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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 127 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 février 2019

[Énregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bienvenue à notre deuxième réunion sur le soutien aux Autochtones canadiens dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
    Aujourd'hui, nous accueillons Mme Sheri Longboat, professeure adjointe à l'École de l'aménagement environnemental et du développement rural de l'Université de Guelph. Bienvenue, madame Longboat. Nous accueillons également Stephen Penner, de l'Université de Guelph. Je crois que vous ferez un exposé ensemble.
    Nous accueillons également, de l'Université de Guelph, Mme Hannah Tait Neufeld, professeure adjointe, Département des relations familiales et de la nutrition appliquée. Elle fera son exposé séparément.
    Nous entendrons d'abord M. Penner et Mme Longboat, qui auront sept minutes. Je ne sais pas comment vous souhaitez partager votre temps.
    Merci. Bonjour. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion d'être ici pour contribuer à cette importante discussion sur l'élaboration de programmes et de politiques plus inclusifs en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.
    Comme il a été mentionné, je suis professeure en aménagement et en développement rural à l'Université de Guelph, mais je suis aussi Mohawk de Haudenosaunee, du Territoire des Six Nations de la rivière Grand. J'ai travaillé pendant environ 20 ans avec les collectivités des Premières Nations — la mienne et d'autres — à l'échelon communautaire en éducation, en formation et en gestion des ressources terrestres. Stephen travaille avec moi à titre d'étudiant au doctorat. Il a sept ans d'expérience pratique de travail en collaboration avec des collectivités autochtones sur des projets de développement économique et culturel liés à l'alimentation.
    Aujourd'hui, nous vous parlerons de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans le Nord de l'Ontario, ainsi que dans les régions subarctiques et arctiques, en mettant l'accent sur les objectifs communautaires en matière de sécurité et de souveraineté alimentaires. Il s'agit d'une vaste région dans l'espace et le temps, et nous présenterons donc des généralisations et certains points communs.
    Toutefois, il est important de reconnaître qu'il existe une grande diversité au sein des peuples autochtones de partout au Canada, et au sein de leurs collectivités et de leurs nations, en ce qui a trait à leurs relations aux territoires et aux terres ancestrales, ainsi que leurs sources de nourriture et leurs systèmes alimentaires. C'est dans ce contexte que nous vous présenterons d'abord le cadre dans lequel s'inscrit cet enjeu; nous formulerons ensuite quelques recommandations.

[Français]

[Traduction]

    Kitchi meegwetch, Sheri.
    La souveraineté alimentaire est un enjeu lié aux politiques coloniales. En effet, les nations autochtones du Canada ont hérité d'un système alimentaire datant de l'époque coloniale qui, dans le meilleur des cas, laisse bon nombre de ces nations dans ce qu'on pourrait appeler un désert alimentaire et, dans le pire des cas, impose une peine à vie dans ce qu'on a appelé une prison alimentaire. L'insécurité alimentaire et l'abandon des aliments traditionnels ou locaux ont eu d'énormes répercussions sur la santé et le bien-être.
    Les peuples autochtones sont en tête de liste des maladies liées à l'alimentation, comme le diabète, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies cardiaques et les maladies rénales, en raison d'un accès réduit aux aliments traditionnels et locaux et de l'imposition d'un système de production et de distribution alimentaires peu sécuritaire, moins sain et moins souverain.
    Au coeur des difficultés éprouvées par de nombreuses collectivités autochtones se trouvent les luttes coloniales qui se poursuivent, même dans les contextes postcoloniaux. Les politiques du gouvernement canadien, notamment Nutrition Nord Canada, les systèmes de distribution alimentaire exploités par le plus grand détaillant en alimentation dans le Nord, la North West Company, les effets négatifs multigénérationnels des pensionnats, la Loi sur les Indiens et la rafle des années 1960, ainsi que le racisme systémique et répandu ont érodé la souveraineté alimentaire des Autochtones et leur confiance dans les systèmes établis qui devaient assurer un meilleur avenir alimentaire.
    Les entreprises qui offrent des services aux collectivités demeurent axées sur les profits et, traditionnellement, les gouvernements ont généralement eu recours à des programmes politiques descendants. Ces programmes produisent des résultats négatifs dans les collectivités autochtones. Par exemple, dans le Nord du Manitoba, l'insécurité alimentaire atteint 60 %, et chez les populations inuites du Nunavut, elle atteint 70 %.
    De plus, des collectivités comme Fort McPherson, au Yukon, Fort McKay, en Alberta, Fox Lake, dans le Nord du Manitoba et Eeyou Istchee souffrent des bouleversements qui ont touché l'approvisionnement alimentaire sur lequel leurs habitants comptaient depuis toujours. Ces changements peuvent être attribués au changement climatique et à l'extraction des ressources. Ce que les membres de ces collectivités nous disent — et nous devons les écouter —, c'est qu'ils puisent leur inspiration et leur soutien dans la pêche, la chasse, la cueillette et la production d'aliments.

  (1105)  

    Il est important de savoir que les collectivités autochtones sont en train de réorienter leur système alimentaire. Dans les collectivités, on discute des solutions possibles, notamment la nécessité de modifier les pratiques et les politiques à l'échelle locale.
    Les discussions sur la souveraineté alimentaire ont lieu de l'est à l'ouest, des Mi'kmaq à l'est à la production et à la protection du saumon à l'ouest, et du nord au sud, jusque dans l'Arctique et aussi loin au sud que le territoire des Six Nations, par exemple, où émergent des mouvements alimentaires locaux. Mme Hannah Tait Neufeld vous en parlera également.
    Dans ces collectivités, on révise les pratiques locales, afin de réparer une partie des dommages infligés aux sources d'aliments traditionnels. La réussite de ces mesures repose sur de nouvelles approches collaboratives dans l'élaboration de politiques liées aux aliments et à l'alimentation auxquelles les peuples autochtones peuvent participer et dans le cadre desquelles ils sont directement consultés.
    Il est également important de ne pas oublier qu'avant le contact ou avant la colonisation, les peuples autochtones nourrissaient les membres de leurs collectivités en Amérique du Nord et menaient une vie prospère et saine. En adaptant les connaissances de leurs nations, ils ont pu synchroniser leurs pratiques socioéconomiques aux sources de nourriture existantes. Ces connaissances approfondies se trouvent toujours dans chaque Première Nation du Canada, et ce transfert de connaissances peut contribuer à un nouveau dialogue sur la production et la distribution des aliments.
    Toutefois, actuellement, les aliments produits par les Autochtones représentent une très petite quantité des aliments consommés. En effet, seulement environ 3 % des entreprises du secteur agricole sont des entreprises autochtones, malgré le nombre élevé d'Autochtones qui vivent dans des régions largement associées à l'agriculture.
    Nous observons pourtant un changement positif. En effet, des collectivités autochtones ont imaginé, au cours de la dernière décennie, certaines des solutions les plus innovatrices en matière de souveraineté alimentaire. Il s'agit entre autres de certaines des activités mentionnées par Stephen; nous les avons énumérées à la fin de notre mémoire. Dans le cadre des activités menées par les Cris dans le Nord du Manitoba, il y a un mouvement axé sur les aliments du terroir qui établit des liens entre les gens et la terre en rétablissant des systèmes alimentaires sains et durables. Aussi, de nos jours, les réfrigérateurs du Nunavut contiennent parfois jusqu'à 50 % de produits alimentaires locaux. Nous observons ces tendances d'un bout à l'autre du pays.
    Quelles sont nos recommandations? Les politiques et les programmes devraient insister sur le rôle unique que jouent les aliments pour favoriser la santé dans les collectivités autochtones. Ces politiques doivent reconnaître le point de vue des Autochtones et faire place aux modes d'alimentation locaux, notamment par la reconnaissance du rôle de soutien joué par les aliments traditionnels.
    Plus précisément, nous recommandons de consulter les collectivités pour préciser les besoins agricoles et agroalimentaires et trouver des solutions à l'échelle locale, de respecter, de renforcer et de protéger la relation sacrée entre les systèmes alimentaires autochtones et les collectivités autochtones, d'encourager la production de guides alimentaires communautaires à l'échelle locale, de créer des centres de distribution alimentaire locaux et régionaux, de s'attaquer aux déficits alimentaires dans la politique alimentaire actuelle, de faciliter la coopération entre les organismes des milieux agricoles autochtones, d'encourager la production agroalimentaire et les services autochtones, afin de bâtir une chaîne d'approvisionnement pour les marchés autochtones et non autochtones et, enfin, de reconnaître et de renforcer l'objectif lié à la souveraineté alimentaire chez les Autochtones.
    En terminant, j'aimerais dire que dans les milieux universitaires et communautaires, nous observons l'immense pouvoir qu'ont les aliments lorsqu'il s'agit de favoriser la décolonisation, d'améliorer la santé et de revitaliser les systèmes socioéconomiques autochtones. L'agriculture autochtone est essentielle à l'amélioration des modes d'alimentation en vue d'atteindre la souveraineté alimentaire autochtone. Le gouvernement du Canada a une occasion en or de faciliter des solutions locales qui visent à appuyer le retour des aliments et des systèmes alimentaires traditionnels. Les pratiques et les outils de politique élaborés de façon collaborative peuvent accroître la participation des peuples autochtones à la croissance de l'industrie agricole et agroalimentaire et produire des résultats qui vont bien au-delà des attentes.
    Meegwetch
    Merci, madame Longboat et monsieur Penner.
    La parole est maintenant à Mme Neufeld. Elle a sept minutes.

[Français]

[Traduction]

    Merci et meegwetch de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans le cadre de ses efforts en vue d'appuyer la participation des peuples autochtones dans ce secteur.
    Aujourd'hui, mon bref exposé est tiré de mon programme de recherche dans les domaines de la santé et de l'alimentation autochtones et des recherches axées sur la communauté auxquelles je participe avec les collectivités et les organisations métisses et des Premières Nations.
    Je vous parlerai d'abord des effets structurels — dont certains ont été mentionnés par Sheri et Stephen — qui ont modifié la capacité de production alimentaire des collectivités autochtones dans le Sud du pays. J'utiliserai quelques études de cas qui visent notamment des collectivités du Sud du Manitoba et du Sud de l'Ontario pour illustrer mes propos.
    Même si je considère que je suis d'ascendance mixte, je n'ai pas grandi dans une collectivité autochtone ou dans ma famille biologique. Je suis allée dans une réserve pour la première fois en 1999, lorsque j'ai entamé des recherches pour ma maîtrise en travaillant dans la région d'Entre-les-Lacs, au Manitoba. L'objectif principal de l'étude était d'examiner les processus de changement dans les habitudes alimentaires pendant la grossesse en comparant les récits de jeunes mères et de grands-mères de la collectivité. Je souhaitais approfondir mes connaissances sur les tendances en matière d'acquisition des aliments, sur l'utilisation des aliments traditionnels récoltés à l'échelle locale, sur les pratiques de chasse et de culture, et sur les circonstances liées à l'insécurité alimentaire. La grande partie de ce que j'ai appris était nécessaire pour établir le contexte historique de la collectivité et des terres que ses habitants continuent de cultiver aujourd'hui.
    Traditionnellement, au Canada, les ressources végétales ont joué un rôle de subsistance moins important que l'ont fait le gibier et le poisson dans l'alimentation des peuples autochtones. Dans un grand nombre des collectivités qui ont été étudiées à ce jour, les activités agricoles peuvent avoir été directement liées aux activités des pensionnats ou des oeuvres missionnaires. La collectivité manitobaine avec laquelle j'ai travaillé, en collaboration avec d'autres collectivités dans la région, avait une tradition de pratiques agricoles fructueuses qui remontait encore plus loin dans le temps. On a émis l'hypothèse selon laquelle les premières ethnographies qui ont été menées dans cette région n'avaient qu'une portée étroite et qu'elles n'ont donc pas permis de mener des analyses historiques suffisantes pour reconnaître les traditions agricoles qui ont été recensées pour la première fois au début des années 1800 ou les connaissances transmises par tradition orale.
    Avant l'introduction de la politique fédérale canadienne qui a découragé l'agriculture en augmentant les difficultés liées aux ventes commerciales, de nombreuses collectivités avaient leurs propres traditions agricoles autochtones et pratiquaient une agriculture de subsistance fructueuse. Les changements de politiques qui favorisaient le renoncement aux réserves situées sur des terres agricoles de qualité ont été justifiés en partie par le refus perçu des Premières Nations de pratiquer l'agriculture.
    Dans les années 1830, le Bureau colonial britannique a mis en oeuvre une politique d'assimilation qui encourageait les groupes autochtones à s'établir dans des villages permanents et à apprendre l'anglais, le christianisme et les méthodes agricoles. La Société missionnaire de l'Église anglicane était très active au Manitoba pendant cette période et a fondé plusieurs collectivités agricoles et pastorales le long de la rivière Rouge, au nord de Winnipeg. Lorsque le Manitoba s'est joint à la Confédération en 1870, le gouvernement canadien a entrepris le règlement des revendications territoriales et le Traité no 1 a été signé en 1871. À l'époque, ce Traité réservait ces terres agricoles de qualité pour les Saulteaux, mais en 1907, des pressions exercées par des politiciens et des investisseurs ont entraîné la cession illégale de ces terres au gouvernement du Canada. En 1909, les membres de cette bande ont été déplacés dans un endroit plus isolé et boisé, et cet endroit est devenu l'une des plus grandes réserves au Manitoba.
    La dépossession environnementale réfère aux processus qui ont réduit l'accès des peuples autochtones aux terres et aux ressources de leurs milieux traditionnels. C'est un processus qui peut avoir des répercussions directes et indirectes sur la santé. Comme je l'ai déjà souligné, la perte des liens avec les milieux physiques et les aliments produits et cultivés à l'échelle locale sont des exemples de répercussions directes de la dépossession environnementale. Même si les origines de ces préoccupations peuvent refléter des tendances générales en matière d'alimentation, comme la santé environnementale générale des systèmes alimentaires, les mécanismes ou les déterminants par lesquels l'accès à ces aliments a été réduit sont différents.
    Par exemple, les impacts de la colonisation et de l'assimilation forcée que j'ai d'abord observés au Manitoba et qui sont directement liés à l'urbanisation ont érodé les relations qui existaient entre les peuples autochtones et au sein des collectivités, des familles et des écosystèmes locaux. La santé des collectivités a aussi été indirectement touchée par les mesures d'assimilation prises par les gouvernements pour couper les liens entre les communautés et leurs territoires et leurs systèmes de connaissances, par exemple à l'aide du système des pensionnats. La perte de leur langue, de leurs liens avec leurs aînés et de leurs enseignements a isolé les enfants de leurs racines et a interrompu le transfert des connaissances aux générations suivantes. Ces facteurs ont non seulement réduit l'accès physique aux aliments présents dans l'environnement, mais ils ont également exercé des pressions sur les relations qui engendrent les structures sociales essentielles au maintien de ces systèmes alimentaires.

  (1110)  

    Les aliments proviennent de l'environnement naturel, de l'agriculture, de la cueillette ou de la chasse. La récolte et la consommation de ces aliments produits à l'échelle locale sont également importantes pour la préservation des connaissances autochtones, car ces dernières font partie de leurs propres systèmes alimentaires traditionnels. Un système alimentaire traditionnel englobe les significations socioculturelles, les modes d'acquisition, les techniques de transformation, l'utilisation, la composition, la santé et les conséquences nutritionnelles pour les peuples autochtones qui utilisent ces aliments. La relation qu'entretiennent les peuples autochtones avec leurs systèmes alimentaires uniques et leurs écosystèmes locaux encourage l'adoption de pratiques, de valeurs et de traditions qui contribuent à la santé des collectivités.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, les politiques coloniales ont perturbé ou éliminé l'accès aux sources traditionnelles d'aliments et de médicaments et, dans de nombreux cas, elles ont tout simplement détruit ces sources. Un manque d'accès à l'eau potable et à des aliments sains demeure une préoccupation importante en matière de santé pour de nombreuses familles et collectivités autochtones. La Commission de vérité et de réconciliation demande expressément l'adoption de mesures qui comblent ces écarts en matière de santé, notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire. Pour rétablir des relations durables avec la terre, la culture et les collectivités, le rétablissement de ces relations et de ces structures, y compris les rôles et les responsabilités de la collectivité qui visent à protéger les terres et les systèmes alimentaires traditionnels, représente une mesure de réémergence essentielle et une voie vers la réconciliation.
    Je peux vous fournir des cas et des exemples d'initiatives prises par les collectivités. En 2015, j'ai observé la croissance d'un mouvement dans la communauté des Six Nations de la rivière Grand, où je travaille, grâce au lancement de l'initiative Healthy Roots et le retour à la production d'aliments locaux et l'élimination des aliments transformés ou raffinés. Ce mouvement s'est tourné vers la notion de souveraineté alimentaire, comme Sheri et Stephen l'ont mentionné, ce qui élargit la portée de la sécurité alimentaire, qui était axée sur le coût, l'accès et la disponibilité des aliments, pour aussi comprendre les façons par lesquelles les relations de pouvoir et les inégalités nuisent à la production et à la distribution d'aliments, ainsi qu'aux habitudes de consommation.
    Dans le contexte autochtone, un cadre de souveraineté alimentaire établit des liens concrets entre les propriétés nutritionnelles des aliments et la santé de l'environnement et met en évidence des antécédents en matière d'injustice sociale. Ce cadre aborde les aspirations relatives au bien-être collectif, tout en reconnaissant les droits territoriaux et l'intégrité culturelle. La souveraineté alimentaire autochtone tient également compte de l'égalité entre les sexes, d'une alimentation saine, de la lutte contre le racisme structurel et de la restructuration du processus sociopolitique.
    Des publications récentes sur le mouvement alimentaire autochtone cernent également l'engagement communautaire, l'éducation en matière d'aliments axée sur la famille et le rétablissement des relations avec la terre comme étant des éléments essentiels au rétablissement...

  (1115)  

    Je vois qu'il vous reste probablement une page et demie, mais votre temps est écoulé.
    Les membres du Comité souhaitent-ils écouter le reste de l'exposé ou souhaitent-ils passer aux questions? Il reste probablement au moins deux autres minutes.
    Vous souhaitez qu'elle termine son exposé. D'accord.
    Je suis désolée de prendre autant de temps.
    Puis-je continuer?
    Oui. Allez-y.
    Je peux peut-être enchaîner avec la prochaine partie.
    Grâce à notre collaboration avec les professeurs et les étudiants autochtones et un réseau urbain grandissant, nous sommes en train d'aménager de nouveaux potagers sur le vaste territoire de la rivière Grand et de l'Université de Guelph, pour renforcer les relations fondées sur la terre, de même que la souveraineté alimentaire locale. J'utilise donc l'alimentation comme point de départ dans le cadre d'un programme de recherche communautaire que je dirige pour répondre aux besoins communautaires observés ici, dans le Sud-Ouest de l'Ontario. Cette étude est conçue de manière à mobiliser divers groupes de partenaires, de collaborateurs et d'utilisateurs du savoir.
    Ces potagers ont été aménagés avec l'aide des communautés autochtones locales, dans l'arboretum de l'Université de Guelph et à la ferme biologique du campus de l'Université de Guelph. Nous souhaitons améliorer l'accès aux aliments et parer au manque de connaissances grâce à de nouvelles formes d'éducation fondées sur la terre. Depuis le printemps 2018, un groupe de citoyens, d'employés et d'étudiants engagés plantent et cultivent des plantes comestibles et médicinales. Les jardins sont connus, dans la collectivité, sous le nom de wisahkotewinowak, qui signifie « verdures poussant après le feu ». Ils rassemblent des organismes communautaires autochtones comme le Grand River Métis Council, la White Owl Native Ancestry Association, le Global Youth Volunteer Network et l'Aboriginal Resource Centre.
    Compte tenu de l'élan et de l'intérêt que j'ai constatés au sein des communautés dans les régions où je mène mes recherches et viens en aide à la population, je crois qu'il est temps d'octroyer un financement à long terme et une infrastructure durable aux citoyens pour aider les producteurs alimentaires autochtones, tant dans les réserves qu'à l'extérieur.
    L'automne dernier, j'ai participé à une conférence sur le thème de la nutrition autochtone au Minnesota, et j'ai été frappée par les divers programmes communautaires novateurs favorisant la production alimentaire locale qu'on trouve aux États-Unis. Bon nombre de ces projets recevaient de l'aide fédérale du Service de santé des Indiens. Diverses communautés autochtones des États-Unis, comme celle des Sioux Shakopee Mdewakanton, injectaient aussi des sommes importantes dans une organisation du nom de Seeds of Native Health. Je vous fournis les liens pertinents dans ma liste de référence. Cette organisation octroie ensuite des subventions en matière de recherche alimentaire, d'éducation et d'accès et favorise les efforts locaux.
    La mission du projet d'agriculture et d'alimentation autochtones de l'Université de l'Arkansas consiste à améliorer la santé et le bien-être des communautés autochtones grâce à des régimes alimentaires sains, à un développement économique diversifié et au maintien des traditions alimentaires culturelles. Il a pour but d'outiller les administrations tribales, les agriculteurs, les éleveurs et les entreprises alimentaires grâce à de l'aide technique et à du soutien à la planification, puis de créer de nouveaux programmes universitaires et professionnels dans le domaine de l'agriculture et des systèmes alimentaires pour attirer les étudiants autochtones vers les disciplines agroalimentaires.
    En 2018, le Sénat des États-Unis a adopté un nouveau projet de loi agricole qui comptait 63 dispositions ciblées destinées à générer un investissement sans précédent dans la production agroalimentaire, l'infrastructure et le développement économique autochtones. Certaines de ces dispositions revêtent une importance historique, dont celle créant un conseil consultatif tribal du Département de l'Agriculture des États-Unis, celle réhabilitant deux collèges tribaux auparavant exclus et celle prévoyant l'égalité d'accès à de nouveaux programmes pour les étudiants autochtones en agriculture.

  (1120)  

    Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît? Nous avons beaucoup de questions à poser.
    Oui. Je vais seulement vous lire mes deux derniers paragraphes pour résumer.
    Vous pouvez nous les remettre par écrit, et nous les ferons traduire.
    D'accord, c'est très bien. Vous y aurez accès.
    Je pense que nous pourrons revenir à vous pendant la période de questions. Vous pourrez alors nous présenter votre conclusion si vous le voulez bien.
    Commençons donc les questions sans plus tarder. Monsieur Dreeshen, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de ce matin.
    Je suis moi-même agriculteur, et en gros, cette étude vise à trouver des moyens d'aider nos communautés autochtones à trouver leur place dans cette industrie. C'est bien d'entendre parler de leurs préoccupations. J'ai passé quelques années à Affaires autochtones et Développement du Nord, donc j'ai déjà entendu beaucoup de ces choses, notamment en ce qui concerne le programme Nutrition Nord et les problèmes qui l'entourent. Je viens moi-même de l'industrie bovine et je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a des activités traditionnelles importantes, comme il y a des aliments importants dans le régime alimentaire des habitants du Nord. On n'en a que pour le Guide alimentaire canadien, sur la scène politique, mais il semble s'éloigner des aspects traditionnels de nos régimes alimentaires.
    Monsieur Penner, vous parliez de ce qu'on peut faire pour attirer les gens vers l'agriculture sans qu'ils ressentent toute cette pression d'en haut. J'ai moi-même grandi dans une ferme, et ma famille fait de l'agriculture depuis des centaines d'années. Je serais curieux de savoir comment vous croyez qu'on peut créer le nécessaire pour aider la communauté autochtone à susciter l'engagement dont elle a besoin. Nous avons entendu différentes pistes de solutions. On peut apprendre ce métier à l'école, et ce serait peut-être une bonne idée d'attirer 10 % des étudiants vers l'agriculture, mais encore faut-il vraiment aimer cela. Il faut aimer cette partie aussi.
    Pouvez-vous me donner quelques idées de ce qu'on peut faire à partir de la base plutôt qu'à partir du gouvernement?
    Ces idées sont déjà en place dans bien des communautés.
    Nous vous avons donné toute une liste d'exemples et de liens vers les sources pertinentes. Il faut dire que l'agriculture sera différente selon qu'elle se fasse à petite, à moyenne ou à grande échelle. Il faut la voir comme un pilier pour les communautés. C'est un moyen pour elles d'être maîtres de leur propre avenir financier.
    Ces choses existent déjà. Par exemple, dans le Nord du Québec, à Eeyou Istchee, il y a une personne du nom d'Irene Neeposh qui vient de lancer une entreprise productrice de thé du Labrador. Elle récolte du thé au Nunavik, dans le Nord du Québec, puis envoie ses produits dans le Sud du Québec. C'est un exemple d'agriculture, mais il ne correspond pas à l'image qu'on se fait habituellement des activités agricoles. On peut aussi donner l'exemple de la nation Quapaw, en Oklahoma, qui exploite un vaste élevage de bisons à intégration verticale.
    Il faut trouver une façon de faire connaître ces histoires. Il faut mieux outiller les communautés pour que les Autochtones se disent: « Voici le type de sol que nous avons et voici les ressources qui existent dans la nature. » C'est ce qu'on voit à Aroland, dans le Nord de l'Ontario. On parle là d'activités à petite ou moyenne échelle, mais il faut en parler abondamment et inclure ce genre d'exemple à une trousse d'outils. Ces communautés ne peuvent pas s'inspirer des exemples du Sud. Elles ont besoin d'outils adaptés et d'information qui s'applique à leur contexte.
    Elles doivent pouvoir s'imaginer en agriculture. Je dis « elles », mais nous devons nous-mêmes nous imaginer en agriculture. C'est la première étape si nous voulons aspirer à la souveraineté alimentaire autochtone. La production agroalimentaire autochtone est essentielle à la souveraineté alimentaire autochtone. Sans agriculture autochtone, il n'y a pas de souveraineté alimentaire autochtone possible. Il faut reconnaître les différences qui existent, nous ouvrir l'esprit et présenter les choses différemment pour outiller les communautés.

  (1125)  

    Madame Neufeld, dans certaines discussions, vous avez dit avoir étudié le contexte historique et les besoins en santé maternelle. Pouvez-vous nous en parler un peu plus?
    Je m'excuse, voulez-vous connaître les conclusions de cette étude?
    Oui.
    Il s'agit d'une étude réalisée au Manitoba il y a plus de 15 ans. Je travaille dans ce domaine depuis plus de 20 ans déjà. J'ai constaté une insécurité alimentaire extrême dans ces communautés. J'ai évalué les coûts des aliments. J'ai établi le coût d'un panier de provisions nutritif dans les épiceries locales. Il y avait un marché d'alimentation dans la réserve, qui se trouve à seulement deux heures au nord de Winnipeg, soit dit en passant. C'est un village assez au sud. J'ai donc pris le point de vue des communautés du Sud, plutôt que des communautés du Nord.
    De même, il y avait des écarts entre les générations. J'ai interrogé des femmes de deux générations différentes, des mères et des grands-mères. Une grande partie des connaissances sur les techniques agricoles, l'élevage d'animaux et la culture de la terre pour la communauté et les familles... Une grande partie de cette information s'est perdue et ce, en l'espace de seulement deux générations.
    L'un des problèmes, aussi... Nous parlons du Nord — et ces problèmes sont graves, nous sommes conscients qu'ils sont différents là-bas — mais encore une fois, je vous entends dire que vous vous concentrez... Je pense à ma propre région, dans le centre de l'Alberta, où les activités agricoles envisagées ne seraient pas nécessairement les mêmes qu'ailleurs. Beaucoup d'Autochtones s'adonnent à l'agriculture. Ils s'adonnent à une nouvelle forme d'agriculture traditionnelle, qui nécessite bien sûr de l'équipement. Elle nécessite beaucoup de connaissances techniques, le genre de connaissances que les jeunes vont chercher à l'université ou dans les collèges agricoles, pour bien comprendre toutes les nuances.
    Merci, monsieur Dreeshen. Malheureusement, nous n'avons plus de temps. Le témoin pourra peut-être vous répondre un peu plus tard.
    D'accord, je suis désolé.
    Avant de continuer, je veux souhaiter la bienvenue à M. Eyolfson et à M. Yurdiga, qui sont aujourd'hui substituts à notre comité.
    Monsieur Longfield, vous avez six minutes.
    Je remercie les gens de Guelph d'être ici aujourd'hui.
    Earl Dreeshen commençait à parler d'investissement dans l'agriculture autochtone, de l'équipement nécessaire, et se demandait si les agriculteurs autochtones avaient accès aux mêmes leviers financiers que les autres. Était-ce la direction que prenait votre question?
    À peu près, oui.
    Vous pouvez peut-être nous en parler un peu, parce qu'il y a différents types d'agriculture.
    J'aimerais ensuite m'adresser aux gens du Manitoba.
    Je peux vous répondre à la lumière de mon expérience de travail auprès des communautés dans la réalisation de leur programme de souveraineté et de sécurité alimentaires. Je me suis rendue dans le Nord de l'Ontario, j'ai visité la nation et le territoire Nishnawbe Aski, qui rassemblent environ 45 000 personnes réparties entre 49 communautés nordiques et éloignées. Ces personnes m'ont parlé de ce dont elles auraient besoin pour se sentir en sécurité alimentaire puis cheminer vers la souveraineté alimentaire. Pour beaucoup de communautés, le principal problème est celui de l'accès à... Certaines personnes racontent... Par exemple, un aîné me disait avoir seulement besoin d'avoir accès au sol quelque part pour y aménager des jardins communautaires.
    Nous avons aussi entendu l'histoire d'un homme ayant reçu un diagnostic de diabète grave. Il avait commencé à changer son alimentation, sa façon de manger. Il avait commencé à consommer des aliments locaux, traditionnels et même à se procurer du poisson dans son environnement, ce qui l'amenait à se poser des questions, en particulier sur la salubrité des poissons et la qualité de l'eau. Il commençait à utiliser cela comme mécanisme pour ramener les jeunes vers l'eau et la terre et sentait une transformation s'opérer dans sa communauté.
    Je vous donne cet exemple pour illustrer le fait que quand on cherche des solutions, il faut souvent tenir compte de nombreuses dimensions et cibler divers intervenants, parfois même très localement, pour obtenir un soutien communautaire. Comme Stephen le disait, il existe beaucoup de modèles au pays, et nous serions en faveur de la recommandation de recenser tout ce qui se fait sur le terrain, parce qu'il y a beaucoup de gens qui se demandent comment ils peuvent se remobiliser, comment ils peuvent faire. Ils entendent parler de voisins d'à côté ou un peu plus loin au nord qui font ceci ou cela. C'est l'une des choses qu'ils nous ont demandées. Ce serait une piste de solution.
    Merci.
    Nous n'avons pas vraiment parlé d'investissement, mais nous pourrons peut-être y revenir.
    Je pense au Manitoba— je viens de Winnipeg — et aux différentes communautés qui y vivent. La nation métisse avait autrefois accès au bison, mais les troupeaux de bisons ont été décimés. On voit actuellement le bison effectuer un modeste retour, et il y a divers types d'élevage.
    Les gens de la région du Saint-Laurent, jusqu'à Interlake, ont accès au poisson. On ne pense pas aux poissons quand on parle d'agriculture, parce que les pêches relèvent d'un autre ministère fédéral, donc il y a des compétences qui se chevauchent. Je me suis rendu à Fox Lake, sur le site minier, et il n'y a pas beaucoup d'agriculture qui se fait là-bas. Il n'y a pas d'accès au sol. Puis à Whiteshell, à la frontière entre le Manitoba et l'Ontario, il y a de la culture et de la transformation de riz sauvage.
    Chez les Premières Nations, la définition de l'agriculture est aussi diversifiée que les Premières Nations et les Métis eux-mêmes. Comment arrivons-nous à composer avec cela au gouvernement fédéral?

  (1130)  

    Je laisserai peut-être Stephen vous en parler. J'ai vécu neuf ans au Manitoba. Stephen y vit actuellement.
    Je suis totalement d'accord avec vous, j'observe la même chose dans le cadre de mon travail en Ontario. Je pense qu'il y a des besoins différents dans le Sud de l'Ontario, outre ceux que vous avez décrits, qui sont très grands. Il y a notamment le problème de l'accès à la terre. Même s'il y a beaucoup de terres arables dans cette région, elles coûtent très cher.
    Dans la région du Grand Toronto, de London et des alentours, beaucoup de communautés avec qui j'ai travaillé, comme les Chippewas de Thames et la Première Nation Oneida, ont des traditions agricoles très fortes, mais aucun accès aux terres, donc c'est le noeud du problème.
    Je pense qu'il y a donc deux grands éléments: l'accès et les connaissances.
    Très bien.
    Comme Sheri le mentionnait, il y a des choses fantastiques qui se passent, beaucoup de diversité et d'innovation, mais il n'y a pas vraiment de façon de faire les liens entre tous ces exemples et de permettre aux communautés d'apprendre les unes des autres. Je pense que c'est un autre élément important. Idéalement, ce serait une façon dont le gouvernement fédéral pourrait les aider.
    Quand nous préparons nos rapports, c'est exactement le genre de recommandation que nous cherchons pour mettre en valeur les pratiques exemplaires en collaboration avec les associations autochtones et universitaires.
    Je ne dirai qu'une chose, après quoi je laisserai Stephen vous répondre. Je pense que les communautés sont très diversifiées elles aussi.
    Oui.
    C'est là où je voulais en venir. Voici une photo de l'Université de Guelph. Vous y voyez notre ferme biologique et quelques-uns des jardins autochtones qui y ont été aménagés cet été. Je pense que les Premières Nations elles-mêmes, dans les réserves, ont leurs besoins, mais qu'il y a aussi beaucoup de migration depuis les réserves et qu'il y a beaucoup de personnes très intéressées par la question qui vivent hors réserve. C'est vrai des Métis aussi.
    Il me reste moins d'une minute.
    Très rapidement, vous nous demandez comment on peut reconnaître les différentes formes d'agriculture autochtone. Pour la nation Tsuut'ina, en Alberta, c'est le miel. À Naujaat, dans le Nord du Nunavut, c'est le caribou et l'omble chevalier. La communauté elle-même doit en prendre conscience. Il faut accueillir la perspective de la communauté elle-même, puis lui donner les moyens de faire ce qu'elle juge nécessaire pour atteindre la souveraineté alimentaire et accéder aux marchés d'exportation, mais je pense qu'il y a des choses que le gouvernement canadien peut faire.
    La sécurité alimentaire est centrale ici. Dans le Nord, on trouve du mercure dans les aliments. Les aliments sont contaminés, donc la salubrité des aliments doit entrer en ligne de compte.
    La salubrité des aliments entre en ligne de compte, effectivement. Et il ne faut pas oublier que nos peuples autochtones sont là depuis toujours, qu'ils savent quoi manger, comment manger et ce qui se trouve sur le territoire en abondance, qu'ils pourraient exploiter pour les marchés d'exportation.
    Merci, monsieur Penner.
    Merci, monsieur Longfield.
    Monsieur MacGregor, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup tous trois de comparaître devant le Comité, aujourd'hui. Je viens de l'île de Vancouver, donc ma circonscription regroupe les villages de Cowichan, Malahat, Lyackson, Halalt, Ditidaht et Pacheedaht. Il y a beaucoup de nations et de cultures différentes, même dans un territoire aussi petit.
    Vous avez tellement raison de dire, au sujet des peuples autochtones... Le mot « agriculture » signifie tellement de choses différentes. Les Premières Nations forment un groupe tellement diversifié. Je pense aux Cowichan, en particulier. Il y a des documents qui montrent que la nation harnachait autrefois la rivière Cowichan, y érigeait des barrages pour gérer les stocks de poissons. Le saumon est au coeur de la culture et de l'alimentation de cette nation, qu'on pense au coho, au kéta ou au chinook. Il y a aussi des documents qui montrent qu'elle faisait la récolte des myes. On dit, chez les Cowichan, que quand la marée descend, la table est mise. Cette question pourrait donc faire intervenir d'autres ministères, comme celui des Pêches et des Océans, pour la gestion des ressources alimentaires.
    J'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit sur la souveraineté alimentaire autochtone et vos recommandations en vue de l'élaboration d'une politique alimentaire pour le Canada. Comme certains de mes collègues l'ont déjà mentionné, nous n'avons pas à nous limiter à vos témoignages aujourd'hui. Vous êtes tout à fait libres de nous soumettre un mémoire plus détaillé pour nous expliquer ce que vous souhaiteriez voir mis en place. Nous en serions très heureux.
    Je dois toutefois m'excuser du temps limité dont je dispose pour prendre la parole au Comité, comme j'y suis le seul néo-démocrate.
    Monsieur le président, j'aimerais utiliser mon temps pour déposer une motion.
    Les membres du Comité en ont reçu avis l'an dernier. Cette motion vise à proposer une étude sur la commercialisation du lait non pasteurisé au Canada. Je souhaitais que cette étude comprenne la comparution de témoins sur la consommation actuelle de lait et la façon dont d'autres administrations réglementent sa vente, puis que nous fassions rapport de nos conclusions à la Chambre des communes.
    Je pourrai vous la présenter plus en détail quand tout le monde en aura reçu copie.

  (1135)  

    Allez-y.
    Chers collègues, j'ai quatre principaux arguments à faire valoir à ce sujet.
    Premièrement, nous savons tous, d'après ce que nous entendons dans nos communautés locales, que la consommation de lait cru au Canada est probablement l'un des plus grands marchés non réglementé. Nous connaissons tous des gens qui en consomment et oui, Santé Canada a sa position sur le sujet, mais n'empêche pas les gens d'en consommer. Je pense qu'il serait vraiment indiqué que le Comité étudie la question, mais surtout, qu'il se penche sur l'exemple d'autres administrations. Au Canada, l'agriculture est une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous utilisons notre pouvoir de législation en droit pénal et notre pouvoir de réglementation du commerce interprovincial pour réglementer le lait cru, mais je pense que nous aurions vraiment avantage à bien examiner l'exemple d'autres administrations.
    Aux États-Unis, par exemple, il y a 37 États, représentant 76 % de la population, qui autorisent la vente de lait cru à l'extérieur de la ferme, à la ferme ou les ententes de partage de troupeaux. Certains de nos plus grands partenaires commerciaux de l'Union européenne, dont la France, l'Allemagne, le Danemark, l'Italie, l'Autriche et le Royaume-Uni, autorisent la vente de lait non pasteurisé.
    Je sais qu'il y a des inquiétudes à l'égard des risques qu'il présente pour la santé, mais les données compilées aux États-Unis montrent qu'une plus vaste distribution de lait cru est associée à une diminution des cas de contamination. Cette sécurité accrue découle de la prévalence des programmes d'innocuité alimentaire, qui joue un rôle important dans la réduction du risque.
    Pour résumer et conclure, je pense que notre comité... Comme il s'agit d'un produit agricole et que notre calendrier des prochaines semaines n'est toujours pas rempli, j'aimerais proposer que nous commencions cette étude tout de suite après la fin de celle-ci.
    Je suis ouvert aux observations des membres du Comité sur la question.
    Sur ce, je dépose la motion, monsieur le président.
    Merci, monsieur MacGregor.
    Quelqu'un veut débattre de cette motion?
    Monsieur Poissant.

[Français]

     Je ne suis pas certain que cela soit une bonne idée. Justement, on a recensé en Colombie-Britannique des cas de tuberculose bovine, et ainsi le lait peut être contaminé. Je ne suis pas certain de vouloir me pencher sur cette question et faire une étude pour que les gens aient accès à du lait cru. Nous devons considérer en premier lieu la santé du public dans nos études.
     Il y a-t-il d'autres commentaires?
    Je suis du même avis.

[Traduction]

    Y a-t-il d'autres observations concernant la motion qui a été déposée?
    S'il n'y en a pas, nous allons poursuivre.
    S'il n'y a pas d'autres commentaires... Je m'inquiète du fait que de nombreux Canadiens consomment du lait cru, et que leur nombre est en pleine croissance, je vous prie de me croire. Devrions-nous simplement ignorer le problème en gardant cette consommation dans l'illégalité, aux risques et périls de ceux qui s'y livrent, ou serait-il préférable pour la santé publique que le gouvernement essaie de voir comment cela a été réglementé ailleurs dans le monde et comment il est possible de maintenir la salubrité?
    Je crois que c'est justement le rôle que doit jouer notre comité. Nous ne sommes pas là pour en arriver à une conclusion dans un sens ou dans l'autre, mais plutôt pour étudier ce phénomène qui a cours au Canada. C'est un marché qui n'est pas réglementé. D'autres pays ont adopté des règlements à ce sujet. Allons-nous simplement laisser les choses comme elles sont en permettant aux gens de décider de leur propre sort? Les normes de sécurité en la matière peuvent être plus ou moins strictes. Aux fins de la santé publique et de la salubrité, je voudrais que le gouvernement puisse intervenir concrètement en établissant des normes applicables à une pratique qui existe déjà. La situation ne va pas s'améliorer si nous nous contentons de fermer les yeux sur ce qui se passe.
    C'est ma façon de voir les choses.

  (1140)  

[Français]

    Monsieur Poissant, vous avez la parole.
    Des cas ont été répertoriés. Des gens avaient fabriqué du fromage au lait cru, qui s'était retrouvé sur les tablettes, et cela avait causé de sérieux problèmes. Il y a aussi des producteurs qui boivent leur lait cru, directement. Ils s'exposent sans le savoir à ce genre de problèmes, mais ce n'est pas le gouvernement qui est responsable de leurs gestes.
    Pour protéger la sécurité des citoyens, il faut réfléchir davantage.

[Traduction]

    Monsieur Longfield.
    Je propose l'ajournement du débat.
    Oui, plutôt que de prendre une décision...
    Nous avons des travaux du Comité au programme. Nous accueillons des témoins.
    Une motion a été déposée pour l'ajournement du débat.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Nous reportons donc le débat, et nous allons maintenant...
    Monsieur MacGregor.
    Je dirais à M. Longfield que nous ne pouvons pas discuter en public des travaux du Comité.
    J'invoque le Règlement. Le débat sur cette motion a déjà été ajourné.
    Il vous reste deux minutes et 40 secondes que vous pouvez utiliser comme bon vous semble.
    J'apporte simplement cette précision. Nous ne sommes pas autorisés à discuter de ce qui se passe dans nos séances à huis clos. Nous avions l'occasion de débattre de cet enjeu en public, mais je m'incline.
    Je suis désolé pour cette interruption. Peut-être que nos témoins peuvent nous en dire un peu plus long dans les deux minutes qu'il nous reste, et je les invite également à nous soumettre par écrit des informations plus détaillées. Vous avez parlé d'autonomie alimentaire chez les Autochtones. Quels sont les principaux éléments que vous souhaiteriez retrouver dans une politique nationale de l'alimentation au Canada? J'ai tenu des consultations à ce sujet au sein de ma communauté en août 2017. Nous voilà rendus en 2019, et nous attendons toujours. Quels sont les principaux facteurs qui devraient selon vous être mis en lumière aux fins de l'autonomie alimentaire des Autochtones?
    J'ai quelques éléments de réponse, et mes collègues voudront peut-être en ajouter de leur côté.
    Certainement.
    Il ressort notamment de nos échanges avec les communautés que l'on a besoin de politiques adaptées au milieu qui tiennent compte des façons de faire ainsi que des réalités sociales, culturelles, politiques et économiques locales, car il peut y avoir une grande diversité d'une région à une autre. Ce serait l'élément principal. Nous devons veiller à ce qu'il y ait un engagement concret tenant compte de la situation de chaque communauté.
    Monsieur Penner.
    On s'attaque à un très vaste mandat en cherchant à développer les capacités régionales et locales déjà existantes pouvant mener à l'autonomie alimentaire. On possède déjà ces connaissances. Tout le nécessaire est sur place, mais nous ne le reconnaissons tout simplement pas. Les gens ont l'impression de faire fausse route lorsqu'ils s'éloignent des directives du Guide alimentaire canadien. Ils mangent trop de caribou; ils ne sont pas censés manger trop de protéines. Je pense qu'il importe surtout de redonner aux communautés les pouvoirs requis de façon positive, c'est-à-dire en faisant en sorte que le gouvernement mise davantage sur la consultation et la collaboration.
    D'accord.
    Je voudrais ajouter un dernier élément. Je pense qu'il est également primordial de consulter directement les communautés pour obtenir le point de vue de ceux qui veulent vraiment initier un changement au sein de leur collectivité ainsi que de gens qui y sont parvenus avec beaucoup de succès. Il m'apparaît vraiment important de donner voix au chapitre aux gens de la communauté dans le cadre de ces efforts qui feront intervenir différents secteurs, notamment pour le financement et la sensibilisation de telle sorte que davantage de jeunes s'intéressent à ce secteur.
    Merci.
    Merci, monsieur MacGregor.

[Français]

     Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être présents aujourd'hui pour participer à cette importante étude.
    Monsieur Penner, je vais d'abord m'adresser à vous. Je m'intéresse à l'agriculture dans le Nord et à certaines tendances qui se dégagent. J'aimerais savoir quelles sont les répercussions des changements climatiques. Ma brève expérience auprès de collectivités des Premières Nations — pas en agriculture, mais pour l'énergie — me permet de savoir que les routes d'hiver ont un impact sur l'accès à l'énergie, et qu'il y a aussi la transition du diesel à l'énergie solaire qui est touchée.
    Je sais que nous avons un programme pour l'alimentation, Nutrition Nord, mais pouvez-vous me dire si certaines Premières Nations ont accès à la nourriture grâce aux routes d'hiver?

  (1145)  

    C'est très courant. J'ai travaillé pour la Compagnie du Nord-Ouest dans une vie antérieure. On s'intéressait surtout aux commentaires concernant Nutrition Nord. Les communautés ne sont pas bien desservies par ce programme. Pour ce qui est des routes d'hiver, leur durée de vie est de plus en plus courte, si bien que les communautés doivent de plus en plus se tourner vers des programmes semblables pour assurer leur alimentation. Les gens ne se déplacent plus autant vers le sud, car il n'y a plus de routes d'hiver. Ils doivent donc s'en remettre à des aliments venus d'ailleurs qui ne sont pas nécessairement bons pour leur santé. Il y a une corrélation directe.
    C'est l'une des répercussions des changements climatiques. Il y a aussi des communautés comme celle de la Première Nation de Fort McPherson au Yukon qui ne sont plus sur le trajet migratoire des caribous. Il faut qu'une autre communauté Gwich'in située à Old Crow plus au nord aide celle de Fort McPherson en lui envoyant du caribou. On ne peut plus y chasser le caribou qui a changé son parcours migratoire. C'est assurément un impact majeur des changements climatiques sur l'accès aux ressources pour cette collectivité qui ne pourrait pas s'en tirer sans la solidarité naturelle entre les Gwich'in, les Cris et toutes ces communautés. De tout temps, de tels liens se nouent entre les tribus lorsque la situation l'exige.
    Nous devons reconnaître la situation et déployer des mesures de soutien en conséquence. Le contexte est plutôt difficile, d'autant plus que les changements climatiques affectent aussi les phoques et différentes espèces d'animaux marins. C'est le cas notamment avec la migration des saumons. Il y en a parfois en grandes quantités au Yukon, mais il y a aussi des occasions où ils ne se rendent pas jusque-là parce qu'ils s'arrêtent en Alaska.
    Des études ont été menées sur ces enjeux, mais aucune mesure n'a été officiellement intégrée aux systèmes canadiens de gestion de l'agriculture. Si nous pouvions tirer de ces études les informations nous permettant de fonder nos interventions sur des données empiriques... Nous discutons sans cesse des enjeux d'importance. Il faut mener ces études et avoir accès à ces informations pour pouvoir adopter les politiques éclairées.
    Pour ce qui est de la prolongation de la saison de culture et du recours à la génétique — et n'hésitez pas à m'interrompre, car je sais que Guelph joue un rôle de premier plan à ce niveau —, comment se passe votre collaboration avec les communautés des Premières Nations en vue de prolonger les saisons de culture? Trouvez-vous difficile d'intégrer ces nouvelles variétés auprès de certaines communautés des Premières Nations, notamment en raison de leurs aliments traditionnels?
    Cela ne fait pas partie des sujets auxquels nous nous intéressons dans le cadre de nos travaux de recherche sociocommunautaire. Nous travaillons avec les collectivités en vue de remettre en vigueur ce qu'on pourrait appeler le droit autochtone ou les systèmes traditionnels. Il s'agit de rétablir les sources d'approvisionnement alimentaire sur lesquelles nous comptions auparavant et qui étaient intimement liées aux systèmes sociaux, économiques et souvent politiques qui permettaient aux différentes communautés de gérer leurs relations avec les autres, leur commerce ainsi que leurs relations avec les autres Premières Nations, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Ces systèmes qui servaient également à la gestion interne de la communauté étaient en grande partie fondés sur l'alimentation.
    Nous constatons qu'il y a davantage de communautés qui décident, plutôt que d'importer du Sud ces solutions dont nous parlons... Je dirais que la situation peut varier d'une communauté à l'autre. Il y a ainsi certaines collectivités nordiques qui sont intéressées à se doter de serres. Il y a donc une volonté en ce sens pour ces communautés qui souhaitent s'approvisionner directement en aliments du Sud, comme nous les appelons. La plupart veulent toutefois s'en remettre aux aliments traditionnels, comme vous le diront ceux qui s'efforcent de donner un élan nouveau à ces valeurs et à ces systèmes de connaissances.
    Je peux vous dire que du côté de la nation Haudenosaunee, nous nous efforçons de remettre en usage les semences patrimoniales que nous avons su préserver au fil des générations. C'est ce que nous nous apprêtons à faire. Si nous voulons une alimentation saine, nous devons revenir à ces semences qui ont été recueillies et rassemblées dans le cadre de cérémonies, et confiées aux communautés chargées expressément d'en assurer la préservation.
    Il ne s'agit pas vraiment de faire venir... On s'efforce de revenir à d'anciennes façons de faire, mais dans un cadre contemporain. Cela devient un véritable défi lorsqu'on travaille avec des étudiants et des jeunes qui se sont désintéressés de ces pratiques.
    Vous disiez tout à l'heure que certaines Premières Nations avaient perdu cette connaissance de l'agriculture, et j'aimerais savoir si vous devez leur inculquer de nouveau une partie de ce savoir dans vos efforts pour ramener la culture des aliments traditionnels dans le Nord.
    C'est assurément ce que je fais dans le cadre de mon travail dans le Sud, notamment en faisant appel aux aînés... Le projet auquel je participe consiste à faire venir en milieu urbain des aînés de la communauté des Six Nations pour qu'ils enseignent les pratiques traditionnellement utilisées pour la plantation, la récolte, la préservation des aliments et des activités semblables, et ce, en travaillant toujours bien sûr avec des semences patrimoniales. Ce sont eux qui connaissent le mieux la terre où ils vivent. Nous déployons d'importants efforts à ce chapitre.
    Pour revenir à votre question concernant les changements climatiques, je dois avouer que nous en observons aussi les répercussions à ce niveau. En raison du nouvel état des choses dans le Nord, les changements climatiques influent sur certaines pratiques de préservation et de préparation des aliments, ce qui soulève des préoccupations quant à leur salubrité.

  (1150)  

    Monsieur Penner, aviez-vous quelque chose à ajouter?
    Très brièvement...
    Ça va.
    D'accord.

[Français]

     Je vous remercie.
    Merci, monsieur Drouin.
    Monsieur Breton, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous le permettez, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Eyolfson.
    Des témoins qui sont venus nous rencontrer ont fait des suggestions. Il y a eu des discussions avec des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada au cours des derniers mois. On nous a dit que les gens des Premières Nations avaient plus de difficulté à accéder à des terres, entre autres pour des raisons de financement, que ces gens vivent dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci.
    Êtes-vous au fait de cela? Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles ces gens ont plus de difficulté à obtenir du financement? C'est assez important si on parle d'autonomie alimentaire, c'est l'un des premiers aspects.
    Comme je veux laisser du temps de parole à M. Eyolfson, je vais tout de suite vous demander ce que peut faire le gouvernement du Canada pour remédier à la situation.
     Merci beaucoup. Mon commentaire sera très bref.
    Bon nombre de vos systèmes permettent d'accorder des fonds, mais aucun ne permet de joindre les gens qui ont besoin d'être joints. On ne travaille pas avec le Conseil canadien pour le commerce autochtone, l'organisme Cando ou les agents de développement économique de la communauté afin qu'ils sachent que les fonds sont disponibles. Le système est morcelé. Il y a des fonds disponibles, mais on ne sait pas comment les octroyer aux communautés.
    Il faut donc établir un lien avec les communautés par l'intermédiaire des agents de développement économique. Lorsque du travail est fait avec le gouvernement de la nation crie, la nation des Nishnawbe Aski, le Conseil canadien pour l'entreprise autochtone — avec lequel vous travaillez déjà — ou l'organisme Cando, il s'agit du travail d'agents qui travaillent avec les communautés. Vous tentez toujours d'annoncer que vous faites la bonne chose en accordant tous ces fonds, mais les communautés n'y ont jamais accès. Il n'y a pas de portail permettant aux communautés d'accéder à ces fonds.
    Avez-vous d'autres commentaires à émettre?

[Traduction]

    Je peux tente d'apporter quelques précisions quant à l'accès aux terres. Je peux parler de la situation des communautés vivant dans les réserves du nord de l'Ontario où l'on trouve de petites parcelles de terre fédérales. Il s'agit souvent de terres arables de mauvaise qualité, ce qui complique grandement la tâche aux communautés qui voudraient avoir recours aux pratiques agricoles courantes. La situation est d'autant plus délicate qu'il est très difficile pour ces communautés d'avoir accès à leurs territoires traditionnels à l'extérieur des réserves. Il y a aussi un problème de manque de capitaux et de possibilités de se constituer une valeur nette à partir de laquelle on peut bonifier ses actifs. Je rappelle que certaines collectivités du Nord ont indiqué que le manque d'équipement fait partie des problèmes auxquels elles sont confrontées.
    Votre question est extrêmement importante, mais c'est une problématique très complexe.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais céder la parole à M. Eyolfson.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'en suis à mes premières armes au sein de ce comité. Parmi les éléments qui ont été signalés... M. Longfield y a d'ailleurs fait allusion dans sa question. Je suis également du Manitoba et je suppose que les gens des Prairies voient un peu les choses du même oeil. Les statistiques sur les types d'exploitation des Autochtones indiquent que l'élevage de bovins de boucherie est le plus courant pour les Métis. Nous savons au Manitoba que le bison a joué un rôle très important dans l'histoire des Prairies et dans leur écosystème. Je suis médecin, pas agriculteur — on dirait une réplique de Patrouille du cosmos —, mais d'après ce que je puis comprendre, le bison est l'animal qui se prête le mieux à l'élevage dans les Prairies, car il mange tout ce qu'il peut y trouver, ce qui rend le fourrage inutile.
    Compte tenu de la nature de ces bêtes et de la façon dont on peut en faire l'élevage, il me semble que cela pourrait être une possibilité très intéressante pour les agriculteurs autochtones. Est-ce que des efforts ont été déployés pour sensibiliser ces agriculteurs aux possibilités que pourrait leur offrir ce marché très lucratif?

  (1155)  

    Pas à ma connaissance au Canada. Il y a certains exemples en ce sens aux États-Unis. La nation Pawnee de l'Oklahoma a de gigantesques parcs d'engraissement pour le bison dont l'exploitation est verticalement intégrée. On utilise notamment le fumier pour faire pousser des légumes, et tout le système est considéré dans une perspective holistique. Vous avez toutefois raison. Il n'y a rien à faire lorsque vous élevez des bisons. Vous n'avez pas à les attraper au lasso ou à les immobiliser, sauf quand vient le moment de les abattre. C'est une viande extrêmement saine qui est très faible en gras et absolument délicieuse.
    J'en commande toutes les fois qu'il y en a au menu.
    La plupart des gens considèrent que c'est une bonne source d'approvisionnement alimentaire. Nous ne savons pas si le bison nous vient de l'Alberta, du Manitoba ou des États-Unis. C'est un peu la même chose pour le riz sauvage. Il faudrait que le riz sauvage soit considéré comme un produit de valeur comme le fromage parmesan ou le champagne, car il a son origine des communautés autochtones et est très prisé sur les marchés d'exportation en plus de l'aspect rétablissement qui entre en jeu.
    Est-ce que j'ai répondu à votre question? Je ne sais pas si je dois poursuivre, mais nous avons ciblé la plupart de nos interventions en fonction des régions, qu'il s'agisse du bison dans les Prairies ou du riz sauvage en Ontario ou au Manitoba.
    Merci, messieurs Penner et Eyolfson.

[Français]

     Monsieur Berthold, je pense qu'il reste environ trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Vos réponses ont été très instructives et vont nous aider à prendre de bonnes décisions quant à nos recommandations au gouvernement.
    Monsieur le président, à l'instar de mon collègue M. MacGregor, je vais devoir déposer une motion qui n'a pas de lien direct avec l'étude que nous menons actuellement, mais qui est très pertinente dans le contexte du rapport que nous allons déposer prochainement sur les défis en santé mentale des producteurs agricoles. Au mois d'octobre dernier, j'avais déjà tenté de convaincre le Comité d'adopter une motion dans le contexte de son étude sur la santé mentale. La motion d'aujourd'hui est la suivante:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire entreprenne une étude sur les conséquences de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique sur les fermiers canadiens, particulièrement en ce qui concerne:
     1) les producteurs sous la gestion de l'offre;
     2) les limites imposées aux exportations canadiennes; et
     3) la capacité du Canada à prendre des décisions réglementaires indépendantes dans le secteur agricole,
que cette étude comprenne un minimum de quatre rencontres, et ce, dans les plus brefs délais, que le ministre et les fonctionnaires soient présents pour au moins une rencontre, et que le gouvernement produise toutes les études d'évaluations, analyses et rapports effectués sur les sujets relatifs à cette étude.
    Monsieur le président, si je propose cette motion maintenant, c'est parce que je sais que nous sommes en train de travailler au rapport sur la santé mentale que le Comité doit déposer. Ma motion me semble pertinente puisque l'une des recommandations de ce rapport doit justement porter sur les conséquences des décisions gouvernementales sur la santé mentale et le quotidien des producteurs agricoles.
    Je pense que les changements qui résultent du nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique nécessitent que l'on se penche davantage sur leurs conséquences pour les producteurs agricoles. Ces derniers ont suivi, notamment par le biais des journaux, les négociations publiques ayant mené à cette entente et ont vu leurs marchés s'éroder au profit des Américains.
    Le but ici n'est donc pas de discuter de cette motion des heures durant. Cependant, je souhaite que le Comité se prononce rapidement, pendant qu'il est encore temps, sur le bien-fondé d'inclure de telles recommandations dans le rapport sur la santé mentale qu'il déposera très bientôt. Nous avons ici une occasion unique de discuter de décisions gouvernementales ayant de réelles conséquences sur les fermiers et les producteurs de lait, d'oeufs et de volailles. Je pense que nous manquerions notre coup comme comité si nous ne prenions pas quelques minutes, voire quelques rencontres, pour étudier les effets de cette entente sur les producteurs agricoles.
    Nous devons d'abord mettre fin à la comparution des témoins ici présents. Nous reviendrons ensuite à votre motion.

[Traduction]

    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions avec ce groupe de témoins.
    Je tiens à remercier M. Penner et Mmes Longboat et Neufeld de leur présence aujourd'hui. Il est bien certain que nous aurions pu vous consacrer davantage de temps. Je vous invite encore une fois à ne pas hésiter à nous soumettre des compléments d'information ou des recommandations. Nous distribuerons le tout aux membres du Comité en veillant à en tenir compte dans le cadre de notre étude.

[Français]

    Nous suspendons la séance quelques minutes avant de reprendre nos travaux.

  (1200)  


  (1205)  

     Nous allons reprendre nos discussions.
    Je vais demander aux témoins qui participent à la réunion par vidéoconférence de nous attendre quelques instants, parce que nous sommes en train de débattre d'une motion qui a été présentée il y a quelques minutes. Nous reprendrons la réunion tout de suite après et je ferai les présentations officielles d'usage à ce moment-là.
    Je vous remercie de votre patience. Cela ne devrait pas trop tarder, à moins que des parlementaires décident d'en parler plus que d'habitude, ce qui est toujours possible, vu la longue tradition qui a cours chez les parlementaires ici, à Ottawa.
    Monsieur Dreeshen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci. Je vais essayer d'être bref.
    Lorsque nous avons abordé pour la première fois cette question en décembre, il a été convenu qu'il était très important que nous nous penchions sur l'Accord États-Unis-Mexique-Canada et ses répercussions pour les producteurs agricoles...
    J'invoque le Règlement.

[Français]

    Si je comprends bien, une fois qu'un député assure la présidence, nous ne pouvons pas discuter de sa motion. L'auteur de la motion est bien M. Berthold, n'est-ce pas?
    La greffière m'a expliqué que, selon le Règlement, je ne peux pas déposer une motion en tant que président, mais rien n'empêche les autres membres du Comité d'en parler. Le débat était déjà commencé quand j'ai pris la présidence et il doit se poursuivre. Cependant, je ne pourrai pas voter. J'ai perdu mon droit de vote en assurant la présidence, mais je suis persuadé que vous allez voter de la bonne façon pour que mon vote ne soit pas perdu.
    Monsieur Dreeshen, je vous laisse poursuivre.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Comme je l'indiquais, nous savons qu'il y aura certaines conséquences pour l'agriculture, si bien qu'il est important que nous puissions en discuter. Notre dernière étude qui portait sur les préoccupations relatives à la santé mentale a été des plus révélatrice pour nous tous.
    Il n'y a pas seulement la gestion de l'offre qui est touchée; il y a aussi des restrictions imposées aux exportations canadiennes et différentes préoccupations qui entrent en jeu. Les décisions réglementaires prises de façon indépendante sont pour nous une grande source de frustration et d'inquiétude. Il importe pour tous les secteurs que nous puissions nous faire une idée plus claire de la situation, et le plus tôt sera le mieux. C'est ainsi que nous pourrons prendre les mesures qui s'imposent. Nous allons pouvoir tenir compte des décisions semblables dans nos rapports à venir pour nous faire une meilleure idée des éléments qui sont importants pour notre étude.
    Je vais en rester là pour l'instant.

[Français]

     Merci, monsieur Dreeshen.
    Monsieur Eyolfson, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je propose l'ajournement du débat.

[Français]

    Quelle surprise!
    Le vote porte sur la motion présentée par M. Eyolfson pour ajourner le débat.
    (La motion est adoptée.)
     Le débat sur la motion est ajourné à une autre séance.
    Je remercie beaucoup les témoins qui sont en vidéoconférence de nous avoir attendus si patiemment. Nous avons été de bons parlementaires et avons pu nous en tenir à l'essentiel des discussions sur la motion.
    Nous avons le plaisir d'accueillir des représentantes de 4-H Ontario, Mmes Debra Brown, directrice générale, et Meaghan Moniz, coordonnatrice du Soutien aux bénévoles, Activités de mobilisation des Premières Nations. Elles sont toutes deux en vidéoconférence depuis Guelph, en Ontario.
     Bonjour. Je vous remercie beaucoup de votre participation.
    Également par vidéoconférence depuis Washington, nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean Poirier, propriétaire de Northern Lights Foods. Merci beaucoup de prendre part à notre réunion aujourd'hui dans le cadre de cette étude très importante.
    Nous commençons par les deux représentantes de 4-H Ontario, pour une période de sept minutes.
    Vous avez la parole.

  (1210)  

[Traduction]

    Je m'appelle Debra Brown et je suis directrice exécutive de 4-H Ontario. J'ai consulté des collègues de différentes régions du Canada pour préparer l'exposé que je vous présente aujourd'hui.
    4-H est une organisation qui s'emploie à favoriser le développement positif des jeunes, principalement dans le secteur agricole. Voilà plus de 100 ans que nous menons nos activités au Canada, surtout en région rurale. Il y a actuellement plus de 25 000 jeunes Canadiens qui sont inscrits à des programmes 4-H. En Ontario, 92 % des jeunes participant à nos programmes vivent en milieu rural.
    4-H Ontario travaille auprès des communautés autochtones depuis une vingtaine d'années. Je veux vous exposer aujourd'hui quelques-unes des idées qui émanent de cette collaboration en espérant vous faire ainsi mieux comprendre les moyens à privilégier pour encourager la participation des jeunes Autochtones au sein de l'industrie agricole et agroalimentaire.
    J'aimerais d'abord traiter brièvement des besoins des jeunes. Selon le rapport sur l'État du Canada rural, il convient de travailler davantage au renforcement des capacités des Canadiens vivant en milieu rural, et notamment des Autochtones. C'est seulement chez les Autochtones que le nombre de jeunes est en croissance au Canada, et ce, à un rythme quatre fois plus rapide que dans le reste de la population.
    Les besoins des jeunes Autochtones sont en partie les mêmes que ceux des autres jeunes Canadiens, mais il y en a certains qui leur sont propres ou qui se font davantage ressentir dans leur cas. Il y a aussi des problèmes de santé mentale et de bien-être qui peuvent mener à des taux de suicide plus élevés qu'au sein de la population non autochtone. Tout cela s'accompagne d'un sentiment d'isolement.
    Il y a un autre élément qui distingue les jeunes Autochtones. Certains d'entre eux — selon l'endroit où ils habitent — doivent quitter leur communauté pour fréquenter l'école secondaire. Vous pouvez vous imaginer un jeune de 13 ans qui doit déménager de chez ses parents pour faire ses études secondaires. Un autre facteur peut être associé à la ruralité dans le contexte scolaire. Il arrive que le recours au transport scolaire empêche un jeune de participer à des activités parascolaires, ce qui contribue à son sentiment d'isolement.
    J'aurais un dernier élément à souligner concernant les besoins des jeunes. Ceux des milieux ruraux de même que les jeunes Autochtones ont un taux d'achèvement des études secondaires inférieur à ceux qui vivent dans les secteurs urbains. C'est un peu ironique, car il s'agit souvent de jeunes vivant dans ces mêmes régions rurales où il y a production agricole. Il faut donc en fait réussir l'appariement entre cette population en croissance et le besoin de main-d'oeuvre de plus en plus criant dans le secteur agricole et agroalimentaire.
    Au cours des dernières années, nous avons surtout pris conscience du pouvoir des communications. Les jeunes qui participent aux activités de 4-H Ontario peuvent y acquérir des connaissances sur une centaine de sujets différents. Un club 4-H est constitué de deux leaders bénévoles et de jeunes âgés de 9 à 21 ans. Pour chaque sujet enseigné à ces jeunes, il y a un guide que les leaders bénévoles peuvent utiliser de même qu'un guide pour les jeunes participants qui peuvent y consigner leurs notes d'apprentissage. Depuis quelques années, 4-H Ontario et 4-H Colombie-Britannique collaborent avec les communautés autochtones pour autochtoniser ou décolonialiser, comme nous le disons, certains de ces guides. L'intégration de connaissances et de perspectives autochtones aux guides d'apprentissage 4-H est un élément clé de la mobilisation de toute communauté autochtone. Plusieurs ministères de l'Éducation au Canada ont adhéré au concept de la décolonialisation et de l'autochtonisation des programmes d'études.
    Traitons maintenant des besoins de l'industrie agroalimentaire. Je suis persuadée que l'on vous a déjà amplement parlé de la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur. Je ne vais pas vous en dire davantage à ce sujet, si ce n'est pour vous indiquer que les clubs 4-H pourraient certes jouer un rôle important à ce chapitre. Nous sommes dans une position privilégiée pour inciter les jeunes à s'intéresser très tôt à l'agriculture. Les leaders 4-H sont souvent des chefs d'entreprise dans l'industrie agricole. Vous pourriez notamment constater que bon nombre de ministres de l'Agriculture, de PDG et de présidents d'office de commercialisation sont passés par les clubs 4-H.
    Les leaders 4-H peuvent faire miroiter aux jeunes tout un monde de nouvelles possibilités à vivre dans le milieu agricole de façon très concrète. Les jeunes peuvent ainsi être incités à faire carrière dans ce secteur. Cela peut souvent les mener à leur premier emploi en agriculture dans l'entreprise de leur leader 4-H ou d'un conférencier invité à leur club.

  (1215)  

    Ce programme constitue un solide réseau couvrant l'ensemble des régions rurales du Canada. Il permet aux jeunes d'acquérir des compétences et leur offre des lieux pour les pratiquer. Le programme 4-H possède la force et le réseau nécessaires pour faire connaître l'agriculture aux jeunes et leur présenter les nombreux emplois disponibles dans le secteur le plus prospère du Canada.
    Quelles sont les difficultés qui nous empêchent de motiver les jeunes Autochtones à envisager une carrière dans l'agriculture? On continue de véhiculer le vieux stéréotype selon lequel, lorsque l'on choisit une carrière dans le secteur agricole, on se rend dans les champs pour planter et récolter parce que c'est ce à quoi se limite l'agriculture. Ce stéréotype est très répandu, en particulier chez les jeunes — c'est ce que nous entendons régulièrement dans le cadre des programmes que nous leur offrons. Au sein des 4-H, nous donnons une perspective globale de l'agriculture — qui va vraiment du pré à l'assiette — en mobilisant des bénévoles adultes qui jouent le rôle de mentors. Ils travaillent dans plusieurs domaines du secteur agricole, allant des exploitations à la transformation, en passant par la distribution et les consommateurs.
    Ils considèrent également que l'agriculture est un secteur ancien et traditionnel. En réalité, c'est loin d'être le cas. L'agriculture s'est appuyée sur la technologie pour accroître sa production dans tout le Canada. Ce secteur a réalisé des gains importants en étudiant les possibilités qu'offre la technologie, notamment en matière de génétique et de matériel.
    Madame Brown, je veux simplement vous informer qu'il vous reste 30 secondes pour conclure. Je voulais juste vous avertir.
    D'accord. Merci. Je vais passer directement à la fin.
    Le programme 4-H répond à certaines des recommandations formulées dans Effectifs 2025. Essentiellement, nous possédons une connaissance pratique de l'agriculture qui va au-delà de celle acquise en classe ou dans des manuels. Nous présentons des producteurs à des jeunes, ce qui facilite le réseautage, l'acquisition d'emplois et l'obtention de bourses pour les jeunes Autochtones, afin qu'ils puissent poursuivre des études ou trouver un emploi dans le secteur agricole.
    Je vous remercie sincèrement de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui. Je vous souhaite de réussir dans votre quête pour acquérir des connaissances sur ce thème important.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Brown.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre témoignage.
    Nous allons maintenant passer à M. Jean Poirier.

[Français]

    Il témoignera par vidéoconférence depuis Washington.
    Vous avez sept minutes, monsieur Poirier.

[Traduction]

    Je m'appelle Jean Poirier. Je suis né à Alma, au Québec. En 1965, les événements de la vie m'ont amené à accepter un emploi dans le Nord de la Saskatchewan. Mes jeunes années au sein de l'Aluminium Company of Canada m'ont préparé à vivre une vie plus diversifiée que ce que j'aurais pu imaginer. À l'époque, La Ronge, en Saskatchewan, était une communauté de 250 habitants blancs entourée de 2 500 Autochtones. Nous formions une famille heureuse; nous n'avions aucun problème. Tout le monde voulait avoir un emploi ou était heureux d'être trappeur en hiver et guide en été, et de vivre dans des cabanes au bord de lacs isolés. Et oui, ils étaient fiers d'y vivre. J'en ai été témoin à de nombreuses reprises, car j'ai été propriétaire de huit camps de pêche ou de chasse situés à différents endroits.
    Au cours de notre première année, nous avons ouvert un petit café. Nos employées estivales étaient des jeunes filles autochtones du pensionnat. En hiver, il n'y avait pas beaucoup d'activité. Nous nous occupions nous-mêmes du café et nous offrions même des services de traiteur dans la réserve. Je gérais tous nos projets de construction avec l'aide de mes amis autochtones. Le café est devenu l'une des meilleures grilladeries de la province et était un bon endroit de formation pour nos jeunes Autochtones.
    En 1967, j'ai commencé à travailler dans un centre touristique où il y avait un terrain de golf. Tout le monde n'était pas favorable à ce qu'une personne devienne l'unique propriétaire de ce centre, et finalement, après quelques changements au sein du gouvernement provincial, j'ai été forcé de laisser la personne intéressée prendre le contrôle. En 1989, cette personne avait échoué, alors j'ai repris l'affaire et construit ce qui est devenu l'Eagle Point Resort. Ce projet a servi de programme de formation pour des opérateurs d'équipement lourd. Le terrain de golf a été construit et entretenu par des Autochtones qui n'avaient jamais pratiqué ce sport ou même vu un terrain de golf. Le restaurant a été vendu, mais l'argent a été réinvesti dans des entreprises de construction, notamment dans les domaines de l'équipement lourd et du ciment. Leur effectif était composé essentiellement d'Autochtones appartenant aux nations dénée et crie. Naturellement, il comprenait également des Métis, alors l'évolution des Autochtones avait lieu juste sous nos yeux. Quand j'utilise le mot « évolution », je veux aussi dire les changements.
    Dans le Nord, nos deux employeurs principaux sont deux entreprises d'exploitation de l'uranium. Celles-ci me font confiance, et je travaille à tous leurs projets, avec jusqu'à 128 personnes, là encore, d'origine crie ou dénée. Pour être entrepreneur dans la mine, vous devez employer 70 % de résidants du Nord. J'en emploie plus de 80 % en tout temps et, encore une fois, j'ai formé des jeunes pour qu'ils deviennent charpentiers, électriciens, mécaniciens, soudeurs, tuyauteurs, mécaniciens de chantier, et qu'ils occupent, en gros, tous les métiers qui participent à ce type de projet. Dans l'une des mines, j'ai réalisé des travaux pendant plus de 17 ans sans interruption.
    En 2012, un moissonneur de riz sauvage m'a demandé de m'occuper de la vente du riz sauvage à l'étranger. La bande lui avait fait parvenir un avis de désistement, car elle allait perdre son acheteur principal. La récolte du riz sauvage dans le Nord de la Saskatchewan emploie plus de 500 personnes d'ascendance autochtone. Pour nombre d'entre elles, il s'agit de leur unique source de revenus pour l'année.
    Ceci conclut mon court exposé dans lequel j'ai voulu me présenter et vous démontrer ma connaissance des Autochtones. J'ai toujours vécu en lien étroit avec eux.
    Merci.

  (1220)  

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Poirier.
    Nous commençons maintenant la période de questions et commentaires.
    Monsieur Yurdiga, la parole est à vous pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de se joindre à nous aujourd'hui.
    Je suis issu d'un milieu agricole. J'ai grandi sur une exploitation mixte. Souvent, lorsque l'on parle de soutenir les Autochtones dans le domaine agricole, on pense aux grandes exploitations pour lesquelles il faut beaucoup d'argent pour se lancer. J'aimerais parler des micro-exploitations. Mes enfants ont participé au programme 4-H et ils ont beaucoup appris. Je remercie sincèrement tous les membres des 4-H. C'est un organisme fantastique. Grâce à ces micro-exploitations, nous pouvons enseigner aux enfants à cultiver leurs propres aliments, soit chez eux, soit dans un jardin.
    Madame Brown, d'après votre expérience, devrions-nous offrir davantage de programmes 4-H, ou fournir plus d'information au sein de notre système scolaire, afin de permettre aux gens de cultiver leurs propres aliments?
    Oui, absolument. Je pense que les compétences de nos jeunes en cuisine ne sont pas assez développées, et qu'il y a un écart énorme entre les aliments que l'on met sur nos tables et l'endroit d'où ils proviennent. Les gens ne connaissent plus la provenance de leur nourriture. La plupart des citadins pensent qu'elle sort de l'épicerie, c'est tout.
    Je pense que le fait d'enseigner le jardinage aux jeunes nous offre d'énormes possibilités, et nous pouvons le faire dans les écoles. C'est assurément ce que font les 4-H. Nous étudions également le jardinage dans les zones urbaines parce que l'accès à des terrains pose problème. Il y a le jardinage en terrasse, et de nombreuses personnes souhaitent désormais jardiner chez elles.
    Le programme 4-H peut être une bonne source d'information pour enseigner tant aux jeunes qu'aux adultes comment cultiver leurs propres aliments, afin de contribuer à la durabilité et d'être en santé.

  (1225)  

    Ma prochaine question s'adresse à M. Poirier.
    Lorsque j'étais enfant dans une communauté du Nord, nous avions de nombreuses mares peu profondes que nous appelions des étangs marécageux. Leur profondeur était d'environ deux à trois pieds. Nous y faisions donc pousser du riz sauvage, que nous plantions à l'automne et récoltions l'année suivante.
    Les communautés du Nord ont accès à un nombre élevé de lacs peu profonds susceptibles d'offrir un débouché commercial idéal ou même d'être utilisés pour nourrir leurs propres familles.
    Les marchés sont en expansion. D'après votre expérience, cela pourrait-il être une bonne façon pour les résidants du Nord de générer un revenu? Je sais que la demande est élevée et que l'offre est faible. Pouvez-vous me faire part de votre expérience dans ce domaine?
    Je sais que, comme vous l'avez dit, de nombreuses zones comptent des étangs marécageux qui sont très peu profonds. Dans de nombreuses zones, on a planté du riz, mais on ne l'a jamais moissonné.
    L'une des propriétés du riz sauvage est qu'il se reproduit par lui-même; il repousse pendant environ 10 ans. En gros, il n'y a rien que nous puissions faire pour en produire grâce à des moyens artificiels. Le gouvernement de la Saskatchewan nous a interdit d'utiliser des fertilisants ou autres. Les aliments que nous cultivons sont donc des produits naturels et biologiques.
    Nous pourrions en faire pousser beaucoup plus, mais comme pour les autres secteurs agricoles, cela exigerait certains investissements. Depuis 1995, ceux-ci ont cessé. Le prix du riz est si bas pour les Autochtones, ceux qui le moissonnent, que nous avons obtenu une production très faible, bien que la Saskatchewan reste le premier producteur de riz sauvage au Canada.
    Monsieur Poirier, croyez-vous que le gouvernement devrait investir plus d'argent dans les communautés du Nord pour qu'elles puissent réellement cultiver le riz sauvage? J'en vois de moins en moins dans ma collectivité au fil du temps. Quand j'étais jeune, tout le monde le faisait, mais il semble que la tendance pour les gens la prochaine génération soit de faire autre chose que de cultiver leur propre nourriture.
    De votre point de vue, devons-nous privilégier une approche fondée sur l'éducation à cet égard, dès l'enfance, ou auprès de la prochaine génération, afin d'encourager les gens à faire pousser leurs propres aliments?
    Oui, je suis d'accord avec cela, c'est certain.
    Une chose incroyable est que, même si j'achète du riz, disons, de 100 personnes différentes, il est probable qu'entre 60 % et 70 % d'entre elles n'aient jamais goûté au riz sauvage. Elles n'ont pas la moindre idée de son goût. C'est donc dire que l'éducation est vraiment nécessaire.
    Un autre sérieux problème que nous pose le riz sauvage est qu'il est très difficile à vendre au Canada. Il est très difficile à vendre aux États-Unis, simplement en raison des frais de transport, pas nécessairement à cause du coût du riz qui, dans la plupart des situations, est probablement deux fois mois élevé que celui du riz au supermarché, si on ne tient pas compte du profit de l'épicier. Cela dit, les coûts du transport terrestre sont très élevés.
    Oui, il y a un stade où on peut accroître la sensibilisation, mais le riz sauvage en tant que tel... Les baux sur les lacs, des choses du genre, appartiennent maintenant surtout à des personnes âgées. Le gouvernement de la Saskatchewan évalue la situation et impose de nouvelles conditions, de nouvelles règles, si bien que nous devrions pouvoir enseigner aux gens à le cultiver car, en principe, comme me l'ont dit les 4-H...

[Français]

     Monsieur Poirier, je dois vous interrompre. Votre temps de parole est écoulé. Vous aurez probablement l'occasion d'y revenir.
    Monsieur Drouin, vous avez la parole pour six minutes.
    Monsieur Poirier, dans un esprit de collaboration, je vais vous laisser terminer votre commentaire.
    D'accord. Je vais continuer, mais cela ne sera pas très long.

[Traduction]

    En termes simples, il y a beaucoup de place à l'amélioration.
    À qui devrait être affecté le financement? Si vous le versez à la bande, il ira dans différentes directions. Si vous le versez à quelqu'un qui se trouve déjà là pour lui venir en aide, vous constaterez qu'il donnera probablement de meilleurs résultats, notamment au chapitre de l'éducation des jeunes, mais aussi pour toute personne soucieuse de la culture du riz sauvage.
    Voilà.

  (1230)  

    Merci.
    J'ai une question pour Mme Brown et Mme Moniz.
    Des témoins précédents nous ont dit qu'il arrivait que les compétences agricoles se perdent après seulement deux générations au sein d'une communauté des Premières Nations. J'ignore si vous avez eu le temps de donner des détails sur vos programmes de développement pour les jeunes Autochtones, mais j'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous faites avec les communautés des Premières Nations.
    Notre programme a porté sur la décolonisation, mais nous avons déterminé au cours des dernières années que nous cherchons vraiment à former des partenariats. Comme les 4-H sont des organisations de développement communautaire locales, ces dernières années, nous avons travaillé avec probablement une dizaine de collectivités, qui ont toutes été très différentes. Certaines d'entre elles se sont beaucoup intéressées aux aliments sains et au manque d'accès à ceux-ci. D'autres se sont attachées à encourager leurs jeunes à terminer leurs études secondaires et à voir s'il leur était possible de leur offrir un soutien social pour y arriver. Les objectifs de notre programme sont très diversifiés.
    Notre approche a été d'apprendre à connaître les dirigeants communautaires. Dans le cas des Six-Nations, c'était les responsables du centre communautaire en tant que tel. Dans d'autres collectivités, il s'agissait des responsables du centre de santé, ou encore des membres de la bande. Alors vraiment, les 4-H peuvent offrir tellement d'outils pour enseigner les techniques agricoles et alimentaires que nous avons vraiment opté pour une approche sur mesure afin de tenter de former des partenariats avec ces collectivités en fonction de leurs besoins.
    Je vous ai entendu mentionner certains des stéréotypes qui sont véhiculés: que c'est vieux, que c'est traditionnel, que lorsque vous cultivez la terre, vous êtes dans les champs. Trouvez-vous que c'est partout pareil? Je suppose que vous ne pouvez parler que du point de vue de l'Ontario, mais après discussion avec vos autres collègues, estimez-vous que ce soit partout pareil?
    Je dirais que ce l'est chez les jeunes, c'est clair. Qu'ils soient Autochtones ou pas, c'est ainsi qu'ils perçoivent l'agriculture.
    S'ils sont membres des 4-H, ils ont l'occasion de le faire. À titre d'exemple, l'organisation des 4-H de l'Ontario vient juste d'être reclassifiée comme groupe technologique en raison des avantages que nous offrons sur le plan de la santé. L'agriculture est maintenant une technologie, alors il y a ce type de choses. Si vous allez à une exposition agricole, vous verrez qu'il est possible de contrôler son tracteur à partir de chez soi. C'est une technologie incroyable.
    Voilà pourquoi nous offrons beaucoup d'orientation professionnelle vers les métiers de l'agriculture au sein des 4-H. Dans la plupart des provinces, on offre des types de programmes dans cette optique. On les appelle des programmes d'orientation professionnelle, mais ils portent vraiment beaucoup sur l'agriculture parce que c'est dans ce secteur que nous avons nos relations. Le fait de parler des différentes facettes élargit vraiment les horizons des jeunes, et cela les met en contact avec des mentors dans leur collectivité.
    Je sais que vous perfectionnez des compétences avec vos coordonnateurs bénévoles en matière de santé mentale. La semaine dernière, des représentants de 4-H Canada sont venus nous parler de cette initiative, qui est excellente.
    Oui.
    Pour en revenir à la mobilisation des Premières Nations, si le Comité devait recommander de peut-être vous aider ou d'aider un autre organisme à rejoindre les jeunes Autochtones, que dirait-il?
    J'estime qu'il faut investir chez les plus jeunes, car il faut susciter l'intérêt pour l'agriculture avant l'école secondaire étant donné que le nombre de jeunes qui obtiennent leur diplôme est aussi bas qu'il l'est. Nous devons donner de l'espoir aux jeunes et les aider à planifier leur avenir. Nous devons aussi leur fournir le soutien social, les bourses d'études et les mentors qui les aideront à atteindre leur but.
    Notre approche serait de faciliter cette démarche dans les communautés autochtones en tant que telles, et de ne pas transplanter ces jeunes ailleurs et les éloigner de leur soutien social.
    Oui.

  (1235)  

    Nous pensons que cela vient sous diverses formes. En ce qui concerne le programme... Je pense que les communautés autochtones et les communautés 4-H sont toutes locales. Nous partageons des valeurs communes très fortes. Nous accordons toutes les deux de l'importance au modèle d'apprentissage fondé sur l'expérience. Dans ce contexte, nous avons trouvé des points communs, sur lesquels nous avons fait fond pour pouvoir entretenir des relations mutuellement avantageuses avec les communautés autochtones.
    C'est excellent.

[Français]

     Merci, madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Brown, je vais continuer avec vous. Les 4-H occupent une place importante dans ma collectivité. Je suis originaire de l'île de Vancouver, sur la côte Ouest. Nous avons un climat assez incroyable pour faire pousser des choses. Sur ma propriété à moi, l'ail perce déjà le sol.
    La première partie du nom de ma circonscription est « Cowichan ». Les Cowichan forment la bande comptant le plus de membres en Colombie-Britannique. Leur territoire traditionnel s'étend sur une partie considérable de l'île de Vancouver et englobe les basses-terres continentales. Le saumon et les palourdes font habituellement partie de leurs aliments traditionnels, mais certains membres m'ont dit qu'ils avaient aussi envisagé de cultiver les superficies de terres arables qu'ils ont dans leurs réserves. Ils se sont dits intéressés à se lancer en agriculture, à opter pour des activités qu'ils n'ont peut-être pas pratiquées par le passé et à revendiquer la souveraineté alimentaire.
    Vous avez beaucoup parlé des efforts de mobilisation des 4-H. Je sais que vous parlez au nom des 4-H de l'Ontario, mais lorsque vous parlez de la mobilisation des jeunes, en particulier ceux des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits, est-ce en général? Est-ce une grande mobilisation qui se manifeste chez les 4-H à l'échelle nationale ainsi qu'au sein de ses organisations provinciales?
    C'est surtout dans les provinces de l'Ouest que l'on met davantage l'accent sur la jeunesse autochtone. En Colombie-Britannique, le 4-H a mis en oeuvre un programme de trois ans pour augmenter sa présence dans diverses communautés de la province. On a commencé par examiner le curriculum utilisé et s'en servir comme point de départ. En Saskatchewan, le 4-H songe à s'intéresser au jardinage communautaire avec les communautés autochtones. La semaine dernière, j'étais à Saskatoon et j'ai entendu un conférencier parler d'un jardin situé au coeur de la ville dont toutes les enseignes sont en cri. Il y a beaucoup de possibilités.
    Souvenons-nous également que les collectivités autochtones ne sont pas juste situées dans les régions rurales. Il faut voir quels sont les besoins de la communauté et, en ce qui nous concerne, si le 4-H peut offrir quelque chose pour répondre à ces besoins.
    Je vais donner suite à ce que disait M. Drouin. Nous venons de terminer une étude sur la santé mentale. Nous savons que le 4-H a reçu des fonds du gouvernement fédéral pour aider à la mise en oeuvre de certains programmes.
    La santé mentale est un problème énorme, notamment chez les jeunes Autochtones. Les statistiques sur les suicides sont la honte du pays. C'est une population tellement jeune. Lorsque je regarde les données démographiques sur les tribus Cowichan de ma circonscription, je constate qu'il y a tant de jeunes. Ils sont prêts à se démarquer. C'est la première génération née après celles des pensionnats. On lui met beaucoup de pression pour prendre le relais.
    En ce qui concerne les recommandations que peut faire notre comité, vous avez indiqué que l'agriculture devient de plus en plus une activité technique; ce n'est plus quelqu'un dans le champ avec ses chevaux et sa bêche. Il faut bien comprendre comment fonctionne l'équipement. Dans l'avenir, vu l'importance de l'éducation, notamment pour la jeunesse autochtone, pensez-vous que...? Je songe au rôle que le gouvernement fédéral pourrait éventuellement occuper, peut-être des bourses et des soutiens semblables. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Oui, le gouvernement pourrait effectivement jouer un rôle pour encourager les jeunes à poursuivre leurs études. J'ai eu l'honneur de siéger au comité consultatif de l'Ontario chargé de ce dossier dans le contexte des collectivités mal desservies. Il était question notamment de la réalité rurale.
    Je crois que cela fait écho à ce qu'a dit le témoin précédent sur la façon d'accéder aux ressources. C'est bien beau d'avoir des bourses pour les jeunes autochtones, mais si les enseignants, les élèves et les conseillers en orientation ne savent pas comment les décrocher, ce n'est pas la peine. Je crois qu'il doit y avoir un programme d'accompagnement en éducation sur la façon d'accéder aux ressources lorsqu'il s'agit d'un nouveau programme.
    De plus, il peut y avoir des obstacles d'ordre linguistique. Qui plus est, en Ontario, nous avons toujours des problèmes d'accès à large bande.

  (1240)  

    Tout à fait.
    Il y a également l'aspect technologique, et il me semble que la capacité formidable qu'ont les jeunes pour tout ce qui est technologie permettrait de boucler la boucle.
    Donc, pour résumer, vous avez dit que nous devons décoloniser notre approche. Dans tous les projets, il faut absolument que ce soit la communauté qui soit aux commandes, non seulement les chefs et les conseils, mais également les aînés et les élèves eux-mêmes, afin que les directives ne viennent pas d'en haut et que ce soit la communauté qui dirige les efforts et tente de répondre aux besoins et aux désirs de ses membres.
    Ce serait le moment de conclure, monsieur MacGregor.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Madame Nassif, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie également les témoins.
    Ma question s'adresse à Mme Brown. Vous représentez l'organisme 4H Ontario et, dans ce contexte, vous tentez de susciter l'intérêt pour le milieu agricole chez les jeunes. Pourriez-vous nous donner quelques pourcentages sur la participation des jeunes autochtones par rapport à celle des jeunes non autochtones?
    La participation des jeunes est-elle plus élevée ou moins élevée dans les communautés autochtones?

[Traduction]

    Le pourcentage de jeunes non autochtones est plus grand que le pourcentage de jeunes autochtones dans notre programmation, et ce, partout au pays. Je crois que c'est parce qu'il existe des besoins différents dans les communautés autochtones par rapport à la plupart des régions rurales du Canada, ce qui fait qu'il devient plus difficile de répondre aux besoins de ces communautés.
    Notre programme 4-H vise à offrir des outils éducatifs aux bénévoles partout au Canada qui aimeraient former de jeunes gens dans leur quartier ou communauté, mais d'autres facteurs entrent en ligne de compte dans les communautés autochtones. Certaines d'entre elles ont déjà leurs propres outils éducatifs et ne veulent pas de fournisseur de services externe. Dans d'autres communautés, il y a un obstacle linguistique qui ne permet pas aux adultes d'offrir le programme, ou encore on préférerait avoir une programmation qui ne soit pas en anglais, alors que la plupart de nos ressources sont en anglais.
    C'est la communauté qui décide ce qu'elle veut offrir et comment.

[Français]

    Est-ce que des aînés des communautés autochtones viennent parler de leur culture pour inciter les jeunes à revenir ou à s'attacher davantage à la culture autochtone?

[Traduction]

    Nous avons des bénévoles du 4-H. Certains d'entre eux pourraient être perçus comme des aînés de la communauté autochtone. Les bénévoles que je connais personnellement ont participé aux activités du 4-H lorsqu'ils étaient enfants. En tant que leaders dans leur communauté, ils voudraient que les jeunes connaissent cette même expérience. Dans le monde non autochtone du 4-H, nous dirions que ce sont des leaders communautaires. Nous utilisons peut-être un terme différent, mais les deux termes désignent quelqu'un qui fait ce qu'il se doit dans sa communauté, qui est bien connu dans la communauté et qui est doté d'une certaine puissance et influence afin d'apporter des changements.

  (1245)  

[Français]

    J'aimerais maintenant poser une question à Mme Moniz.
    Vous êtes une jeune femme et vous coordonnez le soutien aux bénévoles. Pourriez-vous nous parler de la participation des femmes, que ce soit dans les communautés autochtones ou non autochtones? Quel est le pourcentage de participation et quels sont les défis auxquels ces femmes doivent faire face lorsqu'elles commencent à s'intéresser au bénévolat?

[Traduction]

    Je peux répondre. C'est plutôt kif-kif entre les garçons et les filles qui participent au programme. Du côté des bénévoles, il y a davantage de femmes que d'hommes.
    Y a-t-il un nombre égal de personnes autochtones et non autochtones, ou y a-t-il un écart? Je parle des femmes.
    Nous avons surtout des bénévoles non autochtones. Cependant, nous avons un bon nombre de membres autochtones, mais nous essayons toujours de voir où ils se trouvent, parce qu'ils participent à la programmation régulière du 4-H, plutôt que d'être membres de clubs autochtones, pour lesquels il existe un besoin énorme, d'ailleurs.
    Ainsi, lorsque nous nous rendons dans les communautés pour parler aux gens, nous constatons le vif intérêt à l'égard de clubs qui seraient réservés aux Autochtones, dirigés par les aînés et offriraient des programmes axés sur les valeurs culturelles autochtones. Or, il est difficile de trouver des leaders bénévoles qui participeraient. Les parents et les communautés souhaitent vivement avoir ce genre de club pour leurs jeunes.

[Français]

    J'ai entre les mains un tableau de 2016 qui nous révèle que la part des femmes exploitantes en agriculture au Canada est la plus élevée. Je vois que 36,8 % des exploitants chez les Premières Nations sont des femmes.
     Je ne sais pas si c'est la même chose pour les jeunes. Vous avez dit que le taux de participation des hommes et des femmes était comparable. Il n'y a donc pas de différence et ce n'est pas plus élevé chez les femmes autochtones que chez les jeunes. Nous parlons toujours des jeunes, puisque vous travaillez auprès des jeunes femmes. Le pourcentage de jeunes femmes autochtones n'est donc pas plus élevé que celui des jeunes femmes non autochtones.

[Traduction]

    Est-ce que cela revient à la participation des femmes autochtones au secteur agricole au Canada en général? J'avais compris que le pourcentage de femmes autochtones qui participaient au secteur est beaucoup plus bas. Je n'ai pas le chiffre ici, mais je l'ai vu il y a quelques jours.

[Français]

    Merci, madame Moniz.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Poissant pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Poirier. J'ai vu que vous nous parliez à partir de Washington, dans l'État américain de l'Utah. À votre connaissance, aux États-Unis, des programmes particuliers sont-ils offerts aux producteurs agricoles autochtones, ou ces derniers bénéficient-ils des mêmes programmes que le reste des agriculteurs?
    Je n'en ai aucune idée.
    D'accord.
    Je reviens à vous, madame Brown. Vous avez dit d'entrée de jeu qu'il y avait plus de jeunes autochtones dans la relève que de jeunes non autochtones. Qu'est-ce qui peut justifier cet écart?

[Traduction]

    Mes commentaires visaient la croissance de la population en général. Nous sommes une organisation qui sert les jeunes des régions rurales, et nous examinons l'évolution du profil démographique rural. Nous savons qu'en Ontario, la population vieillit. La tranche des jeunes n'affiche aucune croissance dans les régions rurales du Canada. La seule population de jeunes qui grandit au Canada est la population autochtone. Une fois ce constat établi, l'écart énorme devient intéressant.

  (1250)  

[Français]

    Madame Brown, savez-vous s'il y a déjà eu des tentatives de partenariat entre agriculteurs autochtones et non autochtones?

[Traduction]

    Absolument. Nous le voyons dans nos clubs. Il se peut que l'on ait organisé un club du 4-H à l'extérieur de la réserve, mais un bon pourcentage des jeunes qui en sont membres vivent dans la réserve. Ils participent au club du 4-H pour apprendre des leaders dans une communauté qui est située très près de leur réserve sans être sur ce territoire. Le club réunit des jeunes et des leaders autochtones et non autochtones.

[Français]

     Si je posais la question, c'est parce que je suis le député de La Prairie. Dans ma circonscription, beaucoup de terres cultivées ont été cédées à la communauté de Kahnawake, mais ont cessé d'être exploitées depuis. Je me demandais si l'on ne pourrait pas profiter des connaissances des agriculteurs non autochtones en jumelant ces derniers avec des agriculteurs autochtones pour relancer la culture de ces terres. Cela pourrait même se faire partout dans le reste du pays.
    Est-ce possible, selon vous?

[Traduction]

    Il y a une petite mise en garde à faire lorsqu'il est question d'offrir une formation en agriculture aux Autochtones par l'entremise de personnes non autochtones. Je ne dis qu'on ne peut pas le faire, mais il faudrait établir un climat de confiance avec le temps et entretenir des discussions sur les pratiques exemplaires.

[Français]

    Un témoin nous a dit tantôt qu'il manquait de soutien sur le terrain. Quelle forme pourrait prendre le soutien en agriculture que le gouvernement pourrait offrir aux jeunes autochtones?

[Traduction]

    Je crois que la nouvelle annonce sur la santé mentale est des plus bienvenues. Comme quelqu'un l'a dit, nous sommes confrontés à une crise. C'est tellement triste. Il faut absolument avoir les soutiens nécessaires. Si on souffre de troubles psychologiques, on n'est même pas capable de songer à une carrière ou garder un emploi.
    Dans le cas des jeunes, nous devons les aider à se doter de capacités d'adaptation afin qu'ils puissent augmenter leur résistance, poursuivre des carrières, fonder des familles et devenir les leaders communautaires dont ont énormément besoin toutes les communautés, ce qui aura une influence sur la prochaine génération de jeunes et apportera des changements positifs.

[Français]

    En terminant, Jimmy Hall, directeur général de l'Indian Agriculture Program of Ontario, nous disait dans son témoignage que le Partenariat canadien pour l'agriculture ne comportait pas de volet particulier pour les communautés autochtones. Pensez-vous qu'il faudrait combler cette lacune?

[Traduction]

    Oui.
    Lorsque le 4-H a demandé des fonds dans le passé, il a appris que la majorité des subventions pour lesquelles le 4-H Ontario peut faire demande pour travailler avec les communautés autochtones sont exclusivement destinées aux communautés autochtones. C'est un obstacle pour nous, puisque nous pouvons seulement travailler avec les communautés qui peuvent demander une subvention, gérer les fonds, etc. Nous ne pouvons pas établir de partenariats avec les communautés qui n'ont pas cette capacité de demander des subventions et de les gérer. Cela nous freine dans nos efforts.
    Au courant des deux dernières années, tout le financement a été attribué dans le cadre de partenariats et a été versé directement aux partenaires autochtones. Du coup, une bonne partie de la population visée ne peut accéder à ces fonds et n'est pas en mesure de participer au développement de cette façon.

  (1255)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Brown et monsieur Poissant.
    Monsieur Dreeshen, vous avez environ quatre ou cinq minutes pour conclure.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Les témoignages recueillis cet après-midi sont formidables.
    Je participe depuis longtemps au 4-H. Quelqu'un a dit que si l'on veut faire participer les gens, il faut habituellement commencer par un grand-parent; suivront un parent et ensuite l'enfant. Tout le monde sait à quel point c'est important et à quel point c'est critique pour la communauté.
    Il y a également des facteurs qui sont propres à l'agriculture. Je sais que la technologie est très présente en agriculture et qu'il faut s'y connaître. La question de l'accès à large bande est une préoccupation, que ce soit dans les écoles ou dans la gestion des exploitations agricoles.
    J'ai enseigné les mathématiques et la physique au secondaire, mais j'ai également été chargé des programmes d'expérience du travail, que ce soit le programme de certification écologique pour les stagiaires comme celui de l'Alberta, ou le programme d'apprentissage enregistré. Ce genre de programme permet aux élèves d'en apprendre sur l'agriculture et d'en faire l'expérience. J'ai également créé un cours sur l'agriculture. Il comportait des leçons sur les systèmes d'équations linéaires et des notions semblables, ce que l'on ne ferait pas normalement avec les élèves de la 10e année, mais si je parlais des rations pour le bétail et de choses semblables, les jeunes s'y intéressaient. Voilà votre potentiel: vous pouvez montrer aux jeunes gens comment utiliser les notions apprises. Du côté de l'éducation, il faudrait en tenir compte dans l'élaboration des curriculums.
    Nous savons que l'on vise les efforts de sensibilisation auprès des communautés autochtones afin qu'elles puissent être parties prenantes. C'est un élément critique. Nous parlons actuellement de la possibilité de tout simplement revenir aux aliments traditionnels, puisque c'est quelque chose qui répondra à un besoin chez les jeunes des communautés autochtones. Je crois qu'il faut s'investir dans les deux aspects, car les gens voudront savoir ce que rapportera leur investissement. Dans le cas d'une exploitation agricole mixte, l'agriculteur sera plutôt satisfait de gagner 1 ou 2 % sur son investissement. D'autres gens ne le seraient pas, mais lui, si.
    Pourriez-vous nous parler de l'élaboration des curriculums et de la façon dont on pourrait intégrer ce genre d'idée dans le système d'éducation normalisé qui existe dans toutes les provinces afin d'atteindre les communautés autochtones également.
    Mes collègues du ministère de l'Éducation et du 4-H me disent que la décolonisation et l'incorporation de contenu autochtone dans le curriculum sont d'une importance vitale pour valoriser ces enseignements.
    Quatre ou cinq provinces permettent l'obtention d'un crédit à l'école secondaire pour la participation à un club 4-H. J'ai constaté au cours des cinq dernières années la valeur accordée à l'apprentissage pratique qui a lieu à l'extérieur de la salle de classe, que ce soit dans l'Île-du-Prince-Édouard ou en Colombie-Britannique. La possibilité est offerte. Elle donne effectivement lieu à... C'est en forgeant qu'on devient forgeron. Comme vous le savez, le 4-H a comme slogan: « Apprendre en travaillant ». Nous faisons participer les jeunes gens grâce au modèle d'apprentissage pratique qu'ont adopté bon nombre de ministères de l'Éducation.
    En Ontario, nous mettons l'accent sur la majeure haute spécialisation, qui permet d'obtenir des crédits supplémentaires au moyen des activités du 4-H. Ces crédits peuvent s'insérer dans une majeure haute spécialisation en agriculture. Nous travaillons de pair avec le ministère ontarien sur ce dossier depuis quelque temps.
    Nous constatons la valeur de l'expérience des clubs 4-H pour ce qui est de rencontrer des dirigeants, de réseauter et d'organiser des rencontres entre les jeunes et les leaders, les entrepreneurs et les agriculteurs dans la communauté. Des avantages se font aussi ressentir dans la salle de classe, mais les clubs 4-H offrent cette petite touche supplémentaire, car les mentors sont présents pour appuyer les jeunes, les encourager à se surpasser, reconnaître leurs talents et leur dire de les utiliser. Tout ce mentorat formidable se produit dans les clubs 4-H et le système scolaire. Les enseignants encouragent les élèves à utiliser leurs compétences de diverses façons.
    Selon moi, le partenariat qui est créé entre les jeunes et les adultes, que ce soit dans le club ou dans une salle de classe, est très important. Cependant, il ne faut pas négliger le contenu d'un manuel ou du curriculum. Sera-t-il accepté par les élèves et par les parents?

  (1300)  

[Français]

     La réunion prend fin sur cette très belle présentation des 4-H.

[Traduction]

    Suis-je trop vieux pour devenir membre d'un club du 4-H?
    Oui.
    Des voix: Ha, ha!

[Français]

    Merci beaucoup de vos témoignages, madame Brown, madame Moniz et monsieur Poirier.
     La réunion est terminée. Cette étude se poursuivra jeudi prochain.
    Merci.
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