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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde.
    Il s’agit de la 31e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes le jeudi 15 mars 2012.
    Au cours de la deuxième heure de la séance, nous aurons du temps pour les travaux du comité. Nous avons un budget et d’autres points à examiner.
    Au cours de la première heure, nous poursuivons notre étude sur le projet de loi C-293, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (plaignants quérulents).
    Nous accueillons de nouveau au comité la Société John Howard du Canada. Nous avons Catherine Lamer, directrice exécutive de l’organisme. Nous sommes également heureux d’accueillir la Elizabeth Fry Society of Canada. Kim Pate en est directrice exécutive.
    Nous allons entendre votre exposé, madame Pate. Je ne suis pas certain que Mme Latimer en a un, mais vous n’en êtes pas à votre première visite au comité. Vous savez que des séries de questions suivront les exposés. Nous vous remercions d’y répondre et d’avoir pris le temps de venir témoigner devant le comité.
    Madame Pate, allez-y.
    Merci de votre invitation. Je m’excuse de ne pas avoir de document à vous distribuer; c’est en raison du délai.
    Par contre, nous vous remercions d’avoir invité notre organisme, en dépit de ce très court délai. Je ferai des commentaires au nom de notre organisme, au nom de nos 26 membres de partout au pays qui travaillent auprès des femmes et des filles marginalisées, persécutées, criminalisées et incarcérées.
    Je tiens à dire que l’une de nos préoccupations concernant le projet de loi C-293 est qu’il existe déjà des dispositions dans la loi et le règlement actuels qui tiennent compte des inquiétudes soulevées par les partisans du projet de loi. En vertu de l’article 91 de la loi et particulièrement du paragraphe 74(4) du règlement, il y a déjà des provisions qui permettent aux directeurs d’établissements de limiter la capacité des prisonniers qui formulent des griefs de manière excessive et quérulente et d’en fait y mettre un frein. Cela exige aussi un processus d’examen. Ce n’est donc pas quelque chose qui peut être fait indéfiniment.
    Nous proposons de poursuivre ce processus. En fait, la présomption voulant que les détenus qui veulent que leur situation soit examinée puissent porter leur cause en appel devant la Cour fédérale n’est en fait pas fondée du tout. En raison des réductions à l’aide juridique, au Programme de contestation judiciaire et ailleurs, nous savons qu’il est très difficile pour des détenus d’avoir accès à l’aide juridique. C’est certainement également vrai dans le cas qui nous concerne, soit la contestation du processus.
    Nous savons aussi que cet enjeu se trouve depuis longtemps sur l’écran radar de Service correctionnel Canada. En fait, dans les prisons pour femmes, la majorité des directeurs encouragent les détenues à formuler des griefs, parce que c’est reconnu que les femmes en font moins. Nous n’appuierons certainement rien qui laisserait entendre que nous devrions limiter cette pratique. Nous vous mettons en garde contre le fait de trouver des excuses pour la limiter.
    Je fais bien entendu allusion à la raison même de l’existence de la procédure de règlement des griefs. Certaines des recommandations ont été faites à la suite des émeutes meurtrières qui se sont déroulées au Pénitencier de Kingston. Elles faisaient suite au rapport Swackhamer, qui a en fait mené à la création du Bureau de l'enquêteur correctionnel, parce que les détenus avaient très peu de possibilités de demander réparation. On a jugé qu’il n’y avait aucun recours légitime pour demander réparation, et le Bureau de l'enquêteur correctionnel a donc été créé.
    La nécessité d’une procédure de règlement des griefs a été renforcée avec la mise en oeuvre en 1992 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Nous avons depuis eu des examens répétés à cet égard par Service correctionnel Canada et le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Récemment, dans leur rapport annuel 2007-2008, ils ont réalisé un examen approfondi de cette procédure et ils ont encouragé les pénitenciers à faire de même, ce qu’ils ont fait. Je suis certaine que vous avez une copie de l’examen externe de la procédure de règlement des plaintes et des griefs de Service correctionnel Canada réalisé par M. Mullan de l’Université Queen’s. C’est Service correctionnel Canada même qui lui a commandé ce rapport et qui l’a rémunéré à cette fin. Dans son rapport, il recommande de procéder à une révision complète et externe de la procédure de règlement des griefs des pénitenciers, d’accorder un plus grand soutien à la création de comités d'examen des griefs des détenus et de garantir que le personnel connaît les procédures.
    En allant faire des visites dans les prisons, j’ai personnellement entendu des membres du personnel affirmer ne pas connaître la procédure de règlement des griefs. En fait, il nous arrive d’aider à les former à ce sujet de temps en temps.
    En 1996, Louise Arbour, après avoir examiné la situation à la prison pour femmes de Kinston, a proposé un certain nombre de recommandations qui ont depuis été appuyées par la Commission canadienne des droits de la personne et le Bureau de l’enquêteur correctionnel. Ces recommandations reçoivent le soutien de bon nombre de gens au sein de Service correctionnel Canada. Dans son rapport, elle a dit:
Il est frappant que pratiquement toutes les questions soulevées au cours de la présente enquête l'avaient été en premier lieu par les détenues dans des plaintes, des griefs et, dans certains cas, dans des lettres adressées aux cadres du Service correctionnel.
     En grande majorité, les autorités n’en ont pas tenu compte.
    Elle ajoute que
... la version des événements d'une détenue avait été traitée comme étant en soi non fiable et que le fait d'accepter un grief pour Service correctionnel n'était considéré que comme une concession de la défaite.
(1540)
    À la lumière des résultats, elle a fait un certain nombre de recommandations au sujet de la supervision externe.
    Dans le même ordre d’idées, dans les travaux que Michael Jackson a faits au nom et avec la collaboration de Service correctionnel Canada lorsqu’il a été invité à siéger au comité d’examen sur l’isolement à la suite de la commission Arbour, il a fait certaines recommandations concernant le besoin d’une procédure adéquate et efficace de règlement des griefs. Je vous recommande de lire un extrait de son livre intitulé Justice Behind the Walls, soit de la page 581 à la page 603. Cette partie concerne la nécessité d’une refonte. Si vous n’avez pas l’intention de le consulter, je vous encourage au moins à tenir compte de ses recommandations.
    La Commission canadienne des droits de la personne a parallèlement trouvé ce processus... Elle s’active actuellement à examiner l’accès des détenus à la procédure de règlement des plaintes, en raison de certaines plaintes qui sont actuellement devant les tribunaux.
    Pour résumer les inquiétudes que nous avons vues en préparation, non pas à ce processus, fait intéressant, mais à d’autres initiatives auxquelles nous participons... À la demande de détenus et avec le soutien de Service correctionnel Canada, nous avons notamment participé au cours des 10 dernières années à un processus de formation visant à développer les ressources pour les détenus pour leur apprendre leurs droits. Nous avons également aidé à former le personnel en ce qui concerne les enjeux relatifs aux droits de la personne.
    Nous sommes sur le point d’améliorer cette formation dans certains établissements. À cette fin, nous avons demandé aux détenues de nous dire pourquoi elles ne déposent pas de griefs, parce que si elles n’y sont pas encouragées par l’établissement, bon nombre d’entre elles n’en formulent pas. Je vais vous citer quelques raisons qui nous ont été données, puis je terminerai en vous parlant de nos résultats concernant ce processus.
    Premièrement, de nombreuses femmes ont l’impression que même quand les cadres supérieurs encouragent le dépôt de griefs... Bon nombre de directeurs d’établissement me disent qu’ils veulent recevoir des griefs, parce qu’ils voient cela comme un moyen de prendre le pouls de l’établissement. De nombreux membres du personnel de première ligne — et je parle des employés expérimentés — iront dans le même sens. Ils diront souvent préférer le dépôt de griefs à toutes autres formes de manifestations, comme l’automutilation et les tentatives de suicide ou, dans le cas d’établissements pour les hommes, les émeutes ou les soulèvements.
    S’il existe une procédure légitime de règlement des plaintes et des griefs qui peut être utilisée, les détenus seront plus portés à faire valoir leurs problèmes. Si on les écoute vraiment et que les réponses sont adéquates, on constatera une diminution des tensions au sein de l’établissement. Nous avons actuellement une surpopulation dans le milieu carcéral, particulièrement dans les prisons pour femmes, et nous risquons d’assister à une augmentation de la surpopulation dans les prisons pour hommes. Je crois que c’est un enjeu continu. C’est certainement un enjeu pour notre organisme. Selon ceux avec qui je parle au sein de Service correctionnel Canada et du Syndicat des agents correctionnels du Canada, ce l’est également.
    L’un des enjeux soulevés est que les délais ne sont en fait pas souvent respectés. Vous n’êtes peut-être pas au courant que les délais sont passés au cours des dernières années de 5 à 10 jours, de 15 à 25 jours et de 60 à 80 jours selon les niveaux: le premier niveau, le deuxième niveau... soit à l’échelle de l’établissement, de la région et du pays. Il faut parfois attendre jusqu’à six mois avant d’obtenir une décision concernant certains griefs. Dans le cas d’une situation grave relativement, par exemple, à l’isolement ou à d’autres problèmes importants en lien avec les conditions de l’établissement, ce délai est vraiment trop long.
    Nous sommes au fait de ces enjeux. Le personnel se dit inquiet de son incapacité à respecter les délais prévus, mais ce n’est pas en raison de griefs excessifs ou vexatoires; c’est bien souvent en raison de l’absence d’une culture de protection des droits de la personne qui vise à protéger tant le personnel que les détenus.
    De plus, l’enquêteur correctionnel a constaté que la majorité des gens qui déposent de multiples griefs ne se trouvent en fait pas dans les prisons pour femmes, mais bien dans les prisons pour hommes, et qu’ils souffrent de graves problèmes de santé mentale. Donc, tout changement dans la loi ne risque probablement pas d’amenuiser de manière appréciable le problème des plaignants qui formulent de multiples griefs, parce que s’ils souffrent de problèmes de santé mentale, il y a peut-être d’autres mesures que nous devrions prendre.
    Dans le même ordre d’idées, comme l’enquêteur correctionnel l’a souligné, des griefs parfois perçus comme futiles au sujet de la nourriture ou de l’habillement ne sont parfois pas perçus ainsi par les détenus. Encore une fois, cela peut créer de graves problèmes, particulièrement pour ceux souffrant de problèmes de santé mentale. Il peut être question de sous-vêtements sales, de nourriture inadéquate, de l’accès déficient à de la nourriture chaude, etc. Encore une fois, on doit prendre au sérieux ces problèmes, et leurs effets peuvent être minimisés.
(1545)
    Bref, au lieu de poursuivre le présent exercice et de dépenser l’argent des contribuables à cette fin, nous vous proposons plutôt de soutenir Service correctionnel Canada pour trouver des moyens censés de mettre en oeuvre, par exemple les recommandations faites par M. Mullan dans son rapport de 2010 commandé et demandé par l’organisme.
    Je vais vous laisser avec un dernier exemple. Lorsqu’Ashley Smith a déposé un certain nombre de griefs à l’Établissement Grand Valley, elle n’a obtenu aucune réponse. L’enquêteur correctionnel a très bien documenté cette situation dans son rapport. Malheureusement, nous verrons probablement aussi la chronique de l’ensemble des faits lorsque nous examinerons les résultats de l’enquête. Lorsque les autorités donnaient suite à ses griefs, elles ne le faisaient pas de manière adéquate ou en temps opportun. Son dernier grief concernant les conditions de sa détention a été déposé trois semaines avant sa mort. Il n’avait en fait même pas été examiné jusqu’à ce qu’on exhorte les responsables de le faire. Enfin, l’enquêteur correctionnel a demandé que le grief en question soit récupéré de la boîte dans laquelle il avait été déposé, sans jamais avoir été ouvert.
    Nous nous inquiétons de la rapidité du règlement des griefs et de la réalité que vivent certains, à savoir qu’ils peuvent déposer de multiples griefs lorsque personne n’y donne suite. C’est peut-être, parce que leurs griefs ne sont pas pris au sérieux ou qu’on les décourage d’en déposer ou qu’on leur demande de les retirer, comme des détenues nous l’ont affirmé. Par exemple, dans le cas d’Ashley, lorsque d’autres détenues se sont mises à déposer des griefs en son nom, on leur a dit qu’elles auraient des sanctions si elles continuaient de le faire. Même si elle ne recevait pas de réponses et qu’elles essayaient de l’aider à régler ses préoccupations, elles n’en ont pas été capables.
    Lorsque nous avons voulu avoir recours au processus de contestation judiciaire, notre organisme a dû assumer des coûts considérables. Il nous a fallu environ trois ans pour obtenir les mêmes documents et renseignements qu’elle essayait d’obtenir par l’entremise de la procédure de règlement des plaintes et des griefs et du processus général d’accès à l’information.
    Je vous exhorte très sincèrement et très sérieusement de vous demander s’il est nécessaire de poursuivre sur cette voie ou si nous ne devrions pas plutôt offrir des mécanismes qui permettront aux gens de formuler des plaintes légitimes en temps opportun et de manière efficace, d’autant plus que nous sommes dans une période où nous risquons d’assister à une augmentation des tensions dans le milieu carcéral. De plus, il faut prendre au sérieux ces plaintes et obtenir le soutien de gens à l’interne qui sont capables de changer la donne.
    Au cours de l’examen de la Commission canadienne des droits de la personne, les responsables ont mis la main sur des documents indiquant que si une personne soulevait une préoccupation très grave, comme dans le cas d’Ashley plusieurs années plus tard... À l’époque, nous avions eu des notes de service et des messages électroniques démontrant que les détenus qui déposaient des griefs par l’entremise de la procédure légitime de règlement des plaintes pouvaient être considérés comme des gens qui ne suivaient pas leur plan de traitement correctionnel.
    Ce n’est évidemment pas légal. Ce n’est pas approprié, et nous ne voudrions pas qu’une telle situation persiste. Déjà dans le contexte actuel des membres du personnel nous demandent de les aider avec le processus de formation, lorsque M. Mullan exige un processus de formation pour le personnel de correction... Notre problème est que si ce genre de pouvoir discrétionnaire est donné à des gens non formés, cela peut augmenter les tensions au sein des établissements, au lieu de régler les plaintes et de donner à la procédure de règlement des griefs le rôle qu’elle est censée jouer, à savoir de servir de soupape de sûreté.
    Merci beaucoup.
(1550)
    Merci beaucoup.
    Nous allons lancer la première série de questions.
    Monsieur Rathgeber, allez-y.
    Oh, je suis désolé. J’ai cru comprendre plus tôt que vous n’aviez pas d’observations à formuler.
    Je n’avais rien à distribuer aux interprètes.
    Oh, je vois. Fort bien. Je vous ai mal compris
    J’aimerais répéter que la Société John Howard du Canada, au nom de laquelle je suis ravie d’être ici aujourd’hui, se fait l’écho des préoccupations que Kim a soulevées concernant la nécessité d’avoir une procédure de règlement des griefs efficace et rapide.
    Nous félicitons également le Service correctionnel du Canada des efforts qu’il déploie pour tenter d’améliorer la procédure de règlement des griefs. Le fait d’avoir engagé à forfait David Mullan, qui est l’un des experts canadiens en droit administratif, afin qu’il examine le processus et détermine la façon de l’améliorer, témoigne de ses efforts. Je conviens avec Kim que ses recommandations générales devraient être prises en considération et mises en oeuvre, mais il analyse aussi le problème qui semble être abordé par le projet de loi C-293, à savoir le problème lié au nombre élevé de griefs.
    Les recommandations qu’il a formulées diffèrent des dispositions du projet de loi C-293 d’une manière fondamentale. Je pense que, si vous examinez les différences, vous aurez la conviction, je l’espère, que l’approche de M. Mullan est supérieure à bien des égards. J’attire votre attention en particulier sur deux de ces préoccupations.
    L’une d’elles est que M. Mullan met l’accent sur le nombre élevé de griefs plutôt que sur les plaignants quérulents. Il définit clairement et de manière quantifiable ce qui constitue un nombre élevé de griefs. Par conséquent, il ne donne pas à un représentant de Service correctionnel — qui a également un intérêt dans la procédure de règlement des griefs – le pouvoir discrétionnaire de déterminer ce qui est vexatoire. De plus, dans le contexte d’un processus d’examen, il est beaucoup plus difficile de déterminer qu’un grief est vexatoire, car cela exige d’examiner les motivations de la personne qui présente le grief, que de mesurer simplement la quantité de plaintes.
    En outre, ce qui distingue clairement ses recommandations des dispositions prévues dans le projet de loi, c’est la solution qu’il propose. En effet, il suggère que les personnes qui présentent de nombreuses plaintes soient limitées à un certain nombre par année et qu’elles aient intérêt à évaluer celles qu’elles tiennent vraiment à défendre et la priorité qu’elles leur accordent. Sur les 180 griefs que vous avez présentés, quels sont les 25 qui vous tiennent le plus à coeur et qui témoignent le mieux de vos préoccupations? Donc, contrairement à ce qu’on trouve dans le projet de loi, la solution vise à limiter le nombre de plaintes plutôt qu’à accroître le fardeau de la preuve. Par conséquent, le plaignant n’est pas soudainement forcé de respecter une norme de preuve supérieure pour pouvoir présenter un grief, ce qui est discutable sur le plan de l’obligation d’équité que toute procédure administrative doit satisfaire.
    J’attire votre attention sur ces éléments, et je vous demanderais instamment d’envisager d’apporter d’importants amendements au projet de loi et de mettre en oeuvre les recommandations générales présentées dans le rapport de M. Mullan.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la première série de questions.
    Monsieur Rathgeber, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins. C’est bon de vous revoir toutes les deux.
    Madame Pate, je ne savais pas que la procédure de règlement des griefs était définie par la loi. Grâce à la technologie, j’ai été en mesure de repérer les dispositions pertinentes aux articles 91 et 96.2 de la loi. Ce dernier article stipule que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements.
    Si je me fie à votre témoignage, vous avez dit que le Règlement permettait au chef de l’établissement de fixer certaines limites par rapport aux plaintes vexatoires ou mal fondées. Vous ai-je bien comprise?
    Oui.
    C’est dans le Règlement, mais je ne peux pas le trouver.
    Il s’agit du paragraphe 74(4) du Règlement, que j’ai lu précédemment.
    N’aurait-il pas été...?
    Désolée. C’est même… Le paragraphe indique un supérieur. Donc, techniquement parlant, il n’est même pas nécessaire que ce soit le chef de l’établissement. Le paragraphe dit ce qui suit:
Le supérieur peut refuser d'examiner une plainte présentée conformément au paragraphe (1) si, à son avis, la plainte est futile ou vexatoire ou n'est pas faite de bonne foi.
(1555)
    Bien sûr. Ce projet de loi d’initiative parlementaire vise à accorder au commissaire le pouvoir discrétionnaire de déterminer si les plaintes sont vexatoires ou mal fondées. Donc, cette décision n’est plus de ressort du directeur de la prison ou du chef de l’établissement.
    À mon sens, cette idée devrait être appuyée par les défenseurs des droits des prisonniers comme vous, parce qu’il me semble que les griefs qu’un prisonnier dépose ne mettront pas en cause les gens qui travaillent ici, à Ottawa, sous l’autorité de Don Head; ils vont mettre en cause des gens très près de lui, comme le directeur de la prison peut-être, ou même des gens encore plus proches, comme ceux qui lui servent des pommes de terre ou qui l’enferment dans sa cellule le soir.
    Le fait de retirer ce pouvoir discrétionnaire au directeur de la prison ou au chef de l’établissement pour le confier au commissaire n’est-il pas un des aspects positifs du projet de loi?
    Absolument. Je pense qu’il est avantageux que le grief soit examiné par des gens qui se trouvent à un échelon supérieur.
    La question est de savoir comment ce grief parviendra au commissaire. À moins que j’aie mal lu la procédure, cet acheminement n’est pas décrit clairement. Si vous pouviez m’aider à comprendre la procédure, je vous en serais reconnaissante. Pour que la plainte soit remise au commissaire, il faut qu’elle soit présentée au troisième palier. Nous nous demandons comment une plainte présentée au premier palier pourra finir par être examinée par le commissaire, si l’on empêche déjà la personne d’accéder à ce palier.
    Nous n’avons pas eu de nouvelles du Bureau de l’enquêteur correctionnel, et je ne sais pas si nous en aurons.
    L’une de vous deux pourrait peut-être m’aider à cet égard. Il me semble que le Bureau de l’enquêteur correctionnel est expressément chargé d’enquêter sur de nombreux types de plaintes présentées par les prisonniers. Si la situation demeure la même, et ceux-ci continuent d’avoir le droit de déposer un nombre illimité de griefs, ne remarquez-vous pas un chevauchement en ce qui concerne les fonctions de M. Sapers?
    Si M. Sapers n’était pas en fait un ombudsman, ce pourrait être le cas, car il aurait le pouvoir de dresser un plan d’action. Mais, en réalité, lui et son personnel n’ont pas la capacité d’apporter directement des changements, alors que le commissaire le peut et le tribunal le pourrait. Je m’en remets au Bureau de l’enquêteur correctionnel à cet égard, parce qu’ils seront plus à même de déterminer s’il y a des recoupements dans leurs fonctions. En fait, je ne devrais pas dire cela.
    Je n’ai pas compris votre réponse. Êtes-vous en train de dire que M. Sapers rédige seulement des rapports, et qu’il n’est pas en mesure de recommander certaines mesures relativement à des griefs particuliers?
    Il peut formuler des recommandations concernant les plaintes que son bureau reçoit, mais pas nécessairement concernant les griefs. Certes, je crois comprendre qu’on se plaint parfois que le Service correctionnel du Canada ne suive pas la procédure de règlement des plaintes ou des griefs. Et c’est la raison pour laquelle il a émis des recommandations et que, dans son rapport de 2007-2008, il a examiné la question des griefs et de l’ensemble des mécanismes connexes. Toutefois, lui et son personnel n’ont pas le pouvoir de donner des directives.
    Nous n’avons pas encore entendu des représentants du Service correctionnel du Canada, et j’espère que nous allons les entendre. D’après Mme James, la marraine du projet de loi qui a comparu mardi, un très petit groupe de détenus présentent 15 p. 100 de tous les griefs que le Service correctionnel doit gérer. Il me semble que vos deux organisations, qui recherchent, entre autres, la justice et l’équité, devraient être heureuses que le système soit plus équitable. On devrait offrir à tous les prisonniers le même accès au processus de règlement des griefs, plutôt que de permettre à quelques détenus d’encombrer le système.
    Nous n’avons pas entendu ce que Mme Latimer en pense. Peut-être pourriez-vous formuler des observations concernant la question de l’égalité entre les prisonniers que j’ai soulevée.
    C’est avec plaisir que je parlerai de l’égalité des prisonniers.
    L’efficacité de la procédure de règlement des griefs risque d’être compromise si l’on abuse du système. La difficulté consiste à déterminer s’il s’agit d’une utilisation abusive ou d’une utilisation équitable. Cette détermination peut être difficile à faire au sein d’un système carcéral, parce que des questions qui, pour certains d’entre nous, peuvent sembler assez secondaires sont très importantes pour des personnes dont la vie entière est contrôlée et prescrite par d’autres personnes.
    Il y a des gens atteints de maladies mentales qui ne comprennent pas que leur grief a été refusé et qui présentent un grief identique ou très semblable à celui qu’ils ont déjà déposé, et cela empêche d’autres griefs d’être pris en considération ou retarde leur traitement à un point tel que des problèmes surviennent. Je pense qu’il est, en effet, nécessaire de prévoir une procédure rectificative d’une sorte ou d’une autre et, selon moi, M. Mullin a proposé quelques bons moyens de contrer les nombres élevés de griefs.
    Ce que je trouve troublant, c’est de qualifier certains détenus de plaignants quérulents. Toutefois, je ne vois pas d’objection à ce qu’on les décrive comme des personnes présentant un nombre élevé de griefs, parce que cela ne sous-entend pas nécessairement que les griefs qu’ils présentent sont sans valeur. Mais, si vous les qualifiez de plaignants quérulents, vous portez déjà un jugement, et vous courez le risque que certains des griefs légitimes qu’ils pourraient présenter ne soient pas pris en considération comme ils le devraient, en raison de l’étiquette qu’on leur a apposée.
(1600)
    Je sais que Mme Pate est avocate. Êtes-vous avocate, madame Latimer?
    Oui.
    Donc, vous savez qu’en Alberta…
    Rapidement, s’il vous plaît.
    …les tribunaux civils ont le pouvoir d’établir que des plaideurs sont quérulents, et ces personnes doivent ensuite obtenir l’autorisation d’un tribunal pour déposer une déclaration.
    Savez-vous s’il y a un système comparable en Ontario?
    Je ne connais pas le droit civil, mais je présume que des mesures doivent être prévues à cet effet, comme j’ai déjà défendu un ensemble de…
    Pendant les dernières secondes de mon temps de parole, j’aimerais indiquer que si un civil peut être qualifié de plaideur quérulent, un prisonnier devrait jouir du même droit.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons en rester là. Votre temps de parole a pris fin il y a dix secondes.
    Nous allons maintenant passer à M. Chicoine, qui dispose de sept minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les personnes qui sont venues témoigner aujourd'hui.
    La marraine du projet de loi, Mme James, nous a parlé de ce qui l'avait motivée à déposer ce dernier. Sauf erreur, elle nous a dit que dans le système correctionnel canadien, 15 p. 100 des plaintes étaient déposées par une vingtaine de personnes soit pour passer le temps, soit pour s'amuser, soit pour discréditer l'administration carcérale. Si c'est en effet le cas, on pourra peut-être prendre des mesures pour régler cela.
    Cependant, l'enquêteur correctionnel, à qui on a parlé de ce problème, a dit qu'il s'agissait plutôt d'individus souffrant de problèmes de santé mentale ou de personnes qui, croyant à tort que le délai pour recevoir une réponse était de 10 jours, déposaient par le fait même des plaintes à répétition. C'est semblable au cas d'Ashley Smith, qui soumettait sa plainte encore et encore parce qu'elle n'obtenait pas de réponse.
     Est-il possible que la plupart de ces 20 personnes soumettent des plaintes à répétition parce qu'elles n'obtiennent pas de réponse dans un délai qu'elles croient raisonnable, et non dans le but d'émettre des plaintes frivoles?

[Traduction]

    Selon moi, il est probable qu’il s’agit de tout un éventail de personnes. L’une des choses que l’enquêteur correctionnel a signalées, c’est que certains délinquants sont mieux instruits et ont plus de facilité à écrire que d’autres. Par conséquent, ils ont tendance à présenter un plus grand nombre de plaintes au nom d’autres détenus qui ont du mal à le faire eux-mêmes. Donc, il y a un groupe de plaignants quérulents qui déposent un nombre élevé de griefs parce qu’ils observent des problèmes, qu’ils sont en mesure de rédiger des plaintes et qu’ils sont disposés à dépanner les autres détenus. C’est certain. Le fait qu’ils produisent un grand nombre de plaintes ne signifie nullement qu’elles sont sans objet.
    Il est difficile de déterminer pourquoi certaines personnes se plaignent plus que d’autres. Il se peut aussi que certaines d’entre elles aient des besoins particuliers. J’ai travaillé avec un homme qui avait de nombreux besoins en matière de santé. Le système correctionnel a du mal à gérer les variations en matière de besoins des détenus. Cet homme ne reçoit pas ses médicaments à temps. Peu importe le nombre de griefs qu’il dépose pour dire qu’il a besoin de prendre ses médicaments à telle ou telle heure, il ne les reçoit pas — le système ne peut pas répondre à ses besoins. Il doit donc continuer à présenter des plaintes, parce que c’est la seule façon d’attirer l’attention des gens sur ce problème en particulier.
    C’est un problème chronique du système que les responsables ont du mal à régler.
    J’ajouterais que le rapport produit par le Service correctionnel du Canada indiquait que les plaintes étaient présentées par 10 à 15 prisonniers et, à ce que je sache, c’étaient tous des hommes.
    Dans les prisons pour femmes, la femme que j’ai mentionnée dans le cadre de l’étude sur les droits de la personne — parce que son cas était documenté — déposait, comme Catherine l’a indiqué, des plaintes également au nom d’autres femmes. Elle était instruite et particulièrement cultivée. Elle connaissait la loi et les politiques, et elles les citaient au besoin. On lui a dit qu’elle demeurerait dans un établissement à sécurité maximale plus longtemps si elle continuait de présenter des griefs.
    Manifestement, on n’a jamais envisagé des situations de ce genre dans le cadre du projet de loi — et je ne laisse pas entendre que qui que ce soit les appuie —, mais nous sommes préoccupés par les cas où des gens soulèvent des problèmes.
    Dans les prisons pour femmes, l’inverse se produit. Tout ce qui peut être fait pour étouffer… Nous constatons constamment dans notre documentation, dans celle de l’enquêteur correctionnel, dans celle de la Commission canadienne des droits de la personne, dans celle de Louise Arbour, dans celle de Michael Jackson et dans celle de David Mullan qu’en fait, les femmes ont tendance à ne pas présenter des plaintes parce qu’on les décourage fortement de le faire. Même si la loi indique clairement qu’on n’a pas le droit de chercher à dissuader quelqu’un de le faire — la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit des sanctions pour les gens qui pénalisent des détenus pour avoir déposé des griefs —, en vérité, ce genre de choses se produisent.
    Je dirais que la situation la plus tragique à nous avoir été signalée était celle de Ashley Smith.
(1605)

[Français]

    J'ai parlé du fait que certains détenus plus scolarisés se chargeaient de formuler des griefs à la place d'autres détenus. Mme James m'a dit qu'il était impossible, en vertu de son projet de loi, que ces détenus plus scolarisés soient désignés en tant que plaignants quérulents, étant donné que ce n'était pas leur nom qui apparaissait.
    Êtes-vous du même avis?

[Traduction]

    Selon notre expérience, les femmes sont assurément perçues de cette façon. Cela n’arrive pas tout le temps, et cette situation n’est pas répandue, mais cela s’est déjà produit. Cette mesure législative nous inquiète, car dans les cas où les gens tentent de stopper le processus ou considèrent qu’il est dans leur intérêt de le stopper… Cela nous préoccupe assurément.
    Encore une fois, il y a quelques femmes atteintes de maladies mentales qui, j’en suis consciente, présentent des griefs de manière routinière. Ceux-ci sont légitimes, mais ce ne sont pas nécessairement des problèmes qui peuvent être résolus par la procédure de règlement des griefs. La personne peut, par exemple, vouloir recevoir une visite. La lecture de certaines de ces requêtes est bouleversante. La plupart des agents correctionnels que je connais ne jugeraient pas que ces personnes doivent être qualifiées de plaignants quérulents, même si leurs problèmes ne peuvent être réglés dans le cadre du processus.

[Français]

    Pendant votre exposé, vous avez mentionné brièvement qu'il n'y avait pas de critères déterminés pouvant aider le commissaire à désigner les plaignants quérulents.
     Est-ce que ça vous inquiète vraiment? Croyez-vous que cette lacune pourrait donner lieu à des dérapages?

[Traduction]

    Je crois que c'est possible. Pour revenir à ce que disait M. Rathgeber, je pense qu’il serait préférable que quelqu'un à l'administration centrale, en l'occurrence le commissaire, puisse examiner toutes ces questions. Or, ce n'est pas le cas. D'habitude, quand quelqu’un est menacé d’être désigné plaignant quérulent, cela reste au niveau des établissements. À l’heure actuelle, ce pouvoir relève des pénitenciers. Que ce soit le superviseur, le directeur ou... En général, c'est le remplaçant désigné du directeur qui fait la recommandation. Les femmes et, dans le passé, les hommes avec lesquels j'ai travaillé se feront dire que s'ils continuent de déposer des plaintes, ils risquent d'être désignés de la sorte.

[Français]

    Le rapport du professeur Mullan indiquait qu'on tentait de régler le problème par l'entremise d'un comité de griefs officieux et donnait comme exemple le pénitencier de Donnacona.
    En savez-vous un peu plus sur la façon officieuse dont ce pénitencier traite les griefs?

[Traduction]

    J’ignore ce qui se passe au pénitencier de Donnacona. Je sais que, dans certaines prisons pour femmes, plusieurs détenues et administrateurs correctionnels ont exercé des pressions pour établir des comités de griefs des délinquants. Dans toutes mes années d’expérience avec les détenus, hommes et femmes, je n’ai vu qu’une poignée de ce genre de comités. Chose certaine, il n’y en a jamais eu dans les prisons pour femmes; ces comités existent dans quelques prisons pour hommes. C'est peut-être le cas dans le pénitencier de Donnacona, mais je ne suis pas au courant.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Leef.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Sans vouloir discréditer l'importance de traiter du sujet des griefs et de certaines autres questions que vous avez soulevées, je pense qu’il est un peu tentant pour nous de nous écarter du projet de loi et de commencer à parler de la rapidité à laquelle on règle des griefs, qu'il y en ait un, dix, quinze ou quarante. À mon avis, nous reconnaissons tous ici la valeur du processus de règlement des griefs, l’importance d’un règlement rapide et le rôle crucial que joue ce processus dans le système correctionnel, aux yeux des détenus et du personnel correctionnel.
    Pour ma part, j'aimerais me concentrer sur le projet de loi. Cela rejoint un peu les observations faites par M. Rathgeber, mais j'ai une question à poser à Mme Latimer. Vous avez fait remarquer à juste titre que le dépôt d’un nombre élevé de griefs ne signifie pas nécessairement qu'ils sont frivoles ou vexatoires. Supposons que je sois un détenu et que je présente 250 plaintes légitimes qui finissent toutes par être accueillies. Seriez-vous d’accord pour dire qu'on devrait me laisser présenter ces griefs et les faire entendre en temps opportun, et qu’on ne devrait pas m’imposer un nombre limite de griefs à déposer, si ceux-ci sont bien fondés?
(1610)
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Disons que vous êtes un diabétique insulinodépendant et qu’on ne vous administre jamais votre dose d’insuline à temps. Vous faites donc un grief, et on vous répond: « D'accord, on va essayer d’améliorer les choses. » Mais, le lendemain, la même chose se produit: vous ne recevez toujours pas votre dose d’insuline à temps pour éviter une réaction.
    Je n'irais pas jusque-là, parce que l’administration a tout de même besoin de temps pour s’occuper de certaines questions.
    Disons que j'ai 75 problèmes différents et que je présente 75 griefs, qui sont tous accueillis. Devrait-on m’interdire d’en présenter d’autres par la suite, si j'ai eu gain de cause dans les 75 cas?
    Non.
    Là où je veux en venir, c'est que vous préférez l'approche du professeur Mullan, mais bien entendu, l'idée d’imposer un nombre fixe de plaintes serait, à mon avis, problématique parce que cela limite le nombre de plaintes légitimes.
    Ce que je trouve intéressant — et, en fait, très positif — dans le projet de loi, c'est la partie du début où l’on définit en quoi consistent les plaintes vexatoires. D’entrée de jeu, je dirais que ce ne sont pas toutes les plaintes vexatoires qui remplissent les critères prévus ou qui font l’objet de stipulations interdisant ce recours. Le projet de loi précise qu’il faut « un nombre élevé de plaintes ou griefs […] ». Alors, premièrement, il en faut un nombre élevé et, deuxièmement, ils doivent être vexatoires, mal fondés ou entachés de mauvaise foi. Il faut donc un nombre élevé de plaintes, et celles-ci doivent remplir la condition voulant qu’elles soient vexatoires, mal fondées ou entachées de mauvaise foi. Je crois que c’est un progrès.
    Comme on l'a souligné, c'est déjà quelque peu prévu dans le règlement. La loi et le règlement contiennent des dispositions à cet égard, mais revenons maintenant à ce que disait M. Rathgeber, à savoir que le projet de loi vise à enlever ce pouvoir des mains du personnel de première ligne et des agents de supervision dans les centres correctionnels; à assurer une surveillance accrue; à transmettre les cas au commissaire. Le projet de loi prévoit également une révision judiciaire; une évaluation obligatoire de la situation du délinquant désigné plaignant quérulent, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle; et, enfin, une exemption en vertu de laquelle le décideur ne peut refuser d'entendre une plainte ou un grief qui pourrait entraîner des conséquences irrémédiables, graves ou défavorables. Je pense qu'on ne trouve pas actuellement de telles dispositions dans le règlement.
    N'êtes-vous pas d'avis que ces trois dispositions sont des mesures très positives qui permettent de protéger les détenus dans le cadre du processus de règlement des griefs et qui ne sont pas prévues pour l'instant ni dans la loi ni dans le règlement?
    Ce qui me laisse perplexe, c'est la façon dont cela sera appliqué.
    Commençons peut-être par répondre à la question de savoir si c'est positif ou non, au lieu de parler de la façon dont ce sera appliqué. Je vous invite à...
    Cela dépend de ce que vous entendez par vexatoire...
    Eh bien, disons...
    Non, cela dépend vraiment de la définition. Je ne pourrai pas répondre à la question tant que vous ne m'aurez pas dit ce que vous entendez par vexatoire.
    Eh bien, nous pourrions consulter le dictionnaire et voir ce que le terme « vexatoire » signifie. En ce qui concerne le commissaire du Service correctionnel du Canada, je pense qu'on pourrait probablement lui donner une certaine latitude afin qu'il s'appuie sur son jugement professionnel et mette à profit son expérience au moment d'utiliser des normes communes à ce sujet. Je ne pense pas que nous allons créer notre propre définition de ce terme, n'est-ce pas?
    Permettez-moi de vous poser de nouveau la question. Trouvez-vous positif l'ajout de dispositions, qui n'existent pas en ce moment dans la réglementation, pour protéger les griefs contre « des conséquences irrémédiables, graves ou défavorables pour le plaignant si telle plainte ou tel grief n'est pas réglé », pour assurer une révision judiciaire de la désignation ou pour effectuer une évaluation tous les six mois? Trouvez-vous ces mesures positives?
    Je pense qu'elles sont toutes positives.
    Merci.
    Nous savons qu'il y a des plaintes dans le milieu correctionnel, et je dis cela d'expérience, en tant qu'ancien directeur adjoint des opérations chargé d'un établissement mixte à niveaux de sécurité multiples. On reçoit beaucoup de plaintes qui ne sont pas légitimes ou qui sont entachées de mauvaise foi — par exemple, quelqu'un qui se plaint que sa crème glacée est trop froide.
    Eh bien, nous avons entendu ici.... Et je n'ai pas l'information sur moi; je pense qu'il vaut mieux poser la question au personnel du Service correctionnel du Canada. Quoi qu'il en soit, vous avez de l'expérience dans le milieu correctionnel; vous connaissez peut-être certains renseignements ou vous y avez accès. S'il s'agit de 20 personnes qui déposent plus de 500 plaintes, connaissez-vous les statistiques actuelles, puisqu'il s'agit d'une poignée de personnes? Tous ces 20 détenus souffrent-ils de problèmes de santé mentale?
(1615)
    Je ne les connais pas, mais je suppose que non. Comme je l'ai dit, certains d'entre eux agissent pour le compte de détenus qui sont incapables de déposer ou de formuler eux-mêmes des griefs. D'autres encore pourraient souffrir de paranoïa.
    Si les griefs présentés pour le compte d'autres détenus étaient légitimes et bien fondés, il serait alors juste de leur permettre de faire cela, n'est-ce pas?
    Oui.
    Je suis d'accord avec vous là-dessus. En revanche, si les griefs sont frivoles, vexatoires ou entachés de mauvaise foi, est-il toujours raisonnable de leur permettre de faire cela pour le compte d'autrui?
    Là encore, je dirais que cela dépend de la définition et de la personne qui prend la décision.
    J'ai déjà parlé de ce point. Supposons que M. Norlock me dise: « Monsieur Leef, vous êtes bon en rédaction. Ma crème glacée est trop froide. Pouvez-vous déposer une plainte en mon nom et expliquer la situation? » Selon vous, est-il raisonnable que je dépose une plainte pour le compte de cet autre détenu et ce, à de nombreuses reprises, du fait que j'ai de bonnes compétences en rédaction?
    Et si on lui servait toujours de la crème glacée ramollie? Si ses desserts étaient toujours...? À vrai dire, on ne sert plus de dessert aux détenus.
    Là, vous vous éloignez du... Vous parlez maintenant de plaintes légitimes. Si c'est légitime, alors je n'ai pas de problème: qu'on dépose autant de plaintes qu'on veut. Ce qui nous intéresse, ce sont les plaintes frivoles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi. Je ne parle pas de plaintes légitimes; c'est une bonne chose, et je n'ai rien contre cela.
    Notre temps est écoulé, mais je vais vous lire....
    Nous avons eu la chacune d'entendre Mme James, la marraine du projet de loi, nous expliquer en quoi consistent les plaintes vexatoires. Voici la définition qu'elle a donnée et dont le commissaire tient compte dans sa directive:
Vexatoire ou entaché de mauvaise foi: qualifie une plainte ou un grief que le décideur estime, selon la prépondérance des probabilités, être présenté principalement: (a) dans le but de harceler; (b) à une autre fin que celle de réparer un tort présumé; ou (c) pour perturber ou discréditer le processus de règlement des plaintes et griefs.
    On permet quand même une certaine latitude. Il faudra donc prendre une décision. Toutefois, celle-ci est limitée à la question de savoir s'il s'agit d'un harcèlement...
    Je me sens plus à l'aise de qualifier une plainte de vexatoire qu'un plaignant de quérulent.
    Je comprends.
    Monsieur Scarpaleggia, on vous écoute.
    Vous avez fait mention d'examens externes. Que vouliez-vous dire par là?
    Plusieurs recommandations ont été faites à différents moments. Louise Arbour a recommandé une surveillance externe dans les cas où il y a de graves préoccupations, comme ce qui s'est passé dans la prison pour femmes; cela comprend le recours fréquent à la ségrégation, les mesures qui ont depuis été répétées, notamment celles qui ont entraîné la mort d'Ashley Smith. D'ailleurs, les détails de cette affaire ont été documentés et récemment rendus publics. Selon la recommandation de Mme Arbour, s'il y a interférence correctionnelle avec l'administration légitime d'une peine, on devrait disposer de mécanismes de révision judiciaire pour revoir ces cas.
    Je suis désolé, je ne suis pas avocat, mais quel est le lien avec les plaintes vexatoires? Insinuez-vous par là — vous ou quelqu’un d’autre — que la décision devrait être prise non pas par le surveillant, ni même le commissaire, mais bien par une sorte de comité d'examen externe qui serait chargé de trancher l'affaire ou de revoir la décision? Je suis d'accord avec vous pour dire qu’il n'est pas pratique d'aller en cour. Les détenus ne disposent pas de ressources pour le faire, etc.
    Pouvez-vous envisager une sorte de système dans lequel un comité pourrait avoir l'occasion de renverser la décision du surveillant, avant même que le cas ne soit transmis au commissaire?
    Je suppose que cela pose un problème, parce que si la décision d'un surveillant est annulée trop de fois, son autorité est diminuée au sein de l'établissement. Il va sans dire que ces établissements reposent nécessairement sur l'autorité.
    Il y a deux points qui m'inquiètent. D'abord, il n'y a pas vraiment de mécanisme d'appel, mis à part la possibilité de s'adresser à la Cour fédérale. À cet égard, c'est comme le projet de loi C-31, qui porte sur l'immigration, mais je n'entrerai pas là-dedans. Bref, il y a toujours la possibilité d'aller en cour. Or, ce n'est pas nécessairement pratique.
    Voici ma deuxième question. Disons qu'un détenu n'arrête pas de se plaindre de tout et de rien, si bien qu'il est désigné plaignant quérulent. Du coup, le gardien sait maintenant que cet individu est vulnérable parce qu'il ne peut pas vraiment se plaindre aussi facilement. Il se crée donc une sorte de rivalité: le détenu désigné, à juste titre, plaignant quérulent, fait alors l'objet de récrimination ou souhaite faire une plainte légitime.
    Aux termes du projet de loi, si j'ai bien compris, la personne peut quand même faire une plainte, mais le fardeau de la preuve est plus élevé. Qu'entend-on au juste par là? Si quelqu'un se plaint que le gardien ne le laisse pas sortir à temps pour aller à la cour de la prison, comment prouver cela? Qu'est-ce que cela signifie? Quelle sorte de preuves supplémentaires faudrait-il présenter? Le projet de loi n'apporte aucune précision à ce sujet.
    Je ne sais si vous pouvez faire quelques observations là-dessus.
(1620)
    Je partage les préoccupations que vous venez d'exprimer. Presque toutes les personnes qui ont examiné le projet de loi, notamment Louise Arbour et la Commission des droits de la personne, ont dit qu'il s'agit là d'une source de préoccupation constante. C'est souvent la parole du détenu contre celle du personnel.
    Je vais prendre une fois de plus l'exemple d'Ashley Smith, parce que les détails de cette affaire vont bientôt être rendus publics. Dans les documents, le personnel avait indiqué qu'elle était impossible à maîtriser; pourtant, les vidéos montrent tout à fait le contraire. Alors, on peut difficilement imaginer comment... Elle aurait très bien pu être désignée plaignante quérulente si elle en avait eu l'occasion ou si ses griefs avaient été pris au sérieux. Au bout du compte, elle en a déposé très peu. Et ceux qu'elle a déposés portaient sur des choses très graves. Mais, de toute façon, ils n'étaient pas pris au sérieux.
    Vous avez exprimé une préoccupation très légitime concernant la façon d'établir un mécanisme d'examen. Ce qui nous inquiète, c'est que la loi prévoit déjà toutes sortes d'examens qui... M. Leef a expliqué qu'on peut revoir la situation du délinquant qui a été désigné plaignant quérulent. Rien n'empêche l'exercice de ce droit. Toute mesure qui contribuerait à la capacité des détenus de contester... Je ne sais pas comment ils seraient en mesure de le faire de façon légitime.
    Je pense que tous les six mois, on évalue la désignation du délinquant comme plaignant quérulent. Je ne sais pas qui fait cette évaluation. Je devrai examiner le projet de loi une autre fois. Si un député d’en face connaît la réponse, j’aimerais le savoir.
    On dit ceci: « le directeur du pénitencier veille à ce que soit établi un plan en vue d’aider… ».
    Avez-vous le sentiment que les plaintes vexatoires bloquent le système?
    Ce n’est pas le sentiment que j’ai. Je pense que dans des situations où des gens ont déposé des plaintes abusives — et seulement une ou deux ont été portées à mon attention auparavant —, on a réglé la situation.
    J’imagine que le fait de se plaindre constamment que sa crème glacée est trop froide constitue une plainte pour la forme, et je pense qu’on obtiendrait chaque fois une réponse pour la forme.
    Voici les situations faisant l’objet de plaintes que je connais le mieux: être fouillé à nu alors que la loi ne prévoit pas de mesure en ce sens; se voir refuser l’accès à des programmes alors que c’est nécessaire pour terminer un plan de traitement correctionnel; être placé en isolement sans recevoir les documents requis; être tenu en isolement pendant de longues périodes et être privé de ses effets gardés en cellule ou de ses droits; se voir refuser l’accès à la cour lorsque ce ne devrait pas être le cas; se voir refuser l’accès à des cérémonies s’il s’agit de prisonniers autochtones; ou, comme dans le cas d’Ashley, ne pas pouvoir connaître les objectifs de son plan de traitement correctionnel ou obtenir des renseignements relatifs à sa sortie, et ne pas recevoir d’aide pour l’examen de ses conditions de détention.
    L’autre question dont je veux parler, c’est la recommandation de M. Mullan qui consiste à fixer un plafond sur le nombre de plaintes. M. Leef a soulevé un bon argument: et si toutes ces plaintes étaient fondées? En fixant un plafond, on viole en quelque sorte les droits du plaignant. Dans les faits, si un plafond — je ne sais pas — de 200 plaintes par année est imposé, quelles sont vraiment les possibilités qu’elles soient toutes légitimes? Il n’y a qu’un certain nombre de choses qui peuvent se produire dans un milieu carcéral. Une plainte porte nécessairement sur la nourriture ou l’incarcération.
    En théorie, j’adopte le point de vue de M. Leef, mais dans les faits, je pense que si le plafond est atteint, les possibilités que toutes les plaintes soient légitimes sont minces ou presque nulles.
    Merci, monsieur Scarpaleggia.
    Vous pouvez répondre brièvement, si vous le voulez.
    Je ne vois aucune mention d’un plafond. Il mentionne le chiffre 300, mais je...
    Une voix: Non, on dit que...
(1625)
    D'accord, merci.
    Nous passons maintenant au Nouveau Parti démocratique. Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Madame Morin, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je voudrais d'abord remercier Mme Pate et Mme Latimer d'être parmi nous aujourd'hui.
    Plus tôt, on a mentionné brièvement les personnes atteintes de problèmes de santé mentale. On a parlé de plaintes frivoles. Or, certaines choses peuvent nous sembler frivoles, mais ne pas être perçues de cette façon par un détenu ou une personne aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Est-il possible que ce projet de loi ne permette plus de distinguer les gens souffrant d'un problème de santé mentale qui auraient besoin d'aide et, par le fait même, d'éviter des accidents déplorables comme celui dont Mme Smith a fait l'objet, par exemple?

[Traduction]

    Je suppose qu’il y a toujours un risque. À l’heure actuelle, on est préoccupé par le fait que trop souvent, les plaintes ne sont pas prises au sérieux dans ce genre de situation.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Catherine a une correction à apporter. Elle a trouvé le passage en question. M. Mullan a dit qu’il considérerait comme un auteur de griefs multiples une personne qui « a déposé plus d’une centaine de plaintes et de griefs au cours des 12 mois précédents ».
    Je ne veux pas déformer ses propos.
    Veuillez continuer, madame Morin.

[Français]

    Merci.
    Le projet de loi C-10 va entrer en vigueur sous peu, alors que la population carcérale va inévitablement augmenter, tout comme les problèmes de gestion des plaintes.
    Le fait d'empêcher les détenus de se plaindre ne risque-t-il pas d'entraîner dans les prisons des représailles et de la violence pouvant constituer une menace à la sécurité publique? Confirmez-vous cette hypothèse?

[Traduction]

    L’ombudsman de l’Ontario, qui a vu... Dans bien des cas, la population des prisons ontariennes augmente. Au cours des 18 derniers mois environ, il a remarqué une hausse importante du nombre de plaintes pour des cas de violence à l’égard des détenus, exercée soit par d’autres détenus ou par des gardiens. Il fait une enquête très détaillée sur la violence au sein du système correctionnel ontarien.
    On sait très bien qu’une augmentation du nombre de détenus et de cellules qui seront à double occupation entraînera plus de problèmes de violence.
    Comme nous l’avons dit, il y a déjà, dans la loi, le Comité d'examen des griefs des détenus, qui n’a pas été mis en place. La loi permet l’établissement d’un comité composé d’un nombre égal de détenus et de membres du personnel. Ils peuvent alors examiner les plaintes et déterminer s’il est légitime d’y donner suite.
    Il me semble évident qu’encourager la mise en oeuvre de ce processus dans toutes les institutions, surtout compte tenu du nombre qui augmente et du moins grand nombre de possibilités d’emplois, est un moyen de donner de la formation à des gens liée à ce processus: comment faire des plaintes légitimes, comment soulever ses préoccupations.
    À l’occasion du forum qui s’est tenu l’autre jour, vous avez rencontré un certain nombre de femmes qui sont passées par ce type de processus. Ce sont des aptitudes qui sont transférables. Lorsqu’on entre dans la collectivité, on peut se défendre soi-même.
    Il me semble que ce processus pourrait être mis en oeuvre — établir des comités d'examen des plaintes et des griefs des détenus dans toutes les institutions et fournir un processus plus équitable.

[Français]

    Justement, dans le rapport Mullan, il était question de régler certaines plaintes de façon un peu plus informelle. On dit que cela pourrait régler environ 45 p. 100 des plaintes, lesquelles n'auraient pas nécessairement à franchir un niveau hiérarchique supérieur, ce qui allégerait énormément le processus.
    Finalement, en discutant avec vous, j'en viens peut-être à la conclusion que c'est le système de plaintes au complet qu'il faudrait réformer. Il ne s'agit pas seulement de s'attaquer aux cas marginaux, mais il faudrait réformer le système de plaintes au complet, dans la population carcérale.

[Traduction]

    C’est ce que nous recommandons depuis un certain nombre d’années, de même que Louise Arbour et bon nombre d’enquêteurs correctionnels. Il serait avantageux de voir une consolidation de ce processus pour que les détenus soient capables de purger leur peine d’une façon respectueuse de la loi et des règles.
(1630)
    Merci beaucoup, madame Morin.
    Nous passons maintenant à Mme Hoeppner. Allez-y s'il vous plaît; vous disposez d'au moins trois minutes.
    Eh bien, vous en avez cinq, mais nous allons...
    D'accord. Merci beaucoup.
    Je veux remercier les deux témoins de leur présence.
    Il y a deux jours, nous avons entendu le point de vue de Mme James sur le projet de loi, et nous avons une idée de ce qui suscite des préoccupations. Il semble que l’opposition craint que le projet de loi donne trop de pouvoir au commissaire, et qu’il pourrait en abuser; c’est ce qui a été avancé.
    En fait, l’un des députés parlait du scénario suivant:
    Qu'arrive-t-il si une personne n'a pas agi de bonne foi... et qu'elle est considérée comme étant un plaignant quérulent et si, quelques jours plus tard, un gardien fait quelque chose? Sachant que la personne a été désignée comme telle et qu'elle a désormais les mains liées, un gardien décide de profiter de la situation et de dire au contrevenant ses quatre vérités.
    Est-ce la même chose pour vous? Craignez-vous que nos agents correctionnels profitent de la situation et que, s’ils en ont l’occasion, « ils disent au contrevenant ses quatre vérités », comme le député l’a dit?
    Je pense que dans tous les services sociaux, il y a un risque que des gens agissent de façon inappropriée. Généralement, craignons-nous que quelqu’un fasse volontairement du tort à des gens? Non, mais nous avons beaucoup trop d’exemples de cas — Ashley Smith en est un — où malheureusement, à cause de la mentalité de certaines personnes, des gens soient traités de façon inhumaine et injuste.
    Vous craignez donc vous aussi…
    Je crains aussi que ce soit possible.
    … qu’un agent correctionnel puisse...
    La plupart des agents correctionnels que je connais, et à mon avis, la plupart de ceux qui font partie du système, appuieraient le processus de règlement des griefs et conviendraient qu’il est nécessaire de l’établir pour cette raison et pour que les gens puissent avoir des moyens légitimes. Il est certain qu’il y a des exceptions.
    Merci.
    M. Francis Scarpaleggia: Puis-je seulement préciser la déclaration…
    Mme Candice Hoeppner: Vous ne voulez pas me laisser terminer?
    M. Francis Scarpaleggia: Oh, d'accord.
    Nous terminons.
    Je veux seulement dire brièvement quelque chose.
    Je vous remercie. C’est ce qui m’amène à ma prochaine observation.
    Nous appuyons tous le processus de règlement des plaintes. Je pense que lorsque le commissaire comparaîtra, il sera intéressant de savoir comment le processus fonctionne exactement. Toutefois, d’après ce que dit le projet de loi, les gens ont la latitude de faire des plaintes vexatoires, ce qui laisse une marge de manoeuvre pour les gens qui ont un problème de santé mentale; ou ils peuvent avoir un problème qui ne nous semblerait peut-être pas valable, mais qui l’est pour eux. Le projet de loi donne une marge de manoeuvre, car il ne précise pas si l’on fait une plainte vexatoire qui, en passant, « désigne un acte, ou la source d’un acte, qu’on soulève sans motifs valables, simplement pour causer des tracas au défendeur ». C’est ainsi que Webster définit l’équivalent anglais de «vexatoire ». Le projet de loi permet aux gens de le faire. Il permet que des plaintes vexatoires soient déposées. Il ne permet pas que quelqu’un présente un nombre élevé de plaintes ou de griefs vexatoires, mal fondés ou entachés de mauvaise foi.
    Je ne comprends pas, et j’aimerais vraiment comprendre, car je sais que vous défendez toutes les deux des détenus. Je pense vous avoir déjà dit que j’ai fait du bénévolat au pénitencier de Stony Mountain pendant de nombreuses années, et je pense que beaucoup d’espoir et de soulagement peuvent être apportés aux détenus. Je pense seulement que c’est un bon projet de loi qui en fait donnera une plus grande marge de manoeuvre aux gens qui font des plaintes légitimes, comme ceux dont vous avez parlé quand vous avez dit que lorsqu’on vous met au courant d’une plainte, il s’agit de gens qui n’ont pas de plan ou qui n’ont pas accès à un programme de traitement. Toutes ces plaintes doivent être traitées. J’imagine que je ne comprends pas.
    Il serait tellement agréable que des demandeurs viennent nous dire que c’est un pas dans la bonne direction, qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais que c’est un pas dans la bonne direction. C’est parfois décevant de voir qu’il faut en faire tellement pour obtenir de bons commentaires, alors que nous tentons vraiment de faire ce qu’il y a de mieux pour notre système correctionnel. Ce processus de règlement des plaintes doit être rigoureux. Les détenus doivent savoir qu’ils peuvent compter là-dessus et qu’ils ne seront pas pénalisés. Je pense que c’est ce que le projet de loi permet.
    J’espère que vous examinerez à nouveau le projet de loi, et que nous pourrons compter sur votre appui.
    Je trouve regrettable que nos propos soient perçus de cette façon. Je pense que la loi le prévoit déjà. Je pense que le souhait de consolider le processus de règlement des plaintes et des griefs n’est pas nécessairement exprimé dans le projet de loi. En fait, il pourrait être exprimé de façon très différente, par une recommandation du cabinet, peut-être — non pas qu’il m’appartient de dire à quiconque comment faire son travail —, mais je les incite à encourager le processus plutôt que dépenser beaucoup de temps, d’énergie et d’argent pour un projet de loi.
    Ne voyez-vous pas des éléments positifs dans le fait d’empêcher qu’un nombre élevé de plaintes mal fondées soient déposées? Ne voyez-vous pas quelque chose de positif à cet égard?
(1635)
    Nous n’avons jamais contesté cela.
    D’accord, donc c’est un pas dans la bonne direction.
    Il n’est pas nécessaire d’adopter des mesures législatives. Nous en avons déjà. Nous ne nous opposons donc en rien…
    D’accord. Vous vous opposez donc au fait que c’est le commissaire qui prendrait la décision.
    Non. C’est que les dispositions existent déjà. Le ou la commissaire peut le faire ou peut confier la tâche à un superviseur. Les mécanismes peuvent être en place. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de mécanismes pour garantir la protection. Notre crainte au sujet du processus de règlement des griefs ne concerne pas les plaintes vexatoires, mais bien toutes les plaintes qui sont traitées. Cela n’a donc rien à voir avec le fait de ne pas appuyer…
    Ce n’est pas cela. Vous parlez de quelque chose de complètement différent, au sujet des plaintes légitimes qui ne sont pas traitées en temps opportun. Toutefois, vous approuvez l’idée de pouvoir désigner une personne plaignant quérulent?
    Nous ne nous sommes jamais opposés à cela. Le problème, c’est qu’il n’est pas nécessaire de l’établir dans un projet de loi. Nous préférerions que l’argent des contribuables ne soit pas gaspillé.
    Merci beaucoup.
    Vous nous avez donné de bonnes questions à poser au commissaire, et nous vous en remercions. Certains des arguments que vous venez de soulever… Lorsque le commissaire comparaîtra devant le comité, nous lui poserons des questions sur le processus.
    De plus, au nom du comité, ou en mon nom en fait, nous vous présentons nos excuses. Je crois comprendre qu’il nous a fallu changer de salle après que la confirmation a été envoyée à Mme Pate et à Mme Latimer et qu’elles n’ont pas reçu les renseignements à jour. Donc, vous vous êtes dépêchées pour arriver ici, et nous sommes ravis que vous ayez tout fait pour arriver le plus vite possible. Nous méritons le blâme.
    Je vous remercie de votre présence.
    Nous allons suspendre la séance, et nous passerons à huis clos pour les travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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