Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 034 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 novembre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs.
    Malheureusement, nous devons participer à un vote auquel nous serons appelés dans moins d'une demi-heure. Il nous reste assez de temps pour que chaque témoin présente un exposé pendant un maximum de huit minutes. Ce sera ensuite presque l'heure d'aller voter. J'invite les témoins intéressés à attendre que notre second groupe de témoins présente ses exposés. Nous pourrions alors poser nos questions à tous les témoins présents. Autrement, nous n'aurons pas le temps de vous interroger.
    Monsieur le président, il nous restera près de 12 minutes après les deux premiers exposés de huit minutes.
    Il y a trois exposés, qui totaliseront 24 minutes. Cela signifie qu'il ne nous restera pas grand-chose.
    Monsieur Cash.
    Compte tenu du fait que nous venons tout juste d'entreprendre cette étude et que nous avons des témoins ici, je voudrais, par respect pour eux et pour le processus, proposer une motion pour consacrer demain une réunion supplémentaire à l'étude.
    Quelqu'un veut-il intervenir au sujet de cette motion?
    Non, nous ne l'appuierons pas.
    Je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne faut, puisqu'ils viennent de dire non et que nous sommes vraiment pressés, à moins que vous ne teniez à déposer une motion. Toutefois, la majorité a déjà dit non.
    La majorité a dit non, ce qui signifie que le gouvernement refuse de prolonger l'étude.
    Très bien. Je ne prendrai donc pas davantage de temps.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous entendrons en premier Me Peter Showler, de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.
    Je vous demande, maître Showler, de vous limiter à huit minutes. La parole est à vous.
    Je suis l'ancien président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Pendant les 10 dernières années, j'ai enseigné le droit des réfugiés à l'Université d'Ottawa, mais je suis ici aujourd'hui à titre de porte-parole de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.
    Nous vous avons fourni un mémoire écrit qui explique les raisons pour lesquelles les demandeurs d'asile doivent continuer à bénéficier de l'aide sociale. Par conséquent, notre association vous demande soit de rejeter les amendements, soit de les modifier de façon à permettre aux réfugiés et aux demandeurs d'asile de continuer à bénéficier de l'aide sociale partout au Canada.
    Je vais essayer, dans le court laps de temps qui m'a été accordé, d'aborder très rapidement six questions. La première — j'espère que cela est clair — est que le projet de loi permet aux provinces de refuser l'aide sociale aux réfugiés. Le libellé proposé ne mentionne que certains groupes, notamment les citoyens et les résidents permanents, qu'il est interdit d'exclure de l'aide sociale. L'amendement proposé permet aux provinces de refuser de verser des prestations aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, qui seront donc assujettis à toute condition d'admissibilité fondée sur la période de résidence parce que leur admissibilité à l'aide sociale ne commence qu'au moment où ils présentent leur demande de statut de réfugié. Par conséquent, c'est dans cette première période qu'ils sont les plus vulnérables. Ce point est important.
    Voilà, de toute évidence, ce qu'implique le processus de traitement des réfugiés. Au chapitre de l'aide sociale, il n'y a aucune distinction entre réfugiés et demandeurs d'asile. Cet aspect a parfois été contesté, mais il n'y a pas de distinction dans les faits. En effet, lorsque ces gens présentent leur demande, les autorités cherchent à décider si, oui ou non, ils satisfont à la définition de réfugié.
    Au premier stade de ce processus, avant d'en arriver à la Section de la protection des réfugiés, près de 50 % des demandeurs sont acceptés comme réfugiés. Il importe de retenir ce chiffre.
    Deuxièmement, même ceux qui sont rejetés au premier niveau ont la possibilité soit de s'adresser à la Section d'appel des réfugiés de la CISR, soit de demander un examen judiciaire.
    Je peux vous dire que sur une base statistique — il convient de noter que les statistiques sont très compliquées, et je pourrais vous en parler en détail si vous avez des questions à me poser à ce sujet —, on peut admettre sans trop craindre de se tromper que 60 % des demandeurs d'asile sont en définitive acceptés. Je tiens à souligner ce chiffre dès le départ car, si vous pensez que vous ne refusez l'aide sociale qu'à des demandeurs, vous devrez bien admettre que 60 % d'entre eux seront finalement acceptés comme réfugiés. À mon avis, c'est le premier point important à retenir.
    Quant au facteur temps, nous ne savons pas quelle sera la période d'admissibilité. Elle pourrait varier d'une province à l'autre, mais la première étape du processus dure en général quatre mois. Ensuite, les demandeurs qui font appel ou demandent un examen judiciaire attendent environ neuf autres mois avant d'être finalement acceptés ou rejetés.
    Il est important de garder à l'esprit le fait que seulement 3 % des demandes de statut de réfugié sont jugées dénuées de tout fondement. C'est en fait le pourcentage — je n'aime pas parler de « faux réfugiés » — des demandes frauduleuses. Elles ne représentent vraiment que 3 % de l'ensemble.
    Je cherche à faire ressortir cet aspect pour montrer que, si des gens sont refusés à titre de réfugiés, cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas présenté leur demande de bonne foi. Nous savons que, dans la majorité des cas, leur demande a été refusée pour des raisons techniques, même s'ils sont finalement expulsés. Ils avaient agi de bonne foi et se trouvaient légalement au Canada. Par conséquent, ils avaient droit à l'aide sociale pendant tout le processus d'examen de leur demande jusqu'au moment où elle est soit acceptée soit refusée, et où ils sont eux-mêmes renvoyés du Canada. À ce moment, ils n'ont évidemment plus besoin de l'aide sociale.
    Quant à savoir pourquoi les réfugiés ont besoin de l'aide sociale, le besoin désespéré d'aide qu'ont la plupart d'entre eux devrait être évident pour tout le monde ici. Je suis sûr que ma collègue, Mme Loly Rico, vous en dira davantage à ce sujet. En majorité, les réfugiés n'ont aucun moyen de subsistance. Ce n'est pas le cas de tous, mais nous ne parlons ici que des réfugiés sans moyens, qui forment la majorité des demandeurs.

  (1535)  

    Il est important de comprendre qu'ils n'ont pas le droit de travailler. Beaucoup d'entre eux ne demanderaient pas mieux que de travailler. Certains sont autorisés dès le départ à présenter une demande de permis de travail, mais ils doivent attendre au moins trois mois avant de recevoir le permis. S'ils font partie de certaines catégories, la période d'attente peut aller jusqu'à six mois. Nous parlons de gens qui, en l'absence d'aide sociale, n'ont aucun moyen de subsistance.
    De plus, même parmi ceux qui sont autorisés à travailler, beaucoup ne sont pas aptes à l'emploi: les enfants, les personnes âgées et les demandeurs ayant un handicap physique ou psychologique découlant peut-être des persécutions qu'ils ont subies ou du long périple qu'ils ont eu à faire pour arriver au Canada. Pour la même raison, je dirais que bien des réfugiés — et cela devrait être évident pour chacun — sont des gens vulnérables à cause de la nature même de leur situation.
    L'une des raisons pour lesquelles notre association se présente devant le comité aujourd'hui, c'est que nous connaissons nos demandeurs. Nous savons pourquoi ils sont tellement vulnérables. Parfois, ils ne connaissent ni l'anglais ni le français et ne savent rien du Canada. Souvent, ils sont terriblement effrayés et éprouvent une grande confusion, surtout dans les deux, trois ou cinq mois — c'est la période dont nous parlons — pendant lesquels ils sont privés de l'aide sociale. Il est important de le comprendre.
    Le point suivant, qui est également très important, est que, sans moyens de subsistance, il est quasi impossible pour un demandeur d'asile d'étayer sa demande. Vous voudrez peut-être savoir pourquoi. Tout d'abord, les réfugiés n'ont pas tous accès à l'aide juridique. Près de 70 à 75 % en bénéficient, mais, peu importe qu'ils aient ou non accès à cette aide, il y a beaucoup de frais liés à une demande de statut de réfugié qui ne sont pas couverts par l'aide juridique. Par exemple, il est souvent extrêmement difficile pour eux d'obtenir des documents de leur pays d'origine. Il y a aussi les frais de reproduction. Vous vous interrogerez peut-être sur ces frais, mais ils peuvent s'élever à quelques centaines de dollars. Il y a aussi les frais de traduction et d'interprétation qui ne sont pas couverts par le gouvernement. Il y a les frais de transport. Si on est vraiment indigent, comment peut-on se rendre à plusieurs reprises, avec ses deux enfants, au bureau de l'avocat et aux locaux de la commission?
    Si une personne est complètement démunie, elle ne sera pas en mesure d'étayer sa demande, ce qui compromet l'équité de tout notre système de traitement des réfugiés.
    C'est une mauvaise idée.
    J'examine en détail dans mon mémoire les responsabilités juridiques du Canada envers les réfugiés, à titre de pays hôte. Je n'aborderai pas le sujet ici sauf pour dire que nous avons des obligations tant nationales qu'internationales. Elles figurent dans le mémoire. Toutefois, je dirai qu'en vertu du paragraphe 91(25) de la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a des responsabilités envers les réfugiés. En fait, c'est lui qui assume l'essentiel de la responsabilité à cet égard.
    Bien que je n'aie pas le temps de vous donner lecture de toutes les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, je voudrais vous citer un petit passage des objectifs de la loi, qui est ainsi libellé:
3(2)a) ... le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution…
    C'est l'objectif primaire de la loi et la responsabilité du gouvernement fédéral. Je pourrais donc demander, en me fondant sur le libellé de la loi et en mettant de côté la terminologie juridique: de quelle façon sauvons-nous des vies et protégeons-nous des personnes en les privant de nourriture et en leur refusant un toit, des soins médicaux et des articles de première nécessité?
    J'ai deux autres choses à vous dire. La première concerne ce que font les autres pays. J'ai souvent comparu devant votre comité. Quand M. Kenney déposait des projets de loi modifiant le régime des réfugiés, il faisait souvent la comparaison avec d'autres pays développés et, en particulier, avec le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces trois pays, de même que l'Allemagne, offrent l'aide sociale. Nous n'avons eu le temps d'examiner en détail que quatre pays. Ils assurent tous le logement, la nourriture, les soins médicaux et les articles de première nécessité. Ils le font de différentes façons. Certains offrent du logement, mais tous le font. Aucun ne laisse les réfugiés complètement démunis. Si vous le souhaitez, je pourrais vous montrer un tableau comprenant plus de détails.
    Le dernier point que je voudrais aborder…

  (1540)  

    Faites-le rapidement, s'il vous plaît.
    D'accord. C'est mon dernier point.
    C'est important parce que certains ont affirmé que ces changements n'enlèvent rien aux réfugiés. Ils ne font que modifier les normes nationales régissant le versement du transfert social. La suppression de l'aide sociale aux réfugiés sera réalisée séparément par chaque province et non par ce projet de loi.
    Je dois dire — et je m'en excuse d'avance — que c'est un argument hypocrite qui ne convaincra personne.
    Je vous remercie. Cela faisait une bonne conclusion. Je regrette, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous entendrons maintenant M. Bissett, qui comparait à titre personnel.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'appuie les modifications proposées de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces parce que je les trouve sensées et rationnelles. Les provinces sont chargées de définir les critères de résidence en vertu de la Loi canadienne sur la santé et sont également responsables de la gestion de l'aide sociale dans leur territoire. Je trouve logique que le gouvernement fédéral respecte ses propres principes en permettant aux provinces de remplir leurs fonctions sans ingérence. Je crois que c'est un anachronisme qui subsiste dans la loi et qui devrait disparaître. Il ne faut pas perdre de vue que les provinces n'ont nullement l'obligation d'apporter des changements. Il s'agit de supprimer des restrictions qui leur étaient imposées et de leur permettre, si elles le souhaitent, d'imposer des conditions de résidence aux demandeurs d'aide sociale.
    Les seuls groupes susceptibles d'être touchés, comme l'a mentionné Me Showler, sont les travailleurs temporaires étrangers, les étudiants étrangers et les visiteurs qui se trouvent au Canada. Les fonctionnaires qui ont comparu devant vous ont signalé que les membres de ces trois groupes ne reçoivent l'autorisation d'entrer au Canada que s'ils peuvent prouver qu'ils peuvent se suffire à eux-mêmes et peuvent assumer leurs frais de logement et le prix des soins dont ils pourraient avoir besoin.
    Si une province souhaite imposer des conditions de résidence — ce qui est peu susceptible de se produire —, les deux groupes pouvant être touchés sont les demandeurs d'asile et les groupes que je viens tout juste de mentionner. Dans le cas des premiers, la situation me semble problématique. Toutefois, en examinant les choses de près, on se rend compte que les membres de ce groupe auraient accès à de nombreuses formes d'aide, financières et autres, si une province insistait pour imposer des conditions de résidence.
    Le gouvernement fédéral verse des subventions aux provinces pour l'aide à l'établissement des immigrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile. J'ai ici quelques chiffres. En 2010-2011, les provinces ont reçu 893,4 millions de dollars pour aider ces gens à s'établir au Canada. Cela fait beaucoup d'argent donné aux provinces. De plus, Citoyenneté et Immigration Canada dispose d'un important fonds destiné à offrir des subventions aux ONG et à d'autres organismes du Canada qui aident les immigrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile.
    Entre le 1er octobre et le 31 décembre 2009, plus de 200 organismes du Canada ont reçu du gouvernement fédéral des subventions supérieures à 25 000 $ pour remplir ces fonctions. En fait, 60 de ces organismes ont reçu plus de 1 million de dollars. L'objectif de ces organisations — il s'agissait surtout de groupes ethniques, d'ONG et d'autres organismes des provinces et des villes du Canada — était de s'occuper des immigrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile démunis. J'estime que ce sont des montants considérables.
    D'après ses prévisions budgétaires 2010-2011, le ministère avait réservé 651 749 $ à cette fin. Presque 1 milliard de dollars. Si une province décide d'imposer des conditions de résidence aux demandeurs d'asile, je crois qu'ils auront la possibilité d'obtenir beaucoup d'aide de sources autres que le système de sécurité sociale.
    Je signale qu'aux États-Unis, les demandeurs d'asile ne sont pas autorisés à travailler pendant les six premiers mois de leur séjour dans le pays. Ils ont alors accès aux services offerts surtout par des ONG et d'autres organismes financés par le gouvernement américain.

  (1545)  

    Comme je l'ai dit, s'il devait arriver, par extraordinaire, qu'une province établisse des conditions de résidence applicables aux demandeurs d'asile par suite de cette modification de la loi, ils ne devraient pas avoir de difficulté à obtenir l'aide et les fournitures dont ils ont besoin sans avoir à s'adresser à la province ou au gouvernement fédéral.
    Je voudrais mentionner un autre facteur important. En parlant de demandeurs d'asile déboutés, il fut un temps où nous en avions des milliers. En 2008, par exemple, nous avions 33 000 demandes de statut de réfugié dont les auteurs venaient de 188 pays différents. Parmi elles, il y avait 2 300 demandes présentées par des citoyens américains. Nous avions des demandes provenant de 22 des 26 pays de l'Union européenne. Toutefois, par suite de la réforme de 2012 — qui était essentielle et dont nous avions un urgent besoin, à mon avis —, le nombre des demandeurs d'asile venant de ce qu'on appelle les « pays désignés » a radicalement baissé. Nous ne recevons plus que très rarement des demandes des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la Suisse par rapport à la situation qui régnait avant la modification de la loi en 2012. Par conséquent, alors qu'il fallait auparavant entre un et deux ans ou plus pour traiter une demande, le temps de traitement n'est maintenant que de deux à trois mois. Les décisions sont prises rapidement.
    Je suppose que la plupart des demandeurs d'asile déboutés décident de rentrer dans leur pays puisqu'ils avaient décidé de venir au Canada de leur propre initiative. Leur retour chez eux ne devrait les exposer à aucun danger puisqu'il ne s'agit pas de vrais réfugiés au sens de la convention des Nations Unies.
    Ma conclusion, c'est que les dispositions à l'étude ne représentent que des modifications d'ordre administratif. J'ai de la difficulté à imaginer les conséquences désastreuses évoquées par Me Showler et d'autres qui ont comparu avant lui. Ce ne sont que des modifications de routine dont nous devrions disposer rapidement.
    Je vous remercie.

  (1550)  

    Merci, monsieur Bissett.
    Nous allons maintenant entendre notre troisième et dernier témoin pour cette partie de la réunion. Nous avons donc, de Vancouver, M. Martin Collacott, du Centre pour une réforme des politiques d'immigration.
    Je reçois dans mes écouteurs l'interprétation française en même temps que la voix des orateurs, de sorte que j'ai manqué la plus grande partie de ce qu'ont dit Me Showler et M. Bissett. J'ai maintenant de la difficulté à entendre ma propre voix parce que j'entends en même temps la voix de l'interprète.
    Serait-il possible de faire quelque chose, monsieur le président, avant que je commence mon exposé?
    On me dit qu'il est impossible de couper l'interprétation à moins que personne ne souhaite entendre le français. Autrement, en coupant l'interprétation, c'est toute la vidéo qu'on supprimerait.
    Je n'ai certainement pas entendu l'interprétation française les dernières fois que je me suis adressé à un comité par vidéoconférence.
    C'est un problème technique auquel les techniciens se sont déjà attaqués. Est-ce que quelqu'un a besoin du français? Autrement, j'imagine que nous pourrions le couper.
    Monsieur le président, je crois que nous devrions veiller à ce chacun puisse avoir accès à nos délibérations dans les deux langues officielles.
    Alors, je ne sais pas si le témoin peut nous parler. Nous ne pouvons pas couper le français sans le consentement unanime.
    Monsieur le président, je pourrais peut-être couper tout ce que je reçois, ce qui me permettrait de parler. De toute façon, personne ne me posera de questions avant que j'aie fini mon exposé.
    Je crois que c'est ce que les techniciens essaient de faire. Vous pourriez peut-être commencer pour voir si ça peut marcher.
    J'espère que je n'ai pas encore entamé mes huit minutes.
    J'appuie les modifications proposées de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Elles assurent plus de souplesse aux provinces sans leur faire courir le risque de perdre une partie de leur financement. Je crois qu'il est important de noter que les modifications proposées constituent une autre étape essentielle destinée à réduire l'attrait du Canada comme destination pour les demandeurs d'asile de mauvaise foi.
    La question que nous examinons aujourd'hui concerne principalement la couverture des soins de santé. Lorsque la juge Mactavish a rendu en juin dernier sa décision infirmant les réductions annoncées par le gouvernement, elle a été louangée par des groupes de défense des droits des réfugiés, des avocats en droit des réfugiés, des médecins et quelques éminents journalistes.
    Après la publication de son jugement, il y a cependant un fait qui n'a presque pas retenu l'attention: la décision de réduire les services n'avait pas été prise dans le vide. Elle se fondait sur des facteurs concrets liés à une utilisation trop souvent abusive du système de détermination du statut de réfugié.
    Avant la mise en place des moyens spéciaux de traitement des demandeurs d'asile venant de POD, ou pays d'origine désignés — on les appelle généralement pays d'origine sûrs ailleurs qu'au Canada —, nous recevions des milliers de demandes de ressortissants hongrois. Ils étaient tellement nombreux qu'ils constituaient le plus important groupe de demandeurs au Canada. Comme les autres pays ne les considéraient pas comme de véritables réfugiés, la quasi-totalité de leurs demandes était rejetée dans ces pays. En 2010, le Canada avait reçu 23 fois plus de demandes de ressortissants hongrois que l'ensemble des autres pays du monde. Autrement dit, sur les 2 400 demandes présentées dans le monde, 2 300 avaient été déposées au Canada. L'année suivante, en 2011, ce nombre avait pratiquement doublé, passant à 4 400.
    Le Canada n'est pas du tout le seul pays confronté à de très nombreuses demandes douteuses. Ainsi, il n'y a pas si longtemps, les pays membres de l'Union européenne ont reçu plus de 19 000 demandes de ressortissants serbes dans une période de deux ans, apparemment à cause des rumeurs qui circulaient concernant les prestations auxquelles avaient droit les demandeurs d'asile. Sur les 19 000 demandes, seules 15 — soit moins d’une pour 1 000 — ont été acceptées.
    L'un des moyens auxquels l'Europe a eu recours pour décourager les demandeurs d'asile venant de POD a consisté à accélérer le traitement des demandes et à expulser aussi rapidement que possible les auteurs des demandes manifestement infondées. Il n'y a pas de doute que le renvoi rapide a dissuadé beaucoup de gens de présenter de telles demandes non seulement parce qu'ils avaient de très fortes chances d'être déboutés, mais aussi parce qu'ils n'auraient eu accès à des prestations que pendant une période tellement courte qu'il n'aurait pas valu la peine pour eux de faire tous ces efforts et de payer le prix du voyage.
    Le Canada ayant accéléré le traitement de ces demandes, cette mesure — probablement parce qu'elle a coïncidé avec la réduction des prestations relatives aux soins de santé — a entraîné une chute radicale du nombre des demandes. Je crois que M. Bissett l'a mentionné. Ainsi, en 2014, le nombre de demandes venant de POD avait baissé de 87 % au Canada. La baisse a atteint 97 % dans le cas des ressortissants hongrois et 80 % dans celui des ressortissants des États-Unis.
    Entre autres avantages, la baisse radicale du nombre de demandes très susceptibles d'être rejetées libérera des fonds et du personnel, ce qui permettra au système de détermination du statut de réfugié de concentrer ses efforts sur le traitement des demandes présentées par des personnes beaucoup plus susceptibles d'avoir besoin de notre protection.
    Par conséquent, la conclusion à laquelle avait abouti la juge Mactavish — à savoir que les mesures prises par le Canada étaient cruelles et inusitées — faisait abstraction du contexte dans lequel elles avaient été prises et du fait que d'autres pays confrontés à des problèmes du même ordre avaient agi fermement pour décourager les auteurs de demandes d'asile très probablement infondées qui auraient ralenti le traitement de demandeurs beaucoup plus susceptibles d'avoir réellement besoin de protection. Les conditions sont très semblables.
    La juge Mactavish a également invoqué l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés pour affirmer qu'il était discriminatoire de traiter différemment les demandeurs.

  (1555)  

    Autrement dit, elle était d'avis que le fait de traiter les demandeurs d'asile de pays désignés tels que l'Australie et les États-Unis différemment de demandeurs de pays non désignés tels que l'Iran et Cuba, par exemple, était incompatible avec la Charte. Bref, à son avis, la mise en place de la liste des pays d'origine désignés ne peut pas être justifiée.
    Il est douteux que les auteurs de la Charte aient jamais envisagé qu'elle puisse être interprétée de la sorte.
    De plus, les questions relatives aux soins de santé dont bénéficient les demandeurs d'asile ne s'appliquent pas seulement à ceux qui viennent de POD. En 2013, par exemple, le Canada a finalement réussi à renvoyer le terroriste condamné Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui, après être entré dans le pays sous une fausse identité en 1989, avait pu échapper à l'expulsion pendant plus de deux décennies en usant des innombrables recours alors disponibles et qui avait bénéficié pendant toute cette période d'excellents soins pour ses problèmes de santé.
    L'un de ses derniers appels se fondait sur l'argument qu'il serait soumis à un traitement cruel et inusité s'il était renvoyé dans son Liban natal dont le système de santé n'est pas aussi bon que celui du Canada.
    Des déséquilibres semblables ont été constatés dans…

  (1600)  

    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Collacott. Nous entendons le timbre d'appel au vote, mais il vous reste encore deux minutes et demie. S'il y a consentement unanime, nous pourrions vous laisser terminer votre exposé. Y a-t-il des objections quelconques?
    Je vous prie de poursuivre.
    De plus, en 2003, le Canada a accepté plus de demandes provenant du Sri Lanka, pays non désigné, que de l'ensemble des autres pays du monde. De toute évidence, il fallait faire quelque chose pour corriger notre système de détermination du statut de réfugié pour les ressortissants des pays aussi bien désignés que non désignés. En général, les Canadiens sont très en faveur de l'acceptation d'un nombre raisonnable de réfugiés véritables. Même avec les changements apportés aux dispositions relatives aux soins de santé, nous comptons encore parmi les pays les plus généreux du monde au chapitre tant de l'aide que nous offrons que du nombre de demandeurs que nous acceptons par rapport à la taille de notre population. Toutefois, d'une façon générale, les Canadiens s'inquiètent à juste titre de l'utilisation abusive de notre système de protection des réfugiés et appuient fortement, j'en suis sûr, les niveaux plus réalistes de soins de santé et le traitement accéléré de certains demandeurs d'asile que le gouvernement a adoptés.
    Merci, monsieur le président.
    Je présente mes excuses aux témoins parce que nous devons interrompre la réunion. C'est, comme on dit, une circonstance indépendante de notre volonté qui nous impose d'aller voter. Nous irons le faire, après quoi nous reviendrons pour entendre les témoins suivants. Nous n'aurons donc pas une réunion complète. Toutefois, si vous voulez bien attendre que les autres témoins présentent leurs exposés, nous pourrons poser des questions à l'ensemble des témoins dans le temps qui nous restera.
    Nous allons donc suspendre la séance. Nous espérons être de retour vers 16 h 50, si nous avons de la chance, mais de toute façon, le plus tôt possible après le vote. Ensuite, nous prendrons autant de temps que possible pour entendre les exposés et poser des questions.
    Merci beaucoup à tous. Nous serons de retour le plus tôt possible.

  (1600)  


  (1650)  

    Mesdames et messieurs, comme il ne nous reste pas beaucoup de temps, je propose de commencer tout de suite. Nous ne pouvons rester ici que jusqu'à 17 h 30. Je demande donc aux témoins de se limiter à six minutes chacun. Autrement, nous n'aurons pas assez de temps pour poser des questions, ce qui empêchera sûrement les représentants du troisième parti d'avoir leur tour. Nous avons trois témoins. En comptant six minutes pour chacun, cela nous amènera à 17 h 13, ce qui nous laissera 17 minutes pour les questions.
    Je vais donc inviter Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables, à nous présenter un exposé de six minutes. Merci.
    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous présenter notre point de vue sur certaines dispositions du projet de loi C-43. Je remercie le comité de son invitation.
    Permettez-moi de préciser très rapidement que je m'appelle Aaron Wudrick et que je suis le directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables. Nous défendons les droits des contribuables en nous appuyant sur trois grands principes: moins d'impôts, moins de gaspillage et un gouvernement responsable. C'est surtout pour défendre le troisième principe, celui d'un gouvernement responsable, que je comparais devant vous aujourd'hui. Mes propos auront une portée assez limitée. Nous appuyons les changements proposés pour la simple raison qu'à notre avis, ils traitent de questions de compétence. Bien entendu, nous n'avons pas de connaissances spécialisées en matière de politique d'immigration ou de protection des réfugiés. Nous n'avons donc aucun avis à donner sur la question de savoir si les provinces doivent, oui ou non, définir des conditions minimales de résidence. Nous croyons simplement que, comme palier de gouvernement responsable de la prestation des services sociaux, les provinces constituent aussi le palier qui convient le mieux pour décider des mesures à prendre à cet égard sans s'exposer à des sanctions financières de la part du gouvernement fédéral.
    Bref, si on s'oppose à ce que les provinces soient investies de ce pouvoir, on devrait aussi s'opposer à ce qu'elles aient le même pouvoir à l'égard de l'admissibilité aux services de santé. Comme les membres du comité le savent sans doute, de nombreuses provinces ont déjà défini des conditions minimales de résidence pour l'accès aux services de santé.
    À notre avis, la plupart de ceux qui s'opposent à ces dispositions confondent deux débats pourtant très distincts. Le premier porte sur la question de savoir si les demandeurs d'asile étrangers doivent être assujettis à des conditions minimales de résidence. Le second est de savoir si les provinces doivent pouvoir prendre cette décision sans être pénalisées par Ottawa. Bien sûr, il est tout à fait légitime de s'interroger sur l'opportunité d'imposer des conditions minimales de résidence, mais, encore une fois, je ne suis pas ici pour exprimer un avis à ce sujet. Toutefois, les changements proposés ne feraient que garantir que le débat se tiendra dans les assemblées législatives provinciales. Nous considérons cela comme un développement positif.
    À notre avis, le seul principe sur lequel reposent les changements proposés, c'est le respect des compétences provinciales. Lorsque différents paliers de gouvernement outrepassent le champ de compétence que leur a attribué la Constitution, c'est la responsabilité qui en souffre parce que les Canadiens ne savent plus qui est responsable de quoi. C'est seulement lorsque chaque palier de gouvernement assume adéquatement ses responsabilités que les Canadiens peuvent se prononcer, lors des élections, sur leur degré d'approbation des décisions prises en matière de politique. En effet, l'usage inconsidéré du pouvoir fédéral de dépenser dans le but de permettre à Ottawa d'empiéter sur les domaines de compétence des provinces a longtemps été source de malheureuses tensions fédérales-provinciales. Les changements proposés constituent un petit pas en avant dans l'effort destiné à réduire ces tensions.
    Je vous remercie.

  (1655)  

    Eh bien, merci beaucoup. Vous avez été très économe de notre temps. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous entendrons maintenant Loly Rico, du Conseil canadien pour les réfugiés.
    Madame Rico, je vous souhaite la bienvenue.
    Bonjour. Nous voulons tout d'abord remercier le président et les membres du comité d'avoir permis au Conseil canadien pour les réfugiés de présenter son point de vue sur les articles 172 et 173 du projet de loi C-43.
    Je ne lirai pas tout notre mémoire parce qu'il me faudrait plus de six minutes pour le faire. Je vais plutôt concentrer mes observations sur l'un des points que nous soulevons.
    Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme-cadre national composé de 170 membres qui travaillent pour les réfugiés et les immigrants. Nous nous opposons fermement aux modifications proposées. Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire écrit, nous avons plusieurs sujets d'inquiétude.
    Nous voulons d'abord souligner que nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter. Nous avons présenté au ministre des Finances, Joe Oliver, une lettre ouverte dans laquelle 160 organisations expriment leur opposition aux modifications. Ces organisations représentent non seulement les réfugiés, mais aussi les secteurs de la santé, de la lutte contre la pauvreté et de la protection des droits de la personne, ainsi que des communautés religieuses, des femmes et des groupes de défense des droits. Il y a, parmi elles, des organisations nationales, locales et provinciales. La principale raison de notre opposition, c'est que les demandeurs d'asile constituent la population la plus vulnérable.
    Je voudrais vous citer un cas précis car, dans tous les exposés, les témoins ont parlé des demandeurs d'asile d'une façon très générale. Je travaille en particulier avec des femmes et des enfants. Je voudrais vous parler de l'expérience d'une demandeuse d'asile à qui j'ai eu affaire dans l'exercice de mes fonctions. Elle est venue du Congo pour échapper à la persécution et même à la prison. Sa famille a tout vendu pour protéger sa vie. Elle est arrivée à l'aéroport Pearson et a demandé le statut de réfugiée. Comme elle n'avait pas d'argent, nous l'avons hébergée dans l'un de nos refuges.
    Elle a un délai de 15 jours pour présenter les fondements de sa demande et obtenir un certificat d'aide juridique. Elle a également besoin de se soumettre à des examens médicaux. Une fois qu'elle aura présenté les fondements de sa demande et en aura fini avec les examens médicaux, elle sera autorisée à demander un permis de travail. Cela prendra entre trois et quatre mois. En même temps, elle doit se préparer à présenter son dossier de réfugiée à l'audience qui aura lieu deux mois après son arrivée.
    Imaginez la vie qu'elle mène… Je vous parle d'un cas qui se produit dans une grande ville, mais imaginez cette femme arrivant à l'aéroport Pearson et hébergée dans un refuge de Windsor. Elle doit aller voir son avocat à Toronto. Elle doit assister à son audience de réfugiée à Toronto, mais n'a pas d'argent. Essayez de vous mettre à sa place. En même temps, elle n'a pas les moyens de payer un loyer. Elle doit vivre dans un refuge pour sans-abri avec d'autres gens, et tout cela sans pouvoir compter sur un soutien adéquat.
    En vous présentant cet exemple et cette situation, je veux vous montrer que ces modifications visent clairement les demandeurs d'asile. Même si ces demandeurs ne sont pas du tout mentionnés dans les dispositions à l'étude, tous les critères et toutes les catégories y sont. Cela signifie que c'est une violation évidente du principe des droits de la personne parce qu'on traite les demandeurs d'asile d'une façon différente et discriminatoire.
    Vous devez garder à l'esprit, comme d'autres témoins l'ont déjà dit, le fait que le Canada est signataire de traités internationaux protégeant les droits de la personne, y compris le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans lequel nous reconnaissons le droit de chacun à la sécurité sociale et à l'assurance sociale.
    De plus, vous devez vous souvenir que les demandeurs d'asile ne comprennent pas seulement des adultes. Il y a aussi des enfants parmi eux. Le Canada étant également signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant, il a l'obligation de protéger les enfants, y compris ceux des demandeurs d'asile, et de leur assurer des services de base.
    Certains témoins ont parlé des organisations d'aide à l'établissement qui desservent les immigrants et les réfugiés. Permettez-moi de préciser que les organisations d'aide à l'établissement financées par le gouvernement fédéral n'offrent pas de services aux demandeurs d'asile, qui ne satisfont pas à leurs critères d'admissibilité.

  (1700)  

    Les critères d'admissibilité de ces organisations ne leur permettent de desservir que les immigrants, les réfugiés pris en charge par le gouvernement et quelques cas de parrainage. Je tiens à faire cette mise au point compte tenu de ce qui a été dit en début d'après-midi.
    Nous regrettons beaucoup de voir le gouvernement du Canada apporter ces changements et modifications, que d'autres pays ont… Dans le cas du Royaume-Uni, Peter Showler vous a expliqué que les services sociaux sont assurés aux demandeurs d'asile. En 2003, le gouvernement britannique leur avait supprimé l'aide sociale, mais, en 2005, la Chambre des lords a soutenu que cette disposition imposait un traitement inhumain et dégradant. De ce fait, les tribunaux ont conclu que la suppression des services n'avait pas dissuadé les demandeurs d'asile d'aller au Royaume-Uni. De même, la disposition à l'étude ne découragera pas ceux qui viennent au Canada. La décision de la Chambre des lords a servi de base au tribunal qui a ordonné au gouvernement du Canada de rétablir le Programme fédéral de santé intérimaire.
    Je voudrais aussi signaler que dans mon…
    Je regrette, madame Rico, mais votre…
    Je voudrais simplement demander au comité d'examiner les modifications et de tenir compte du fait qu'elles réduisent ou enlèvent des services à de futurs Canadiens. Ces gens viennent chez nous et enrichissent notre pays.
    Nous entendrons maintenant Mme Avvy Go, de l'organisation Colour of Poverty - Colour of Change Network. Madame, je vous souhaite la bienvenue.
    Notre organisation est en fait un réseau provincial ayant son siège en Ontario et composé de personnes et d'organisations qui combattent la racialisation croissante de la pauvreté en Ontario. Je suis également directrice d'une clinique d'aide juridique du Grand Toronto, la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, qui est également membre du réseau.
    Je voudrais remercier le comité de nous avoir donné aujourd'hui l'occasion de vous présenter notre point de vue sur les modifications. Nous avons également signé la lettre que Mme Rico a mentionnée tout à l'heure. Nous croyons que, dans leur forme actuelle, les modifications proposées sont discriminatoires et irrationnelles et vont à l'encontre de l'engagement pris par le gouvernement fédéral de réduire la pauvreté.
    Ces modifications visent à donner aux provinces le pouvoir d'imposer des conditions minimales de résidence à certains groupes liés à l'immigration et au statut de réfugié. Même si les dispositions en cause ne disent rien des groupes devant être exclus de l'aide sociale, l'effet combiné des exigences relatives à la résidence et de l'énumération des groupes exemptés de ces dispositions montre clairement que les demandeurs d'asile sont les seules cibles réelles de ces mesures.
    Comme beaucoup d'autres témoins l'ont déjà dit, les réfugiés comptent parmi les groupes les plus vulnérables de notre société. Ils arrivent souvent au Canada complètement démunis, ne possédant que la chemise qu'ils ont sur le dos. Si elles sont mises en vigueur, ces dispositions les rendront inadmissibles au strict minimum de soutien qu'il leur faut pour se nourrir et avoir un abri. Ces mesures sont clairement discriminatoires envers les réfugiés, qui sont en grande majorité racialisés, de sorte qu'ils ont à surmonter des obstacles supplémentaires non seulement parce qu'ils sont réfugiés, mais aussi parce que ce sont des gens de couleur.
    De plus, le projet de loi aura des effets disproportionnés sur les réfugiés les plus vulnérables, c'est-à-dire les femmes, les enfants et les gens souffrants de troubles mentaux ou de stress post-traumatique. Ce sont aussi les plus susceptibles d'avoir besoin de l'aide sociale à leur arrivée au Canada.
    Comme beaucoup d'autres l'ont mentionné, le projet de loi est contraire au droit international relatif aux droits de la personne, qui interdit la discrimination. Il est également contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, et notamment à l'article 15 concernant les droits à l'égalité et à l'article 12 qui garantit la protection contre les peines et traitements cruels et inusités.
    Je voudrais également dire que le projet de loi a d'autres défauts, à part son caractère discriminatoire. Premièrement, il établit une distinction artificielle entre réfugiés et demandeurs d'asile tout en privant d'aide tous les réfugiés, y compris ceux qui seront en définitive acceptés en vertu de notre système de détermination du statut de réfugié.
    Deuxièmement, les dispositions comportent des contradictions internes: par exemple, elles exemptent seulement les victimes de la traite de personnes qui détiennent un permis de séjour temporaire, mais non celles qui demandent le statut de réfugié à leur arrivée au Canada.
    Les dispositions à l'étude visent à conférer aux provinces des pouvoirs qu'elles ne souhaitent pas avoir et qu'elles n'exerceront probablement pas à cause des graves préoccupations que suscitent les violations des droits de la personne résultant de ces dispositions. Il faut également dire, à l'intention de ceux qui s'inquiètent de l'aide que pourraient recevoir les visiteurs étrangers, que les provinces appliquent déjà des règles visant à les exclure. Elles n'ont donc pas besoin de nouveaux pouvoirs à cette fin.
    Certains affirment que les mesures proposées permettront de réaliser des économies, sans tenir compte des coûts réels que devront assumer les contribuables canadiens par suite d'un recours accru aux refuges pour sans-abri, aux banques d'alimentation, aux soins d'urgence et aux hôpitaux, qui devront intervenir lorsque les réfugiés tomberont malades parce qu'ils vivent dans la rue et ont faim.
    D'ailleurs, si le but est de décourager ceux qui n'ont pas besoin de protection de venir au Canada, rien ne prouve que ces mesures permettront d'atteindre ce but. Entre-temps, les réfugiés — tous les réfugiés — seront traités de la même façon et subiront les mêmes conséquences.
    Quoi qu'il en soit, à un niveau plus fondamental, nous nous opposons également à ces dispositions parce qu'elles compromettent le rôle du gouvernement fédéral au chapitre de la réduction de la pauvreté. L'adoption de ces dispositions signalera aux Canadiens que leur gouvernement fédéral ne croit pas à la lutte contre la pauvreté. Elle suggérera que le gouvernement cherche à se décharger de ses responsabilités sur les provinces, les territoires et les municipalités en affaiblissant la norme nationale qui définit le strict nécessaire à assurer à tous les Canadiens et en transférant à d'autres le coût des soins et des services à donner aux plus vulnérables d'entre nous. Même si le but immédiat du gouvernement est de priver les demandeurs d'asile de l'accès à l'aide sociale, les moyens peu ciblés qu'il a choisis pour le faire auront à long terme des effets nuisibles sur tous les Canadiens.

  (1705)  

     Par conséquent, nous croyons qu'il serait bon pour le comité d'inviter le gouvernement à éliminer ces dispositions du projet de loi C-43.
    Je vous remercie.
    Nous avons juste le temps qu'il faut pour un tour complet, c'est-à-dire sept minutes pour les conservateurs, sept minutes pour les néo-démocrates et cinq minutes pour les libéraux. J'invite les conservateurs à parler en premier.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais commencer par remercier nos témoins de leur présence au comité aujourd'hui. J'ai écouté attentivement tous les exposés présentés.
    Ma première question s'adresse à M. Wudrick.
    Monsieur Wudrick, ce projet de loi confère aux provinces et aux territoires le pouvoir d'établir les périodes minimales de résidence donnant droit à l'aide sociale. De toute évidence, ce pouvoir n'existe pas à l'heure actuelle. En fait, aucun changement n'est apporté aux services de bien-être social offerts aux réfugiés et aux demandeurs d'asile.
    Sur le plan des champs de compétence, serait-il sensé de laisser telle quelle la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces? N'est-il pas plus rationnel de donner aux provinces le plein pouvoir d'agir comme elles l'entendent?
    Si par plein pouvoir, vous entendez le pouvoir de… Je crois qu'elles ont actuellement ce pouvoir. C'est simplement qu'elles s'exposent à des sanctions financières si elles l'exercent. Voilà exactement la raison pour laquelle nous croyons que c'est strictement une question de compétence.
    Beaucoup d'autres témoins ont présenté d'excellents arguments expliquant pourquoi il ne serait pas avantageux d'imposer des conditions minimales de résidence. Nous n'avons pas d'avis à donner sur cette question. Nous croyons que si cet argument est vraiment valide, il persuadera les responsables provinciaux et les amènera à éviter tout changement touchant les demandeurs d'asile.
    D'après ce que nous avons entendu dire de ce changement facilitant mis en oeuvre dans la Loi n° 2 d'exécution du budget, le gouvernement fédéral a le devoir de respecter la compétence provinciale. Cela permettra aux provinces et aux territoires de prendre les décisions nécessaires concernant les services sociaux qui relèvent déjà d'eux.
    Je tenais à le dire parce que j'ai l'impression, après ce que j'ai entendu dire aujourd'hui et précédemment, qu'on suggère que nous avons plus ou moins pris la tangente, comme si nous avions des desseins secrets. Bien sûr, ce n'est pas le cas. Le gouvernement n'a pas pour but de priver de l'aide sociale ceux qui en ont besoin. En fait, les réfugiés pris en charge par le gouvernement ainsi que les réfugiés bénéficiant d'un parrainage privé sont de toute façon exemptés de cette disposition.
    Monsieur Bissett, je vous remercie d'être encore une fois venu témoigner devant le comité. Je crois que ce n'est pas votre première comparution.
    Lundi, nous avons entendu des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada qui nous ont répété, à sept reprises, qu'il s'agit simplement d'un changement facilitant et que nous étudions une loi du Parlement fédéral. La province de l'Ontario a récemment attiré l'attention du gouvernement fédéral sur le fait qu'un élément de la loi pouvait faire obstacle aux initiatives de certaines provinces. Nous sommes donc en train d'éliminer cet obstacle.
    Qu'en pensez-vous?

  (1710)  

    Je n'étais pas sûr de la nature de la préoccupation du gouvernement ontarien, mais il me semble que ce que nous avons discuté aujourd'hui se situait à deux niveaux. Le premier concernait un changement touchant la compétence, un changement d'ordre administratif. Autrement, il s'agit d'une grave menace pour l'ensemble du régime de l'asile et du programme des réfugiés.
    Je préfère penser, comme l'ont indiqué les fonctionnaires, que ces dispositions remettent la responsabilité aux mains des gouvernements provinciaux, c'est-à-dire à ceux qui sont censés l'assumer.
    Je n'ai peut-être pas répondu à votre question, mais je ne sais pas vraiment quel était le but du gouvernement ontarien.
    En fait, vous avez répondu à ma question. Ce changement ne lie personne. Il appartiendra aux provinces et aux territoires d'agir ou de ne pas agir, s'ils décident de se prévaloir de ces dispositions.
    En toute franchise, je serais très surpris qu'une province quelconque profite de l'occasion pour priver les demandeurs d'asile de l'aide sociale ou leur imposer une période de résidence minimale. Je crois que l'argument ne tient pas vraiment.
    Comme vous le savez, il n'y aura aucun changement dans les services sociaux offerts…
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Costas Menegakis: J'invoque le Règlement. Lorsque vous posez des questions, je ne vous interromps pas. Par conséquent, je vous saurais gré de me laisser poser mes questions. Merci beaucoup.
    Comme vous le savez, il n'y aura aucun changement dans les services sociaux offerts aux demandeurs d'asile ou aux réfugiés. Il s'agit simplement de donner aux provinces la possibilité d'agir comme elles l'entendent. Nous l'avons déjà dit. Monsieur Wudrick, j'aimerais savoir si la Fédération canadienne des contribuables croit que le gouvernement fédéral devrait intervenir d'une façon ou d'une autre dans les affaires provinciales.
    Non, vous ne serez probablement pas surpris d'apprendre que la Fédération canadienne des contribuables tient beaucoup au respect des compétences provinciales. En fait, il y aurait sans doute d'autres mesures législatives que nous aimerions examiner si nous en avions le temps afin de préserver les compétences provinciales. Dans ce cas, nous croyons que les changements proposés visent simplement à restituer le pouvoir au bon palier de gouvernement.
    Les fonctionnaires qui ont comparu devant le comité nous ont également appris lundi que la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces n'a été établie dans sa forme actuelle, avec les sanctions qu'elle prévoit, que pour donner aux provinces plus de latitude. En ce moment, la Loi canadienne sur la santé permet aux provinces de prescrire une période d'attente minimale. Le gouvernement ne voulait pas que la même situation se reproduise dans le cas de l'aide sociale. Il établit donc clairement, dans cette modification inscrite dans la Loi d'exécution du budget, que les citoyens canadiens et les résidents permanents doivent être exemptés de toute période d'attente afin de respecter les intentions initiales. Les changements confèrent donc le pouvoir de faire correspondre les dispositions à ce que les Canadiens et les résidents permanents obtiennent aujourd'hui.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.
    Ma question est la suivante. Au cours de nos réunions des deux derniers jours, et particulièrement aujourd'hui, nous avons appris que certains s'inquiètent parce qu'ils croient que nous voulons revenir sur la disposition relative aux services de santé ou réduire les services de santé et d'aide sociale offerts aux réfugiés. Notre gouvernement a toujours été d'avis que les réfugiés véritables doivent avoir accès aux soins de santé et à l'aide sociale.

  (1715)  

    Pouvez-vous donner une réponse rapide? Le temps de parole est écoulé.
    Je dirais que nous n'avons pas d'avis à donner sur la question de savoir s'il faut ou non imposer des exigences. Nous croyons cependant qu'il est bon que les provinces prennent elles-mêmes ces décisions.
    Le NPD dispose maintenant de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais aborder directement le sujet, mais, avant de le faire, je crois qu'il est important de dire que cette façon de procéder n'est pas acceptable. Nous avions demandé que ces dispositions soient séparées de la Loi d'exécution du budget pour que nous puissions les examiner ici et que notre comité puisse formuler des recommandations et proposer des amendements sérieux. Dans la situation actuelle, seul le Comité des finances est autorisé à proposer des modifications au projet de loi. Il est important de noter officiellement que le NPD s'oppose énergiquement à cette façon de procéder.
    Cela dit, je voudrais remercier les témoins de leur présence. Je suis heureux de les voir et de noter quelques visages familiers.
    Monsieur Showler, je veux vous demander s'il est admissible de refuser l'aide sociale aux réfugiés en vertu du droit international. Que font les autres pays hôtes?
    En vertu de la convention, les pays hôtes ont l'obligation d'accorder aux réfugiés la même assistance et les mêmes secours publics qu'à leurs propres citoyens. Cela signifie que les pays sous-développés qui manquent de moyens et n'offrent pas d'aide sociale à leurs propres citoyens n'ont pas à dispenser des services aux réfugiés. Ordinairement, dans ces conditions, ceux-ci finissent dans un camp de réfugiés où ils bénéficient de l'aide et du soutien de différents organismes internationaux.
    Tous les pays développés offrent une aide sociale. Mon collègue, M. Bissett, a signalé tout à l'heure, lorsque j'ai parlé de l'Allemagne, que les Allemands n'offrent pas une aide très généreuse. C'est vrai. L'année dernière, un tribunal allemand a ordonné aux autorités d'augmenter le montant de l'aide sociale, mais cette aide était dispensée.
    Aucun pays développé ne fait ce que ce projet de loi pourrait permettre de faire. Il est très clair que les mesures prises relèvent des provinces, mais c'est vous qui avez la responsabilité. Avec tout le respect que je dois à M. Wudrick, je dois dire que le paragraphe 91(25) de la Loi constitutionnelle attribue au gouvernement fédéral l'essentiel de la responsabilité des réfugiés. C'est un peu comme si on posait sur la table un pistolet chargé en disant: je ne m'en sers pas, je ne fais que le poser sur la table, et il appartiendra aux provinces de décider ou non de l'utiliser. En réalité, c'est la responsabilité du gouvernement du Canada. Aucun pays développé n'a retiré l'aide sociale aux réfugiés, mais vous créez la possibilité que cela se produise au Canada.
    Le projet de loi ne mentionne pas du tout la politique des réfugiés. Y a-t-il dans cette politique une justification quelconque du retrait de l'aide sociale aux réfugiés ou aux demandeurs d'asile?
    Comme vous l'avez dit, on ne trouve aucune justification de cela dans la politique. Nous avons des rumeurs et des points de vue.
    Ce que nous savons, surtout sur la base des politiques du gouvernement relativement à la réduction des services de santé offerts aux réfugiés — d'autres ont déjà mentionné la décision de la Cour fédérale déclarant inconstitutionnelle la décision prise à cet égard —, c'est que le présent gouvernement a souvent maintenu que les faux réfugiés viennent chez nous pour l'aide sociale, les soins de santé et Dieu sait quoi d'autre.
    Je peux vous affirmer que, lors de l'audition de l'affaire Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés c. Canada, les demandeurs ont mis le gouvernement au défi de fournir des preuves. Aucune preuve n'a été produite. C'est la raison pour laquelle la juge Mactavish a déclaré que rien ne prouve que la réduction des soins de santé offerts aux réfugiés les décourage de venir au Canada.
    Je tiens à vous rappeler que je ne vous parle pas seulement à titre d'avocat et de défenseur des droits des réfugiés. J'ai été président et commissaire de la CISR. Je peux donc considérer la question sous différents angles. Sur la base de mes 30 ans d'expérience, je peux vous dire que les réfugiés ne vont pas dans un pays où ils n'ont aucune chance d'être acceptés.
    À un moment donné, l'Australie a cherché à les dissuader en réduisant les services de santé qui leur étaient offerts.
    Vous avez entendu Loly Rico parler du cas du Royaume-Uni, qui a considérablement réduit l'aide aux réfugiés. Cela ne s'appliquait qu'aux réfugiés qui ne demandaient pas immédiatement l'asile.
    Rien de tout cela n'a découragé les réfugiés. Ils ne sont dissuadés que s'ils pensent que leur cas ne fera pas l'objet d'une évaluation équitable.

  (1720)  

    En parlant de dissuasion, les fonctionnaires nous ont dit l'autre jour que le ministère n'avait réalisé aucune étude pour déterminer si de tels changements peuvent constituer des facteurs dissuasifs. Un fonctionnaire du ministère des Finances nous a dit aussi que son ministère n'avait fait aucune étude pour déterminer si cette mesure permettrait de réaliser des économies.
    Toutefois, au cours de la même réunion du comité, la partie gouvernementale a affirmé que les changements avaient pour but de dissuader les réfugiés et de faire des économies.
    Que pensez-vous de ces points de vue divergents?
    Eh bien, il y a effectivement divergence. Nous n'avons pas de preuves. Il n'est pas établi en droit des réfugiés ou en droit international que de telles mesures dissuadent les demandeurs d'asile. Ce n'est pas un facteur qui peut les amener à ne pas venir.
    Nous devons garder à l'esprit que, pour la majorité des réfugiés qui viennent au Canada, il est très difficile d'entrer dans le pays. Nous le savons tous. L'obstacle des visas est très difficile à surmonter. Si les réfugiés produisent de faux documents, c'est le plus souvent parce qu'ils ne pourraient pas être admis au Canada autrement.
    Pour venir, ils doivent fréquemment faire un investissement considérable, souvent en vendant leur maison. La plupart font partie d'une famille étendue dont les membres mettent toutes leurs ressources en commun pour leur permettre de venir. Il est vraiment insensé de penser qu'ils acceptent tous ces sacrifices simplement pour venir obtenir l'aide sociale chez nous. C'est un argument qui ne tient pas la route.
    Je peux vous dire, en fonction de mon expérience, que ce facteur ne joue pas dans la décision des gens qui demandent l'asile.
    Pouvez-vous imaginer la raison pour laquelle le gouvernement veut faire ce changement?
    Eh bien, voici ce qui me dérange. Tout d'abord, pour donner suite aux observations de M. Wudrick, je dirais que je ne suis pas un expert des questions financières fédérales et provinciales, etc.
    Toutefois, si les autorités croient sincèrement que ce pouvoir devrait appartenir aux gouvernements provinciaux, pourquoi ne pas le céder intégralement? Pourquoi le limiter à quelques résidents permanents victimes de la traite de personnes? Ce pouvoir n'est pas cédé aux provinces.
    Tous les indices suggèrent très clairement que les personnes ciblées sont les demandeurs d'asile et les réfugiés.
    Mais ce ne sont là que des conjectures.
    Je vous remercie. Le temps de parole est écoulé.
    Monsieur le président, je voudrais proposer une motion pour prolonger la séance jusqu'à l'appel du vote.
    Je regrette, mais le temps de parole est écoulé. Il vous appartient de décider d'autoriser ou non la présentation de cette motion.
    Non.
    Alors, je ne l'accepte pas non plus.
    Il reste cinq minutes pour les libéraux, c'est-à-dire pour moi. Mes questions font suite à ce qui vient d'être dit.
    La première s'adresse à M. Wudrick. Je ne crois pas du tout à l'idée que ces dispositions constituent une simple affaire de compétence et encore moins à l'affirmation selon laquelle c'est une simple question administrative. Jusqu'à très récemment, les arguments avancés par le gouvernement pour justifier la réduction des services de santé et de l'aide sociale étaient axés sur les « faux réfugiés » et les « services de santé grand luxe ». Ensuite, pour une raison ou une autre, le gouvernement a modéré son propos et a soutenu qu'il s'agissait strictement d'une question de compétence et que les provinces devaient prendre leurs propres décisions. Ce changement est récent.
    Toutefois — et c'est mon argument central —, j'ai posé la question aux fonctionnaires, qui ont dit qu'une seule province, l'Ontario, avait été consultée et qu'elle avait répondu qu'elle ne voulait pas de ces dispositions. Les neuf autres provinces n'ont pas été consultées.
    Je peux comprendre qu'on veuille céder un pouvoir aux provinces si les provinces le demandent instamment, mais c'est tout le contraire. Neuf provinces n'ont rien dit, et une seule grande province a dit qu'elle n'en voulait pas. Dans ces conditions, pourquoi croyez-vous, compte tenu de toutes les autres choses que les parlementaires peuvent faire, que c'est une bonne décision de céder aux provinces un pouvoir dont elles ne veulent pas?
    Je ne crois pas que la question soit de savoir si les provinces l'ont demandé ou non. Si elles ont le pouvoir de décision, elles assument aussi la responsabilité de cette politique. Lorsque les gens auront à juger du bien-fondé des mesures prises, lorsque les citoyens auront à se prononcer sur l'opportunité d'imposer une période minimale de résidence aux demandeurs d'asile, ils sauront quel palier de gouvernement a pris la décision.

  (1725)  

    Si aucune province n'a demandé ce pouvoir et qu'une a dit explicitement ne pas en vouloir, si, pour la première fois en 100 ans, le gouvernement fédéral croit qu'il est hautement prioritaire que les provinces soient investies d'un pouvoir dont elles ne veulent pas, je ne peux pas croire au motif invoqué. Pour moi, le vrai motif est de s'en prendre aux réfugiés tant pour les soins de santé que pour l'aide sociale. Je pense que c'est tout à fait évident.
    Je voudrais poser une question complémentaire à M. Showler. Une autre de nos témoins, Mme Go, a parlé de l'aspect juridique. Vous êtes avocat. En réponse à une question précédente concernant les facteurs juridiques, vous avez dit que les tribunaux ont clairement infirmé l'initiative relative aux soins de santé, la jugeant cruelle et inusitée, ce qui a obligé le gouvernement fédéral à la retirer.
    Croyez-vous que les tribunaux puissent rendre une décision du même ordre, déclarant pour une raison ou une autre que ces mesures sont inconstitutionnelles ou illégales et que le gouvernement doit les retirer? Ce serait peut-être difficile parce que le gouvernement ne fait rien d'autre que modifier le champ de compétence. Si un tel procès était possible, comment serait-il déclenché? Faudrait-il que quelqu'un fasse appel devant un tribunal? Comment les choses pourraient-elles se passer d'un point de vue juridique?
    C'est une question juridique complexe. Si une province refusait d'accorder l'aide sociale à des demandeurs d'asile, donnant lieu au genre de scénario que j'ai décrit — dans lequel une personne complètement démunie essaie d'établir qu'elle a droit au statut de réfugié —, il est clair qu'une action en justice aurait les mêmes bases que l'affaire de la réduction des services de santé. Il serait possible d'invoquer l'article 7 relatif à la sécurité de la personne parce que l'intéressé pourrait certainement établir qu'il est touché. On pourrait aussi évoquer l'article 12 relatif au traitement cruel et inusité et peut-être aussi l'article 15 relatif à la discrimination. Tous ces articles pourraient s'appliquer.
    Le plus délicat, c'est que nous n'avons actuellement qu'une cible fantôme. Je ne peux certainement pas convenir avec M. Bissett que c'est une simple question administrative. Ce n'est pas le cas. À part cela, ces dispositions peuvent-elles être contestées en vertu de la Charte? Sur le plan juridique, c'est une question très délicate, mais je peux vous assurer que l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés l'examinerait de près.
    Peut-on supposer que les avocats auraient à attendre qu'une province agisse?
    C'est exact.
    Dieu merci, sept des dix gouvernements provinciaux sont actuellement libéraux ou néo-démocrates, et la population des provinces en cause représente plus de 80 % des Canadiens. Il est donc très improbable que l'une de ces provinces s'en prenne aux demandeurs d'asile. Si nous sommes jamais témoins du triste jour où cela se produira, ce sera le moment de déclencher une contestation judiciaire, n'est-ce pas?
    C'est l'hypothèse la plus probable. Nous devrons peut-être attendre.
    Les avocats s'attachent toujours aux faits et aux preuves. C'est ce qui s'est produit dans l'affaire de la réduction des soins de santé offerts aux réfugiés. Vous noterez que, dans ce cas, nous avions 25 déclarations sous serment témoignant d'affreuses conditions médicales. Nous devrons peut-être attendre, mais il s'agit d'attendre que des souffrances humaines se produisent pour être en mesure de les présenter à un tribunal. Ce n'est sûrement pas nécessaire.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Rico ou à Mme Go. Je me suis longtemps interrogé sur les motifs de ce projet de loi. Le seul auquel j'aie pu penser, c'est que ces mesures peuvent d'une façon ou d'une autre plaire à la base conservatrice, mais je ne suis pas sûr de quelle façon. Est-ce que l'une d'entre vous veut bien hasarder quelques hypothèses à ce sujet? Vous disposez au total de 20 secondes.
    Je pense que si le gouvernement s'était limité à l'article 172, sans proposer l'article 173, j'aurais pu accepter l'argument qu'il s'agit d'une simple mesure administrative. Avec les deux articles et l'exemption de certains groupes au détriment d'autres, le motif peut se déduire de la liste des groupes exemptés. Qu'il s'agisse de réfugiés ou d'autres personnes que le gouvernement ne souhaite pas accueillir au Canada, je crois qu'on peut en discuter.
    Je vous remercie. Trêve de conjectures puisqu'il ne nous reste plus de temps. Je remercie tous les témoins de leur présence au comité. Je regrette les circonstances qui nous ont obligés à écourter la réunion, mais nous vous sommes reconnaissants de votre participation.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU