Passer au contenu
Début du contenu

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

[Français]

    Nous reprenons notre étude sur les défis en santé mentale auxquels font face les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs canadiens.

[Traduction]

    Nous accueillons ce matin Andrew Campbell, partenaire chez Bellson Farms.
    De Gestion agricole du Canada, nous accueillons Heather Watson, directrice générale
    Nous entendrons également des représentants de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, Keith Currie, son président, et Peter Sykanda, analyste des politiques agricoles.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins.
    Nous entendrons d’abord les déclarations préliminaires des témoins, qui auront chacun six minutes.
    Monsieur Campbell, c’est à vous.
    Bonjour. C’est pour moi un grand honneur et un grand plaisir de m’adresser à vous aujourd’hui, aux côtés de trois chefs de file du secteur agricole, pour parler d’un problème de grande importance qui, malheureusement, plane sur le monde agricole depuis des décennies.
    Dimanche soir, j’étais sur notre ferme dans le Sud de l’Ontario en train de traire les vaches avec mon père. Les enfants s’occupaient à déplacer du foin à l’aide d’un tracteur à pédales. Le coucher du soleil était magnifique. Nous venions de rentrer une bonne récolte de soya. Je réfléchissais à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui qui aurait un effet positif.
    Je songeais à ma bonne fortune. Mais quand il est question de santé mentale, bien des gens pensent que la bonne fortune devrait suffire. Nous avons la chance de travailler entourés des beautés de la nature, de travailler avec nos familles, ordinairement à partir de notre domicile, et sans patron sur le dos.
    Cependant, les mêmes éléments qui nous apportent ces moments de joie peuvent, bien sûr, changer. Le jeu des facteurs naturels peut nous être contraire. Les pluies printanières seront-elles tellement abondantes qu’elles retarderont les semailles au point de compromettre le rendement des cultures? La vague de chaleur incommodera-t-elle les vaches assez pour qu’elles mangent moins et produisent donc moins de lait? Des facteurs humains jouent également. Mes semaines de travail de 90 heures et plus me nuisent-elles dans mon rôle de père et de mari? Les décisions que je pourrais prendre ce mois-ci se solderont-elles par des pertes telles que je risquerai non seulement mon avenir comme agriculteur, mais aussi l’épargne-retraite de mes parents, presque entièrement immobilisée dans cette ferme?
    Il n’est pas facile de trouver le juste équilibre entre le bien et le défi. Cela tient souvent à des questions financières ainsi qu’à des risques qui échappent complètement à notre volonté. De mauvaises conditions météorologiques se répercutent sur le rendement des cultures. Un rendement moindre signifie un revenu moindre, quelles que soient les dépenses, pour la plupart engagées en début de saison. Un conflit commercial entre deux pays étrangers peut se traduire par une chute du cours des céréales avec, encore une fois, des répercussions sur nos revenus. Songez également aux taux d’intérêt, aux accords commerciaux, aux conditions de croissance au Brésil, aux prix du lait au Wisconsin, à la demande de viande en Asie, aux prix de l’acier qui entre dans la machinerie agricole, et ainsi de suite. Ces facteurs qui échappent à notre contrôle en agriculture font que nous passons des nuits blanches à nous demander si nous serons en mesure de régler tous nos comptes avant la fin de l’année. Comme si le stress sur le plan financier ne suffisait pas, ajoutez à cela la culpabilisation liée à la priorité à accorder à la famille, à l’entreprise agricole ou au travail hors ferme. En dernier lieu, il faut tenir compte de la stigmatisation. C’est déjà assez difficile pour le grand public, mais c’est beaucoup plus présent dans les régions rurales où il est attendu que l’agriculteur donne l’image d’un individu fort et silencieux, impassible devant le mauvais sort.
    Voilà les problèmes. Quelles sont les solutions?
    En premier lieu, il faut dire qu’il y a beaucoup de choses qui fonctionnent. Le fait qu’il y ait des programmes pour aider à partager les coûts d’exploitation et de planification financière, ainsi que de planification de la relève, est essentiel. S’il n’y a pas de planification, s’il n’y a personne pour guider une famille dans des discussions difficiles, le stress augmente de façon exponentielle. Ayant moi-même vécu cela, je sais que la capacité d’étaler ces coûts permet au moins d’atténuer l’un des nombreux facteurs de stress.
    De solides programmes de gestion des risques et d’assurance apportent un allégement, car, même si la situation devait se corser, il y a au moins un filet de sécurité pour aider à prévenir la perte de toute la ferme. Pour nous et pour bien d’autres, elle comprend la maison où nous élevons notre famille. Cela ajoute à la pression.
    En s’attaquant à la stigmatisation et en voyant de plus en plus d’associations et d’organismes — et, bien sûr, votre comité — mettre la question à l’avant-plan, on fait savoir aux gens qu’il ne leur est pas nécessaire de maintenir cette image forte et silencieuse. J’espère que le mouvement de déstigmatisation continuera de prendre de l’ampleur. Cependant, il y reste des choses à faire.
    Dans un monde où les services et les communications en ligne ne cessent d’évoluer, nous devons nous assurer que les agriculteurs suivent le rythme. Je sais à quel point il est bénéfique de pouvoir parler aux enfants ou à un voisin quand j’ai à passer des jours en isolement dans la cabine de mon tracteur. Mais il faut que la connectivité nécessaire soit assurée dans les zones rurales même très éloignées pour que les agriculteurs puissent parler.
    De toute évidence, il ne peut pas y avoir un professionnel de la santé mentale, surtout un professionnel ayant une expérience de l’agriculture, dans toutes les collectivités rurales. Le fait de pouvoir parler par vidéoconférence aide les agriculteurs à cantonner la discussion dans la vie privée de leur foyer, un point qui les préoccupe. Cela leur permet d’éviter des heures de déplacement. Il est facile — ou du moins plus facile — pour eux d’accepter l’aide, mais ils ont besoin pour cela de cette connectivité.
    Nous devons tous être conscients de l’effet de nos paroles. On m’a accusé en ligne d’être un meurtrier. Ma femme s’est fait demander pourquoi elle restait avec quelqu’un qui viole des animaux. Il y a des publicités et des étiquettes sur le marché qui, pour faire valoir la supériorité de leurs produits, laissent entendre que la façon dont je pratique l’agriculture est à l’origine de beaucoup des problèmes de santé dans la population.
    Il y en a même qui ne cessent de répéter que ma famille est en quelque sorte égoïste et âpre au gain, tout simplement parce qu’elle cherche à faire ses frais à la fin de l’année. Lorsque vous entendez sans cesse ce discours, vous savez sans doute qu’il est faux, mais vous savez aussi qu’il pèse sur tout le monde dans l’entreprise agricole. La négativité engendre la négativité.
    Nous devons tous nous en tenir aux mots d’encouragement et aux efforts pour remonter les gens qui risquent de défaillir. Ayant moi-même traversé des périodes difficiles, je sais que même un modeste dépliant ou une simple parole offrant de l’aide peut apporter beaucoup à une personne en difficulté.

  (0850)  

    Cela étant dit, à un niveau global, il s’agit d’un problème que nous ne pouvons résoudre en une seule réunion. Il faudra du travail; il faudra investir; il nous faudra tous marcher dans la même direction si nous voulons sauver des vies, des familles et des entreprises. Toutes ces questions sont en jeu.
    Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Campbell.
    Il me semble, monsieur Currie, que vous alliez aussi faire une déclaration préliminaire de six minutes. Allez-y.
    Merci.
    Bonjour. Je m’appelle Keith Currie. Je suis président de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario et je suis accompagné aujourd’hui de Peter Sykanda, notre principal conseiller en politiques pour la santé des agriculteurs. Au nom de la Fédération et des 38 000 familles d’agriculteurs qui la composent, je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de vous parler de ce sujet.
    La communauté agricole montre un intérêt sans précédent pour les efforts de sensibilisation aux problèmes de santé mentale et de soutien aux personnes touchées. Nous sommes très heureux que le Comité de l’agriculture prenne le temps d’étudier cette question de la plus haute importance.
    La Fédération de l’agriculture de l’Ontario appuie fortement la préparation d’initiatives et l’adoption de mesures pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale dans la communauté agricole. En définitive, notre objectif est de collaborer en vue d’éliminer les obstacles qui existent pour les agriculteurs dans le besoin et, à partir de là, de favoriser la résilience à long terme en santé mentale.
    Au cours des dernières semaines, vous avez beaucoup entendu parler de ces obstacles. Je suis donc certain que vous comprendrez qu’ils sont complexes et multidimensionnels.
    Même si les choses vont mieux qu’avant, l’obstacle de la stigmatisation demeure très présent dans les collectivités rurales. On a toujours l’impression que les problèmes de santé mentale sont des affaires personnelles et ne doivent pas être discutés ouvertement. Nous pouvons commencer à abattre cet obstacle par une communication et une sensibilisation accrues relativement aux problèmes de santé mentale au sein de la communauté agricole, en amorçant la discussion et en faisant en sorte que les gens se sentent à l’aise de chercher de l’aide sans crainte d’être jugés.
    Il y a un obstacle de l’accès aux ressources. Nos membres, ainsi que les travaux de recherche récents, nous disent que les agriculteurs ont besoin de ressources adaptées aux réalités de l’agriculture, mises en œuvre par des gens qui parlent leur langage et qui comprennent la spécificité du milieu agricole. Nous avons besoin d’efforts de recherche, de formation et de promotion de la santé mentale dans tout le système agricole, y compris, mais sans s’y limiter, les fournisseurs d’intrants agricoles, les conseillers agricoles et les inspecteurs gouvernementaux, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce sont ces gens qui sont le plus souvent en contact avec les agriculteurs et à qui ceux-ci font le plus souvent appel.
    Nous soutenons sans réserve les travaux d’Andria Jones-Bitton et de l’Université de Guelph, et nous savons, grâce aux travaux d’Andria, que les agricultrices éprouvent des niveaux de détresse mentale plus élevés que leurs collègues masculins. La poursuite des efforts de recherche, la préparation et la diffusion de matériel portant sur les défis propres aux agricultrices sont également nécessaires de toute urgence.
    Dans les régions rurales, les services de santé mentale et les praticiens sont peu nombreux. Bien que les lignes d’écoute téléphonique soient importantes, il faut poursuivre la recherche et l’innovation quant à l’offre de services de santé mentale qui fournissent aux agriculteurs et aux résidants des régions rurales des soutiens opportuns et fondés sur des données probantes.
    En dernier lieu, un obstacle crucial est celui de la durabilité. Dans le passé, des programmes et services de santé mentale ont été offerts aux agriculteurs dans le sillage de diverses crises résultant d’effondrements de marchés et d’autres événements difficiles. Cependant, ces interventions ne durent pas longtemps et le soutien accordé diminue à mesure que le problème se résorbe ou que les fonds prévus s’épuisent. Nous avons besoin d’une approche stratégique, durable et à long terme pour nous attaquer aux problèmes continus de santé mentale. La prise en compte de la santé mentale ne peut se limiter aux périodes de crise. C’est un enjeu réel dans le quotidien des familles agricoles.
    Une première étape majeure dans l’élimination de bon nombre de ces obstacles consisterait à établir un réseau canadien pour la santé mentale des agriculteurs, avec son centre principal à l’Université de Guelph. Ce réseau, pour peu qu’il soit bien soutenu, offrirait une approche durable à long terme pour coordonner les capacités des universitaires et des praticiens de partout au pays, pour diriger la recherche participative et le transfert des connaissances de ceux qui sont les mieux informés de la condition des agriculteurs et pour élargir les programmes de sensibilisation par les pairs fondés sur des données probantes et adaptés aux besoins des milieux agricoles canadiens. Ce réseau établirait une approche stratégique pour s’attaquer aux problèmes existants et émergents, offrant une voie vers le bien-être mental et la résilience à long terme des agriculteurs canadiens.
    Devant la crise des opioïdes, ce serait de la négligence de notre part de ne pas profiter de l’occasion que nous avons aujourd’hui pour mettre en lumière le lien entre la maladie mentale et la consommation de substances toxicomanogènes. Des recherches récentes parrainées par l’American Farm Bureau Federation ont mis en évidence les graves répercussions des opioïdes et de la toxicomanie en général dans les régions rurales aux États-Unis. Nous n’avons aucune raison de penser que les résultats éventuels puissent être différents au Canada.
    Bien entendu, il y a différents enchaînements de causalité qui expliquent le lien entre les problèmes de santé mentale et la toxicomanie, y compris l’automédication pour des maladies mentales diagnostiquées ou non. Malheureusement, l’accès à un traitement efficace et abordable des problèmes de toxicomanie est souvent restreint dans les régions rurales.
    Le traitement des troubles concomitants de santé mentale et de toxicomanie nécessitera un soutien étendu et une approche collaborative de la recherche, de la formation et des interventions empiriques par des spécialistes. Compte tenu du lien entre la toxicomanie et les troubles de santé mentale, nous exhortons le Comité à examiner ces deux questions de concert.

  (0855)  

    J’aimerais terminer en remerciant les membres de notre communauté agricole, comme Andrew, qui ont eu le courage de se faire entendre pour aider à briser la stigmatisation. Nous espérons que leur message amènera beaucoup d’autres — qui sont stressés, déprimés, isolés, en difficulté ou craintifs — de demander le soutien dont ils ont besoin.
    Nous remercions les membres du Comité de leur temps. Nous serons heureux de répondre à leurs questions.
    Merci, monsieur Currie, de votre déclaration.
    Madame Watson, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité, d’avoir invité Gestion agricole du Canada à comparaître devant vous aujourd’hui pour discuter de questions relatives à la santé mentale dans le milieu agricole canadien.
    Nous sommes le seul organisme national sans but lucratif voué à l’excellence en gestion des entreprises agricoles pour tous les agriculteurs du Canada. Pour ce faire, nous élaborons et offrons aux agriculteurs des programmes de développement des compétences en affaires et des occasions d’apprentissage. Nous sommes très heureux de traiter du sujet d’aujourd’hui, car nous constatons un lien symbiotique inhérent entre la santé mentale et la gestion des entreprises agricoles.
    L’agriculture est une activité unique en son genre. Elle diffère de tous les autres types d’exploitation. Le foyer familial et les souvenirs prennent racine, littéralement, dans la ferme et l’entreprise agricole. Les agriculteurs ne peuvent tout simplement plier bagage et recommencer ailleurs quand les choses vont mal. Les agriculteurs sont confrontés comme jamais auparavant à des risques et à des incertitudes, qui sont d’origine naturelle ou qui tiennent à l’évolution des marchés et de la réglementation, dont beaucoup échappent à leur contrôle. La confiance du public et l’acceptabilité sociale exercent maintenant davantage de pression sur les agriculteurs.
    Le stress est la réaction humaine au changement, en particulier les changements qui causent de l’inquiétude, de la frustration, de la confusion et un sentiment de perte de maîtrise. Nos agriculteurs sont extrêmement stressés. Le stress peut nous accabler au point de compromettre notre santé physique et mentale. Les signes physiques comprennent un rythme cardiaque accéléré, des maux de tête et des troubles du sommeil. Les signes mentaux comprennent la difficulté à se concentrer et à prendre des décisions. Les signes émotionnels comprennent un sentiment d’anxiété, d’agitation ou de dépression. Les signes comportementaux comprennent la nervosité, les comportements compulsifs et le bâclage. Le bâclage augmente les risques, entre autres, sur le plan de la sécurité à la ferme, de la gestion du travail, de la santé et du bien-être des animaux.
    Lorsqu’il est question d’agriculture, les effets de la santé mentale vont au-delà de l’individu. L’entreprise doit poursuivre ses activités. L’équipe doit être dirigée. Il faut nourrir les animaux, gérer les cultures et traire les vaches. Nous devons tenir compte non seulement de la santé mentale du gestionnaire de la ferme, mais aussi de celle des membres de l’équipe, ainsi que de la façon dont le gestionnaire et l’équipe sont équipés pour assurer une bonne santé mentale. Il y a donc un lien inhérent entre la santé mentale et la gestion de la ferme.
    Nous avons récemment terminé une étude avec nos collègues d’Agri-Food Management Excellence qui porte sur les retombées de CTEAM, un programme national de formation pour les entreprises agricoles. À la fin du programme, un plan d’affaires stratégique pour leur entreprise est remis aux participants. Nous avons demandé aux anciens participants de faire rapport sur les répercussions du programme: les répercussions financières, y compris la gestion des bénéfices et de la dette, les répercussions sur les activités, notamment sur le processus décisionnel, sur la mesure du rendement et sur le réseautage avec des spécialistes, ainsi que les répercussions personnelles, y compris la confiance dans les décisions de gestion, la capacité d’établir des priorités, de donner une orientation claire et de comprendre la dynamique personnelle afin de mieux diriger les gens et mieux communiquer. Fait intéressant, les réponses ont révélé que, aux yeux des participants, les répercussions personnelles l’emportaient largement sur les répercussions commerciales et financières.
    Les pratiques de gestion de l’entreprise agricole aident à réduire les risques et à accroître la certitude et la confiance. Grâce au processus de planification des activités, les agriculteurs acquièrent une vision et apprennent à se fixer des objectifs réalistes. Ils apprennent aussi à refuser. Ils évaluent les risques et les possibilités qui pourraient se présenter en cours de route et mettent en place des mesures pour atténuer et gérer ce qui relève de leur contrôle et ce qui y échappe. La planification consolide l’équipe de la ferme en créant un réseau de soutien comprenant la famille, les partenaires d’affaires et les conseillers. Le plan constitue un phare pour se guider dans les moments difficiles.
    C’est ainsi que la gestion d’une entreprise agricole facilite le conditionnement mental, réduit le stress et ses conséquences physiques, mentales, émotionnelles et comportementales.
    Nous sommes heureux de pouvoir explorer davantage le lien entre la santé mentale et la gestion d’entreprise. Dans un premier temps, nous organiserons une discussion en groupe sur la santé des fermiers et des fermes à notre prochaine conférence sur l’excellence en agriculture afin de faire ressortir l’importance de la capacité et de la croissance personnelles pour la réussite de l’entreprise agricole. Nous prévoyons également commanditer une étude nationale au cours de la prochaine année. Nous chercherons des partenaires qui apporteront les fonds de contrepartie nécessaires pour obtenir le soutien d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.
    Nous sommes heureux de voir la santé mentale à l’ordre du jour. En 2005, nous avons participé à une initiative nationale axée sur la santé mentale en agriculture. Cette initiative comprenait la mise sur pied d’un réseau canadien de lutte contre le stress en milieu agricole, ainsi que la création d’un site Web spécialisé et la publication de dépliants d’information. D’autres activités ont été proposées, notamment un sommet national sur le stress, une stratégie nationale et une ligne d’écoute téléphonique nationale pour lutter contre le stress à la ferme, ainsi que des services de soutien, assurés par des pairs et des professionnels, adaptés aux agriculteurs et aux familles agricoles. Le travail d’Au coeur des familles agricoles, au Québec, était considéré comme un modèle à reproduire à l’échelle nationale. ACFA, dont vous entendrez les représentants jeudi, je crois, fait des visites à domicile avant que les agriculteurs soient en situation de crise et offre une maison d’hébergement aux agriculteurs et à leur famille qui sont surmontés par le stress.
    Malheureusement, il a été impossible d’obtenir des fonds suffisants pour poursuivre le travail du réseau. Certaines des idées pourraient éventuellement être reprises.
    Voici, en résumé, nos recommandations.
    En premier lieu, nous recommandons de créer une communauté nationale de pratique, d’établir un réseau national pour guider les efforts et en faire le suivi, d’appuyer la préparation d’initiatives nationales, y compris un sommet sur la santé mentale, une ligne d’écoute téléphonique pour le stress en milieu agricole et un centre de ressources, et de soutenir la collecte et l’analyse de données sur les incidents de santé mentale dans les régions rurales.
    En deuxième lieu, nous recommandons d’accroître l’accès à l’aide nécessaire, d’allouer plus de ressources afin d’avoir, sur le terrain, des travailleurs en santé mentale, de donner aux professionnels de la santé mentale une meilleure compréhension de l’agriculture et de former et d’éduquer les agriculteurs sur les moyens d’assurer une bonne santé mentale, pour eux-mêmes et leurs travailleurs. La formation en premiers soins en santé mentale est une excellente initiative.

  (0900)  

    En troisième lieu, il faut s’occuper des jeunes. La moitié de toutes les maladies mentales se manifestent dès l’âge de 14 ans. Nous devrions appuyer les initiatives visant à améliorer le soutien en santé mentale pour les jeunes.
    Nous ne craignons pas d’affirmer que nous pensons que les agriculteurs méritent un traitement spécial. Les agriculteurs ne font pas que nous nourrir — vous, moi et le reste du monde —, ils sont au coeur de notre économie, de la gérance de l’environnement, de la santé publique et du développement communautaire. Ils ont besoin de notre aide et nous devons agir.
    Dans un marché mondial en constante évolution et de plus en plus complexe, l’agriculteur doué pour les affaires est en mesure de faire face au changement avec confiance et de saisir les occasions qui se présentent, traçant une voie sûre pour une croissance durable et la prospérité tout en maintenant une bonne santé mentale. Bien qu’il s’agisse d’un objectif ambitieux, l’acquisition et le perfectionnement de compétences en affaires doivent être reconnus comme un catalyseur de la bonne santé mentale et un complément essentiel à la gestion des risques.
    Monsieur le président, membres du Comité et invités, je vous remercie de votre attention.
    Merci, madame Watson.
    Sur ce, je salue les membres du Comité et les inviterai à amorcer la ronde de questions.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. C'est un sujet qui nous amène à beaucoup réfléchir. En effet, chaque témoignage que nous entendons nous fait réfléchir un peu plus.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais d'abord souligner la présence parmi nous de Mme Fayah Najeeb, qui est une stagiaire du programme Women in House de l'Université de Toronto.

  (0905)  

[Traduction]

    Elle est avec nous aujourd’hui. J’espère que toutes nos discussions lui seront utiles et qu’elle pourra rentrer à Toronto avec plein de bonnes idées sur l’agriculture.
    Bienvenue.

[Français]

    Monsieur Campbell, je crois que vous avez mis le doigt sur un point assez important, à savoir l'ensemble des facteurs avec lesquels les agriculteurs doivent composer pour mener leurs activités. C'est une réalité dont le commun des mortels n'est pas conscient.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus et nous dire pourquoi les marchés mondiaux et la météo affectent davantage les agriculteurs que les citoyens qui travaillent dans une entreprise et qui reçoivent régulièrement leur paie chaque semaine? J'aimerais que vous nous disiez exactement comment vous vous sentez, en tant qu'agriculteur, quand vous écoutez le bulletin météorologique, par exemple.

[Traduction]

    Eh bien, cela dépend du jour. C’est le premier défi. Comme vous l’avez souligné, je ne pense pas qu’il s’agisse nécessairement d’un seul facteur.
    La difficulté à laquelle je suis confronté, et je sais que d’autres le sont aussi, c’est la cumulation des facteurs. Si le temps est pluvieux, ordinairement nous l’acceptons, car il faut bien que la pluie tombe un jour ou l’autre. Mais si les prix baissent alors que les taux d’intérêt augmentent et qu’il faut en même temps remplacer une pièce de machinerie qui coûte 25 % de plus qu’auparavant, tout cela commence à faire boule de neige.
    Tôt ou tard survient un problème qui constitue un point de rupture. Ce point de rupture est probablement différent pour chaque agriculteur. Le fait qu’il arrive à ce point à tel moment de sa vie ne résulte probablement pas du dernier problème survenu; c’est probablement à cause de tout ce qui a fait boule de neige jusqu’à ce moment-là.

[Français]

    En ce moment, qui appelez-vous lorsque les choses vont mal?

[Traduction]

    Je vous dirai franchement que, pour une part, il faut laisser passer une nuit et réfléchir à la situation ou encore, malheureusement, se verser un verre solide à la fin de la journée. Quelque chose du genre est certainement, à tort ou à raison, l’un de mes mécanismes d’adaptation.
    Comme je l’ai déjà dit, je me souviens que…
    Je veux savoir à qui vous faites appel.
    Voici un exemple. Disons que je suis en train de labourer un terrain détrempé; je suis plus stressé et j’appelle le voisin d’en face qui fait exactement comme moi. Nous faisons le va-et-vient, puis nous nous assoyons pour parler, mais probablement pas du tout de nos cultures. Il se pourrait que nous en parlions au tout début, mais la conversation passe ensuite rapidement à nos enfants.
    C’est juste un moyen de penser à autre chose que nos difficultés. C’est vraiment le seul mécanisme que j’ai trouvé. Je me demande qui d’autre a le même réflexe bête que moi; je pourrais voir comment ils s’en sortent.

[Français]

    Autrement dit, un réseau d'agriculteurs qui vivent les mêmes problèmes peut vous aider. Cependant, y a-t-il des ressources pour vous soutenir lors de périodes extrêmement difficiles?

[Traduction]

    Je ne les connais pas. Je n’en ai aucune idée. Je ne pourrais pas vous dire quelles sont ces ressources.
    Comme je l’ai dit, les ressources sont celles que nous nous sommes données au sein de notre groupe d’amis agriculteurs en qui nous avons confiance et avec qui nous échangeons. Pour l’essentiel, c’est tout ce que nous avons.

[Français]

    Toutefois, quand il y a une crise ou une situation difficile, tous les membres du réseau y font face. Vous faites tous face au même problème en même temps.

[Traduction]

    Oui, tout à fait.

[Français]

    Autrement dit, vous demandez à des gens qui sont aussi déprimés que vous de vous aider à faire face à une situation déprimante.

[Traduction]

    Oui, c’est exactement comme ça que nous faisons.
    Monsieur Currie, quel est le rôle qu’exerce votre organisme pour résoudre de telles situations?
    Eh bien, je peux parler d’expérience concrète, parce que non seulement je suis représentant de l’organisme, mais je suis aussi un exploitant agricole. Andrew a raison de dire que nous avons tendance à garder les choses sous le couvert.
    Je vais étoffer un peu ce qu’il a dit. Il y a trois générations de sa famille qui travaillent sur sa ferme. Je suis de la huitième génération sur la mienne. Il y a un sentiment de déception que nous éprouvons également. Nous ne voulons pas aboutir à un échec. Nous devons d’abord aller au-delà de cette stigmatisation pour comprendre que c’est correct, que la météo est bien sûr un facteur, que nous sommes, en tant qu’agriculteurs, preneurs et non fixeurs de prix, et donc à la merci des variations du marché sur lesquelles nous n’avons aucune prise et que les décisions des gouvernements qui influent sur les marchés se répercutent sur nous. Ce sont tous des facteurs sur lesquels nous ne pouvons rien.
    Je sais qu’Andria Jones-Bitton vous a fait un exposé il y a quelques semaines. Nous avons beaucoup travaillé avec elle. Elle représente un groupe de personnes. Elle est vétérinaire de profession. Ce sont plutôt les vétérinaires, les vendeurs d’aliments pour animaux et les gens qui viennent régulièrement dans nos fermes qui sont les interlocuteurs de nos membres. Nous avons donc établi des contacts avec leurs associations afin de trouver des moyens de travailler ensemble pour faire savoir à nos membres qu’il n’y a pas de honte à être malade, que ce n’est pas de leur faute et que ce n’est pas leur problème.
    J’en fais l’expérience avec ma propre fille, qui souffre d’anxiété depuis des années et qui réussit à composer avec ce problème. Vous savez, il n’y a pas beaucoup d’endroits où aller.

  (0910)  

    Merci.
    Je suis désolé. Je dois tenir compte du temps. Vous aurez peut-être l’occasion de terminer plus tard. Ne vous sentez pas offusqué si je vous interromps.
    J’y suis habitué. Cela m’arrive souvent à la maison.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci.

[Français]

    Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Andrew, je veux simplement dire que j’ai assisté à l’une de vos conférences ou allocutions à la Table pancanadienne de la relève agricole il y a deux ans, en 2017. J’ai pensé que le point de vue que vous avez apporté en publiant une photo par jour et la leçon que vous en tirez...
    Je me demande si vous avez eu ces conversations avec les générations précédentes au sujet des différentes pressions qui pèsent sur le monde agricole de nos jours et du stress mental qui peut être nocif quand quelqu’un qui se trouve, vous savez, à 10 000 milles fait du trollage sur Twitter ou Facebook. Parallèlement, est-ce que les jeunes agriculteurs s’adressent à vous par les médias sociaux pour vous demander de l’aide et vous dire: « Hé, je ne me sens pas bien aujourd’hui. Comment vont les choses? »
    En fait, je reçois pas mal de messages de gens qui sont, pour tout dire, harcelés en ligne. C’est probablement ce genre de message que je reçois le plus souvent. Ces gens ont adopté ce moyen de communication afin d’aider de leur mieux les consommateurs à comprendre ce qu’ils font, pourquoi ils le font, comment ils le font, et tout le reste. Malheureusement, si quelqu’un arrive — comme je l’ai déjà dit — avec des commentaires assez méchants, la plupart des gens encaissent, sachant qu’il s’agit de trollage. Mais si, tout à coup, un organisme quelconque coordonne son approche, chaque fois que vous ferez une mise à jour, vous recevrez une douzaine de nouveaux messages vous condamnant pour les choses terribles que vous faites.
    Cela finit par peser sur l’agriculteur, qui peut soudainement se trouver dans une situation difficile et se dire alors: « Je veux bien faire. Je veux aider les gens à comprendre ce que je fais, mais — devinez quoi — que je prenne une photo ou non, les vaches vont quand même produire du lait. Est-il vraiment utile de me mettre dans cette situation? » Dans ces cas, j’essaie au moins de discuter pourquoi nous en sommes arrivés là, de la façon dont nous continuons à nous en sortir... Il ne s’agit aucunement d’une aide professionnelle, mais nous espérons qu’elle leur permettra de traverser ce qui est habituellement une ou deux semaines difficiles.
    Excellent. Merci Andrew.
    Monsieur Currie, en ce qui concerne la stigmatisation et la façon dont nous abordons cette discussion avec les agriculteurs, la Fédération de l’agriculture de l'Ontario prévoit-elle organiser ou d’offrir de la formation à certains de ses directeurs ou directeurs régionaux? Je pose la question, parce qu’ils sont assez souvent en interaction avec les agriculteurs. Nous savons que, du côté de l’école secondaire, il y a eu des mouvements populaires qui commencent à dire: « Il me semble que telle personne se sent mal. Je vais la mettre en contact avec un spécialiste en santé mentale. »
    Oui, nous avons récemment donné de la formation à nos représentants du service aux membres. Nous avons aussi créé le poste de coordonnateur des capacités, dont le titulaire travaille avec nos représentants du service aux membres et nos fédérations de comtés. Nous en sommes aux premières étapes, et c’est une zone sensible. Tout le monde n’est pas toujours ouvert à l’idée de recourir à eux, même si c’est probablement nécessaire. Nous faisons tout ce que nous pouvons avec nos capacités limitées pour nous assurer que notre personnel est au moins formé pour comprendre ou essayer de reconnaître quand une personne a un problème. Dans de tels cas, notre personnel peut éventuellement essayer de déterminer avec elle à qui il faut s’adresser, que ce soit un médecin de famille ou une infirmière, la personne qui peut s’avérer le meilleur intervenant en l’occurrence. Oui, nous faisons ce genre de travail.
    Merci.
    Heather, bienvenue au Comité. Je connais la formation et les séances que vous offrez par l’entremise de votre organisme. Je suis, surtout récemment, dans une région de production laitière et je reçois donc tous les jours ou tous les mois des appels d’agriculteurs se plaignant de la baisse du prix du lait. Mais il y a aussi des agriculteurs qui m’appellent pour dire: « Eh bien, sur cinq ans, nous nous en tirons assez bien. » C’est comme le marché boursier. Mon planificateur financier dit: « Si vous êtes trop stressé, ne suivez pas la bourse au jour le jour. Regardez le long terme. »
    Sachant cela, différents agriculteurs absorberont différemment les niveaux et les effets du stress, et je pense que le stress financier est une cause majeure des problèmes de santé mentale. Comment votre organisme gère-t-il cela? Parlez-vous de santé mentale lorsque vous donnez des séances?

  (0915)  

    Oui, je pense que, par inadvertance, nous avons commencé à parler davantage de santé mentale. Nous ne l’avons peut-être pas appelé ainsi. Nous avons fait beaucoup de travail sur la planification de la transition et de la relève et nous avons réalisé un projet assez important au cours des deux dernières années pour réunir les générations d’agriculteurs de la même ferme et apprendre ensemble. Qu’est-ce qui nuit à la ferme? Qu’est-ce qui retarde le processus de transition? Où suis-je coincé? Vous vous rendez compte que le problème exige de faire de l’introspection et de se demander, par exemple: « Qu’est-ce qui me convient comme niveau de risque? Quelles sont mes plus grandes craintes? » Ensuite, il s’agit de mettre en place des mesures pour offrir un certain niveau de certitude et une certaine forme de « contrôle » sur ce qui se passe. Il s’agit d’examiner tous les scénarios qui pourraient s’appliquer à votre ferme. Quels sont les risques que vous pouvez atténuer en mettant en place certaines pratiques, comme la planification d’entreprise, des échanges périodiques avec la famille ou portant sur l’entreprise agricole? Vous verrez mieux alors quelles choses échappent à votre contrôle et ce que vous pouvez faire à ce sujet. S’il est vrai que la météo échappe à votre contrôle, vous aurez au moins réfléchi aux scénarios auxquels vous pouvez faire face. Quel est votre niveau de confort à cet égard? Comme vous avez fait la planification avec l’équipe agricole et en famille, vous devriez savoir quel est votre niveau de confort quant au scénario retenu et, par conséquent, quelles sont vos différentes options si ce scénario devait se produire? Ainsi, si les prix du lait chutent ou que les prix des produits de base s’emballent, peu importe, vous avez…
    Merci, madame Watson.
    Monsieur MacGregor, vous disposez de six minutes. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d’avoir comparu d’aujourd’hui.
    Monsieur Campbell, j’aimerais commencer par vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des campagnes négatives qui ciblent les agriculteurs. Les médias sociaux ont été à la fois une bénédiction et une malédiction. Ils vous permettent d’établir des liens avec de nombreuses personnes de votre profession. En tant que politiciens, nous savons certes ce que sont les campagnes de dénigrement, mais je pense que la différence c’est que nous nous y attendons en quelque sorte. Nous savons que lorsque nous adoptons une position politique, il y aura des gens qui ne seront pas d’accord. La différence avec les agriculteurs, c’est que ce n’est pas seulement votre travail, c’est ce que vous êtes qui est ciblé. C’est votre identité. Je pense que dans les témoignages précédents que nous avons entendus, des gens ne comprennent pas suffisamment la valeur que les agriculteurs apportent. Il y a un décalage entre le travail des agriculteurs et le produit final qui se retrouve sur les tablettes des magasins.
    Compte tenu de la capacité du gouvernement de faire collectivement ce que nous ne pouvons pas faire individuellement, pensez-vous qu’il y a des recommandations que nous devrions adresser au gouvernement fédéral pour tenter de promouvoir la valeur de ce que font les agriculteurs et de la faire comprendre au grand public, afin de vous aider, de vous donner ce mérite qui vous est dû?
    Je sais que la discussion qui a eu lieu autour de la table portait sur la confiance du public. Je ne suis pas sûr que les agriculteurs aient besoin de se faire dire: « N’est-ce pas que vous êtes formidables? Tant mieux pour vous. » Je ne pense pas qu’ils veulent forcément cette tape dans le dos. Ils cherchent simplement à ne pas être attaqués. Je pense que c’est vraiment à cela que ça se résume. Y a-t-il d’autres façons de renforcer la confiance du public de sorte que le consommateur, quand il est au magasin et choisit un article — et c’est bien qu’il puisse choisir —, il ne le fait pas nécessairement dans l’optique que tel autre article va le tuer ou lui causer un problème quelconque? Pouvons-nous simplement renforcer la confiance dans le système alimentaire? Dans le milieu agricole, je pense que cela serait très utile à beaucoup d’agriculteurs.
    Y a-t-il des mesures pratiques que le gouvernement fédéral pourrait prendre, une sorte de campagne, pour vous aider à cet égard?
    Il y en a probablement, et il existe même probablement des moyens de financer celles qui sont déjà en place. Il y a beaucoup d’organismes au pays qui agissent dans ce sens; même produit par produit, nous nous rendons compte qu’il y a un problème. Il y a sans doute du financement disponible, mais je pense qu’il faut aller plus loin et affirmer: « Nous faisons confiance à ces outils, à ces technologies. Ils ont été approuvés par des instances gouvernementales. » Quel que soit le rôle du gouvernement, il n’a qu’à se tenir debout et dire: « C’est sûr. Nous avons confiance en la valeur de cette technologie, de ces outils ». Ce serait déjà énorme comme déclaration.

  (0920)  

    C’est parfait. Merci.
    Monsieur Currie, je passe à vous. En tant que représentant de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, de la province la plus peuplée du Canada, vous avez certainement beaucoup plus d’exploitations agricoles que chez moi en Colombie-Britannique. Une observation constante que nous avons entendue concerne les variables qui échappent au contrôle des agriculteurs, en particulier les conditions météorologiques.
    La semaine dernière, le GIEC a publié un rapport qui montre que, suivant la tendance actuelle, nous nous dirigeons vers une ère de changements climatiques assez catastrophiques et que nous aurons à subir les effets de sécheresse, des inondations et des tempêtes de plus en plus fréquentes. Cela signifie qu’un enfant né aujourd’hui qui héritera de la ferme familiale dans 20 ou 30 ans sera au coeur de ce bouleversement.
    Dans le contexte de l’incidence que ces variables de plus en plus incontrôlables auront sur la santé mentale des agriculteurs, avez-vous des observations à formuler?
    Nous avons toujours dû composer avec la météo. Les agriculteurs considèrent que cela fait partie de leurs activités. Pour en revenir aux commentaires faits par Andrew dans son exposé, c’est ce qui se passe dans le présent qui nous stresse vraiment. Nous savons qu’il y aura des perturbations météorologiques, mais tant qu’elles ne nous frappent pas de plein fouet, nous ne les considérons pas comme un problème.
    Nous nous sommes très bien adaptés au fil du temps, mais, comme Andrew l’a souligné, il s’agit d’une cumulation de nombreux facteurs, dont la météo. Elle nous impose certainement la pression et le stress les plus immédiats, mais ce n’est qu’un point tournant par rapport à tous les autres stress cumulés.
    Nous allons devoir continuer de travailler avec les agriculteurs pour leur faire comprendre que les conditions climatiques changent et continueront de changer et qu’ils doivent s’y préparer et, par leurs pratiques agricoles, être prêts autant que possible à composer avec ces changements.
    C’est à peu près tout ce que nous pouvons faire, car, bien honnêtement, nous ne savons pas ce que dame nature nous prépare. Elle ne nous donne pas de ligne directe pour nous informer de ce qui se passe, et nous devons donc tâcher de préparer les gens au fait que des changements s’en viennent pour qu’ils soient mentalement prêts à y faire face.
    Quelle est l’importance accordée à la santé mentale au sein de la FAO? Je demanderai de plus, pour nous assurer de ne pas tous travailler en vase clos, de quelle façon le gouvernement fédéral peut vous aider à amplifier les résultats de vos efforts actuels et faire en sorte que nous puissions travailler de concert et mettre nos ressources en commun.
    Voilà une excellente question. Merci.
    La santé mentale a pris beaucoup d’importance ces derniers temps. Au cours des deux dernières années, nous avons organisé, dans le cadre de l’assemblée générale annuelle, des ateliers qui ont fait salle comble. Nous avons même dû refuser des gens qui voulaient plus d’information, qui voulaient savoir à qui s’adresser, qui ils pouvaient voir et s’ils étaient normaux. Il importe que les gens sachent qu’un problème de santé mentale n’est pas une honte, qu’il faut en parler et que c’est une maladie qui n’est pas imputable à la personne atteinte. Je pense que le fait de briser ce genre de stigmatisation est un important pas que nous devons faire.
    Il serait fantastique de financer le travail que fait Andria Jones-Bitton à l’Université de Guelph en vue de mettre éventuellement sur pied son réseau, parce que nous aurions alors un point de central où les gens pourront venir et d’où ils pourront partir. Il y a aussi d’autres personnes comme Heather qui font du bon travail.
    Merci, monsieur Currie.
    Merci, monsieur MacGregor.
    Monsieur Longfield, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous d’être venus nous parler de cette question. C’est toujours un plaisir d’avoir des gens de Guelph dans la salle.
    Keith et Peter, merci d’être venus.
    Je veux revenir sur ce qu’Alistair vient de dire. Comme la santé est un champ de compétence mixte, la FAO a envoyé une lettre au gouvernement provincial de l’Ontario pour demander de l’aide. Le gouvernement canadien a prévu 5 milliards de dollars pour la santé mentale dans le cadre de l’Accord sur la santé. Nous n’avions pas d’accord sur la santé avec les provinces et les territoires depuis longtemps; nous en avons un désormais.
    L’argent parvient-il à la province? Est-ce que nous mesurons correctement le succès? Quel défi, du fait de la compétence mixte, se pose au fédéral dans la prestation de services à votre organisme?
    Je m’adresse maintenant à Peter.
    Quant à savoir si nous avons obtenu des résultats dans ce domaine, comme nous l’avons mentionné dans notre déclaration préliminaire, il s’agit d’une question très complexe et à plusieurs volets, et il n’y a pas deux fermes identiques. Il faudra poursuivre la recherche pour en évaluer le succès et comprendre l’incidence que nous avons sur la santé mentale.
    Nous espérons qu’en travaillant avec Andria et d’autres, nous pourrons établir un réseau qui coordonnera l’expertise à l’échelle du pays. Beaucoup de gens font de l’excellent travail partout au pays, et nous aimerions que cela se fasse de façon stratégique et coordonnée, en particulier sur le long terme. Nous voulons que cela se produise.
    Dans le passé, comme nous l’avons mentionné, il y a eu des interventions en cas de crise, mais nous voulons que ce soit un effort à long terme et non une approche au petit bonheur où on procède différemment partout au pays.

  (0925)  

     Travaillez-vous avec les réseaux locaux d’intégration des services de santé? Nous avons le RLISS de Waterloo Wellington à Guelph et dans les environs. Est-ce le partenaire stratégique dont vous parlez?
    Nous serions ravis de travailler avec eux. Encore une fois, il y a d’excellentes ressources partout au pays que nous aimerions pouvoir coordonner, de la Commission de la santé mentale du Canada à d’autres personnes de l’Université de Waterloo. Il est certain que nous avons beaucoup à apprendre sur le plan de l’agriculture, ce qui, encore une fois, exige plus de recherche. Nous aimerions voir une meilleure approche à cet égard.
    C’est très bien. Merci.
    Andrew et Heather, j’ai une question conjointe. Je pensais à l’époque où j’ai démarré mon entreprise en 1986, et je me souviens à peine de 1987. C’était une année très stressante, car j’essayais de faire avancer les choses. Je pensais à mon grand-père qui est arrivé au Canada en 1920 comme forgeron et qui a commencé dans les régions rurales du Manitoba, qui s’est rendu dans toutes les fermes pour essayer de lancer son entreprise, puis il y a eu la crise des années 1930. Il s’est retrouvé au sanatorium de Brandon pendant six mois. Ma grand-mère avait cinq enfants. Elle était seule à la ferme, et elle ne touchait aucun revenu. Il n’y avait pas de soutien social, alors ils mangeaient des écureuils et tout ce qu’ils pouvaient trouver.
    Heather, dans votre exposé, vous avez parlé des répercussions sur les femmes. Les femmes font autant partie de la ferme que les hommes qui travaillent dans les champs. Pourriez-vous nous parler de l’impact sur la famille?
    Andrew, si nous en avons le temps, nous allons passer au démarrage d’entreprises.
    Oui, très certainement. Je pense que Keith serait d’accord avec moi pour ce qui est des femmes. Je crois que nous devons reconnaître que les femmes et les hommes doivent relever des défis différents. Les hommes ont le poids du monde sur leurs épaules. La femme joue souvent le rôle de médiatrice dans les conversations décisionnelles, essayant de faire en sorte que tout fonctionne, la famille aussi bien que l’entreprise, et essayant de préserver la cohésion. Dans les fermes, on parle beaucoup des veuves et des ressources dont elles disposent. Je pense qu’il est tout à fait logique de réserver un espace pour les femmes, et peut-être, grâce à la recherche dont Peter et Keith parlent, de déterminer ce qu’est la santé mentale, le rôle des femmes dans l’agriculture et ce que cela signifie.
    Je crois qu'il vaut la peine d’analyser tout cela, parce qu’il existe plusieurs éléments et un grand nombre de ressources que nous pourrions y consacrer. Il s’agit d’une question très précise que nous devons approfondir.
    Ma femme Barb m’a permis de mener à bien mon entreprise et elle m’aide maintenant dans ma nouvelle carrière. Sans stabilité à la maison, il n’y a pas de stabilité.
     Je vous en remercie.
    Andrew, j’essaie de réfléchir en fonction de mon expérience. Il ne s’agissait pas d’agriculture. Je n’ai pas eu connaissance de ce qui s’est passé sur les marchés. J’ai pu au moins aller chercher de nouveaux clients et exiger le prix que je voulais. Il existe beaucoup de variables incontrôlables et contrôlables. On peut consacrer un nombre limité d’heures à travailler dans les champs. Mais en collaborant avec des experts pour essayer d’améliorer votre productivité, examinez-vous les facteurs que vous pouvez et ne pouvez pas contrôler et essayez-vous d’en tenir compte en matière de gestion du stress?
    Oui, certainement. Heather a également parlé de la planification de certaines des choses qu’on peut contrôler. Premièrement, au début de notre exploitation agricole, nous avons eu cette discussion sur l’orientation à prendre pour être tous au même diapason. Deuxièmement, nous avons parlé de la façon de contrôler la production si nous ne pouvions pas contrôler le prix. Nous pouvons peut-être contrôler différents facteurs. Or, comment allons-nous nous concentrer là-dessus? Certes, cela est un peu stressant, mais habituellement, on a un plan.
     À mon avis, un grand nombre de ces facteurs externes sont ceux qui, en général, créent le plus de stress, parce qu’on ne sait pas comment les aborder.
    Et votre mission personnelle est l’une des choses fondamentales: vous nourrissez le Canada.
    Oui, et cela me réjouit, mais en même temps, cela ajoute au stress, car si je n’émets pas tous les chèques cette année, que vais-je faire l’an prochain? Ce n’est pas ce que je vais faire. Je dois travailler pour nourrir ma famille.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Longfield.

[Français]

    Monsieur Breton, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame et messieurs, de vos excellents témoignages ce matin.
    On note dans certaines études que les agriculteurs consultent très peu de professionnels pour traiter des problèmes d'anxiété, de stress ou de santé mentale.
    Ma question est très simple, et je la pose d'abord à Mme Watson: pourquoi est-ce le cas et quelles sont les pistes de solution?

  (0930)  

[Traduction]

    C’est une très bonne question. Pourquoi les agriculteurs ne consultent-ils pas plus que les autres?
    Cela revient peut-être à ce que disait Andrew tout à l’heure. Il y a ce mythe du type fort et silencieux. L’agriculture se poursuit toujours. De plus, nous représentons 2 % de la population. Lorsqu’on examine les priorités et les principaux problèmes de la population, on oublie souvent l’agriculture parce qu’elle a toujours existé, et on espère qu’elle existera toujours, parce que nous devons manger.
    Je pense que le moment est venu de se tenir debout et dire... Comme je l’ai souligné dans mon discours, l’agriculture est différente. L’exploitation agricole est différente. Nous le disons tout le temps, et nous n’hésitons pas à le dire parce que nous pensons que cette industrie est complètement différente. Comme Alistair le disait tout à l’heure, le risque et la conjonction des risques sont complètement absents des autres secteurs.
    J’ignore pourquoi on ne s’est pas penché là-dessus auparavant, mais je suis très heureuse que nous le fassions maintenant. Je pense que nous pouvons avoir un impact énorme et positif en examinant l’agriculture en particulier, notamment le rôle des femmes, et en analysant tous les éléments.

[Français]

    Monsieur Currie, avez-vous une réponse ou des éléments de réponse à nous fournir?

[Traduction]

     Je pense que le problème vient en partie du fait que, comme nous sommes tous des propriétaires d’entreprise et que nous travaillons dans les champs, nous côtoyons peu de gens, de sorte que ces problèmes s’aggravent parce que nous croyons être toujours seuls. Nous allons au café, et nous nous vantons de notre nouvel équipement et mentons au sujet de nos récoltes. Nous parlons de nos petits-enfants, mais nous ne parlons pas de nos problèmes à la ferme. Je crois que cela fait partie du problème, parce qu’en dehors de la famille, nous passons beaucoup de temps seuls, alors nous ne nous sentons pas à l’aise de dire: « J’ai un problème. Je subis des pressions, et je ne sais pas quoi faire. » Je pense que c’est une grande partie du problème.
    Pour répondre à Heather, je suis très heureux qu’un comité fédéral se penche sur la question. Nous avons eu beaucoup de conversations. Twitter a été fantastique sur le plan du rayonnement. Je ne comprends pas l’aspect intimidation. Si vous faisiez cela de l’autre côté de la rue dans un endroit où vous travaillez, vous seriez accusé de harcèlement, mais c’est acceptable de le faire en ligne. Je ne comprends pas pourquoi il y a une différence, mais nous devons nous occuper de cela aussi. Encore une fois, nous nous en occupons nous-mêmes, de sorte qu’il existe une pression individuelle quant à savoir si nous sommes seuls, et nous ne le savons pas.

[Français]

    Un de mes amis, un jeune agriculteur, m'a dit être allé consulter son médecin parce qu'il n'allait pas bien. Son médecin lui a dit qu'il allait devoir le sortir de son milieu de travail pour qu'il aille mieux. Or, comme pour la grande majorité des agriculteurs, sa maison est située sur les lieux mêmes de la ferme. Il a bien voulu arrêter de travailler, mais de sa maison, il entendait tous les bruits de la ferme et voyait les employés et les tracteurs se déplacer d'un endroit à l'autre. Cela n'a évidemment pas été une solution.
    Il va falloir trouver d'autres solutions pour nos agriculteurs, par exemple des maisons de répit situées à l'extérieur des fermes. Ce n'est pas comme une personne qui travaille dans une usine ou dans une organisation et qui sort totalement de son milieu de travail pour rentrer chez elle. Pour un agriculteur, la situation est complètement différente.
    Monsieur Campbell, en tant que producteur agricole, êtes-vous en mesure de nous dire quels sont les trois déclencheurs majeurs de stress et de problèmes de santé mentale chez les agriculteurs?

[Traduction]

    Le nombre d’heures par jour est probablement un facteur. On parle certainement de prendre cette pause, de prendre ces vacances ou même de prendre le temps d’aller voir quelqu’un. Il y a certainement des moments de l’année où je ne peux pas quitter la ferme parce que je passerais tout mon temps assis et à éprouver le stress de parler de mon stress à quelqu’un d’autre.
     Cela crée certainement un défi énorme: où est cette priorité et que devrais-je faire en une journée?
     Je pense que le plus important, cependant, demeure l’aspect financier. Bon nombre des problèmes que nous avons — qu’il s’agisse des conditions météorologiques, du prix des récoltes et de l’équipement, ou de quoi que ce soit d’autre — reviennent toujours, du moins dans mon esprit, à dire que cela se traduira par une diminution des revenus. Où vais-je trouver plus de revenus à la fin de l’année? C’est probablement le facteur le plus important pour la majorité des gens, et cet aspect financier est probablement lié à la plupart des problèmes. Pourra-t-on se rendre jusqu’à la fin de l’année et au début de l’année suivante?
     Troisièmement — chez nous, du moins —, il y a probablement encore cette succession, cette dynamique familiale. Il est très facile de dire que nous allons séparer le côté commercial du côté personnel, de sorte que peu importe ce qui se passe du côté commercial, personne ne se sentira visé à l’heure du souper. Eh bien, cela ne fonctionne pas toujours très bien. Gérer à la fois la relation familiale et la relation d’affaires avec les mêmes personnes peut certainement créer du stress.

  (0935)  

    Merci, monsieur Campbell.

[Français]

    Merci, monsieur Breton.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre M. Shipley et M. Dreeshen.
     Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Je tiens à remercier Andrew Campbell d’être des nôtres — nous sommes voisins. Quant au #farm365, je ne peux qu’imaginer le stress créé quand vous et votre famille recevez ces commentaires, dont plusieurs de la part d’organismes de défense des droits des animaux ou de gens qui pensent que nous empoisonnons le monde en produisant de bonnes cultures. Je vous remercie de l’avoir fait. Maintenant, vous nous aidez à titre d’agriculteurs et vous nous parlez de Fresh Air Media. C’est ce que vous faites, je suppose.
    Je tiens à vous remercier tous d’être venus.
    Je tiens toutefois à parler des répercussions. Des témoins nous ont parlé de ces situations. Il ne s’agit pas seulement des personnes. Certains d’entre nous se souviennent des années 1980. Nous connaissons très bien le stress qui s’exerce, non seulement sur l’agriculteur, mais sur toute la famille. Je suis d’accord avec mon collègue: nos épouses, nos conjointes, ont le même fardeau.
    Heather, vous avez parlé du stress que subissent les femmes. Elles l’éprouvent différemment. C’est vraiment le cas. Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais nous avons tendance à adopter une perspective plus globale et à nous acharner, parce que nous avons un contact plus direct avec les enfants et nous ressentons cette responsabilité.
    Comment pouvons-nous établir des contacts? Connaissons-nous des organismes?
    Keith, vous avez la FAO. Comment rejoindre les professionnels qui ne sont pas seulement des universitaires, mais qui ont une certaine expérience sur le terrain et qui comprennent certaines de ces situations? Il se pourrait que ces personnes ou leur famille aient eu à les confronter. Ces personnes sont-elles disponibles?
    Peu d’entre elles le sont. Je pense que nous devons continuer d’en parler et de faire valoir qu’il s’agit d’un besoin criant. Le commentaire à savoir qu’il faut s’adresser au médecin qui veut vous faire quitter la ferme ou le lieu de travail est juste, parce que cela se produit tout le temps et que les médecins ne sont pas formés pour s’occuper du bien-être mental. Nous avons besoin de plus d’information pour leur permettre de comprendre la situation et dire: « Je ne sais pas comment régler le problème, mais je sais où vous envoyer pour obtenir de l’aide. » Il s’agit de collaboration; cela s’applique à tout le système. Nous avons besoin de ressources pour les collectivités agricoles, mais aussi pour le milieu médical. Lorsque nous conjuguerons ces efforts, je crois que nous commencerons à voir les améliorations qui s’imposent. Cela ne se fera pas rapidement, mais si nous n’entamons pas le processus, cela ne se produira jamais.
    Or, je crois que nous devons nous attaquer à ce problème ensemble. Comme Peter l’a dit plus tôt, nous avons besoin d’un plan stratégique à long terme sur la façon de résoudre ce problème et d'atteindre cet objectif. Nous pouvons nous adresser à nos membres sur le terrain et discuter avec eux, mais le milieu médical et les médecins doivent aussi emboîter le pas.
    Y a-t-il d’autres commentaires? Nous comprenons l’aspect professionnel et universitaire. Qu’en est-il du recours à des jeunes qui viennent des 4-H, du programme de leadership avancé, de la Table pancanadienne de la relève agricole et des Junior Farmers? Y a-t-il eu des contacts et des efforts de collaboration pour coordonner les projets avec ces organisations?
    Nous avons certainement tendu la main aux provinces et au gouvernement fédéral, par l’entremise de la Fédération canadienne de l’agriculture, mais cela va encore dans tous les sens. Nous devons vraiment nous mettre à la tâche pour trouver le moyen de coordonner toutes ces voix semblables afin de dépenser les ressources judicieusement et agir conjointement sans essayer de réinventer la roue.

  (0940)  

    Existe-t-il un programme fédéral susceptible de vous aider à créer cette coordination, que ce soit par l’entremise d’Agriculture Canada ou de Santé Canada? Et, le cas échéant — il est peut-être injuste de vous poser cette question aujourd’hui, mais je vous serai très reconnaissant de me faire parvenir votre avis quant aux moyens de créer cette coordination.
    Je vais céder la parole à Heather dans un instant, mais je crois que Peter a eu raison d’aborder en premier lieu la recherche dans ce domaine. Nous devons faire des recherches pour comprendre exactement ce dont nous avons besoin, et nous pourrons ensuite aller de l’avant et mettre des choses en place.
    Oui. J’ajouterai un bref commentaire. À mon avis, nous avons besoin d’une plateforme pour poursuivre la conversation à l’échelle nationale, mais aussi sur le plan régional — un endroit où les experts dans les domaines de la santé, la santé mentale et l’agriculture peuvent se réunir. Cela commence peut-être par la tenue d’un sommet ou quelque chose du genre, mais il s’agirait d’un endroit où on se réunirait pour discuter des différents problèmes qui doivent être analysés et élaborer une stratégie pour les régler.
     Andrew, que font vos médias sociaux à cet égard?
    Comme Heather l’a mentionné, la création de ce réseau est probablement l’une des choses vraiment importantes que nous pouvons faire. En utilisant cet outil, il est très facile de dire voici cette ressource ou, du moins, voici l’organisme qui vous trouvera la ressource dont vous avez besoin. À mon avis, trouver un lieu de rencontre commun est un grand défi pour les jeunes agriculteurs, les médecins ou toute autre personne. Or, la création d’un organisme-cadre pourrait être un point de départ.
    Le gouvernement fédéral peut-il offrir du soutien sur le plan de la prévention? Pouvons-nous vraiment promouvoir l’agriculture et un mode de vie sain en diffusant cette information sur les médias sociaux? Je ne suis pas sûr que nous en fassions suffisamment.
    Malheureusement, monsieur Shipley, votre temps est écoulé.
    Si vous pouvez nous aider à cet égard, ce serait formidable.
    Je vais permettre cela.
    Nous avons très peu de temps. Je vais permettre à M. Peschisolido de poser une question.
    D’accord. J’ai une question.
    Elle doit être assez brève.
    Je vous remercie d’être venus ici aujourd’hui et de nous avoir fait part de votre expérience personnelle et de ses liens avec la politique publique.
    J’aime le terme « relation symbiotique » entre la gestion agricole et les questions de santé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Je sais qu’il ne nous reste presque plus de temps, alors rapidement, la gestion de la ferme apporte de la confiance en soi, et cette confiance encourage une bonne santé mentale. La confiance aide une personne à savoir ce qui est sous son contrôle et ce qui ne l’est pas, et à savoir qu’elle fait de son mieux avec ce qu’elle a.
    Cependant, une santé mentale mauvaise ou défectueuse peut entraver la prise de décisions et faire douter qu'on fait la bonne chose pour la bonne personne au bon moment.
    Il existe un lien entre les bonnes pratiques de gestion et une bonne santé mentale, et entre les moins bonnes pratiques de gestion et une santé mentale plus fragile. Les pratiques de gestion de moindre qualité peuvent faire tort à la santé mentale, parce qu’on ne sait pas trop où on est et où on s’en va.
    J’aime mettre l’accent sur le scénario qui est avantageux pour tous, si c’est possible.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Peschisolido.
    Je remercie nos témoins — M. Campbell, Mme Watson et, bien sûr, M. Currie et M. Sykanda — d’être venus. Cela nous aidera certainement dans notre étude. Bon retour en toute sécurité.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes et revenir avec le prochain groupe de témoins. Merci.

    


    

  (0945)  

     Bienvenue à la deuxième heure de notre étude sur la santé mentale des agriculteurs et l’agriculture.
    Au cours de cette deuxième heure, nous accueillons M. Murray Porteous, ancien président national du Conseil canadien de l’horticulture et vice-président de Lingwood Farms Limited. Bienvenue à notre réunion.
    Nous accueillons la présidente et première dirigeante de la Commission de la santé mentale du Canada, Mme Louise Bradley. Merci d’être ici, madame Bradley.
    Nous accueillons également par téléphone le président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, M. Ray Orb.
    Nous allons commencer les déclarations préliminaires.
    Madame Bradley, nous vous serions reconnaissants d’être la première à livrer votre exposé? Merci. Vous avez six minutes.
    Je suis ravie d’être ici ce matin pour parler d’un sujet qui nous passionne, moi et la Commission de la santé mentale du Canada.
    Nous comprenons depuis longtemps que, pour aller au coeur de la question de la santé mentale et du bien-être des Canadiens, il faut absolument aller au-delà du secteur des soins de santé. Nous devons comprendre que lorsque nous parlons de « santé mentale », cela touche toutes les administrations — et je dis bien toutes les administrations. Je serais heureuse de vous donner un exemple de ce que fait un autre pays à cet égard. C’est pourquoi la Commission de la santé mentale du Canada a accordé la priorité à la collaboration avec des partenaires non conventionnels, dont les plus importants sont les milieux de travail.
    Lorsque nous avons commencé à promouvoir la norme nationale sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail il y a environ quatre ou cinq ans, nous avons dû demander aux employeurs de repenser le concept de milieu de travail. Nous avons également dû rappeler à nos intervenants que les lieux de travail ne se limitent pas aux immeubles de bureaux — ce n’est tout simplement pas le cas. Nous avons fait de l’excellent travail pour ce qui est de soutenir toute une gamme de travailleurs, des premiers intervenants aux entreprises de camionnage, en passant par les fournisseurs de soins de santé, pour les aider à mettre la santé mentale des employés à l’ordre du jour.
    Nous avons eu d’assez bons résultats. Alors, où est-ce que je veux en venir? Eh bien, les agriculteurs, les producteurs et ceux qui exploitent nos ressources naturelles sont également des gens qui travaillent fort, en fait. Les Canadiens des régions rurales sont parmi les personnes les plus résilientes et travaillantes au monde. Mais, comme nous l’avons vu dans nos efforts avec les premiers intervenants, la résilience n’équivaut pas à l’invulnérabilité. Or, nous devons agir conjointement et examiner ce qui se passe dans nos collectivités agricoles.
    Nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont nous soutenons leur santé mentale, car les défis que ces gens doivent relever sont complexes et multidimensionnels. Les emplois qu’ils ont choisis sont remplis de conditions que la plupart d’entre nous trouveraient assez décourageantes. Il s’agit d’un travail continu, 365 jours par année, et les profits dépendent des caprices de la météo, de la chaîne d’approvisionnement, des accords commerciaux et d’autres facteurs qui échappent largement à leur contrôle. Et les niveaux de stress et d’isolement sont très élevés. À cela s’ajoute le stress causé par le manque — et je dis bien le manque — d’accès aux soins de santé mentale. N’oublions pas que l’accès à ces services est limité et souvent inexistant dans la plupart des collectivités du pays, et que cette stigmatisation est loin d’être chose du passé dans les collectivités où tout le monde se connaît.
    Ces raisons ne font qu’effleurer la surface quant à la nécessité d’examiner où se situe une responsabilité pancanadienne pour combler l’écart qui, trop souvent, fait souffrir en silence les travailleurs agricoles et les producteurs avant de les conduire au suicide.
    S’attaquer à ce problème peut sembler une tâche colossale, mais dans les années 1970, lorsque des Canadiens mouraient dans des accidents de la route, nous n’avons pas levé les bras en disant qu’il n’y avait pas grand-chose que nous pouvions faire, que le problème était trop compliqué. En 1971, les ceintures de sécurité sont devenues obligatoires dans toutes les nouvelles voitures. Une loi a été adoptée pour veiller à ce que nous les utilisions. Nous avons assisté à une évolution encore plus stricte des exigences relatives aux sièges d’auto. Des organisations locales et des groupes comme Les mères contre l’alcool au volant ont exercé de fortes pressions pour sensibiliser la population aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies.
    Ces mesures et plusieurs autres actions concrètes ont permis de sauver des vies. De même, nous devons établir un cadre pratique pour aborder la santé mentale des agriculteurs, et nous devons bâtir une meilleure infrastructure à large bande. Non seulement est-il sage d’investir dans les programmes de santé mentale électroniques, mais cela est aussi la voie de l’avenir.

  (0950)  

     Nous devrions veiller à ce que la formation à distance sur la santé mentale fondée sur des données probantes, comme celle offerte par le Strongest Families Institute, soit largement disponible partout au pays.
    Ensemble, ces efforts donneraient aux agriculteurs l’occasion de chercher de l’aide à l’endroit et au moment où ils en ont besoin, lorsque cela leur convient, et dans l’intimité de leur demeure. C’est possible.
    Nous devons mettre en oeuvre des programmes de prévention du suicide, comme le fait actuellement la Commission de la santé mentale du Canada dans trois régions rurales. Ce programme s’appelle Enraciner l’espoir et il porte sur des sujets comme la restriction des méthodes. Il fournit des services de santé mentale sans rendez-vous au besoin, et crée des groupes de personnes aux vues similaires pour parler de leurs expériences et offrir du soutien entre pairs.
    En 2015-2016, l’Université de Guelph a réalisé une étude coécrite par Andria Jones-Bitton, qui a révélé que près de 60 % des 1 000 participants qui travaillaient en agriculture devaient être classés comme souffrant d’anxiété.

  (0955)  

    Madame Bradley, je vais devoir vous demander de conclure, si vous le pouvez.
    La Commission de la santé mentale du Canada peut jouer un rôle de soutien à cet égard. Je vais m’arrêter ici.
    Il existe des solutions et des réponses; nos agriculteurs ne devraient pas souffrir et mourir inutilement.
    Merci.
    Merci, madame Bradley. Vous aurez l’occasion de nous en dire davantage lors de la période des questions.
    Oui, merci.
    Monsieur Porteous, vous avez six minutes.
     Merci, monsieur le président et membres du Comité, de me permettre de comparaître aujourd’hui.
    Je n’ai jamais été aussi nerveux de faire un exposé. L’année dernière a été extrêmement stressante: nous avons survécu à deux tornades, qui ont frappé quatre de nos neuf fermes. Je me suis fracturé un genou en juin, et j’espère être rétabli d’ici le mois de janvier. Mais le pire dans tout cela a été la vérification de l’intégrité faite par Emploi et Développement social Canada.
    Je participe au programme des travailleurs agricoles saisonniers depuis de nombreuses années et j’ai représenté le Canada dans les négociations internationales dans le cadre de ce programme au cours des six dernières années. Je suis l’ancien président du Comité de la main-d’oeuvre du Conseil canadien de l’horticulture. Lorsque EDSC a lancé le concept d’un processus de vérification de l’intégrité, j’étais tout à fait d’accord. J’ai dit qu’il fallait assurer l’intégrité du programme; il faut s’assurer que les travailleurs sont protégés et que les gens respectent les règles; et il doit y avoir des conséquences pour ceux qui ne le font pas. Ceux qui ne se conforment pas et abusent les travailleurs donnent une mauvaise réputation à l’industrie agricole. Je l’ai appuyé sans réserve, mais dès le départ, j’ai dit que le processus de vérification de l’intégrité doit comporter un processus d’appel qui permet aux gens qui comprennent l’agriculture d’examiner la situation et de décider s’il y a une menace réelle ou non.
    Deuxièmement, il faut que ce soit opportun. En horticulture, le choix du moment est absolument crucial. Lorsqu’il fait chaud, les asperges poussent de huit pouces par jour. Je dois les récolter lorsqu’elles mesurent entre 7 et 12 pouces. Cela signifie que la plupart des jours, quand il fait chaud, nous récoltons des asperges tous les jours. Parfois, nous récoltons deux fois par jour. Je dois m’assurer que des travailleurs sont disponibles.
    Si le gouvernement décide, comme il l’a fait dans mon cas, que quelqu’un n’aura pas de travailleurs, je ferai faillite. Cela a eu de graves conséquences non seulement pour mon entreprise, mais aussi pour les membres de ma famille.
    En octobre dernier, on m’a dit que j’allais faire l’objet d’une inspection, comme on l’appelait. Je me suis dit d’accord, il existe un processus de vérification aléatoire, et c’est très bien. Je m’y attendais à un moment donné; les responsables sont très consciencieux. Ils ont dit que non, c’était une vérification axée sur le risque. Cela a immédiatement déclenché une certaine panique chez moi, parce qu’une vérification axée sur le risque signifie qu’on vous soupçonne de violations graves des exigences du programme. Par exemple, on pourrait vous soupçonner de trafic sexuel, d’emprisonnement ou de non-paiement des travailleurs, de violence contre les travailleurs, de conditions de logement déplorables — n’importe quelle de ces choses.
    Ce qui m’a surpris, c’est qu’ils n’ont pas répondu quand je leur ai demandé de quoi on me soupçonnait. Je suis dans la même catégorie avec tout cela. Mes voisins savent tous que je fais l’objet d’une inspection et ils commencent donc évidemment à dire que j’ai dû faire quelque chose de vraiment tordu, parce que cela signifie qu’ils peuvent mettre de côté vos demandes de travailleurs pour l’an prochain.
    Le gouvernement fonctionne tellement lentement que je dois faire une demande dès maintenant si je désire avoir des travailleurs pour récolter des asperges le printemps prochain. Tout retard dans ce processus me fait vraiment du tort. Auparavant, il fallait dix jours au gouvernement pour traiter ces demandes. On parle maintenant de plusieurs mois. Lorsque vous ajoutez un processus de vérification de l’intégrité, qui sait où se situe la limite et si vous aurez même un effectif.
    Lorsqu’ils sont venus nous dire en octobre qu’ils allaient faire cette vérification de l’intégrité, j’ai été très soulagé de les entendre dire qu’ils n’interrompraient pas le traitement de ma demande entre-temps. Ce que je ne savais pas, c’est qu’ils me mentaient: ils ont cessé de traiter ma demande. Je ne l’ai appris que deux mois plus tard.
    Je ne devrais peut-être pas dire mentir, mais ils ne me disaient pas la vérité. Il y a une différence. Il y a différents silos au sein du ministère. La communication n’est pas vraiment bonne; la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite, et quand elle le découvre, personne n’a le pouvoir d’annuler une décision de qui que ce soit. En tant qu’agriculteur, vous finissez par être une victime.
    Je me suis dit d’accord, je suis bien organisé; je vais leur fournir tout ce qu’ils ont demandé. Je l’ai fait en novembre. J’ai commencé à ressentir des effets sur ma santé en octobre, quand on m’a dit que j’allais faire l’objet d’une inspection. Ma fréquence cardiaque au repos a été de 48 battements par minutes au cours des 40 dernières années, jusqu’en octobre, quand elle est tombée à 40, ce que j’ai trouvé étrange. Un soir, alors que je regardais la télévision avec ma femme, j’ai dit: « Je n’ai pas de pouls. » Elle a dit: « C’est ridicule. Vérifie à un autre endroit. » Mais non, je n’avais pas de pouls.
    Ma fréquence cardiaque a commencé à se situer entre 33 et 190 battements par minute au repos, puis elle s’est remise à zéro pendant plusieurs secondes et elle ne redémarrait pas, alors j’ai eu des évanouissements et des choses du genre.
    Quoi qu’il en soit, nous avons entamé ce processus et nous ne savions pas de quoi on nous accusait. Vous êtes coupable jusqu’à preuve du contraire, parce qu’on ne traitera pas votre demande tant que vous n’aurez pas été innocenté, ce qui signifie que vous pourriez dès lors faire faillite. J’exploite une ferme en partenariat avec mon beau-frère et mon père, et nous employons aussi mon fils. Mon père a 81 ans. Il a commencé à se demander s’il aura assez d’argent pour vivre lorsqu’il serait vieux; par conséquent il a retiré les prêts qu’il avait faits à l’entreprise à titre de membre.

  (1000)  

     Je ne peux pas le blâmer pour cela. C’est la chose prudente à faire. Lorsque la banque s’est rendu compte que nous n’avions aucune garantie d’avoir des travailleurs ce printemps, elle a commencé à s’inquiéter. Nous avions moins de fonds de roulement parce que mon père avait retiré son prêt et parce que notre entreprise était en croissance, alors nous avons dû augmenter notre prêt d’exploitation. La banque a exigé une évaluation de tous nos actifs, puis elle a renégocié notre financement. Cela se comprenait. C’était peut-être un peu stressant, mais nous espérions que ce processus d’intégrité irait comme sur des roulettes. Qu’il confirmerait qu’il n’y avait rien là, qu’il n’y avait aucune anguille sous roche.
    On m’a assuré en décembre que je saurais en quelques jours, et non en quelques semaines, que ma demande avait été approuvée. C’était au début de décembre, et j’ai reçu mon approbation vers la troisième semaine de février. Entre-temps, on n’a pas répondu aux appels ou aux courriels et on a continué à me poser des questions ridicules. Le personnel d’Agriculture et Agroalimentaire Canada a même suggéré que nous nous rapprochions de la ville parce qu’il y avait plus de chômeurs à embaucher.
    Monsieur Porteous, je vais devoir vous demander de conclure. Vous aurez l’occasion d’en dire davantage durant la période des questions. Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Orb, vous avez six minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Allez-y.
     Tout d’abord, je suis heureux d’être ici aujourd’hui.
    Je m’appelle Ray Orb. Je suis président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, ou la SARM. Nous sommes la voix de la Saskatchewan rurale depuis plus de 100 ans et nous représentons les 296 municipalités rurales de notre province. À titre d’association, nous avons le mandat de travailler dans le domaine de l’agriculture, qui est un secteur important et un mode de vie dans cette province.
    En 1911, nous avons signalé qu’il y avait 95 000 fermes en Saskatchewan et que la superficie cultivée pour le blé était de 5,3 millions d’acres. En 2016, nous avons recensé 34 500 fermes en Saskatchewan et 11,8 millions d’acres ensemencés de blé, soit plus du double de la superficie déclarée en 1911. Le paysage a changé au cours des cent dernières années. Les fermes sont plus grandes et produisent davantage, alors que le nombre de fermes et d’agriculteurs a diminué. Tout cela aide à créer plus de stress pour les producteurs.
    L’agriculture et l’élevage présentent des risques et des stress professionnels uniques, dans un contexte de solides traditions d’indépendance professionnelle. Le Réseau de santé et sécurité en milieu agricole a été fondé en 1988 en Saskatchewan par le Centre canadien de santé et sécurité en milieu agricole, en collaboration avec la SARM et, à l’origine, six municipalités rurales de la province. Il fournit un soutien pour améliorer la santé et la sécurité sur les fermes. Selon le Réseau de santé et sécurité en milieu agricole, les agriculteurs sont exposés à de nombreux risques quant à leur santé physique, ainsi qu’à un travail long et ardu et à de mauvaises conditions entravées par la météo et les horaires quotidiens. La spécificité de l’agriculture expose les agriculteurs et leurs familles à des niveaux élevés de stress, de dépression, d’anxiété et de suicide.
    Les producteurs de la Saskatchewan sont tous préoccupés par les longues heures de travail dans les champs, les conditions météorologiques imprévisibles et la fréquente faiblesse des prix des produits de base. Si vous associez ces choses, par exemple, à un feu de prairie qui détruit les maisons, les cultures et le bétail, vous avez la recette parfaite pour le stress associé à la catastrophe. C’est exactement ce qui s’est produit l’an dernier dans la partie sud de la province, à l’automne 2017. Des centaines de têtes de bétail ont péri et près de 35 000 hectares de pâturages ont été détruits par l’incendie qui a balayé la région de Burstall et Tompkins, en Saskatchewan, en octobre dernier.
    J’ai eu l’occasion d’entendre des agriculteurs et des éleveurs de la région nous parler de cette catastrophe. Nous avons rencontré plusieurs familles d’éleveurs qui ont été dévastées par les feux d’herbes. Plusieurs ont perdu une bonne partie de leur troupeau, de leur pâturage et de leur gagne-pain. Je leur ai demandé comment ils allaient se relever et ils m’ont répondu qu’ils avaient déjà fait face à l’adversité, qu’ils s’en étaient sorti et qu’ils s’en sortiraient maintenant.
    À titre d’association, nous entendons les producteurs se plaindre du prix des terres, des politiques fiscales et de l’absence de programmes de protection du revenu pour leurs activités. Comme je suis moi-même un agriculteur à la retraite, je sais qu’il est impossible d’atténuer tous les stress liés à l’agriculture et à l’élevage, mais il est impératif que nous ayons des mécanismes pour aider nos producteurs lorsqu’ils en ont besoin.
    Selon une étude réalisée en 2016 par l’Université de Guelph, les agriculteurs canadiens sont plus stressés que ceux qui vivent et travaillent ailleurs. L’enquête a révélé que 45 % des répondants étaient très stressés; 58 % d’entre eux avaient des différents niveaux d’anxiété et 35 % souffraient de dépression. De plus, 40 % des répondants étaient d’avis qu’ils seraient mal à l’aise d’utiliser des services d’aide professionnelle. Cela démontre qu’il y a encore un stigmate associé au traitement en santé mentale, surtout dans l’industrie agricole.
    Selon un rapport sur la façon de nourrir la planète d’ici 2050, la population mondiale atteindra 9,1 milliards d’habitants. La production alimentaire doit augmenter de 70 %. La production annuelle de céréales doit atteindre trois milliards de tonnes, et la production annuelle de viande devra augmenter de plus de 200 millions de tonnes.
    Pour assurer un système alimentaire durable, nous devons nous assurer d’avoir des producteurs en bonne santé et nous devons examiner l’industrie agricole dans son ensemble. Nous devons donner à nos producteurs tous les outils dont ils ont besoin pour être en santé, productifs et prospères. Cela devrait inclure des programmes de protection du revenu qui visent les catastrophes, comme les feux des prairies causés par des sécheresses extrêmes.

  (1005)  

     Il faut que les agriculteurs aient accès à une assurance-fourrage et pâturage abordable, disponible en temps opportun et adéquate pour les protéger contre les catastrophes. Il est parfois nécessaire de modifier les programmes, comme le programme de report de l’impôt sur le bétail, qui permet aux éleveurs de répartir leurs revenus sur une plus longue période lorsqu’ils sont obligés de vendre une partie ou la totalité de leurs troupeaux.
    Au nom des municipalités rurales de la Saskatchewan, nous remercions le Comité permanent de nous donner l’occasion de participer à cette importante conversation.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Orb.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Nous allons commencer par M. Dreeshen, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, merci à tous les témoins et à ceux qui ont pris la parole plus tôt.
    Je ne sais pas au juste par où commencer.
     Je suis agriculteur. En ce moment, nos cultures sont ensevelies sous la neige. Ajoutez cela à tout le reste, aux fardeaux réglementaires comme ceux de l’Agence du revenu du Canada, aux facteurs de stress supplémentaires que subissent les agriculteurs... Monsieur Porteous, vous avez parlé du processus de vérification de l’intégrité et du fait qu'on vous soupçonne d’être une personne que vous n’êtes pas. C’est exactement la même situation avec l’ARC et les autres préoccupations qu'on nous a exprimées. C’est vraiment très frustrant.
     Il existe des groupes, comme la Fondation Do More Ag, qui commencent à parler de santé mentale. Nous avons besoin que les gouvernements et les groupes comme les associations anti-agriculture ou anti-élevage adoptent le précepte « cessons de nuire davantage ». Tout à l'heure, nous avons entendu parler des attaques dirigées contre nous. Nous sommes arrivés à un point critique. Je pense à une foule de choses.
    Nous, les Canadiens, sommes très prompts à nous excuser de tout et de rien. D’autres pays l'ont compris. Il suffit de regarder ce qui se passe avec notre industrie pétrolière et gazière. Tout d'un coup, nous avons peur de transporter nos ressources naturelles jusqu’aux côtes et nous laissons le reste du monde combler l'écart. C'est pour cela que nous sommes perdants. Notre secteur forestier a subi le même genre d’attaques de Greenpeace et ainsi de suite. Nos groupes d'agriculteurs font face aux mêmes problèmes avec la question des OGM et des barrières commerciales non tarifaires.
     Voilà la vraie attaque. Pour les gens qui nous regardent et pour les députés qui sont ici, voilà les attaques auxquelles les gens pensent lorsqu’ils parlent de la pression qui se fait sentir dans le secteur de l’agriculture.
    Madame Bradley, vous avez parlé de la nécessité d'assurer une formation appropriée pour les travailleurs en santé mentale, mais selon ce que nous venons d'entendre, il y a des choses que les professionnels de la santé ne comprennent pas. On ne peut tout simplement pas dire à un agriculteur: « Éloigne-toi de ta ferme. Prends tes distances pendant un certain temps. » Cela ne fonctionne pas quand votre vie, votre travail et votre famille sont tous au même endroit. Je pense que l'un des éléments essentiels à prendre en considération dans cette formation, c'est de s'assurer d’avoir un groupe d'agriculteurs pour expliquer aux travailleurs en santé mentale les réalités de la vie agricole.
    Prenez les agriculteurs à la retraite. S'il y a des gens qui connaissent tout de la réalité agricole, c'est bien eux. Il existe un bassin de personnes avec qui vous pouvez parler et travailler.
     Madame Bradley, pouvez-vous penser à des stratégies qui permettraient aux agriculteurs de faire partie de cette formation?
    Monsieur Porteous, vous pourriez peut-être nous parler de vos inquiétudes concernant l’intervention du gouvernement, s’il reste assez de temps.

  (1010)  

    Je pense en effet qu'il existe des stratégies.
     J’ai parlé d'un programme dont la Commission fait la promotion et qui fonctionne actuellement dans trois provinces. Il s’agit d’un programme intitulé « Enraciner l'espoir ». La formation est certainement un élément important de ce programme, mais ce n'en est qu'un. La philosophie qui sous-tend ce programme, c’est que la réponse se trouve au sein de la communauté.
    Nous n’avons pas inventé ce principe. Nous l’avons appris de 22 pays européens et, à un degré similaire, du Québec, où le taux de suicide a chuté de 20 à 25 % en deux ans.
     Ce programme comprend des volets bien précis. À l’heure actuelle, trois provinces l'ont mis en oeuvre dans toutes les collectivités rurales.
     Merci beaucoup.
    Je sais que mon temps est limité et je m’en excuse.
    Merci.
    Je ne connais aucun autre programme gouvernemental qui fonctionne de cette façon.
    Le 1er mars, j’ai reçu un avis m’informant qu’Emploi et Développement social Canada, dans le cadre de ses enquêtes, allait entrer dans des fermes sans la permission ou le consentement du producteur, sans même qu'il ait été mis au courant. Que le producteur soit présent ou non, les gens d'EDSC iront où ils voudront pour inspecter ce qu'ils voudront.
    Plus tard ce matin-là, j'ai reçu une communication disant qu'EDSC allait aussi saisir les ordinateurs des agriculteurs. C’est à ce moment-là que j’ai fait une crise cardiaque.
    Un des problèmes, selon moi, c'est que nous parlons des travailleurs agricoles, des employés, et ainsi de suite, nous répétons à quel point ils sont importants, et nous avons plein de programmes en place pour eux, mais qu'en est-il de la personne qui est propriétaire de la ferme? Elle aussi travaille dans cette ferme. Il y a des situations où — et c'est là où nous en sommes à l'heure actuelle en Alberta — si vous avez un certain nombre d'employés, il y a une possibilité de syndicalisation. Est-ce que cela va aider votre exploitation, dites-moi?
    Voilà les autres types de problèmes que nous vivons, parce que le gouvernement ne comprend pas ce qu’est une ferme. C’est ce qui se passe à l'heure actuelle, entre autres.
    Personne ne comprend ce que signifie une semaine de travail de 90 heures. Quand vous dites cela aux gens, ils pensent que vous êtes plein aux as. Personne ne comprend que vous n'avez carrément pas le choix.
    À cela s'ajoutent d'autres facteurs de stress. C’est une chose que de composer avec la météo, c’en est une autre que de se faire dire que vous êtes responsable du réchauffement da la planète et que vous devriez être taxé un peu plus, ça aiderait pour sûr.
    S’il reste du temps, je vais vous laisser vitupérer [Note de la rédaction: inaudible].
    Quand nous soulevons des préoccupations par rapport à la sécurité alimentaire, à la biosécurité et aux protocoles que nous devons respecter, on nous dit: « Ce n'est pas notre problème. Arrêtez de trouver des excuses. Nous allons continuer à faire notre travail. »
    Merci.
    Il vous reste 15 secondes.
    Ça va.
    J'ai besoin de prendre mes pilules contre l'hypertension.
    Monsieur Peschisolido, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier Mme Bradley, M. Porteous et M. Orb d'avoir accepté de témoigner par téléconférence.
    Je vais commencer par M. Orb.
    Vous avez évoqué quelques-uns des problèmes liés à la santé mentale et vous avez également décrit certaines situations. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous considérez être le rôle des municipalités? Les problèmes de santé mentale sont un enjeu aux facettes multiples pour le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que les municipalités peuvent faire dans ce dossier?
    C’est une bonne question. J’ai mentionné que la Saskatchewan compte un grand nombre de municipalités et que les membres des conseils municipaux sont en contact direct avec les habitants des régions rurales. Nous sommes des lobbyistes, en ce sens que nous essayons d’exercer des pressions sur le gouvernement provincial et, à certains égards, sur le gouvernement fédéral, pour avoir plus de médecins et de meilleurs services d’urgence dans les régions rurales de la Saskatchewan. La tendance veut que les médecins et les assistants, les laboratoires médicaux et les centres d’urgence s’installent dans les grands centres. Nous n’y avons pas facilement accès. Un agriculteur qui souffre de problèmes de santé mentale doit se déplacer très loin pour se rendre dans un grand centre et cela exerce des pressions supplémentaires sur sa ferme.
    C’est un défi constant, et nous essayons de le relever par l’intermédiaire de l’agence de recrutement de médecins de la Saskatchewan. C'est une lutte incessante.

  (1015)  

    Merci.
    Madame Bradley, vous avez parlé d’un manque d’accès à l’aide en santé mentale. Comment pouvons-nous changer cela? Aussi, j’ai remarqué que vous avez été quelque peu interrompue pendant votre exposé, alors si vous souhaitez vous étendre plus en détail sur certaines questions, n’hésitez pas à le faire.
    Merci beaucoup.
    Le manque d’accès aux services est un problème énorme pour toutes les collectivités agricoles au Canada, mais surtout pour les milieux ruraux.
    Le programme dont j’ai parlé, Enraciner l'espoir, est quelque chose qui... Oui, c'est important d’avoir des professionnels formés, mais dans quelques-unes des petites collectivités où on travaille actuellement à la mise en oeuvre du programme, on trouve ce qu’on appelle le travail de soutien par les pairs. Ce n’est pas tout le monde qui a besoin d’un clinicien qui coûte cher. Il y a un temps et une place pour cela. Mais il est certain que le fait d'avoir accès au soutien par les pairs...
    Il faut être plus novateurs. Dans un pays de la taille du Canada, on ne peut pas construire des cliniques de santé mentale à tous les coins de rue.
    J’ai parlé des interventions en santé mentale par voie électronique. Ces services sont accessibles en ligne ou même par téléphone s'il le faut. L'initiative a connu beaucoup de succès au Canada et ailleurs dans le monde.
    J’ai aussi parlé de l'institut Strongest Families qui a mis en place un programme d'une ampleur énorme auquel les gens ont accès 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de la maison. Nous savons que la thérapie cognitivo-comportementale, qui est une approche efficace pour traiter l'anxiété et la dépression, est non seulement aussi efficace en ligne qu’en personne, elle l'est parfois plus.
    Nous devons repenser la façon dont nous assurons les services afin que les gens puissent avoir accès à ces programmes importants, d'autant plus importants lorsqu'il s'agit de personnes qui ont des pensées suicidaires.
     Un thème dont le Comité a entendu parler à maintes reprises — et je crois que c’est M. Campbell ou M. Currie qui a dit que nous ne parlons pas la langue des agriculteurs —, c’est que le secteur de la santé mentale et tous ses intervenants n'y comprennent rien à rien. Que pouvons-nous faire pour changer cela?
    Comme je l’ai dit plus tôt, je pense que le soutien par les pairs est une façon pour les gens de parler la même langue. J’ai mentionné le fait que nous avons également eu beaucoup de succès auprès des premiers intervenants. Chaque groupe parle sa propre langue, si l'on peut dire. Selon moi, la façon dont nous avons modifié les premiers soins en santé mentale pour les anciens combattants et les Premières Nations dans les collectivités du Nord peut être adaptée pour la communauté agricole. Il faut y consacrer du temps, des efforts et de l’argent, mais c’est possible.
    Monsieur Porteous, je compatis avec vous pour tout ce que vous avez vécu. Pourriez-vous m’aider, ainsi que le Comité, à comprendre ce processus de vérification dont vous avez parlé? Je suppose qu'il émane de Service Canada.
    Il s'agit de la direction générale qui veille à l'intégrité au sein d’Emploi et Développement social Canada. C’est une mesure provisoire, si vous voulez, mise en place pour s’assurer que tout est fait en conformité avec la réglementation sur l’embauche de travailleurs étrangers.
    Je parle de mon cas, mais en ma qualité de président du Comité national de la main-d'oeuvre, j'étais régulièrement en contact avec plusieurs autres agriculteurs qui ont vécu exactement la même expérience. Quand ils ont su que j'allais venir témoigner devant votre comité, ils m’ont suggéré de ne pas le faire, parce qu’ils savent que le gouvernement a toutes les cartes en main et qu’EDSC pourrait prendre des mesures de représailles contre moi et mon entreprise pour avoir dénoncé la situation, et qu'à ma place, ils ne diraient rien.
    Comment changer les règles du jeu pour que le gouvernement n'ait pas toutes les cartes en main?
     Votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur Peschisolido.
    Monsieur Alistair MacGregor, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Porteous, je suis très troublé par le témoignage que vous avez livré aujourd’hui. Le sujet de notre étude est la santé mentale, mais je suis vraiment désolé de voir à quel point votre santé physique a subi les contrecoups de ce que vous avez vécu. Je sais que vous étiez nerveux à l’idée de comparaître devant le Comité aujourd’hui. J'espère seulement que vous considérez cet organisme comme un comité de parlementaires grandement intéressés par le sujet, et je pense que nous sommes tous unis pour essayer de trouver des façons d’améliorer le fonctionnement du système.
    Le cas qui nous occupe concerne vraisemblablement trois ministères: Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, EDSC et Agriculture Canada. Je traite avec le gouvernement fédéral depuis de nombreuses années. Avant d’être un parlementaire, j’ai travaillé pour un député en tant que travailleur en service social individualisé et j’ai vu ce qui arrive aux électeurs lorsque les ministères fédéraux ne font pas bien leur travail. Souvent, c'est un problème de communication. Chacun travaille de son côté, en vase clos, et n'est pas conscient de l'ensemble du problème. Je crains que ce soit le cas ici.
    Si le gouvernement cause ce genre de stress aux agriculteurs, il faut corriger le système. Le Comité doit envoyer un message clair au ministre.
    Nous comprenons le problème. Je ne veux pas m’allonger là-dessus. Je veux aller de l’avant avec des solutions constructives. Avec toute l'expertise que vous avez, quelles recommandations le Comité peut-il faire au gouvernement fédéral pour améliorer le système et faire en sorte qu'il s’occupe des travailleurs agricoles? Il s'agit d'une préoccupation tout à fait fondée, mais en même temps, nous voulons nous assurer que les agriculteurs ont accès à un bassin de main-d’oeuvre et qu’ils ne subissent pas un stress comme celui que vous avez subi.

  (1020)  

     Spontanément, je pense à quatre cas qui sont en tous points identiques au mien, qui se sont déroulés selon le même calendrier et ainsi de suite. Quand les vérificateurs ont eu fini d'enquêter sur les quatre fermes, ils n'avaient rien trouvé qui puisse démontrer que les agriculteurs avaient mal agi, sauf qu'ils avaient interrompu les activités de la ferme pendant quatre mois.
    S’il n’y a pas d'inquiétude majeure — et je ne crois pas qu’il y en ait eu dans aucun de ces cas, parce que ma vérification n’était pas le résultat d'une plainte... Un haut fonctionnaire m’a dit que ce sont les hauts fonctionnaires eux-mêmes qui avaient déposé la plainte contre moi, mais je ne peux pas obtenir cela par écrit, parce qu’ils bloquent la demande d’accès à l’information.
    Nous avons besoin d'un système qui ne présume pas qu'une personne est coupable tant qu'elle n’a pas prouvé votre innocence. Si j’étais un violeur, j’aurais plus de droits que j'ai en tant qu’employeur, parce que les violeurs sont présumés innocents jusqu'à preuve du contraire. C’est la première étape.
    La deuxième étape, c’est qu’il faut pouvoir compter sur quelqu'un qui comprend quelque chose à l'agriculture pour prendre des décisions sur l'agriculture, parce que les autres ne savent pas de quoi ils parlent.
    La troisième étape, c'est d'avoir un objectif. Si, au Canada, l’objectif est de faire croître l’économie et l’agriculture, d'en faire un important moteur de l’économie et de la création d’emplois... L’horticulture est un employeur énorme dans le secteur agricole. Nous ne pouvons pas trouver assez de Canadiens pour remplir le nombre d'emplois dont nous avons besoin. Nous avons besoin d’une main-d’oeuvre fiable, et le Programme des travailleurs agricoles saisonniers réussit très bien à combler la pénurie croissante de main-d’oeuvre. Si nous sommes vraiment sérieux dans notre intention d'aider le secteur, et si l'horticulture compte réellement au Canada, il faut en faire une priorité. Oui, l'intégrité du système est importante, mais qu'on ne vienne pas détruire le système en faisant faire des vérifications par des gens qui ne savent pas ce qu'ils font.
     Madame Bradley, vous avez parlé de votre expérience auprès des premiers intervenants, des anciens combattants et des membres des forces armées. Il va sans dire que ces domaines ont des problèmes de stigmatisation qui leur sont propres. Avez-vous appris des choses de... J’ai parlé avec des premiers intervenants. Eux qui ont toujours été très stoïques de nature acceptent maintenant de parler de ces choses-là. Les percées que vous avez réalisées dans ces secteurs vous ont-elles permis de tirer des leçons que nous pouvons appliquer à l’agriculture?
    Oui. En ce qui concerne nos deux programmes de formation intitulés L'esprit au travail et Premiers soins en santé mentale, chaque fois que nous en faisons une adaptation pour un certain secteur, nous tirons des leçons applicables au prochain secteur.
    Je pense qu'avec les années, ce sur quoi j'ai le plus appris, c'est la question de la stigmatisation. Je ne parle pas de la stigmatisation qui touche les agriculteurs, bien que ce soit quelque chose de très réel. Nous avons toutes sortes de données probantes qui montrent que si nous investissions au bon endroit et que nous créions des programmes axés sur la santé mentale de la communauté agricole, cela fonctionnerait autant que dans les autres secteurs. Mais nous ne prêtons pas attention à ces preuves. Cela m'amène à croire en la présence d'un phénomène que nous commençons maintenant à étudier davantage à la Commission et que nous appelons la stigmatisation structurelle ou institutionnelle.
    Il existe tout un volume de données qui démontrent que si nous faisions la bonne chose, cela fonctionnerait. Mais voilà, nous ne le faisons tout simplement pas. Attendons-nous de sombrer dans une situation de crise? Je crois que nous avons déjà atteint un point critique partout au pays en ce qui concerne le suicide. Le taux de suicide, qui est demeuré le même pendant plus d’une décennie, est maintenant en hausse. Sans compter les décès par surdose d’opioïdes, qui ne sont pas des suicides à proprement parler. À l’échelle nationale, on se croise les bras. Partout au pays, on procède à la pièce pour régler cette crise.
    La lutte contre la stigmatisation doit se faire sur de nombreux fronts. Les solutions sont là, mais nous ne mettons ni le temps ni l’argent ni les efforts nécessaires pour les mettre en oeuvre.

  (1025)  

    Merci. Je vais céder les 10 secondes qui me restent.
    Merci, monsieur MacGregor.
    La parole est maintenant à Mme Nassif.

[Français]

    Madame Nassif, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leurs présentations aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à Mme Bradley.
    Au Canada, nous ne disposons pas actuellement d'une stratégie nationale sur la santé mentale en milieu agricole. Nous savons que les problèmes de santé mentale que vivent les agriculteurs peuvent mener à des problèmes plus graves encore, parfois même au suicide.
    Nous savons aussi que la dépression chez les gens en général, et pas seulement chez les agriculteurs, coûte au Canada 32,7 milliards de dollars par année. Quant aux problèmes d'anxiété, ils coûtent 17,3 milliards de dollars par année.
    Avez-vous des données semblables à nous révéler en ce qui concerne les agriculteurs précisément?

[Traduction]

    Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts de mémoire. Je ne les connais pas. Mais nous avons cette information et je serai ravie de la faire parvenir au Comité.
    Il existe une stratégie nationale pour la santé mentale. Elle a été élaborée en 2012, et je crois fermement que si nous pouvions mettre en oeuvre les divers éléments de cette stratégie, cela aiderait tous les Canadiens, y compris la communauté agricole. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin de déployer des efforts ciblés sur le milieu agricole. Je pense que nous devons le faire, de la même façon que nous l'avons fait pour les premiers intervenants. Les efforts et l'innovation nécessaires pour améliorer l'accès aux services de santé mentale s’appliquent uniformément à toutes les collectivités rurales, en particulier à la communauté agricole.
    Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

    Oui.
    Qu'est-ce qui empêche les agriculteurs de demander de l'aide pour des problèmes de santé mentale, à part la stigmatisation et la discrimination?

[Traduction]

     Nous n’avons tout simplement pas les programmes. J’ai parlé du programme Strongest Families, qui est offert à partir de la Nouvelle-Écosse. Il est offert dans divers secteurs partout au pays et pourtant, il y a encore d'immenses collectivités qui n'y ont pas accès.
    La Nouvelle-Zélande a des programmes adéquats. Pour vous donner un exemple précis, il existe un programme pour les familles où les enfants éprouvent des difficultés, car une chose est certaine, c'est que lorsqu'il y a du stress et de l’anxiété chez les parents et dans la famille, les enfants le ressentent aussi. Ce programme leur permet d'accéder à des services dans l'intimité de leur foyer — ce qui élimine le problème de la stigmatisation — et au moment qui leur convient.
    Voilà un exemple de programme qui n’est pas offert partout au pays, particulièrement en Ontario. Il pourrait faire beaucoup pour améliorer le sort des agriculteurs qui ont des enfants en difficulté.
    Il y a aussi toute la question des services de santé mentale par voie électronique. C’est une autre façon de procéder. Je ne suis pas au courant s'il existe un programme axé uniquement sur le milieu agricole, mais il pourrait être élaboré. Les services de santé mentale par voie électronique sont certainement une façon de combler un besoin pour les gens qui travaillent de très longues heures, comme nous l’avons entendu, et à des heures très différentes.

  (1030)  

[Français]

    En plus des problèmes que nous connaissons, par exemple les longues heures de travail, la pénurie de travailleurs temporaires étrangers, les feux qui détruisent les récoltes ou encore les conditions météorologiques, y a-t-il d'autres facteurs qui peuvent amener les agriculteurs à souffrir de problèmes de santé mentale?

[Traduction]

    Je serai franche avec vous, je ne connais aucune étude portant sur les facteurs à l’origine de cette situation. Je peux vous dire que l’isolement et l’accès limité ou inexistant aux services ont de profondes répercussions sur d’autres populations, en particulier dans les collectivités rurales, et pour ce qui est de l’importante stigmatisation, je ne saurais trop insister sur ses effets tant pour les gouvernements qui fournissent des services que pour les collectivités rurales.
    L’une des composantes de Enraciner l'espoir dont j’ai parlé est un programme de formation dans les collectivités de même qu'une campagne. Cela permet aux gens de parler et d’entendre parler des problèmes de santé mentale dans leur propre collectivité.
    Merci, madame Bradley.
    Monsieur Longfield, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
    J’aimerais poursuivre avec Mme Bradley. Au début de l’année, à Ottawa, nous avons tenu une table ronde à laquelle ont participé de nombreux organismes de partout au Canada. C’est quelque chose que mon bureau a aidé à coordonner. Nous avons examiné le lien entre l’Association canadienne pour la santé mentale et la Commission de la santé mentale du Canada et d’autres organismes qui mènent des activités. Pourriez-vous nous expliquer, aux fins de notre rapport, le rôle que devrait jouer la Commission de la santé mentale du Canada, selon vous, en vue d’obtenir des données, d’examiner les mesures du succès ou de promouvoir la santé mentale au pays? Si vous pouviez répondre à cette question en 20 ou 30 secondes, ce serait merveilleux.
    Je vais faire de mon mieux.
    Je crois vraiment que la prévention du suicide est l’un des principaux enjeux au Canada. Dans le cas du suicide, il y a une corrélation directe entre cela et les services inexistants. Le fait de ne pas avoir les bons services a des conséquences terribles. La Commission a communiqué une deuxième fois avec le gouvernement fédéral. Nous avons comparu devant le comité des finances tout récemment et avons procédé province par province. Si nous parvenons à régler le problème du suicide dans les collectivités rurales du pays, nous rendrons un grand service aux Canadiens.
    C’est bien sûr une question sur laquelle l’ACSM et la Commission collaborent.
     Excellent. Merci.
    Vous avez parlé des premiers intervenants. La semaine dernière, nous avons reçu un témoin de l’Alberta qui était aussi pompier volontaire. En raison de son rôle de pompier volontaire, il a été stressé par tout ce qu’il a vu. Très souvent, il était le premier sur les lieux.
    Avons-nous l'occasion d'aider le réseau des pompiers volontaires et d'aider ces gens-là à aider d’autres personnes? Est-ce quelque chose qui fonctionne actuellement ou cela sera-t-il possible plus tard?
    Nous avons formé des milliers de premiers intervenants, y compris des pompiers partout au pays, pour cette raison précise. Nous appliquons un outil d’autoévaluation qui s’appelait autrefois « En route vers la préparation mentale » et qui s’appelle aujourd'hui « L’esprit au travail ». Celui-ci traite de la question des premiers intervenants qui doivent constamment faire face à d’énormes tragédies, y compris la mort.
    Un policier m’a dit que cela lui avait sauvé la vie. Il est retourné chez lui et a dit à sa femme: « Je crois que je suis dans la zone orange. » Elle a répondu: « Non, tu ne l’es pas. Tu es dans la rouge. » Il a reçu de l’aide et cela lui a sauvé la vie. C’était à cause de problèmes provenant de sa situation au travail.

  (1035)  

    Monsieur Orb, je ne peux m’empêcher de penser à Humboldt et à la situation que votre province a vécue, à la façon dont elle a réussi à rassembler les gens, mais aussi au fait que c’est un problème permanent. Cela ne fait pas les manchettes.
    Pourriez-vous nous dire brièvement comment la province a réagi à la tragédie de Humboldt cette année et si le reste du pays peut en tirer des leçons?
    Monsieur Orb, pouvez-vous nous entendre?
    Mon temps est compté. Je vais le partager avec M. Breton. Sa collectivité réunit un grand nombre d’agriculteurs. Je sais qu’il appuie l’industrie laitière.
    La parole est à vous Pierre.

[Français]

    Merci beaucoup, cher collègue.

[Traduction]

    Excusez-moi, pourrais-je obtenir une réponse de M. Orb, par écrit ou autrement? Merci.
    Revenons à Pierre.

[Français]

    Madame Bradley, des études américaines confirment ce que l'on est en train d'entendre aujourd'hui, à savoir que le métier d'agriculteur est l'un des plus stressants en Amérique.
    La Commission de la santé mentale du Canada a-t-elle fait des études similaires sur le suicide et la détresse psychologique des agriculteurs canadiens? Est-ce qu'il existe au Canada des études équivalentes, ou est-ce que les études américaines couvrent aussi notre pays?

[Traduction]

    La Commission de la santé mentale du Canada n’a entrepris aucune étude particulière de cette nature. Nous avons certainement fait beaucoup de travail sur le suicide, un problème qui n’est pas suffisamment abordé dans tous les secteurs au pays. Je n’ai aucune raison de croire que l’agriculture serait différente. En fait, c’est probablement pire, mais nous n’avons axé aucune étude sur l’agriculture à cet égard.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de parler de formation et de prévention pour nos agriculteurs. C'est l'une des clés du succès de nos travailleurs canadiens. Comme nous l'avons entendu ce matin, il n'est pas toujours facile pour les gens qui font ce métier de suivre ces longues formations, étant donné qu'ils travaillent souvent 80 ou 90 heures par semaine.
    Je sais qu'il ne me reste plus de temps. Cela dit, c'est une belle discussion à poursuivre, afin de trouver des solutions pour nos agriculteurs en matière de formation et de prévention.
    Merci de votre témoignage.

[Traduction]

    Merci, monsieur Breton.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Porteous, je vous remercie de votre témoignage d’aujourd’hui. Il vous a sûrement été difficile d’être parmi nous pour vous exprimer là-dessus et de craindre de faire face à nouveau à EDSC. C’est le genre de chose que vous devez avoir à l’esprit, mais je vous en remercie au nom de ceux qui sont de ce côté-ci et, je crois, de tous mes collègues.
    Tout le monde ici convient qu’il faut faire quelque chose pour la santé mentale des agriculteurs. Nous faisons partie d'une famille. Nous sommes un groupe. Nous voulons tous faire quelque chose, mais savez-vous quoi? Depuis le début de cette étude, je me demande pourquoi nous ne nous occupons pas davantage des acheteurs parce que beaucoup de gens ne savent tout simplement pas qu’ils vous font du tort. Ils veulent atteindre leurs propres objectifs. Ils veulent faire leur travail. Ils ne savent tout simplement pas que leur façon de procéder vous nuira. Je pense que vous avez quelque chose à dire à ce sujet.
     De façon probablement regrettable, j’ai mentionné que les gens ne savent pas ce qu’ils font. Ce sont de bonnes personnes, mais elles ont une case à cocher et elles ne voient pas la situation dans son ensemble. Elles ne comprennent pas que supprimer les possibilités qui s'offrent à une entreprise sur trois ou quatre mois peut la mettre en péril ou le stress que cela cause à la famille, ce qui est épouvantable.
    Il serait très utile d'assurer une communication plus efficace et de fixer un objectif global à propos de ce que vous essayez d’accomplir, soit que vous considérez réellement l’agriculture comme une priorité.

  (1040)  

[Français]

    Nous avons aussi entendu parler ce matin des groupes environnementaux et des groupes de défense des supposés droits des animaux, des gens qui n'hésitent pas à inonder les réseaux sociaux de toutes sortes d'information contre les éleveurs et les Canadiens. Je pense qu'il va falloir aller plus loin que le simple fait d'en parler entre nous. Il va falloir sortir du réseau des agriculteurs et du milieu de la santé mentale pour aborder ces situations. Il faut démontrer à ces gens qu'il y a des humains derrière tout cela, car on semble oublier que derrière chaque légume ou chaque tranche de viande, il y a des humains qui travaillent fort, des humains qui vivent des situations différentes.
    Madame Bradley, la Commission de la santé mentale du Canada ne s'est pas penchée précisément sur les agriculteurs, mais je pense que ce serait essentiel, car il s'agit d'un monde à part. Comme on le dit souvent et comme je le constate, un agriculteur ne retourne pas chez après le travail; il demeure dans son lieu de travail.
    Croyez-vous que la Commission de la santé mentale du Canada a un rôle à jouer et qu'elle devrait entreprendre des études ciblant les agriculteurs?

[Traduction]

    En un mot, oui, c’est certainement possible. Cela ne fait pas partie du mandat de la Commission de la santé mentale, mais je peux dire que nous serions heureux d'en tenir compte. Je crois que nous pourrions faire quelque chose pour aider de cette façon, mais jusqu’à maintenant, cela ne faisait pas partie du mandat de la Commission.

[Français]

    En parlant avec le représentant de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario tout à l'heure, j'ai été surpris de constater que les gens semblaient à peine commencer à se rendre compte qu'il existait des problèmes dans le monde agricole. Pourtant, je sais bien que ces problèmes existent depuis très longtemps. Peut-être étaient-ils plus cachés, moins visibles. Maintenant, ils éclatent au grand jour. Je ne sais pas si c'est en raison des réseaux sociaux ou de la manière que l'on a d'en parler davantage. On dirait que plus les problèmes s'aggravent, plus on en parle, et plus on cause des problèmes.
    J'ai déjà été journaliste et l'on disait à l'époque qu'il ne fallait pas parler de suicide, parce que cela encourageait d'autres personnes à poser ce geste extrême. Quelle est votre opinion à cet égard, madame Bradley? Où en sommes-nous exactement? Que devons-nous faire, en tant que parlementaires? Devrions-nous en parler ou pas?

[Traduction]

    Rien ne prouve que de parler à quelqu’un, si vous avez des raisons de croire que cette personne est suicidaire, risque d'aggraver la situation — en fait, c’est tout le contraire. C’est l’une des composantes du programme Enraciner l'espoir auquel j'ai fait allusion précédemment.
    Je comprends pourquoi il vaut mieux ne pas leur parler, mais dans les médias...
    Oh, oui. Absolument.
    ... on a l'impression que cela revient à donner de la visibilité à cette option finale. Qu’en pensez-vous?
    Je pense que la contagion est certainement un problème quand on examine le cas de certaines communautés des Premières Nations et celui des jeunes; il s'agit d'un domaine très particulier. La Commission a produit un document intitulé En-tête, qui propose des lignes directrices à l’intention des journalistes sur la façon de décrire les problèmes de santé mentale et plus précisément le suicide. Il existe une bonne et une mauvaise façon de faire. Nous avons effectué des recherches et constaté qu'il y a des étapes à suivre et des manières très claires pour les journalistes de rendre compte de ce sujet.
     Merci, madame Bradley.
    Malheureusement, c’est tout le temps dont nous disposons. Je tiens à remercier les témoins, M. Porteous et Mme Bradley, de s'être entretenus avec nous aujourd’hui.
    Je crois comprendre que M. Orb a été victime d'une panne d'électricité, mais nous allons lui envoyer vos questions pour essayer d’obtenir des réponses.
    Avant que vous ne partiez, j’aimerais vous faire part de trois petites choses.
    Le jeudi 18 octobre est la date limite pour soumettre des recommandations relatives à l’étude sur les progrès technologiques dans le secteur agricole qui peuvent soutenir les exportations canadiennes.
     La date limite pour présenter des propositions de voyage pour la période de janvier à mars 2019 est le vendredi 19 octobre.
    L’ébauche de rapport préparée par les analystes sera prête lundi. Elle sera distribuée à tous par courriel.
    Je tiens également à remercier M. Berthold.

  (1045)  

[Français]

    Il a mentionné la présence parmi nous de cette étudiante.

[Traduction]

    J’espère que vous avez aimé prendre part à la séance.
    Je vous remercie d'y avoir assisté et j’espère que cela a été utile.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    J’en ai deux ici.
    Il y en a deux là-bas. D’accord, merci.
    Merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd’hui.
    Merci à tous.
    Le Comité suspend ses travaux jusqu’à la prochaine réunion.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU