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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 086 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 mai 2018

[Énregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

     Bienvenue à notre séance du 8 mai.
    Avant que le Comité n'entame sa nouvelle étude, je signale que Sherry m’a informé que nous ne siégerons pas jeudi. L’horaire du jeudi sera celui d'un mercredi, et la Chambre des communes siégera à 14 heures. Beaucoup de mes collègues, et peut-être certains d’entre vous, assisteront aux funérailles de Gord Brown ce matin-là, à Gananoque. Pour ma part, j’y serai, le Comité ne siégera donc pas jeudi prochain. La séance a été reportée, et la greffière et l’analyste s’occuperont de réinscrire au programme les témoins que nous devions alors accueillir.
    Bienvenue aux témoins. Il s’agit de la première réunion consacrée à l’étude des besoins et des enjeux propres aux anciens combattants autochtones. L’étude portera notamment sur le soutien offert aux anciens combattants autochtones par leur collectivité pendant leur transition; la qualité des services offerts aux anciens combattants autochtones par Anciens Combattants Canada; les besoins particuliers des anciens combattants autochtones vivant dans des régions éloignées; les problèmes particuliers des anciens combattants des Premières Nations dans les réserves et hors réserve; les anciens combattants métis, les anciens combattants inuits, les anciens combattants autochtones de l’ère moderne et les réservistes autochtones; les questions concernant les anciens combattants qui ont servi dans les Rangers canadiens; le traitement des anciens combattants autochtones qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée.
    Nous souhaitons la bienvenue au groupe de témoins de la première heure. Nous accueillons M. Scott Sheffield, professeur agrégé au Département d’histoire, University of Fraser Valley, en Colombie-Britannique. Il est un spécialiste de l’histoire des anciens combattants autochtones.
    Nous entendrons par vidéoconférence, depuis Québec, Danny Lafontaine, agent des relations publiques à l’Association des vétérans autochtones du Québec.
    Chacun d’entre vous aura 10 minutes pour faire son exposé, après quoi nous passerons aux questions.
    Monsieur Sheffield.
     Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
    Je m’appelle Scott Sheffield. Je suis un historien qui, depuis le début des années 1990, fait des recherches et écrit sur l’expérience des peuples autochtones pendant la Seconde Guerre mondiale. En raison de mon expérience militaire, je me suis laissé emporter par un mouvement d’intérêt et de sensibilisation de plus en plus fort à l'égard des anciens combattants autochtones, surtout ceux qui étaient des Indiens inscrits, et de leurs griefs concernant les avantages liés à leur participation à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée.
    Étudiant diplômé, j’ai été engagé à contrat par les Affaires indiennes et le MDN, et j’ai produit des rapports préliminaires pour eux, explorant certains des enjeux. J’ai par la suite été embauché par la Table ronde nationale sur les questions touchant les anciens combattants des Premières Nations en 2000-2001 pour produire un rapport final. À la lumière des conclusions de ce rapport, le gouvernement fédéral a présenté en 2003 des excuses aux anciens combattants des Premières Nations et offert une indemnisation. Par la suite, de 2005 à 2012, j’ai travaillé avec le Ralliement national des Métis à une étude sur l'expérience et les divers griefs des anciens combattants métis. J’ai donc une expérience raisonnable dans ce domaine.
    De façon plus générale, pendant la Seconde Guerre mondiale, environ 4 200 Indiens inscrits se sont enrôlés ou ont été conscrits dans les trois éléments des Forces canadiennes. Les chiffres pour le conflit coréen sont moins nets, mais il y en a probablement des centaines. Ces hommes et ces femmes ont servi dans tous les éléments et sur tous les théâtres d’opération des Forces canadiennes, et ils ont été intégrés de façon relativement harmonieuse, sans ségrégation.
    Pour la plupart d’entre eux, ce fut une expérience égalitaire puissante et pour la première et, malheureusement, peut-être la dernière fois de leur vie, ils se sentaient respectés et honorés pour ce qu'ils étaient et ce qu'ils pouvaient faire.
    Avant la fin de la guerre, le gouvernement fédéral préparait déjà la transition vers la paix, prévoyant notamment des dispositions pour la démobilisation de près d’un million de soldats. Tirant des leçons des programmes rigides, peu généreux et, franchement, pas très efficaces qui ont suivi la Première Guerre mondiale, les architectes du régime ont réussi cette fois à concevoir un système de prestations et avantages très étendu, complet, souple et généreux. La constellation de lois et de programmes qui en a résulté a été organisée en trois volets.
     Le premier niveau des prestations a été conçu pour les soldats qui quittaient l’armée au moment de la démobilisation, et il visait en fait à faciliter la transition immédiate vers la vie civile. En particulier, à ce moment, la gratification de service de guerre était un élément clé qui fournissait des ressources aux anciens combattant en fonction de la durée du service et des lieux d'affectation; les montants correspondaient au taux de rémunération mensuel et ils étaient habituellement versés pendant un certain nombre de mois après la démobilisation.
    Une fois les anciens combattants rentrés chez eux, il leur incombait alors de prendre conseil auprès des conseillers d’Anciens Combattants et de demander les prestations des autres volets, en particulier le deuxième niveau des prestations, qui étaient les principaux programmes de prestations de réinsertion pour aider les anciens combattants à démarrer leur vie d’après-guerre. Trois options s’excluaient mutuellement à ce deuxième niveau.
    La première était le crédit de réadaptation, de loin le plus populaire. Environ 80 % des anciens combattants canadiens ont opté pour ce crédit. Il était égal au montant obtenu pour leur gratification de service de guerre et pouvait être utilisé pour une liste établie d’options possibles. Par la suite, il y a eu la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants pour l’agriculture et d’autres formes de réinsertion, et enfin, la formation ou les études.
    Le troisième volet était en quelque sorte un ensemble éclectique de mesures à la disposition des anciens combattants. Elles leur étaient accordées si elles s’appliquaient à leurs besoins particuliers et s’ils en faisaient la demande. Dans l’ensemble, le personnel du ministère des Anciens Combattants se composait d'anciens combattants dans les années qui ont suivi la guerre. Ils étaient bien formés et, franchement, très motivés pour conseiller les anciens combattants sur la voie à suivre, dans cette structure à plusieurs volets, afin d’obtenir les meilleurs résultats. Dans l’ensemble, d’après tout ce que j’ai vu des activités du ministère des Anciens Combattants au cours de ces années de transition, les services offerts allaient bien au-delà des attentes.
    Cela dit, et compte tenu de l’orientation de l’étude que vous entreprenez, le plus utile que je puisse faire est de vous donner une idée des facteurs qui ont nui à la conception et à la prestation des avantages pour les anciens combattants autochtones de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée.
    Fait important, les problèmes de conception et de prestation ne signifiaient pas automatiquement que les anciens combattants autochtones recevaient moins d’argent que les autres. Dans certains cas, c’était le cas, mais il est souvent arrivé qu'ils reçoivent plus d’argent. Mais ils n'ont pas obtenu la même qualité d'aide à leur réadaptation.

  (1105)  

     Le premier grand défi, c’est que, dans l’ensemble, les prestations de la Charte des anciens combattants étaient fondées sur des hypothèses culturelles de la société colonisatrice. Cela vaut à la fois pour les Indiens inscrits et les Métis. Les architectes ont conçu les programmes essentiellement pour améliorer ce que l'ancien combattant possédait avant la guerre comme études, expérience de travail, compétences et peut-être capital ou terres.
    Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, il fallait avoir une expérience agricole antérieure et il était encore mieux de posséder déjà des terres. De même, l’un des avantages du troisième volet était un accès garanti à son ancien emploi si l’employeur et l’emploi existaient toujours. C’était formidable, pour peu qu'on ait été employé avant son enrôlement. De plus, celui qui voulait prendre une formation universitaire devait avoir son immatriculation et avoir terminé ses études secondaires.
    Il était vraiment essentiel d'avoir ces acquis avant la guerre pour pouvoir tirer le meilleur parti des avantages offerts après la guerre. Étant donné la marginalisation sociale et économique des peuples autochtones entre les deux guerres et vu que, de façon généralisée, ils manquaient de terres et avaient peu accès aux études et aux soins de santé, bien des anciens combattants métis et des Premières Nations n’avaient pas la totalité ni même une partie des actifs nécessaires avant la guerre pour se prévaloir des avantages offerts.
    Voilà le premier problème.
    Le deuxième concerne les terres des réserves et la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. De façon générale, les anciens combattants qui étaient des Indiens inscrits ou des Métis pouvaient avoir accès aux avantages accordés aux anciens combattants, du moins en théorie, de façon égale et sans réglementation ni disposition spéciale. La seule anomalie, c’est qu’il y avait des contraintes juridiques distinctes à l'égard des terres des réserves indiennes, qui étaient détenues en fiducie par la Couronne pour l’usage commun de la bande. Cela signifiait que le directeur des Affaires indiennes n’exerçait pas un titre incontestable et que les banques ne pouvaient pas saisir ou confisquer des biens sur les terres des réserves pour un prêt qui n'était pas honoré. À cause de cela, les Indiens inscrits qui auraient voulu s'installer dans une réserve aux termes de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants ne pouvaient pas le faire. Ils n’étaient pas admissibles.
     Le gouvernement l’a reconnu. Il a donc adopté une disposition distincte, le paragraphe 35a) de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, qui ne rendait accessible qu’une partie du prêt ou de la subvention ordinaire de 6 000 $. Si le prestataire remboursait le prêt normalement, il n'avait pas à rendre la dernière tranche de 2 320 $. En vertu du paragraphe 35a), cette tranche de 2 320 $ était transformée en subvention non remboursable. C’était un bon début, mais ce n’était pas suffisant en soi pour bâtir une exploitation agricole rentable. En fait, même les 6 000 $ ne l’étaient pas, et c’est pourquoi des programmes de prêt ont ensuite été mis à la disposition des agriculteurs en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants pour les aider à établir leur exploitation et à la faire croître jusqu’à ce qu’elle atteigne la rentabilité.
    Néanmoins, la majorité des Indiens inscrits ont obtenu des subventions en vertu du paragraphe 35a) de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. C’est très différent de la moyenne nationale. Seulement 7 % environ des anciens combattants se sont prévalus de cette loi. Le fait que plus de la moitié des Indiens inscrits l’aient fait est intéressant. Un autre élément du paragraphe 35a) permettait aux anciens combattants d’occuper une terre du domaine public et d’obtenir 2 320 $. Environ 4 000 anciens combattants ont opté pour cette solution, et je soupçonne que bon nombre d’entre eux, bien que je ne puisse pas le prouver, étaient des Métis. Ils faisaient partie d’une catégorie analogue.
    Le troisième problème a été que les anciens combattants autochtones ont été mis à part de la clientèle principale d'AAC et des autres anciens combattants. Divers facteurs ont joué. Au fond, de nombreux anciens combattants qui étaient des Indiens inscrits ou des Métis ont été séparés des autres sur les plans juridique, social, culturel et physique à la fin des années 1940 et dans les années 1950.
     Par exemple, les interdictions d’alcool imposées aux Indiens inscrits les empêchaient d’entrer dans les locaux de la Légion parce qu’on y servait de l’alcool. Cela posait problème, parce que les salles de la Légion constituaient un lieu central important de diffusion de l’information pour les anciens combattants qui rentraient. On y trouvait des affiches d’information et des affiches éducatives d’Anciens Combattants Canada, mais on pouvait aussi, en partageant une bière avec d’autres anciens combattants, se renseigner sur leur expérience et les programmes dont ils s'étaient prévalus. Cette possibilité de se renseigner leur a été ôtée. Même ceux à qui l'accès n'était pas interdit par la loi, comme les Indiens non inscrits ou les Métis, se sont peut-être abstenus à cause des préjugés sociaux ou parce qu'il n'y avait pas de salles de la Légion dans les régions éloignées où ils vivaient.
    Lorsque les Indiens inscrits ont été démobilisés, contrairement aux autres anciens combattants, on leur a dit de retourner dans leur réserve et de se renseigner auprès de leur agent des Indiens au lieu de se rendre à un bureau d’Anciens Combattants Canada. Cela a eu pour effet de transférer aux Affaires indiennes la charge de la réadaptation de l’ancien combattant. La situation était différente pour les autres anciens combattants.

  (1110)  

     Cela faisait problème parce que beaucoup d’agents des Indiens étaient surchargés. Leurs bureaux manquaient alors d'effectifs à cause de la dépression et de la pénurie de main-d’oeuvre pendant les années de guerre. Ils n’avaient pas la formation ou les connaissances nécessaires pour fournir des conseils efficaces et constructifs ou même pour remplir les formulaires correctement ni dans les meilleurs délais.
    De plus, beaucoup d'anciens combattants qui étaient des Indiens inscrits ou des Métis vivaient dans des régions très éloignées. Certains menaient une vie très nomade et ils étaient loin, géographiquement, des principaux centres de soutien d’Anciens Combattants Canada, situés dans des villes ou dans des localités rurales.
    Toutefois, même pour ceux qui n'étaient pas éloignés géographiquement, des facteurs d'ordre culturel et linguistique rendaient difficile l’accès aux programmes des anciens combattants. Des anciens combattants autochtones étaient analphabètes ou avaient peu accès à la presse écrite ou à la radio où étaient généralement menées d’autres campagnes d’information du ministère des Anciens Combattants. Ces campagnes étaient donc assez mal adaptées à leurs besoins.
    De nombreux Métis ont vécu dans l'isolement culturel et en régime d'autarcie. Dans ces collectivités, il n'y avait aucune coutume, aucune pratique de recours aux services gouvernementaux, qui, pour beaucoup, restaient inconnus ou suscitaient toujours inquiétude et suspicion.
    Le quatrième problème est l’ingérence des Affaires indiennes dans l’administration des dossiers des anciens combattants qui étaient des Indiens inscrits. Dans l'étude de ces dossiers personnels, les agents étaient à la fois troublés et influencés négativement par le rôle des Affaires indiennes et de ses agents dans ce qui a fini par devenir une sorte de système d’administration parallèle distinct pour ces anciens combattants.
    Cela a pris différentes formes. À la base, il y avait une bureaucratie supplémentaire entre l’ancien combattant et ses prestations de réadaptation, ce qui a occasionné pour beaucoup des retards et de l'exaspération. Certains anciens combattants ont même renoncé, désespérés après des années d’efforts, ou se sont contentés de moins que ce qui leur était dû.
    Malheureusement, l’influence de la Direction générale des affaires indiennes a été beaucoup plus envahissante et problématique. Elle et son personnel n’étaient pas des agents impartiaux dans leurs rapports avec les anciens combattants. Ils avaient leur propre culture d’organisation, une solide raison d’être, soit l’assimilation, qui, parfois, faussait l’intention qui sous-tendait les avantages consentis aux anciens combattants et nuisait à leur réadaptation.
    Ainsi, je n’ai trouvé presque aucune preuve que les Indiens inscrits avaient accès à une formation professionnelle et universitaire; quelques-uns, mais très peu. Beaucoup n’auraient certainement pas été admissibles parce que, statistiquement, plus de 75 % des Indiens inscrits entre les deux guerres auraient atteint le niveau de la 1re à la 3e année. Par conséquent, seulement un petit nombre, de 2 à 3 %, aurait obtenu l'immatriculation et aurait pu se faire admettre à l’université, par exemple. Il y avait des dispositions permettant de faire des études secondaires, et ils auraient pu s'en prévaloir, mais des éléments de preuve donnent à penser qu’ils n’en ont pas été informés.
    Il semble plutôt que, souvent, les agents des Indiens, au lieu de renseigner les anciens combattants sur les possibilités offertes, leur ont dit ce qu’ils pensaient préférable ou ce dont ils les croyaient être capables, et compte tenu des préjugés négatifs de cette époque, la barre était souvent très basse.
    Le fait que la grande majorité des Indiens inscrits aient obtenu une subvention de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants suscite également un peu de suspicion, car la subvention a souvent été utilisée par des agents pour aider à payer une maison pour l’ancien combattant. Bien que cela ait pu améliorer la qualité de vie des anciens combattants à court terme, ce n’était pas le but des subventions prévues par la loi. Il ne s’agissait pas de subventions au logement. Il s’agissait de subventions de réadaptation, conçues pour aider le prestataire à se lancer dans une carrière qui lui permettrait de subvenir à ses besoins.
    Au lieu de cela, les agents ont utilisé les fonds de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants essentiellement pour compléter leurs propres budgets trop chiches pour le logement dans les réserves, et à certains endroits, ils sont allés encore plus loin. Dans les Maritimes, par exemple, le ministère des Affaires indiennes a mis sur pied un programme de regroupement au cours de cette période pour essayer de transférer tous les Micmacs de la Nouvelle-Écosse dans deux réserves, celles de Shubenacadie et d'Eskasoni. Il ne permettrait aux anciens combattants micmacs de présenter une demande de subvention en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants que s’ils acceptaient de déménager dans l’une de ces deux réserves. En ce sens, les avantages consentis aux anciens combattants sont devenus un outil, un bâton pour les Affaires indiennes afin d'imposer cette politique de regroupement.
    Certains anciens combattants ont déménagé là-bas, ont obtenu une maison, mais ils étaient mécontents de vivre loin de leur famille et de leurs territoires traditionnels et ils ont abandonné cette maison, de sorte qu’ils n’ont obtenu aucun des avantages à long terme prévus par la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants.
    Ce ne sont là que quelques exemples qui illustrent un climat plus généralisé, dans lequel, au cours des années 1940 et 1950, on a paralysé les efforts des Indiens inscrits et limité leur statut. Essentiellement, leur accès aux avantages prévus par la loi dépendait presque entièrement de l'agent des Indiens et de la relation que les Indiens avaient avec lui.

  (1115)  

    Merci, monsieur Sheffield.
    Nous passons maintenant à M. Lafontaine, qui aura 10 minutes.

  (1120)  

     Pour revenir à ce que disait M. Sheffield, ici, au Québec, les Métis ne sont pas du tout reconnus par les gouvernements, ni fédéral ni provincial. Donc, essentiellement, ils doivent passer par le même système que celui que nous avons actuellement à ACC. Nous n’allons donc même pas en parler. Je suis un Métis qui sera probablement reconnu très bientôt comme un Autochtone grâce à la loi McIvor, entre autres choses, car il se fait beaucoup de travail ici, au Québec. Les Métis ne sont pas reconnus ici; ils viennent de l’Ontario, de l’Ouest, et probablement un peu de l’Est.
    Notre problème est davantage lié aux réserves satellites dans le Nord, où, la plupart du temps, les Autochtones n’ont même pas accès à Internet ou au téléphone. Ils se joignent aux forces — surtout aux Rangers — et rentrent chez eux. Ils doivent ensuite passer par le conseil de bande pour obtenir de l’information, et la plupart de ces bandes ne reçoivent même pas d’information d’ACC. Voilà l'enjeu. Il n’y a aucune coordination entre les services de santé dans les réserves et ACC. J’ai parlé à beaucoup de chefs de bande. Les bandes prennent en charge leurs propres anciens combattants et, au fond, elles ne savent pas quoi faire. J’ai beaucoup travaillé avec Luc O’Bomsawin d’Odanak, et comme je ne vis dans aucune réserve, il m’est difficile d’entrer dans les réserves parce qu’on me dit que je ne suis pas vraiment un Autochtone. On me dit: « Je sais que vos deux grands-mères sont autochtones, mais vous n’êtes pas un Autochtone, vous êtes un Métis. » Essentiellement, nous avons de la difficulté à communiquer avec ces bandes autochtones chez nous, dans les 11 nations, pour transmettre toute cette information aux anciens combattants. C’est vraiment notre problème principal, au Québec.
    Nous devrions informer correctement tous les membres du personnel de santé des réserves afin qu’ils réorientent les anciens combattants vers les programmes en place. Nous en avons beaucoup. J’ai beaucoup travaillé aux tables rondes avec les ministres d’ACC. J’ai beaucoup travaillé avec M. Blaney, et maintenant avec M. Regan. Nous constatons actuellement qu’il n’y a pas d’accès aux réserves éloignées dans le Nord parce que les services de téléphonie et d’Internet ne suffisent pas et qu'il faut utiliser des téléphones satellitaires. Comme le disait M. Sheffield, beaucoup de ces anciens combattants ne savent même pas écrire ou parler, la plupart du temps. Certains rentrent dans leur réserve après leur formation. Ils essaient de parler aux gens de leur réserve et ils ne savent même pas quoi leur dire, alors, essentiellement. Ils redeviennent tout simplement, comme je l’ai dit, des Autochtones sans abri dans leur propre réserve. Voilà à quoi la situation se résume, en somme.
    Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais c’est à Montréal que nous avons actuellement le plus de problèmes avec les anciens combattants sans abri, surtout les anciens combattants autochtones. Nous avons participé à l'initiative « Je compte MTL » 2015, puis nous l’avons refait en 2018, il y a environ deux semaines. Je n’ai pas les statistiques de 2018, mais j’ai celle d'une tournée d’une journée, en 2015, à laquelle ont participé plus de 6 000 bénévoles qui m’ont accompagné dans la ville. Nous avons distribué des documents et les sans-abri qui le voulaient y ont écrit qui ils étaient. Et sur les 3 200 sans-abri dénombrés en une journée, 6 % étaient des anciens combattants, soit 188, et 6 % étaient des Autochtones, dont 22 %, soit 42, étaient des anciens combattants. Ils ne veulent pas retourner dans les réserves parce qu'on ne les y aide pas. Ils ont plus d’aide dans les rues de Montréal que dans leur propre réserve. Voilà en somme les problèmes que nous avons actuellement au Québec.
    Avez-vous terminé, monsieur?
    Oui, monsieur.
    Merci beaucoup. Nous allons entamer notre première série de questions. Chacun aura six minutes. M. Kitchen d'abord.
     Merci, messieurs, d’être venus aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence. J’ai aimé cette leçon d’histoire. J’avoue que j’ai des antécédents militaires, mais j’en apprends plus aujourd’hui à ce sujet que par le passé. Ma collègue Cathay Wagantall, qui n’est pas ici aujourd’hui, et moi avons participé à une table ronde l’été dernier à Regina, et nous avons rencontré un certain nombre de chefs et avons déjà là reçu une tonne d’information. La question de l’acquisition des terres nous était tout à fait étrangère, à elle comme à moi. Ce sont des choses que le Comité doit absolument entendre et nous vous savons gré de vos observations.
    Monsieur Sheffield, vos recherches, corrigez-moi si je me trompe, s'étendent jusqu'à la fin de la guerre de Corée, ou vous êtes-vous intéressé à une période plus proche de la nôtre, à une période plus moderne, à nos Casques bleus de l’ONU à Chypre, aux anciens combattants des Premières Nations à Chypre?
     Non, je m’intéresse surtout à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée. J’ai examiné les dossiers personnels de ces anciens combattants dans les années 1960 et 1970 et même plus récemment, les problèmes et les défis liés aux pensions, etc., mais je n’ai pas examiné le cas des anciens combattants plus récents et leur expérience.
    D’accord, et sans cette recherche, pouvez-vous formuler des observations. Percevez-vous une sorte de parallèle?
    Monsieur Lafontaine, vous pourrez peut-être ajouter quelque chose après que nous aurons entendu M. Sheffield.
    Après avoir écouté M. Lafontaine, je suis convaincu qu’un grand nombre des mêmes tendances se sont maintenues, et cela tient en grande partie au manque de lien entre les Affaires indiennes, les Métis, qui restent souvent hors réseau pour ce qui est des services gouvernementaux en général, et Anciens Combattants. Il n’y a pas de lien, et c’est assez systémique. Je ne pense pas que, jusqu’à cette étude, quelqu’un ait vraiment réfléchi au problème, ce qui est tout à fait remarquable.
    Alors oui, je suppose qu'il y a encore variations sur ce thème et, comme M. Lafontaine l’a laissé entendre, le problème demeure endémique.
    Monsieur Lafontaine.
    Je suis un Métis, et j'ai été sergent dans les Forces canadiennes. J’ai été à leur service pendant 21 ans, j'ai participé à cinq missions, et je peux garantir à M. Sheffield que, Métis ou non, surtout au Québec... C’est honteux, vous savez. Il faut tout le temps se battre.
    J’ai donc fait abstraction du fait que je suis Métis, et je me suis dit simplement que j'allais devenir un citoyen ordinaire et essayer de demander tout ce à quoi j'avais droit en m'adressant à Anciens Combattants. Le ministère a fait un excellent travail pour moi. Je souffre d'un trouble de stress post-traumatique et j'ai toutes sortes de problèmes. Sur le plan financier et même dans mes soins personnels, il a fallu beaucoup de temps pour me rétablir. J’ai fait faillite. J’ai dû passer au travers de tout ça, mais je ne me plains pas. Tout va bien pour moi en ce moment, mais imaginez tout le travail que j'ai dû accomplir. À l’heure actuelle, je travaille beaucoup sur le « plancher des vaches », comme on dit

  (1125)  

[Français]

le « plancher des vaches »

[Traduction]

en français.
    J'ai reçu une distinction d’ACC — remise par le ministre — et de l’ombudsman, il n’y a pas si longtemps, pour le travail que j’ai fait sur le terrain, et qui se rapporte à ce que M. Sheffield a décrit. Je n’ai rien écrit. Je travaille surtout sur le terrain, et la situation est à peu près la même. Elle n’a pas changé. Cinquante ou soixante ans plus tard, rien n’a changé.
    À Odanak, Luc O’Bomsawin, notre président, est un Abénakis. Son oncle est allé à la guerre de Corée, mais c’est un blanc marié à une Indienne et il vit dans la réserve d’Odanak, et c’est la catastrophe absolue. Il ne reçoit aucun service, et lorsque le ministère des Anciens Combattants s'exprime, on lui dit qu’il vit dans la réserve indienne et que la réserve devrait s’occuper de lui. Ce à quoi il répond que non, parce qu'il est un blanc. Imaginez! Nous avons encore toutes sortes de petits problèmes comme celui-là. C’est toujours la même chose.
    Essentiellement, comme le disait M. Sheffield, dans le Nord, où il y a surtout des gens sans instruction — il en est constamment question aux informations —, des gens se mutilent dans certaines réserves et il y a beaucoup de sans-abri et une foule de problèmes. C’est là que nous devons trouver une solution. Nous devons communiquer directement avec ces réserves. Comme je suis un Métis, je n'y suis pas accepté. Je me fais dire: « Non, tu n'es qu’un Métis. Tu es comme un blanc, même si tu as du sang rouge. » C’est ce que je me fais dire: « Tu es un blanc qui a du sang rouge. »
    Si mon grand-père avait été un Autochtone, j'aurais été un Autochtone aussi. C'est l'élément central.
    Très rapidement, nous venons de terminer une étude sur la transition, et j’entends beaucoup parler de cet aspect.
    En un mot, ou en une très brève phrase, car j'ai peu de temps, comment envisagez-vous la transition pour les membres des Premières Nations aujourd'hui?
    Dans le Nord, il n’y a aucune transition, parce que les anciens combattants n'ont pas de contacts avec ACC, et c’est là que nous essayons d'intervenir, mais nous sommes bloqués. Tous ceux qui sont sur le terrain se heurtent au refus des chefs des réserves. Ils ne veulent rien savoir. Ils prennent une attitude dégagée. Ce n'est pas sans faire penser à ce dont M. Sheffield parlait. Une partie de l’argent va à la réserve plutôt qu’aux anciens combattants.
    Monsieur Bratina, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup. C’est un plaisir de vous accueillir, messieurs, ainsi que les témoins qui vont suivre.
    Commençons par M. Sheffield. Il y a un célèbre roman canadien, Two solitudes, qui porte sur l’anglais et le français. Il me semble qu’il y a au moins trois solitudes, parce qu’il y a tellement de choses que vous avez dites dont nous n'avions aucune idée. Je ne devrais pas dire « aucune », puisque j’ai moi-même entendu parler de gens comme Fred Pegahmagabow, le grand tireur d’élite de la Première Guerre mondiale, et Tom Longboat, qui était de la région de Hamilton, dont les états de service en temps de guerre ont été brillants, et aussi, bien sûr, du soutien des Premières Nations pendant la guerre de 1812.
     Toutefois, de façon générale, le premier problème n'est-il pas un manque de sensibilisation généralisé?
     Cela ne fait aucun doute.
    Bien honnêtement, il y a eu des progrès énormes depuis que j'ai commencé à m'intéresser à la question, au début des années 1990. Il y a eu une prise de conscience importante de ces problèmes aussi bien dans l'opinion publique que dans les milieux gouvernementaux et universitaires et surtout dans les organisations d’anciens combattants des Premières Nations. Elles ont commencé à la fin des années 1970 à réclamer une évaluation de ce que vivent les anciens combattants autochtones.
     L’Association des anciens combattants des Premières nations de la Saskatchewan a vraiment mené la charge pendant cette période. C’est grâce aux efforts déployés dans les années 1980 et 1990 que vous avez reçu le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les anciens combattants autochtones en 1994. La Commission royale sur les peuples autochtones a consacré un chapitre important aux anciens combattants en 1996, et cela a mené à la table ronde nationale à laquelle j’ai participé et qui a réuni des organisations d’anciens combattants des Premières Nations, l’Assemblée des Premières Nations, le MDN, les Affaires indiennes et Anciens Combattants Canada. Tout cela a été utile.
    En fait, des Autochtones participent à des cérémonies commémoratives nationales et locales, organisent leurs propres cérémonies. Ottawa a un monument commémoratif national en l'honneur des anciens combattants autochtones. Les choses ont commencé à bouger.
    Dans la population en général, cependant, il est vrai que bien des gens ne connaissent presque rien à rien, si ce n'est que « peut-être que quelques Indiens y sont allés ». Vous avez raison. Les gens célèbres comme Tommy Prince, et Francis Pegahmagabow, entre autres, sont souvent les seuls dont les gens ont entendu parler.

  (1130)  

    Monsieur Lafontaine, pourriez-vous nous dire quand vous avez quitté le service? Comment s'est passée votre transition?
    J’ai quitté le service à la fin de 2003. À l’époque, c’était vraiment difficile. Nous avions beaucoup de mal à obtenir des services de transition. Et les services étaient moins nombreux que ce que nous avons aujourd'hui et qui facilite beaucoup la transition. De plus, comme je vous le disais, étant Métis au Québec, je n'étais rien du tout. On ne se souciait pas vraiment de moi comme Autochtone. Je ne cadrais nulle part.
    Je ne peux pas vraiment dire ce qu'il en est pour les Métis, mais chez les Autochtones, je peux dire, ayant beaucoup d’amis qui vivent dans les réserves, que c’était la même chose. Rien n’a changé par rapport à ce que M. Sheffield a décrit. Les choses ont commencé à beaucoup évoluer vers 2013 ou 2014, lorsque M. Blaney était en poste. Il a commencé à travailler là-dessus. Au fond, il n’y avait rien du tout. J’ai fait faillite. Lorsque j'ai commencé à gagner... Il m’a fallu sept ou huit ans pour parvenir à quelque chose.
    Les Métis ne sont pas les seuls en cause. Le problème réside dans le système, mais il a vraiment beaucoup changé. Des effets devraient commencer à se faire sentir, mais ils ne se voient pas encore. En gros, le système a de bons résultats du côté des blancs, mais je trouve que, du côté de l’homme rouge, comme nous l’appelons, nous n'en sommes pas encore là.
     Le problème, ce n’est pas que le système fasse défaut. Ce sont les réserves qui présentent des difficultés. Partout au Canada, le problème, c’est qu’il n’y a pas de communication entre ACC et les bandes, surtout celles du Nord. Le problème que nous avons actuellement, c'est l’éducation.
    M. Sheffield a parlé de l’expérience égalitaire des anciens combattants autochtones avec leurs camarades blancs, si on peut les désigner ainsi. Est-ce bien ce que vous avez vécu?
    Oui, monsieur. Mes deux grands-mères étaient autochtones, et elles ont perdu leurs droits. Nous avons récupéré ces droits en 2009. C’est seulement depuis 2009, grâce à la loi McIvor, que tout a beaucoup changé pour moi, mais pas au Québec. J’ai obtenu mon statut de Métis de l’Ontario, parce que mes parents viennent de là. Maintenant, je reçois des choses de l’Ontario, mais pas du Québec. La situation laisse à désirer à ce point. Le gouvernement du Québec et même celui du Canada ne le reconnaissent pas du tout.
     Il n’y a actuellement qu’une seule organisation métisse, à Maniwaki, qui soit vraiment reconnue. Les autres ne le sont pas. C’est là un autre de nos petits problèmes, mais cela n'a rien à voir avec ACC. Le problème se situe au ministère des Affaires indiennes.
    Il me semble qu’on nous propose des solutions assez simples. Elles ne le seront probablement pas, mais les problèmes, comme on les décrit aujourd’hui, sont très clairs.
     Enfin, monsieur Lafontaine, les gens de la réserve appuient-ils les anciens combattants autochtones qui retournent dans la réserve et comprennent-ils en général leurs épreuves et leurs tribulations?
    Je dirais que c’est le cas dans la plupart des réserves du Sud qui sont plus près des villes, comme Kahnawake, Akwesasne et tous ces endroits, ainsi que Wendake, tout près de chez moi. Par contre, dans toutes les autres réserves éloignées, dans le Nord, et même dans celle où se trouve Luc en ce moment, à Odanak et à Wôlinak, les membres de la bande n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe à ACC. Ils ne savent pas ce qui se passe du côté autochtone, et c’est là, en somme, que le problème se situe.
    Comme j’essaie de travailler dans les réserves et que je suis un Métis, ce qui n'est pas reconnu, il est plus difficile de diffuser cette information sur le terrain et d'insister. Je fais beaucoup de travail sur le terrain et j'interviens avec insistance. Parfois, c’est plus que du bénévolat. On me dit maintenant que je suis un « bénévole fou ». J’essaie d'intervenir avec détermination. Cela me garde en vie.
    Monsieur Johns, vous avez six minutes.
    Merci à vous deux de votre présence et de vos témoignages, qui sont très importants.
    Je m'adresse d'abord au sergent Lafontaine. Pourriez-vous parler plus longuement de cette situation scandaleuse? Vous avez dit qu'il y avait beaucoup d’anciens combattants parmi les sans-abri à Montréal. VETS Canada accomplit un certain travail et reçoit des fonds du gouvernement fédéral pour offrir des services.
    Quels sont les services offerts pour aider les anciens combattants qui vivent dans la rue et les anciens combattants sans abri? Pouvez-vous nous en parler un peu?

  (1135)  

    Oui, bien sûr. Je m’occupe de la campagne Respect, ainsi qu'on l’appelle, avec M. Steve Gregory, lieutenant-colonel et colonel honoraire du 2e Régiment d’artillerie de campagne.
    Ce sont tous des civils qui travaillent ensemble à faire avancer les choses. Des représentants d'ACC viennent voir et nous leur disons qu'ils sont très bien, tous leurs petits programmes qui invitent les anciens combattants sans abri à venir les voir. En fait, je leur ai demandé s’ils pensaient qu’un sans-abri avait un téléphone ou une tablette sur lui, en leur disant: « D’accord, je vais venir vous parler. » Je leur ai dit en somme de venir marcher avec nous à l'occasion de l'initiative Je compte MTL. Ils ne viennent pas. Je leur dis de venir voir ce qui se passe dans la rue en ce moment. C’est ce que nous faisons. Je dors avec les sans-abri. Je l’ai fait à quelques reprises. Comme je l'ai dit, je suis un bénévole fou dans la rue. Je vais dormir avec eux, je vais leur parler et je les sors de la rue. En gros, je sacrifie ainsi ma propre vie, mais c’est beau et j'en retire quelque chose. Ça va.
    J’admire les services que vous ne cessez de rendre à notre pays, sergent Lafontaine.
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Puisqu'il y a des lacunes, que souhaitez-vous obtenir pour aider ces anciens combattants? De toute évidence, ces organisations n’ont pas les ressources nécessaires pour servir les anciens combattants qui en ont besoin. Pourriez-vous préciser ce que nous pourrions faire?
    Oui. Pour l’instant, M. Steve Gregory fait un excellent travail pour réunir tous ces groupes, tous les groupes de sans-abri qui sont à Montréal parce qu’il y en a beaucoup en ce moment. Il y a La Maison du Père, il y a... J’oublie tous les noms, parce qu’il y en a tellement. La Ville de Montréal travaille avec nous. Il y a beaucoup de monde.
    À l’heure actuelle, nous avons besoin de ressources, d'argent et de programmes, comme un programme central auquel tout le monde travaillerait afin que nous puissions commencer à nous parler. C’est ce que nous essayons de faire, mais nous manquons d’argent. Ce n’est pas quelque chose comme... Nous ne demandons pas des milliards. Un million réglerait probablement la plupart des problèmes actuels, surtout en ce qui concerne les communications. Un million de dollars, ce n’est rien si on compte qu'il y a 200 ou 300 anciens combattants; c’est environ 10 000 $ ou 20 000 $ par personne.
    En gros, si nous pouvions commencer à les aider... J'ignore si vous êtes au courant, mais, à Calgary et en Colombie-Britannique, on construit maintenant des petites maisons pour sans-abri. Nous essayons d'obtenir la même chose. C’est une communauté pour les anciens combattants, et nous essayons de l’établir actuellement au Québec. Nous discutons avec ces gens-là. Habituellement, lorsqu'on retire un ancien combattant de la rue — ce qui arrive, car je le fais —, lorsqu'on fait appel au ministère des Anciens Combattants, qu'on donne toute cette aide à l'ancien combattant et qu'on le place dans un logement avec des civils, il finit par retourner dans la rue. C’est son domaine, son milieu.
    Nous nous occupons de ces petites maisons communautaires. Il y aura un centre communautaire où nous pourrons accueillir tous ces anciens combattants. Et quand ils ne vont pas bien, ils discutent ensemble. S’ils ne veulent pas venir manger, ils restent dans leur petite maison, et ça va marcher. Il y a maintenant des terrains disponibles à Sainte-Anne, où nous avons perdu l’hôpital. Nous avons pu les obtenir et commencer à réaliser ce projet. Il y a déjà un centre communautaire; il y a ensuite l’hôpital juste à côté. Tous ces gens pourraient contribuer à ce genre de projet. Nous essayons d’y travailler, mais nous manquons de ressources et d'argent.
    Pour ce qui est de la communication, vous avez parlé du fossé numérique, des collectivités qui n’ont pas de moyens de communication numérique, mais il y a aussi beaucoup de collectivités éloignées qui ont la possibilité de faire de la sensibilisation.
    Je ne sais pas si nous nous en tirons tellement bien, et ACC fait bien le travail en se servant des outils de communication dont nous disposons pour la sensibilisation.
    De plus, je sais qu’aux États-Unis, 30 % des intervenants sont des anciens combattants. Ils comprennent les problèmes de leur clientèle. Quant aux anciens combattants autochtones, j’imagine qu’il y a beaucoup de protocoles adaptés à leur culture et un certain niveau de compréhension indispensable. Pensez-vous qu’il serait avantageux qu’ACC établisse des objectifs clairs pour embaucher des anciens combattants comme gestionnaires de cas afin de rejoindre les anciens combattants?
    Monsieur Johns, vous n’auriez même pas à payer les gens. Certains se portent volontaires, comme moi, pour aller dans ces réserves et parler de la question, mais certains ont trop peur de perdre leur emploi.
    Ils disent que je vais leur voler leur emploi. Je dis que non, que j'aide plutôt les gens à établir le contact entre le ministère et les anciens combattants. Je ne peux même plus travailler. Je fais du bénévolat parce que, en somme, un jour donné, mon cerveau ne veut pas fonctionner, mais je pourrais les aider à établir le contact.
    Nous avons du mal à entrer dans les réserves. Même M. Steve Gregory voulait parler à M. Bellegarde, qui est le plus haut placé. On ne l'a jamais rappelé. Nous disons que nous voulons aider ces gens-là; nous avons toutes les ressources voulues pour le faire, mais ils ne nous parlent pas. Il doit y avoir un échange.

  (1140)  

     Eh bien, j’espère que nous donnons des ressources à des gens comme vous.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Trente secondes.
    D’accord. Je serai très bref.
    Désolé, monsieur Sheffield, j’ai tellement de questions que j’aimerais vous poser aussi. Vous avez fait votre partie du rapport en 2000 et 2001. Pouvez-vous cerner des appels à l’action qui n'ont pas été entendus ou des lacunes de ce rapport qui n’ont pas été comblées?
    Je vais poursuivre dans la même veine que vous. Une des choses que j’ai remarquées en travaillant sur ce rapport et sur les dossiers des militaires métis, c’est la différence de services entre l'immédiat après-guerre et la période où le ministère devient plus bureaucratique et moins centré sur les vétérans dans les années 1960 et 1970. Plus le service devenait pauvre, insensible et mesquin, plus les choses empiraient pour les anciens combattants. Si vous pouviez compter sur la passion, l’engagement et le dévouement de gens comme M. Lafontaine et embaucher des gens aux Anciens Combattants qui ont cette sensibilité et cette compréhension culturelles, je pense que vous feriez énormément de chemin pour corriger certaines des lacunes de communication.
    Je suis tout à fait d’accord.
    Monsieur Samson, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup à vous deux pour vos exposés.
     Je dois avouer que nous sommes en pleine courbe d’apprentissage. Nous nous occupons des anciens combattants et de toutes les questions entourant les services et les prestations qui leur sont destinés; or voici qu'en nous penchant sur les Autochtones, nous voyons comment ils ont été exclus ou privés des services. Plus on en apprend, plus c’est frustrant, parce que les peuples autochtones et les anciens combattants ont beaucoup de rattrapage à faire. Je pense que nous sommes sur la bonne voie en général, mais en ce qui concerne les Autochtones, j’en suis moins certain.
    J’aimerais que vous me disiez tous les deux où nous en sommes aujourd’hui. Nous voici en 2018. Quels progrès avons-nous faits ces 10 dernières années et qu’est-ce qui manque? Sur quoi devrions-nous travailler? Comment pouvons-nous améliorer ce système, cette transition? J’essaie simplement de comprendre, parce que nous devons présenter un rapport qui contiendra des recommandations. Quels sont les domaines qui nous échappent encore? Quelles solutions pensez-vous que nous pourrions proposer?
    Peut-être deux ou trois éléments clés pourraient nous mettre sur la bonne voie.

[Français]

    Nous entendrons M. Lafontaine en premier.

[Traduction]

    Nous passerons ensuite à M. Sheffield.
    Ce qui nous manque à l'heure actuelle, je pense, c’est que... Je ne veux pas m’en prendre à qui que ce soit, mais tous les chefs, les grands chefs comme M. Picard ici au Québec... Nous devons réunir ces chefs avec nous, les vétérans autochtones, les Métis, tous ces gens et vous ici présents. Nous devons nous asseoir ensemble à cette table ronde et nous demander ce que nous pouvons faire maintenant, quels sont les points à régler. Nous pourrions même avoir M. Sheffield avec nous, ce serait formidable, parce qu’il a déjà joué dans cette pièce autrefois, dans un rôle que je reprends un peu aujourd'hui.
     J’aime bien ce que j'entends à propos de l’avenir, que nous ne soyons pas là dans 10 ans à nous dire que nous avons encore les mêmes problèmes. Essentiellement, voilà ce que nous devons faire. Nous devons réunir les chefs et leur dire: « Écoutez, il y a des problèmes ici. » Arrêtons de lancer la balle à tout le monde et réglons le problème.
    J’ai beaucoup de solutions. J’y consacrerais mille heures. Peu m’importe. J'organiserais volontiers cette table ronde et je mettrais tout en marche. Je suis un gars passionné qui veut que ses anciens combattants, les vétérans autochtones, les vétérans métis, retournent aux études, qu’ils aient le droit de vivre, de mener une vie convenable.
    La première chose à faire serait donc de tenir cette table ronde. Qu’est-ce que vous compteriez obtenir? Si on réunit tout le monde à la table et qu'on y parle des vraies affaires, qu’est-ce que cela peut nous apporter? Nommez-moi deux changements qui pourraient en découler.
    Tout d’abord, ce lien qui manque actuellement avec le ministère, avec nous, les anciens combattants, qui sommes dans la rue, et les chefs... Lorsque les grands chefs s’assoient pour décider et qu'ils disent: « Écoutez, les gars, nous avons un problème et nous devons le régler »... À partir de là, toute cette communication pour dire aux médecins comment s'organiser... Les anciens combattants n’ont pas à passer par le système médical là-bas, ou s’ils passent par lui, ils n’ont pas à payer pour que le type refile leur... Ils vont gagner de l’argent dans leur propre réserve parce qu’ils ne prennent pas leur propre argent pour aider un ancien combattant. L’argent nous vient de là où nous sommes censés l’obtenir. Voilà de quoi on parle en ce moment.
    Merci.
    Monsieur Sheffield.

  (1145)  

     La première étape selon moi est de se réunir autour d’une table et de discuter avec les différentes parties concernées. Une des choses qui se sont trop souvent produites dans l’administration des Autochtones au Canada, c’est que le gouvernement prenne des décisions et mette en oeuvre des programmes sans demander leur avis aux intéressés.
    Vous savez quoi? L’inclusion des Indiens inscrits et d’autres vétérans dans la Charte des anciens combattants était, pour l'époque, un geste remarquable d’inclusivité et d’égalité, sauf qu’on n’a pas pris le temps d’examiner les ramifications possibles si vous ne cadriez pas dans le portrait général des antécédents ruraux ou urbains, anglo-saxons ou, à tout le moins, européens.
    Le simple fait de faire ce que vous faites actuellement est un pas extrêmement important dans la bonne direction. Quelles sont les différences? Quelles sont les lacunes et comment les corriger? Où faut-il construire les ponts et comment pouvons-nous aider? Y a-t-il des programmes particuliers ou bien est-ce que les programmes en place suffisent si nous trouvons le moyen de mieux les offrir et de mieux les accorder aux cultures autochtones?
    Nous savons que toutes sortes de nouveaux programmes et de nouvelles prestations ont été mis en place au fil des ans. La plupart des gens ne sont pas au courant. Je soupçonne que c’est encore pire, comme vous avez dit.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 45 secondes.
    Je suppose que la question à poser maintenant est la suivante: à ce sommet que vous tiendriez, ou peu importe comment vous l’appelez, est-ce qu'on réunirait les Autochtones hors réserve avec ceux des réserves? Comment cela se passerait-il?
    Voulez-vous répondre à celle-là?
    Ce serait difficile, je vous le dis, surtout au Québec.
     Je sais qu’il se fait beaucoup de choses en Ontario avec les Métis. Il se fait beaucoup de bonnes choses là et sur la côte Ouest. Cependant, comme vous dites, même en Ontario — parce que je voyage beaucoup et qu’on me dit qu’il n’y a pas de Métis de l’Ontario jusqu'à la côte Est —, il y a beaucoup de choses à changer de cette façon aussi, mais nous ne changerons pas celle-là. Ce sera encore pareil dans cent ans probablement.
    Pour ce dont vous parlez, il s'agit d’avoir des échéanciers — pas juste des discussions — et de dire: « Nous devons faire ceci avant telle date et nous devons faire cela avant telle date », puis de persévérer jusqu'à ce que ce soit fait.
    Je parle aussi d’un ancien combattant. Un ancien combattant est un ancien combattant.
    Bien sûr.
    Je vais devoir vous interrompre, messieurs. Nous avons un peu dépassé le temps prévu.
    Je suis désolé.
    Ça va.
    Monsieur Eyolfson.
    Merci à vous deux d’être venus. Vos témoignages nous sont précieux.
    Sergent Lafontaine, merci également d'avoir servi sous les drapeaux.
    Une des choses que j’aimerais éclaircir à propos de ce que vous avez vécu ici, ce sont les problèmes que vous avez à obtenir les services. Vous avez parlé de ce qui se passe au Québec. Est-ce unique au Québec? Est-ce que des anciens combattants comme vous vivent cela différemment dans d’autres provinces?
    Probablement plus s'ils sont Métis. Moi, j’ai lâché prise. Je suis Métis pour tout sauf pour Anciens Combattants Canada et pour ce qu'on offre dans les réserves, parce que les réserves ici ne reconnaissent pas du tout les Métis. C’est une affaire gouvernementale. Cela fait 300 ans que nous avons des problèmes et je ne crois pas que nous allons y remédier. En ce qui me concerne, c'est correct. Nous faisons du bien aux Métis et ainsi de suite, mais pour ce qui est des Autochtones, nous avons beaucoup de travail à faire. Je l’entends constamment.
    Les gars retournent chez eux et ils sont sans abri dans leur propre communauté, ou bien ils se retrouvent itinérants à Montréal. C’est ainsi que les choses se passent, dans les deux sens.
    Vous dites que les anciens combattants des Premières Nations en arrachent plus s'ils sont sans abri dans les réserves?
    Oui, parce que la plupart des chefs des réserves ou des gens qui sont là ne savent même pas ce qui se passe. Ils ne savent pas vraiment ce qu'est Anciens Combattants Canada, quand ils n'en sont pas tout simplement ignorants. Ils ne veulent probablement même pas le savoir. Nous devons vraiment... Je dis qu’il faut y aller et marteler le message. Voilà le problème.
    Essentiellement, je suis prêt à faire avec vous. De mon plein gré, je vais m'incruster là et insister jusqu'à ce que les choses bougent.
    Bien sûr. Vous avez aussi mentionné que, pour l'essentiel de votre vie, vous vous identifiez comme Métis, mais vous ne l'êtes pas pour Anciens Combattants Canada. J’aimerais aussi éclaircir ce point: si quelqu'un est identifié comme autochtone à un titre ou à un autre, membre d’une Première Nation ou Métis, et qu’il s'adresse à un centre de services d'Anciens Combattants Canada, reçoit-il les mêmes services que tout le monde ou est-il renvoyé ailleurs?
    S’ils sont autochtones, la plupart des gens, surtout dans le Nord, ne sortent même pas parce que c’est trop loin. Service Canada, c’est trop loin.

  (1150)  

     Je comprends cela, mais est-ce que le petit nombre de ceux qui demandent ces services reçoivent le même traitement que tout le monde?
    Oh oui, bien sûr.
    Très bien. J’espérais que ce serait votre réponse.
    Une fois entrés dans le système, ils deviennent des personnes normales comme tout le monde — ils deviennent des anciens combattants. Pour nous, un ancien combattant est un ancien combattant. Il s’agit simplement de le faire entrer dans le système. Il ne s’agit pas de savoir s'il est autochtone ou non, mais de le sortir de la réserve. Mais pour faire cela, il faut y aller, dans cette réserve.
    J’ai demandé à quelques-uns des chefs, d'ailleurs: « Combien avez-vous d’anciens combattants dans votre réserve? » Ils ne le savent pas. Bon, comme je leur dis, nous avons déjà un problème. « Houston, nous avons un problème. » Voilà ce que je dis, surtout dans la partie nord. Mais si vous allez à Kahnawake, il y a là un petit monde à part. C’est difficile au Québec. Comme je l’ai dit, nous sommes une société distincte au Québec.
    Vous avez parlé de votre dossier militaire. Quand avez-vous fait la transition de soldat à ancien combattant? En quelle année était-ce?
    C’était le 22 octobre 2003. J’ai quitté l'armée, mais il a fallu près de 12 ans pour tout régler. J’ai fait faillite, j'ai divorcé, tout ce que vous pouvez imaginer. J’ai tenté de me suicider en 2009. Cela n’a pas vraiment d’importance, car c’est le passé et je regarde le bon côté des choses. Je suis allé chercher de l'aide. Il a fallu du temps, mais j'ai reçu de l'aide. C'est révolu, ce temps-là. J'ai tourné la page.
    Aujourd’hui, il y a beaucoup de nouveautés et beaucoup de bonnes choses qui sont ressorties, mais il y a un manque de communication. Comme je vous le disais, je vois tous ces beaux petits programmes. Par exemple, si vous êtes sans abri, téléphonez-nous, etc. Je leur dis: « Voyons donc! Comment un sans-abri peut-il voir cette belle publicité? » En réalité, il faut aller sur le terrain et marteler le message pour le sortir de là.
    Je comprends.
    Avez-vous constaté des améliorations dans ce domaine ou dans le système depuis 2003? Voyez-vous des changements ou des améliorations?
    Oui, il y a une amélioration de 75 à 80 %.
    À votre avis, quelle est la plus grande amélioration?
    Ce serait la réadaptation physique, mentale et professionnelle, mais le problème actuellement, c’est que nous poussons les gens à devenir invalides au lieu de les aider à retourner au travail. Nous devrions plutôt dire au gars: « Si tu trouves un emploi de 10 heures par jour, au lieu de réduire ta prestation de 50 %, nous allons ajouter encore 50 % à ce que tu reçois actuellement. » De cette façon, nous aidons le gars à commencer à travailler et à se bâtir une meilleure estime de soi.
    J’en ai parlé avec mon psychiatre, il m’a dit que le programme que nous avons maintenant n'incite personne à travailler parce qu'il offre beaucoup d’argent. C’est le petit défaut que nous devrions corriger pour l'avenir. Tout le monde y gagnerait.
    Monsieur Viersen, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités d’être ici. C’est très apprécié. Monsieur Lafontaine, merci d'avoir servi le pays. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Vous devez être très fier d'avoir arboré le drapeau du Canada sur votre épaule. Je vous ai entendu parler des gens qui se perdent dans leur propre communauté. Je ne sais pas exactement comment formuler cela, mais y a-t-il une sorte d’appréhension à votre retour, du fait que vous avez représenté le Canada sur la scène mondiale et porté ses couleurs sur votre épaule? Lorsque vous revenez dans votre propre communauté et qu’il y a une méfiance envers le Canada en général, comment cela se passe-t-il? Je n’ai pas d’expérience dans ce domaine, mis à part le fait qu’il y a 14 Premières Nations dans ma circonscription; quand je vais les visiter, on se méfie du Canada en général.
    Pour vous qui avez porté l'uniforme, comment cela influence-t-il la situation?
     Lorsque je portais l’uniforme, dans les années 1980 et 1990, je ne disais même pas que j’étais autochtone, parce qu’on n'avait aucune chance de monter dans les rangs, ce genre de choses. Il se passait déjà quelque chose dans ce temps-là, quelque chose qui remonte à 50, 60 ans.
    Lorsque je suis revenu, j’étais chanceux d'avoir un nom français, Lafontaine, plus que toute autre chose. Le problème actuellement, c’est quand on revient dans les réserves. Les bandes ne commémorent pas vraiment ces affaires-là. On veut bien souligner le 11 novembre, mais en même temps, il y a un manque... entre les Forces canadiennes et les bandes autochtones.
     Nous faisons beaucoup de choses dans les réserves depuis trois ou quatre ans, comme les camps Ours noir. Nous allons en lancer un nouveau. J’oublie le nom. Quoi qu’il en soit, un des noms est Carcajou, un autre cours qu’ils ont, Eagle Eye, ainsi de suite. Nous faisons beaucoup de bonnes choses.
    Par contre, surtout ici au Québec, le problème à l’heure actuelle est d'amener les chefs et les bandes à laisser entrer le ministère pour qu'il puisse faire son travail et fournir aux anciens combattants l’aide dont ils ont besoin. C’est là que la mentalité doit changer.

  (1155)  

    Nous revenons à cette méfiance dont je parle, celle des bandes autochtones pour tout ce qui porte l'étiquette « Canada », essentiellement.
    Non, je ne dirais pas cela du tout. Je dirais que la plupart des chefs au Québec sont fiers d’être Canadiens. Je sais qu’ils sont fiers d’être Canadiens.
     Je ne sais pas comment c'est sur la côte Ouest ou dans des régions de l’Ontario, mais je dirais qu’ici, au Québec, le problème est qu’ils se battent les uns contre les autres. Au lieu de travailler ensemble, la plupart des bandes se battent entre elles. Elles devraient travailler à l’unisson. Je dis toujours qu'il vaut mieux s'unir pour être forts au lieu de diviser pour régner. Certains veulent juste régner au lieu de gagner la partie, de gagner la guerre, comme je dis toujours. Voilà essentiellement le problème que nous avons. C’est juste une affaire de communication. Tout à l’heure, nous discutions avec M. Eyolfson, à propos de travailler ensemble, mettre les choses en branle, fixer des échéanciers — d’ici octobre, nous devons le faire — et ensuite régler le problème. Je sais que nous pouvons le faire.
    Merci beaucoup de votre service et de votre passion évidente pour cette question.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Monsieur Sheffield, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, peut-être d’un point de vue plus historique?
    Oui. Selon moi, la situation est tributaire d'une longue histoire. Le manque de confiance n'a rien de neuf; il s'est enraciné à la suite d'années de... Pour bien des bandes dont nous parlons ici, les interactions avec le gouvernement se sont principalement résumées à Affaires autochtones et du Nord Canada — AANC. Par conséquent, les interactions avec d'autres ministères font naître des soupçons et un sentiment de méconnaissance, et ce, avant même que les gens d'AANC ne se présentent dans la collectivité. Voilà qui rend déjà difficile la collaboration avec les communautés elles-mêmes. C'est un problème qui remonte à loin. Selon moi, il sera très difficile de le régler et de composer avec cet enjeu.
    À mon avis, le problème tient notamment au fait que, au ministère des Anciens Combattants, on suppose qu'il suffit de bâtir les programmes pour que les gens les utilisent. Or, dans ce cas-ci, il faut aller vers les gens. Je crois qu'il faut opérer un véritable changement de mentalité afin d'améliorer l'exécution des programmes et d'établir une relation de confiance.
    Merci, monsieur Viersen. Je vous interromps quelque peu.
    J'aimerais dire un mot aux témoins. Par vos excellents témoignages, vous nous avez permis d'amorcer notre étude aujourd'hui. Au nom du comité, je tiens à vous en remercier. En plus d'être des gens très passionnés, vous êtes tous les deux des experts dans vos domaines. Merci beaucoup d'avoir lancé cette étude du Comité qui aura, je crois, un caractère historique. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants pour permettre à nos nouveaux témoins de s'installer pour la deuxième heure, après quoi nous reprendrons nos travaux.

  (1155)  


  (1205)  

     Chers membres du Comité, nous entamons maintenant la seconde moitié de notre réunion. En cette première journée de notre étude, nous accueillons deux nouveaux témoins.
    Premièrement, je vous présente monsieur Steven Ross, le grand chef de l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan. Steven a été élu grand chef le 31 mars 2015. Il est actif au sein de l'Association depuis plus de 15 ans.
    M. Ross a été au service du régiment des Fusiliers de la Reine — les Queen's Own Rifles of Canada. Il a notamment participé à des missions de maintien de la paix de l'ONU à Chypre. Il est titulaire d'un baccalauréat ès arts et d'un certificat en administration des affaires du Saskatchewan Indian Federated College. Il est chef du conseil des aînés et président des assemblées générales de la bande de la nation crie de Montreal Lake. Il est membre de la section de la Saskatchewan de l'Association des agents financiers autochtones, il est aussi membre du Montreal Lake Business Ventures Board et, depuis 15 ans, il est propriétaire de SR Proprietor, un service de location immobilière, basé à Prince Albert, qui aide des clients des Premières Nations à trouver un logement. Il travaille aussi dans l'industrie du camionnage, au moyen de son propre camion semi-remorque, depuis plusieurs années.
    M. Ross a été conseiller de bande pour la nation crie de Montreal Lake pendant 25 ans, occupant différents portefeuilles, dont l'éducation, le logement et le développement économique. Il a été administrateur de bande pendant 10 ans et il a géré de nombreuses entreprises de la bande, en qualité de gérant de magasin, de gérant de restaurant et de propriétaire de dépanneur, entre autres. Steven est très actif dans son rôle de grand chef.
    Bienvenue, monsieur.
    Deuxièmement, nous accueillons Emile Highway, le président de la section de Prince Albert de l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan
    Emile Highway a grandi à Southend, en Saskatchewan, et au pensionnat de Guy Hill. Il est membre de la nation crie de Peter Ballantyne. Il s'est enrôlé dans les forces armées en 1962 et il a terminé son entraînement de base avec les Fusiliers de la Reine. Il a par la suite été muté au régiment d'infanterie légère canadienne de la princesse Patricia — la Princess Patricia's Canadian Light Infantry —, puis au 3e commando mécanisé canadien. Au total, il a servi dans ces unités pendant 10 ans dans l'Allemagne de l'après-guerre.
    En 1977, dans l'espoir d'améliorer sa formation professionnelle, Emile est passé au Génie royal canadien, où il a poursuivi ses études. Il a pris sa retraite des forces armées en 1982 après 20 ans de service.
    Pendant ses années de service, Emile a reçu la Médaille européenne, la Médaille du maintien de la paix, les médailles de l'OTAN et de la Saskatchewan, ainsi que la Décoration des Forces canadiennes.
    Messieurs, tout d'abord, je vous remercie pour vos années de service et je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Vous disposerez chacun de 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Qui veut commencer?
    Monsieur Ross?

  (1210)  

    Je peux commencer. Tout d'abord, je voudrais dire ceci: vous avez mentionné tous mes titres de compétence, mais vous avez omis de dire que je suis aussi un ninja décoré de l'étoile noire.
    Comment avons-nous pu oublier cela?
     Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant. Nous avons beaucoup d'histoires à raconter, beaucoup de choses à dire. Je tiens aussi à dire que nos histoires ne sont pas toujours glorieuses. Elles sont parfois remplies d'épreuves. Lorsque je voyage et que je rencontre d'autres anciens combattants, je me rends compte que nous avons beaucoup de choses en commun, puisque nous avons tous été en formation, nous avons tous été sur le champ de bataille et nous avons tous traversé les mêmes épreuves. Après quelques années dans les forces armées, on a de bons amis. Je reste toujours en contact avec deux de mes amis de 1965 qui vivent en Colombie-Britannique. Voilà pour l'introduction.
    En ce qui concerne les anciens combattants des Premières Nations de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, ils ont tous des griefs historiques au sujet des terres promises aux anciens combattants rentrant au pays. À leur retour de ces batailles historiques, de nombreux soldats canadiens ont reçu un lopin de terre. Les biens fonciers accordés aux anciens combattants ont été légués aux membres de la famille. Or, les anciens combattants autochtones n'ont pas été traités de la même manière que les autres soldats canadiens. Ils ont réclamé à maintes reprises les mêmes avantages à leur retour de la guerre.
    Les anciens combattants de la Saskatchewan ont organisé et lancé la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan au début des années 1950 afin de lutter contre le traitement injuste dont ils ont fait l'objet pendant et après les guerres. J'ai ici une brochure, préparée par notre personnel, qui s'intitule « Nous avons répondu présents ». Comme elle contient beaucoup d'informations, je vous la laisse pour que vous puissiez la lire.

  (1215)  

    Chef Ross, puis-je vous demander de parler un peu plus lentement? Nos interprètes ont du mal à vous suivre.
     C'est à cause de ma langue crie.
    On a mis en place un processus grâce auquel chaque ancien combattant des Premières Nations a reçu une indemnité de 20 000 $. Les anciens combattants des Premières Nations ont reçu des lopins de terre qui leur avaient déjà été attribués et qui étaient déjà désignés comme des terres de réserve communautaires. Ces terres ne peuvent pas être revendiquées ou léguées à la famille, puisqu'il s'agit de terres réservées pour les Indiens. Les services de soins de santé mentale et physique sont presque inexistants pour ces anciens combattants. De retour au pays, bon nombre de ces soldats ont eu recours à l'alcool pour affronter leur trouble de stress post-traumatique.
    Nous recommandons qu'il y ait un examen de l'indemnisation foncière pour les anciens combattants des Premières Nations qui rentrent au pays. Nous recommandons aussi l'établissement d'un programme d'indemnisation fondé sur la valeur marchande réelle des terres. L'agent des Indiens déterminait que les anciens combattants des Premières Nations étaient incapables de pratiquer l'agriculture et, par suite, on ne leur donnait aucun lopin de terre. Les agents des Indiens n'avaient pas le pouvoir de prendre une telle décision au nom d'Anciens Combattants Canada et du gouvernement du Canada. Cette décision a causé beaucoup de tort à certains anciens combattants des Premières Nations.
    Nous recommandons que des excuses officielles soient présentées aux anciens combattants et à leurs familles pour l'iniquité du traitement et des prestations versées aux anciens combattants et aux veuves. Nous voulons que des excuses soient présentées pour la mauvaise administration des prestations des anciens combattants dont le versement était laissé à la discrétion de la Direction des affaires indiennes et des agents des Indiens, lesquels avaient des préjugés.
    De retour au pays, bien des anciens combattants des Premières Nations ne bénéficient d'aucun programme de soutien ou de mieux-être adapté à leur culture. Il n'y a pas de trace documentaire qui permettrait de surveiller les services de soutien en santé mentale et physique qu'utilisent les anciens combattants des Premières Nations. Nous aimerions savoir précisément combien de personnes utilisent des services de soutien en santé mentale, combien ont besoin de soins psychiatriques et combien ont besoin de services de soutien continu en santé physique.
    De nos jours, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes du trouble de stress post-traumatique découlant de leur service militaire au Moyen-Orient. Nous ne savons pas exactement combien d'entre eux reçoivent des services de soutien à leur retour au pays. Nous devons trouver de nouvelles solutions pour garder une trace documentaire des services reçus par les anciens combattants des Premières Nations.
    Pour l'heure, aucun service de soutien offert par les communautés elles-mêmes pour accompagner les anciens combattants autochtones dans leur processus de transition n'a été porté à notre attention. Il se peut que certaines communautés offrent un tel soutien, mais aucune donnée ne nous permet d'affirmer cela.
    À l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan, nous offrons l'adhésion aux anciens combattants qui ont leur certificat de libération. Cette association apporte à ses membres un sentiment d'appartenance et constitue un soutien important. Elle est très respectée par les dirigeants politiques des Premières Nations. À travers des traditions culturelles comme le pow-wow, on reconnaît que les anciens combattants forment une société de guerriers. Il s'agit là d'un honneur prestigieux que l'on accorde aux anciens combattants et aux veuves d'anciens combattants au moyen de traditions et de cérémonies. L'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan n'offre aucun service de santé physique et mentale.
    En ce qui a trait à la qualité des services reçus par les anciens combattants autochtones, il est possible que les services existent et puissent être utilisés par les anciens combattants autochtones, mais nous ne connaissons pas le pourcentage d'anciens combattants qui ont accès à ces services ni les types de services qui sont demandés et reçus.

  (1220)  

     Si nous créions une unité des anciens combattants autochtones, nous serions mieux à même de recueillir ce type de données, d'évaluer la qualité et l'efficacité des services, de déterminer les types de services requis et le nombre d'anciens combattants nécessitant des services. Grâce à cette unité, nous saurions quels types de services et quels niveaux de services sont requis.
    Pour ce qui est des anciens combattants autochtones vivant dans des régions éloignées, nous ne sommes pas à même de dégager des services conçus spécialement pour eux puisqu'ils utilisent les services offerts à tous les membres des collectivités éloignées, c'est-à-dire les centres de santé communautaires. Grâce à la création d'un centre de mieux-être pour les anciens combattants autochtones de toutes les nations, un système de soutien par Internet et par téléphone permettrait d'offrir des services aux anciens combattants vivant en région éloignée.
    Aucune donnée ne permet de déterminer quels sont les problèmes particuliers auxquels sont confrontés les anciens combattants vivant dans les réserves et hors réserve. Beaucoup d'anciens combattants ne sont pas au courant des services qui leur sont offerts et de la façon dont ils peuvent y avoir accès. Ils ne sont pas au courant des prestations auxquelles ils peuvent avoir droit en cas de perte de l'ouïe, de blessures subies dans le contexte de leur formation, d'un combat ou d'un saut en parachute. Les demandes de service adressées au ministère des Anciens Combattants ne sont pas traitées d'une manière qui soit bénéfique et satisfaisante pour les anciens combattants des Premières Nations. Les légions ne se montrent pas accueillantes envers les anciens combattants des Premières Nations pour des raisons qui relèvent possiblement du racisme, ce qui a pour résultat d'éloigner encore plus les anciens combattants autochtones.
    Je formulerai les recommandations suivantes: mener une étude en vue de la création d'un établissement de mieux-être pour les anciens combattants de toutes les nations qui offrira des services de traitement en interne pour les anciens combattants de retour au pays, des services de soutien adaptés à la culture et des soins de santé modernes, établissement qui comprendra la toute première unité des anciens combattants autochtones; déterminer les types de soutiens pour la prestation de tels services et procéder à la documentation, l'évaluation et la modification de ces soutiens; donner accès à des fonds pour la construction de l'installation et pour l'exploitation de ces installations; fournir un soutien opérationnel pour la création et la mise au point d'une unité des anciens combattants autochtones; offrir des services aux anciens combattants des Premières Nations qui font partie des Rangers et de la GRC par l'entremise de ce centre de bien-être national; appuyer la tenue d'une assemblée nationale annuelle des anciens combattants autochtones afin d'offrir du soutien et de comparer les services pertinents et efficaces pour les anciens combattants autochtones; faire en sorte qu'il y ait du financement pour les activités annuelles des associations d'anciens combattants des Premières Nations partout au Canada, ce qui comprend les frais liés à la location de bureaux, au personnel et à l'équipement; enfin, faire en sorte qu'il y ait des services de soutien pour les veuves et pour les familles.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    Merci beaucoup de votre témoignage, chef Ross.
     Monsieur Highway, vous avez 10 minutes.
     Merci beaucoup. Je tiens à remercier les membres du Comité de leur présence. Pour ma part, je suis content d'être ici.
    C'est un signe très encourageant qui indique que la distance qui nous sépare — distance dont nous avons longuement parlé — commence peut-être à s'amenuiser. J'espère que nous serons à même de mieux communiquer et que les anciens combattants autochtones, surtout ceux du Nord d'où je viens, seront avisés de tout changement ou de toute amélioration qui pourrait avoir lieu dans leur vie.
    Avant de venir ici, j'ai parlé à M. Sheffield dans le couloir de quelque chose qui se passe pendant la transition et que je veux mentionner. Je puis dire que, personnellement, je ne me sentais pas à l'aise de parler à d'anciens militaires ou au ministère des Anciens Combattants. Je ne voulais plus rien savoir de l'uniforme. Pendant une dizaine d'années, je n'ai pas possédé d'armes, de fusils, de fusils de chasse ou autres. Je voulais m'isoler entièrement de cette culture. Pourquoi? Je ne saurais trop le dire. C'est peut-être parce que deux de mes amis ont été tués juste à côté de moi.
    Je me souviendrai toujours d'eux, McAlpine et Errington. Ce n'était pas des Autochtones, mais c'était mes amis. Je me suis retrouvé dans un hôpital militaire britannique, à Iserlohn, en 1965. On m'a donné les derniers sacrements, etc. J'ai failli mourir. C'était une expérience soudaine et violente. Si je mentionne cela, c'est pour les anciens combattants qui reviennent ou qui vont revenir d'Afghanistan. Pour eux, la mission n'est pas terminée. Ils bénéficient de nombreux programmes et services dont nous ne connaissions même pas l'existence dans les années 1950 et 1960.
    Tout d'abord, les nouveaux programmes et services dont je parle offrent des prestations pour l'éducation et la formation, des fonds pour le paiement des frais de scolarité. Avons-nous reçu de tels fonds? Non, du moins ce n'était pas le cas lorsque j'ai pris ma retraite de l'armée. Nous n'avions même jamais entendu parler de services de transition de carrière comprenant la recherche d'un emploi dans le civil, la rédaction d'un curriculum vitae, les compétences en entrevue, etc. Au moment de quitter l'armée en 1982, je me souviens très bien avoir demandé à un de mes supérieurs s'il voulait bien m'aider avec mon curriculum vitae. Il a ricané et a tourné les talons. Voilà le genre de soutien que j'ai reçu à l'époque.
    Nous n'avons reçu aucun soutien de programmes pour les aidants naturels des anciens combattants, pour des allocations de reconnaissance, etc. Par exemple, je crois que les gens qui sont à la retraite reçoivent désormais des prestations pour l'entretien de leur maison et de leur cour lorsqu'ils en font la demande. J'en ai pris connaissance récemment. Je n'étais même pas au courant des services de réadaptation et d'assistance professionnelle.
    Je suis né à Southend. C'est une réserve du Nord située près du lac Reindeer. Je suis un ancien combattant de l'extrême nord.

  (1225)  

     Je crois que cela fait de moi un cas unique. Je ne dis pas cela pour me vanter. Seulement, il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent des réserves du Nord. Je crois qu'il y en a trois qui sont des Dénés de la région de l'Athabasca. Nous sommes huit qui venons de la bande de Peter Ballantyne.
    Je ne sais pas si je devrais excuser les gens d'ignorer l'existence des anciens combattants du Nord, les chefs y compris. Chose certaine, ils n'ont aucune idée des sacrifices et des épreuves que nous avons endurés lorsque nous étions soldats. Il n'y a absolument aucun soutien auprès des chefs du Nord.
    Créée en 1972, l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan tente de sensibiliser les gens aux contributions des Premières Nations à la société canadienne. En qualité de président de la section de Prince Albert, c'est là mon objectif premier. C'est une question qui me passionne. Dès que j'ai commencé à m'intéresser à l'Association, j'ai été happé. J'avais l'impression... Ce n'est pas vraiment que la situation m'apparût injuste, mais je voulais que les gens soient au courant.
     Je pense que c'est Tommy Prince qui m'a inspiré. Un jour, j'étais ici, à Ottawa. Je ne sais pas ce que Tommy Prince demandait, mais un politicien lui a dit que notre peuple n'allait jamais contribuer de manière considérable au progrès du Canada. Il a dit cela à un héros de guerre, à l'ancien combattant autochtone le plus décoré des contrées indiennes.
    Je n'ai jamais rencontré Tommy Prince, mais j'ai rencontré son neveu. Quand j'ai entendu cela, j'ai trouvé que c'était tellement... Je ne sais pas si je devrais utiliser le mot « ignorant », mais c'était tellement insensible, tellement injuste. Un homme qui n'avait sans doute jamais tenu une arme dans ses mains et qui n'avait jamais fait face au danger s'était permis de dire une telle chose à un homme comme Tommy Prince. À ce moment-là, j'ai décidé de m'engager à essayer de faire connaître les expériences et les chiffres aux gens et à les sensibiliser à la contribution des Autochtones à notre pays.
    J'aimerais aussi ajouter que beaucoup d'anciens combattants autochtones de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et de différentes missions de maintien de la paix partout dans le monde ont combattu vaillamment sous le drapeau d'un pays qui ne les protégeait pas toujours. De retour au pays, on m'a traité de traître au moins à deux reprises; ces mots sont même venus de mon propre peuple, puisque j'avais combattu dans l'armée de l'homme blanc avant de retourner dans ma réserve.
    Certaines expériences sont uniques, sans doute, mais ce que j'ai dit à ces gens-là, c'est que je ne leur en veux pas de ne pas avoir servi notre pays ou de ne pas avoir porté l'uniforme. En fait, je suis un peu triste pour eux, puisqu'ils ne connaîtront jamais la joie que les hommes et les femmes ont ressentie en portant l'uniforme et en défendant les droits de notre pays.
    Cela, ils l'ont fait pour une seule et unique raison: pour la terre, pour la terre mère — c'est vrai pour nous, à tout le moins. Chaque fois que j'en ai l'occasion... Quand j'ai entendu parler de ce comité et que j'ai reçu un appel de Karine, je me suis dit que je devais y aller. À tout le moins, je dois dire ce que j'ai à dire.
    Je n'ai pas de notes. Je n'ai rien qui soit au propre. Je préfère sans doute être un peu — comment dit-on? — éparpillé ou non organisé, lorsque je parle de mes expériences et que j'essaie de parler d'autres anciens combattants autochtones.

  (1230)  

     Il y a tellement de choses que j'aurais pu écrire. L'exposé aurait probablement pris plus de 10 minutes.
     Je suis reconnaissant envers tous ceux qui sont présents ici et qui tentent — de bonne foi, j'espère — de faire quelque chose pour réduire la distance qui sépare Ottawa, d'une part, et les réserves et les soldats autochtones qui ont servi notre pays, d'autre part.
    Merci beaucoup.

  (1235)  

    Merci de vos paroles, monsieur.
    Nous allons amorcer le premier tour de questions avec M. Kitchen.
    Monsieur le président, messieurs, je vous remercie.
    Chef Ross et monsieur Highway, merci d'être venus ici aujourd'hui. Je vous remercie également d'avoir servi le Canada. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir à Cowessess et de danser au powwow.
    Vos propos sont très intéressants, d'autant plus que nous venons de terminer une étude sur la transition. Nous nous sommes penchés sur la transition des soldats — des anciens combattants — à la vie civile. Ce que nous avons probablement omis de prendre en compte dans notre étude, c'est le fait que les anciens combattants des Premières Nations doivent effectuer une transition non seulement à la vie civile, mais aussi à la vie au sein de leur nation et de leur réserve. C'est parfois un défi pour eux.
    Nous avons entendu M. Lafontaine au cours de la première heure. Il nous a parlé des difficultés que connaissent les anciens combattants dans les régions éloignées du Québec. En gros, nous devons nous demander s'ils obtiennent toute l'information dont ils ont besoin.
    Je sais que vous êtes tous deux de la Saskatchewan. Je viens moi aussi de là. Nous comprenons ce qu'est l'éloignement dans le nord de notre province. J'aimerais que vous nous parliez de ce problème. Je ne sais pas si vous avez entendu ce que M. Lafontaine a dit, mais j'aimerais savoir si les anciens combattants autochtones éprouvent les mêmes difficultés à leur retour à la vie civile dans le nord de la Saskatchewan?
    Je pense que le problème est toujours là.
    Cela dépend aussi de l'âge des anciens combattants lorsqu'ils quittent les forces armées. Plus ils sont âgés, plus ils ont de l'expérience et plus ils font preuve de maturité. Ils peuvent aider les membres de leur collectivité et de leur nation, parce qu'ils voient désormais les choses différemment. Avec leur expérience — je parle de leur expérience globale —, ils ne sont plus les mêmes personnes que le jour de leur départ.
    Nous avons besoin de gens comme eux pour conseiller nos jeunes. C'est ce que je constate dans certaines régions. Les jeunes vivent une situation très différente ici, et certains d'entre eux — beaucoup plus, d'après moi — souffrent d'un trouble de stress post-traumatique lorsqu'ils quittent les forces. C'est quelque chose que je ne comprends pas bien, mais je sais qu'ils ont des problèmes d'adaptation, des difficultés à trouver un emploi et à suivre des cours. Ces personnes ont vraiment besoin d'aide maintenant.
    Lorsque j'ai quitté les forces armées en 1968, j'ai tout de suite commencé à travailler dans la construction à Calgary. Au bout de quelques années, je suis retourné vivre dans la réserve. J'y ai travaillé un certain temps comme manoeuvre, jusqu'à ce que le déclic se fasse et que je retourne aux études. À la fin de mes études universitaires, un monde nouveau s'est ouvert à moi. Un monde complètement nouveau.
    Les circonstances varient d'une personne à l'autre.
    Merci.
    Emile.
    Si je comprends bien votre question, j'espère pouvoir y répondre. Je pense que beaucoup... Je pense que c'est un enjeu politique et qu'ensemble, le ministère des Anciens Combattants et les chefs eux-mêmes, au sein des réserves, trouveront peut-être une solution. Ils devraient se rencontrer dans ce but.
    De plus, je pense qu'en tant que président ou que membres du comité exécutif de l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan, nous n'en parlons pas assez dans les écoles ou durant nos réunions de bande et nos réunions de chefs et nos conseils. Nous devrions sans doute le faire, mais je pense que cette tâche n'incombe pas seulement à nous, en tant qu'anciens soldats issus de collectivités autochtones. Anciens Combattants Canada devrait faire plus d'efforts pour communiquer directement avec les chefs et les conseils.

  (1240)  

    Les témoins du groupe précédent ont aussi évoqué l'idée de réunir des représentants d'Anciens Combattants Canada et les chefs. Si je vous comprends bien, vous proposez quelque chose de similaire.
    Oui.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste environ 45 secondes.
    Très bien.
    Très brièvement, savons-nous combien d'anciens combattants vivent dans les réserves en Saskatchewan actuellement?
    Nous n'avons pas le chiffre exact. Il y en aurait probablement entre 125 et 150.
    La plupart d'entre eux ont-ils servi pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée, ou certains ont-ils participé à des missions en Afghanistan, en Bosnie ou ailleurs...?
    Ils ont surtout participé à des missions de maintien de la paix. Nous avons trois anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, maintenant âgés de plus de 80 ans.
    Je ne me souviens plus si je vous ai posé la question la dernière fois que nous nous sommes vus. Quand étiez-vous à Chypre?
    En 1967.
    D'accord, mon père y était à la même époque. Je pense que nous en avons parlé.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à vous, madame Lambropoulos.
    Merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour répondre à nos questions.
    Ma première question est pour vous, monsieur Ross.
    Vous avez dit que les programmes actuellement offerts par ACC, Anciens Combattants Canada, ne sont pas adaptés à la culture. Pouvez-vous nous suggérer des exemples de programmes mieux adaptés? Quels genres de programmes, à votre avis, pourraient aider les anciens combattants à se remettre sur pied? Quels programmes mieux adaptés à la culture ACC pourrait-il mettre en place?
    Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités, mais le problème, c'est de savoir à qui les anciens combattants doivent s'adresser pour obtenir de l'aide. Où doivent-ils aller pour présenter une demande d'aide? Il semble que ce soit le problème actuellement.
    Je pense qu'Anciens Combattants Canada a rouvert quelques bureaux en Saskatchewan, mais nous ne savons pas où ils se trouvent exactement. Nous devons travailler plus étroitement avec les fonctionnaires ministériels, mais s'il est impossible d'avoir accès aux services, ça ne règle pas le problème. Nous devons déterminer les besoins en collaboration avec les anciens combattants et avec le ministère des Anciens Combattants.
    Très bien.
    Selon vous, que doit faire le gouvernement pour rejoindre un plus grand nombre d'anciens combattants habitant dans les collectivités du Nord ou ceux qui ne sont peut-être pas au courant des options qui leur sont offertes? Avez-vous des solutions à nous proposer pour nous aider à rejoindre cette population?
    Oui. Nos anciens combattants sont disséminés à la grandeur de la Saskatchewan et la Légion a des filiales dans toute la province. Certains se présentent à la Légion, mais au sein même des filiales, il y a beaucoup de civils qui ne comprennent pas bien les besoins d'un ancien combattant. Les gens disent « C'est un ancien combattant, c'est un ancien combattant » — c'est ce que j'ai entendu ce matin —, mais savent-ils seulement ce que c'est que d'être un ancien combattant. Parfois, on refuse de les servir.
    À Prince Albert, nous avions un jeune de retour d'Afghanistan. Il s'est présenté à la Légion avec un trouble de stress post-traumatique, mais on l'a renvoyé chez lui en lui disant de s'adresser à une organisation autochtone, d'aller à l'association des anciens combattants de la Saskatchewan.
    Nous semblons être capables d'entrer en relation avec eux. Nous savons qui ils sont, nous connaissons leurs réserves et leurs chefs. Si nous pouvions établir avec eux une relation plus...
    Bien entendu, nous avons toujours ce problème d'argent, c'est notre plus gros problème.

  (1245)  

    D'accord.
    Emile, pourriez-vous nous faire part de votre point de vue, parce que vous avez dit que vous veniez aussi d'une collectivité nordique très éloignée. Selon vous, comment pouvons-nous rejoindre les anciens combattants? Quelle serait la meilleure façon de les mettre au courant des services qu'ils peuvent obtenir?
    Ils pourraient s'adresser au comité exécutif de l'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan et nous, nous irons les rencontrer.
    Nous aurons cependant besoin d'argent pour payer l'essence. Les distances sont grandes. Je suis responsable de la région de l'Athabasca et le billet d'avion coûte 600 $ pour aller de Prince Albert à Stony Rapids. Nous recevons une contribution de la Fédération des nations autochtones souveraines. Je pense que nous recevons un peu d'argent du gouvernement. Nous faisons nous-mêmes des collectes de fonds. Nous faisons tirer des motoneiges à la loterie. Nous ramassons une cagnotte pour le hockey. C'est une bonne période de l'année. Les séries éliminatoires de la coupe Stanley viennent de débuter. Espérons que les Jets de Winnipeg obtiendront de meilleurs résultats demain. Les jetons se vendent bien, 20 $ chacun. Nous partageons la cagnotte. C'est 1 000 $ pour le gagnant et 1 000 $ pour l'association. Voilà le genre d'activités que nous organisons. Nous avons beaucoup de difficulté à assurer la survie de notre association.
    Je pense que ce serait une bonne façon de procéder. Appelez-nous et nous irons vers eux.
    Pouvez-vous nous répéter le nom de l'association?
    L'Association des anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan.
    Très bien. Désolée.
    Je tiens à vous présenter des excuses pour les propos déplacés que d'anciens politiciens ont eus à l'égard des Premières Nations. C'est tout à fait odieux. Notre gouvernement s'est engagé à améliorer les relations et à réaffirmer sa présence là-bas. Je sais que c'est une tâche colossale. Notre Comité a à coeur d'améliorer la situation des anciens combattants autochtones.
    Voilà, c'est tout pour moi.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant à vous, monsieur Johns.
    Grand chef Ross, je vous remercie d'être venu. Monsieur Highway, merci pour votre précieux témoignage.
    Je vais commencer par vous, monsieur Ross.
    Vous avez dit que l'aide offerte aux anciens combattants autochtones n'est pas adaptée à leur culture. Il n'y a ni suivi ni données.
    Pouvez-vous nous donner des idées de ce que nous pourrions faire pour régler ce problème?
    Nous en avons discuté tant et plus. L'une des choses que nous voulons faire — et nous sommes sur le point de lancer ce projet —, c'est de mettre sur pied un hôpital, un service à l'intention des jeunes qui quittent les forces armées. C'est l'un de nos projets. Je pense que cela pourrait aider bien des jeunes aux prises avec des symptômes de trouble de stress post-traumatique.
    Je le répète, c'est un problème que je ne connais pas vraiment bien.
    Quoi d'autre? Ai-je répondu à votre question?
    Oui.
    J'allais justement vous parler de cet établissement, parce que vous en avez glissé un mot. À quoi pourrait-il ressembler? Il en est question dans les médias actuellement, il est aussi question d'approfondir la recherche, de mettre en place un établissement pouvant également répondre aux besoins des anciens combattants.
    À votre avis, un établissement autonome pour anciens combattants autochtones, avec un personnel sensibilisé à leur culture, permettrait-il de combler les lacunes?
    Monsieur Highway, vous avez brièvement dit qu'à votre sortie de l'armée, vous n'étiez pas à l'aise de parler à une personne en uniforme.
    Croyez-vous qu'il serait mieux pour les anciens combattants d'avoir un établissement autonome et conçu spécialement pour répondre à leurs besoins?

  (1250)  

    C'est une très bonne question. Est-il pertinent d'offrir des programmes culturellement adaptés aux soldats autochtones qui quittent les forces ou qui amorcent leur transition vers la vie civile? C'est une excellente question. Il faudrait éventuellement en discuter au comité exécutif ou peut-être à l'assemblée générale annuelle qui a normalement lieu en mars. Nous essayons d'avoir deux réunions par année, mais faute d'argent, nous n'y arrivons pas.
    C'est une question très importante et très pertinente. Nous devons en discuter avec nos membres afin d'y répondre de façon intelligente et de déterminer de manière cohérente les besoins des anciens combattants autochtones de retour de mission. Bien entendu, certains de nos membres associés sont des aînés. Je pense qu'il serait judicieux de les consulter avant de proposer une solution.
    L'un des sujets que j'ai abordés avec les témoins précédents et dont j'ai d'ailleurs souvent parlé, c'est le fait qu'aux États-Unis, 30 % des intervenants sont d'anciens militaires. Est-ce que ce serait une bonne chose ici, si 2,5 % des intervenants étaient d'anciens combattants? Anciens Combattants Canada a établi un ratio de 25 pour 1, ce qui veut dire que pour 125 à 150 anciens combattants, il y aurait cinq ou six fonctionnaires d'origine autochtone en mesure de s'occuper d'anciens combattants autochtones, juste en Saskatchewan.
    Pour revenir à ce que vous disiez au sujet de la vente de jetons pour ramasser de l'argent, j'ai bien peur que les Jets ne se rendent pas à la prochaine ronde.
    Cet établissement devrait obtenir suffisamment de ressources du gouvernement du Canada pour payer non seulement l'essence et les frais de déplacement, mais aussi des gens pour faire le travail. Pensez-vous que le gouvernement devrait se fixer des objectifs et essayer de recruter d'anciens combattants pour remplir ces fonctions?
    Je vous pose la question à tous les deux.
    Oui, je pense que c'est une bonne idée. Vous faites un excellent travail.
    Comme toujours, le plus gros problème est toujours l'argent. De plus, pour faciliter nos communications avec le ministère, nous proposons la mise en place d'un service distinct consacré aux anciens combattants autochtones. Cela faciliterait et accélérerait les communications et nous permettrait aussi de rejoindre les personnes qui vivent en régions éloignées.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fraser, vous allez conclure cette réunion.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, merci à vous deux d'être venus et merci aussi pour le bon travail que vous accomplissez en Saskatchewan. Nous l'apprécions sincèrement. Les témoignages que vous avez livrés ici aujourd'hui nous permettront, j'en suis convaincu, de faire des recommandations au gouvernement pour qu'il s'assure que les anciens combattants autochtones reçoivent de meilleurs services et que soit reconnu le rôle exceptionnel que les Autochtones ont joué au sein des forces armées de notre pays.
    Monsieur Highway, je vais commencer par vous. Vous avez dit que certains des nouveaux programmes offerts aux vétérans n'existaient pas lorsque vous avez quitté les forces dans les années 1960 ni durant votre service dans l'armée.
    Vous avez parlé de prestations pour les études et la formation, de services d'aide à la rédaction d'un curriculum vitae et d'orientation professionnelle, de soutien pour les familles et d'un programme de reconnaissance des aidants naturels. Tout cela est important. D'après vous, le modèle de prestation de ces services devrait-il être différent pour les anciens combattants autochtones? Croyez-vous qu'il est tout aussi important de s'assurer que chaque ancien combattant, que ce soit un Autochtone résidant dans une réserve ou hors réserve, ou d'un Métis, soit au courant de ces services? Pensez-vous que le gouvernement devrait offrir ces services aux Autochtones d'une manière mieux adaptée à leur culture?
    Probablement. En réalité, je ne sais pas ce qu'il faudrait faire exactement, mais je pense que si nous offrons des services selon le même modèle à tout le monde, y compris aux Autochtones, nous risquons de négliger un aspect qui pourrait être bénéfique pour eux. C'est une question que nous devons examiner attentivement.
    Il y a sûrement quelque chose à faire, mais je ne peux pas dire exactement quoi. Je pense que si nous fournissons ces programmes de manière... quel est le mot, générique?

  (1255)  

    Oui, c'est exact.
    Nous passerons à côté de quelque chose. Ce ne serait pas un pas en avant pour nous, ni pour notre association, ni pour votre comité. Nous devons nous pencher sur cette question.
    Si le ministère des Anciens Combattants consultait votre organisation, par exemple, et d'autres organisations à la grandeur du pays pour trouver un moyen d'améliorer le modèle de prestation de services aux anciens combattants autochtones, cette initiative serait-elle bien accueillie par votre association?
    Assurément.
    En ce qui concerne la réouverture des bureaux d'Anciens Combattants Canada dans le pays, je crois savoir que l'un d'eux a rouvert ses portes à Saskatoon. Ce bureau sert-il les anciens combattants de toute la province?
    Oui, à notre connaissance. Nous sommes très satisfaits de cette réouverture.
    Que pensez-vous de la qualité du service offert par ce bureau aux anciens combattants de la Saskatchewan?
    Je pense que ce service est nécessaire. Il faudrait informer un plus grand nombre d'anciens combattants autochtones de son existence afin qu'ils puissent avoir accès à ses services, que ce soit pour remplir des formulaires de demande et avoir des réponses à toutes leurs questions. Je pense que ce bureau répond à un besoin.
    Le personnel devrait prendre les devants en s'assurant que les anciens combattants obtiennent les services et programmes auxquels ils ont droit, au lieu d'attendre qu'ils se présentent eux-mêmes au bureau. Êtes-vous d'accord avec ça?
    Oui.
    Chef Ross, les services sont-ils assurés d'une manière différente, selon que l'ex-militaire autochtone habite dans une réserve ou hors réserve? Existe-t-il une relation entre ACC et les bandes en Saskatchewan, pour déterminer de quelle manière les services sont offerts?
    Je ne crois pas qu'il y ait une différence. Le problème des anciens combattants des Premières Nations, quel que soit l'endroit où ils habitent, c'est qu'ils ne savent pas à qui s'adresser. Il y a un bureau à Saskatoon, et c'est là qu'ils devraient se présenter, mais en même temps, ce bureau ne sait pas où vivent les anciens combattants. C'est l'un des problèmes: la communication et la localisation.
    Je ne vois pas d'autres différences.
    Monsieur Highway, vous avez dit qu'il fallait reconnaître les anciens combattants et le service inestimable que les Autochtones ont accompli au sein de nos forces armées. Je constate que durant les deux grandes guerres mondiales, les anciens combattants autochtones ont fait preuve d'une bravoure exemplaire. Nous devons transmettre leur histoire aux générations futures. Une manière de le faire est de reconnaître et de célébrer l'histoire des anciens combattants autochtones.
    Auriez-vous des recommandations à faire au gouvernement pour qu'il s'assure que le rôle des Autochtones au sein des forces armées soit mieux reconnu? Lesquelles?
    Il y aurait plusieurs choses à faire. En Saskatchewan, nous organisons des activités visant à accroître la visibilité des anciens combattants des Premières Nations. Nous participons à des défilés. Nous avons un char allégorique dans le défilé de Saskatoon et un autre dans celui de Fort Qu'Appelle. Cela accroît notre visibilité auprès des jeunes. Nous travaillons aussi à la mise en place d'un monument à l'Université des Premières Nations du Canada en Saskatchewan. Cela prendra un peu de temps, mais ce sont des choses que nous essayons de faire.
    Je n'aime pas demander, mais... Chaque fois qu'un ancien combattant autochtone part pour l'au-delà, nous lui organisons des funérailles semi-militaires. Nous pensons qu'ils le méritent. Personne n'a jamais fait ça pour eux avant et nous pensons que c'est notre devoir de leur offrir cette cérémonie. C'est bon pour la famille, pour la collectivité et pour tout le monde.

  (1300)  

    Merci beaucoup à tous les deux.
    Je vous remercie de vous être déplacés jusqu'ici et d'avoir pris le temps de venir présenter votre point de vue au Comité. Je peux vous assurer que vos paroles seront prises en compte dans le rapport que nous rédigerons. Nous vous en ferons parvenir un exemplaire dès qu'il sera terminé. Au nom de mes collègues, je vous remercie sincèrement.
    Chers collègues, je vous rappelle que nous n'aurons pas de réunion ce jeudi.
    Monsieur Johns, le temps est écoulé. Puis-je avoir le consentement unanime de prolonger notre réunion afin de permettre à M. Johns de dire un mot?
    D'accord, allez-y
    Une minute seulement; ce sera très bref.
    Je voulais savoir si vous accepteriez d'ajouter un témoin à notre liste, M. Ricardo Manmohan. Il dirige un programme de Rangers en collaboration avec la Première Nation de Nuu-chah-nulth sur la côte Ouest. C'est un programme extraordinaire, du jamais vu. Il est en place depuis quelques années et maintenant, d'autres Premières Nations lui ont demandé de les aider à mettre en oeuvre ce programme.
    Je veux simplement savoir si nous pouvons l'ajouter à notre liste de témoins. Je pense qu'il pourrait nous être utile. C'est un témoin non partisan, un excellent témoin.
    Brièvement, y a-t-il des objections?
    Des députés: Non.
    Le vice-président (M. Phil McColeman): Dans ce cas, nous allons l'ajouter.
    La séance est levée.
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