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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 108 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Français]

     Bonjour à tous, je vous souhaite la bienvenue au Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Nous poursuivons l'étude portant sur les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs canadiens.
    Nous recevons ce matin M. René Beauregard, qui est le directeur général de l'organisme Au coeur des familles agricoles.
    Bienvenue, monsieur Beauregard.
    Nous accueillons aussi, du même organisme, Mme Nancy Langevin, qui est intervenante dans le cadre du programme Le travailleur de rang.
    Bienvenue, madame Langevin.
    Il n'y aura pas de vidéoconférence étant donné que la séance de ce matin est télévisée. Il est impossible qu'une captation télévisuelle et une vidéoconférence aient lieu en même temps dans cette pièce. Mme Pierrette Desrosiers, qui est psychologue du travail, va donc participer à cette séance par voie téléphonique.
     M'entendez-vous, madame Desrosiers?
    Comme je ne reçois pas de réponse, nous allons commencer par les témoins qui sont parmi nous.
     Vous disposez de six minutes chacun pour faire votre présentation.
     Nous vous remercions de nous accueillir ce matin.
    D'entrée de jeu, je vais vous parler des débuts de notre organisme et vous expliquer sa raison d'être.
    Au coeur des familles agricoles est un organisme qui existe depuis 2003. Sa raison d'être est née des intervenants du milieu agricole qui ont vu, au début des années 2000, une augmentation de la détresse chez les producteurs agricoles. On a constaté que ces producteurs n'allaient pas chercher de l'aide dans le réseau de la santé. Lorsqu'ils le faisaient, malheureusement, ils constataient que le réseau de la santé n'était pas adapté à la réalité de la clientèle du monde agricole.
    La spécificité de l'organisme Au coeur des familles agricoles est fondée sur le modèle des travailleurs de rue, mais il est adapté à la réalité agricole. Nous avons mis en place un service de « travailleurs de rang », qui font des interventions proactives et préventives. Nous n'attendons pas que les producteurs sollicitent notre aide. Nous nous déplaçons pour aller voir les gens à la ferme. C'est ce qui distingue nos services de ceux offerts par le réseau de la santé du Québec.
    Nous faisons aussi ce que nous appelons des « runs de lait », à la manière du conducteur de camion qui fait du porte à porte pour récupérer le lait sur les fermes. Nos travailleurs de rang se déplacent et vont aléatoirement sur les fermes pour rencontrer les producteurs, leur parler et connaître leur état d'esprit sous l'angle de la santé mentale, mais surtout pour faire connaître notre organisme et nos services.
    Nos travailleurs de rang font de l'accompagnement psychosocial, mais dans les limites de leurs connaissances et de leurs compétences. Si les besoins des producteurs dépassent nos compétences ou nos connaissances, nous l'accompagnons dans le réseau de la santé; nous ne les abandonnons pas à eux-mêmes. Nous les aidons à trouver de l'aide. Nous sommes conscients que, d'eux-mêmes, ils ne feraient pas de démarche pour trouver ces services.
    Ces travailleurs ont des connaissances et possèdent soit un baccalauréat en travail social soit un diplôme d'études collégiales en travail social. Ils ont ainsi des compétences pour pouvoir intervenir auprès de la clientèle agricole. Un autre préalable très important pour nous est déterminant dans l'embauche d'une personne, et c'est sa connaissance du monde agricole. L'intervenante — j'utilise le mot au féminin parce que ce sont uniquement des femmes qui travaillent pour l'organisme en ce moment — a des compétences et des connaissances qui lui permettent de créer rapidement des liens avec les agriculteurs. Le lien de confiance se tisse rapidement parce que l'agriculteur sait que la personne devant lui comprend sa réalité.
    Nos services sont offerts 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous offrons aussi un service de répit. Notre maison de répit à Saint-Hyacinthe peut recevoir des agriculteurs de tout le Québec et héberge ceux qui ont un besoin plus pressant ou urgent de se reposer. Ils y rencontrent une intervenante sur une base quotidienne pendant une semaine et peuvent éventuellement revenir, si leur besoin est plus grand.
    En 2017, nous avons fait 1 157 interventions auprès de la clientèle agricole. Ces producteurs sont venus nous rencontrer parce que les soins offerts par le réseau de la santé ne correspondaient pas à leurs besoins. En raison de notre expertise et de notre connaissance du milieu agricole, ils se sont déplacés pour bénéficier de nos services.
    Soixante-deux pour cent des personnes qui sont venues chercher de l'aide étaient des hommes. On part de la prémisse que les hommes sont déjà une clientèle difficile à rejoindre quand un problème de santé mentale est en cause. Cela démontre à quel point l'approche que nous utilisons avec eux est positive.
(0850)
     Au fond, nous couvrons toutes les productions. C'est peut-être davantage lié à l'annonce qui a été faite hier, mais je tiens à vous dire et à vous répéter que, au cours des deux dernières années, les gens qui ont été les plus nombreux à faire appel à notre aide provenaient du secteur de la production laitière. En effet, 72 % des demandes de soutien que nous avons reçues provenaient de personnes appartenant à ce secteur. Nous offrons nos services au Québec. Nous avons fait des interventions dans onze régions administratives, mais nous sommes présents dans sept régions.
    En terminant, j'aimerais vous dire que que 25 % de notre financement provient de subventions. Le reste de notre financement provient de collectes de fonds, de dons et de commandites que nous obtenons des entreprises agricoles, donc d'entreprises qui travaillent avec les agriculteurs.
     Voilà qui termine ma présentation sur l'organisme Au coeur des familles agricoles.
    Je vous remercie, monsieur Beauregard.
    Madame Desrosiers, nous entendez-vous?
    D'accord.
     Madame Langevin, vous disposez de six minutes.
     Bonjour.
    Je suis travailleuse sociale, travailleuse de rang depuis 2016 à l'organisme Au coeur des familles agricoles, dans la région Chaudière-Appalaches.
    Au cours de l'été, un psychologue du CLSC a communiqué avec moi au sujet d'une personne qu'il accompagnait depuis déjà un certain temps. Cette dame vivait certaines difficultés. Étant donné mon expertise en agriculture, il a fait appel à mon aide pour que nous travaillions en équipe afin d'accompagner cette dame. Les rencontres visaient vraiment à ce que j'accompagne la dame dans une affaire de rachat de ses parts auprès de ses parents.
     Au cours des dernières semaines, j'ai reçu une lettre de cette dame que je vais vous lire:
     « C'est fini Nancy, j'abandonne ma vie. Plus rien ne me retient. Je suis constamment abandonnée par ceux que j'aime. Mon plan se dessine tranquillement. Je serai seule en fin de semaine: pas de [Charlie], personne avec moi. Ce sera le moment idéal pour partir et m'endormir tranquillement sans me réveiller. Pis, va pas courir après mes parents, je veux rien savoir d'eux. C'est à cause d'eux que je suis dans un tel état depuis tant de semaines. [Sylvain] part pour la chasse toute la semaine prochaine. Il a ben d'autres choses en tête que moi. Ma nouvelle rencontre a fait le beau et m'a dit de belles paroles pour me jeter comme une moins que rien à la poubelle. [Stéphanie] est ben trop occupée pour s'apercevoir que je vais mal. C'est le moment ou jamais de me mettre en action. À chaque fois que je commence à avancer, il arrive toujours de quoi, mais là, c'est fini. J'ai atteint le fond du bocal et j'ai aucune issue pour m'en sortir. J'ai plus la force de me battre. Toi, au moins, tu avais ta famille pour t'aider, te soutenir et t'aimer. Moi, je suis une mauvaise mère qui a de la misère à prendre soin de sa fille. Je suis toujours là pour les autres et, comme toujours, personne prend le temps d'entendre mes messages de détresse. Aussitôt la semaine finie, il y aura plus de [Cindy], tout le monde sera débarrassé de moi. »
    J'ai reçu ce courriel à 7 h 45. Je dois vous dire que j'ai été un peu secouée par cette lettre. J'ai pris rapidement mon téléphone et j'ai appelé directement l'auteure pour lui dire que j'étais là, que j'étais présente et vraiment inquiète à la suite de la lecture de sa lettre.
    Pourquoi cette dame m'a-t-elle choisie? Pourtant, un psychologue l'accompagne déjà depuis presque plus d'un an, alors que moi, c'est seulement quelques semaines.
    Je l'ai dit tout à l'heure en commençant: c'est à cause de mon expertise en agriculture. Si vous l'avez bien compris, quand je me suis présentée, j'ai dit que j'étais une ancienne productrice laitière. Le fait que je sois une ancienne productrice laitière vient créer un lien solide avec la personne qui vient me rencontrer.
    Qu'est-ce que j'ai fait? Je l'ai appelée. Après 15 minutes, je me suis rendu compte que sa fille était derrière elle. Je lui ai demandé si sa fille allait à la garderie ce matin-là. Elle m'a répondu que oui. Je lui ai demandé pourquoi elle n'irait pas la conduire à l'école, nous pourrions ensuite nous reparler. Elle m'a répondu que c'était une très bonne idée.
    Pendant ce temps, je suis rapidement entrée en contact avec le psychologue. Nous étions déjà en communication, car la dame nous avait donné l'autorisation, au cours des dernière semaines, de travailler ensemble pour son mieux-être.
    Le psychologue était surpris. Il m'a dit avoir vu la dame la semaine précédente et qu'elle allait très bien. De plus, il a ajouté qu'il était même surpris qu'elle aille si bien que cela. Je lui demandé ce que nous allions faire.
    Mon rôle de travailleuse de rang est resté vraiment en lien avec tout ce qui est du domaine agricole, tandis que le psychologue s'est chargé de trouver un hébergement de fin de semaine à la dame, de faire en sorte que quelqu'un d'Urgence-Détresse la rappelle pour vérifier si elle allait se rendre au centre de crise, en fin de semaine.
    Notre but commun était de réduire les stresseurs vécus par la dame. De mon côté, j'ai appelé son employeur, qui est un producteur laitier, pour l'aviser du fait que la santé mentale de son employée s'était beaucoup détériorée au cours des derniers jours. J'ai également appelé ses parents pour les informer de l'état de santé mentale de leur fille. Logiquement, les parents auraient dû être au courant mais, dans ce cas-ci, ils ne l'étaient pas.
    Je n'ai pas mentionné que, depuis plusieurs semaines, la dame vivait des difficultés financières, une séparation, un problème de santé mentale ajouté à un conflit familial, qui est en lien avec la relève, comme vous pouvez peut-être vous en douter.
    La seule bonne nouvelle contenue dans cette lettre est que c'était alors le mardi matin, et que la dame était prévu mettre son plan à exécution le vendredi.
(0855)
     Cela nous donnait donc le temps de mettre un filet de sécurité en place, pour que madame soit bien accompagnée.
    Comme je l'ai dit, mon travail est vraiment lié à l'agriculture. Je n'ai pas empiété sur le travail du psychologue. Ce dernier, à son tour, a rappelé la dame en fin d'avant-midi. Je l'ai moi-même appelée à 10 heures et il l'a fait à 11 h 30. Il lui a donné rendez-vous le lendemain et nous sommes demeurées en contact par courriel. C'est donc l'une des interventions parmi tant d'autres que j'ai faites.
    Tout à l'heure, si j'ai un peu de temps, je vais parler des « runs de lait » et de ce que cela veut dire. Nous n'attendons pas que les gens viennent chercher de l'aide. J'arrive, au hasard, dans les fermes, en me présentant et en disant quelle est la mission de notre organisme. Par la suite, je m'intéresse à ceux qui sont là. Souvent, cette rencontre ne dure pas que cinq minutes, elle peut durer 15 ou 20 minutes et, dans certains cas, je passe l'avant-midi sur place, si je suis arrivée au bon moment, alors que la personne avait vraiment besoin de parler.
    Je vous remercie.
(0900)
    Je vous remercie, madame Langevin. Vous aurez l'occasion de répondre à des questions de nos intervenants.
    Madame Desrosiers, vous disposez de six minutes.
    C'est parfait.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
    Je vous parle en tant que fille, soeur et conjointe de producteurs agricoles, mais aussi en tant que psychologue spécialisée depuis plus de 20 ans auprès des entreprises agricoles. Alors, je présenterai deux aspects de la situation, aujourd'hui.
    Je vous parlerai d'une nouvelle menace qui vient s'ajouter à tous les stresseurs que l'on connaît, et des besoins imminents que nous avons en formation des intervenants.
    En plus de tous les stresseurs de l'agriculture que vous connaissez probablement, je veux porter à votre attention, aujourd'hui, une menace de plus en plus présente, celle provenant des activistes animalistes. Benoît Gagnon, doctorant de l'École de criminologie de l'Université de Montréal disait déjà, en 2010, qu'il s'agissait d'une menace terroriste. C'est comme cela qu'on décrit le mouvement. Cela n'est pas si nouveau, mais cela risque de devenir de plus en plus important. Certains auteurs affirment qu'il s'agit du prochain grand mouvement révolutionnaire.
    Qui sont les activistes animalistes? Vous allez comprendre pourquoi cela peut être aussi important d'en parler. Ce sont d'abord des végétaliens, bien qu'ils ne soient pas des activistes. Ils sont en faveur de l'antispécisme, c'est-à-dire qu'ils prônent l'idée selon laquelle l'animal est l'égal de l'humain. Ils veulent l'abolition complète de toute forme d'utilisation des animaux. Évidemment, ils sont donc contre la production agricole qui répond à la consommation de viande et de ses sous-produits et contre le fait de posséder des animaux de compagnie. Ils font des pressions pour que ferment les abattoirs. C'est très important et nous devons nous soucier de la montée de ce mouvement parce qu'on sait qu'il y a de plus en plus de végétaliens chez les membres de la génération du millénaire. Cela dit, je répète que tous les végétaliens ne sont pas des animalistes.
    De plus, aujourd'hui, à cause de la puissance des réseaux sociaux, on peut causer énormément de tort à toute une industrie au moyen d'une vidéo devenue virale. Il y a aussi une plus grande préoccupation du bien-être animal, de la santé et de l'environnement, ce qui est très bien en soi. Toutefois, il y a une grande diminution du nombre de fermes, ce qui fait que de moins en moins de gens connaissent la réalité de la production agricole.
    Qui est ciblé par les animalistes? Bien entendu, les premiers dans la mire sont les producteurs. À présent, en plus de les traiter de pollueurs, on les traite d'agresseurs, de violeurs à cause de l'insémination artificielle, de kidnappeurs d'enfants et de tueurs. Vous savez, ce sont des mots extrêmement lourds de conséquences. Comme me le disait un producteur, quand on se lève le matin, qu'on voit cela sur Facebook et qu'on se demande déjà comment on va s'en sortir, cela vient alourdir de beaucoup le stress et la détresse. Je tiens à souligner que la détresse psychologique est très élevée chez les agriculteurs canadiens. Plusieurs recherches l'ont démontré.
    Les producteurs, les inséminateurs, les transporteurs d'animaux, les vétérinaires aussi, les gens qui travaillent dans les abattoirs, les bouchers, bref tous les gens de la filière agroalimentaire sont touchés par les animalistes. La conséquence en est que nos producteurs agricoles souffrent de plus en plus de violence psychologique, de harcèlement et de cyberintimidation. Cela fait augmenter les conflits et, bien sûr, la détresse. Plusieurs experts disent qu'une grande source de stress est en train de se développer et est en pleine émergence. Je voulais donc porter à votre attention cette nouvelle menace qui en ajoute à une grande détresse déjà présente.
    Mon deuxième volet touche ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de plus en plus d'intervenants. M. Beauregard et Mme Langevin ont dit tout à l'heure qu'il y avait des aspects très spécifiques aux producteurs agricoles. Nous ne devons pas intervenir de la même façon auprès d'hommes, d'entreprises familiales, d'un système particulier et nous n'avons pas assez d'intervenants formés dans le milieu. Nous manquons aussi de psychologues qui comprennent bien la réalité agricole. Nous devons donc former de plus en plus de psychologues dans des cliniques privées mais aussi au sein du système de santé. Nous avons besoin de plus de travailleurs de rang. Nous devons les aider et les soutenir davantage et continuer à les former.
    Nous devons certainement former aussi des entrepreneurs agricoles à la base, travailler en amont, les amener à développer de plus grandes compétences entrepreneuriales, à mieux gérer le stress, le changement et la conciliation travail-famille. Bref, il faut développer des compétences en leadership afin de faire face aux défis et aux enjeux d'aujourd'hui et de demain.
    On dit que l'agriculture se complexifie de jour en jour. Pour pouvoir faire face aux défis de l'avenir, nous avons besoin d'un haut niveau de compétence entrepreneuriale. Nous allons donc devoir aider les entrepreneurs agricoles avant que la situation ne se détériore. Avant qu'ils sombrent dans la détresse, nous pourrions prendre des initiatives pour qu'ils soient plus aptes à faire face aux problèmes. En agriculture, le niveau de détresse est élevé, et il touche directement les entrepreneurs, leurs familles et les entreprises agricoles.
    Alors, une seule conclusion s'impose. Nous devons investir pour et avec nos producteurs agricoles, puisque des leaders en meilleure santé vont contribuer à améliorer la santé de nos entreprises agricoles et de notre société.
(0905)
    Je vous remercie, Mme Desrosiers.
    Nous allons maintenant commencer notre tour de table.
    Vous voudrez bien l'indiquer si vous voulez adresser vos questions à Mme Desrosiers.

[Traduction]

    Bienvenue à notre comité, monsieur Motz. Merci de remplacer votre collègue.
    Nous allons commencer par M. Dreeshen, pour six minutes.
    Merci beaucoup monsieur le président. Je tenterai de partager mon temps. Je sais que M. Motz a une question.
    Cependant, tout d'abord, j'aimerais m'adresser à Pierrette Desrosiers.
    Ce dont vous avez parlé représente précisément les enjeux clés en matière d'agriculture. Je dis depuis des années, tout comme je pense que vous l'avez indiqué, que nous avons des problèmes avec des militants des droits des animaux et d'autres groupes et organisations qui s'intéressent à... Je suis producteur céréalier, ils se penchent donc sur les barrières non tarifaires et d'autres enjeux, comme les OGM, les néonicotinoïdes et les oligo-éléments, c'est-à-dire tout ce qui est fait pour protéger les investissements des autres. Lorsque les agriculteurs voient cela, ils comprennent ce qui se passe. Il règne une certaine discorde entre les agriculteurs et ceux qui habitent dans les centres urbains.
    Un autre aspect, et je pense que c'est un point qui concerne aussi d'autres invités, est le fait que votre exploitation agricole est votre lieu de travail et votre lieu de travail est votre exploitation agricole. Et les importants investissements que vous faites sont toujours en péril.
    Par ailleurs, il existe tous ces groupes qui s'en moquent tout simplement. Prenez par exemple la publicité d'A&W dans laquelle on annonce qu'il n'y a pas d'hormones ajoutées, où l'on passe de cinq nanogrammes d'oestrogènes à sept, s'ils sont employés, alors que le pain, lui, compterait des milliers de nanogrammes. C'est le genre de choses qui nous frustrent et qui sont faites simplement pour gagner des parts de marché.
    Je me demandais si vous pouviez nous faire part de vos observations à ce sujet, puis je céderai le reste de mon temps à M. Motz.
    Merci.
(0910)

[Français]

     Cette question s'adresse à moi, si je comprends bien?
    Oui, allez-y, madame Desrosiers.
    Je pense que cette question a trait aux activistes animalistes. Comme de moins en moins de gens comprennent la grande complexité de ce qu'est une entreprise agricole, et comme la société en vient à dénaturer et à dévaloriser le travail des agriculteurs, on devra faire énormément d'éducation et commencer à la base, dans les écoles, pour l'expliquer et le revaloriser. Je pense qu'on n'aura pas le choix de le faire. Pour contrer la désinformation, on va devoir informer le grand public et éduquer davantage les tout-petits et les grands pour les amener à comprendre à quel point les agriculteurs sont respectueux de l'environnement et des animaux, et à quel point ils font un excellent travail.
     Il va falloir accorder la priorité à la valorisation des agriculteurs et des agricultrices. Il faudra donc informer, éduquer et sensibiliser les gens parce qu'il y a malheureusement des gens qui diffusent des messages viraux que nos agriculteurs trouvent destructifs et très difficiles à accepter. Comme il y a de moins en moins d'agriculteurs, on n'aura pas le choix de le faire. Vous savez, mon plus grand rêve serait que tous les enfants aient l'occasion d'aller sur une ferme au moins une fois. Un très grand nombre d'adultes n'en auront jamais vu une de leur vie. C'est à un point tel qu'il paraît que 7 % des adultes américains pensent que le lait au chocolat vient de vaches brunes.
    Madame Desrosiers, nous sommes malheureusement à court de temps. Nous passons à une autre question.
     Monsieur Motz, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être présents.
    Ma circonscription est principalement composée de zones rurales agricoles, soit 30 000 kilomètres carrés. Je viens aussi d'un milieu agricole. Je fais toujours de la culture et de l'élevage, ce qui me permet d'avoir une compréhension approfondie des répercussions de l'agriculture sur notre économie et de son importance pour elle, mais aussi pour les Canadiens en ce qui concerne la production d'aliments de qualité.
    L'été dernier, j'ai bien vu que le niveau de stress des gens de ma circonscription a augmenté lorsqu'ils ont entendu le gouvernement actuel les caractériser de fraudeurs du fisc. Le gouvernement cherchait des façons d'obtenir davantage d'eux, en allant se servir dans leurs poches et en rendant plus difficile la transmission de leur exploitation agricole à la prochaine génération.
    Dans ma région, les termes employés pour accuser les gens ont suscité chez eux colère et frustration et ont bien illustré le clivage qui existe entre la communauté agricole et le gouvernement actuel.
    Ce genre de discours est-il source de problèmes pour ceux qui ont déjà des difficultés? Ce serait ma première question.
    Mon autre question serait la suivante: avez-vous pu observer la moindre conséquence sur les membres de la communauté agricole que vous connaissez des politiques proposées ou du discours qui a été employé qui aurait encore plus de répercussions sur eux, ou ont-ils simplement encaissé les affronts qui leur ont été faits?

[Français]

    En étudiant les demandes d'aide que nous recevons des producteurs agricoles, nous nous rendons compte que le problème est souvent multifactoriel. Il existe souvent une accumulation de plusieurs causes qui, à un moment donné, déclenche le problème.
    Ces deux dernières années, comme je vous le disais tantôt, nous intervenons très majoritairement auprès de producteurs laitiers, surtout au Québec. Cela diffère de ce que nous faisions il y a une dizaine d'années, où nous aidions surtout des gens de l'industrie porcine et bovine. La raison de ce changement est l'insécurité qui est née des négociations entourant le Partenariat transpacifique, la révision de l'ALENA et le dossier du lait diafiltré.
    Je vous remercie, monsieur Beauregard. Nous manquons malheureusement de temps.
    Monsieur Breton, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais saluer tout particulièrement les représentants d'Au coeur des familles agricoles, de Saint-Hyacinthe, tout à côté de ma circonscription. Je salue surtout M. Beauregard, qui est demeuré très humble au cours de sa présentation. En effet, en plus d'être le directeur général de cet organisme, il est le maire de Saint-Joachim-de-Shefford, une municipalité rurale de ma circonscription. Il est également un ancien producteur agricole, et il s'y connaît donc très bien dans le travail qu'il fait.
    D'entrée de jeu, je tiens évidemment à vous féliciter de votre excellent travail, madame Langevin et monsieur Beauregard. Votre organisme est un modèle, et nous aimerions voir se multiplier ce genre d'organisation, qui offre beaucoup de répit et d'accompagnement aux agriculteurs de notre région. Nous sommes donc choyés, chez nous, de vous avoir. Je vous remercie grandement.
    Plusieurs études ont été réalisées aux États-Unis et au Canada et elles ont révélé que les agriculteurs étaient deux fois plus susceptibles d'avoir des problèmes de santé mentale que le reste de la population. Monsieur Beauregard et madame Langevin, pourriez-vous nous parler de ces problèmes d'anxiété et de stress que vous constatez dans votre travail, et nous dire quelles en sont les trois ou quatre causes les plus importantes?
(0915)
     Je vais répondre à cette question.
    En fait, il s'agit de ce dont a parlé M. Beauregard. C'est souvent une accumulation de frustrations. Puisque nous parlons des producteurs laitiers, je rappelle que ceux-ci vivent les mêmes problèmes que M. et Mme Tout-le-Monde: des séparations, des deuils, des accidents. J'ignore si vous avez écouté les nouvelles, la semaine passée, mais deux personnes sont décédées après être tombées dans un silo. Ce genre de situation fait partie des causes de leur stress. De plus, ces jours-ci, la question de la gestion de l'offre s'ajoute à ces frustrations et au stress que les producteurs laitiers vivent déjà.
     Les lois du marché n'arrêtent pas de leur demander d'accroître leur efficacité et la rentabilité de leur entreprise, et les producteurs commencent un peu à être essoufflés de cette exigence constante. Le message qu'ils en tirent est qu'ils doivent devenir de plus en plus gros pour être de plus en plus efficaces. Cependant, ils ne sont pas tous prêts à sacrifier l'entreprise familiale qu'ils ont connue toutes ces années.
    Nous savons évidemment que le travail d'agriculteur est plus solitaire que la majorité des professions. J''imagine que vous référez aux médecins et au système de santé certains des problèmes de santé mentale que vous découvrez?
    Monsieur Beauregard, le processus de répit dont vous avez parlé tout à l'heure me semble plutôt intéressant. Lorsqu'un médecin prescrit à un agriculteur de sortir de son milieu de travail pour se reposer et se refaire une santé, cela ne doit pas être facile pour l'agriculteur. Son lieu de travail est souvent au même endroit que sa maison, à deux pas de là où il habite: il entend les bruits et il voit tout le travail à faire. Est-ce que je comprends que ces gens peuvent plutôt aller chez vous pour se reposer et se refaire une santé?
    Effectivement. Notre maison de répit accueille les producteurs de toute la province qui éprouvent le besoin de prendre du recul et du repos et de retrouver leur santé mentale. Leur séjour chez nous est gratuit, et ils bénéficient chaque jour de services d'accompagnement offerts par des intervenants comme Nancy.
    Par contre, le fait de devoir quitter l'entreprise agricole pour séjourner chez nous crée en soi des problèmes, puisque le producteur doit faire faire son travail par quelqu'un pendant son absence. Le fait de quitter sa ferme et de confier son entreprise à quelqu'un qui ne la connaît pas risque de créer plus de problèmes que si le producteur décidait de rester. C'est pourquoi nous devons trouver un juste milieu.
     Actuellement, les personnes qui viennent chercher du répit chez nous sont souvent des gens qui n'exploitent pas seuls leur entreprise. Quelqu'un d'autre peut alors continuer de travailler en leur absence. Malheureusement, nous savons que beaucoup d'entreprises agricoles sont exploitées par le mari et la femme, qui ont chacun des besoins aussi grands, voire plus importants que ceux d'autres producteurs. Ils ne peuvent pas décrocher de leur ferme pendant une période déterminée.
    Je voudrais maintenant parler avec vous des travailleurs de rang, ou plutôt des travailleuses de rang puisque j'ai compris qu'il s'agissait surtout de femmes. Il s'agit d'un modèle intéressant. Combien y en a-t-il dans votre organisation?
    Présentement, nous en avons cinq. Trois sont déjà à pied-d'oeuvre en Montérégie, dans le Centre-du-Québec et dans Chaudière-Appalaches. Deux autres vont commencer la semaine prochaine en Estrie et en Mauricie. Nous avons aussi des partenariats avec deux organismes dans les Laurentides et le Bas-Saint-Laurent. Nous en aurons éventuellement au Témiscamingue aussi, et deux autres régions nous ont approchés pour voir si nous pourrions éventuellement y offrir nos services.
     Nous nous sommes rendu compte que plus nous étions près des producteurs, plus ceux-ci venaient chercher de l'aide. Auparavant, nous étions situés en Montérégie. Nous voulions offrir nos services dans toute la province, mais nous pouvions moins facilement interagir avec les producteurs. Aujourd'hui, nous avons réussi à développer ce réseau, qui nous permet d'être à proximité des producteurs qui ont des besoins et donc d'intervenir rapidement. Nous rencontrons les producteurs dans un délai d'au plus une à deux semaines, ce qui est beaucoup plus rapide que dans le réseau de la santé.
(0920)
    Je vous remercie de vos témoignages, qui sont très appréciés.
    Merci, monsieur Breton et monsieur Beauregard.
    Nous passons maintenant à M. MacGregor, qui dispose de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Langevin et monsieur Beauregard, vous avez tous deux fait mention des producteurs laitiers. Dans votre déclaration, vous savez indiqué que 72 % des demandes provenaient de producteurs laitiers. Cela correspond-il à la proportion de votre région qu'ils représentent ou cela est-il plus élevé?

[Français]

     Au fond, vous voulez savoir si le pourcentage correspond au nombre de producteurs laitiers de la province. Ce n'est pas nécessairement le cas. C'est 72 % des 1 157 interventions que nous avons faites, et non 72 % des producteurs laitiers du Québec. C'est la nuance à faire.
    Les chiffres reflètent l'aide que nous apportons depuis les deux dernières années. Les chiffres que je vous ai donnés sont ceux de 2017, soit 1 157 interventions. Cette année, à la fin août, nous en étions déjà à près de 1 000 interventions, et il reste encore quatre mois dans l'année.
    Les personnes qui viennent chercher de l'aide sont principalement des producteurs laitiers. Comme je vous l'expliquais tantôt, ce n'était pas le cas auparavant. Nous avons fait beaucoup d'interventions auprès de producteurs bovins et porcins par le passé. Supposons qu'il y ait 5 000 producteurs laitiers. Nous n'avons pas fait d'interventions auprès de 72 % d'entre eux. Autrement dit, ce sont 72 % de nos 1 157 interventions qui ont été faites auprès de producteurs laitiers.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Langevin, dans le cadre de votre conversation avec M. Breton, lorsque vous parliez des facteurs de stress et avez fait référence au système de gestion de l'offre, cela s'inscrit-il dans le contexte de l'incertitude qui entoure les agriculteurs dépendants de la gestion de l'offre, étant donné les pourcentages qui sont cédés dans le cadre de l'accord économique et commercial global, le PTPGP et maintenant, le nouvel accord avec les États-Unis? Les producteurs laitiers sont-ils stressés parce qu'ils sentent que le sol se dérobe sous leurs pieds? On leur promet une chose, et on leur donne quelque chose de complètement différent. S'agit-il de ce qu'ils vivent?

[Français]

    Oui. Pour avoir parlé avec certains producteurs, je peux vous dire qu'ils se sentent abandonnés. Ils se disent qu'un beau système de gestion de l'offre leur donne une certaine qualité de vie et leur permet de prévoir leurs revenus et dépenses.
     On a parlé d'expansion tout à l'heure. Beaucoup d'agriculteurs laitiers ont fait de gros investissements et se retrouvent avec des dettes et dans une situation très incertaine.
    La réponse à votre question est oui.

[Traduction]

    Oui, je suis d'accord. Je pense qu'il est honteux d'avoir un système qui doit payer le prix des problèmes de surproduction d'un autre pays, et je sais que c'est la même situation pour les producteurs laitiers de ma région et tous les agriculteurs qui dépendent de la gestion de l'offre. Le système leur a permis d'établir des plans à long terme pour effectuer ces investissements pour ensuite se faire promettre une chose et obtenir l'inverse, c'est la raison pour laquelle j'ai énormément d'empathie pour eux.
    J'aimerais passer à un autre sujet.
    Lors de la dernière séance de notre comité, nous avons entendu un témoignage fascinant de Mme Jones-Bitton de l'Université de Guelph. Elle nous a parlé d'une courbe en cloche qui illustrait les différents types de stress: le stress vert, le stress orange, et le stress rouge. Lorsque l'on se trouve trop dans la zone de stress rouge, on a le sentiment d'être dépassé, d'être perdu et désespéré. Il y a du bon stress et du mauvais stress.
    Elle nous a proposé trois recommandations. L'une d'entre elles consiste à appuyer les programmes de formation agricole fondés sur des données probantes. À votre avis, quelles seraient les implications de cela et pensez-vous que le gouvernement fédéral en particulier soit bien placé pour les dispenser, sachant qu'au final, nous souhaitons émettre des recommandations?
    Je sais que c'est une vaste question. Vous pouvez tous deux tenter d'y répondre.
(0925)

[Français]

     Je vois ce qui est fait au Québec avec l'organisme Au coeur des familles agricoles depuis les 16 dernières années, déjà. Malheureusement, le rythme de vie accéléré des agriculteurs et le stress que cela engendre perturbent leur santé mentale. Cela n'a jamais été considéré comme étant quelque chose de différent de ce que vit la population en général, mais il faut pourtant reconnaître la réalité particulière des agriculteurs.
    Il faudrait commencer par mener une étude pour reconnaître cette différence. Il faut reconnaître que, pour l'agriculteur, son lieu de travail, son entreprise, est son lieu familial. Le jour, son père est son partenaire d'affaires, et le soir, c'est son père. Il est souvent dans la même cour que son père. Tous ces facteurs comptent. C'est la seule entreprise qui vit cette situation.
     Il y a beaucoup d'entreprises familiales dans d'autres domaines. On se fait dire que, dans le secteur privé, il y a des entreprises père-fils. Par contre, le soir, ils ne sont pas sur le même terrain. Ils ne regardent pas l'entreprise en arrière et, à côté, la maison du père, avec qui cela ne s'est pas nécessairement bien passé pendant la journée.
     Merci, monsieur Beauregard. Nous sommes malheureusement pressés par le temps.
    Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Beauregard, madame Langevin, madame Desrosiers, je vous remercie du travail que vous faites.
    Je ne suis pas un jeune producteur, mais certains de mes amis le sont. Nous n'avons pas encore ces services chez nous, mais je vous tire mon chapeau. Il m'est arrivé une fois d'être au bon endroit au bon moment: je ne sais pas si la personne était suicidaire, mais elle était vraiment en détresse. J'imagine, madame Langevin, que c'est ce que vous vivez chaque jour auprès des agriculteurs.
    Monsieur Beauregard, vous avez mentionné les situations où l'exploitation de la ferme est partagée entre le père et son fils ou sa fille. Dans ma famille, mon père et mon grand-père siégeaient au même conseil municipal et ils n'avaient pas toujours la même vision des choses. Ma grand-mère leur disait que, à la table, chez nous, on ne faisait pas de politique. Cependant, l'agriculteur vit une tout autre réalité, puisque toute famille travaille à la ferme.
    Comment faites-vous pour gérer ces crises? J'imagine qu'il y a parfois des chicanes familiales et que cela cause du stress.
    Oui, en effet.
     Je vais laisser Mme Langevin vous répondre en tant qu'intervenante.
     Plusieurs des cas pour lesquels on me consulte sont des conflits familiaux, et j'en ai donné un exemple plus tôt. J'offre aux personnes la chance de s'exprimer, de communiquer. En tant que travailleuse sociale, je peux offrir une médiation. Je rencontre chaque personne individuellement pour la préparer à la rencontre de famille. Puis tout le monde s'asseoit à la table et je suis là comme accompagnatrice: mon rôle n'est pas de leur dire quoi faire, mais plutôt de leur permettre de s'exprimer. Quand ils sont accaparés par leurs tâches à la ferme, les gens gardent bien des choses pour eux. Or ces choses peuvent se dire autour d'une table quand tout le monde prend le temps de s'asseoir.
    Madame Langevin, vous avez mentionné l'importance du « par » et du « pour » l'agriculteur. Vous avez déjà été productrice laitière. En quoi cet intermédiaire est-il important dans les populations qui bénéficient de vos services?
    J'ai encore de la difficulté à le comprendre, parce qu'on dirait que le contact se fait très rapidement. Je n'ai pas besoin de me mettre à parler d'agriculture pour que les gens sentent que je les comprends, cela se fait automatiquement. Ils n'ont pas non plus besoin de me dire grand-chose pour que je les comprenne.
    Tantôt, nous donnions l'exemple d'un agriculteur qui va chez son médecin et se fait prescrire un mois de repos. Moi, je ne fais pas cela quand les gens viennent s'asseoir dans mon bureau, parce que si je le faisais, je les perdrais tout de suite. Je leur suggère plutôt de prendre deux heures pour s'occuper de leur santé mentale au cours de leurs 90 heures de travail hebdomadaire. Avec le temps, ils finissent se rendre compte que deux heures par semaine, ce n'est pas assez. Ils calculent, car ils sont habitués à calculer, que cela leur fait à peu près 15 minute. Ils ont à peine le temps de commencer à penser à leur santé mentale que c'est déjà terminé. Ce n'est pas assez.
    Je ne prescrirai donc pas à quelqu'un de prendre une semaine de congé parce que, comme le disait M. Beauregard, j'augmenterais son stress. Il se demanderait comment il pourrait y arriver, qui s'occuperait de ses bêtes, qui s'occuperait de son entreprise pendant qu'il serait parti. J'interviens plutôt, comme je viens de l'expliquer, en privilégiant la recherche d'un équilibre. À un moment donné, j'ai même aidé un producteur qui en était rendu à travailler 60 heures par semaine. Il a fini par couper 30 heures, de lui-même. Si je le lui avais prescrit, par contre, je l'aurais perdu.
(0930)
    Des témoins nous ont dit, la semaine dernière, que prescrire un mois de congé à un agriculteur, c'est malheureusement l'obliger à rester dans son entreprise. Il ne bénéficie pas de cette séparation que nous avons dans la population en général. Si je dois me reposer chez moi, j'ai l'avantage d'une séparation physique puisque je ne demeure pas au Parlement.
    Comment faites-vous lorsque quelqu'un a vraiment besoin de repos? Comment est-ce que vous les accompagnez puisque vous semblez dire que vous ne leur prescrivez pas un arrêt complet de leurs activités?
    Les producteurs savent peu ce qu'est la santé mentale. Ils connaissent la santé physique, mais pas la santé mentale. Quand je les accompagne, nous voyons ensemble ce qu'ils pourraient faire dans leur environnement. On l'a dit plus tôt: tout se passe en arrière ou près de la maison.
    Comment ces producteurs peuvent-ils s'occuper de leur santé mentale? Cela peut être aussi simple que d'aller faire un tour de VTT sur leur terre, simplement pour relaxer. C'est le genre d'accompagnement que je leur offre. Le fait que je sois travailleuse de rang me permet d'aller directement chez les gens qui ne peuvent pas venir nous rencontrer ou qui n'en ont pas le temps.
    L'automne passé, je suis arrivée chez un producteur la journée de l'ensilage de maïs. Je lui ai demandé s'il accepterait que je monte avec lui sur son tracteur. Il m'a demandé si je le ferais vraiment. Je lui ai dit oui et j'en ai profité pour l'aider. Il charriait les boîtes d'ensilage de maïs. J'étais à côté et je l'accompagnais au moment où il en avait besoin.
     Parlons justement de la stigmatisation liée aux problèmes de santé mentale. Plusieurs campagnes publicitaires tentent de combattre cette stigmatisation.
    On sait que ce sont les provinces qui s'occupent des soins de santé, mais qu'est-ce que l'Association canadienne pour la santé mentale pourrait faire de mieux pour mettre l'accent sur ce que vivent nos agriculteurs?
    Le Québec a déjà commencé à sensibiliser les agriculteurs aux problèmes de santé mentale, afin qu'ils sachent qu'il n'est pas honteux d'aller chercher de l'aide. On ne parle plus de détresse ou de santé mentale, mais de bien-être des agriculteurs. Ils sont habitués à entendre parler de bien-être animal. On leur parle de leur propre bien-être.
    Je vous remercie, monsieur Beauregard.
    Merci, monsieur Drouin.
    Madame Nassif, vous disposez de six minutes.
    Au Canada, les soins de santé, y compris les soins de santé mentale, sont une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux.
    Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider la communauté agricole? Quelles ressources devrait-il offrir en ce sens?
    Je pense que Mme Desrosiers veut intervenir. Je peux lui laisser la parole, étant donné qu'elle n'a pas eu beaucoup l'occasion d'intervenir jusqu'à maintenant.
    Bien sûr. Allez-y, madame Desrosiers.
    Comme je le disais, il faut donner de l'argent pour former des psychologues et des travailleurs sociaux qui sont dans le réseau, afin qu'ils comprennent mieux les problèmes que vivent les agriculteurs.
     Comme Mme Langevin et M. Beauregard l'ont dit, cela ne prend pas grand-chose pour établir une crédibilité, mais il en faut peu aussi pour qu'elle ne soit pas établie. Lorsque les psychologues ou les travailleurs sociaux n'ont pas suffisamment conscience de la façon dont cela fonctionne dans une ferme, il se peut qu'un producteur ne sente pas qu'on comprend sa réalité ou qu'on l'écoute. Il peut alors décider d'abandonner le processus et de cesser de consulter quelqu'un. Il faut donner du financement pour que plus d'intervenants travaillent en collaboration avec nos travailleurs de rang et soient capables d'intervenir et de prendre la relève en cas de besoin.
    Il faut que les intervenants connaissent la réalité agricole, car c'est ce qui fait défaut présentement.
    Je vous remercie, madame Desrosiers.
    Monsieur Beauregard, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Comme je le disais plus tôt, la meilleure manière d'inciter les agriculteurs à aller chercher de l'aide est de leur faire comprendre que ce n'est pas négatif de le faire. Il pourrait y avoir un programme pour inciter les producteurs à aller chercher de l'aide dans le réseau de la santé dans la mesure du possible, mais aussi auprès d'intervenants qui sont là pour eux, comme ceux d'Au coeur des familles agricoles ou d'autres organismes ailleurs au pays. Je pense que c'est important.
    Depuis deux ans, au Québec, l'UPA parle beaucoup de la détresse psychologique des agriculteurs et essaie de trouver des solutions. Cela a fait en sorte que les personnes qui viennent consulter aujourd'hui voient de moins en moins cette démarche comme honteuse. Elle est plutôt vue comme un acte positif.
    Le gouvernement fédéral a tout avantage à regarder ce qui pourrait être fait pour inciter davantage les producteurs à aller chercher de l'aide. Il pourrait offrir aux agriculteurs des autres provinces des services comme ceux que nous offrons. Je vois l'impact positif qu'a notre travail au Québec. Nous sommes absents de certaines régions, mais nous devrions y être présents car il y a des communautés agricoles.
    D'année en année, nous peinons à trouver du financement pour maintenir les activités de notre organisme et continuer à le développer. Par le passé, nous voulions étendre nos services pour les offrir à toutes les régions. Maintenant, ce sont les gens des régions qui nous appellent. Ils sont conscients des difficultés qui se vivent chez eux et ne sont pas capables de trouver des ressources pour répondre à leurs besoins.
    Que peut-on faire pour répondre aux besoins? Faudrait-il créer un programme de soutien financier à l'intention des travailleurs qui suivront une formation spécifiquement conçue pour aider les agriculteurs? Cela s'est fait au Québec. Des sentinelles ont été formées en collaboration avec l'UPA et l'Association québécoise de prévention du suicide, pour qu'il y a un programme spécialement conçu pour les agriculteurs. On pourrait mettre en place un service d'aide aux agriculteurs comme celui que nous offrons, mais qui serait offert partout au pays.
(0935)
     Je vous remercie.
    Une étude qui date de 30 ans porte sur le taux de suicide chez les agriculteurs canadiens, et on y indique que le taux de suicide chez les agriculteurs québécois est deux fois plus élevé que dans la population en général.
     Pensez-vous que ce soit toujours le cas? Nous ne disposons pas d'études récentes. Ces chiffres datent de 30 ans.
    C'est difficile à déterminer. Ce ne sont pas des chiffres auxquels nous avons accès. En ce qui concerne le suicide, je peux toutefois vous dire que, dans la très grande majorité des cas, les personnes qui demandent de l'aide à notre organisme ne sont pas des personnes suicidaires. Il y a peut-être beaucoup de suicides dans le monde agricole, mais la détresse est beaucoup plus importante que le suicide comme tel. Le suicide, c'est la finalité, mais il reste que 95 % des personnes qui consultent notre organisme ne sont pas suicidaires: ce sont des personnes en détresse.
    Il faut porter une attention particulière aux gens qui vont poser ce geste irréversible qu'est le suicide. Il est très important de trouver des solutions pour qu'ils n'en arrivent pas là. Cela dit, la très grande majorité des agriculteurs se situent juste avant. Ce sont eux qu'il faut soutenir et rencontrer de façon proactive et préventive, justement pour qu'ils ne se rendent pas jusqu'au suicide. Les deux interventions sont importantes. Nous ne voulons pas que ces personnes en arrivent à se suicider, mais il faut tout faire avant qu'elles n'en viennent à cela.
    Madame Langevin, selon vous, quels seraient les éléments essentiels d'une stratégie en santé mentale visant à diminuer le taux de suicide chez les agriculteurs?
    Nous ne pourrons malheureusement pas traiter de cette question, mais il sera peut-être possible de le faire plus tard.

[Traduction]

    Monsieur Shipley, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup de participer à notre discussion.
    Nancy, je tiens à vous remercier.
    Monsieur Beauregard, vous avez aussi parlé des intervenants — il y a eu 1 157 interventions pour cinq intervenants.
    Comment avez-vous été formé? Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ce que vous appelez « les runs de lait »? J'ai aussi une question à ce sujet. Comment avez-vous commencé à faire des visites spontanées dans les exploitations agricoles?

[Français]

    Les « runs de lait » ont vraiment pour but la prévention. Les gens qui vivent de la détresse psychologique ou qui, à la limite, ont des idées suicidaires, ne siègent pas à divers comités, ne font pas partie de l'UPA ou de l'exécutif et n'assument pas de rôle au niveau municipal. Ce sont des gens très isolés. On en a parlé plus tôt. Les « runs de lait » ont pour objectif d'atteindre les personnes les plus vulnérables.
     Comme je n'ai pas de liste m'indiquant où se trouvent les agriculteurs dans un rang, j'ai trouvé une façon de procéder. Je dis que je me rends dans une MRC et que je parcours le rang. Je ne m'arrête pas à tous les endroits, étant donné que les producteurs se parlent entre eux. Je m'arrête pour me présenter, et ainsi de suite. C'est de cette façon que les choses ont commencé. Nous voulons rejoindre les personnes qu'on ne voit pas.
(0940)

[Traduction]

    Vous avez parlé de formation pour les intervenants. Comment est-elle offerte? Qui offre la formation? Qui devrait suivre la formation? Quelles sont les compétences nécessaires pour être formé comme intervenant?

[Français]

    Quand on parle de formation, il s'agit de formation scolaire. Ces personnes détiennent un baccalauréat en travail social ou un diplôme d'études collégiales dans ce domaine. Leur formation de base en tant qu'intervenant repose là-dessus. La formation agricole...

[Traduction]

    Je parle d'intervenants comme Nancy.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Les psychologues professionnels ont leur rôle, mais il y a deux autres composantes vraiment cruciales. La première est que des personnes comme Nancy accompagnent les gens et leur donnent de l'espoir. C'est l'un des ingrédients clés, selon moi.
    Pour ce qui est de la seconde composante, est-ce que quelqu'un obtient le soutien financier en recueillant l'information sur les créanciers afin d'obtenir de l'aide pour ces gens? Y a-t-il quelqu'un à qui s'adresser lorsqu'on se retrouve ainsi coincés?
    Vous avez parlé de stress financier, et je dirais que ce qui s'est passé hier ajoutera au stress de la communauté agricole. Comment composer avec cette situation? On m'a dit dans les années 1980 qu'il devenait difficile de penser clairement. On ne peut pas simplement tout décortiquer pour catégoriser les problèmes; il faut établir les priorités et examiner la situation financière. Y a-t-il une composante financière rattachée à cette aide?

[Français]

     Parlez-vous d'une aide financière qu'on fournirait à l'agriculteur?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Parlez-vous d'une aide financière pour obtenir des services d'aide d'Au coeur des familles agricoles?

[Traduction]

    Je parle des deux.

[Français]

    Nos services sont gratuits, et nous les offrons d'un bout à l'autre de la province. Lorsqu'un producteur agricole vient nous rencontrer, les services d'accompagnement d'intervenants comme Mme Langevin, autant que les services de répit et d'hébergement, sont offerts gratuitement. Pour cette raison, ce n'est pas un facteur qui empêche de venir chercher de l'aide. Ainsi, indépendamment de la taille de l'entreprise agricole, qu'elle soit petite ou très grande, il n'en coûte rien pour venir chercher de l'aide chez nous.
    Dans le cas d'une personne qui éprouve des problèmes financiers dans sa ferme, qui a besoin d'aide extérieure pour essayer de se remettre sur la bonne voie, il existe probablement des programmes provinciaux pour répondre à des besoins semblables.
    Aussi bizarre que cela puisse paraître, quand les producteurs viennent chercher de l'aide chez nous, même s'ils ont des problèmes financiers, ils ne parlent pas principalement de cela. C'est un facteur parmi d'autres. Nos interventions ne se font donc pas uniquement en fonction des problèmes financiers.
     J'espère avoir répondu à votre question.

[Traduction]

    Selon vous, les dépendances attribuables à l'anxiété sont-elles un problème dans les dossiers dont vous vous occupez?
(0945)

[Français]

    Je suis incapable de vous dire s'il y a davantage de problèmes de toxicomanie, mais il y en a. On l'a dit, il sont en un seul endroit. C'est plus facile pour eux, car ils n'ont pas à conduire leur auto.
    Les gens qui souffrent d'un problème d'alcool commencent à en consommer tôt le matin, tandis que les personnes qui ont un problème d'alcool mais qui travaillent à l'extérieur de chez elles se disent qu'au retour du travail, elles vont déboucher leur bouteille. Toutefois, dans le cas des producteurs, la consommation peut commencer tôt dans la journée.
    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour cette première heure de témoignages.
    Je vous remercie, monsieur Beauregard et mesdames Langevin et Desrosiers, de vous être présentés devant nous ce matin, afin de nous parler d'un sujet très important pour nos agriculteurs.
    Nous allons suspendre la séance durant quelques minutes et nous recevrons ensuite le deuxième groupe de témoins.

(0950)

[Traduction]

    Nous allons reprendre.
    Aujourd'hui, nous accueillons à titre personnel, M. Sean Stanford, agriculteur. Merci d'être ici avec nous, monsieur Stanford.
    Nous accueillons aussi Mehgin Reynolds, propriétaire exploitant de LPG Farms. Bienvenue.

[Français]

     On nous informe que M. Stéphane Bisaillon sera probablement en retard. Lorsqu'il arrivera, on lui assignera sa place.

[Traduction]

    Nous commencerons par la déclaration liminaire de M. Stanford. Vous avez jusqu'à six minutes. Je vous remercie.
    Bonjour tout le monde. Je m'appelle Sean Stanford. Je suis un producteur céréalier de 34 ans du Sud de l'Alberta. Je pratique ce travail ici avec mon épouse et nos deux jeunes enfants.
    J'aimerais d'abord vous dire que je ne suis pas faible, je suis simplement un peu malade, et cela ne fait pas moins de moi un homme. Je souffre d'anxiété, de dépression et du syndrome de stress post-traumatique. J'ai obtenu un diagnostic il y a près de deux ans, et j'ai pris de multiples médicaments et consulté de multiples thérapeutes pour m'aider.
    Je ne suis peut-être pas bien différent de nombreux Canadiens, mais l'industrie dans laquelle je travaille fait en sorte qu'il soit un peu plus difficile de composer avec la situation. Les agriculteurs et les producteurs doivent en fait faire face à des défis supplémentaires, défis auxquels la population générale n'a pas à faire face.
    L'agriculture est l'un des quelques domaines qui dépendent beaucoup de la température. Comme vous le savez très bien, personne ne peut contrôler la température. Je peux vous dire qu'il est très stressant de savoir que votre chèque de paye dépend en grande partie d'un facteur qui ne relève pas de vous. Il y a de nombreux agriculteurs dans ma province qui n'ont pas terminé leurs récoltes, qui sont couvertes de neige. Après un été très très sec et un automne pluvieux, les gens ont les émotions à fleur de peau.
    Les agriculteurs passent aussi nombre d'heures et de jours isolés sur leurs terres. J'ai moi-même passé des jours sans voir personne d'autre de toute la journée. Cela donne à votre cerveau beaucoup trop de temps pour vous jouer des tours. Cela vous donne beaucoup trop de temps pour douter de vos compétences et vous demander si vous prenez les bonnes décisions pour votre entreprise. Nous n'avons pas le temps de réfléchir à ce qui se passe réellement dans le vrai monde. Dans les champs, nous souffrons de solitude et notre famille nous manque. L'isolement signifie aussi un accès limité à l'aide professionnelle comme les médecins, les thérapeutes et les psychologues. Ces trois professions font partie intégrante du rétablissement de personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale.
    Les experts disent que de nombreux éléments doivent être réunis pour garder une personne en santé. Cela comprend l'exercice, l'alimentation, la détente et le sommeil. Je peux vous dire qu'il est presque impossible pour un agriculteur de réunir tous ces éléments pendant la saison occupée. Travailler 100 heures ou plus par semaine n'est pas inhabituel. Manger un repas qui ne sort pas d'une boîte à lunch est aussi inhabituel. Avez-vous déjà tenté de faire des sauts avec écart dans un tracteur? Ce n'est pas si facile.
    Voici les grandes questions: quelles sont les ressources offertes et quelles sont celles qui manquent?
    Le Canada rural est en train de rapetisser. Nos hôpitaux locaux et cabinets de médecins ont fermé il y a de nombreuses années. Pour recevoir des services de counselling ou de la thérapie, je dois parcourir une cinquantaine de kilomètres. Je sais que c'est beaucoup plus loin pour d'autres. Ensuite, pour obtenir un rendez-vous avec un de ces professionnels, il faut parfois attendre de nombreuses semaines. C'est inacceptable. Le coût de ces services est aussi très élevé. Nous avons besoin d'un meilleur accès plus abordable à ces professionnels de la santé.
    J'ai eu ma première interaction avec mon thérapeute par l'intermédiaire de mon service d'incendie local. J'y ai fait du bénévolat pendant 14 ans, d'où mes problèmes de SSPT. Lorsque j'ai demandé à mon chef des incendies de m'obtenir de l'aide, il avait déjà toute une gamme de services à m'offrir. Les services d'urgence semblent avoir déjà les bons processus en place. En ce qui me concerne, il n'y a pas de telles ressources consacrées aux agriculteurs et aux producteurs agricoles.
    Nombre des médicaments prescrits pour traiter l'anxiété et la dépression peuvent coûter très cher également. Heureusement, j'ai les moyens de payer la Croix bleue pour ma famille, mais les médicaments ne sont pas tous couverts. Les médicaments doivent être plus abordables pour tous.
    J'ai beaucoup appris et tissé de nombreux liens grâce à Internet et aux médias sociaux. Twitter m'a beaucoup aidé à trouver des ressources et à établir des liens avec des amis prêts à m'aider dans les moments difficiles. Des services cellulaires efficaces au Canada rural sont essentiels pour cette raison. Ils facilitent le contact avec le monde extérieur lorsqu'on est isolé; le recours à un téléphone intelligent et à Internet m'a été d'une grande aide.
    Que manque-t-il d'autre? À quoi n'avons-nous pas encore pensé? Les conditions de travail spéciales des producteurs agricoles requièrent peut-être des solutions spéciales. Peut-être qu'il serait utile d'avoir une quelconque appli de santé mentale sur les téléphones cellulaires pour aider à diagnostiquer les problèmes ou offrir des pistes de solution en période difficile? Peut-être que la téléconférence ou la vidéoconférence avec un thérapeute aiderait aussi? L'élimination des préjugés liés à la santé mentale est tout un obstacle à surmonter, surtout dans le domaine de l'agriculture.
(0955)
    De nombreuses personnes, dont moi, estiment que les problèmes de santé mentale devraient être quelque chose que chaque personne puisse régler elle-même. Certains producteurs ont essayé de faire tomber ce mur de la stigmatisation et ont dû faire face à une pluie d'attaques personnelles et à du harcèlement, je peux en témoigner personnellement. Il faut trouver une façon de dire aux gens qu'ils sont malades et qu'ils ont besoin de traitements adéquats. Que cette maladie n'est pas différente d'un rhume ou d'une blessure à la main. Il faut mettre un terme aux préjugés.
    J'espère que mes réflexions personnelles en ce qui concerne la santé mentale dans le secteur agricole vous ont éclairés. Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui.
    Merci, monsieur Stanford.
    Madame Reynolds, vous avez la parole pour six minutes.
    J'ai grandi à Calgary, en Alberta, et j'ai travaillé pendant 11 ans dans l'industrie cinématographique avant de rencontrer mon époux et de déménager dans la campagne saskatchewanaise. C'est là que je suis devenue cultivatrice de céréales. Je me suis rapidement rendu compte que cette activité pouvait être difficile et stressante et qu'elle pouvait causer de l'isolement.
    Bien que 2016 fut l'année de ma quatrième récolte, c'était la première fois que j'observais mon champ, qui valait littéralement des centaines de milliers de dollars, être détruit en l'espace de 10 minutes par une tempête de grêle. C'est aussi la première fois de ma vie que je me suis sentie comme une véritable ratée — j'essuyais un échec à titre d'agricultrice, de conjointe et de pourvoyeuse de ma famille. C'était la première fois, mais malheureusement pas la dernière, que j'ai senti que la seule valeur que j'apportais à ma famille, c'était celle de ma police d'assurance-vie.
    J'aimerais bien témoigner devant vous toute la journée et vous dire que les choses vont mieux et que je suis la seule à me sentir ainsi parmi tous les agriculteurs canadiens. Ce serait mentir. Nous affrontons des épreuves pour la troisième année consécutive. Des phénomènes météorologiques extrêmes sapent notre capacité à cultiver la quantité de céréales nécessaire pour faire un profit. Le prix des produits de base est loin de nous permettre de couvrir nos dépenses. Des problèmes de transport nous empêchent de payer nos factures à temps. J'en suis à un point où je ne sais plus à quoi ressemble la vie sans stress. Mon époux fait maintenant face à des problèmes d'anxiété déclenchés par le stress lié à l'agriculture et à la difficulté de joindre les deux bouts. J'ai vu le stress l'accabler à un point tel qu'il s'est effondré à genoux en pleurant.
    Si vous me demandiez maintenant si j'espère que mes filles voudront prendre la relève de notre exploitation agricole de quatrième génération, je vous dirais que je les encouragerais plutôt à faire n'importe quoi sauf de l'agriculture. Toutefois, la dure réalité, c'est que si nous continuons dans cette voie, il ne restera plus de ferme à leur léguer.
    En ce moment, vous vous dites sans doute que nous sommes de mauvais agriculteurs et que notre plan d'entreprise comprend sans doute des lacunes. Après tout, chaque entreprise doit réduire les risques tout en essayant de générer des profits. Saviez-vous que le coût des intrants des producteurs céréaliers au Canada se situe au deuxième rang de tout le secteur agricole? Il s'agit des semences, du traitement des semences, des engrais et des produits chimiques dont nous avons besoin pour cultiver. Par ailleurs, en raison de la sécheresse du climat et de la courte saison de croissance, nous n'arrivons pas à produire autant que d'autres pays. Au cours d'une année moyenne, les boisseaux produits par ma terre n'arrivent pas à couvrir mes dépenses, y compris le remboursement de mon hypothèque et le loyer foncier.
    Je dois travailler à l'extérieur de la ferme, non seulement pour nourrir ma famille, mais également pour subventionner mes dépenses agricoles. Si je faisais le métier d'institutrice, d'infirmière ou de banquière, ou si j'étais toujours dans le domaine cinématographique, je n'aurais pas à occuper un deuxième emploi pour rentabiliser le premier.
    Vous voyez, je ne peux pas demander plus pour mes céréales afin de m'aider à couvrir l'augmentation des coûts liés à leur culture. Lorsque je dois vendre des grains pour payer mes factures, j'essaie d'obtenir le meilleur contrat possible mais, au bout du compte, j'ai très peu de contrôle sur les prix. Je suis habituellement obligée de vendre à un moment où les prix sont bas, en raison des nombreuses récoltes, afin de rembourser les factures accumulées pendant l'année. Si on m'impose en plus une taxe sur le carbone, cela ajoutera 30 000 $ à ma liste de dépenses.
    En février, je me suis retrouvée dans une salle avec 400 autres producteurs. Notre rôle consistait à nous lever lorsqu'une question posée s'appliquait à nous. La première question était: « un membre de votre famille ou un ami s'est-il déjà suicidé? » Quatre-vingt-dix pour cent des gens présents dans la pièce se sont levés, et cela m'a brisé le coeur.
    Les agriculteurs éprouve des difficultés, non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Nous éprouvons des difficultés ainsi que des niveaux de stress, d'anxiété et de dépression élevés. Nous ne pouvons pas nous plaindre ni admettre que nous avons des difficultés parce qu'on nous dit d'être forts. On nous dit qu'il faut endurer. On nous dit que nous ne sommes pas de véritables agriculteurs si nous demandons de l'aide. Si nous cherchons à obtenir un traitement, nous risquons de nous voir refuser une assurance-vie ou de voir nos cotisations monter en flèche. Les compagnies d'assurance estiment que nous posons un risque plus élevé lorsque nous voulons nous soigner et chercher de l'aide.
    Nous ne dormons qu'entre trois et cinq heures lorsque la saison bat son plein — c'est-à-dire lors des semailles et de la récolte — et nous passons de nombreuses semaines sans avoir vraiment de temps pour nos familles et nos enfants. Nous passons plus de 15 heures par jour seuls à opérer de l'équipement agricole.
    Pendant ces heures de solitude, nous calculons notre bilan financier et nous nous faisons du souci quant à nos factures tout en nous isolant de plus en plus. Il arrive quelques fois que nos enfants nous accompagnent. Nous devons faire avec parce que nous n'avons pas accès à des services de garderie. Il arrive bien souvent que nous soyons bénévoles dans nos collectivités à titre de premiers répondants, qui se retrouvent sur des scènes d'accidents et qui doivent composer avec la mort d'amis et de membres de la collectivité.
    Cet été, un ami a publié un message selon lequel un agriculteur dans sa collectivité venait de se suicider. Je ne connaissais pas la personne, mais je me suis mise à sangloter à la table de la cuisine. Quand j'ai réfléchi sur la raison qui m'amenait à pleurer la mort de quelqu'un que je ne connaissais pas, j'ai été obligée d'affronter une crainte que je préférerais ignorer: c'est une angoisse qui surgit lorsque je ne peux pas entrer en communication avec mon époux. À ce moment-là, je crains qu'il ait possiblement baissé les bras face à l'anxiété et au stress constants liés à la ferme et à la nécessité de pourvoir aux besoins de notre famille.
    Les choses commencent à changer. Les producteurs commencent à s'ouvrir, mais ce n'est qu'un début. La stigmatisation entourant la santé mentale dans le secteur agricole continue d'être lourde. Nous avons besoin de nous entraider et de bénéficier du soutien de nos collectivités en plus des services offerts par nos systèmes de soins de santé. Qui plus est, nous devrions être en mesure de nous adonner à l'agriculture sans devoir trouver du travail à l'extérieur.
(1000)
    Merci pour votre temps. Merci de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Merci beaucoup, madame Reynolds, pour votre témoignage.
    Passons maintenant aux questions.
    Monsieur Dreeshen, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous nos invités.
    Moi aussi, je suis agriculteur. À l'heure actuelle, 80 % de nos cultures sont sous la neige. Cela permettra seulement de couvrir une petite partie des dépenses de base pour le mois, et ce ne sera pas suffisant pour le reste de l'année. Je sais exactement ce que vous vivez, de bien des façons.
    Honnêtement, les gens ne comprennent pas ce que tout cela signifie vraiment. Vous devez monter à bord d'une machine qui coûte 300 000 $. Vous êtes stressé. Vous dormez trois ou quatre heures par nuit, si bien que vous travaillez 18 heures par jour. Les gens ne semblent pas être conscients de ce que cela représente.
    Plusieurs études ont montré « Regardez... voici le revenu moyen d'un agriculteur; c'est l'argent qui rentre. » Ils ne comprennent pas les investissements. Ils ne comprennent tout simplement pas leur importance.
    Monsieur Stanford, vous avez parlé de certains types d'intimidation et d'autres problèmes, et de toute la frustration que vous ressentez face à tout cela. Ici, nous allons essayer de trouver des solutions. Vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur le stress que ressentent les gens qui ne sont pas prêts à avancer ou qui ne comprennent pas pourquoi il faut avancer.
(1005)
    Il existe bien des degrés différents de tout cela. L'intimidation et le manque de compréhension se manifestent en ligne, de la part d'autres personnes que je connais très peu ou pas du tout. D'autres — et même des membres de ma famille — ne comprennent pas le stress et les difficultés que je traverse.
    Je crois que bien des producteurs ont plus de problèmes qu'ils n'en laissent paraître, même mon propre grand-père. Personne n'en avait entendu parler avant que je le signale, mais quand il était plus jeune que moi, dans la vingtaine, il a passé trois jours à l'hôpital à cause du stress. Il n'en avait même pas parlé à sa famille avant tout récemment. Je crois que c'est une bonne chose qu'on ait ces conversations et qu'on en parle. Plus on en parle, plus ce sera facile pour tout le monde de comprendre. Mais à l'heure actuelle, nous faisons face à un mur d'incompréhension.
    Mehgin, vous venez d'un mode de vie différent et vous avez décidé de devenir agricultrice. Plus tôt, au cours d'une des discussions que nous avons eues, certains ont exprimé leur frustration, disant que l'agriculture se faisait attaquer. Elle se fait attaquer par différents types de militants. Je ne vais pas passer la liste en revue, car vous savez très bien qui ils sont. Ce que nous devons faire, c'est trouver une façon de commencer dans les écoles pour voir comment nous pouvons trouver des solutions.
    J'ai été enseignant pour financer ma passion pour l'agriculture. Je vois des groupes scolaires qui envoient des lettres pour dire que nous devons sauver les abeilles et que nous devons donc nous assurer de nous débarrasser des néonicotinoïdes. Ils ne comprennent tout simplement pas.
    Comment peut-on se rendre dans les collectivités et les régions urbaines pour que les gens aient une meilleure idée de notre travail? On pourrait peut-être ensuite commencer à parler des effets de tout cela sur les producteurs.
    Oui. À l'heure actuelle, la plupart des Canadiens sont à trois générations d'écart de la ferme de leurs ancêtres. Il y a un énorme décalage. J'en faisais moi-même partie.
    Nous avons besoin d'une initiative nationale. À l'heure actuelle, nous avons « Agriculture in the Classroom » en Saskatchewan. L'Alberta essaie d'implanter le même programme. Mais il n'y a rien de coordonné. Ce que j'ai remarqué récemment, c'est qu'il y a une perte de confiance entre, d'une part, le consommateur, l'agriculteur et les compagnies auprès desquelles nous achetons nos produits et Santé Canada, d'autre part. Toute l'affaire du glyphosate se déroulait aux États-Unis. J'ai participé aux débats et j'applaudissais: « Regardez, Santé Canada a examiné la question en 2017 ». Mais les gens ne le croient pas. Ils ne font pas confiance aux organes de réglementation qui examinent ces questions.
    Il faut trouver une façon de sensibiliser les jeunes dans les salles de classe, partout au Canada, car nous savons que la meilleure façon d'influencer les gens de mon âge ou plus âgés, c'est de passer par leurs enfants ou leurs petits-enfants qui leur rapportent l'information ensuite. Il faut agir à l'échelle nationale. Nous pouvons peut-être travailler avec Santé Canada pour y parvenir, pour créer quelque chose qui soit compatible avec les programmes scolaires; pour que ce soit facile pour les enseignants — car il faut que ce soit facile pour eux, comme vous le savez. Nous pouvons essayer de rétablir la confiance des deux côtés, avec les agriculteurs et aussi avec le gouvernement et Santé Canada.
    Je crois qu'il faut également encourager les gens à en parler. Plus tôt aujourd'hui, un groupe nous a dit qu'il envoyait des professionnels sur le terrain — ils ont appelé cela une « run de lait » — pour aller chez les agriculteurs voir comment ils vont. Le groupe en question était basé au Québec. Je me suis demandé s'il n'y aurait pas une façon de s'en inspirer dans d'autres régions. Est-ce que ce genre d'initiative fonctionnerait dans votre collectivité? Le fait d'avoir des professionnels qui comprennent l'agriculture et qui se rendent auprès de divers groupes, communautés ou agriculteurs pour leur venir en aide?
    Sean a parlé de l'utilisation de FaceTime avec un thérapeute. Je sais qu'il existe des thérapeutes qui font cela en ce moment. Je pense que ce serait plus la voie à suivre.
    Un des problèmes liés aux préjugés, c'est que même si nous avions ces services dans ma petite localité de 375 âmes, il est certain que 99 % des gens ne les utiliseraient pas, car ils ne veulent pas que leurs voisins sachent qu'ils les utilisent.
    Il faut que cela puisse être discret, si c'est ce dont la personne a besoin.
    Merci.
    Merci, madame Reynolds.
    Merci, monsieur Dreeshen.
    La parole est maintenant à M. Peschisolido.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    J'aimerais tout d'abord dire que je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Vous n'êtes pas des échecs. Vous n'êtes pas faibles. Vous êtes probablement les témoins les plus forts que j'aie jamais entendus en comité. Je vous félicite. Ce que vous faites pour changer cette stigmatisation est tout simplement remarquable. Je suis de tout coeur avec vous et je vous remercie pour ce que vous faites.
    Vous avez parlé de certains défis. Monsieur Stanford, vous avez parlé d'une application concernant la santé mentale. Cela a piqué ma curiosité. Pouvez-vous nous en parler davantage?
(1010)
    À ma connaissance, il n'y a pas de telles applications qui existent, à moins que je n'en sois pas au courant.
    Être en mesure d'identifier quelques-uns des problèmes ou des sentiments que les gens ont peut les mener sur la bonne voie s'ils ont un trouble de santé mentale, que ce soit un peu d'anxiété, une forme de dépression, du stress, ou autre. S'il existait un aide-mémoire, par exemple, où vous deviez cocher des cases à savoir si vous ressentez ceci ou cela, au moins quelqu'un saurait si vous passiez simplement une mauvaise journée ou si vous aviez de plus grands problèmes nécessitant de l'aide de la part d'un professionnel.
    Vous avez parlé de l'aide professionnelle et comment vous composez avec les services professionnels. Les soins de santé et la prestation de services relèvent des provinces. Ces services sont offerts dans les collectivités. Pouvez-vous nous dire ce que nous pourrions faire pour améliorer la donne? Donnez-nous simplement plus de détails. Je pense que vous avez tout à fait raison. Il s'agit d'une des choses que nous devons régler.
    Pour ce qui est des soins de santé offerts par les médecins et les infirmiers, la situation est plutôt bonne dans ma région. Il faut simplement voyager un peu pour se rendre à un hôpital ou une clinique. Ce n'est pas trop grave.
    Le problème a à voir avec les autres services, comme avoir accès à un psychologue ou un thérapeute. Pour ces services, la liste d'attente est très longue, et ces services semblent être très coûteux. J'estime qu'il faut donc se concentrer davantage là-dessus.
    Peut-être faut-il que ces spécialistes reçoivent plus de formation afin d'être plus proactifs dans ce domaine, ou peut-être faut-il qu'il y ait plus de thérapeutes. Il semblerait que la plus grande lacune soit dans le domaine de la santé mentale. Pour ce qui est des médecins et des infirmiers, je crois comprendre que les choses semblent bien aller.
    Vous avez également parlé de l'isolement. Je ne peux pas comprendre parce que je ne suis pas agriculteur, mais j'ai parlé à pas mal d'agriculteurs de ma région, qui ont également soulevé ce problème, dans différents domaines. Il y a Bruce May, qui a travaillé dans le domaine des canneberges et des petits fruits, et il y a Steve Easterbrook, qui a travaillé avec des poulets, des poules et du bétail.
    Que pouvons-nous faire? Qu'est-ce que la société, particulièrement le gouvernement fédéral, peut faire pour s'attaquer au problème de l'isolement?
    C'est une question assez difficile. Internet peut grandement aider. Je connais Megz depuis un certain temps. Nous nous sommes rencontrés sur les médias sociaux et nous sommes devenus amis. L'accès à une bonne connexion Internet en région où nous sommes isolés m'a grandement aidé. Pour certaines personnes, cela peut sembler banal, une simple commodité, mais pour nous, c'est devenu presque indispensable, seulement pour demeurer en contact avec le monde extérieur.
    Le monde a beaucoup changé. Il y avait des soirées de danse de comtés ou des fêtes quelques fois par mois. Cela n'est plus le cas. Il y a beaucoup moins d'agriculteurs et de gens en région qu'auparavant. Nous sommes moins nombreux dans certaines régions, nous sommes plus dispersés, il faut donc trouver une autre façon de rester en contact les uns avec les autres. Très souvent, les seuls qui nous comprennent sont les autres producteurs agricoles.
    Madame Reynolds, vous avez parlé du coût des intrants, des semences et autres. Pourriez-vous nous en dire davantage?
    Je ne sais pas pourquoi le Canada occupe la deuxième place dans le monde. Le Japon est le seul pays qui nous devance. Ma ferme se trouve en Saskatchewan, où nous avons de grandes mines de potasse, cela me laisse donc pantoise.
    Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons changer. Si nous voulons obtenir les meilleures cultures, les seules choses que nous pouvons contrôler pour qu'elles atteignent leur plein potentiel sont les intrants et la façon dont nous nous occupons des semences.
(1015)
    D'accord.
    Comme Sean l'a dit, nous ne pouvons contrôler la météo. Nous pouvons toutefois contrôler nos intrants, et cela nous coûte très cher.
    Nous devons être très positifs dès le départ et nous dire que même si nous commençons en période de sécheresse, les choses vont changer. Si nous traitons notre culture avec des herbicides, des fongicides et des insecticides pour tuer les mauvaises herbes afin qu'il n'y ait pas de compétition, et que la météo change, soudainement nous avons une récolte. Si nous ne nous sommes pas occupés de notre culture, nous n'aurons pas une bonne récolte.
    Nous utilisons ces intrants en espérant que nous aurons la température dont nous avons besoin, mais il est fort probable que ce ne soit pas le cas. Cette année, nous avons reçu plus de six centimètres de pluie. Nous avons connu une année de sécheresse, et non une bonne année de récolte. Nous dépensons en espérant que nous récupérerons cet argent, mais souvent ce n'est pas le cas.
    Comme Sean l'a dit, Internet en région rurale doit être vu comme une ligne terrestre. La ligne terrestre était une nécessité. Au fédéral, on s'est assuré qu'il y ait des lignes terrestres partout. Il y avait une subvention pour s'assurer que ce soit le cas. Maintenant, c'est l'approche que nous devons adopter à l'égard d'Internet en région rurale, non seulement pour la connectivité, mais aussi pour nos affaires. On fait maintenant des affaires en agriculture.
    Merci, madame Reynolds. Merci, monsieur Peschisolido.
    Monsieur MacGregor, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Comme mon collègue l'a dit, je vous trouve courageux de témoigner devant un comité parlementaire qui est télévisé.
    Vous avez dit que la stigmatisation est toujours bien présente dans votre communauté. Je suis convaincu que par le fait d'être ici et d'exprimer votre opinion, vous engagez le dialogue. Je sais que beaucoup d'agriculteurs se disent qu'ils ressentent la même chose que vous.
    Dans d'autres professions, comme dans les forces armées et dans le domaine des premiers répondants, il existe une culture de virilité où il faut tout simplement composer avec les problèmes. La donne est toutefois en train de changer. On a vu l'incidence de cette culture sur les membres du personnel. Les gens ne peuvent être efficaces au travail.
    Vous savez cela si vous êtes premier intervenant ou pompier volontaire. J'ai des amis qui font la même chose. Je viens d'une collectivité rurale. Souvent, mes amis sont les premiers arrivés sur les lieux d'un accident de la route, et ils pourraient très bien y reconnaître quelqu'un de la communauté.
    J'aimerais commencer en vous remerciant d'être venus aujourd'hui.
    Il y a tant de facteurs que les agriculteurs ne peuvent contrôler.
    Une de nos forces, surtout au gouvernement, c'est d'essayer d'atténuer les problèmes qui surviennent. Si une tempête de grêle balaie vos récoltes, est-ce que les programmes de gestion des risques de l'entreprise qui sont offerts arrivent à répondre à vos besoins? Ces programmes sont-ils adéquats? Quelles améliorations pourrions-nous apporter pour donner aux agriculteurs un filet de sécurité leur permettant de surmonter une situation difficile?
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Il existe certains programmes.
    Nous avons connu une sécheresse l'an dernier et nous n'avons pas eu une bonne récolte, mais nous ne nous sommes toutefois pas qualifiés pour obtenir une indemnité de l'assurance-récolte. Je cotise pourtant à ce programme tous les ans. Mais compte tenu de la sécheresse que nous avons vue dans certains champs cette année, il semble que je serai indemnisé.
    Je crois que les critères pour présenter une demande d'indemnité sont trop généraux ou qu'ils devraient favoriser les producteurs plutôt que les compagnies d'assurances. Peu importe le type d'assurances qu'on choisit, on peut tout de même perdre de l'argent si on tient compte de tous les intrants.
    Comme Megz l'a dit, les intrants sont coûteux. Si on n'obtient pas de remboursement d'assurance, on se demande pourquoi on cotise au programme. On ne peut même pas faire ses frais lorsqu'on connaît une mauvaise année.
    Je comprends.
    Je pense qu'il faut examiner cette question d'un peu plus près.
    Le programme Agri-stabilité ne fonctionne pas vraiment pour moi ou pour un agriculteur qui veut prendre de l'expansion ou qui en est à ses débuts. On peut dire que nous sommes des agriculteurs de quatrième génération, mais au fond mon mari est reparti à zéro deux ans avant mon arrivée. Nous sommes comme des agriculteurs de première génération si on tient compte de notre risque et de notre dette. Une grande partie de notre équipement et de nos terres constitue une dette et ce n'est pas un facteur qui entre en jeu dans le programme Agri-stabilité. Tel qu'il est structuré à l'heure actuelle, ce programme ne nous aide pas à gérer le risque pour notre entreprise.
    Concernant l'assurance-récolte, je ne suis pas sûre qu'on puisse améliorer la situation, mais de nouvelles compagnies privées font leur entrée sur le marché, comme Global Ag Risk. Le type d'assurances qu'elles offrent est très intéressant pour nous, mais les cotisations sont trop élevées puisque ces compagnies ne sont pas subventionnées. J'aimerais bien que nous puissions appliquer les subventions provinciales et fédérales à l'assurance qui, selon nous, profite le plus à notre entreprise.
    Je vous remercie.
    Vous nous avez aussi fait part de problèmes de transport. Plus tôt cette année, des représentants du CN et de CP Rail sont venus nous expliquer les difficultés qu'ils éprouvaient pour expédier nos récoltes vers les marchés. Je viens de l'île de Vancouver, où on peut voir que les problèmes se répercutent tout le long de la chaîne.
    Des navires de marchandises sont ancrés un peu partout. L'infrastructure portuaire ne peut simplement pas répondre à nos besoins en matière d'exportation vers les marchés asiatiques. Les compagnies de chemin de fer nous ont assuré qu'elles avaient un plan et qu'elles y travaillaient, mais tous les groupes d'agriculteurs qui ont témoigné ensuite ne les croyaient pas. Six mois plus tard, y a-t-il quelque chose qui donne de l'espoir à votre avis? Que pourrions-nous faire de plus? Nous avons adopté le projet de loi C-49, mais y a-t-il de bonnes nouvelles à l'horizon dans ce domaine en particulier?
(1020)
    C'est ce que j'espère. J'ai participé à des téléconférences là-dessus avec le CN, qui est à pied d'oeuvre. Tout dépendra de ce dont quoi l'hiver aura l'air et de la façon dont le CN mettra son plan en oeuvre. Je pense que pour les agriculteurs de l'Ouest canadien et surtout ceux de la Saskatchewan qui sont complètement enclavés, il faudra le voir pour le croire.
    Nombre de témoins nous ont parlé d'un décalage entre le consommateur et l'agriculteur. À l'épicerie, les gens n'associent pas automatiquement les aliments avec leur provenance et la façon dont ils sont produits. Je pense que nous ne valorisons pas suffisamment les agriculteurs dans notre société. Que pouvons-nous faire de plus pour changer ce manque de reconnaissance? Est-ce que les producteurs de grains du Canada ou les organisations provinciales cherchent à conscientiser les écoliers? Les producteurs tentent-ils d'aider la population à valoriser les produits fantastiques qui se retrouvent dans leurs assiettes?
    Je crois qu'il sera crucial d'agir en éducation et de trouver quelque chose de fédéral, et pas seulement provincial, pour proposer des programmes qui, on l'espère, auront un effet.
    En Europe, on fait des choses dans ce domaine. Au Royaume-Uni, on organise des vidéoconférences sur FaceTime entre les agriculteurs et les classes d'élèves, ce qui me semble être une excellente idée. Cela permet de tisser des liens de confiance avec ces agriculteurs. On communique, on pose des questions. Il sera intéressant de voir ce que Santé Canada veut faire au chapitre de l'étiquetage, en créant un label de durabilité pour la nourriture. Il faudra être prudent, car lorsque je cultive mes terres en Saskatchewan sans labourer, j'ai beaucoup moins d'humidité qu'un agriculteur qui fait pousser du blé au Manitoba.
    Merci, madame Reynolds. Nous devons enchaîner.
    Monsieur Drouin, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur MacGregor.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Stanford et madame Reynolds, merci pour vos témoignages.
    Pour ce qui est de la stigmatisation, je crois que vos témoignages, aujourd'hui, nous permettent de briser ces obstacles.
    J'aimerais parler des médias sociaux. Monsieur Stanford, puisque vous êtes un agriculteur de quatrième génération et que vous y étiez, vous vous souvenez probablement de l'époque où il n'y avait pas de médias sociaux, quand vous donniez un coup de main à votre père ou à votre mère. Comment vivez-vous face aux pressions des médias sociaux?
    M. Dreeshen a parlé des défenseurs des droits des animaux qui militent en ligne et des pressions exercées par la société. Quand vous cultivez vos terres, chez vous, vous êtes en quelque sorte isolé, mais en même temps, le monde entier fait pression sur vous. Parlez-moi de cette situation. Cela a-t-il eu des effets sur vous?
    Oui. Avant, cela me dérangeait beaucoup plus que maintenant, car il y a des gens qu'on ne ferait jamais changer d'avis. Certains militants en faveur des droits des animaux continueront toujours de penser que les producteurs agricoles ou les éleveurs sont les pires personnes au monde. Il y a un groupe de gens qui se situent au milieu de tout cela, qui essaient de s'y retrouver et de décider si ce sont les agriculteurs ou PETA qui disent la vérité.
    Tout ce que je puisse faire... Même sur mes propres médias sociaux, j'adore parler de mon histoire et partager des photos de mon exploitation. Je fais de mon mieux. Je parle de mon expérience, et si les gens ont des questions là-dessus, ils peuvent me les poser, et j'y répondrai en toute honnêteté. Je suis là. Manifestement, je n'ai rien à cacher. Je suis prêt à répondre à toutes les questions sur mon exploitation et ma production.
    En ce qui me concerne, le Canada produit les aliments de la meilleure qualité et les plus sains au monde. Je ne vois absolument pas pourquoi on devrait avoir honte ou avoir peur de répondre à des questions là-dessus.
    Exactement.
    Vous nous avez dit que lorsque vous aviez partagé votre histoire, vous aviez été victime d'intimidation. La semaine dernière, un témoin nous a confié la même chose, mais nous a dit qu'après un certain temps, la communauté avait fini par se rallier à lui. Sentez-vous la même chose? Je pose la même question à Mme Reynolds, au cas où elle voudrait aussi y répondre.
    Oui, absolument. C'est bien différent aujourd'hui. La santé mentale en agriculture commence tout juste à devenir un sujet important. Cela commence maintenant à avoir un effet boule de neige.
    Si j'en avais parlé il y a quelques années, j'aurais fait l'objet de beaucoup plus de pression, et on m'aurait posé beaucoup plus de questions du type « que faites-vous? », ou « que pensez-vous de telle chose? » Maintenant, les choses commencent à changer. Les gens commencent à comprendre et se disent: « Et, nous connaissons aussi un certain nombre de ces problèmes. Ce n'est pas la peine d'amener cette personne à bout parce que nous éprouvons un certain nombre des mêmes problèmes; c'est simplement que nous ne le savions pas » ou « peut-être que nous pouvons tous collaborer afin de résoudre ces problèmes ».
    Je ne suis pas fou. C'est simplement que, de temps en temps, j'ai besoin d'aide pour me reprendre en main. Ce n'est pas la fin du monde. Les gens commencent enfin à le comprendre.
(1025)
    Dans votre collectivité, avez-vous mis sur pied un groupe communautaire ou ce n'est qu'à nous que vous racontez votre histoire aujourd'hui?
    J'ai parlé individuellement à un grand nombre de gens à la maison. Il n'existe pas forcément de groupe en tant que tel, mais je parle à toutes sortes de gens, qu'il s'agisse de producteurs agricoles, de mes anciens camarades d'école ou d'autres gens de la collectivité. Nous en parlons ouvertement, mais il n'existe pas forcément de groupe d'entraide.
    Dans votre déclaration, vous avez indiqué qu'une certaine application pourrait être utile à une certaine partie de la population qui peut ressentir le besoin d'obtenir de l'aide. L'un des aspects que nous examinons est la façon dont le gouvernement fédéral peut vous aider.
    Les provinces assurent la prestation de services, mais du point de vue du marketing, pensez-vous que l'Association canadienne pour la santé mentale a déployé suffisamment d'efforts pour cibler les producteurs et normaliser le fait de parler de santé mentale? Avez-vous une opinion?
    En fait, je n'ai pas vu grand-chose à ce chapitre. Ce dont on entend le plus parler en matière de santé mentale est ce que fait la Do More Agriculture Foundation en Saskatchewan. Il s'agit d'un excellent groupe qui sert pratiquement d'intermédiaire entre l'Association canadienne pour la santé mentale et les producteurs. Un grand nombre d'agriculteurs ou de producteurs ne savent pas vraiment à qui s'adresser pour trouver des renseignements. On pourrait établir un lien plus direct avec les producteurs. Il suffit simplement de savoir nous aiguiller pour pouvoir nous parler directement.
    Dans les grandes organisations, on met souvent en place un système de pairs pour former les nouveaux membres de l'organisation à identifier ceux qui pourraient avoir des besoins en santé mentale. Pensez-vous qu'un système de pairs pourrait être utile dans votre collectivité?
    Une fois encore, madame Reynolds a indiqué que la discrétion était extrêmement importante, ce sur quoi je suis certainement d'accord. Pensez-vous que cela serait utile?
    C'est ce que Do More Ag tente de faire. En ce moment, cette organisation a un partenariat avec la FAC afin d'offrir les premiers soins en santé mentale dans les collectivités rurales. C'est un énorme pas en avant, car on peut se trouver à un endroit où on est en mesure de se dire: « D'accord, il nous faut en parler. Peut-être que nous devrions obtenir de l'aide », mais souvent les gens ne se rendent pas compte qu'ils sont rendus à ce point. Si vous n'avez pas reçu de formation de premiers soins en santé mentale, ce n'est pas quelque chose que vous savez reconnaître.
    Les gens avec lesquels nous faisons affaire le plus souvent sont peut-être les plus à même de servir de point de contact, les autres agriculteurs lorsque nous sommes très occupés, ou nos banquiers. Il est important que ceux-ci sachent reconnaître que j'ai des difficultés et que j'ai peut-être besoin d'aide. Former les gens aux premiers soins en santé mentale dans les collectivités rurales pourrait, si cela est possible, être vraiment essentiel.
    Merci, madame Reynolds.
    Merci.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Drouin.
    Monsieur Poissant, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Ceux que vous nous livrez aujourd'hui constitueront la base de notre étude. Il faut savoir exactement ce qui se passe sur le terrain, et vous êtes le mieux placés pour nous le dire étant donné ce que vous avez vécu.
    Pour ma part, j'ai été agriculteur dans une ferme laitière pendant 40 ans. J'ai aussi fait face à certaines difficultés. On a parlé tantôt des ralliements d'agriculteurs et du plaisir que nous avions ensemble. Je me rappelle que, pendant ma jeunesse, nous parcourions un kilomètre dans le rang avec les vaches. Les gens étaient patients. Nous vivions d'une belle agriculture paisible. Nous pouvions assister à la messe le dimanche matin et nous asseoir sur le perron le dimanche après-midi pour discuter avec les gens.
    La réalité n'est plus du tout la même aujourd'hui. J'ai peur qu'il y ait un point de rupture. J'aimerais savoir comment vous entrevoyez l'avenir de notre agriculture.

[Traduction]

    Je ne sais pas si nous avons nécessairement dépassé le point de non retour. Il est certain que l'agriculture a changé. Les exploitations agricoles sont de moins en moins nombreuses, mais semblent de plus en plus grandes. Comme vous l'avez indiqué, il y a de moins en moins de producteurs individuels que vous pouvez rencontrer avec vos collègues agriculteurs sur le parvis de l'église ou dans le cadre d'une visite ou d'une activité.
    Nous devons établir un meilleur contact avec les producteurs dans les mêmes situations. Étant donné que nous sommes moins nombreux, peut-être qu'il nous faut aller plus loin pour trouver le même groupe de gens, le même nombre de gens. Comme je l'ai dit, les médias sociaux et l'Internet en milieu rural aident énormément.
    Je sais que dans ma région, il existe un grand nombre de colonies huttérites qui ne s'associent pas vraiment, sur le plan social, à un grand nombre d'autres agriculteurs. Cependant, elles occupent une importante partie des terres, ce qui fait qu'il y a de moins en moins d'exploitations agricoles individuelles dans ma région.
    Les choses changent. Je ne crois pas que tout soit perdu d'avance; il faut simplement modifier notre façon de penser.
(1030)

[Français]

     Merci beaucoup.
    Vous avez dit plus tôt être employé dans une ferme. Vous venez du milieu agricole. Votre employeur doit être au courant de ce que vous vivez.
    Vous offre-t-il un bon soutien?

[Traduction]

    En fait, je suis propriétaire de ma propre exploitation et suis donc mon propre employeur.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Ma femme me surveille d'assez près. Elle est assez présente. J'exploite ma ferme aux côtés de mon père, qui s'est avéré une bonne source d'aide depuis que j'ai abordé un certain nombre de ces sujets avec lui. Il n'en comprend pas non plus vraiment tous les détails.
    Les choses sont différentes lorsque vous travaillez à votre compte dans le sens où c'est à vous qu'il revient de prendre toutes ces décisions. Cela est beaucoup plus stressant que d'être, par exemple, un simple employé ou quelque chose comme cela. Je ne veux pas dire qu'il est moins stressant d'être employé, mais je sens très clairement beaucoup plus de poids sur mes épaules à titre de propriétaire agricole.

[Français]

    Vous avec parlé des temps d'attente en matière de services. À ce sujet, je peux vous donner l'exemple de mon fils, qui s'est cassé une main lors d'un accident à la ferme. À l'hôpital, on affichait un temps d'attente de 24 heures. Il n'a pas pu attendre. Il a dû retourner faire ses travaux à la ferme. Avec le bétail, on ne peut pas se permettre d'être absent.
    Comment pourrait-on recommander que, dans le cas des producteurs, les temps d'attente soient raisonnables, qu'il s'agisse d'un problème physique ou psychologique?

[Traduction]

    Pour ce qui est des délais d'attente dans les hôpitaux pour des blessures physiques, cela change selon les endroits, manifestement, en fonction de la population. Du côté de la santé mentale, il pourrait s'écouler six mois avant que je puisse voir un thérapeute ou un psychologue. Selon moi, il y aurait des choses à améliorer du côté de la santé mentale.
    Comme l'a dit Sean, je suis aussi pompière bénévole et, par le biais de la caserne de pompiers, je peux obtenir un rendez-vous dans la semaine. J'aimerais bien que quelque chose de ce type soit mis en place partout au Canada.

[Français]

    Je vous remercie.
    Nous avons tous été jeunes. Avant de s'engager dans le domaine de l'agriculture, est-on vraiment conscient de ce qui nous attend? Pour ma part, je le savais dès le début, mais ce n'était pas l'agriculture d'aujourd'hui.
    Lorsque vous avez décidé de vous engager dans ce domaine, comment avez-vous vécu cela?

[Traduction]

    La décision a été difficile, je suppose, mais en même temps facile. Je savais que ce ne serait pas une vie de tout repos, que je travaillerais de longues heures, mais c'était ce que je voulais vraiment faire.
    Si vous y croyez vraiment, si cela vous tient à coeur, la décision est nettement plus simple, je suppose. Ce qui est difficile, c'est d'affronter certaines des difficultés en cours de route, mais je ne changerais pas ce que je fais pour tout l'or du monde. J'apprécie beaucoup de mener mes affaires comme bon me semble, de prendre soin des terres et de produire une culture. C'est spécial.
    Merci, monsieur Stanford.

[Français]

     Merci, monsieur Poissant.

[Traduction]

    Maintenant, M. Motz et M. Shipley, sauf erreur.
    À vous, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux pour le courage dont vous faites preuve aujourd'hui en témoignant ici, en relatant votre histoire, en parlant au nom d'un secteur dont les difficultés ne sont pas toujours bien comprises.
    Je sais que les gens qui grandissent à la campagne comptent les uns sur les autres. C'est la seule ressource disponible, en fait. Selon vous, cette structure communautaire basée sur l'entraide est-elle une aide pour la santé mentale?
(1035)
    Oui, c'est un atout mais, comme je l'ai dit, la structure n'est plus tout à fait ce qu'elle était. Je ne me rappelle même pas quand a été organisée la dernière soirée dansante, alors que, autrefois, elles étaient vraiment fréquentes.
    Effectivement.
    Je ne me rappelle pas la dernière fois que j'ai eu l'occasion de m'asseoir avec quelques personnes du coin et de boire un café ou une bière, quelque chose. Les temps ont changé. Au lieu d'être toujours en bons termes les uns avec les autres, les agriculteurs sont presque en compétition de nos jours.
    Cela limite la possibilité de faire part de ses propres difficultés.
    Effectivement. C'est bien observé. Cela limite les possibilités, surtout avec la compétition pour les terres, comme je l'ai dit. La compétition pour acheter des terres agricoles chez nous est tellement aiguë qu'on est parfois repoussé par un voisin ou peut-être contrarié par quelque chose qu'il a fait. De ce fait, il est un peu plus difficile d'avoir une communauté soudée, il me semble.
    Il y a aussi une question de sensibilisation parce que si quelqu'un se casse la hanche, on n'a aucune difficulté à organiser un roulement pour préparer des repas et les lui apporter. Et si une personne n'est pas en mesure de conduire un tracteur, on s'organise pour l'aider à récolter. Par contre, quand c'est une question de santé mentale, les gens ne savent pas vraiment quoi faire. Ils ne savent pas comment aider. Ils ont peur de se mêler de quelque chose qui ne les regarde pas. Ils ont peur de traiter quelqu'un comme un faible ou comme une personne incapable de faire face aux choses.
    Je pense qu'il faut vraiment une sensibilisation parce que, si vous êtes au fond de la dépression, si quelqu'un venait vous aider à rentrer votre récolte ou vous apporter votre souper, ce serait super. Mais vu les préjugés liés à la maladie mentale, les gens évitent de faire ce genre de choses. Ils ne veulent pas s'immiscer. Nous ne savons simplement pas comment leur venir en aide.
    Merci pour vos réponses.
    J'ai eu l'occasion, hélas, au cours de ma carrière, de voir beaucoup de personnes aux prises avec des soucis de santé mentale. Certains finissent devant les tribunaux. D'autres mettent malheureusement fin à leurs jours. Les répercussions sur une communauté sont dévastatrices. Nous le savons tous.
    Au vu de vos expériences, auriez-vous des mesures ou des recommandations à suggérer au comité? Dans nos comités, en tant que leaders locaux, devrions-nous partager plus de ressources et rassembler les gens? Comment le faire de façon efficace dans une communauté agricole? Comment est-ce que cela fonctionne?
    Vous nous avez fait part de certains des défis. Quelles suggestions auriez-vous pour améliorer les choses?
    Je pense qu'il serait bon d'avoir des premiers soins en santé mentale et d'en informer les gens. Une bonne part des gens ne savent même pas que la santé mentale est une de nos réalités quotidiennes et qu'elle comporte toutes sortes de degrés. Il faut bien mieux sensibiliser les gens sur cette question.
    Peut-être qu'une application, quelque chose qui nous permettrait de... Disons que je suis coincée dans ma moissonneuse-batteuse parce que c'est la période de la récolte, mais que j'ai besoin d'une écoute. J'ai mon téléphone. S'il y a une application et s'il y a un thérapeute au bout du fil, cela devient possible. Ce serait une façon d'être présents dans nos bureaux, pour ainsi dire, quand on en a besoin.
    Je vous remercie pour vos commentaires. J'aurais une dernière petite question, avant de laisser la parole à M. Shipley.
    Il y a parfois un écart entre les décisions prises par un gouvernement et leurs répercussions sur les gens visés par ces mêmes décisions.
    L'été dernier, les changements fiscaux annoncés par le gouvernement actuel se sont avérés avoir des répercussions majeures sur les agriculteurs et les exploitations agricoles. Au vu des réactions dans vos collectivités et de vos propres expériences à cette occasion, pourriez-vous expliquer les répercussions que cela a eu sur vous personnellement et sur vos collectivités?
    Sans nul doute, les coûts de production ont augmenté. L'engrais, le carburant et bon nombre de produits dont nous avons besoin sont devenus plus chers, cela ne fait aucun doute. En contrepartie, nous n'avons pas généré plus de recettes à partir de notre récolte. Les nouvelles taxes n'ont eu pour résultat que de miner nos profits, de réduire notre bilan, de sorte que nous avons dû trouver de nouvelles façons d'économiser pour générer les mêmes recettes ou éviter de faire faillite.
    Cela a été très difficile. Ce l'est toujours et c'est une lutte sans fin. L'Alberta nous a également imposé de nouvelles taxes, et il semble qu'il est de plus en plus difficile de joindre les deux bouts. Nous devons faire preuve d'innovation. Puisque nous ne pouvons changer les taxes ou les éliminer, nous devons tout de même trouver une façon d'être rentables et de générer des profits.
    Pour ce qui est de la relève en agriculture, bon nombre d'exploitations agricoles au Canada — 90 % — sont des exploitations familiales. Il faut se demander comment léguer ce patrimoine à la prochaine génération. Une exemption de gains en capital de 1 million de dollars n'est pas suffisante. Il suffit de songer au coût des terres agricoles pour se rendre compte que ce n'est pas suffisant.
    Pour nous, le transfert d'une exploitation familiale n'est pas un transfert de richesse, mais plutôt de dettes. C'est un transfert de dettes que nous devrons rembourser pendant toute notre vie.
(1040)
    Merci.
    Vous avez 30 secondes.
     Mehgin, dans votre déclaration liminaire, vous avez dit avoir participé à une réunion où se trouvaient 400 personnes qui avaient indiqué à hauteur de 90 % environ qu'elles connaissaient quelqu'un s'étant suicidé. C'est un grand rassemblement de personnes. Je ne sais pas de quel type de réunion il s'agissait, mais il en ressortira peut-être quelque chose sous forme de conseil ou d'orientation qui pourrait nous être utile? Le cas échéant, pourriez-vous nous transmettre cette information?
    Malheureusement, monsieur Shipley, nous n'aurons pas le temps.

[Français]

     Monsieur Breton, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins de leur présence aujourd'hui. Nous apprécions que des gens sur le terrain viennent au Comité. Cela nous aide à bien comprendre la situation, à trouver des solutions et à faire des recommandation pour les aider dans l'avenir.
    On sait que le travail d'un agriculteur est un travail très solitaire. L'agriculteur a sa famille et ses amis autour de lui, mais il n'a pas toujours de collègues ou de patron sur lesquels s'appuyer. Il est son propre patron.
    Je ne sais pas si vous étiez ici tout à l'heure, quand le premier groupe de témoins a comparu. Parmi eux se trouvaient des représentants d'un organisme qui fait de la prévention grâce à ce qu'on appelle des travailleurs de rang. Ces gens, qui sont des psychologues ou des travailleurs sociaux, rendent visite aux producteurs agricoles de façon aléatoire pour leur expliquer les services qu'ils peuvent leur offrir.
    Quand il ne se sent pas bien, un agriculteur n'a pas toujours le temps de consulter quelqu'un. Des professionnels vont chez l'agriculteur et lui posent des questions, et ils voient avec lui quels services ils pourraient lui offrir.
    Avez-vous accès à ce genre de service? Serait-il intéressant pour vous qu'une organisation offre des services de ce genre dans votre province?

[Traduction]

    À ma connaissance, il n'y a aucun rassemblement semblable qui existe à l'heure actuelle. Cela pourrait constituer une excellente source d'information, même s'il ne s'agissait que de réunir les gens dans un centre communautaire afin qu'ils sachent l'aide qui leur est offerte, ce qui existe comme programme et quelles seraient les prochaines étapes. Elles n'auraient peut-être pas besoin de révéler qu'elles discutent avec un thérapeute, mais cela pourrait servir à obtenir davantage d'information.
    Vous avez raison, bien des gens ne sont pas forcément bien renseignés.
    Il n'y a rien de ce genre où j'habite en Alberta, du moins à ma connaissance. Sinon, j'en aurais appris l'existence, j'en suis sûr.
    Je pense que c'est une bonne idée. Je ne sais pas quelle est la répartition des communautés agricoles au Québec mais, en Alberta, les exploitations sont réparties sur une grande superficie, de sorte que ce serait en quelque sorte un défi logistique de se déplacer pour visiter un si grand nombre de fermes. Toutefois, j'aime bien l'idée.

[Français]

    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Nous avons beaucoup apprécié vos témoignages. Nous sentons que vous êtes passionnés. Nous vous encourageons à poursuivre votre beau travail.
    Merci, monsieur Breton.

[Traduction]

    Merci, monsieur Stanford et madame Reynolds, d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui.
    L'information que vous nous avez donnée est précieuse. En tant qu'agriculteur moi-même, je connais ces problèmes. On parle souvent d'une courbe en cloche. Du point de vue statistique, j'ai figuré des deux côtés du tableau. J'apprécie votre perspective. Je sais qu'elle sera utile pour nous aider à trouver des façons de mieux servir la population agricole.

[Français]

    Je vous remercie tous.

[Traduction]

    C'est tout le temps que nous avons. Nous nous reverrons à la prochaine séance du comité.
    La séance est levée.
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