ils ne sont même pas en droit de prendre des notes. Aucun compte rendu de l'audience n'est produit, alors, si un officier chargé de la supervision demande un examen de l'affaire, aucun compte rendu ne fait état du déroulement de l'audience. Pour ce qui est des principes constitutionnels, l'absence d'un compte rendu adéquat, lorsqu'une condamnation au criminel est possible, pose problème.
    Lundi, nous avons reçu un livre écrit par le juge Létourneau.
    Il dit:
Même si aucune recherche empirique ne corrobore cela, il n'est pas déraisonnable de croire, d'une part, qu'il est plus facile d'obtenir un verdict rendu à l'unanimité parmi seulement cinq au lieu de douze personnes et, d'autre part, qu'une telle unanimité serait plus facile à atteindre si on a cinq personnes ayant la même formation et les mêmes attitudes et ayant le même bagage institutionnel que si douze personnes... En outre, une pression institutionnelle entre en jeu, en plus de celle exercée par la chaîne de commandement...
    Vous pratiquez tous les deux de l'autre côté de la rue, je suppose. Si vous faisiez face à une telle situation au tribunal, pensez-vous que justice serait rendue?
    La justice doit non seulement être rendue, elle doit aussi paraître avoir été rendue, et, pour assurer l'équité en matière de procédure, il faut un tribunal impartial qui paraît également impartial, en particulier pour l'accusé.
    Il m'apparaît évident que les hommes et les femmes en uniforme ne devraient pas s'attendre à moins. Dans une situation de justice pénale, ils ne devraient pas recevoir un traitement inférieur à celui que n'importe qui parmi nous recevrait.
    Ils ne méritent rien de moins.
    Merci.
    Monsieur Opitz, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais soulever un point: personne n'est forcé à faire quoi que ce soit. Cette expression insulte non seulement les soldats, mais aussi les personnes qui président les procès sommaires et les cours martiales. Les soldats ne sont pas humiliés. Si une personne est accusée d'une infraction, elle est accusée d'une infraction. Personne n'est humilié en se présentant en cour — peu importe la nature de l'infraction —, et on ne cherche certainement pas à humilier quiconque dans le cadre d'un procès sommaire. L'expression est employée à tort, et, au nom des soldats, je tiens à dire que cela m'offusque.
    Je vais m'adresser à M. Granger et à Mme Weinstein. Dans le cadre d'un procès sommaire, un accusé a, soit dit en passant, la possibilité de retenir les services d'un avocat civil. Cela est permis dans le cadre d'un procès sommaire. En tant qu'officier désigné pour aider — car j'ai déjà exercé cette fonction —, on prend connaissance des accusations portées et de toutes les dispositions pertinentes des ORFC, puis on conseille l'accusé à l'égard des choix qui s'offrent à lui et de ses droits.
    En tant qu'officier désigné, si on constate un conflit quelconque chez l'officier qui préside le procès, alors, cette personne — c'est-à-dire l'officier délégué ou le commandant — pourrait se récuser pour qu'on nomme une personne plus impartiale. Ce système s'appuie beaucoup sur le gros bon sens. Je voulais simplement le mentionner aux fins de compte rendu.
    Nous avons appris, de toute évidence — comme nous parlons du procès sommaire, forme de tribunal militaire la plus couramment utilisée —, qu'il s'agit d'une façon très rapide de régler des affaires concernant des infractions mineures afin d'assurer la discipline, car c'est une société militaire. Une conduite qui contrevient au bon ordre et à la discipline est une préoccupation primordiale des militaires. En raison de ce qu'ils font et de ce qu'on leur demande parfois de faire — dans les cas les plus extrêmes —, c'est une nécessité.
    Pourriez-vous commenter la déclaration, faite par le juge en chef Dickson et appuyée par le juge en chef LeSage, selon laquelle il est probable que le processus de procès sommaire survive à une contestation judiciaire de sa validité constitutionnelle? Si vous êtes en désaccord, pouvez-vous préciser les éléments de l'analyse de la Charte sur lesquels vous êtes en désaccord?
    Merci de ne pas me demander si j'estime que mes connaissances juridiques excèdent celles de ces deux hommes, car j'aurais répondu que non, loin de là. Je sais que cette question a été posée dans le cadre d'une séance antérieure sur le sujet, et je l'appréhendais.
    Je peux dire que — à mes yeux —, le problème posé par les procès sommaires est la possibilité d'une condamnation au criminel et la stigmatisation qui y est associée. Je crois savoir que, lorsque le juge Lamer a formulé ses observations — et je sais que c'était le cas du juge LeSage —, ils ont bel et bien indiqué que la disposition relative aux procès sommaires serait protégée par l'article 1, en tant qu'élément nécessaire de la vie militaire.
    Les problèmes surviennent lorsque vous faites face à la stigmatisation d'un casier judiciaire et d'une détention — même s'il s'agit d'une détention militaire —, et nous reconnaissons que le but de la détention militaire est de favoriser la discipline et qu'elle est axée davantage sur la réadaptation que la prison dans un contexte civil.
    Je dirais que le problème serait lié à l'article 7, puisqu'une personne pourrait être condamnée au criminel et subir la stigmatisation qui s'y rattache sans avoir accès aux garanties procédurales complètes auxquelles aurait droit un accusé dans le cadre d'un procès civil. C'est là que le bât blesse.

  (1625)  

    D'accord.
    Vous connaissez les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.
    Je ne dirais pas ça. Je sais de quoi il s'agit, mais je ne dirais en aucun cas que je les connais.
    Oui, mais vous comprenez ce que c'est.
    Je vais citer l'article 108.20 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.
    Le paragraphe 108.20(1) prévoit ce qui suit:

(1)Au début d’un procès sommaire, l’accusé, accompagné de l’officier désigné pour l’aider, est amené devant l’officier présidant le procès sommaire.
     Selon le paragraphe 108.20(3):

(3) Avant de recevoir tout élément de preuve, le président doit :
a. confirmer avec l’officier désigné pour aider l’accusé qu’il a veillé à ce que l’accusé soit informé, avant qu’il ne fasse un choix aux termes de l’article 108.17 (Demande de procès devant une cour martiale), des questions visées à l’alinéa 108.14(5) (Aide fournie à l’accusé);
b. demander à l’accusé s’il a besoin de plus de temps pour préparer sa cause et lui accorder tout délai jugé raisonnable à cette fin;
c. demander à l’accusé s’il désire admettre un ou des détails de tout chef d’accusation.
    De plus, à la fin du procès sommaire, le président doit informer le contrevenant de son droit de demander à une autorité de révision, et je cite:

a. d’annuler un verdict de culpabilité en raison de son caractère injuste;



b. de modifier la sentence en raison de son caractère injuste ou trop sévère.
    S'il s'agit particulièrement d'une détention, la révision doit être effectuée par l'officier supérieur. La décision relative à la détention est immédiatement annulée et révisée, mais l'accusé peut ensuite demander une révision de la peine annulée, et celle-ci sera révisée par l'officier immédiatement supérieur. S'il s'agit d'un officier délégué qui est un major, la révision sera effectuée par le commandant. Si l'audience est présidée par un commandant, le commandant de brigade assurera la révision.
    Ces dispositions pourraient sembler passablement bonnes pour une personne visée par un procès sommaire. Pourriez-vous relever les problèmes éventuels liés aux dispositions que je viens de décrire?
    Monsieur Opitz, votre temps est écoulé.
    Madame Weinstein, si vous pouvez être brève, j'apprécierais.
    Vous demandez à une avocate d'être concise. Je vais faire de mon mieux.
    La brièveté est cruciale.
    Je dirais que le problème, c'est qu'un droit de révision est accordé à un officier supérieur. Les mêmes problèmes liés à la perception d'équité existeraient, compte tenu de la chaîne de commandement. Aucune des personnes chargées de la révision de ce qui pourrait être une condamnation injustifiée — et je parle ici d'une condamnation au criminel — ne possède une formation officielle en droit. Ce serait mon objection.
    Merci.
    Madame Moore, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Quand on rédige des projets de loi, la plus grande difficulté consiste à réussir à exprimer sa volonté en texte juridique, en mots juridiques. Depuis que nous avons entrepris l'étude de ce projet de loi, je crois avoir compris qu'il y a consensus au sein des conservateurs, des libéraux et des néo-démocrates sur le principe qu'une personne ne devrait pas avoir de casier judiciaire si la même infraction jugée au civil ne lui en aurait pas valu. Je pense qu'il s'agit d'un principe logique. Je ne crois pas me tromper en disant que tout le monde s'entend à cet égard.
    Cependant, on ne s'entend pas sur d'autres questions. Parlons de l'article 75. Même si je reconnais qu'avec l'amendement qui devrait être apporté — je parle de ce qui était contenu dans le précédent projet de loi C-41 —, la majorité des cas n'aboutiraient pas à un casier judiciaire, il n'en reste pas moins que certaines personnes pourraient avoir un casier judiciaire, même dans les cas où elles n'en auraient pas eu au civil. Il reste encore des failles à quelques endroits.
    À votre avis, de quelle façon pourrait-on corriger le projet de loi C-15 pour s'assurer qu'il n'y a pas de failles et que personne au militaire n'aura de dossier criminel pour un geste qui ne leur en aurait pas valu un au civil? Que peut-on faire pour corriger cela?

  (1630)  

[Traduction]

    J'appuierais les recommandations que le juge LeSage a formulées dans son rapport.
    Les complications sont liées non seulement au casier judiciaire, mais aussi — d'après ce que je comprends — aux renseignements consignés dans le système du CIPC, ce qui peut causer un préjudice à une personne. J'appuierais ses recommandations selon lesquelles, d'une part, un membre des Forces canadiennes ne devrait pas être visé par un casier judiciaire dans les cas où il n'en aurait pas eu un au civil et, d'autre part, si une personne doit faire face à la stigmatisation d'un casier judiciaire, elle devrait avoir accès à tous les droits en matière de procédure liée à un procès équitable — qui sont garantis par notre Charte — comme ce serait le cas au civil, de façon à éviter de la mettre dans une position d'inégalité et de lui faire subir un préjudice lié à son service pour le Canada.

[Français]

    La majorité des gens choisissent le procès sommaire, et je me pose une question relativement aux réservistes. Quand on est réserviste, on a un autre travail. Si on choisit la cour martiale parce qu'on pense que ce serait plus approprié pour son cas, on risque d'avoir à s'absenter de son travail civil et de devoir informer son employeur qu'on s'absente pour se présenter devant une cour martiale.
    Les réservistes subiraient-ils un préjudice? Y aurait-il moyen de corriger ce problème? Les réservistes risquent de choisir le procès sommaire non pas parce qu'ils jugent qu'il s'agit de la meilleure solution pour eux, mais parce que c'est ce qui va leur causer le moins de problèmes dans le monde civil.

[Traduction]

    Oui. Comme je l'ai mentionné, je ne suis pas une experte du domaine, mais, selon ce que j'ai lu avant de venir ici aujourd'hui, je crois comprendre que la cour martiale procure une protection procédurale beaucoup plus importante au chapitre des droits de l'accusé; cependant, une personne est sommée de comparaître devant une cour martiale, ce qui entraîne des difficultés financières.

[Français]

    Il vous reste une minute.
    Je vous remercie.
    Je me trompe peut-être, il faudra vérifier, mais je crois savoir que sur le plan financier, ils reçoivent une compensation pour les inconvénients causés par le fait de devoir comparaître en cour martiale. Cependant, lorsqu'on annonce à son employeur civil qu'on doit s'absenter du travail pour comparaître en cour martiale, ce peut être un peu gênant. On choisira peut-être le procès sommaire pour qu'on n'ait pas à en parler à son employeur civil et que cela se passe plus rapidement.
    À votre avis, les réservistes subissent-ils un préjudice? Y aurait-il un moyen de corriger cela?

[Traduction]

    En ce qui concerne cette question particulière, il y aurait évidemment un préjudice à court terme sur le plan professionnel, en raison du processus lié à la cour martiale. Examinons cela du point de vue d'un avocat criminaliste: si une personne se présentait à mon bureau et me disait: « Qu'est-ce que je devrais faire? Quel processus devrais-je choisir? », je répondrais que, à court terme, dans le cadre du processus lié à la cour martiale, elle subirait peut-être un préjudice, du fait de devoir s'absenter du travail et de ne peut-être pas pouvoir être rémunérée adéquatement.
    Toutefois, j'exhorterais certainement le client d'envisager la situation à long terme, puisqu'un casier judiciaire à l'issue du processus est une conséquence beaucoup plus importante que les avantages à court terme qu'il pourrait retirer dans le cadre d'un processus qui ne lui serait pas préjudiciable aux yeux de son employeur.
    Je dirais que, si vous pouvez composer avec les conséquences à court terme liées aux problèmes professionnels, vous devriez alors chercher à vous mettre dans une situation où vous jouissez de meilleures garanties procédurales pour éviter d'avoir un casier judiciaire, car cela influera vraiment sur tous les aspects de votre vie. Que ce soit les déplacements éventuels; la perte d'un emploi, puis le besoin d'en obtenir un autre; les possibilités d'emploi; ou l'exercice d'une profession réglementée — comme le droit —, il n'y a simplement aucune limite aux conséquences possibles d'un casier judiciaire ou de renseignements consignés dans le système du CIPC en raison de démêlés avec le système de justice pénale.
    Je serais fortement porté à dire que, si vous pouvez composer avec un quelconque préjudice à court terme, il y aurait peut-être lieu de choisir le système de la cour martiale; essentiellement, la fin justifie les moyens.

  (1635)  

    Merci.
    C'est tout le temps que nous avons pour ce segment de la séance.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Avant que nos témoins nous quittent, j'aimerais souligner — aux fins du compte rendu — que je n'ai jamais vu une personne ayant 28 ans de carrière dans les Forces canadiennes se faire traiter comme M. Tinsley l'a été aujourd'hui par mes collègues. M. Alexander...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, monsieur Harris.
    Normalement, les gens sont félicités et remerciés d'avoir servi le pays; nous l'avons plutôt traité comme s'il avait accepté un pot-de-vin.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement. Il n'y aura pas de débat sur cette question.
    Nous demandons effectivement aux membres qui interrogent les témoins de le faire avec respect, mais le temps qui leur est accordé pour poser des questions leur appartient, et les témoins sont censés répondre à toutes les questions qui leur sont posées.
    J'aimerais remercier M. Tinsley de son service et de sa présence aujourd'hui, de son service à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire ainsi que du travail qu'il a accompli durant de nombreuses années en vue de produire des rapports.
    Je remercie également les représentants de la Criminal Lawyers' Association de s'être joints à nous aujourd'hui et d'avoir contribué à notre étude du projet de loi C-15.
    Je vais demander à nos témoins — qui sont libres de partir — de quitter la table de façon ordonnée pour permettre à nos prochains témoins du Cabinet du JAG de prendre place.
    Sur ce, la séance est suspendue.

  (1635)  


  (1635)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-15. Nous entendrons maintenant les représentants du Cabinet du Juge-avocat-général du ministère de la Défense nationale. Accueillons le colonel Michael Gibson, juge-avocat général adjoint, Justice militaire; le lieutenant-colonel André Dufour, directeur, Juridique personnel militaire; le lieutenant-colonel Stephen Strickey, directeur juridique, Justice militaire stratégique, Cabinet du Juge-avocat-général.
    Messieurs, bienvenue. Je sais que vous suivez nos séances de près, et je crois savoir que le colonel Gibson présentera votre déclaration préliminaire.
    Colonel, la parole est à vous.

  (1640)  

    J’aimerais remercier les honorables membres du comité pour cette occasion de venir vous parler du projet de loi C-15.

[Français]

    En tant que juge-avocat général adjoint pour la justice militaire, mon équipe et moi-même avons joué un rôle important dans la préparation de ce projet de loi. C'est pour moi un grand plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui pour assister les membres du comité dans leur étude du projet de loi, et ce, pour deux raisons.

[Traduction]

    La première, c’est que nous sommes des avocats et des membres des Forces armées canadiennes. Le système que nous contribuons à bâtir et que nous approuvons s’applique à nous-mêmes. Nous le constatons tous les jours.
    Lors de mes 32 années de service au sein des Forces armées canadiennes, je me suis rendu dans plus de 60 pays dans le monde. Le lieutenant-colonel Strickey, le lieutenant-colonel Dufour et moi-même comptons de multiples déploiements opérationnels à notre actif, notamment en Bosnie, en Afghanistan, au Congo et au Soudan. Nous comprenons donc pourquoi le système de justice militaire doit posséder certains attributs fonctionnels, dont la portabilité, pour remplir sa fonction. Et nous sommes déterminés à assurer l’efficacité du système de justice militaire et sa conformité avec la Charte.
    Le système de justice militaire canadien a deux raisons d’être: promouvoir l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de l’efficacité ainsi que du moral; contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, pacifique et sécuritaire. Il sert donc à la fois aux fins de discipline et de justice. Ces fins sont indiquées dans la définition légale des motifs, des principes et des objectifs de la détermination d’une peine dans le système de justice militaire, figurant à l'article 62 du projet de loi C-15.
    En termes simples, un système de justice militaire efficace et guidé par les principes qui conviennent est une condition préalable au fonctionnement efficace des forces armées d’un État démocratique moderne régi par la primauté du droit. Il joue aussi un rôle clé lorsqu’il s’agit de garantir la conformité des États et de leurs forces armées avec les exigences normatives du droit international en matière de droits de la personne et du droit international humanitaire.
    La seconde raison est que, après avoir écouté attentivement le témoignage de ceux qui se sont présentés devant vous, on se demande s’il n’y aurait pas quelques idées fausses concernant certaines des dispositions du projet de loi. J’aimerais maintenant aborder deux de ces idées fausses.
    La première a trait à l'article 75, concernant la création de casiers au sens de la Loi sur le casier judiciaire découlant de condamnations pour des infractions mineures d’ordre militaire.
    L'article 75 a pour origine notre crainte que, bien que cela soit nécessaire pour maintenir une discipline vigoureuse dans les Forces canadiennes et qu’on puisse devoir poursuivre des personnes pour ce qui pourrait être perçu comme des infractions relativement mineures, il n’était pas nécessaire, pour le maintien de la discipline, d’avoir l’effet collatéral de créer un casier au sens de la Loi sur le casier judiciaire pour atteindre cet objectif.
    Cela aurait pu avoir un effet négatif sur les militaires qui chercheraient un autre emploi après leur libération des Forces armées canadiennes et — comme on vous l'a expliqué avec force détail —, d’autres conséquences. Pour alléger ce qu’on pourrait voir comme une possible sévérité involontaire et inutile, nous avons adapté le régime que le Parlement a déjà mis en place dans la Loi sur les contraventions.
    L’effet de l'article 75 serait, lorsqu’on emploie certains seuils liés à la gravité objective et subjective des infractions énumérées, d’empêcher la création d’un casier judiciaire pour les infractions énumérées, en vertu du seuil des punitions précisées et, de ce fait, de parer à l’exigence voulant que les membres des Forces armées canadiennes doivent ultérieurement faire une demande de suspension du casier.
    Le ministre s’est engagé à ce qu’on présente une modification correspondant aux dispositions de celle qui a été adoptée par le comité durant son étude du projet de loi C-41.
    Pour pouvoir évaluer l’incidence de la version proposée, quant au traitement des condamnations découlant de procès sommaires, nous avons mené une analyse détaillée de statistiques tirées du rapport annuel du JAG pour 2009-2010 à titre d’échantillon représentatif. L’évaluation a indiqué qu’en appliquant les dispositions de la version modifiée de l'article 75, pour l’année en question, 94 p. 100 des infractions ayant fait l’objet d’un procès sommaire n’auraient pas donné lieu à la création d’un casier judiciaire.
    En tenant également compte de l’introduction, dans le projet de loi C-15, de l’absolution inconditionnelle comme option en matière de détermination de la peine, nous pourrions prédire qu’environ 95 p. 100 des affaires faisant l’objet d’un procès sommaire ne donneraient pas lieu à la création d’un casier judiciaire en vertu des dispositions proposées. Les autres affaires seraient dans une grande mesure constituées des huit infractions au Code criminel pouvant faire l’objet d’un procès sommaire. Cette version de l'article 75 devrait donc s’avérer très efficace pour mener à bien les objectifs de la politique.

  (1645)  

[Français]

    La deuxième méprise a trait aux procès sommaires.
     L'objectif des procès sommaires est de rendre justice de manière rapide et équitable dans le cas d'infractions militaires mineures, de même que de contribuer au maintien de l'efficacité et de la discipline militaires au Canada ainsi qu'à l'étranger, en temps de paix ou de conflit armé.

[Traduction]

    Les procès sommaires sont d'une importance cruciale pour l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes. Ils sont la « bête de somme » du système de justice militaire, car on y juge invariablement quelque 96 ou 97 p. 100 des affaires. Ils sont l'incarnation même des attributs que sont la promptitude, la portabilité et la souplesse.
    On se doit de souligner que certains des plus éminents juristes constitutionnels de l'époque de la Charte au Canada, à savoir les anciens juges en chef de la Cour suprême du Canada, Brian Dickson et Antonio Lamer, et l'ancien juge en chef de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, Patrick LeSage, ont procédé à des examens indépendants du système de justice militaire et ont souligné l'importance et la constitutionnalité du système des procès sommaires.
    La représentation des procès sommaires qui a récemment été faite par certains constitue, au mieux, un portrait très partiel d'un tout bien plus important dont on doit tenir compte lorsqu'on fait une évaluation responsable et exacte de la justice et de la constitutionnalité du système des procès sommaires.
    Je serais enchanté d'expliciter plus tard d'autres facteurs dont il faut tenir compte. Il y a toutefois lieu de répéter, à ce stade-ci, qu'aucun tribunal canadien n'a jugé que les procès sommaires étaient injustes ou inconstitutionnels.
    L'une des principales raisons pour lesquelles les modifications concernant les procès sommaires proposées dans le projet de loi C-15 sont peu nombreuses tient à ce que le juge en chef Lamer, après en avoir fait l'examen, n'a pas cerné un nombre important de problèmes et n'a donc pas recommandé beaucoup de changements.
    Une réforme législative du système de justice militaire comporte un processus d'amélioration continu au fil du temps, comme c'est le cas pour le Code criminel civil. Le projet de loi C-15 prévoit d'importantes mises à jour, ainsi qu'un examen réglementaire régulier indépendant contribuant à faire en sorte que cela se produise.
    Le projet de loi C-15 ne sera pas le dernier mot en matière de justice militaire. Comme le veut une expression célèbre dans les sphères juridiques, le système de justice militaire est un arbre vivant. D'autres lois seront nécessaires dans l'avenir pour donner suite aux recommandations du rapport LeSage et à d'autres questions. Toutefois, le présent projet de loi, attendu depuis longtemps comme suite au rapport Lamer, doit être adopté de manière à ce que l'on puisse prendre en charge la prochaine série d'améliorations.
    Monsieur le président, j'ajouterais, sous forme métaphorique, qu'il est important que le train de la suite donnée au rapport Lamer puisse quitter la gare de manière à ce que l'on puisse permettre au train de la suite donnée au rapport LeSage d'entrer en gare et que l'on puisse charger ce train pour prendre en charge la prochaine série d'améliorations.
    Merci, monsieur le président. Je serais enchanté d'aider les membres du comité en répondant à leurs questions.
    Merci, colonel. Je vous en sais gré.
    Nous allons passer au tour de sept minutes. J'invite M. Harris à ouvrir le bal.
    Merci, monsieur le président. Colonel, je vous remercie de votre exposé.
    Pour trancher le différend concernant l'effet de la contestation fondée sur la Charte, nous allons devoir nous en remettre aux éléments probants que vous et les autres témoins nous avez soumis.
    Tout d'abord, je répéterai ce que j'ai dit l'autre jour, à savoir que, même si des personnes se sont prononcées fermement en faveur de la constitutionnalité du système de justice militaire, par exemple le juge-avocat général et les avocats ici présents, cela n'empêche pas les contestations fondées sur la Charte d'être approuvées dans certains cas précis. Quelques-uns des juristes qui ont témoigné l'autre jour devant le comité se sont prononcés en faveur de ces contestations.
    À ce moment-ci, je préfère me pencher sur quelques points de droit, car ce qui me préoccupe, c'est le fait que l'amendement proposé... Je ne peux pas m'empêcher de souligner que nous avons modifié cela la dernière fois. Le JAG était là pour nous aider. Un amendement a été adopté par le comité, mais il ne figurait plus dans le projet de loi lorsque celui-ci a été déposé à la Chambre. Nous étions de retour à la case départ. C'est seulement en raison d'un différend récurrent à la Chambre des communes que nous nous sommes engagés à intégrer de nouveau cette modification au projet de loi.
    Vous avez dit que tout ce qui restait, ce sont les huit infractions au Code criminel qui figurent toujours dans le texte, mais cela ne semble pas concorder avec le fait de ne pas retenir un chef d'accusation au titre de l'article 83, par exemple, ou de l'article 85 — excusez-moi, l'article 85 est là, mais l'article 83, par exemple, concerne essentiellement la désobéissance à un ordre légitime.
    Cela ne constitue pas un acte criminel. Il est probable que cela soit — ou pourrait être — une infraction grave dans le milieu militaire. Il s'agit peut-être d'une infraction bénigne, ou peut-être d'une infraction grave, mais quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un acte criminel. Je me demande pourquoi cela a été laissé de côté. Y a-t-il une raison à cela?

  (1650)  

    Oui, il y en a une, monsieur Harris.
    J'aurais peut-être un certain nombre de commentaires à formuler en réaction à ce que vous avez dit, mais pour répondre à votre question proprement dite, je vous dirai que les exceptions énoncées dans l'article tiennent compte à la fois de la gravité objective de l'infraction — laquelle est établie par la peine maximale que le Parlement prévoit pour une infraction au moment où il l'instaure — et de la gravité subjective — laquelle a trait aux faits particuliers d'une affaire donnée.
    En réponse à votre question, je soulignerai que la peine prévue par le Parlement à l'article 83 en ce qui concerne la gravité objective de l'infraction est l'emprisonnement à perpétuité. Au moment d'instaurer cette infraction, le Parlement a établi qu'il s'agissait de l'une des plus graves infractions reconnues en droit. Par conséquent, monsieur Harris, en raison de cette gravité objective, il semble inapproprié d'ajouter cela à cette liste.
    Cela ne fait pas de cette infraction un acte criminel.
    Le fait que la peine maximale prévue par le droit militaire est sévère ne signifie pas que cet acte constitue dans tous les cas une infraction grave. Par exemple, selon le Code criminel, l'introduction par effraction dans une résidence est passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais je ne crois pas que quiconque ayant commis cet acte se soit jamais vu imposer une telle peine. Cela reflète que la société ne prend pas cet acte à la légère, mais...
    Ce n'est pas commettre une infraction au Code criminel que de...
    Pour m'assurer que vous avez bien compris mes observations, j'aimerais préciser que je n'ai pas dit que les seules infractions qui resteraient seraient des infractions au Code criminel. Ce que j'ai dit, c'est que, au moment de mener une analyse statistique à propos de la possibilité que cette disposition permette de réaliser l'objectif de la politique, on doit se fonder sur un quelconque résumé statistique, et nous avons utilisé l'ensemble de données que j'ai mentionné. D'après cet ensemble de données, qui constitue, selon nous, un échantillon représentatif, environ 94 p. 100 des infractions en question n'auraient pas donné lieu à la création d'un casier judiciaire.
    Avant de fournir des détails à ce sujet, j'aimerais mentionner qu'une personne qui subit devant un tribunal civil un procès lié à l'une des huit infractions au Code criminel restantes et qui ne se voit pas accorder une absolution inconditionnelle ou conditionnelle aura un casier judiciaire. À nos yeux, il est important de ne pas établir de distinction entre une déclaration de culpabilité au terme d'un procès sommaire et une déclaration de culpabilité pour une infraction semblable prononcée au terme d'un procès devant un tribunal civil.
    Toutefois, à mon avis, vous ne comprenez pas que, en l'absence de protections constitutionnelles, il y a d'excellentes raisons d'estimer qu'un casier judiciaire ne devrait pas être créé.
    Ce n'est pas que je ne comprends pas cela, monsieur. C'est simplement que je ne suis pas d'accord avec cela.
    Nous sommes en désaccord, et je crois que nous continuerons de l'être longtemps après votre témoignage.
    Tout d'abord, pourquoi n'avez-vous pas prévu, en tant qu'autre solution possible, l'éventualité d'une absolution conditionnelle? Vous estimez peut-être que cela est inutile, mais j'aimerais entendre vos commentaires à ce propos.
    En outre, j'aimerais vous entendre à propos de la disposition de l'article 75 qui s'appliquera rétroactivement aux personnes déclarées coupables avant l'entrée en vigueur de la loi et qui prévoit que les casiers judiciaires détenus par le CIPC relativement à ces infractions seront supprimés.
    J'ai remarqué que, si l'on suit tout le processus, ou en cas d'absolution inconditionnelle, il est reconnu qu'il faut apporter un amendement spécifique à la Loi sur le casier judiciaire pour qu'il soit possible de supprimer le dossier du prévenu. Pourriez-vous envisager de participer à notre étude article par article pour veiller non seulement à ce que ces dispositions aient un effet rétroactif, mais également à ce que le texte législatif contienne des dispositions très claires qui, comme celles de l'article 62, enjoignent à la GRC de veiller à la suppression des casiers judiciaires existants?
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    M. Alexander invoque le Règlement.
    Monsieur le président, en tant que témoin officiel du gouvernement du Canada, le colonel Gibson n'est pas tenu de formuler des observations ou des hypothèses sur des mesures n'étant pas prévues par le projet de loi du gouvernement. Bien sûr, il peut le faire s'il le souhaite, mais il n'y est pas tenu.
    Je me contenterai d'informer le colonel Gibson...
    En ce qui concerne le rappel au Règlement, je soulignerai que le témoin peut formuler des observations sur le caractère judicieux du projet de loi afin de concrétiser son désir apparent que les dispositions en question aient un effet rétroactif.
    Monsieur le président, M. Harris a mentionné expressément une disposition qui ne figure pas dans le projet de loi et a demandé au témoin de formuler des commentaires à son sujet. Le témoin n'est pas tenu de faire des commentaires sur une disposition qui ne figure pas dans le projet de loi.
    Je vais vous citer un extrait des pages 1068 et 1069 du chapitre 20 de l'ouvrage de O'Brien et Bosc, qui énonce les règles et les procédures que doivent respecter les comités, et où il est question des fonctionnaires qui témoignent devant un comité:
    [...] les comités ont dispensé les fonctionnaires de commenter les décisions stratégiques prises par le gouvernement. En outre, les comités acceptent ordinairement les raisons données par un fonctionnaire pour refuser de répondre à une question précise supposant l'expression d'un avis juridique pouvant être considérées comme en conflit avec leur responsabilité envers leur ministre [...]
    Par conséquent, M. Alexander a raison. Je laisserai le soin au colonel Gibson de répondre à la question comme bon lui semble.

  (1655)  

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Harris, pour répondre à votre première question, je vous dirai que la possibilité d'octroyer une absolution conditionnelle ou d'instaurer une certaine forme de régime de probation constitue une option dont nous avons tenu compte, et nous avons mené des discussions très approfondies durant le forum fédéral-provincial-territorial sur les poursuites quant à la possibilité de créer un tel régime. Cependant, cela soulève un certain nombre de préoccupations d'ordre très pratique, particulièrement en ce qui concerne la question de savoir de qui relèvent les personnes qui ont quitté l'armée ou les civils, et également le financement.
    En un mot, oui, nous avons pris cela en considération. Nous estimons que cela constitue une option, mais il est trop tôt pour intégrer cela au projet de loi.
    Pour ce qui est de votre question touchant l'effet de l'article 75 sous sa forme actuelle, oui, je peux confirmer que, à l'origine, l'intention était de faire en sorte qu'il s'applique de façon rétroactive. Cela dit, je m'en remettrai aux commentaires qui ont été faits selon lesquels il ne m'appartient pas vraiment de formuler des hypothèses quant aux autres éléments dont le ministre pourrait vouloir tenir compte ou faire abstraction au moment de modifier le projet de loi.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Strahl, vous avez la parole.
    Je vais céder mon temps à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également mon collègue.
    L'effet visé par le paragraphe proposé 18.5(3) de l'article 4 du projet de loi, à savoir de conférer au Vice-chef d'état-major de la Défense le pouvoir de donner des instructions spécifiques au Grand prévôt des Forces canadiennes, semble faire l'objet d'un débat. Pouvez-vous expliquer pourquoi cette disposition figure dans le projet de loi, et dire en quoi consiste sa visée?
    Je suis ravi que vous posiez cette question, car en tant que personne participant à l'analyse stratégique et à la rédaction du projet de loi, je suis souvent surpris par quelques-unes des interprétations que les gens semblent faire à propos de la visée de cette disposition. Je vais vous fournir notre interprétation de l'objectif de cette disposition, de même que des explications concernant son origine.
    Comme il a été mentionné brièvement plus tôt, l'une des recommandations du juge en chef Lamer tenait à ce que les tâches et les responsabilités incombant au Grand prévôt des Forces canadiennes soient énoncées dans le texte législatif.
    À l'heure actuelle, il est quelque peu anormal que, à la suite du projet de loi C-25, la partie IV de la loi mentionne le Grand prévôt et précise en quoi consistent ses responsabilités en ce qui concerne le régime de plaintes concernant la police militaire, mais que, sous sa forme actuelle, la loi n'instaure pas ce poste, ne mentionne pas quelles responsabilités y sont liées et n'indique pas quelle relation entretiendrait le Grand prévôt avec la chaîne de commandement.
    Les dispositions de l'article proposé 18.2 et des articles suivants ont été conçues pour donner suite à la recommandation du juge en chef Lamer. Plus particulièrement, vous constaterez que l'article proposé 18.4 énonce les responsabilités du Grand prévôt.
    Bien sûr, il est nécessaire de préciser la relation qu'entretient le Grand prévôt avec la chaîne de commandement et la nature des rapports qu'il devrait entretenir avec elle. Il s'agit là de l'objectif de l'article proposé 18.5 et des paragraphes proposés qui en découlent. Selon le paragraphe proposé 18.5(2), le VCEMD peut établir des lignes directrices ou donner des instructions générales concernant les responsabilités décrites à l'article proposé 18.4.
    Ainsi, ce qui semble faire l'objet d'un certain débat ou, malgré le respect que je vous dois, d'un malentendu, ce sont les dispositions du paragraphe proposé 18.5(3), selon lesquelles le Vice-chef peut, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions à l'égard d'une enquête en particulier. Qu'est-ce que cela signifie?
    Ces dispositions ne visent aucun effet sinistre. Je suis d'accord pour dire que, en l'absence des mesures de protection de la transparence contenues dans les articles subséquents, l'indépendance des enquêtes pourrait assurément soulever des préoccupations, mais dans le cas présent, la véritable intention est de soutenir l'indépendance de la police militaire. Malgré tout le respect que je leur dois, je dois dire aux personnes qui sont d'un avis contraire qu'elles ont tout simplement interprété de travers la teneur de cet article.
    Cet article vise trois choses. Il reflète le fait que la police militaire des Forces canadiennes peut être appelée à exercer ses activités dans un contexte opérationnel tout à fait particulier, et qu'il est tout à fait possible qu'elle doive mener des enquêtes dans une zone de conflit armé. Tout le monde reconnaît qu'il peut arriver que la chaîne de commandement donne — et, en fait, doive donner — à la police militaire des instructions ou des directives selon lesquelles elle ne peut tout simplement pas entreprendre une enquête sur tel ou tel incident puisqu'une mission de tir est sur le point de commencer au même endroit.
    Premièrement, ces dispositions ont pour objet de préciser que, sur le terrain, il y aura non pas divers commandants indiquant au Grand prévôt local ce qu'il doit ou ne doit pas faire, mais un seul point de contact — une seule personne à blâmer, si vous voulez —, à savoir le Vice-chef.
    Deuxièmement, le Vice-chef doit fournir ces instructions par écrit. Troisièmement, il y a les très importantes dispositions relatives à la transparence des articles proposés 18.4 et 18.5 selon lesquelles, par défaut, les instructions doivent être rendues publiques. En fin de compte, en vertu de ces dispositions, le Grand prévôt a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si cela doit être divulgué, compte tenu de l'incidence qu'aurait la divulgation sur une enquête donnée. Ainsi, il revient au Grand prévôt de prendre la décision finale eu égard à ses préoccupations, et tout cela est transparent.
    À notre avis, comme cela peut se produire dans le cadre de n'importe quel événement, il est grandement préférable qu'une telle situation soit visée par la loi, et que celle-ci précise qu'il n'y a qu'une seule personne qui puisse faire cela, et que le processus doit être transparent.
    Quant aux préoccupations légitimes relatives aux ingérences dans une enquête, bien entendu, elles relèvent de la partie IV de la LDN et de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, la CEPPM. Si le Grand prévôt ou l'un de ses enquêteurs subalternes estime honnêtement que les directives données de façon transparente par le VCEMD constituaient, en fait, une ingérence inappropriée, ils peuvent déposer une plainte à ce sujet à la CEPPM.
    Il m'est arrivé d'entendre des membres de la CEPPM dire que, si cela est prévu par défaut par la loi, ils ne concluront jamais à une ingérence inappropriée. Je ne suis pas d'accord avec un tel point de vue. Il est tout à fait possible d'abuser d'un pouvoir conféré par la loi. En fait, les tribunaux consacrent une bonne partie de leur temps à instruire des affaires où de tels abus sont survenus.
    Le fait est que, si une personne soupçonne une ingérence appropriée, elle peut déposer une plainte à ce sujet auprès de la CEPPM, laquelle devra faire son travail. Elle devra déterminer si la plainte est justifiée en fait et en droit, exercer son pouvoir discrétionnaire, tirer une conclusion et formuler des recommandations à ce sujet.
    En résumé, nous estimons qu'il est important qu'il y ait une personne investie d'un pouvoir en la matière et qu'elle agisse de façon transparente. En outre, nous croyons qu'il est important de reconnaître que, en cas de préoccupation légitime touchant une ingérence inappropriée, on peut, en vertu de la loi, déposer une plainte dont découlera une enquête menée en toute transparence.

  (1700)  

    Merci.
    D'aucuns ont affirmé que le régime de procès sommaires est désuet et protège mal les membres des Forces canadiennes. À votre avis, ce régime est-il juste? Quelles sont les améliorations qu'on envisage d'y apporter?
    Je vous remercie, madame Gallant, de cette excellente question.
    Tout d'abord, de façon générale, nous croyons que ce régime est juste. Si nous ne pensions pas cela, nous ne le soutiendrions pas. Notre but n'est pas d'administrer un système de justice anticonstitutionnel. Là n'est pas notre fonction. Nous sommes les avocats de membres des Forces canadiennes, et nous avons accordé énormément d'importance à l'évaluation indépendante menée par trois très respectables examinateurs externes qui ont conclu que, tout bien pesé, le système est juste et constitutionnel.
    Comment en sont-ils arrivés à cette conclusion? J'ai écouté très attentivement les propos qui ont été tenus devant le comité, et je dois dire qu'il s'agit là d'une question qui a été en grande partie passée sous silence. Bien entendu, ils ont procédé à une analyse au regard de l'article premier de la Charte. Je dois souligner que, hélas, si l'on veut mener une évaluation mesurée, équilibrée et avisée de la question, on doit effectuer une analyse en fonction de l'article premier. Par la suite, ils ont conclu que, malgré les préoccupations certaines soulevées par les restrictions de quelque droit prévu par la Charte, dans l'ensemble, ces restrictions sont justifiées par l'article premier, compte tenu du caractère urgent et sérieux des préoccupations que soulevait le système à l'époque.
    Il y a deux ou trois éléments très importants à signaler. Personne n'est passible de ce qu'on appelle, suivant la définition énoncée en 1988 par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Wigglesworth, une véritable conséquence pénale. On ne peut pas imposer une véritable conséquence pénale, une détention, une rétrogradation ou une amende substantielle à une personne, sauf si on lui a d'abord donné la possibilité de choisir entre un procès sommaire et un procès en cour martiale, et qu'elle a choisi de subir un procès sommaire.
    En faisant ce choix, la personne renonce à certains droits constitutionnels. En 1982, dans le cadre de l'arrêt Korponay, la Cour suprême du Canada a déclaré qu'une personne peut renoncer à des droits constitutionnels. Il s'agit là d'un élément que mentionne expressément le juge en chef LeSage dans son rapport d'examen. Pour que la renonciation soit considérée comme valide, il faut que la personne qui renonce à ses droits le fasse en toute connaissance de cause et après avoir obtenu des conseils. En fait, selon l'article 108.18 des ORFC, une personne a le droit d'obtenir des conseils juridiques, et, selon l'article 101.20 des ORFC, le directeur du service d'avocats de la défense a le devoir de fournir des conseils juridiques à l'accusé et à l'officier chargé de l'aider en ce qui concerne ce choix.
    Le fait que cet officier soit compétent et actif est un élément clé qui permet de faire en sorte que l'accusé fasse ce choix de façon éclairée. À l'issue de son examen, le juge LeSage a notamment recommandé — et nous lui sommes particulièrement reconnaissants de l'avoir fait — que nous rehaussions la qualité et le rendement de ces officiers de manière à ce qu'ils puissent s'acquitter de cette fonction essentielle.
    En ce qui concerne les améliorations que nous envisageons d'apporter pour donner suite à la recommandation du juge LeSage — en fait, il s'agit d'une chose que nous lui avons nous-mêmes recommandée —, je vous dirai que nous devons améliorer la formation des officiers chargés d'aider les accusés pour nous assurer qu'ils s'acquittent de cette tâche essentielle consistant à veiller à ce que les droits de l'accusé soient protégés avant un procès sommaire.
    Je pourrais ajouter bien des choses, mais pour l'essentiel, nous estimons que le régime actuel de procès sommaires est constitutionnel, mais, bien entendu, nous devons continuer de le surveiller. Nous sommes toujours heureux de recevoir des recommandations, et certaines choses peuvent être faites.

  (1705)  

    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur McKay, c'est à votre tour.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, colonel Gibson.
    Je sais que vous avez été présent pendant à peu près tout le processus. Je ne reviendrai donc pas sur ce que d'autres personnes ont dit.
    D'après les notes que j'ai prises, le colonel Drapeau a indiqué que l'article 18.53 retire à la chaîne de commandement toute prétention d'indépendance. Je suis certain que vous l'avez entendu dire cela. M. Tinsley a indiqué que cet article autorisait l'ingérence par le VCEMD, qu'il contrevenait à la Charte et qu'il allait à l'encontre des normes de la police canadienne. Cet article contrevient au droit international et aux normes internationales. Je crois comprendre que vous n'êtes pas de cet avis.
    Depuis 1992, la pratique consiste à faire en sorte qu'il n'y ait aucune ingérence du VCEMD, du CEMD ou de quelque membre de la chaîne de commandement que ce soit dans les enquêtes policières. Les juges qui ont examiné le système de justice militaire ont indiqué qu'il devrait être codifié. Il s'agit probablement d'une bonne idée, mais la codification que vous mettez en place n'indique pas que le VCEMD ne doit en aucun cas s'ingérer dans une enquête.
    Si cela a fonctionné de 1992 à 2011 ou 2012, pourquoi semer la pagaille là-dedans?
    Merci, monsieur McKay.
    Tout d'abord, je crois que vous faites allusion au cadre de responsabilisation de 1998, n'est-ce pas?
    Oui, il s'agit du cadre de responsabilisation daté du 2 mars 1998.
    J'aimerais formuler deux ou trois observations. Tout d'abord, j'estime que les propos de M. Drapeau étaient démesurés et presque entièrement injustifiés.
    Pour ce qui est de M. Tinsley, comme je l'ai dit plus tôt, je crois que, malheureusement, il a mal interprété l'objectif de cette disposition. De toute évidence, il est extraordinairement important que la police militaire puisse mener ses enquêtes de façon indépendante. Il s'agit d'une chose importante pour la crédibilité et pour le fonctionnement du système. Il s'agit d'une chose importante pour que justice puisse être faite. Si une bonne enquête policière n'est pas menée, on ne dispose pas vraiment d'un fondement solide sur lequel s'appuyer pour la suite des choses. L'idée selon laquelle il s'agit, d'une façon ou d'une autre, d'une mesure rétrograde ou que l'intention était d'instaurer une mesure rétrograde ne concorde tout simplement pas avec l'objectif stratégique de la disposition.
    N'est-ce pas à vous qu'incombe le fardeau d'expliquer pourquoi vous devez intégrer dans la loi un pouvoir qui, dans toute autre situation d'enquête policière, serait considéré comme un pouvoir d'ingérence? Je comprends que ces dispositions visent les enquêtes menées dans un contexte militaire, mais le texte législatif n'indique pas que c'est dans des situations de combat que ce pouvoir pourra être exercé. Il pourrait être exercé dans n'importe quelles circonstances.
    Eh bien, monsieur McKay, je vous dirai tout d'abord que l'idée ou la conclusion selon laquelle il s'agit d'une ingérence — ou d'une ingérence inappropriée, ce qui me semble un peu plus exact, — n'est qu'une affirmation. Le cadre de responsabilisation est un document stratégique, un document administratif. Il ne s'agit, pour l'essentiel, que d'un document administratif.
    Ce que l'on demande au Parlement, et plus particulièrement au comité, c'est de déterminer quelles devraient être les exigences législatives. Ce qu'il est essentiel de bien comprendre ici, c'est qu'il ne s'agit pas, d'une façon ou d'une autre, d'une réforme totale de la politique antérieure. Comme je l'ai mentionné plus tôt en réponse à une question de Mme Gallant, il s'agit de reconnaître que, dans certaines circonstances exceptionnelles, une intervention est requise, et cette intervention doit être transparente. Permettez-moi...
    Que s'est-il passé depuis 1998, alors?
    Eh bien, comme beaucoup de personnes l'ont dit, la préoccupation tient à ce qu'il se peut — nous n'en sommes pas certains — que la chaîne de commandement soit intervenue dans des circonstances opérationnelles, et à ce que les interventions de ce genre ne soient pas réglementées. Ce que l'on veut, c'est que le Parlement énonce les règles régissant ces interventions en vue des situations où de telles interventions sont requises.
    Il y a une observation très importante que j'aimerais ajouter, monsieur. Elle ne précise pas de manière exacte les circonstances où ce pouvoir pourrait être invoqué, car le fait est qu'on ne le sait pas. Au bout du compte, on ne peut pas légiférer sur l'intégrité ou le bon sens. J'aimerais vous lire une très brève et très juste citation tirée d'une publications de Llewelyn Jones Edward sur le procureur général:

Je suis convaincu que, même l'on dispose de garanties constitutionnelles solidement établies, en définitive, c'est la force de caractère, l'intégrité personnelle et la profondeur de l'engagement à l'égard des principes d'indépendance et de représentation impartiale de l'intérêt public du titulaire du poste de procureur général qui revêt la plus grande importance.
    L'objectif est de demander au Parlement de fournir le plus grand nombre de lignes directrices et de mesures de protection législatives possible, mais l'essentiel, monsieur, c'est que l'on doit procéder aux nominations de façon très consciencieuse, et s'en remettre à l'intégrité des personnes que l'on nomme.

  (1710)  

    Cependant, le colonel Drapeau, M. Tinsley et M. Stannard — dont j'ai oublié le grade — ont tous travaillé au sein du système et ont tous indiqué qu'il ne fallait rien y changer s'il ne posait pas de problèmes.
    Depuis 1998, c'est-à-dire depuis que les lignes directrices, le protocole d'entente ou quoi que ce soit d'autre ont été instaurés, le système fonctionne. En tout cas, je n'ai pas eu vent de la moindre plainte concernant une quelconque ingérence dans les enquêtes policières depuis 1998 — vous avez peut-être entendu parler de plaintes de ce genre, mais moi, non. Dans de telles circonstances, pourquoi instaurer, au moyen de dispositions législatives, un processus que le VCEMD peut utiliser pour s'ingérer dans une enquête?
    Eh bien, M. Drapeau n'a pas travaillé au sein du système. Bien entendu, M. Tinsley et M. Stannard l'ont fait, mais ils voient les choses sous un angle particulier, à savoir celui de la CEPPM.
    J'aimerais vous rappeler que le VCEMD et le Grand prévôt des Forces canadiennes, qui travaillent au sein du système et qui doivent, dans les faits, le faire fonctionner, ont déclaré devant le comité, au cours de l'examen du projet de loi C-41, qu'ils n'avaient aucune préoccupation à cet égard. En substance, le Grand prévôt a affirmé que, si le système soulevait la moindre préoccupation, il ne le soutiendrait pas. Il s'agit de la personne qui doit faire fonctionner le système, et il a déclaré ici même qu'il n'avait aucune préoccupation en ce qui concerne le système. Pour l'essentiel, le VCEMD a indiqué qu'il estimait que ces dispositions avaient pour but de protéger le Grand prévôt des Forces canadiennes et de préserver son indépendance.
    Nous avons peut-être des points de vue différents, mais je peux vous assurer qu'aucune intention funeste n'a présidé à la rédaction de ces dispositions. Elles se veulent transparentes, et, en fait, elles ont pour but de protéger l'indépendance.
    Je n'impute aucune intention funeste à qui que ce soit. Toutefois, lorsque des personnes ayant occupé un poste de rang élevé au sein du système se donnent la peine — et parfois une grande peine — pour se présenter devant le comité et déclarer qu'il s'agit là d'une pomme de discorde, cela me préoccupe.
    Je ne veux pas que l'on m'accuse d'imputer des intentions à qui que ce soit. Nous parlons ici d'un type d'ingérence qu'aucune force policière du Canada ne saurait tolérer.
    J'imagine que nous avons fait plus d'une fois le tour du sujet, monsieur, mais je répéterai que, pour l'essentiel, ce dont nous parlons ne constitue pas une ingérence inappropriée.
    Eh bien, j'espère que vous avez raison.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Nous allons passer au tour de cinq minutes.
    Je suis désolé, monsieur Strahl, de m'être embrouillé dans l'ordre des intervenants. Vous avez maintenant la parole.
    Je vous pardonne, monsieur le président.
    Comme le dirait M. Norlock, lorsque les gens de ma circonscription entendent le terme « Grand prévôt », je crois qu'ils n'ont probablement... Eh bien, bon nombre d'entre eux ont été membres de la BFC Chilliwack et savent donc de quoi nous parlons, mais je crois comprendre que le Grand prévôt est également connu comme étant le commandant du Groupe de la Police militaire des FC.
    À mes yeux, nous devons accorder un poids assez important aux propos qu'il a tenus durant son témoignage, selon lesquels: « […] à cause des dispositions qui existent sur la transparence — le processus de plainte pour ingérence en vertu de la partie IV de la LDN —, ces mesures de protection rendent la chose beaucoup plus solide. Cela me permet de m'assurer qu'il y a une approche, s'il devait y avoir un conflit. »
    Le commandant du Groupe de la Police militaire estime que cela ne pose aucun problème, et le juge en chef LeSage est du même avis. Dans ce cas, pourquoi n'accordons-nous pas à leur point de vue et à leur expertise une importance plus grande que celle que nous accordons à des gens qui ont fait l'objet de nominations partisanes?
    Monsieur Strahl, je vous répondrai que, de toute évidence, le juge LeSage et le Grand prévôt savent de quoi ils parlent, et que nous devons accorder une grande importance à leur point de vue.

  (1715)  

    J'ai une autre question à poser.
    Vous avez mentionné que la formation des officiers chargés d'aider les accusés allait être améliorée. A-t-on amélioré la formation des commandants qui président les procès sommaires?
    En fait, à présent, aux termes des exigences et des dispositions réglementaires, tout officier doit, avant de présider un procès sommaire, participer à une formation et recevoir une certification du Juge-avocat général. En d'autres termes, l'officier qui préside un procès sommaire doit avoir suivi un cours au préalable.
    L'un des documents utilisés dans le cadre de cette formation est le manuel intitulé Justice militaire au procès sommaire, qui peut être consulté en ligne. À coup sûr, j'invite les membres du comité que cela intéresse à y jeter un coup d'œil — il s'agit d'un document extrêmement instructif. À mon avis, on a tenté de façon très crédible, professionnelle et exhaustive de faire en sorte que les personnes qui se voient confier cette tâche très importante reçoivent la formation pertinente et acquièrent le degré de compréhension requis pour assumer la tâche considérable que constitue la présidence d'un procès sommaire.
    Merci.
    J'aimerais donner le reste de mon temps à M. Norlock.
    Vous avez deux minutes, monsieur Norlock.
    Merci beaucoup. Je vais essayer de m'en tenir à une minute.
    Je ne sais pas si vous étiez à la dernière séance et si vous avez entendu l'ancien juge Létourneau, qui a essentiellement dit que, si ma mémoire est bonne — j'ai pris quelques notes, mais je dois faire vite —, le projet de loi C-15 devrait protéger les militaires canadiens comme le fait le Code criminel du Canada; selon lui, le projet de loi C-15 n'est pas conforme à la Charte.
    J'ai une certaine expérience des tribunaux — pas autant que la plupart des avocats, mais en tant qu'agent de police et adjoint à la Couronne —, et j'ai remarqué que le Code criminel est contesté chaque jour relativement à la Charte. Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Compte tenu de l'expression « si ça marche, il ne faut pas y toucher », ne reconnaissez-vous pas que toutes nos lois sont toujours contestées et que nous tentons constamment de les améliorer?
    Quels sont vos commentaires?
    Oui, j'ai entendu les commentaires du juge Létourneau et, avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas la première fois que j'exprime mon désaccord en public et par écrit, et c'est ce que c'est.
    Par contre, nous convenons tous que nous ne vivons évidemment pas dans un conte de fée de Disney; nous vivons dans le vrai monde. C'est du sérieux. Comme dans le cas de nombreuses dispositions du Code criminel, il y aura remise en question par le conseil de la défense. C'est son travail. Toutes les personnes qui s'intéressent au système remettront cela en question. J'ai déjà été avocat de la défense. J'ai contesté bec et ongles la constitutionnalité de divers instruments, souvent avec peu de succès.
    Vous avez toutefois soulevé un bon point. Comme je l'ai mentionné, le système est un arbre vivant, et le Code criminel aussi. Le travail de l'avocat de la défense consiste notamment à remettre en question la constitutionnalité des dispositions et à les évaluer, évidemment.
    Au bout du compte, il y a un dialogue entre les tribunaux et le Parlement. Je ne vais pas vous dire que personne ne réussira jamais à contester la constitutionnalité de certaines de ces dispositions. La vie n'est pas faite ainsi. Par contre, je peux vous confirmer que nous les avons évaluées de notre mieux, que nous sommes convaincus de leur légitimité, qu'elles respectent la Charte et qu'elles sont prêtes à subir l'examen du Parlement.
    Merci. Le temps est écoulé.

[Français]

    Madame Moore, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir sur votre présentation.
    D'après ce que vous avez dit, en vertu de la version de l'article 75 contenue dans le projet de loi C-41, 95 % des cas jugés lors d'un procès sommaire ne donneront pas lieu à un casier judiciaire. Si on parle de 2 000 procès sommaires, c'est donc dire que 100 personnes vont possiblement se retrouver avec un casier judiciaire ou, du moins, ne pourront pas se prévaloir des dispositions de l'article 75.
    Sauf erreur, la version de l'article 75 figurant dans le projet de loi C-41 ne garantit pas qu'une personne ayant commis une infraction qui n'a pas d'équivalent au civil, sur le plan criminel, pourra éviter l'imposition d'un casier judiciaire. Ça ne garantit pas que cette situation n'arrivera jamais. Ça ne fait qu'assurer qu'il ne sera pas très fréquent qu'une personne se retrouve avec un casier judiciaire alors que ça n'aurait pas été le cas si elle avait comparu au civil pour la même infraction commise.
     Est-ce exact?

  (1720)  

[Traduction]

    Merci. Je vais répondre dans ma langue, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Évidemment, rien ne garantit qu'une personne n'aura pas de casier si elle est reconnue coupable d'une infraction qui ne figure pas parmi les exemptions. En fait, ce qu'on propose, c'est d'évaluer les politiques en vue d'établir des limites.
    Dans le cadre de la version précédente... Nous avons mené une analyse statistique de la version initiale, si je peux l'appeler ainsi, de l'article 75, et on a constaté que, aux termes de ces dispositions, il y aurait eu environ 81 p. 100 d'exemptions. L'important, c'est l'augmentation de 81 à 94 p. 100 entre les deux versions.
    Comme je l'ai déjà expliqué, la stratégie qui sous-tend cette disposition est de tenir compte de la gravité objective de l'infraction et de la gravité subjective. Certaines infractions prévues à l'article 83 qui entraînent une peine d'emprisonnement à perpétuité — type d'infraction la plus grave objectivement que le Parlement peut établir — ne figurent pas sur la liste. Si vous étiez accusé d'une telle infraction, étiez reconnu coupable et vous étiez fait imposer une peine très sévère, vous auriez effectivement un casier.

[Français]

    Ça répond à ma question.
    J'aimerais maintenant parler de la formation des officiers qui président des procès sommaires.
     Je sais qu'avant de pouvoir remplir cette fonction, les officiers sont tenus de suivre une formation. Par contre, j'aimerais savoir à quel point celle-ci est poussée et dans quelle mesure, au moment de rendre une sentence, ces officiers comprennent que cette dernière va possiblement signifier l'imposition d'un casier judiciaire au militaire.

[Traduction]

    Tous les officiers présidents et les juges doivent être conscients des conséquences de la peine qu'ils prononcent, et c'est une obligation qui est soulignée dans la formation.
    Je tiens à souligner deux autres points que le comité doit absolument comprendre.
    Au moment d'un procès sommaire, les officiers présidents peuvent se prévaloir de conseils juridiques —s'ils ont des raisons ou des préoccupations — en fait, en cas de doute, ils devraient le faire. C'est leur décision, puisque ce sont eux les décideurs, mais ils peuvent obtenir des conseils juridiques.
    Le deuxième point concerne les éléments importants de l'article 62, qui traite des améliorations que le projet de loi C-15 vise à apporter au processus de détermination des peines. En fait, il précise que la personne qui prononcera la peine — que ce soit un officier président à un procès sommaire, un juge militaire d'une cour martiale ou même un juge de la Cour d'appel de la cour martiale ou de la Cour suprême du Canada — doit tenir compte des conséquences indirectes de la peine.
    Cela inclurait une obligation législative aux termes du projet de loi C-15 ou selon laquelle la personne est consciente du fait que, si elle impose une peine en dehors des exemptions énoncées à l'article 75 et que la décision n'est pas portée en appel, l'accusé obtiendrait un casier judiciaire, conformément à la Loi sur le casier judiciaire.

[Français]

    Pourriez-vous nous envoyer les documents relativement à la formation suivie par les gens qui président les procès sommaires, de façon à ce que nous connaissions en détail tous les objectifs qu'ils doivent atteindre au cours de cette formation?
    Vous n'avez sans doute pas ces documents sous la main, mais si vous pouviez les envoyer par écrit au comité, ce serait très apprécié.

[Traduction]

    Deux choses. C'est accessible en ligne sur le site Web du Cabinet du juge-avocat général. C'est tout à fait transparent et c'est en ligne.
    J'ai également une copie. Malheureusement, elle est seulement en anglais, mais il existe évidemment une version française aussi, et je serai ravi de la fournir au comité, si elle peut vous aider.
    Merci, colonel.
    Le temps est écoulé. J'apprécie l'offre. Si le document est disponible en ligne, nous communiquerons le lien afin que tout le monde puisse le consulter au lieu de sacrifier un autre arbre pour que le comité puisse en avoir des copies papier.
    Cela dit, poursuivons.
    Monsieur Alexander, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, colonel Gibson, vous et votre équipe, de votre témoignage d'aujourd'hui et de votre collaboration aux travaux du comité.
    Compte tenu des témoignages d'aujourd'hui et des témoignages de ceux qui ne sont pas d'accord avec les modifications du projet de loi C-15, il est évident que bon nombre d'entre eux ne veulent pas d'un système de justice militaire distinct. Ils remettent en question sa constitutionnalité ou voudraient que le système soit civil.
    En tant qu'observateur, ce qui me frappe, c'est qu'ils ne reconnaissent pas pleinement le principe de base de notre système de justice militaire, qui veille à l'équilibre et à la protection de deux objectifs: la quête de justice et l'efficacité opérationnelle sur le terrain, c'est-à-dire la discipline, le moral et la cohésion. Le deuxième objectif ne repose pas sur des motifs arbitraires; il a sa raison d'être parce que les activités de nos forces armées sur le terrain sont à la base de nos libertés civiles et le sont depuis des décennies et même des siècles. Nous tentons d'atteindre cet équilibre depuis longtemps, et il est essentiel.
    Pour être juste, M. Ruby et la Criminal Lawyers' Association ont admis qu'ils ont une expérience limitée du système de justice militaire. Par conséquent, nous devrions peut-être prendre leur témoignage avec un grain de sel.
    Cependant, il y a contraste avec l'approche adoptée par M. Tinsley qui a mentionné que, lorsqu'il a commencé son enquête en 2007 — enquête que nous connaissons tous très bien —, l'objectif était de veiller à ce que le public ait toujours confiance envers les militaires et la police militaire. Selon moi, les audiences et la très longue enquête n'ont pas permis d'accroître la confiance du public. Elle n'a pas permis de constater des erreurs ni d'améliorer la discipline et a plutôt entraîné un doute, tandis que tous les éléments de preuve à notre disposition, qui provenaient selon moi de témoins crédibles, révèlent que l'ensemble de notre système de justice militaire fonctionne bien, même s'il a besoin d'être modernisé et d'être examiné de manière continue.
    Pourriez-vous nous expliquer comment ces examens seront effectués après les modifications? Puisqu'il s'agit d'une des meilleures façons de protéger l'intégrité du système qui nous garantit qu'il évoluera au rythme de la société civile, quelles sont les propositions? Quels seront les avantages pour le droit militaire et les membres des forces armées canadiennes au chapitre des examens?

  (1725)  

    Merci, monsieur Alexander.
    La disposition pertinente du projet de loi — si je peux la consulter très rapidement — est l'article 101, qui fera en sorte qu'un examen indépendant sera exigé par la Loi sur la défense nationale. Maintenant, comme vous le savez, il y a déjà eu deux examens indépendants jusqu'à maintenant: le premier, effectué par Antonio Lamer, et le deuxième, par Patrick LeSage.
    L'article 96 du projet de loi C-25 adopté par le Parlement en 1998 exigeait la tenue d'examens indépendants périodiques, mais il n'y a aucune exigence semblable dans la Loi sur la défense nationale. C'est dans le projet de loi C-25, adopté par le Parlement et intégré aux Lois du Canada, 1998, chapitre 35.
    Une des principales recommandations du juge Lamer sera mise en œuvre grâce à l'article 101, qui intégrera à la Loi sur la défense nationale l'obligation d'effectuer un examen indépendant périodique de certaines dispositions de la loi. Le premier avantage sera l'examen indépendant, car c'est extrêmement utile et important d'avoir une tribune qui permet de cerner les problèmes et un instrument obligatoire visant à déterminer les points à améliorer. Un tel mécanisme de réforme législative constitue une des meilleures façons d'améliorer les politiques.
    En ce sens, cet outil à la disposition des Forces canadiennes, du système de justice militaire et même du Parlement présenterait un grand avantage pour le Parlement — qui sera assuré de pouvoir tenir le droit à jour — et pour les membres des Forces canadiennes, qui sont les premiers à tirer directement profit d'un système de justice militaire moderne, conforme à la Charte et tenant compte de l'évolution du droit.
    L'autre conséquence de la disposition proposée est qu'elle prolongerait le cycle d'examen. Un des problèmes que nous avons vus jusqu'à maintenant, compte tenu particulièrement du temps qu'il faut pour que le Parlement adopte le projet de loi en réponse au rapport Lamer, est qu'il faut mettre en application des dispositions permettant de générer un dossier de suivi dans le but de faire un bon examen. Comme le juge LeSage l'a mentionné, il faut du temps pour générer les données qui permettront de faire un examen utile et pertinent.
    L'article 101 du projet de loi vise à accomplir cela, à intégrer cette exigence dans la loi et à préciser ce qui doit être examiné.
    Je n'ai qu'un dernier point à ajouter. Compte tenu, peut-être, de la nature légèrement litigieuse du paragraphe 18.5(3) proposé, ces dispositions particulières sont précisées dans la disposition concernant l'examen afin que le Parlement puisse bénéficier d'un examen indépendant de cette disposition au moment du prochain cycle de réforme législative.
    Merci.
    Le temps est écoulé, et le timbre retentira dans quelques secondes. Il est 17 h 30. Je sais que l'horloge est un peu en retard, mais d'après le temps réel, il est 17 h 30 maintenant, et ce n'est pas la peine de commencer une autre série de questions.
    Avant de lever la séance, je tiens à rappeler aux membres que je leur ai demandé de collaborer et de présenter leurs modifications du projet de loi cette semaine. Nous n'en avons reçu que deux jusqu'à maintenant. Par respect pour nos collègues ainsi que pour notre personnel de bureau, notre greffier, le greffier législatif qui nous assistera et nos analystes, il sera très apprécié que nous ayons les modifications d'ici la fin de la semaine afin que nous puissions commencer à les rassembler et à les faire circuler. Ainsi, tout le monde pourra les consulter avant de passer à l'étude article par article.
    Je tiens à remercier le colonel Gibson, le lieutenant-colonel Dufour et le lieutenant-colonel Strickey de s'être joints à nous aujourd'hui et d'avoir fourni leurs commentaires et leur expertise.
    Sur ce, je suis disposé à recevoir une motion visant à lever la séance.
    M. Corneliu Chisu (Pickering--Scarborough-Est, PCC): J'en fais la proposition.
    Le président: Allons-nous-en.
    La séance est levée.
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