Conformément au paragraphe 106(2), nous devons élire le premier vice-président. Si le Comité est d'accord, l'élection sera reportée à 10 heures, et nous allons maintenant procéder à l'audition des témoins.
Nous avons prévu deux heures pour l'audition. Il y aura deux séries de questions. Les témoins feront leurs déclarations de 10 minutes, qui seront suivies par des questions et réponses.
Je souhaite la bienvenue à Frédéric Charlet, directeur de projet auprès de la Direction générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et Alexandre Coyo, chargé de mission du Secrétariat général pour l'administration.
Messieurs, bonjour.
Monsieur Charlet, vous disposez de 10 minutes.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je suis Frédéric Charlet, contrôleur général des armées. Je suis l'adjoint de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Elle ne pouvait être présente cet après-midi puisqu'elle est avec des jeunes scolaires à Notre-Dame de Lorette, qui est l'une de nos plus grandes nécropoles de guerre située à proximité.
Mme la directrice générale est donc aujourd'hui à Notre-Dame de Lorette, un site que vous connaissez puisqu'il est situé à proximité de Vimy. D'ailleurs, je pense que certains d'entre vous y ont accompagné le lors des activités de commémoration l'été dernier.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais dire quelques mots sur l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONACVG.
Il faut savoir que c'est un établissement public qui relève aujourd'hui du ministère des Armées. Il est passé sous la tutelle du ministère des Armées. En fait, il est le produit de la fusion de trois offices. Le premier, c'est l'Office national des mutilés et réformés, créé en 1916, au cours de la Grande Guerre. L'ONACVG est également l'héritier de l'Office national des pupilles de la nation. Cet office a également été créé lors de la Grande Guerre, en 1917. Aujourd'hui encore, la France dispose de cette mesure d'accompagnement très particulier qu'est l'adoption par la nation des enfants de personnes décédées ou blessées lors d'opérations militaires. Nous pourrons y revenir par la suite, si vous le souhaitez. Enfin, le troisième office qui a été absorbé par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, c'est l'Office national du combattant, qui a été créé en 1926 et dont la mission a été transférée à l'ONACVG en 1945.
À mon avis, il est important de préciser que, aujourd'hui, l'ONACVG accompagne près de 2,6 millions de personnes, que nous appelons des ressortissants. C'est un chiffre que nous devons garder à l'esprit. Bien entendu, parmi ces 2,6 millions de personnes, il n'y a plus de poilus de la Première Guerre mondiale, comme on les appelait en France. Par contre, nous avons encore des dizaines de milliers d'anciens combattants du second conflit mondial et beaucoup d'anciens combattants de la guerre d'Indochine. Aujourd'hui, les grands bataillons des anciens combattants, si je puis m'exprimer ainsi, ce sont les militaires professionnels et les appelés que la France a envoyés combattre en Algérie entre 1954 et 1962.
Enfin, depuis peu, l'Office accueille et accompagne ce qu'on appelle en France la quatrième génération du feu, c'est-à-dire tous les militaires qui ont participé, depuis 1962, à des opérations extérieures en Afrique et au Proche-Orient ainsi que ceux qui sont encore aujourd'hui sur les théâtres des opérations extérieures.
Depuis 1993, l'Office a délivré près de 150 000 cartes du combattant à ses anciens des opérations extérieures, ce qui constitue aujourd'hui l'un des axes majeurs du travail de l'Office. Selon moi, il est important de parler du nombre de gens, d'anciens combattants et de victimes de guerre que l'Office accompagne, en plus de décrire leur diversité.
Le deuxième élément à prendre en considération, c'est le caractère paritaire de la gestion de l'Office. Certes, l'Office fonctionne grâce à des fonds publics, mais il dispose d'un conseil d'administration au sein duquel les associations d'anciens combattants sont représentées. Très concrètement, ce sont elles qui disposent de la majorité des voix. C'est donc la raison pour laquelle l'Office est géré de manière dite paritaire.
Enfin, il y a un troisième élément qui, je pense, est important. D'ailleurs, je pense que le Canada est peut-être sensible à ce problème. Aujourd'hui, l'Office dispose encore d'un maillage territorial assez dense, puisqu'il assure des services dans tous les départements. Il assure également des services en Afrique du Nord. Sur le terrain, près de 105 services dits de proximité sont en mesure d'accueillir à la fois les anciens combattants et leur famille, et de répondre de manière humaine aux préoccupations des anciens combattants de toutes les générations du feu, en particulier des combattants et des anciens combattants de la génération des opérations extérieures.
J'ai à peu près fait le tour des points que je souhaitais évoquer en préambule. Je vais céder la parole au commissaire Alexandre Coyo, qui pourra compléter mes propos et évoquer d'autres sujets.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis le commissaire en chef Alexandre Coyo. Je travaille auprès du Secrétariat général pour l'administration sur les questions liées au monde combattant. Derrière le sujet du monde combattant, il y a naturellement les anciens combattants, mais il y a également les militaires blessés, les familles endeuillées et les victimes d'actes de terrorisme.
De manière très rapide, je vais vous parler des piliers de la politique ministérielle concernant l'accompagnement des militaires en service blessés ou malades. Cette politique est éminemment transversale parce qu'elle concerne les militaires qui sont en activité et ceux qui auront quitté le service actif et qui rejoindront l'opérateur qu'est l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre pour un suivi à long terme.
Le premier des trois piliers de la politique d'accompagnement ministériel est le droit à réparation. En France, il existe un droit à réparation spécifique, d'ordre financier. Si vous le souhaitez, je pourrai éventuellement vous parler un peu plus de ce dispositif d'accompagnement financier.
Le deuxième pilier que nous proposons aux militaires blessés et à leurs familles est l'accompagnement. C'est la dimension extrêmement humaine de la politique, où des opérateurs ont pour seule mission d'accompagner les militaires blessés. Chacune des armées a une cellule d'aide aux blessés qui s'occupe de cet accompagnement. Une fois que le militaire a quitté le service actif, l'ONACVG prend le relais.
Il y a également des acteurs clés comme le Service de santé des armées, qui offre un parcours de soins à chaque militaire.
Le troisième pilier, considéré comme essentiel, est celui que l'on qualifie de protection. Il comprend des mécanismes de reconnaissance, par exemple la remise de médailles qui permettent de valoriser des actes de guerre, ou encore des protections statutaires qui sont établies dans le Code de la défense. Ces dispositions permettent de protéger de manière spécifique le droit des militaires ainsi que celui des familles.
Si vous me le permettez, je vais donner quelques chiffres clés.
Aujourd'hui, en France, nous pensionnons 150 000 anciens combattants. C'est le volume global pour la fin de l'année 2016. Il y a 55 000 conjoints ou enfants de militaires blessés qui bénéficient également d'un accompagnement à la suite du décès du militaire. Cette politique nous amène à consacrer chaque année 1,2 milliard d'euros en accompagnement spécifique des militaires blessés.
Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos questions.
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Il faut avoir passé 120 jours en opération extérieure, mais je tiens à préciser que la notion d'opération extérieure a un fondement juridique. En effet, c'est le ministère des Armées qui détermine si l'opération à laquelle a participé une personne est effectivement une opération extérieure. En France, nous disposons de forces de souveraineté, qui sont stationnées à l'étranger. Or, les militaires stationnés à l'étranger dans le cadre de ces forces ne sont pas considérés comme étant en opération extérieure.
La notion d'opération extérieure a donc un fondement juridique. La décision déterminant s'il s'agit d'une opération extérieure relève du ministre. S'il s'agit en effet d'une telle opération, on peut faire le décompte des 120 jours de participation tout en sachant que c'est cumulatif. Vous savez sans doute que les Forces armées françaises interviennent dans bon nombre de cadres d'opération. Comme je l'ai dit plus tôt, ces opérations se déroulent en Afrique, au Moyen-Orient ainsi que dans d'autres régions du monde. Une personne peut très bien être mobilisée pendant 50 jours en Afrique, en République centrafricaine, au Mali ou au Tchad, et 70 jours au Liban, en Irak ou ailleurs par la suite. Dès que la personne a cumulé 120 jours, elle peut demander la carte du combattant.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présentation et de leur présence parmi nous aujourd'hui, afin de nous aider à tenter d'améliorer le plus possible la situation de nos anciens combattants, en la comparant à celle des anciens combattants de France. Je veux aussi remercier la France de l'accueil qui nous a été fait en tant que Canadiens lorsque nous y sommes allés à l'occasion du 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Vous avez mentionné que notre était présent à Notre-Dame de Lorette. J'ai eu moi-même la chance de faire partie de la délégation canadienne qui s'est rendue en France, en avril. L'accueil que nous avons reçu, particulièrement celui des jeunes, était très émouvant. Nous vous en remercions.
Lorsque j'étais jeune, j'ai été guide touristique à Vimy. Cela a fait du bien d'y retourner. Il est important de rendre hommage aux anciens combattants. Au Canada, on constate un intérêt grandissant envers les activités de commémoration de l'histoire militaire de notre pays et envers le respect de nos anciens combattants.
Est-ce qu'il en va de même en France?
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Il y a aussi, en effet, un engouement certain pour l'histoire en général et pour celle des conflits du siècle passé. C'est vrai que les cérémonies et les manifestations qui ont entouré la commémoration du centenaire de la Grande Guerre ont fait qu'on a davantage parlé des anciens combattants. C'est vrai que chaque génération du feu a aussi sa propre histoire. On a beaucoup travaillé sur le premier conflit mondial. On travaille aussi beaucoup sur la période entre 1939 et 1945. Pour la France, c'est beaucoup plus compliqué de travailler sur des périodes comme celle de la guerre d'Algérie. Vous savez qu'il s'agit d'une période douloureuse pour nous, et c'est vrai que le fait d'évoquer cette période de l'histoire où la France a quand même envoyé plus d'un million de ses enfants au combat reste, aujourd'hui encore, un petit peu douloureux, mais on commence à le faire. Il y a des historiens qui travaillent sur le sujet. En fait, on commémore la guerre d'Algérie. Par exemple, il y a trois dates durant l'année qui permettent de se souvenir de cette page douloureuse.
Par exemple, hier, le 25 septembre, c'était la Journée nationale d'hommage aux harkis. Vous savez peut-être que les harkis sont des Français de souche musulmane qui ont combattu, pendant la guerre d'Algérie, aux côtés des Français. Ce sont ces mêmes Français qui, en 1962, ne les ont pas accueillis comme ils auraient dû le faire.
Nous continuons à travailler sur cette période de la guerre d'Algérie. Nous avons commencé également à travailler sur le rappel à la mémoire des opérations extérieures. Je sais que c'est aussi un peu la même chose au Canada. On parle plus ou moins facilement de certaines opérations, comme celle pratiquée au Rwanda, par exemple, qui, je crois, devrait évoquer des souvenirs ici. Il s'agit d'une page de notre histoire des opérations extérieures qui, aujourd'hui encore, est très difficile à aborder sereinement.
En fait, aujourd'hui, si je suis ici et que ma directrice générale n'y est pas, c'est parce qu'elle accompagne des classes scolaires à Notre-Dame de Lorette, à la nécropole de guerre, pour expliquer aux jeunes la signification de cette nécropole. En France, on en compte quand même 274 de nos jours, qui sont toutes entretenues par l'Office. Effectivement, c'est un sujet qu'on aborde énormément avec la jeunesse.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Il existe bien évidemment deux réalités différentes, l'une propre aux anciens combattants français et l'autre que connaissent leurs homologues canadiens, et je vous demande d'emblée de me pardonner si je vous pose des questions qui ne sont pas forcément pertinentes. J'ai compris que vos anciens combattants peuvent verser des contributions à un fonds de pension auquel ils auront droit lorsqu'ils quitteront le service, c'est-à-dire lorsqu'ils ne seront plus militaires. Ces gens-là peuvent aller travailler ou trouver une autre façon de gagner un revenu supplémentaire. À l'âge de 65 ans, cependant, ils ont droit à une pension supplémentaire de 750 euros.
Dans le cas des anciens combattants qui ont quitté le service, nous avons remarqué qu'il faut parfois beaucoup de temps avant qu'une blessure grave se manifeste, qu'il s'agisse d'une blessure physique, psychique ou psychologique.
Pour être admissible aux avantages, vos anciens combattants doivent-ils fournir des preuves attestant que la blessure est attribuable au service? Vos anciens combattants doivent-ils prouver que la blessure a été subie pendant leur service militaire, ou le fardeau de la preuve retombe-t-il sur le gouvernement ou l'administration militaire?
J'ai quelques questions sur le TSPT, soit le trouble de stress post-traumatique, et sur la situation des anciens combattants qui sont sans-abri.
En ce qui concerne le TSPT, nous avons entendu parler de la guerre d'Algérie. J'ai encore des souvenirs très vifs de la guerre en Indochine et de la prise de Diên Biên Phu. Ici au Canada, nous avons recensé beaucoup de cas de TSPT après la guerre en Afghanistan. Les Américains ont laissé entendre qu'ils ont toujours un nombre important de suicides découlant de la guerre du Vietnam.
Avez-vous reconnu le TSPT après les guerres d'Indochine ou d'Algérie? Quelle est votre expérience du TSPT?
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C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.
Nous avons évoqué plus tôt le monde associatif. Je ne suis pas sûr de bien répondre à votre question, mais les anciens combattants, historiquement, ont su se structurer en associations puissantes — elles le sont encore aujourd'hui. Dans mon introduction, j'ai dit que, à l'Office, ce sont les associations qui ont la majorité des voix. Ce sont ces associations qui définissent ou, du moins, participent à la définition de la politique de l'Office en ce qui a trait à l'accompagnement des vétérans.
Cet esprit de corps se traduit par l'organisation du monde associatif. Pour la génération des opérations extérieures, les choses sont un peu différentes. Les poilus du premier conflit mondial avaient réussi à créer des associations extrêmement puissantes. Ceux de la Seconde Guerre mondiale ont aussi réussi à se faire entendre, tout comme ceux de l'Algérie. Là, on a vraiment des associations très puissantes qui ont des relais assez importants dans le monde politique. Pour la nouvelle génération des opérations extérieures, c'est un peu plus compliqué. Du coup, peut-être que l'esprit de corps est effectivement moins affirmé.
Je ne suis pas certain d'avoir bien répondu à votre question.
Défense Mobilité est un opérateur de la Direction des ressources humaines du ministère des Armées. Cet opérateur est responsable de la reconversion de tous les militaires, et pas seulement des anciens combattants ou des militaires blessés. Au cours des dernières années, il a fallu former spécifiquement les acteurs de l'accompagnement au sein de Défense Mobilité pour accompagner les militaires blessés, notamment ceux ayant une blessure psychique et nécessitant un accompagnement spécial. À l'image de l'Office, nous disposons d'un maillage territorial qui, s'il n'est pas aussi important que celui de l'Office, est assez dense. Dans toutes les emprises militaires, on trouve peu ou prou d'instances de Défense Mobilité et d'acteurs responsables de l'accompagnement.
Les programmes sont très divers puisque l'accompagnement d'un blessé est individualisé. Les blessés n'ont pas tous les mêmes désirs et objectifs, de sorte qu'il faut vraiment pouvoir s'adapter à leurs attentes.
C'est un accompagnement individualisé et qui s'inscrit dans le long terme. Une fois que le militaire aura quitté l'institution, s'il éprouve encore des problèmes de reconversion ou s'il a de la difficulté à trouver du travail, il pourra frapper cette fois à la porte de l'ONACVG, qui pourra aussi lui offrir un accompagnement pour l'aider dans sa reconversion.
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Merci. Je vais passer à un autre sujet.
Il y a 15 ans environ, nous avons créé ce qui s'appelle la Nouvelle Charte des anciens combattants, à la demande des anciens combattants qui souhaitaient avoir un système modernisé de prestations d'invalidité et de pension.
Pouvez-vous nous fournir un exemple de ce que recevrait un ancien combattant ayant droit à une pleine pension militaire? J'ignore qu'elle serait le service nécessaire. C'est peut-être 20 ou 25 ans de service à temps plein en tant que militaire des forces régulières, abstraction faite des personnes qui ont gravi les échelons, car je sais que cela a une incidence sur le montant.
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À partir du moment où le parent d'un jeune est tué au combat, ou qu'il est blessé de manière telle qu'il n'est plus en mesure de subvenir aux besoins de l'enfant, une démarche d'adoption en tant que pupille de la nation peut être engagée. C'est une procédure qui est entamée devant le tribunal de grande instance. Le dossier est instruit par les services de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et c'est le juge du tribunal qui décide, au nom de la nation, d'adopter cet enfant ou pas. Il est important de préciser que cela ne dessaisit pas les parents blessés, ou ceux qui resteraient peut-être après, de l'autorité parentale sur l'enfant. Il est important de le préciser parce que, parfois, les gens hésitent à engager la démarche du fait qu'ils pensent qu'on va les dessaisir de leur enfant.
Une fois qu'un enfant est pupille de la nation, il l'est à vie, c'est-à-dire qu'il faut qu'il ait été adopté avant l'âge de 18 ans, mais il lui est possible ensuite d'être accompagné jusqu'à l'âge de 21 ans, la plupart du temps, et même après. Cela se traduit notamment par le fait que l'Office participe au financement des études. Si des parents éprouvent des difficultés financières, l'Office peut intervenir pour débloquer des situations financières difficiles grâce à son budget d'action sociale.
Chaque année, nous versons à ces pupilles près de 3 millions d'euros.
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Depuis l'Afghanistan, il y en a davantage, c'est certain.
Tout à l'heure, j'ai parlé de la carte du combattant, qui est délivrée par l'Office. L'enjeu auquel nous devons faire face, c'est celui d'inciter les jeunes soldats qui ont participé à des opérations extérieures et qui quittent maintenant l'institution à demander la carte du combattant. Ils peuvent en faire la demande en quittant l'institution ou un peu avant. Ainsi, si la blessure apparaît 15 ou 20 ans plus tard, le vétéran pourra bénéficier d'un premier accompagnement, puisqu'il possède déjà sa carte du combattant. Les services de proximité offerts par l'Office sont alors mobilisés.
Lorsqu'une personne quitte l'institution et qu'elle n'a pas de problèmes psychologiques ou autres, la carte du combattant agit en quelque sorte comme filet de sécurité. Si la blessure se déclenche un jour, la personne pourra se présenter à l'Office et elle pourra bénéficier d'un premier secours d'urgence ou d'un premier accompagnement, parce qu'elle est déjà ressortissante de l'ONACVG.
Vou nous en apprenez beaucoup aujourd'hui. Merci.
J'ai quelques questions sur le terme « terrorisme » et la façon dont ce phénomène a modifié les techniques de combat de nos forces armées ainsi que le théâtre des opérations. Les attentats terroristes qui ont eu lieu sur votre territoire trouvent certainement leur écho ici.
Comment les forces armées interagissent-elles dans ces circonstances? Quelles sont les relations entre vos forces armées, les forces de l'ordre et les premiers répondants?
Bien évidemment, de tels attentats sont horrifiants et inspirent la peur. Je me demandais s'ils ont une influence sur le traitement que vous accordez aux militaires qui y sont confrontés, pour ce qui est de reconnaître leur service. Est-ce le cas chez vous?
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C'est un peu compliqué pour nous d'en parler, parce que nous sommes en pleine réflexion à ce sujet.
Je vais essayer de vous présenter les choses simplement.
Comme vous le savez certainement, nous luttons contre le terrorisme, à la fois à l'étranger, dans le cadre d'opérations dites extérieures, et sur le territoire national. Je vais revenir sur le sujet de la carte du combattant. Les combattants qui sont envoyés en opération extérieure peuvent bénéficier de la carte du combattant. Ils sont couverts, à ce titre. En revanche, lorsque les militaires patrouillent aujourd'hui dans les rues de Paris ou sur le territoire national, cette opération n'est pas reconnue comme étant une opération extérieure. Ainsi, ils ne peuvent pas demander d'avoir la carte du combattant. En fait de symboles, ce serait fort de dire que les militaires qui interviennent en France, sur le territoire national, participent à une opération extérieure.
C'est donc un peu compliqué pour nous de répondre à la question, parce que nous sommes présentement en pleine réflexion à ce sujet. Cela fait partie des sujets pour lesquels il faudra faire un suivi.
J'aimerais parler des victimes d'actes de terrorisme, bien que ce ne soit pas l'objet de votre étude en comité. En France, les victimes d'actes de terrorisme, c'est-à-dire les victimes au sens large comme les civils qui sont blessés au cours d'un attentat, sont considérées comme des victimes de guerre. Le ministère des Armées et l'Office les accompagnent au titre de victimes de guerre. Dans ce cas, on ne parle plus des vétérans.
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Historiquement, cela s'est aussi passé de cette façon en France.
Juste après le premier conflit mondial, il est vrai que l'État s'est montré assez réservé. Les associations d'anciens combattants se sont alors organisées pour mettre en place, en fait, leurs propres structures et programmes d'aide.
Par exemple, ce sont les associations d'anciens combattants qui, après le premier conflit mondial, ont créé des écoles de rééducation professionnelle. En fait, ces écoles étaient des endroits où des gens mutilés, à qui il manquait un bras, une jambe, venaient apprendre un nouveau métier. Au tout début, au cours des années 1920 et 1930, ce sont les associations d'anciens combattants qui ont mis sur pied ces structures et ces programmes. De nos jours, la situation est différente, c'est-à-dire que l'État est, d'une part, davantage présent et que, d'autre part, les associations d'anciens combattants en France sont assez vieillissantes.
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Merci beaucoup d'avoir accepté de témoigner.
J'aimerais revenir à la question que vous a posée Mme Wagantall plus tôt sur les militaires en service actif qui ont été blessés.
Je vais comparer deux régimes différents, à savoir le régime canadien et le régime américain. Au Canada, nous avons ce que nous appelons l'universalité du service, ce qui veut dire que si un militaire ne peut être déployé conformément aux besoins opérationnels, il ou elle est libéré pour des raisons médicales. Aux États-Unis, par contre, on prévoit un service modifié pour les soldats blessés. Ainsi, si un militaire américain a perdu une jambe au combat et ne peut s'acquitter de ses fonctions habituelles, il pourrait se voir confier d'autres tâches, conserver son statut de militaire et travailler comme commis ou contrôleur du trafic aérien, selon les besoins. Au Canada, il n'y a pas de tâches modifiées. Si les militaires ne peuvent être déployés dans une capacité quelconque, ils sont libérés et ils deviennent à ce moment-là des anciens combattants.
Qu'en est-il en France? Prévoyez-vous des tâches modifiées pour le militaire blessé qui ne peut s'acquitter de toutes ses fonctions mais qui peut encore servir dans la structure militaire en assumant un rôle de non-combattant?
Toujours sur le même thème, nous avons recueilli des témoignages sur l'universalité du service que nous exigeons. Certains anciens combattants ont indiqué qu'ils étaient conscients de leurs blessures. Ainsi, des parachutistes ont commencé à souffrir de maux de dos, ou encore des militaires en service actif se sont aperçus qu'ils souffraient de symptômes du TSPD, mais ils avaient peur de le signaler, car ils seraient alors déclarés inaptes au combat, ce qui veut dire un renvoi.
Êtes-vous d'accord que les militaires seraient beaucoup plus prêts à déclarer des symptômes ou une blessure s'ils savaient qu'en ce faisant, ils ne mettraient pas fin à leur carrière militaire?
Je vais changer de sujet.
En ce qui concerne la prestation de services, vous avez des bureaux locaux. Peu importe où les anciens combattants vivent en France, ils peuvent se rendre à un bureau local. Or, au Canada, nous avons des défis attribuables à la géographie. La densité de notre population est beaucoup plus faible. Notre population ne fait que la moitié de la vôtre et est répartie sur un territoire qui correspond à peu près à celui de la Chine, et la plupart de nos citoyens vivent en milieu urbain. Nous avons donc de vastes régions, et il devient très difficile de fournir un service quelconque, et non seulement dans le domaine militaire.
Encore une fois, vous ne connaissez peut-être pas ce problème en France, mais avez-vous des régions qui sont isolées sur le plan géographique, où il est difficile d'offrir des services aux vétérans à l'échelon local?
Il y avait à l'Office, en gestion, 10 écoles de reconversion professionnelle. Ces écoles ont été créées tout de suite après le premier conflit mondial, afin de permettre aux vétérans mutilés d'apprendre un nouveau métier.
On a constaté que, depuis des années, ces écoles de reconversion professionnelle n'accueillaient plus aucun militaire ou ancien combattant. La plupart des gens qui faisaient appel à ces écoles étaient en fait des personnes handicapées qui n'avaient absolument rien à voir avec le monde de la défense et des armées.
Le ministère de la Défense, maintenant le ministère des Armées, a décidé non pas de fermer ces écoles de reconversion professionnelle, mais simplement de les transférer. Ces écoles existent toujours, mais elles sont aujourd'hui placées sous la tutelle du ministère des Solidarités et de la Santé. Je répète que, depuis très longtemps, ces écoles n'accueillent plus de vétérans ou d'anciens combattants mutilés.
Je vous ai posé une question plus tôt sur les anciens combattants sans-abri, et il y a un point que je n'ai peut-être pas saisi.
Au Canada, nous avons des anciens combattants qui ont décidé de se retirer de la société et de vivre dans des refuges ou encore dans la rue, de ne pas s'identifier en tant qu'anciens combattants, de ne pas demander de l'aide. Nous trouvons souvent ces personnes grâce aux anciens combattants qui vont dans les endroits où les personnes concernées se réunissent en tant que sans-abri, que ce soit dans un refuge ou un endroit semblable. On les repère et on les réintègre dans le système, afin qu'ils puissent bénéficier des avantages auxquels ils ont droit, et ainsi de suite.
Devrais-je comprendre que cette tendance ne concerne pas vraiment les anciens combattants français? Nous sommes aux prises avec ce problème, mais il semble que vous ne soyez pas touchés de la même façon.
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C'est très intéressant. Nous devrions probablement nous pencher sur la question, à savoir les relations qu'entretient l'ancien combattant français avec ses anciennes fonctions en tant que militaire actif, et les comparer à l'expérience américaine et canadienne, parce que c'est un problème énorme chez nous.
Je vous ai également posé une question sur l'esprit de corps. Nous avons trouvé que bon nombre de nos anciens combattants ne le ressentent pas, surtout les plus jeunes. Ils ne peuvent pas aller, par exemple, à nos centres de la Légion, parce qu'ils estiment que ces centres sont pour les anciens combattants âgés qui n'ont aucune affinité avec les plus jeunes vétérans, et ils ont perdu leurs liens avec leurs confrères de l'armée, et ainsi de suite.
La réalité française est-elle la même, ou est-elle différente?
C'est la fin de la série de questions.
Au nom du Comité, j'aimerais vous remercier tous les deux aujourd'hui d'avoir pris le temps de travailler avec nous en vue de trouver les pratiques exemplaires à mettre en oeuvre pour le compte de nos anciens combattants et les hommes et femmes qui ont servi. Si vous avez des documents à nous transmettre, veuillez les envoyer à notre greffier, qui en remettra des copies aux membres du Comité.
Merci beaucoup. Je vous souhaite une excellente journée.
Nous allons faire une pause d'environ 30 secondes afin d'arrêter la vidéoconférence, et ensuite nous nous occuperons des questions administratives. Nous pourrons partir après.