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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 janvier 2017

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous tenons aujourd'hui la 39e séance du Comité permanent des anciens combattants. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous réalisons une étude sur la santé mentale et la prévention du suicide chez les vétérans.
    Nous devons d'abord régler quelques questions administratives, rapidement.
    Un nouveau greffier a été affecté au Comité. Grant McLaughlin est parti. Nous souhaitons la bienvenue à Patrick Williams.
    Nous accueillons un nouveau membre: David Graham. Nous lui souhaitons la bienvenue au Comité. De plus, nous accueillons la nouvelle secrétaire parlementaire du ministre, Mme Romanado, qui connaît bien le Comité. Bon retour parmi nous, Sherry.
    Cela étant dit. Nous allons entendre les témoins. Chaque groupe dispose de 10 minutes.
    Nous allons commencer par Mme Le Scelleur, qui témoigne à titre personnel. Allez-y, madame.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie également tous les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de cette importante étude.
    Je m'appelle Hélène Le Scelleur; je suis capitaine à la retraite. Je me suis jointe aux Forces armées canadiennes à l'âge de 17 ans. Le fait d'appartenir à quelque chose de plus grand que soi: voilà ce qui a motivé cette décision. En effet, je me voyais relever les défis proposés dans les publicités de recrutement.
    J'ai fait mes preuves en tant que membre de la première cohorte de femmes dans l'infanterie de la Force de réserve, puis je me suis jointe à la Force régulière. Je me suis donnée corps et âme; j'ai pris ma place, et j'ai réussi dans ce milieu principalement masculin. J'ai toujours fait partie de l'élite des soldats, et j'ai été récompensée de multiples façons. Au cours de ma carrière, qui s'est échelonnée sur 26 ans, j'ai servi dans plusieurs unités: deux fois en ex-Yougoslavie et, en 2007, en Afghanistan. J'ai aussi été aide de camp de la très honorable Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada.
    Ma carrière a été remplie de moments enrichissants et valorisants, tant comme membre du rang qu'à titre d'officier commandant.
    En avril 2016, toutefois, j'ai été libérée des Forces pour des raisons médicales, à la suite d'un diagnostic de stress post-traumatique.
    À partir du moment où l'on m'a attribué une catégorie médicale permanente jusqu'à ma libération des Forces, il s'est écoulé une période de deux ans et trois mois. La période de transition a été pénible, et elle a été ponctuée de moments de souffrance intense. J'ai eu des pensées suicidaires. Effectivement, comme plusieurs confrères et consoeurs, j'ai vécu des épisodes de pensées suicidaires graves et, si ce n'était de mon conjoint et de mes enfants, je ne serais pas ici pour témoigner devant vous.
    J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le problème ne relève pas de ma transition sur le plan vocationnel, puisque j'ai été en mesure de poursuivre des études doctorales en service social. Le problème n'est pas non plus attribuable à une absence de soins de santé qui aurait exacerbé les symptômes liés à mon état. En fait, j'ai été très bien prise en charge par les professionnels de la santé: les psychiatres, les psychologues, la psychoéducatrice et mon médecin de famille.
    Dans mon cas tout comme dans celui de tous les autres vétérans que je connais, qui se comptent par centaines, c'est l'aspect social de la transition qui a complètement été évacué du processus.
    Le rapport du Sénat intitulé « La transition à la vie civile des anciens combattants », publié en 2014, se fait amplement l'écho de ce discours. La tendance actuelle est de maintenir l'accent sur l'importance de l'aspect vocationnel de la transition, sans toutefois que soit pris en compte un autre aspect inhérent à celle-ci, soit l'ajustement identitaire et interpersonnel.
    De plus, lors des travaux du Comité permanent de la défense nationale, il a été mentionné que, malgré les nombreux projets de recherche dans les secteurs public et universitaire sur les blessures mentales, il demeure primordial d'être critique envers le corps médical, qui essaie désespérément de trouver une raison de nature biologique pour expliquer les troubles mentaux. Dans cette optique, il faut prendre en compte des dimensions autres que médicales dans le traitement des blessures de stress opérationnel, notamment la dimension identitaire du processus.
    Dans le rapport du Sénat mentionné précédemment, le Comité permanent de la défense nationale souligne d'ailleurs que, malgré des efforts de sensibilisation soutenus et l'offre de service en santé mentale au sein des Forces armées canadiennes, ce sentiment de perte d'identité est susceptible de se manifester à la sortie des Forces, lequel accroît la souffrance psychique déjà présente.
    Les Forces armées canadiennes se sont dotées de politiques claires quant à la réintégration du soldat au sein de sa famille, de même qu'au sein de son organisation lorsqu'il rejoint sa garnison, à la suite d'une mission en zone opérationnelle. Néanmoins, la réintégration du soldat à d'autres dimensions telles que son identité personnelle et sociale, après que ce dernier a participé à une guerre, semble être évacuée du processus actuel de transition.
    De plus, peu de recherches ont été effectuées sur l'expérience subjective des militaires et des ex-militaires, sur l'évaluation du processus de transition de ceux-ci vers la libération des Forces armées canadiennes relativement à l'accroissement ou à la diminution de leur bien-être, ainsi que sur l'expression de leurs besoins hors de la contrainte des discours dominants.
    À l'heure actuelle, il n'existe aucune littérature canadienne sur la réadaptation interpersonnelle concernant les vétérans et leur famille qui vivent une transition à la vie civile. Pierre Daigle, ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, met en lumière, dans son rapport de 2012, que le simple fait d'employer l'expression « retour à la vie civile » pourrait, de fait, être porteur d'une dimension de cette souffrance:

  (1545)  

Enfin, l'expression « retour à la vie civile » est parfois employée par les dirigeants et administrateurs des [Forces canadiennes]. Cette expression dénature complètement la réalité à laquelle font face la plupart des militaires qui souffrent de [blessures de stress opérationnel] et ne sont plus aptes au service. Même si les données démographiques évoluent, aujourd'hui encore la majorité des membres des [Forces canadiennes] se sont enrôlés dans les forces armées au début de l'âge adulte et leurs fonctions en tant que marin, soldat ou aviateur sont tout ce qu'ils connaissent. Leur carrière militaire est la seule carrière à leur actif et elle constitue également une part importante de leur identité. Par conséquent, la notion de « retour à la vie civile » est toujours plus complexe et cathartique que l'expression le laisse entendre. La plupart du temps, il s'agit plutôt d'une arrivée dans la vie civile adulte que d'un retour, avec toutes les incertitudes et les appréhensions que cela entraîne.
    Pour ma part, j'approuve entièrement ce qui a été présenté précédemment. L'édification d'un soldat, qui passe par la cérémonie de prestation du serment d'allégeance, la formation initiale du soldat, qui vise à sortir le civil en lui pour lui faire arborer l'unité militaire, et l'obtention du grade de militaire entraîné sont à la base de la construction identitaire du militaire. C'est l'incorporation de cette identité qui demeure, le reste de notre carrière.
    Nous mettons beaucoup d'efforts à construire nos militaires, mais nous oublions qu'il faut les déconstruire à la sortie. Cette déconstruction ne peut passer par les programmes de transition actuels, parce qu'ils ne sont pas conçus pour penser à cet aspect. Nous devrions investir dans une formation de retour à la vie civile qui viserait à nous aider à nous retrouver en tant qu'individu, en passant par l'établissement de nos propres valeurs et de nos propres besoins, ce qu'un militaire n'a jamais fait, car nous pensons et agissons en équipe, et l'individualisme n'a pas sa place. Nous devons donc réapprendre à construire notre individualité.
    Toutefois, cela n'est pas chose facile lorsque l'on vit la transition en situation d'isolement, ce qui est le cas pour toutes les personnes libérées pour des raisons médicales. Dès que le diagnostic est posé, l'étiquette suit et une forme de rejet s'installe immédiatement. Lentement, nous sommes mis à l'écart ou même transférés à l'Unité interarmées de soutien du personnel. Dès lors, tout le processus est individuel. Nous sommes placés en isolement et oubliés d'une certaine façon par le système qui nous a édifiés. Nous vivons la lourdeur de notre souffrance, en plus de sentir la lourdeur de ce rejet.
    Nous passons à travers tout le processus de libération par nous-mêmes, sans soutien social, sans confrère ou pair aidant. Nous allons porter nos équipements, signe identitaire très important, et notre carte d'identité sans avoir de remerciements, sans recevoir aucun honneur ou aucune forme de loyauté envers ce que nous avons donné. Nous devons quémander notre départ dans la dignité et aucune parade n'existe pour souligner notre service, notre sacrifice.
    Donc, posez-vous maintenant la question: est-il normal qu'une personne adopte des idées suicidaires, lorsqu'on additionne tout cela?
    J'aurais souhaité avoir une sortie honorable. Le processus actuel semble nous laisser avec le goût amer qui sous-entend que, parce que nous sommes blessés, nous ne sommes plus suffisamment dignes de mention ou de respect pour ce que nous avons laissé au combat. Tout cela, je vous le confirme, est suffisant pour mener une personne souffrante au suicide.
    Encore une fois, monsieur le président et membres du Comité, je suis extrêmement reconnaissante de cette occasion de témoigner aujourd'hui. Je crois sincèrement que des changements peuvent être apportés pour soutenir nos vétérans dans une transition honorable et respectueuse qui pourrait, j'en suis certaine, éviter une descente aux enfers vers un acte fatal.
    Je serai heureuse de répondre à vos questions au sujet de ma situation et j'accueillerai avec plaisir vos commentaires.
    Merci.

[Traduction]

    Très bien. Merci.
    Nous recevons aussi les représentants de l'Association canadienne professionnelle de la police montée: Sebastien Anderson, avocat spécialisé en emploi, en droits de la personne et en travail; Rae Banwarie, président; et David Reichert. Ils ont également préparé un document à l'intention du Comité, mais il n'a malheureusement pas été traduit. J'aimerais obtenir le consensus pour le distribuer. Sinon, nous pourrons le faire traduire et le remettre aux membres du Comité à la prochaine réunion.
    Y a-t-il consensus pour qu'on distribue le rapport en anglais seulement?

  (1550)  

    Je préférerais qu'on le fasse traduire, par respect pour les francophones...
    Donc, vous ne voulez pas qu'on le distribue aujourd'hui.
    Non. Je préférerais avoir la traduction.
    D'accord. Merci.
    Je cède maintenant la parole à nos témoins. Vous avez 10 minutes. Merci.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous permettre de témoigner sur un sujet très important.
    Je m'appelle Rae Banwarie. Je suis le président national de l'Association canadienne professionnelle de la police montée. Notre groupe tente d'organiser et de syndiquer la GRC. Sebastien Anderson, un avocat qui représente plusieurs membres dans de nombreux cas associés à la santé mentale et ses conséquences, se joint à moi aujourd'hui, en plus de Dave Reichert, un membre à la retraite qui aide de nombreux membres à faire la transition entre le service et la retraite. Comme le sait le Comité, tous nos membres sont d'anciens combattants qui ne travaillent plus dans les forces.
    J'ai donné au greffier un dossier qui comprend une copie de mon exposé, notre mémoire et quelques pièces jointes, notamment un document sur une enquête réalisée par le commissaire à la protection de la vie privée du Canada au sujet d'un cas en santé mentale. Cette enquête est très importante. Vous trouverez également une lettre de la Croix-Bleue transmise à tous nos membres, qui porte sur les soins de santé et explique comment obtenir de l'aide.
    Notre présentation se centre sur quatre points principaux: le manque de consultation de la GRC avec les employés et les organisations syndicales dans le cadre de l'élaboration de la stratégie en matière de santé mentale actuellement en place; l'accès aux cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants, également géré par le médecin en chef de la GRC; les services de santé offerts à nos membres, qui dépendent de la divulgation de leurs renseignements médicaux; la relation employeur-employé entre la GRC et ses psychologues et médecins, qui est très problématique.
    Je vais commencer par la stratégie en matière de santé mentale et vous présenter quelques-uns des enjeux à cet égard.
    Ce processus a été lancé en 2014 et constitue un pas dans la bonne direction, puisqu'il reconnaît l'importance de la santé mentale des agents de la GRC. Selon ce qui est énoncé, la stratégie semble veiller à ce que les membres reçoivent les soins de santé mentale dont ils ont besoin pour faire le travail policier. Toutefois, lorsqu'on creuse la stratégie, on constate que ce programme a été mis sur pied en collaboration avec des professionnels appartenant à un sous-groupe de l'organisation qui a conclu un marché avec la GRC, contrairement à ce qu'ont fait d'autres organismes policiers, comme la police d'Ottawa et la police de Victoria, qui ont invité des organismes indépendants à prendre part au processus.
    La GRC a eu recours à ses propres médecins et psychologues approuvés, en plus de ses coordonnateurs en matière de retour au travail. À l'heure actuelle, dans tous les cas, dans chaque division du pays, le client de ces médecins et psychologues, c'est la GRC. Ce ne sont pas les membres; ils n'ont jamais été le client. Ces groupes suivent les directives de leur employeur et relèvent de la GRC, pas des membres qu'ils sont censés aider.
    Quel a été l'apport des membres nationaux à la conception et à l'élaboration de ce programme? Nos membres et leur famille ne devraient-ils pas être à l'avant-plan, puisque ce sont eux qui ont recours au processus et aux ressources et qui sont visés par le programme? Dans les faits, cela n'a pas été le cas.
    Qu'en est-il de notre association, qui défend et représente ses membres depuis 1994? Nous n'avons que très peu — voire pas du tout — participé au processus, même si nous travaillons sur le terrain et que nous offrons un soutien physique et affectif aux centaines de membres qui souffrent en raison de nombreux problèmes liés à leur travail au sein de la GRC, notamment le harcèlement, l'intimidation, le TSPT, la dépression, l'anxiété et les dépendances.
    Grâce au travail de nombreux autres représentants nationaux, nous pouvons offrir un soutien affectif et physique à ces membres et à leur famille, partout au pays. Ce qui est le plus important pour nos membres — même ceux qui partent à la retraite et qui sont pris en charge par Anciens Combattants plutôt que par le programme de l'employeur pour les membres actifs —, c'est qu'ils peuvent nous faire confiance. À l'heure actuelle, nos membres ne font pas confiance à leur employeur, surtout sur le plan médical. Malheureusement, nous avons perdu de nombreux membres à cause du suicide. Mon mémoire fait référence à une étude sur la santé et la sécurité au travail, qui explique que 31 membres actifs et retraités de la GRC se sont enlevé la vie depuis 2006. C'est beaucoup, et il y en a eu d'autres avant cela. Combien? On ne le sait pas.

  (1555)  

    Si notre organisation tenait réellement à la santé mentale de ses membres, elle accepterait volontiers l'aide qui lui serait offerte par n'importe quel mécanisme de soutien, y compris nous. C'est moi qui ai communiqué avec notre commandant, le commandant de la plus grande division, la division E, et qui ai offert d'aider, de façon informelle, à examiner les plaintes de harcèlement et les griefs en suspens; ce sont souvent les signes précurseurs de situations pouvant devenir de plus en plus graves — le TSPT, l'anxiété, les BSO et toutes sortes de troubles.
    À son mérite, il a accepté l'offre, mais nous ne pouvons le faire qu'à temps perdu, et jamais à temps plein. Depuis que nous avons commencé ce travail, notre taux de réussite est d'au moins 90 %. C'est dû en grande partie à notre indépendance et à la confiance que les membres ont en nous. Pour réduire les préjudices et régler tous les problèmes qui sévissent au sein de l'organisation, nous devons être en mesure de travailler à ce dossier à temps plein.
    Je ne vous ai présenté qu'un aperçu d'un des points traités dans le mémoire. Lorsque le mémoire sera traduit et que vous l'aurez en main, je vous prie de prendre le temps de le lire attentivement. Nous sommes prêts, et je suis prêt, à fournir d'autres renseignements au Comité n'importe quand.
    Je cède maintenant la parole à M. Dave Reichert, de la Retired Members Alliance. Il vous parlera de la situation du point de vue d'un membre à la retraite.
    Merci.
    Je m'appelle David Reichert. J'ai travaillé à la GRC pendant 35 ans. Il y a maintenant deux ans que je suis à la retraite.
    La GRC est une grande organisation qui a pris de l'expansion et a évolué au point où les besoins de la gestion ont minimisé les besoins et la santé des membres. Un agent de la GRC qui déclare souffrir de problèmes de santé, de TSPT ou d'autres maladies est stigmatisé et il se fait vite ostraciser par les autres membres de l'organisation. Il se met alors à tenter d'obtenir du soutien dans le but de surmonter ses problèmes et d'effacer la honte qui s'y rattache.
    La GRC devient la cliente, et le membre est à la merci de sa direction. C'est le service de santé de la GRC qui décide quels médecins, quels psychologues et quels spécialistes sont approuvés. Ces médecins travaillent avec le membre touché, tout en acceptant de suivre les règles et les instructions de la direction de la GRC. Ils acceptent ces conditions en sachant que d'autres patients leur seront envoyés et qu'ils deviendront les médecins privilégiés.
    Le contrôle exercé par la GRC est rendu tel que c'est la GRC qui dit aux médecins ce qu'ils doivent faire, quels sont les résultats visés, ce qu'ils peuvent dire au sujet des traitements et comment les traitements sont appliqués. Dans certains cas, le membre n'est jamais informé de ce qui se passe.
    Par ailleurs, la GRC emploie des tactiques d'intimidation. Par exemple, elle envoie des agents dans les cabinets médicaux pour qu'ils donnent des instructions aux médecins. Elle transmet des lettres à l'ordre des spécialistes pour se plaindre des actions des médecins. Elle rejette catégoriquement certains médecins et empêche les membres d'avoir recours à leurs services. En outre, les services de santé de la GRC ont déjà chargé leurs médecins de dire aux médecins payés par la force de retourner des gens au travail sans que les membres aient été consultés.
    La confiance en la direction de la GRC décroît rapidement. Les renseignements personnels sur la santé sont souvent divulgués. La GRC a retiré des médecins à des patients de la GRC, sans faire de suivi pour veiller à leur sécurité et à leur santé. Elle a agi ainsi sans en informer les patients et en sachant que certains d'entre eux étaient suicidaires. Je le répète, il n'y a eu aucun suivi, aucun appel téléphonique, aucune orientation vers un autre médecin. Elle les a simplement laissés seuls.
    Dans l'affaire concernant l'atteinte à la vie privée qui a touché l'ensemble du Canada, mais surtout la Colombie-Britannique, la GRC a transmis les dossiers de membres recevant les soins d'un psychologue particulier à l'ordre des médecins et les a divulgués aux membres. Il y a eu atteinte à la vie privée parce que les dossiers divulgués contenaient encore les noms et tous les détails.
    La GRC n'a pas répondu aux griefs liés à cette atteinte. Nous lui avons envoyé de nombreuses lettres et nous lui avons donné beaucoup d'occasions de redresser la situation. J'ai participé à cette affaire et je lui ai donné toutes les possibilités d'apporter des changements. Tout ce que je voulais, c'était des changements. J'ai été obligé de passer par les tribunaux. J'ai payé l'avocat de ma poche, tandis que la force ou les membres impliqués ont utilisé les deniers publics pour payer leur défense et le procès. En gros, l'affaire a été très coûteuse et pénible.
    La GRC proclame régulièrement que ses valeurs fondamentales sont l'honnêteté, l'intégrité, la compassion, la responsabilité et le professionnalisme. Or, lorsqu'un membre est témoin de la violation de ces valeurs et du mépris total de la GRC à l'égard de la santé des membres, il devient et il se sent très isolé.
    La meilleure illustration de la responsabilité liée à l'abus de confiance et à l'atteinte à la vie privée se trouve peut-être dans la décision récente d'un tribunal d'accorder 100 millions de dollars aux femmes membres de la GRC ayant été victimes d'abus. C'était une très bonne décision, mais pas à tous les égards. Personne n'a été tenu responsable. La force n'a pas été obligée d'apporter un seul changement, et personne n'a été tenu responsable. Encore une fois, les 100 millions de dollars n'ont pas été puisés dans le budget de la GRC, mais bien dans les fonds publics. Les membres ont eu énormément de difficulté à accepter cette situation.
    Aujourd'hui, plusieurs membres se retirent du processus visant à aider les autres, car ils trouvent que c'est devenu trop politique ou trop exigeant. La structure de paiement différé de la GRC cause également des problèmes.

  (1600)  

    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Debbie Lowther, co-fondatrice de Veterans Emergency Transition Services.
    Pardonnez l'interruption, mais M. Sebastien Anderson devait prendre la parole.
    D'accord.
    Je pense que nous avons quelques minutes. Sebastien, je n'ai pas reçu votre exposé. Est-il bref?
    Ai-je la permission? Sommes-nous d'accord? Dans ce cas, allez-y; nous poursuivrons après. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai le privilège de prendre la parole au nom des membres de la GRC atteints d'une incapacité mentale qui hésitent à se défendre eux-mêmes en public par crainte de la stigmatisation liée aux maladies mentales et des répercussions possibles.
    La GRC n'a pas de stratégie valable en matière de santé mentale. À cause des modifications à la Loi sur la GRC que le commissaire de la GRC a demandées, de la mise en œuvre par le gouvernement conservateur de la Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC et de l'article 6 des consignes du commissaire, les membres de la GRC atteints d'une incapacité physique ou mentale, comme le trouble de stress post-traumatique, sont renvoyés pour des raisons médicales, sans que la GRC tente vraiment de prendre des mesures d'adaptation en fonction de leur incapacité. En réalité, la stratégie de la GRC en matière de santé mentale n'est qu'un ramassis de fadaises.
    Au lieu de remplir leur obligation légale de prendre des mesures d'adaptation à l'intention des membres handicapés de la GRC en tentant de les réinstaller ou de les recycler, les agents des services de santé de la GRC se sont lancés dans une vaste campagne à l'échelle de la force pour les déclarer totalement incapables d'assumer une fonction à la GRC. Ils doivent donc être renvoyés pour des raisons médicales.
    Par conséquent, d'innombrables membres handicapés de la GRC sont sommairement mis au rancart par la force. La façon dont la GRC traite ses membres handicapés est inadmissible. Non seulement le dur traitement de la GRC aggrave tout trouble mental sous-jacent chez les membres handicapés, mais il peut aussi mener au suicide.
    Je souligne dans mon mémoire que les membres de la GRC n'ont pas accès aux services de réadaptation professionnelle qui sont généralement offerts aux membres des Forces armées. La seule explication, c'est que la GRC choisit de ne pas fournir ces services à ses membres.
    Je présente deux études de cas dans mon mémoire et dans les annexes. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, mais ces études décrivent deux affaires auxquelles nous travaillons actuellement au nom de membres individuels de la GRC et elles illustrent d'autres affaires que nous avons plaidées au nom de membres de la GRC de partout au pays. Nous sommes en quelque sorte un cabinet d'avocats basé à Coquitlam. Nous représentons des membres de la GRC de toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec. C'est dans ce contexte que je présente mes observations.
    Contrairement aux Forces armées canadiennes et aux régimes provinciaux d'indemnisation des accidents du travail, la GRC n'a pas de programme de réadaptation professionnelle. Or, un programme de réadaptation professionnelle est absolument essentiel à la prise de mesures d'adaptation à l'intention des membres assermentés de la GRC atteints d'une incapacité mentale ou physique bien diagnostiquée comme le TSPT, pour qu'ils occupent soit une autre fonction importante d'application de la loi, soit un emploi civil. Ainsi, ils peuvent demeurer de précieux membres de la société au travail, à la maison et dans la collectivité. Un programme de réadaptation professionnelle devrait comprendre les avantages suivants: des services de transition de carrière, des possibilités de réinstallation, du recyclage et la priorité d'embauche au sein de la fonction publique fédérale.
    Les prestations et les programmes de réadaptation professionnelle devraient être offerts aux membres actuels et aux anciens membres de la GRC avant que la GRC engage un renvoi pour raisons médicales, comme c'est le cas pour les agents des forces policières municipales et provinciales, ainsi que pour la majorité des employés des gouvernements fédéral et provinciaux et du secteur privé, qui bénéficient de prestations et de programmes de réadaptation professionnelle par l'intermédiaire des divers régimes d'indemnisation des accidents du travail.
    Voilà les observations que je voulais présenter.

  (1605)  

    Merci.
    Je donne maintenant la parole à Mme Debbie Lowther, de Veterans Emergency Transition Services.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs.
    Je suis ravie d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Debbie Lowther. Je suis présidente et co-fondatrice de Veterans Emergency Transition Services, ou VETS Canada. Je suis aussi l'épouse d'un ancien combattant des Forces armées canadiennes, un homme qui a servi le Canada avec fierté pendant 15 ans, jusqu'à ce que des blessures physiques et psychologiques mettent prématurément fin à sa carrière. Il a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique en 2002 et a été libéré en 2005. Nous avons fondé VETS Canada ensemble en 2010.
    VETS Canada est un organisme qui vient en aide aux anciens combattants qui sont sans abri, à risque de devenir sans abri ou en situation de crise. Jusqu'à maintenant, nous avons aidé au-delà de 1 400 anciens combattants partout au pays. La grande majorité d'entre eux souffraient de troubles de santé mentale, certains diagnostiqués, d'autres pas encore. Une partie de nos bénévoles ont déjà travaillé dans le domaine de la santé, mais nous ne sommes ni un organisme de soins de santé ni des chercheurs. Nous sommes simplement un groupe de plus de 500 bénévoles qui travaillent de près avec des anciens combattants qui, pour une raison ou pour une autre, se trouvent en situation de crise.
    À ce titre, j'aimerais vous présenter nos observations sur le chapitre de la santé mentale et de la prévention du suicide. Je tiens également à souligner que la majorité de nos bénévoles sont des membres actuels et d'anciens membres des Forces armées canadiennes et de la GRC, ainsi que des membres de leurs familles. Nombre d'entre eux ont aussi eu à surmonter des problèmes de santé mentale ou en affrontent encore. Le service militaire et les problèmes de santé mentale sont donc des liens qui unissent les parties et qui favorisent le soutien par les pairs, et nous avons appris que ce soutien est un élément essentiel au succès de deux transitions: celle de la vie militaire à la vie civile, et celle d'une vie en crise à une vie stable.
    Comme je l'ai déjà dit, la majorité des anciens combattants que nous aidons ont des troubles de santé mentale. Beaucoup se retrouvent à la rue parce qu'ils n'ont pas reçu les soins médicaux dont ils avaient besoin pour guérir. Ils n'ont pas reçu ces soins soit parce qu'ils n'ont pas demandé d'aide, soit parce que l'aide qu'ils ont obtenue n'était pas suffisante: les listes d'attente pour consulter des intervenants en santé mentale sont longues, et c'est difficile de trouver des fournisseurs de soins de santé mentale ayant une connaissance et une expérience du traitement du TSPT.
    Il y a longtemps que les anciens combattants demandent un centre de traitement qui soignerait uniquement les anciens combattants. Les anciens combattants peuvent aller à Homewood et à Bellwood. Je ne critique pas ces programmes; nous connaissons des anciens combattants qui les ont suivis avec succès. Or, ces centres dépendent fortement de la thérapie de groupe, ce qui est très bien si les membres du groupe ont d'autres points en commun que la maladie mentale.
    À titre d'exemple, j'aimerais vous répéter ce qu'un ancien combattant ayant fréquenté Homewood m'a expliqué. L'ancien combattant avait participé à deux missions, une en Bosnie et une en Afghanistan, et il avait été témoin d'atrocités. Pendant son séjour à Homewood, il a participé à une thérapie de groupe, et voici ce qu'il m'a dit: « Comment puis-je parler de trouver des fosses communes durant un combat sanglant alors que la fille à côté de moi parle des problèmes qu'elle a avec ses parents? » Il ne tentait certainement pas de diminuer l'importance des problèmes de la personne en question; il craignait plutôt de transmettre les pensées et les visions qui le hantaient à quelqu'un d'autre.
    Je sais que beaucoup d'anciens combattants atteints de TSPT ont la même préoccupation. Au début de son traitement pour le TSPT, mon mari hésitait beaucoup à parler ouvertement, car il avait peur de transférer son tourment à l'esprit du psychologue qu'il consultait à l'époque. Un centre de traitement réservé aux anciens combattants serait certainement plus efficace, car nous savons que les anciens combattants sont plus réceptifs au traitement lorsqu'ils sont entourés de leurs pairs, de gens qui les comprennent.
    Nous avons constaté que les hommes et les femmes qui portent l'uniforme sont souvent obligés d'y renoncer avant d'être prêts à le faire, tant mentalement que financièrement. Il y a longtemps qu'on entend parler de combler l'écart, mais l'écart existe encore. Ces situations ont ce qu'on pourrait appeler un effet domino. Dans les cas de renvoi pour raisons médicales, premièrement, le membre souffre d'une blessure physique ou mentale. Deuxièmement, il perd sa carrière, sa raison d'être et son réseau de soutien. Troisièmement, il attend beaucoup trop longtemps avant de commencer à toucher ses prestations; il épuise donc ses économies et il utilise ses cartes de crédit jusqu'à leur limite. Quatrièmement, nous savons tous que les difficultés financières causent souvent la rupture conjugale, ou du moins la discorde.
    Imaginez avoir à faire face à tout cela tout en luttant contre des troubles de santé mentale comme le TSPT, la dépression ou l'anxiété. Chaque situation stressante a tendance à rendre la prochaine encore plus stressante, et il devient de plus en plus dur de les affronter. La perte d'emploi, les difficultés financières et la rupture conjugale ou familiale sont tous des facteurs qui ont une incidence sur la santé mentale. Même une personne qui n'est pas atteinte de troubles de santé mentale aurait de la difficulté à maîtriser l'effet domino d'une série de situations stressantes.

  (1610)  

    Je tiens également à souligner qu'une libération représente bien plus que la simple perte d'un emploi ou d'une carrière: servir dans l'armée est un mode de vie, une culture en soi, et cela fait partie de l'identité du membre. Si vous demandiez à mon mari à quelle division de l'armée il appartenait, il vous répondrait tout simplement qu'il était militaire.
    Les hommes et les femmes qui s'enrôlent dans l'armée suivent un entraînement de base pour apprendre cette nouvelle culture ou ce mode de vie. Ils deviennent des soldats. À la fin de leur carrière, il devrait peut-être y avoir un atelier où on enseignerait aux soldats, aux marins ou aux aviateurs comment devenir des civils.
    De plus, les membres en voie d'être libérés devraient pouvoir recevoir du soutien de la part d'un pair qui a déjà vécu l'expérience. Cela pourrait être bénéfique. Comme je l'ai dit plus tôt, nous savons que le soutien par les pairs est essentiel pour assurer une bonne transition.
    J'aimerais revenir brièvement sur le processus de libération médicale, car cela se rapporte à cet écart qui subsiste.
    Lorsqu'un membre est libéré de l'armée à cause d'une blessure — une blessure physique ou mentale subie durant le service — diagnostiquée par un médecin militaire des Forces armées canadiennes, le membre doit se tourner vers un nouveau ministère, Anciens Combattants Canada. On s'imagine que le ministère va accepter le diagnostic prononcé par le médecin des Forces armées canadiennes, mais non, ce n'est pas le cas. Le membre doit aussi être évalué par un médecin approuvé par le ministère des Anciens Combattants. Si ce nouveau médecin n'est pas d'accord avec le diagnostic posé par le médecin des Forces armées canadiennes, que se passe-t-il alors? En fonction de l'opinion de ce médecin, le membre pourrait ne pas recevoir d'indemnité d'invalidité, ce qui lui causerait encore plus de stress financier. Un appel de cette décision pourrait aussi s'avérer une source de stress psychologique dont il n'a vraiment pas besoin.
    Je sais que vous savez tout cela. On vous en a déjà parlé auparavant. En fait, je vous en ai moi-même parlé la dernière fois que j'ai témoigné. Selon moi, ce processus est une perte de temps et d'argent, mais surtout, il cause du stress inutile aux membres blessés.
    En terminant, j'aimerais parler de la prévention du suicide. Je ne crois pas qu'il existe de moyen concret de prévenir les suicides, mais j'estime que certaines mesures peuvent être mises en place pour en réduire le nombre. Tout d'abord, il faudrait que le membre puisse rester dans les forces armées jusqu'à ce que tout soit en place pour qu'il puisse passer du MDN à ACC en toute harmonie. Il devrait peut-être y avoir un gestionnaire de cas qui veille à ce que tous les documents soient remplis adéquatement et à ce que rien ne se perde, comme cela semble être le cas en ce moment. Il faudrait notamment que les demandes de prestations par l'intermédiaire d'ACC et du RARM soient présentées avant la libération du membre. Un solide réseau de soutien par les pairs pourrait également contribuer à prévenir le suicide, y compris un programme de traitement adapté aux anciens combattants.
    Je vous remercie, encore une fois, de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
    Merci.
    Nous allons amorcer notre première série de questions avec Mme Wagantall.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui et de nous donner votre point de vue.
    Debbie, vous avez tout à fait raison: nous avons déjà entendu bon nombre des questions que vous avez soulevées, et ce, à maintes reprises. Pour être honnête, ce sont des choses dont on a souvent parlé en comité. Apparemment, il est difficile d'agir concrètement.
    Les mesures que vous proposez sont simples, claires et précises, et je suis heureuse de dire que bon nombre d'entre elles figurent dans notre rapport. Le défi, bien sûr, consiste à les mettre en oeuvre afin de combler cet écart, et c'est ce que tout le monde veut dans cette pièce. Plus j'ai l'occasion d'être ici... J'ai été dans les affaires pendant longtemps et je dois dire, en toute honnêteté, qu'il m'arrive de vouloir congédier tout le monde et de recommencer à zéro. Je n'en dirai pas plus.
    Des voix: Ah, ah!
    Mme Cathay Wagantall: Hélène, j'aimerais que vous nous parliez un peu du processus de déconstruction, car c'est quelque chose que j'ai mentionné dès le début.
    Nous savons ce qu'il faut pour former les soldats. Je viens de m'entretenir avec les parents de Patrick Rushowick, qui s'est suicidé dans ma circonscription. Vous avez raison: ils n'avaient pas la moindre idée de ce que leur fils vivait. Je sais que cette information n'est pas transmise aux membres de la famille ni aux gens qui, possiblement... Lorsque vous parlez d'un programme de déconstruction, qu'envisagez-vous exactement? Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus? J'adresse ma question à quiconque veut répondre.

  (1615)  

[Français]

     Merci de la question.
    En fait, la déconstruction signifie qu'il faut prendre le temps, que ce soit en collaboration avec les Forces armées canadiennes ou avec Anciens Combattants Canada, de passer par une étape de formation où on pourrait apprendre à délaisser tranquillement l'identité militaire.
    Comme je l'ai dit auparavant, il s'agit de renouer avec nos propres valeurs et de laisser aller celles qu'on nous a inculquées tout au long de notre carrière. Il faut prendre le temps de nous asseoir avec des professionnels, des psychoéducateurs, des travailleurs sociaux. Il faut renouer avec qui nous sommes en tant qu'individus. Il faut aussi établir nos propres besoins. Personnellement, jusqu'en septembre dernier, je ne pouvais pas dire quels étaient vraiment mes propres besoins, parce que j'avais toujours pensé en fonction des personnes qui étaient à droite et à gauche de moi. En tant que militaires, c'est ce que nous faisons: nous nous surveillons les uns les autres et nous travaillons en équipe.
    La déconstruction d'un soldat devrait passer par l'aspect psychosocial. Cela lui permettrait de creuser afin de retrouver sa propre identité. Or présentement, rien n'est disponible pour cela. Je pense qu'il serait important, comme le mentionnait madame ici, qu'il y ait une sorte de camp de formation ou quelque chose de similaire où les personnes pourraient prendre le temps, ensemble, de passer à quelque chose de différent.

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre aurait-il quelque chose à ajouter?
    Je tiens à dire que je suis entièrement d'accord. Lorsque les hommes et les femmes entrent dans les forces armées, ce sont pratiquement des enfants. Ils s'enrôlent à 17, 18 ou 19 ans, et ils ignorent totalement qui ils sont. Ils deviennent des soldats, des marins ou des aviateurs et, à la fin de leur carrière, ils n'ont pas d'autre identité que celle-là.
    J'ignore à quoi pourrait ressembler ce programme, mais je crois qu'il pourrait inclure du counseling psychologique, de l'orientation professionnelle et même des mentors spécialisés.
    Du côté de la GRC, on n'a personne vers qui se tourner. Nous n'avons aucune association, mise à part l'APPMC, qui n'a pas encore été approuvée comme étant notre section. Nous ne pouvons pas nous adresser à l'organisation ni au médecin; nous sommes laissés à nous-mêmes. Nous pouvons évidemment déposer des griefs, mais dans les cas les plus rapides, cela peut prendre cinq ans avant d'obtenir des résultats. Donc, oui, on peut déposer des griefs au moment de prendre sa retraite, mais encore une fois, on n'a personne vers qui se tourner. Certains griefs ont été déposés il y a plus de 12 ans et n'ont toujours pas été réglés. À part retenir les services d'un avocat, on n'a personne à qui s'adresser tout simplement.
    J'ai en tête trois membres, dont un en particulier qui attend à la maison depuis 16 ans, avec son plein salaire, qu'une décision soit rendue concernant un grief. Je connais un autre membre, à Langley, qui attend à la maison, sans aucun problème de santé ni autre chose du genre, avec plein salaire, qu'une décision soit prise relativement à un grief déposé il y a 10 ans. Le dernier est un sergent d'état-major, du quartier général de la Division E, en Colombie-Britannique, qui attend à la maison qu'une décision soit rendue depuis cinq ans.
    Ces personnes sont prêtes à retourner travailler et elles ne souffrent d'aucun problème de santé mentale, même si elles commencent réellement à souffrir de cette situation. Je pense qu'il serait important de mettre en place un processus où on pourrait répondre à nos questions avant la retraite. À l'heure actuelle, lorsqu'on quitte la GRC, on signe un document puis c'est fini.
    Je sais que dans la Ligue nationale de hockey, il y a une séance d'information au cours de laquelle on enseigne aux joueurs de la LNH comment reprendre une vie normale. Cela fait partie du processus qui permet de sauver des vies et d'aider ces gens à réintégrer la société. Il n'y a rien de tout cela à la GRC. Il n'y a aucun comité de surveillance ni personne pour veiller à notre transition. Il est très important que nous puissions recevoir de l'aide. Actifs ou retraités, les membres n'ont personne vers qui se tourner, et c'est d'ailleurs pourquoi certains songent au suicide. Ils se sentent abandonnés.

  (1620)  

    Je comprends ce que vous dites, alors puis-je vous poser une question? Très brièvement, il me semble qu'au fil des années, il y a de plus en plus de suicides liés non pas au service militaire, mais bien à la libération des membres. Considérez-vous qu'il s'agit d'un facteur qui contribue au suicide?

[Français]

    Je pense que tout le processus a pour effet d'exacerber la situation. Lorsque nous sommes isolés, seuls, que personne n'est là pour nous guider, qu'aucun confrère n'est présent pour nous accompagner, le sentiment de rejet grandit.
    Je parlais plus tôt de déconstruction. Le fait de pouvoir vivre une forme de deuil, mais en groupe, pourrait sûrement contribuer à éviter ce genre de situations pouvant mener jusqu'au suicide. Si on est isolé, qu'on perd cette forme d'identité, cette confrérie, et qu'on doit se reconstruire, on n'a plus de points de repère. On n'a plus rien. Il est facile, alors, de dire qu'on s'en va vers des idées suicidaires.
    Les hommes avec qui je parle se disent souvent que la femme est à la maison et qu'elle va prendre soin des enfants. L'homme, dans bien des cas, abandonne la partie. La mère, de son côté, a tendance à rester. C'est un fait qu'il faut considérer.
     Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Lockhart, la parole est à vous.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Madame Lowther, c'est un plaisir de vous revoir. Je crois savoir que vous avez participé, aux côtés de la Commission de la santé mentale du Canada, à la modification de son programme de premiers soins en santé mentale à l'intention des anciens combattants. C'est quelque chose dont on n'a pas vraiment entendu parler, alors j'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet ainsi que sur les mesures qui s'y rattachent.
    Anciens Combattants Canada a demandé à la Commission de la santé mentale du Canada d'adapter son programme de premiers soins en santé mentale pour la communauté des anciens combattants. Ce programme s'adresse à des gens comme nos bénévoles, par exemple, qui côtoient des anciens combattants pouvant être aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous étions une dizaine de personnes à nous réunir à quelques reprises pour passer en revue le guide des premiers soins en santé mentale et faire des recommandations sur la façon d'adapter certains aspects du programme aux anciens combattants.
    Évidemment, l'aspect qui touche le plus les anciens combattants est le trouble de stress post-traumatique. Nous nous sommes beaucoup penchés là-dessus. Nous avons également abordé la question des instructeurs. En gros, nous avons déterminé que les instructeurs affectés à ce cours devraient idéalement être d'anciens combattants. On en revient toujours à la question du soutien par les pairs et du soutien social. Étant donné que la culture militaire est unique, nous étions d'avis que les instructeurs devaient avoir ce bagage.
    Je sais que le programme est actuellement offert dans quelques villes partout au pays et que, jusqu'à maintenant, on semble obtenir de bons résultats.
    Où ce programme est-il offert? Qui l'administre? Qui l'offre?
    C'est la Commission de la santé mentale du Canada qui l'offre. Dans la plupart des endroits, le programme est offert aux CRFM, ou simplement là où il y a des locaux disponibles. D'ailleurs, l'endroit où on allait offrir le programme de premiers soins en santé mentale a fait l'objet de discussions dans le processus d'adaptation. Nous sommes conscients qu'un grand nombre d'anciens combattants ne veulent pas retourner sur la base. Certains ont proposé d'offrir le programme dans les bases, mais nous savons que beaucoup d'anciens combattants ne veulent plus revenir une fois qu'ils sont partis. C'est une autre recommandation que nous avions formulée: bien choisir le lieu du cours.

  (1625)  

    Merci. C'est très utile, d'autant plus que nous savons que le gouvernement a récemment annoncé un investissement dans la santé mentale à l'échelle du Canada. On pourra donc peut-être enrichir ce programme dans les collectivités de partout au pays.
    Je voulais également vous interroger au sujet des régions rurales. Qu'avez-vous constaté dans la prestation des services aux anciens combattants dans les régions rurales? Quels sont les principaux défis?
    L'une des difficultés tient au fait que, premièrement, nous n'avons pas beaucoup de bénévoles dans les régions rurales. Nous faisons également face à un manque de ressources. Les anciens combattants qui vivent en milieu rural doivent parcourir une distance considérable pour avoir accès aux services dont ils ont besoin.
    C'est difficile, mais lorsque nous avons besoin de quelqu'un dans ces régions, et qu'il n'y a personne, nous faisons appel à notre réseau de contacts pour nous assurer d'avoir une personne à proximité qui peut venir en aide à l'ancien combattant. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les gestionnaires de cas d'ACC pour aider, à distance, les anciens combattants à surmonter leur crise, quelle qu'elle soit.
    Lorsque j'ai rencontré les équipes sur le terrain à Fredericton, nous avons discuté de leurs déplacements. Ces gens sont appelés à se déplacer dans des régions éloignées.
    Oui, et ils le font. Nos bénévoles sont extraordinaires. Ils acceptent de parcourir une certaine distance. Dans le cadre du processus de sélection, nous leur demandons s'ils sont disposés à voyager pour aider un ancien combattant.
    Merci.
    Madame Le Scelleur, lorsque vous travailliez à votre doctorat, évidemment, vous meniez des recherches, et je me demande s'il existe déjà beaucoup d'études sur le sujet. Avez-vous trouvé qu'il y avait beaucoup d'études sur la santé mentale des militaires ou que c'est un domaine où l'on devrait davantage concentrer nos efforts?

[Français]

     Merci de la question.
    Comme je l'ai mentionné auparavant, dans la littérature que j'ai passée en revue, il y a beaucoup de recherches médicales sur l'état de stress post-traumatique ainsi que sur la transition vocationnelle. Par contre, les relations interpersonnelles ou l'aspect psychosocial sont encore très peu abordés dans la littérature canadienne. Dans la littérature de nos pays alliés, on trouve un peu plus d'information sur ces aspects, mais encore une fois, la même question demeure sur les plans psychosocial, identitaire et interpersonnel.

[Traduction]

    Merci.
    Je trouve cela très intéressant que vous ayez toutes deux abordé cet aspect dans votre témoignage. En fait, c'est quelque chose dont nous avons entendu parler dans le cadre de notre autre étude également, c'est-à-dire que la transition et cet aspect d'identité sont très importants, alors je vous remercie d'avoir soulevé cela encore une fois dans le contexte de la santé mentale, de même que tous les facteurs qui entrent en ligne de compte dans le processus de transition.
    Merci.
    Madame Mathyssen, allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Vous avez mis l'accent sur certains éléments que nous avions déjà entendus et vous nous avez aidés à mieux les comprendre, alors je vous en suis très reconnaissante.
    J'ai plusieurs questions à vous poser. Je vais commencer par Mme Lowther puis Mme Le Scelleur.
    Vous avez parlé d'un programme de déconstruction. Selon ce que vous dites, les jeunes, parfois adolescents, qui s'enrôlent dans les forces armées, deviennent des adultes dans cet environnement. Ils ne deviennent pas des adultes dans la vie civile. Vous avez toutes deux relevé un aspect important ici. Avez-vous déjà songé à la forme que pourrait prendre ce programme? Quel type de services devrait-on offrir pour aider ces gens à retrouver leur identité d'adulte?

[Français]

     Merci de la question.
    Pour ma part, je me suis enrôlée à l'âge de 17 ans. Quand j'ai quitté la vie militaire, l'année dernière, à l'âge de 43 ans, je n'avais aucune idée de la façon dont je pouvais être une adulte dans la vie civile. Comme on le disait plus tôt, on pourrait créer des groupes de soutien. Je dirais que cela va même au-delà du groupe de soutien. Il s'agirait entre autres d'apprendre à faire un budget, de chercher un médecin et de prendre le temps d'aller discuter du retour des uniformes.
    Nous recevons notre insigne de service à la fin de notre carrière. Pourquoi ne ferions-nous pas une parade devant notre famille et nos amis, comme lors d'une collation des grades? Pourquoi ne pas faire une dernière parade pour souligner notre service? Nous pourrions recevoir notre insigne à ce moment-là, devant notre famille et nos amis.
    Tous les militaires qui se retirent ou qui sont blessés pourraient suivre de petites étapes de ce genre, ensemble, comme lorsqu'ils ont commencé leur carrière.
    Merci.

  (1630)  

[Traduction]

    Je suis d'accord avec cela. Nous voyons beaucoup d'anciens combattants qui, comme vous l'avez dit, ont toujours évolué dans le domaine militaire, et au moment d'être libérés, ils ne savent pas du tout comment fonctionner dans la société. Ils ignorent des choses simples telles que payer des factures et, comme on l'a mentionné, consulter un médecin. Un ancien combattant nous a dit que lorsqu'il était en service, il y avait toujours quelqu'un pour lui dire qu'il avait un rendez-vous médical ou un rendez-vous chez le dentiste. Une fois sorti, il n'avait personne pour le lui rappeler. Un membre qui est déployé compte souvent sur son conjoint ou sa conjointe à la maison pour s'occuper de ces choses à sa place. Par conséquent, lorsque c'est terminé, il a besoin d'être encadré dans la vie quotidienne.
    Vous voulez dire les aptitudes nécessaires à la vie quotidienne.
    C'est exact.
    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant aux représentants de la GRC. J'ai entendu deux choses. Premièrement, une personne qui est blessée et diagnostiquée est traitée par des médecins de la GRC qui se font dire par l'organisation quel traitement elle devrait recevoir, etc., sans même être consultée. J'ai été plutôt renversée par cette affirmation. Comment cela est-il possible? Comment peut-on enlever un droit aussi fondamental à une personne? Il me semble que l'on rend la situation encore plus difficile. On lui retire son droit à l'autodétermination.
    Puis il y a aussi l'inverse: se faire dire par d'autres que l'on doit retourner travailler, alors qu'on n'est peut-être pas prêt et qu'on n'a pas eu son mot à dire là-dessus ni aucune possibilité de réadaptation. Il me semble que ces deux choses-là se passent en même temps.
    De plus, lorsqu'on parle de réadaptation professionnelle, je me demande quelles sont les possibilités qui sont offertes à ces personnes.
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    En pratique, si un membre de la GRC doit consulter un psychologue qui ne participe pas au régime de la Croix bleue qui est offert, la seule possibilité qui s'offre à lui est de choisir l'un des psychologues parmi ceux de la liste des fournisseurs de services approuvés de la GRC. Les membres sont tenus de consulter un fournisseur de services approuvé. Les heures de consultation auprès d'un fournisseur de services sont approuvées par tranches de 10 heures. Pour obtenir 10 heures supplémentaires, le fournisseur doit fournir des notes d'information détaillées comprenant le diagnostic et la teneur des discussions au cours des séances. Toutes ces informations sont communiquées au bureau des services de santé par le fournisseur de services. Si ces renseignements ne sont pas fournis et que le membre refuse d'autoriser le psychologue à divulguer ces informations, le service est interrompu et le membre ne reçoit pas de traitement. C'est ce qui s'est produit dans les deux cas que j'ai cités dans l'étude de cas.
    Le premier cas était celui d'un membre souffrant du TSPT qui participait à un programme de retour au travail progressif approuvé par la GRC. Son fournisseur de soins de santé, un psychologue, avait été approuvé par la GRC et par le membre. La GRC a failli à la tâche à chaque étape du programme de retour au travail progressif. Tout d'abord, l'achèvement du processus d'autorisation de sécurité a pris plusieurs mois; le membre a été tenu de remplir le formulaire long, comme celui que doivent remplir les nouveaux employés, plutôt que le formulaire court. Ensuite, la GRC lui a fourni un ordinateur portable, mais comme la pile est défectueuse, le portable doit être branché dans une prise murale. Le problème n'est toujours pas réglé. On a mis trois mois pour lui fournir la clé de sécurité. Enfin, lorsque tout a été mis en place, la GRC ne lui a confié aucune tâche valorisante à accomplir dans le cadre du programme de retour au travail progressif.
    Un supérieur hiérarchique lui a ensuite donné l'ordre de se présenter au travail — ce qui est contraire aux modalités du programme de retour au travail progressif —, sous peine de sanctions disciplinaires. Il y a trois ans, la GRC a annulé le financement des traitements fournis par le psychologue. Le membre est toujours en congé de maladie.

  (1635)  

    Merci.
    Monsieur Eyolfson.
    Merci à tous d'être venus.
    Madame Le Scelleur, vous avez indiqué que dès que le diagnostic est posé, les membres sont graduellement mis à l'écart. Diriez-vous, à votre avis, que les exigences d'universalité du service contribuent à cette situation?

[Français]

     Merci de la question.
    C'est absolument le cas.
    Les critères sont différents selon qu'il s'agit de personnes blessées physiquement ou de personnes blessées psychologiquement. En ce qui concerne la manipulation des armes et les déploiements, on n'utilise pas les mêmes critères à l'égard des membres des Forces armées canadiennes qui sont blessés physiquement. On peut remarquer qu'il y a une plus grande tolérance, si je puis dire, à l'égard des personnes blessées physiquement qu'à l'égard de celles qui sont blessées psychologiquement. Pourtant, lorsque ces personnes quittent les Forces, souvent, elles reprennent les armes et deviennent des instructeurs de tir, entre autres choses. Or, selon le système, on ne peut pas utiliser des armes une fois qu'on a reçu un diagnostic de blessure psychologique.
    Effectivement, cette loi dresse beaucoup d'obstacles et on devrait l'adapter.
    Merci.

[Traduction]

    Très bien; merci.
    Maintenant, en ce qui concerne la GRC, cette situation me touche beaucoup. Mon père a fait carrière pendant 25 ans à la GRC. Certains des enjeux dont vous avez parlé me semblent donc très familiers.
    Lorsqu'une personne est en congé de maladie ou a reçu un diagnostic, la GRC a-t-elle des exigences d'universalité du service comme celles des forces armées?
    Non.
    Très bien.
    Une personne peut-elle être affectée à des tâches restreintes, mais demeurer membre de la GRC? Prenons par exemple le cas d'une personne qui aurait une blessure physique qui l'empêcherait de marcher sur de longues distances et qu'il conviendrait plutôt d'affecter à un travail de bureau.
    Je trouve que la GRC procède de façon très étrange. Si vous avez un accident de voiture, on envoie un enquêteur, on envoie un analyste; des mesures et des photos sont prises. On recueille les déclarations de toutes les parties concernées et on découvre la cause de l'accident.
    Si vous êtes impliqué dans une fusillade ou dans toute situation ayant requis l'usage de la force, la GRC lance une enquête. Elle fait tout son possible pour trouver une solution, pour déterminer si la personne a besoin de formation supplémentaire ou pour établir les mesures à prendre dans une telle situation.
    Toutefois, elle ne mène aucune enquête dans le cas des blessures en milieu de travail liées au TSPT, entre autres. Lorsque vous revenez au travail, on se contente de vous informer que vous devrez consulter un psychologue, conformément à la politique. Cela s'arrête là. Souvent, on vous demande de consulter votre médecin, qui vous renvoie simplement dans le milieu qui est la source même de vos problèmes.
    On constate un dénominateur commun lorsqu'on discute avec des avocats, des médecins, des psychologues et des médecins traitants: les noms évoqués par rapport à ces situations problématiques sont toujours les mêmes. Comment peut-on régler un problème sans en connaître la nature? On ne peut renvoyer une personne dans le milieu où elle était auparavant que si les choses ont changé, et la responsabilité à cet égard n'incombe pas uniquement à l'employeur, mais aussi à l'employé. La résolution du problème passe par leur collaboration. Or, actuellement, on s'en remet uniquement à l'employé — pour qui le retour dans ce milieu est très difficile.

  (1640)  

    Très bien.
    La GRC a-t-elle lancé des initiatives pour traiter des situations ou des procédures pouvant entraîner un TSPT? A-t-on déjà établi une corrélation entre une situation donnée et une incidence plus élevée du TSPT? Peut-on revoir les procédures lorsque des agents doivent intervenir dans de telles situations? La GRC a-t-elle déjà fait ce genre de choses?
    À ma connaissance, non, et je rencontre beaucoup de membres. Même si je suis à la retraite, certains d'entre eux m'appellent au milieu de la nuit lorsqu'ils éprouvent des problèmes. Il y a donc une lacune. Essentiellement, le principe est que toute personne qui a un problème de santé mentale ou un problème quelconque doit consulter un médecin. Actuellement, on feint l'ignorance, en quelque sorte. Aucun traitement n'est offert. Le problème reste entier, ce qui n'aide pas le patient. En fait, cela n'aide personne.
    À ma connaissance, il n'y a pas eu de mesures de ce genre.
    Une partie du problème est liée à la confiance, comme je l'ai mentionné dans mon exposé. C'est un aspect important. On vous considère comme un membre et en cas de problème — il y a probablement un parallèle à faire avec ce qu'on voit chez les militaires —, vous êtes perçu comme le maillon faible. On vous perçoit alors comme une personne faible, ce qui a en soi toutes sortes de répercussions, en particulier dans les activités policières de première ligne, étant donné qu'on attend de vous que vous interveniez en public, que vous gardiez votre sang-froid, que vous preniez les choses en main et que vous puissiez prendre des décisions et proposer un plan de secours. Si des problèmes quelconques vous empêchent de jouer ce rôle, vous êtes alors considéré comme le maillon faible. Vous devenez inutile. On vous affecte donc à d'autres tâches, loin des feux de la rampe, ce qui mine votre confiance et exacerbe la situation. Cela ne fait qu'empirer les choses.
    Comme la situation empire lorsque vous signalez le problème, vous en venez à n'avoir aucune confiance à l'égard de l'employeur et du processus de soins de santé. Vous passez inaperçu, ou il n'existe aucun mécanisme pour vous aider à surmonter cette difficulté efficacement. Vous vous retrouvez simplement dans un cycle qui perdure jusqu'à ce que vous quittiez votre poste ou jusqu'à ce que vous soyez incapable de travailler et qu'on vous renvoie pour raisons médicales. Le problème comporte une autre facette, étant donné que votre situation a empiré: vous êtes plus isolé.
    À cela s'ajoutent les répercussions sur votre femme, votre famille, vos relations, etc.
    Merci.
    Monsieur Fraser.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui, d'avoir raconté votre vécu et aussi d'avoir servi le Canada.
     Je vais commencer par vous, madame Lowther. Je crois savoir que votre organisme a été fondé en 2010 et qu'il a, depuis, aidé un millier d'anciens combattants sans-abri à sortir de l'itinérance. Il convient de féliciter votre organisme de son excellent travail et de ses efforts continus.
    En ce qui concerne ces progrès, votre organisme a-t-il observé une baisse des cas d'itinérance? Les mesures d'aide sont-elles plus nombreuses? Y a-t-il eu des améliorations? Si oui, pouvez-vous nous en parler?
    Nous n'avons certainement pas observé une diminution du nombre de cas. En fait, nous observons une hausse, qui pourrait selon moi être attribuable au nombre croissant de bénévoles qui parcourent les rues pour trouver ces personnes.
    Je pense qu'il y a eu des améliorations. Je sais que le ministère a nommé dans chaque district un gestionnaire de cas dont le rôle est d'être une personne-ressource pour les sans-abri et de traiter des dossiers liés à l'itinérance chez les anciens combattants. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.
    À mon avis, le fait que le ministère nous ait accordé un contrat est en soi une preuve qu'il reconnaît l'existence du problème. Lorsque nous avons entrepris nos activités, en 2010, nous sommes allés aux bureaux du ministère des Anciens Combattants, à Halifax. Le gestionnaire de cas auquel nous avons parlé a alors indiqué qu'il n'y avait aucun cas d'itinérance chez les anciens combattants étant donné que le ministère n'avait reçu aucun appel après avoir distribué des dépliants dans les refuges. On a conclu qu'aucun ancien combattant n'était sans-abri. Or, à l'époque, nous avions déjà trouvé trois sans-abri à Halifax.
    C'était en 2010. En 2014, nous avons obtenu un contrat pour faire de la sensibilisation sur l'itinérance chez les anciens combattants. Je pense que cela témoigne des progrès qui ont été réalisés. À cela s'ajoute la volonté croissante du ministère de collaborer avec les organismes communautaires comme le nôtre. À l'instar des refuges, le ministère manifeste un intérêt accru et joue un rôle plus important. Je pense qu'il prend cet enjeu davantage au sérieux et qu'il y a eu des améliorations.

  (1645)  

    Merci.
    Je crois qu'une des choses que vous avez mentionnées dans des discussions antérieures était l'importance d'offrir de la formation aux aidants pour qu'ils aient les ressources et les outils dont ils ont besoin pour aider leur conjoint, leur partenaire ou un proche. Avez-vous constaté des améliorations quant à la formation offerte aux aidants et, le cas échéant, nous dire en quoi cela consiste? Sinon, votre organisme offre-t-il également de l'aide dans ce domaine?
    Je ne crois pas qu'une formation quelconque soit offerte. Je sais que des discussions sont en cours. Donc, encore une fois, je pense qu'on reconnaît l'existence de cet enjeu, ce qui est important, évidemment.
    Je peux parler de ma propre expérience. Lorsque mon mari était aux prises avec un TSPT, je ne savais jamais si ce que je faisais était utile ou nuisible. Je n'ai aucune formation en soins, comme la plupart des partenaires, d'ailleurs. Selon moi, il serait très important d'offrir une telle formation.
    Outre notre rôle dans le soutien par les pairs, nous ne sommes pas vraiment en mesure d'offrir une formation ou des conseils de ce genre aux partenaires qui jouent le rôle de prestataire de soins. Comme je l'ai mentionné, la plupart de nos bénévoles sont soit des membres actifs, soit des anciens combattants, soit des proches. Donc, lorsque nous avons une situation où l'aidant semble connaître des difficultés, nous tentons de lui offrir du soutien par les pairs grâce au jumelage avec la conjointe d'un militaire.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'il conviendrait peut-être d'offrir aux membres des services de soutien par les pairs dès leur libération. Selon vous, cela s'appliquerait-il à tous les membres qui sont libérés ou simplement à ceux pour lesquels un problème de santé mentale a déjà été décelé?
    J'estime que ce serait probablement avantageux pour tout le monde, et il serait possible de déterminer plus tard s'il convient de maintenir ce service. Pour moi, ce serait presque comme le rôle d'un parrain des Alcooliques anonymes, si vous me permettez la comparaison. C'est à cela que je pense lorsque je parle du jumelage avec un pair. On parle d'une personne dont le rôle est de guider le membre tout au long du processus ou simplement une personne vers laquelle il peut se tourner pour discuter ou aller prendre un café.
    Merci.
    Monsieur Anderson, je vais passer à vous, si vous le permettez. Mme Lowther a parlé de l'importance d'offrir une formation aux soignants. J'aimerais connaître votre expérience quant à l'aide offerte aux proches ou à leur accès à des services de counseling ou de soutien au sein de la communauté de la GRC. Pourriez-vous parler de cet aspect, s'il vous plaît?
    Je dirais sans hésiter qu'il n'y a rien de tel.
    J'ai souvent des discussions avec les conjointes. Dans bien des cas, ce sont elles qui font les premiers pas pour communiquer avec le bureau lorsque la situation à la maison s'envenime et que le membre — par fierté ou parce qu'il a honte — n'a pas donné à sa conjointe tous les détails sur ce qu'il vit au travail. Les tensions augmentent à la maison, et la conjointe ne comprend pas pourquoi. Elle communique donc avec notre bureau; nous tentons de lui expliquer ce qui se passe. Il va sans dire que si aucune aide n'est offerte aux membres, aucune aide n'est offerte aux conjointes. C'est une situation extrêmement désolante.
    Une de nos clientes, une agente de la GRC, avait besoin d'une mutation, car elle n'avait plus la capacité physique pour s'acquitter des tâches qui incombent aux agentes sur le terrain. Son commandant de détachement lui a dit qu'une mutation au quartier général ou à tout autre poste était hors de question en disant, et je cite: « Tu m'appartiens. » Cela donne une indication de la mentalité qui règne au sein de la GRC. Aucune mesure d'accommodement valable n'est offerte dans de telles situations. Si les membres n'obtiennent pas l'aide dont ils ont besoin et qu'ils retournent à la maison en racontant des histoires de ce genre, cela laisse leurs partenaires dans l'incompréhension et la perplexité des plus totales. Dans de tels cas, c'est toute la famille qui souffre.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Kitchen.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous d'être venus aujourd'hui. Il est à la fois agréable et très utile d'avoir le point de vue des gens de la GRC dans le cadre de cette discussion.
    J'aimerais traiter d'un aspect dont je parle depuis un certain temps déjà, et les représentants des trois organismes ont tous abordé le sujet, je crois. Nous mettons beaucoup d'efforts à construire nos militaires et nos agents de la GRC, mais nous omettons de les déconstruire à la sortie. Que pouvons-nous faire pour assurer une transition réussie et éviter que les problèmes s'aggravent, comme nous l'avons entendu?
    Je vous suis reconnaissant de vos commentaires et je sais que mes collègues le sont aussi. Donc, je vous remercie.
    Capitaine, vous avez longuement parlé de cet aspect dans votre exposé, et je vous en suis reconnaissant. Comme vous l'avez constaté, je me suis adressé à vous en utilisant votre grade, « capitaine », habitude que j'ai acquise pour avoir grandi dans un milieu militaire. C'est une question de respect.
    Ma question est liée à la participation des militaires aux discussions sur les enjeux de santé mentale et à l'idée de leur offrir une formation et de leur confier un rôle dans la transition. Selon vous, en quoi cela peut-il aider les soldats pendant la transition?

  (1650)  

[Français]

     Merci de la question.
    À mon avis, il serait pertinent que les militaires ayant quitté les Forces armées canadiennes jouent le rôle de mentors, de pairs aidants, précisément pour aider les personnes qui vivent cette transition.
    Lorsqu'on parle d'une formation de sortie, je pense aussi qu'il serait souhaitable d'inclure les familles et les enfants. Il serait bon de les informer de la situation, des problèmes de santé mentale et de la façon dont ils peuvent apporter leur aide. À mon avis, le fait de réunir les familles et les soldats peut aider à faciliter cette transition.
    Est-ce que j'ai répondu à la question?

[Traduction]

    Oui; merci beaucoup. Je vous en suis extrêmement reconnaissant.
    Messieurs, je ne sais pas précisément à qui poser la question; elle pourrait peut-être s'adresser à quiconque se sent à l'aise d'y répondre. Dans ma pratique, j'ai eu le privilège de compter parmi mes amis et mes patients de nombreux agents de la GRC. J'ai été témoin de leur transition, et j'ai connu une ou deux personnes qui ont été aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Vous avez fait un commentaire — très bref — sur les BSO et les divers enjeux. Je me demande si vous pourriez parler davantage de cette expérience et nous dire comment vos agents composent avec cela.
    M. Banwarie pourrait peut-être répondre.
    À l'heure actuelle, on a la capacité par l'entremise d'Anciens Combattants de se présenter à une clinique TSO, selon le diagnostic, que ce soit le TSPT, l'anxiété, une dépression ou peu importe. Si j'ai bien compris, le processus a changé. Avant, on pouvait être recommandé par son médecin de famille. Maintenant, il faut une recommandation de son médecin et des services de santé par l'entremise de la GRC. C'est un énorme problème pour bien des gens.
    Je dois encore une fois revenir à la question de la confiance. Cela fait partie du problème: le fait d'être perçu comme étant le maillon faible. Les préjugés existent encore, et particulièrement dans notre organisation, en ce qui concerne la santé mentale. Il y a de nombreuses banalités, articles, documents, mais lorsqu'on commence à creuser plus loin pour voir si le système fonctionne bien, on constate qu'il y a de graves lacunes.
    J'ai également reçu un diagnostic de TSO, et je sais à quel point c'est difficile et comment ce trouble vous affecte de bien des façons différentes. Il y a de nombreux problèmes, et je cherche les solutions également, car je suis une personne qui tient beaucoup à trouver des solutions. Je veux voir ce qui se fait ailleurs. Que font les corps policiers avec les autres organismes? Ce qui est très important, c'est qu'une entité indépendante comme l'association de police travaille en collaboration avec l'employeur pour régler bon nombre des failles et des lacunes.
    Pour ce qui est du changement en vertu duquel il faut l'approbation de l'agent des services de santé, bien souvent, ce n'est qu'un sous-officier qui travaille conjointement avec les médecins et les psychologues qui sont payés par la force et qui relèvent de la force.
    Donnons un exemple pratique. Vous vous présentez à une clinique. Vous avez vécu bien des choses. Vous recevez un diagnostic de traumatisme lié au stress professionnel, que ce soit le TSPT, de l'anxiété, une dépression ou peu importe. Le processus actuel par l'entremise de la Croix Bleue vous accorde six heures pour consulter un psychologue. Après quoi, vous devez présenter une demande pour avoir le feu vert des services de santé afin de pouvoir continuer de recevoir des traitements.
    Dans mon mémoire, vous verrez une lettre qui a été envoyée à tous les membres de la Croix Bleue, et je dois vous la remettre, car elle est très importante. On peut lire que lorsqu'on utilise le programme, les « autorités législatives et réglementaires pour recueillir, utiliser et divulguer vos renseignements personnels sont incluses dans » la nouvelle loi que mon collègue, M. Anderson, a mentionnée. On peut y lire ceci: « En utilisant cette carte, vous autorisez la GRC, la Croix Bleue Medavie, ses agents et ses fournisseurs de services à recueillir, à utiliser et à divulguer des renseignements à votre sujet au titre des soins complémentaires et des soins professionnels [...] » La seule façon que l'on peut recevoir ces services est en acceptant de divulguer vos renseignements personnels.
    J'ai également inclus dans le mémoire la lettre que j'ai adressée au chef de la protection des renseignements personnels à la Croix Bleue dans laquelle je demande qui sont ces agents. Qui sont ces autres personnes? Dans une situation donnée, le chef de la protection des renseignements personnels... Ce serait exactement comme si vous consultiez votre médecin et que vous appreniez par après que votre employeur sait tout à propos de vous et de votre situation. C'est un signal d'alarme. C'est ce qui se passe avec les membres qui nous téléphonent. C'est très simple; c'est le point de départ.

  (1655)  

    Merci.
    Je veux poser une question pour obtenir des précisions. En ce qui concerne la Croix Bleue, avez-vous un taux de refus pour les demandes? Vous dites que les gens n'ont droit qu'à un certain nombre de chances.
    Je n'ai pas cette statistique avec moi pour vous dire combien de membres se sont vu refuser plus de soins.
    Si vous pouviez nous faire parvenir cette donnée à une date ultérieure, veuillez le faire car cela nous serait également utile.
    D'accord.
    Monsieur Fraser, vous allez partager votre temps de parole, je pense?
    Oui.
    J'ai une question pour vous, David, si vous êtes d'accord.
    J'ai été troublé lorsque vous avez parlé du processus pour obtenir un médecin, car la GRC est essentiellement le client et le membre est tenu dans l'ignorance, pour ainsi dire. J'espère que j'ai bien compris ce que vous avez dit.
    C'est exact. Une fois que la force s'en mêle, elle devient le client. Elle paie les frais, si bien que le médecin est tenu de lui rendre des comptes. Il lui fait parvenir vos renseignements, qui figurent ensuite dans votre dossier médical. Le problème...
    Pour bien comprendre, parlez-vous d'un médecin, d'un fournisseur de soins de santé mentale ou d'un...?
    Je parle de n'importe quel médecin.
    D'accord. Vous avez mentionné le collège. Parliez-vous du Collège des médecins et chirurgiens? Y a-t-il eu des plaintes qui ont été déposées parce qu'un médecin ne s'est pas acquitté de ses responsabilités professionnelles?
    On a essayé de contrôler un médecin. Le médecin a dit que les problèmes du TSPT et des troubles anxieux n'étaient pas vraiment liés aux membres; ils se portaient bien. Le problème était le lieu de travail. Le lieu de travail était malsain et il fallait régler le problème.
    La force n'a pas aimé cette réponse, alors elle s'en est prise au Dr Michael Webster. Elle a recueilli tous les renseignements des membres, s'est mise à faire toutes sortes de choses pour colliger ces données et a envoyé les dossiers personnels des membres au collège et à les communiquer aux membres. Les membres n'ont appris que plus tard que leurs renseignements étaient divulgués, lorsque nous avons su que nos dossiers complets étaient communiqués, y compris nos noms.
    Des membres ont-ils déposé des plaintes au collège à propos de la responsabilité professionnelle des médecins?
    Oui.
    Quelle a été la réponse du collège?
    Il a répondu que la GRC est une trop grande entité, et personne ne veut s'en prendre à elle.
    Le collège a-t-il rendu des décisions sur ce genre de cas?
    Il les a examinés et a dit que c'était correct, et c'est tout. Il ne veut pas s'attaquer aux problèmes.
    Il est très difficile de faire quelque chose, que ce soit... de porter une accusation ou de prendre d'autres mesures, et plus particulièrement en Colombie-Britannique. Je l'ai vécu. C'est tout simplement impossible.
    Avez-vous des documents du Collège des médecins et des chirurgiens où il dit que c'est une trop grande entité pour faire quoi que ce soit?
    Nous avons tout le dossier, qui est actuellement devant les tribunaux en Colombie-Britannique pour atteinte à la vie privée. Nous nous sommes également adressés au commissaire fédéral à la protection de la vie privée, qui a rendu une décision. Je crois que M. Banwarie vous fournira cette information.
    Oui.
    Très bien.
    C'est dans le mémoire.

  (1700)  

    D'accord, c'est bien.
    C'est l'enquête complète. Il y a environ 30 membres ou plus qui sont touchés dans ce dossier où l'on a passé en revue tous les renseignements médicaux. C'était une atteinte grave à la vie privée qui est dûment fondée, car ce type de renseignements...
    Mais l'affaire se trouve actuellement devant les tribunaux, mais aucune décision n'a encore été rendue.
    Eh bien, les membres n'ont pas le choix. Ils doivent s'adresser aux tribunaux.
    Eh bien, non; on a pris une décision. Le commissaire fédéral à la protection de la vie privée a été saisi de la question. Il a confirmé la plainte et a jugé qu'il y avait une atteinte fondamentale à la vie privée. L'atteinte était que les renseignements sur la santé mentale des membres étaient non seulement communiqués au collège, mais également à la chaîne de commandement administrative, jusqu'au commissaire, qui a approuvé au final la présentation de la plainte contre le Dr Webster.
    Merci beaucoup. J'ai hâte de lire le mémoire.
    Mon amie prendra la parole pour le temps restant.
    On vous écoute, madame Lockhart.
    Merci.
    En passant en revue les témoignages, j'ai remarqué qu'en octobre de l'année dernière, nous avons reçu le capitaine Andrew Garsh. Il a parlé de reconstruire l'identité et avait trouvé un programme du nom de Shaping Purpose, qui allait être mis à l'essai à Fredericton. Je me demande si vous le connaissez. C'est un programme de formation. Nous allons y revenir tôt ou tard, car je pense que ce programme rejoint un grand nombre de points que vous avez soulevés, mais c'est encore un projet pilote.
    Je voulais vous féliciter, madame Le Scelleur, d'avoir été sélectionnée pour représenter le Canada aux Jeux Invictus.
    Merci.
    La raison pour laquelle je souligne votre participation à ces jeux, c'est parce que j'aimerais que vous nous parliez un peu de la façon dont les activités comme les sports peuvent avoir une incidence sur ceux qui quittent la vie militaire. Vous pouvez peut-être nous parler brièvement de votre expérience personnelle.

[Français]

    Merci de la question.
    En fait, je suis arrivée hier de la Suisse où j'étais allée skier, avec deux vétérans canadiens et des vétérans britanniques, pour l'organisme de charité Supporting Wounded Veterans. L'idée de cette organisation est principalement de fournir, par l'entremise du sport, un programme de mentorat qui est offert par la communauté des affaires. Le but est d'amener l'individu à se trouver une occupation, à retourner au travail ou à suivre de la formation en vue de se trouver une nouvelle occupation.
    La réponse positive concernant ma participation aux Jeux Invictus m'est parvenue au mois de novembre, tout comme l'occasion d'aller skier avec des vétérans. Je peux vous assurer que c'est à ce moment-là que le changement s'est produit dans ma vie. En effet, j'avais un objectif devant moi qui me permettait d'envisager de participer, avec mes camarades, à quelque chose de beaucoup plus grand que moi.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai une question qui s'adresse à tous nos témoins.
    Nous avons mentionné les sports. Y a-t-il d'autres thérapies de rechange qui ont donné des résultats positifs que nous devrions examiner de plus près?
    Je dois vous présenter mes excuses. Nous allons devoir être très brefs, car nous manquons de temps.
    Je pourrais parler d'un programme que nous avons lancé il y a environ deux ans que l'on appelle Guitares pour vétérans. L'idée est venue lorsque mon époux souffrait de stress post-traumatique. Il a décidé de se remettre à la guitare, qui était restée dans un coin de la maison depuis longtemps, et la musique l'a beaucoup aidé. À la fin de 2013 et au début de 2014, il y a eu de nombreux suicides parmi les anciens combattants, et durant cette période, il a décidé que nous devions faire quelque chose, alors nous avons lancé le programme Guitares pour vétérans. Essentiellement, nous utilisons des guitares données, et l'ancien combattant ou le membre de la GRC reçoit 10 leçons gratuites données par un professeur de guitare bénévole. Je dois dire que nous recevons plus de réponses grâce à ce programme, de gens qui nous disent, « Vous m'avez sauvé la vie », que de gens que nous avons sortis de l'itinérance. C'est incroyable.
    Merci beaucoup.
    C'est une stratégie formidable, et c'est merveilleux que vous receviez ce genre de commentaires et que vous sauviez des vies. Nous avons offert du soutien à des groupes de pairs, pour que les membres se réunissent et discutent, et vous seriez surpris de voir à quel point ces regroupements ont permis de guérir des gens. Dans le cadre de ce travail, nous estimons avoir pansé des plaies lorsque nous pouvons aider d'autres personnes et sauver des vies, car c'est l'objectif.
    Merci.
    M. Brassard est le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux commencer avec vous. Nous entendons deux discours différents ici. Nous avons reçu des représentants de la direction et des ressources humaines de la GRC qui nous ont parlé des préjugés associés à la santé mentale et de la façon dont c'est apparemment acceptable à l'heure actuelle, mais ce dont vous nous parlez est différent, alors je veux en discuter. J'aimerais que vous nous expliquiez brièvement pourquoi, si vous le pouvez. Pourquoi entendons-nous deux discours à ce sujet?

  (1705)  

    Il y a de nombreux éléments à considérer. Je suis un fier membre de l'organisation, un membre actif, et je dirige des efforts en vue d'apporter de nombreux changements. Au final, lorsque l'on met tout de côté, que l'on fait abstraction de tout, c'est une question de contrôle où l'on oublie ce que les gens veulent entendre et voir et où l'on oublie ce qui se passe vraiment.
    Le cas qui a été mentionné, l'atteinte à la vie privée, est un exemple clair de ces préjugés. Nous venons activement en aide à nos membres. Ils font appel à nous. Ils nous font confiance. On ne nous donne pas la capacité de faire ce travail à temps plein pour sauver des vies, aider les gens et améliorer leur vie.
    La direction vous parle constamment de tous ces programmes et processus formidables. J'ai eu la même discussion avec plusieurs cadres supérieurs. J'ai dit que vous pouvez mettre en place autant de programmes et de processus en place que vous le voulez, mais aucun d'eux n'aura de l'importance s'il y a un manque de confiance. C'est un élément clé qui fait défaut.
    Le Dr Webster est l'un des psychologues. Il y en a un autre, le Dr Passey, un psychologue bien connu en Colombie-Britannique qui a dénoncé les mêmes problèmes et qui se trouve dans la même situation. En examinant cette idée ou le problème sous un angle différent, je me suis rendu compte de l'existence dans différentes provinces — l'Ontario, le Manitoba et, je pense, l'Alberta — de lois présomptives pour le TSPT. La plus grande division au pays, qui se trouve en Colombie-Britannique, n'a pas ces mesures pour tous les premiers répondants. Je ne parle pas seulement des policiers; je parle ici des militaires, des pompiers et des ambulanciers. Ce sont des mesures essentielles qui doivent être en place.
    Un député néo-démocrate en Colombie-Britannique, Shane Simpson, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire — je n'ai pas le numéro sous les yeux — pour essayer que ce soit reconnu dans la province de la Colombie-Britannique. Le projet de loi n'a abouti à rien.
    Exact. Vous serez ravi d'apprendre que nous débattrons sous peu d'un projet de loi d'initiative parlementaire portant sur un cadre national sur la reconnaissance du TSPT.
    J'ai une autre question.
    J'ai eu l'occasion de visiter le Centre des sciences de la santé Sunnybrook, et je sais que l'on propose notamment la mise sur pied d'un centre pour le trouble de stress post-traumatique. J'aimerais que vous me disiez tous brièvement si vous pensez que la création d'un centre pour le trouble de stress post-traumatique serait une bonne idée pour les anciens combattants ou les membres de la GRC, ou peut-être les deux.
    Debbie, pourriez-vous commencer rapidement?
    Absolument, je pense que ce serait une merveilleuse idée. Comme je l'ai dit plus tôt, la communauté des anciens combattants réclame un programme de traitement depuis un bon moment. La mise sur pied d'un tel programme ferait bien des heureux.
    Rae, pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je suis d'accord. Tout programme que nous pourrions mettre en oeuvre serait un bon investissement.
    Je suis du même avis.

[Français]

    J'aimerais toutefois ajouter qu'il faudrait que les services soient bilingues.

[Traduction]

    Vous voudriez que les services soient bilingues. D'accord. Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste un peu plus d'une minute.
    D'accord.
    En ce qui concerne le suicide, je sais que vous avez parlé de 31 suicides. Comment la GRC fait-elle le suivi des suicides? Parmi les membres actuels, c'est évident, mais pour ce qui est des membres à la retraite, comment assure-t-on le suivi, Rae?
    Jusqu'à récemment, j'ignorais qu'il existait un processus, jusqu'à ce qu'un problème survienne et que l'on commence à assurer un suivi et à examiner la question. On a commencé à faire un suivi en 2016. Avant cela, je ne sais pas si l'on enregistrait ces données.
    Mon collègue, M. Reichert, pourrait vous parler de quelques situations qui sont survenues auparavant, et plus particulièrement à Burnaby.
    Pendant mon détachement à Burnaby, au cours d'une seule année, cinq personnes se sont enlevé la vie. Sur l'ensemble de ma carrière, 19 types avec qui j'ai travaillé se sont suicidés. Je ne sais pas s'il y a eu des enquêtes. Je sais que j'avais parlé à ces hommes des heures avant qu'ils passent aux actes, même la veille, mais personne ne m'a posé de questions. Je savais ce qui leur traversait l'esprit. Je savais ce qui s'était produit dans leur vie pour les amener à cette décision. Personne n'en a jamais parlé. Je ne pense pas qu'on ait enquêté. Je pense qu'en gros, ils ont mis le couvert là-dessus pour que personne n'ait à en assumer la responsabilité.
    Je conseille aux membres d'accéder à leur dossier, car le dossier comporte un registre de sortie qui vous permet de savoir qui a eu accès au dossier et si ces personnes y ont en fait ajouté de l'information. Dans un cas en particulier, un membre qui souffrait de troubles de stress post-traumatique a trouvé dans son dossier qu'un membre des forces avait écrit: « Ce type est fou. » Qui sait qui a regardé ce dossier? Cela fait partie du problème général.
    Cependant, je ne suis au fait d'aucun registre ou d'aucune étude sur le lien de cause à effet ou autre.

  (1710)  

    Merci.
    Si vous me le permettez, j'aimerais dire une chose rapidement. Vous avez posé une question sur les suicides. Je sais qu'on a nommé un coroner spécial chargé d'enquêter sur les suicides en Colombie-Britannique. John Knox, du bureau du coroner de la Colombie-Britannique, commencera par le suicide de Pierre Lemaitre et se penchera sur les suicides de plusieurs autres membres de la GRC. Ce rapport accuse au moins deux ans de retard, et je crois qu'on l'étouffe pour des raisons d'ordre politique. Les familles qui ont communiqué avec nous n'ont eu aucune réponse ni aucun suivi.
    Merci.
    C'est à vous, madame Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à la situation au sein de la GRC.
    Je veux vous remercier, monsieur Banwarie, pour vos efforts relatifs à la syndicalisation. Je constate que c'est un facteur important pour une grande partie de cette discussion. Vous semblez, d'après moi, constamment souligner que personne n'assume la responsabilité de cela, que ce soit pour les femmes qui ont subi du harcèlement sexuel et dont la carrière a été ruinée, ou pour les cas de manquement à l'obligation de confidentialité. Je n'ai jamais entendu dire qu'il était juste de manquer à l'obligation de confidentialité entre patient et fournisseur de soins, ou de divulguer des dossiers à l'ordre des médecins et chirurgiens. Encore et toujours, personne n'assume la responsabilité.
    Vous dites que personne n'est tenu responsable. Est-ce là le problème? Si, en effet, nous voulons faire des recommandations sur la façon d'aider ceux qui vivent du désespoir et pensent au suicide, est-ce que cela revient à la responsabilité de l'employeur — la GRC ou le ministère de la Défense nationale — de jouer leur rôle et de mettre fin à l'inaction devant le désespoir et le suicide?
    Absolument, oui. Cependant, nous sommes là et nous reconnaissons que dans une organisation de l'importance de la nôtre, il y aura toujours des problèmes, mais pas au point où cela se produit.
    Si on vous offre de l'aide et des solutions pour atténuer le préjudice, pourquoi ne l'accepteriez-vous pas? La seule raison pour laquelle vous ne l'accepteriez pas, c'est le contrôle. Avec cela, vous avez touché à un facteur essentiel, concernant l'absence de responsabilisation. C'est un très gros problème.
    Si vous prenez d'autres organisations — par exemple, des organisations importantes, des services policiers — et si vous voulez vous pencher particulièrement sur notre organisation, comment ces organisations gèrent-elles la situation? Que font-elles différemment? Pourquoi ne voyez-vous pas tous ces problèmes se produire au sein de la police métropolitaine de Toronto ou de la PPO?
    Cela s'explique très simplement en partie parce qu'ils ont un organisme indépendant qui demande des comptes à la direction. Il y a aussi une convention collective qui établit le cadre des responsabilités de la direction ainsi que des membres; s'il y a des problèmes, voici comment on les résout, et ce, rapidement.
    Cela fait partie du processus. Cela fait partie de ce qui assure la bonne santé des membres et des organisations et de ce qui contribue à leur bien-être général; ils sont au fait des problèmes qui se produisent, s'y attaquent, et ce, dans la neutralité. C'est ce qui manque ici. Si vous réglez cela, vous allez changer la culture. Si vous changez la culture, vous allez changer la GRC. C'est la solution, et c'est la raison pour laquelle ce travail est si important.
    Les dossiers, les enquêtes et toutes ces choses — c'est important, mais vos gens sont plus importants que tout cela.

  (1715)  

    Merci.
    Cela met fin à notre séance d'aujourd'hui. Au nom de tous les membres, je vous remercie tous de vos témoignages et du soutien que vous offrez de façon continue aux hommes et aux femmes qui servent notre pays.
    Si vous avez des choses à ajouter à vos témoignages ou des questions sur lesquelles vous voulez en dire davantage, transmettez-les à notre greffier, qui les distribuera aux membres du Comité.
    Merci. La séance est levée.
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