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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 075 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 18 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Traduction]

    Bonjour à tous et bienvenue à cette séance du Comité permanent du commerce international. Je m'appelle Mark Eyking.
    Nous avons tenu quelques réunions dans le courant de l'été et nous poursuivons notre étude sur l'avenir de nos relations commerciales avec nos partenaires nord-américains. Nous avons déjà entendu un grand nombre de témoins à ce sujet. Nous avons effectué une importante tournée aux États-Unis, et nous retournerons au centre de ce pays la semaine prochaine en plus de nous rendre au Mexique.
    Avant de débuter, je tiens à souhaiter la bienvenue aux trois nouveaux membres de notre comité. Comme nous aimons bien nous en vanter, nous figurons parmi les comités les plus intéressants, les plus actifs et les plus efficients sur la Colline. Vous serez à même de le constater. Nous sommes ici au nom des Canadiens pour collaborer avec eux en vue de contribuer à l'expansion de nos échanges commerciaux et à la croissance de notre économie.
    Sans plus tarder, je vais partir le bal en me tournant vers les témoins que nous recevons aujourd'hui. Comme on vous l'a sans doute déjà indiqué, vous allez disposer au départ de cinq minutes pour nous présenter vos points de vue, après quoi les députés pourront en discuter avec vous.
    Je crois que nous allons d'abord entendre M. Max Skudra, le représentant du Canadian Council for Aboriginal Business.
    À vous la parole.
    Non, chaque témoin va d'abord nous faire sa déclaration de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Excellent.
    Je vous remercie de m'avoir invité et je vous offre mes condoléances pour votre collègue député qui est décédé.
    Je représente donc le Canadian Council for Aboriginal Business. Nous regroupons plus de 500 entreprises membres dont 70 % sont autochtones. Nous sommes la plus grande organisation semblable au Canada. Nous effectuons des travaux de recherche sur les politiques publiques en plus de réaliser différentes activités visant à favoriser la responsabilité sociale des entreprises autochtones et le réseautage entre elles. Il s'agit pour nous de nouer des liens efficaces entre ces entreprises et le milieu des affaires au Canada. Parmi les 30 % de nos membres qui ne sont pas autochtones, on retrouve quelques-unes des plus grandes entreprises canadiennes comme Suncor, Syncrude, IBM et Tim Hortons. Nous jetons des ponts entre l'entrepreneuriat autochtone et le reste de l'économie canadienne.
    Comme je l'indiquais, nous faisons beaucoup de recherche sur les politiques publiques. Nous avons ainsi pu démontrer, en partenariat avec le Groupe de recherche Environics et les Services économiques TD, que l'économie autochtone est florissante au Canada. Son rythme de croissance est tout à fait remarquable. On compte environ 43 000 entreprises autochtones au pays. Au cours des cinq dernières années, la rentabilité de ces entreprises a augmenté de 15 %. Elles sont plus nombreuses à être rentables et elles le sont nettement plus.
    Suivant l'étude que nous avons réalisée avec les Services économiques TD, les entreprises autochtones sont plus actives à l'étranger que la moyenne des entreprises canadiennes, et elles ont aussi davantage tendance à instaurer de nouveaux services, processus ou produits. On peut donc en conclure qu'elles sont plus novatrices que la moyenne des entreprises au Canada.
    J'ai l'impression que cette croissance considérable est trop souvent passée sous silence au Canada. J'y vois un élément particulièrement réjouissant dans les relations entre les Autochtones et le reste de la société canadienne. Notre organisation s'emploie depuis 30 ans à appuyer et à faciliter cette croissance.
    Je souhaiterais mettre en lumière au bénéfice du Comité certains éléments primordiaux dans le cadre de la renégociation de l'ALENA ainsi que dans un contexte stratégique plus général. Étant donné le grand nombre d'entreprises autochtones qui dépendent du commerce avec l'étranger, et avec les États-Unis tout particulièrement, nous nous inquiétons vraiment des répercussions éventuelles de mesures susceptibles de limiter les échanges transfrontaliers de même que la liberté de mouvement des entrepreneurs autochtones. Ce sont là les acquis que nous voulons défendre.
    Il y a aussi des améliorations que nous préconisons. Suivant les modalités actuelles de l'ALENA, des marchés sont réservés par le gouvernement canadien pour aider les entreprises autochtones. Nous aimerions que ces dispositions soient élargies pour correspondre davantage à ce que prévoit l'AECG. Ainsi, le gouvernement fédéral serait mieux à même d'aider les entreprises autochtones. Nous voyons actuellement au Canada des sociétés comme Suncor ou Bruce Power qui mettent les bouchées doubles pour appuyer les entreprises autochtones dans le cadre de leurs processus d'approvisionnement, et d'autres comme TransAlta qui se montrent très novatrices pour faciliter le financement pendant que le gouvernement fédéral a en quelque sorte les mains liées par notre politique commerciale. Nous souhaiterions que le nouvel ALENA permette de rectifier le tir à ce chapitre.
    Nous voudrions aussi faire valoir, et je suis persuadé que certains de mes collègues seront d'accord, qu'il y a tout lieu de s'inquiéter concernant la propriété intellectuelle. Nous tenons surtout à éviter que l'on renonce en partie aux droits de propriété intellectuelle des Autochtones lorsque ce sujet sera abordé dans les négociations avec les États-Unis, d'autant plus que cet aspect risque de se retrouver en arrière-plan.
    Est-ce qu'il me reste encore du temps? D'habitude, il me faut plus de cinq minutes pour un exposé semblable.

  (1555)  

    Il ne vous reste que 30 secondes, mais nous aimons le fait que vous ayez terminé plus tôt que prévu.
    Des députés: Oh, oh!
    Le président: Vous savez, il y a beaucoup de temps pendant la période des questions. Vous pourriez penser à autre chose, et nous ne sommes pas si stricts que cela ici.
    Je peux continuer à parler.
    Nous allons passer à autre chose et vous aurez de nombreuses occasions de vous exprimer au fil de la réunion. Merci de vos commentaires.
    Merci, je vous en sais gré.
    Nous allons maintenant entendre le président de l’International Inter-tribal Trade and Investment Organization, Wayne Garnons-Williams.
    Allez-y, monsieur. La parole est à vous.
    Je désire souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
    Je suis le président de l’organisme que nous appelons l’IITIO. La principale recommandation que j’ai à vous formuler aujourd’hui est d’adopter une loi habilitante sur le commerce intertribal international. La raison d’être de l’IITIO est de faciliter le mouvement des investissements et l’échange de biens et services autochtones dans le monde entier tout en suivant ses principes, en l’occurrence le respect de la culture et des enseignements autochtones; en mettant en place des pratiques durables sur le plan environnemental; en donnant de l’information, des directives et des encouragements à toutes les parties pour qu’elles adoptent ces pratiques; en favorisant la santé, la robustesse et la stabilité des collectivités autochtones; et, par-dessus tout, en stimulant les économies autochtones.
    Le Canada, les États-Unis et le Mexique sont des pays fondés sur le commerce avec leurs peuples autochtones d’origine. L’examen exhaustif de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 a énoncé des priorités comme la vision d’une relation renouvelée fondée sur l’économie, les terres, les ressources et le développement économique.
    Les obligations légales du Canada à l’égard des peuples autochtones sont, en gros, celles de consulter et d’offrir des accommodements en application de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ainsi que de divers règlements sur les revendications territoriales globales, dont l’obligation expresse découlant d’un traité de consulter les parties autochtones si de nouveaux traités internationaux que négocie le Canada sont susceptibles d’influer sur leurs intérêts. En somme, il est primordial de tenir des consultations significatives, complètes et éclairées.
    Le Canada, le Mexique et les États-Unis sont tous signataires de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui célébrait son 10e anniversaire pas plus tard que la semaine dernière. Pour paraphraser l’article 19, les pays doivent consulter les peuples autochtones pour obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sur les questions susceptibles de les toucher. Cette règle est conforme à la déclaration faite par le gouvernement du Canada en juillet 2017 concernant les 10 principes qui sous-tendent la relation entre le fédéral et les Autochtones. Je ne m’arrête qu’aux principes six et huit. Le principe six porte, grosso modo, sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, tandis que le principe huit porte sur les relations financières renouvelées, tissées en collaboration avec les nations autochtones, qui favorisent un climat de soutien mutuel dans le cadre des partenariats économiques et de l’exploitation des ressources.
    Comme mon collègue l’a mentionné, dans les modalités précédentes de l’ALENA, le Canada, le Mexique et les États-Unis ont chacun inséré des mesures non conformes qui exemptent certains secteurs de l’application de l’ALENA. Le secteur des affaires autochtones en est un. Un chapitre de l’ALENA sur les Autochtones pourrait traiter de sujets comme les connaissances traditionnelles — à ne pas confondre avec la propriété intellectuelle —, le commerce intertribal, les droits de libre passage autochtones — c’est-à-dire les principes des passages transfrontaliers prévus dans le Traité de Jay —, l’accès aux marchés, l’agriculture, les règles d’origine, le règlement des différends, le développement durable, les investissements intertribaux internationaux, l’approvisionnement, le financement, le travail et les ressources humaines. Encore une fois, nous demandons aux parlementaires d’adopter une loi habilitante sur le commerce intertribal international.
    J’aimerais conclure avec ces mots que le juge Murray Sinclair de la Commission de vérité et réconciliation a écrits dans son rapport final de 2015. Il affirme que:
La réconciliation exige une action nationale...
çç
La loi doit changer.
Les politiques et les programmes doivent changer...
La façon dont nous faisons des affaires doit changer.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent du commerce international, la réconciliation exige du gouvernement fédéral qu’il reconnaisse les droits économiques préexistants des Autochtones par l’intermédiaire d’une loi habilitante sur le commerce intertribal international.
    Cela conclut mes remarques liminaires. Je suis prêt à répondre aux questions.

  (1600)  

    Merci, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage de Dawn Madahbee Leach, présidente par intérim du Conseil national de développement économique des Autochtones. Merci.
    Allez-y, la parole est à vous.
    J'aimerais prendre quelques instants pour souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel des peuples algonquin et anishinaabe. Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de présidente intérimaire et au nom du Conseil national de développement économique des Autochtones.
    Notre Conseil est composé de dirigeants d'entreprises et de collectivités des Premières Nations, inuites et métisses de partout au Canada. Il a pour mandat de conseiller l'ensemble du gouvernement fédéral sur le développement économique des Autochtones.
    Comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Canada appuie maintenant, sans réserve, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Tandis que nous célébrons cette année le 10e anniversaire de la Déclaration, le Conseil remercie et félicite le gouvernement du Canada d'avoir fait ce pas important vers une véritable réconciliation avec les Autochtones.
    Nous incitons le gouvernement du Canada à faire preuve d'un leadership résolu et décisif pour garantir qu’un ALENA modernisé intègre les droits ancestraux au coeur même de l’Accord. Non seulement une telle intégration respecterait-elle l’engagement du Canada à l’égard d'une reprise des relations avec les Autochtones au Canada, mais elle s'inscrit également dans l'engagement du Canada à promouvoir les droits de la personne, l'inclusion et le respect de la diversité dans le monde entier.
    Au cours des premières négociations de l’ALENA en 1994, les Autochtones en Amérique du Nord ont exprimé diverses opinions. Certains estimaient que la libéralisation des échanges créerait des possibilités économiques, mais de nombreux autres étaient d'avis que l’ALENA ne serait pas avantageux pour l'ensemble des Autochtones. Bon nombre des préoccupations découlaient du fait que l’ALENA avait été négocié sans la consultation et la participation appropriées des Autochtones.
    Les membres du Conseil sont convaincus que la réussite de cet Accord renouvelé pour les Autochtones au Canada, au Mexique et aux États-Unis dépendra du processus de négociation de l’Accord et de la mobilisation véritable des Autochtones. Il s'agit de la condition fondamentale sur laquelle doivent s'appuyer les modalités particulières de l’Accord.
    Traditionnellement, les frontières de notre peuple étaient libres et ouvertes. Le commerce entre les nations qui se situent maintenant des deux côtés de la frontière entre le Canada et les États-Unis échappait à toutes contraintes, et il existe de nombreux exemples de collectivités dont les territoires traditionnels s'étendent des deux côtés de la frontière. Le Traité de Jay de 1794 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne crée un précédent pour la reconnaissance des pratiques et des systèmes traditionnels autochtones d'échanges, de commerce et de mobilité, qui existaient bien avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord. Le Traité de Jay reconnaît et confirme nos droits préexistants, droits qui bénéficient d'une protection constitutionnelle.
    Pour le Canada, c'est dans ce contexte de droits qu'un ALENA modernisé doit être renégocié. Au Mexique, depuis 1994, les collectivités autochtones ont subi des violations des droits de la personne dans le cadre de l’Accord en perdant leurs terres et leurs moyens de subsistance. Les membres de notre conseil sont solidaires envers les collectivités autochtones partout en Amérique du Nord et incitent le gouvernement du Canada à prendre les devants pour remédier aux problèmes qui ont mené à la violation des droits ancestraux. Un chapitre sur les Autochtones est primordial afin de garantir que les droits ancestraux sont inhérents à l’Accord.
    Le rapport de notre conseil, « Réconciliation: stimuler l’économie canadienne de 27,7 milliards » indique que le PIB du Canada augmenterait de 1,5 %, soit 27,7 milliards de dollars par année, si les obstacles empêchant les Autochtones canadiens de participer à l’économie canadienne sur un pied d’égalité avec les autres étaient supprimés.
    Au Canada, les affaires de la Cour suprême, telles que l'affaire Tsilhqot'in c. la Colombie-Britannique, ont reconnu le titre ancestral aux terres et aux ressources, ce qui confère aux Premières Nations les droits exclusifs d'utiliser ces terres. Partout au Canada, la possession et le contrôle par les Autochtones de grands lopins de terre sur lesquels se trouvent des ressources naturelles importantes sont des réalités qui mèneront à une hausse de la possession de terres ancestrales et créeront des occasions de commerce international.
    La majeure partie du Nord canadien, par exemple, est régie par des accords de revendications territoriales et des ententes sur·l'autonomie gouvernementale. Ces accords protégés par la Constitution confèrent aux Autochtones des régions nordiques les droits de propriété de grandes étendues de terre ainsi que les droits de récolte, les transferts en capital et la participation aux régimes de gestion des terres et de l'eau. Le Nord canadien couvre 40 % de la superficie continentale du pays, et il est presque exclusivement régi par des accords de revendications territoriales.
    Nombre de collectivités et d’entreprises autochtones participent au secteur forestier, l'un des secteurs commerciaux les plus importants du Canada, évalué à 22 milliards de dollars par année. Au Canada, 58 % des collectivités autochtones ont conclu un marché ou un partenariat avec une entreprise forestière. Des occasions importantes de réagir avec des solutions innovatrices au pays et à l'étranger sont ainsi créées, tant pour les collectivités autochtones que pour les entreprises privées engagées dans le secteur des ressources naturelles.

  (1605)  

    En plus du secteur forestier, les entreprises autochtones participent aussi directement aux industries du secteur primaire, y compris celles des pêches et de l’exploitation minière.
    L'inclusion des Autochtones dans l’ALENA crée une occasion unique pour les Autochtones et le Canada de faire croître notre économie en exploitant l’énergie et l’expertise des collectivités autochtones partout au Canada.
    Dans le cycle de négociations actuel de l’ALENA, les membres du Conseil sont préoccupés par l'approvisionnement. Les marchés d'approvisionnement infranationaux au Canada sont évalués à environ 18 milliards de dollars par année, et il s'agit d'une composante importante du développement économique des Autochtones.
    Excusez-moi. Pourriez-vous conclure? Nous avons beaucoup dépassé le temps alloué.
    D’accord.
    Je voulais simplement ajouter que les membres du Conseil incitent le gouvernement du Canada à négocier âprement les exemptions aux dispositions « Buy American » et à améliorer l'accès des entreprises canadiennes aux occasions de marchés aux États-Unis. Dans ce pays, les fournisseurs autochtones issus des minorités bénéficient déjà d’occasions d’approvisionnement considérables et mesurables; ce devrait aussi être notre cas.
    En conclusion, je veux simplement dire que l'accès aux occasions économiques des Autochtones et des sociétés autochtones doit être protégé, que le développement économique doit être appuyé véritablement par l'inclusion dans l'accord d'un chapitre sur les Autochtones, et que le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre en place les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation dans leur entièreté, y compris les appels à l'action 43 et 44, qui demandent l'adoption et de la mise en oeuvre complètes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Je suis disposée à répondre à toutes vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons entamer un dialogue avec les députés en commençant par les conservateurs. Les cinq premières minutes leur sont réservées.
    Monsieur Carrie, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d’être venus aujourd’hui. C’est un traité si important. Je vais essayer de ne pas parler beaucoup, ce qui est extrêmement difficile pour les politiciens, mais nous n’avons que cinq minutes.
    Vous avez mentionné le Traité de Jay et, vraiment, quand on y pense, les peuples autochtones ont été les premiers partisans du libre-échange. J’aimerais savoir dans quelle mesure les peuples autochtones ont participé au processus de consultation du gouvernement du Canada et, selon la prépondérance des probabilités, si vous pensez que vos vues ont été entendues et prises en compte.
    Je sais que les discussions sur le Traité de Jay ont été assez exhaustives, car c’est vraiment une zone grise ici au Canada où nous avons des frontières qui sont assez ouvertes au commerce, surtout parmi les peuples autochtones d'un côté comme de l'autre, et cela n’a pas posé problème. Des personnes de notre région ont vendu du poisson aux États-Unis, par exemple, mais dans certaines régions, ce ne serait pas permis. Cela dépend toujours du passage frontalier.
    Je pense vraiment que nous avons besoin de clarifier la situation, qui n’est pas cohérente. Si on pense à l’esprit du Traité de Jay et au fait qu’on a des collectivités tout juste à la frontière avec des personnes qui vivent dans la même communauté, avec le même chef et conseil, mais dont les maisons se trouvent à différents endroits à la frontière canado-américaine, c’est comme cela que nos peuples chassaient dans ces régions. C’est vraiment un sujet dont on devrait discuter davantage pour dégager une espèce d’entente de façon à ce que toutes les parties clarifient ce que le processus devrait être, surtout dans le cadre des discussions sur l’ALENA.

  (1610)  

    Avez-vous des recommandations précises que nous pourrions présenter?
    Je pense que l’esprit du Traité de Jay devrait être reconnu. Je pense que si on détermine que des entreprises sont autochtones et que leurs collectivités corroborent l’information, elles devraient pouvoir faire ce commerce transfrontalier. Il pourrait y avoir un registre des entreprises autorisées à faire du commerce. Je pense que c’est une chose.
    Je pense que M. Garnons-Williams voulait ajouter quelque chose.
    Oui, merci.
    Mon collègue ici a raison lorsqu’il dit que c'est dans l’esprit du Traité de Jay car, comme nous le savons tous, ce traité n’a aucune force de loi au Canada à l’heure actuelle par suite des deux décisions judiciaires dans lesquelles il a été déterminé que la Grande-Bretagne en était signataire, et non le Canada; de plus, nous n’avons jamais adopté de loi habilitante à cette fin. Alors il y a cela, mais c’est le principe qui le sous-tend.
    Lorsque vous retournez en arrière, en 1794, époque où la Grande-Bretagne — dans la partie qu’on connaît maintenant sous le nom de Canada — et les États-Unis traçaient une frontière, ils ont pris conscience de la présence de nombreux Autochtones qui faisaient du commerce partout. Nous avons, par exemple, les Mohawks dans la partie maintenant connue comme l’Ontario, le Québec et New York. Nous avons la bande d’Athabasca, en Alaska et au Yukon. Nous avons les Salish de la côte, en Colombie-Britannique et à Washington. Nous avons les Colville Confederated Tribes et la bande d’Okanagan à Washington et en Colombie-Britannique, respectivement. Je pourrais traverser la frontière et trouver des Premières Nations qui ont été coupées en deux. Certaines d’entre elles essaient vigoureusement de rétablir leurs liens, mais c’est très difficile car, bien sûr, quand on remonte en arrière, on constate que la perspective fédérale sur les peuples autochtones était que les Autochtones n'étaient pas des citoyens, qu'ils n'étaient même pas nécessairement des personnes et que, grâce à la destinée manifeste, le gouvernement pouvait prendre le pouvoir.
    C’est ce nouveau domaine que nous examinons pour revoir le passé. Nous ne pouvons pas avancer sans admettre que ce qui s’est passé avec la Grande-Bretagne et les États-Unis était une reconnaissance du droit économique préexistant de faire du commerce, du commerce intertribal autochtone, prévu dans le Traité de Jay.
    Si vous me le permettez, je vais citer un passage très bref du Traité de Jay:
... aux Indiens résidant sur l'un ou l'autre côté des frontières, de passer et repasser librement par terre ou par la navigation intérieure dans les territoires et pays respectifs des deux parties sur le continent américain (à l'exception exclusivement du territoire compris dans les limites de la Compagnie de la Baie d'Hudson) et de naviguer sur tous les lacs et rivières d'iceux et de s'adonner librement aux affaires et au commerce les uns avec les autres...
    Voilà de quoi il s’agit, et le respect de ces principes s’inscrit dans la réconciliation, si le Canada veut appuyer ses propos par des gestes concrets. Voilà pourquoi je dis qu’il faut adopter des lois comme aux États-Unis en ce qui concerne le Traité de Jay. J’ai mentionné le fait que ce traité avait été révoqué à cause de la guerre de 1812 et ensuite, en raison d’une impasse, les États-Unis se sont dit qu'il pourrait y avoir lieu d'adopter une loi pour appuyer les principes énoncés dans le Traité de Jay, et c’est ce qu’ils ont fait.
    L’article 289 de la Immigration and Nationality Act de 1952, telle qu'elle a été modifiée en 1965, a incarné l’esprit du Traité de Jay aux États-Unis, si bien qu’il n’est pas difficile d’imaginer que le Canada puisse adopter une loi pour habiliter le commerce intertribal entre les nations et pour clarifier la situation car, dès qu’on le fait, tous les autres ministères doivent s’harmoniser — les douanes, l’accise et les administrations portuaires. Ces organismes doivent tous dire: « D’accord, c’est super. C'est la volonté du Parlement, alors nous allons faire en sorte que cela se produise ». S'ils ne le font pas, ils pourraient nous couper nos moyens, comme ils l'ont fait par le passé lorsque nous avons essayé de stimuler le commerce autochtone.
    Merci, monsieur. Notre temps est nettement dépassé, mais le dialogue était si intéressant que je l'ai laissé se poursuivre.
    Nous allons maintenant passer aux libéraux.
    Monsieur Fonseca, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de vos présentations. Monsieur Skudra, je vous ai écouté attentivement parler de nombreuses réussites des Autochtones sur le plan des affaires et du commerce. C’est merveilleux de l’entendre. Je pense que, dans le cadre des consultations, notre gouvernement a entendu et reçu plus de 22 000 présentations. Grâce à nombre d'entre elles et à nombre de discussions que nous avons eues avec les peuples autochtones, la ministre et notre gouvernement ont fièrement annoncé que nous estimions qu'un chapitre sur les Autochtones dans l’ALENA était une priorité, et nous pensons que c’est fantastique.
    Nous allons poursuivre nos discussions avec nos négociateurs commerciaux. Nombre des conversations que nous tenons en comité éclairent nos pourparlers.
    Si ce chapitre n’est pas retenu dans la version définitive de l’ALENA, quelles autres options aimeriez-vous que le Canada aborde avec nos deux autres partenaires commerciaux?

  (1615)  

    À mon avis, la première chose, à tout le moins, ce sont les exceptions dont Wayne et moi avons discuté. Je crois qu'il faudrait au moins élargir la portée de l'intervention fédérale, surtout en ce qui concerne l'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, au-delà des marchés réservés à des initiatives proactives. Selon moi, une telle mesure serait très importante, de même que la protection d'autres intérêts clés liés à la protection intellectuelle et aux connaissances traditionnelles. Du point de vue de la CCAB, la protection des connaissances traditionnelles serait une autre grande priorité.
     Merci.
    Allez-y, monsieur Williams.
    Il s'agirait d'adopter une loi habilitante sur le commerce intertribal international pour essentiellement corriger les torts du passé conformément aux principes qui sous-tendent le droit économique préexistant qu'est le commerce intertribal.
    Je travaille tous les jours au financement des entreprises autochtones, et il y a déjà des entreprises qui font du commerce aux États-Unis. Elles ont plus de facilité à le faire que les entreprises qui s'établissent au Canada; par conséquent, cette loi habilitante serait d'une grande utilité. Il faut aussi reconnaître la propriété intellectuelle et la nécessité de telles mesures, ainsi qu'un programme d'approvisionnement efficace.
    Le système d'approvisionnement dont nous disposons n'est pas mesurable. Personne n'est là pour s'assurer que cela se produit réellement et qu'on publie un rapport pour informer les gens du nombre d'entreprises autochtones qui s'adonnent à de telles activités. Il n'y a aucune vérification. Je crois que nous devons colliger ces données pour montrer qu'il y a des entreprises autochtones qui profitent effectivement des marchés du gouvernement.
    Permettez-moi de renchérir là-dessus. Le secteur privé utilise des cartes de pointage. Des efforts novateurs sont déployés pour accéder aux chaînes d'approvisionnement. Si Bruce Power annonce un contrat de modernisation de l'énergie nucléaire de 250 millions de dollars, aucune entreprise autochtone ne pourra l'exécuter. Par contre, cette société est toujours prête à distribuer le travail aux intervenants de ses chaînes d'approvisionnement de telle sorte que des entreprises autochtones puissent commencer à contribuer au système. Elle mesure les résultats. Elle peut produire des rapports à ce sujet. Pour revenir au point soulevé par Dawn, nous aimerions vraiment que le gouvernement fédéral commence à donner du mordant à ses projets, initiatives et politiques en matière d'approvisionnement, en plus de mesurer les résultats de ces politiques. Je pense qu'il y a d'excellentes initiatives en place, mais on néglige tout simplement d'en mesurer les effets.
    J'appuie l'idée de Max. Il ne faut pas confondre la propriété intellectuelle avec les connaissances traditionnelles. À l'heure actuelle, il n'existe aucune loi protégeant les connaissances traditionnelles, que les gens confondent avec la propriété intellectuelle.
    Voici brièvement en quoi les deux diffèrent.
    La propriété intellectuelle, comme vous le savez, protège une personne ou une entité pendant une période déterminée pour un produit qu'elle a mis au point. Après y avoir accordé de l'énergie et des capitaux, l'auteur de la propriété intellectuelle a la chance de récupérer cet argent. Il s'agit donc de protéger une personne ou une organisation donnée pendant une période précise et pour un produit précis.
    En comparaison, dans le cas des connaissances traditionnelles, il n'y a personne en particulier. Ces connaissances existent depuis des temps immémoriaux, et elles ne sont pas limitées dans le temps. Elles durent à perpétuité et elles appartiennent collectivement à la nation. J'utilise l'exemple du chandail Cowichan. Diverses entreprises ont tenté de copier ce produit à l'échelle internationale. Les Cowichans ont la capacité de protéger leur droit de propriété relatif à ces connaissances traditionnelles parce que l'essentiel, ce n'est pas seulement le chandail ou le modèle, mais les histoires qui se cachent derrière ce produit. Ce sont les traditions et les légendes qui se rattachent à chacun des motifs. Les connaissances traditionnelles comptent beaucoup pour les Autochtones.
    Je voudrais simplement ajouter une brève observation à ce sujet. Je sais qu'il sera difficile d'intégrer ce chapitre dans l'ALENA, mais je pense qu'il faut, à tout le moins, une certaine reconnaissance de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Vous n'aurez peut-être pas tout un chapitre consacré aux Autochtones, mais j'estime qu'il est vraiment important que nous ayons quelque chose là-dedans en reconnaissance de la déclaration et que le Canada insiste là-dessus pour respecter son engagement envers les Autochtones.

  (1620)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer au NPD. Madame Ramsey, vous avez la parole pour cinq minutes. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous.
    C'est en fait une excellente introduction pour ce que je voulais réellement vous demander. Le travail de mon collègue, Romeo Saganash, et son projet de loi d'initiative parlementaire feraient en sorte que les lois du Canada respectent activement l'obligation du gouvernement d'obtenir un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et de respecter les droits fondamentaux des Autochtones.
    Selon vous, l'adoption du projet de loi de M. Saganash favorisera-t-elle le respect des obligations internationales relatives aux Autochtones?
    Absolument. C'est quelqu'un qui a travaillé si fort dans ce dossier. Il comprend les tenants et aboutissants des enjeux internationaux. Je suis très heureuse que le Canada ait enfin décidé d'appuyer cette déclaration. Elle devrait faire partie de toutes les lois canadiennes que nous adopterons à l'avenir. Je crois que c'est impératif. Cela a du bon sens. Quand on lit la déclaration, on se rend compte que tout son contenu est très important.
    Prévoir ce type de soutien ou, à tout le moins, de renvoi dans un document international comme celui-ci sera d'une importance primordiale à l'avenir. C'est le genre de rôle que le Canada peut jouer dans le monde aujourd'hui.
    J'ai une question complémentaire à vous poser, monsieur Garnons-Williams. Comment la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, après son adoption sans réserve par le Canada, aidera-t-elle à protéger les droits de propriété intellectuelle et les connaissances traditionnelles?
    Le hic, c'est qu'il ne s'agit que d'une déclaration et, comme vous le savez, les déclarations n'ont aucune valeur contraignante. La décision de respecter ou non la déclaration dépend de la bonne volonté de chacun des signataires, et le choix de la mettre en oeuvre ou non est laissé à leur discrétion.
    D'aucuns soutiennent que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pourrait être applicable maintenant puisqu'elle prévoit des mesures qui sont tenues pour acquises et qui sont considérées comme faisant partie du droit international coutumier. Si la déclaration relève du droit international coutumier et que ce fait est établi par un tribunal international ou national, alors elle sera exécutoire. Si elle n'a qu'une valeur déclaratoire, alors elle sera discrétionnaire.
    Pour répondre à votre question sur les connaissances traditionnelles, il s'agit de donner plus de mordant au projet de loi. Rendez ces mesures obligatoires plutôt que discrétionnaires.
    Donc, rendons-les exécutoires.
    Mon collègue a voulu savoir ce qui arriverait si nous ne parvenions pas à ajouter le chapitre. Mais, avant tout, avez-vous l'impression que les Autochtones prennent place d'égal à égal à la table de cette négociation? Selon vous, quelles sont les possibilités offertes par ce chapitre, et que devrait-on y retrouver?
    Je suis toujours optimiste, alors supposons que le chapitre soit retenu, mais il y a ensuite la question de savoir si vous avez l'impression d'être là en tant que partenaires égaux.
    Pourquoi pas? Ce que nous aimerions voir dans le chapitre, c'est plus de mesures comme celles dont nous avons déjà parlé un peu.
    Nous préconisons, entre autres, des outils proactifs concernant l'approvisionnement et l'amélioration de la procédure régissant les marchés publics.
    Les collectivités des Premières Nations créent souvent des sociétés de développement économique; il s'agit de sociétés qui appartiennent aux Premières Nations, aux Inuits ou aux Métis et qui représentent leur collectivité. Nous devons nous assurer que ces entreprises sont protégées de toute modalité de l'ALENA concernant les entreprises d'État. Nous voulons faire en sorte que les entreprises autochtones jouissent de la plus grande liberté possible pour ce qui est du mouvement des personnes et des marchandises. Par ailleurs, nous prônons, je suppose, une reconnaissance de l'environnement des peuples autochtones du Canada à l'heure actuelle, ainsi qu'une capacité accrue en matière de commerce intercommunautaire.
    Je ne pense pas qu'on nous traite comme des partenaires égaux, et je crois qu'il y a lieu d'améliorer la situation.
    Je peux vous dire qu'il y a de nombreux Autochtones compétents qui peuvent contribuer à la rédaction de ce chapitre. Nous pourrions préparer le tout de façon détaillée. Je songe à un groupe de personnes, d'un bout à l'autre du pays, qui ferait un excellent travail pour ce qui est de rédiger le chapitre, avec tous les détails dont vous avez besoin. J'ai lu tous les mémoires qui vous ont été remis aujourd'hui par des Autochtones, et je sais qu'il y a d'excellentes solutions et idées que nous pourrions mettre de l'avant.

  (1625)  

    À mon sens, le commerce intertribal doit être protégé et amélioré. J'envisage un système dans lequel, idéalement, un des chapitres de l'ALENA prévoirait une option ou une structure de commerce intertribal qui permettrait, par exemple, aux Amérindiens des États-Unis et aux Premières Nations ou Métis du Canada de négocier quelque chose entre eux, et ce serait protégé et enchâssé de sorte que les tribus aient une souveraineté économique complète pour négocier leur propre régime commercial en utilisant le chapitre de l'ALENA sur les Autochtones comme mécanisme pour en venir à une entente qui leur sera avantageuse sur toute la ligne.
    Pour en revenir à votre première question, je crois que, dans cette série de négociations de l'ALENA, on a déployé des efforts vraiment impressionnants pour mobiliser les peuples autochtones. C'est formidable de voir une telle participation du chef national et de la fonction publique. Voilà un excellent point de départ qui débouchera, je l'espère, sur d'excellents résultats. Cela reste à voir, mais nous sommes très optimistes. En tout cas, moi, je le suis.
    Ce qui est compliqué, c'est la spécificité de la discussion. Wayne est un avocat ayant une longue expérience dans la fonction publique, ce qui le met dans une position unique pour faire des commentaires, mais je crois que nous aimerions avoir davantage d'occasions et de ressources pour tenir ce genre de conversations.
    Quant au point soulevé par Dawn, il s'agit d'un sujet technique d'une grande complexité, d'où la difficulté de se prononcer là-dessus. Il y a beaucoup de gens très qualifiés qui pourraient faire cela, mais ce à quoi nous tenons, c'est la création de formats, de tribunes ou de moyens pour permettre aux Autochtones de travailler ensemble et de relayer leur point de vue.
    Nous prenons du retard, mais les échanges sont si intéressants; voulez-vous...
    Il s'agit d'un sujet de préoccupation qui se trouve au coeur même du dossier à l'étude. J'admets que le ministère des Affaires mondiales fait un travail admirable pour ce qui est de mener, dans la mesure du possible, des consultations auprès des groupes d'intervenants et de titulaires de droits, mais il y a un problème concernant les groupes de titulaires de droits et l'obligation fédérale. Cela nous ramène aux principes mêmes d'une consultation, et il suffit de lire les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Delgamuukw et Tsilhqot'in pour comprendre en quoi consiste ou ne consiste pas une consultation.
    Je sais que nous avons des délais serrés de 11 jours entre chaque série de négociations, mais, à mon avis, un tel échéancier ne permet pas de mener des consultations complètes, sincères, justes et valables auprès des titulaires de droits. Cela comporte de nombreux risques, car on négocie quelque chose avec la conviction d'avoir tenu une consultation, mais les titulaires de droits font face à des problèmes tout au long du processus et ils disent: « Attendez, nous n'avons pas le temps d'examiner ce point. C'est trop compliqué. Nous devons faire venir des gens pour étudier cette question complexe dans le domaine commercial. »
    En l'occurrence — et je sais que nous n'avons aucune mainmise sur l'échéancier —, je crains qu'un délai de 11 jours entre les séries de négociations ne soit pas suffisant pour permettre la tenue de consultations en bonne et due forme auprès des titulaires de droits.
    J'ai une brève question à poser, et Wayne pourrait peut-être y répondre. Nous sommes récemment allés à Washington, où nous avons rencontré les membres du Comité des voies et moyens, qui est l'équivalent de notre comité et qui s'occupe de ce dossier. C'est un peu différent, mais ils font la même chose. Si j'avais su ce que je sais maintenant, je leur aurais demandé à quel point les Premières Nations des États-Unis collaborent étroitement avec leur comité du commerce et leurs négociateurs. D'ailleurs, le Mexique fait-il participer ses peuples autochtones à ce dossier? Pour notre part, c'est ce que nous faisons, dans une certaine mesure.
    Souvent, lorsque nos comités se déplacent pour entendre des témoins, nous nous rendons compte que de nombreux agriculteurs canadiens font affaire avec des agriculteurs des États-Unis qui travaillent en coulisse. Je me demande, et c'est peut-être une longue question, si vous travaillez avec les Premières Nations au Mexique et aux États-Unis et, le cas échéant, si elles expriment des opinions semblables aux vôtres.
    Oui. J'ai reçu une note le 14 septembre dernier de la part de Jacqueline Pata, directrice générale du Congrès national des Indiens d'Amérique. Elle voulait m'informer que son organisation, une organisation nationale pour les Amérindiens des États-Unis, appuie l'inclusion d'un chapitre sur les Autochtones dans une version modernisée de l'Accord de libre-échange nord-américain. Ils en sont conscients. Ils appuient les efforts déployés en ce sens par le Canada, et ils font pression sur leur gouvernement de manière prospective pour obtenir son appui.
    La semaine dernière, j'ai eu la chance d'assister à la Journée de l'unité tribale organisée par le Congrès national des Indiens d'Amérique, à Washington, et l'un des hauts représentants du ministère des Affaires autochtones a pris la parole à cette occasion. C'était un ancien professeur de droit autochtone, et il a disséqué le point de vue et la politique de l'administration Trump sur les droits des Autochtones. L'expression clé — et n'oublions pas que les mots ont un pouvoir évocateur, surtout dans le contexte à l'étude — en ce qui concerne la politique américaine, c'est la « souveraineté économique tribale ». Voilà la position des États-Unis. Du point de vue de l'argumentation, un chapitre sur les Autochtones est en adéquation avec la politique du gouvernement américain sur la souveraineté économique tribale. J'ai donc bon espoir.

  (1630)  

    Merci. Notre comité se rendra au Mexique, et je crois que nous allons poser les mêmes questions à nos homologues là-bas.
    Il nous reste du temps pour une autre intervention. Madame Ludwig, si vous voulez prendre les cinq dernières minutes, vous le pouvez.
    Je vous remercie, et merci beaucoup aux témoins de leurs excellents exposés. Je serai brève dans mes questions afin de vous donner amplement le temps d'y répondre.
    Comme le président l'a mentionné, nous avons beaucoup voyagé. Nous avons entendu de nombreux témoins parler des relations entre le Canada et les États-Unis. À vrai dire, ce qui manque peut-être, c'est le volet culturel concernant les Autochtones.
    Max, vous avez parlé de possibilités. Je suis ravie d'entendre que les entreprises autochtones sont plus nombreuses à travailler à l'étranger que l'entreprise canadienne moyenne. Vous pourriez peut-être tous répondre à cette question. Selon vous, quelles sont les possibilités de croissance, et quels sont les défis à relever?
    Êtes-vous au courant d'une entente modèle que nous pourrions imiter, ou faisons-nous quelque chose de tout à fait nouveau qui deviendra, en fait, le modèle à suivre? Commençons par là, si vous voulez bien.
     Absolument. Nous sommes une organisation passablement optimiste, car nous représentons un grand nombre d'entreprises et que ces entreprises sont, de façon générale, plutôt optimistes.
    La conjoncture est très intéressante, car nous constatons qu'il y a une foule de projets novateurs à la grandeur du pays, comme c'est le cas avec la bande Membertou dans l'Est et dans la région atlantique. Par exemple, dans le privé, on a vu le groupe d'entreprises Bouchier s'associer à Carillion, une grande multinationale basée au Royaume-Uni. Carillion détient maintenant 48 % du groupe Bouchier. Il y a aussi cet exemple de TransAlta qui a conclu une entente avec une première nation afin de faire passer ses lignes électriques sur le territoire de cette communauté. Or, en échange, au lieu de verser à perpétuité un petit montant compensatoire annuel, TransAlta a accumulé cet argent et l'a investi en bourse, et la somme qu'elle a fini par remettre à la communauté a permis à cette dernière de s'acheter une participation dans le projet.
    Je crois que l'entreprise privée ne manque pas d'imagination. Il n'y a pas de modèle universel. Les problèmes sont similaires, nous en convenons, mais il y a un certain nombre de solutions envisageables du côté des partenariats, de l'approvisionnement et du financement.
    Parmi les choses importantes qui devraient être faites, il y a la réduction des restrictions persistantes imposées par la Loi sur les Indiens concernant la conduite des affaires dans les réserves. Il faudrait aussi veiller à permettre un accès ferme aux politiques en matière d'approvisionnement, et aider les petites entreprises à utiliser ces processus parfois très complexes. Enfin, il conviendrait d'augmenter l'aide au financement, notamment par l'intermédiaire des institutions financières autochtones. Je crois que ce sont quelques-unes des choses importantes qui doivent être faites.
    Permettez-moi d'ajouter une brève observation. Je voudrais demander à Dawn de nous donner la perspective des femmes en la matière. J'ai siégé à deux comités distincts, et j'y ai entendu une foule de témoins qui nous ont parlé de la sécurité économique des femmes et des problèmes qu'elles ont à obtenir du financement.
    Y a-t-il une situation similaire chez les Premières Nations? Comment pouvons-nous bonifier les occasions d'échange entre les peuples et favoriser l'intégration des chaînes d'approvisionnement?
    On a dit que les institutions financières autochtones travaillent avec les entreprises autochtones. Je peux vous dire que nous appuyons les femmes entrepreneures et les entreprises dirigées par des femmes plus que toute autre institution financière au Canada. Je crois qu'il faut élargir encore plus ce soutien du réseau des institutions financières autochtones à l'intention des femmes autochtones et de leurs entreprises.
    Si vous me le permettez, j'ajouterai que lorsque je suis venue ici la première fois, j'ai cru que je devais surtout promouvoir le travail dans le secteur des ressources, mais ce n'est pas ce que nous faisons. Je finance chaque jour des entreprises autochtones de tous les secteurs. Jeudi dernier, notre conseil s'est réuni pour examiner le financement d'une entreprise qui fait affaire au Canada et aux États-Unis et qui fabrique des parcomètres pour les parcs de stationnement des hôpitaux, des édifices gouvernementaux, etc. Or, son chiffre d'affaires a quadruplé en un an et elle fait beaucoup d'exportation. L'entreprise fait un travail sensationnel.
    Nous avons des entreprises dans tous les secteurs. Les pêches occupent un espace très important au Canada. C'est avec ce type d'industrie que nous pouvons assurer la sécurité alimentaire dans le monde entier, et nous avons les ressources pour le faire. Les Autochtones sont les principaux acteurs de cette industrie. Nous pouvons investir toutes sortes de secteurs, et je crois que nous devrions appuyer cela de plus en plus.

  (1635)  

    Merci.
    Il faut regarder en aval pour voir en amont. Certains disent que le passé, c'est le passé, mais pour dire bien franchement, ils se trompent. Prenez l'exemple des réserves. Elles ont été créées il y a 100 ans et elles sont toujours là. Elles ont été conçues pour isoler les peuples autochtones sur les plans économique et politique. Nous souffrons encore de cela.
    Ce que je propose est audacieux. Il faudrait faire ce que les États-Unis ont tenté de faire, c'est-à-dire de créer des zones de commerce tribal dans ces réserves —, et ce, sans égard pour leur degré d'isolement —, afin d'ouvrir la porte au commerce intertribal.
    La Loi sur le commerce indien qui, hélas, n'a jamais été adoptée est l'une de ces idées qui ont été proposées pour reconnaître le fait que nous avons des réserves et que les peuples qui y vivent sont isolés. Comment pouvons-nous leur venir en aide? Nous devons transformer ce problème en une occasion favorable. Il s'agirait de créer une zone économique qui permettrait de réparer un tort et de donner à ces peuples le levier économique dont ils ont si désespérément été privés.
     Merci.
    Puis-je faire une brève observation à ce sujet?
    Au cours des derniers mois, il y a une chose qui nous a encouragés de la part du gouvernement. S'il était ici, mon patron résumerait cela en disant: « Parfois, toutes les routes mènent au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. » Quelle que soit la question, nous aboutissons toujours au ministère. Or, j'ai été très encouragé de voir que les choses ont commencé à changer. Un certain nombre de ministères — Agriculture et Agroalimentaire Canada, Affaires mondiales Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada — ont fait un bout de chemin en ce sens, et nous croyons que c'est quelque chose de très positif.
    Tout à l'heure, j'ai donné des chiffres montrant que les entreprises autochtones font plus de commerce et innovent davantage que la moyenne canadienne. Or, les femmes d'affaires autochtones font plus de commerce et innovent davantage que la moyenne autochtone ou que la moyenne canadienne.
    C'est tout le temps que nous avions. Nous avons un peu de retard. Recevez néanmoins nos excuses pour avoir commencé plus tard que prévu. Il y a eu des interventions en Chambre pour commenter la mort de l'un de nos collègues, alors nous avons été retenus.
    Nous avons eu de bons échanges. S'il vous vient d'autres idées ou si vous avez d'autres informations à transmettre au Comité, nous vous gênez surtout pas.
    En ma qualité de président, j'aimerais que vous nous disiez qui sont ces vis-à-vis américains et mexicains dont vous nous avez parlé. Nous pourrions peut-être en tirer quelque information. Si nous voulons conclure une bonne entente pour l'Amérique du Nord, il faut que nous travaillions les uns avec les autres. Il serait bon que nous en sachions le plus possible sur la situation de toutes les parties concernées. Nous vous saurions gré de transmettre cette information au Comité afin que nous puissions poser des questions à ces personnes lorsque nous irons là-bas.
    Merci encore d'avoir été là. Notre rapport devrait être rédigé vers la fin de novembre, et nous devrions avoir fini le 1er décembre. Nous vous en enverrons des copies pour que vous en preniez connaissance. Merci encore.
    Nous allons faire une courte pause afin de laisser la chance au prochain groupe d'experts de s'installer. Je prie les députés de ne pas trop s'éloigner, car cela ne prendra qu'une minute.

  (1635)  


  (1640)  

     Les travaux vont reprendre.
    Nous allons commencer, mais avant cela, M. Allison a quelque chose à dire.
    Oui. Merci, monsieur Eyking.
    Je tiens simplement à dire au Comité que je m'aperçois que nous sommes nouveaux ici et que je sais que des négociations sont en cours. J'aimerais que le Comité ait la chance de parler d'où nous en sommes avec ces négociations. Nous pourrions recevoir l'un des ministres concernés — je sais que Mme Freeland est occupée, mais ce pourrait même être M. Champagne— pour qu'il nous mette au parfum, surtout que la prochaine ronde va avoir lieu ici.
    Je veux que nous en parlions. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons faire maintenant, car nous avons des témoins, mais nous devons trouver un moment d'ici les deux prochaines semaines, et je sais que vous allez vous déplacer la semaine prochaine. Nous devons savoir s'il serait possible qu'on nous donne l'heure juste. Nous devons savoir ce qui est en train de se passer, si nous devons faire une séance à huis clos, etc. Bref, nous devons tout mettre en place pour qu'on puisse nous expliquer où en sont les négociations.
    C'est une bonne suggestion. Mercredi, je vais réserver les 15 dernières minutes de la séance aux nouvelles questions. Nous allons parler de cela et nous allons nous assurer que les secrétaires parlementaires en feront rapport. C'est une bonne idée. Nous allons faire cela mercredi.
    D'accord. Merci.
    Sans plus attendre, nous allons reprendre notre étude. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Comme vous le savez, notre étude porte sur les futures ententes commerciales que nous allons avoir avec nos vis-à-vis nord-américains.
    Vraiment? C'est ça le sujet de notre étude?
    Vous voudriez que je sois plus explicite?
    Notre étude porte sur les « Priorités des intervenants canadiens ayant un intérêt dans le commerce bilatéral ou trilatéral en Amérique du Nord, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique ». Il faudrait peut-être penser à raccourcir cela un peu.

  (1645)  

    Bonne idée.
    Quoi qu'il en soit, voilà où nous en sommes.
    Je souhaite la bienvenue à nos invités. Bon nombre d'entre vous sont déjà passés par ici. Nous sommes heureux de vous revoir. Vous êtes au courant de la procédure. Nous essayons de garder les exposés sous la barre des cinq minutes afin de garder le plus de temps possible pour le dialogue avec les députés.
    Sans plus attendre, nous allons écouter le représentant des Producteurs laitiers du Canada.
    Félicitations, M. Lampron, pour votre nouvelle nomination à titre de président. Vous représentez un imposant cheptel laitier. Nous vous écoutons.
     Merci. Je vais faire mon exposé en français.

[Français]

     Au nom des Producteurs laitiers du Canada, je vous remercie de l'invitation à témoigner devant le Comité permanent du commerce international au sujet de son étude sur l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA. J'invite tous les députés à lire le mémoire que nous avons soumis à l'intention du Comité, puisqu'il contient beaucoup plus d'informations que ma brève présentation.
    J'aimerais rappeler que le secteur laitier canadien contribue considérablement à l'économie du Canada. En effet, chaque année, notre contribution au PIB est de 19,9 milliards de dollars et les recettes fiscales s'élèvent à 3,8 milliards de dollars. De plus, le secteur laitier assure le maintien de 221 000 emplois.
    N'oublions pas que les producteurs laitiers canadiens tirent leurs revenus du marché et n'obtiennent aucune subvention directe du gouvernement. La situation est complètement différente aux États-Unis. Même si nous concentrons nos efforts sur le marché intérieur, les pourparlers commerciaux internationaux sont d'une grande importance pour nous, si nous voulons conserver notre système de gestion de l'offre. Une description de la gestion de l'offre est présentée dans notre mémoire.
     Dans le cadre de l'ALENA original, le secteur laitier canadien a été exclu par le gouvernement canadien. Ainsi, les Producteurs laitiers du Canada font valoir au gouvernement canadien que l'industrie laitière canadienne doit continuer d'être exclue des négociations de l'ALENA. Je tiens à souligner que les Producteurs laitiers du Canada ne s'opposent pas à ce que le Canada mène des négociations commerciales avec d'autres pays, pourvu qu'elles n'aient pas d'effets négatifs sur l'industrie laitière canadienne.
    L'ouverture du marché canadien des produits laitiers au profit des États-Unis serait coûteuse pour l'économie canadienne, puisqu'elle entraînerait une réduction du PIB, une réduction de la contribution au PIB, des pertes d'emplois, surtout dans les régions, et une baisse de revenus pour les producteurs. De plus, cela ne donnerait aucun avantage au Canada.
    Comme l'a fait remarquer à maintes reprises l'actuel gouvernement du Canada, en ce qui concerne le commerce des produits laitiers entre le Canada et les États-Unis, ceux-ci bénéficient d'une balance commerciale très favorable. En 2016, la différence en faveur des États-Unis s'est avérée être de plus de 400 millions de dollars canadiens. De plus, environ 10 % de la demande canadienne est déjà satisfaite par l'entremise de produits laitiers importés, dont une grande partie fait l'objet de dumping sur le marché canadien de la part des Américains. En comparaison, aux États-Unis, seulement de 3 à 4 % de la demande intérieure est satisfaite par les importations en provenance de tous les pays. Dire que le marché canadien est fermé est donc faux.
    En plus de respecter ses engagements commerciaux internationaux, le Canada permet aux produits américains hautement subventionnés d'entrer sur le marché canadien et de faire concurrence à notre production intérieure. Le soutien accordé au secteur agricole des États-Unis par l'entremise de subventions gouvernementales directes et indirectes exclut, de toute évidence, des règles de jeu équitables, et cette situation n'est pas près de changer. Par conséquent, il est essentiel d'aborder cette question dans le cadre de la renégociation de l'ALENA, afin de veiller à ce que soient équitables les règles du jeu entre le Canada et les États-Unis.
    De plus, il est important de mentionner que les États-Unis limitent leurs importations de produits laitiers étrangers par l'entremise de contingents tarifaires, rendant leur industrie laitière tout aussi protectionniste, voire même davantage que celle du Canada. À titre de référence, les États-Unis disposent en tout de 24 contingents tarifaires pour les produits laitiers, comparativement à 12 pour le Canada. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, dans certains cas, les États-Unis ont des politiques protectionnistes plus strictes que celles du Canada; elles sont en place pour certaines industries des États-Unis dites sensibles, dont celles des produits laitiers et du sucre.
    La dernière chose dont j'aimerais parler est le respect de règles. Certains ont suggéré que le Canada n'avait pas respecté les règles en adoptant des politiques qui entravent prétendument le commerce. À cet égard, les Producteurs laitiers du Canada travaillent à ce que l'industrie laitière canadienne soit dynamique et adaptative. Celle-ci réagit continuellement aux changements qui se produisent sur le marché intérieur. Ainsi, toute nouvelle politique a pour but de réagir à ces changements.
    L'accord de principe entre les producteurs et les transformateurs relativement à une stratégie nationale des ingrédients, qui comprend la classe 7, ne fait pas exception à cette règle.

  (1650)  

     En fait, l'introduction de la classe 7 favorise l'innovation, ce qui mènera à la croissance de l'industrie laitière canadienne.
    Le but de la stratégie est de mettre à niveau notre capacité, d'offrir une gamme de produits pour une utilisation alimentaire et non alimentaire, de simplifier la gestion de notre chaîne d'approvisionnement et d'accroître la flexibilité pour répondre à la demande du marché de manière plus efficace et opportune, tout en ajoutant de la valeur, sur le marché canadien, à la protéine produite au pays.
    Encore une fois, le système canadien s'emploie à répondre aux besoins du marché intérieur et n'est pas axé sur les exportations comme l'est celui du marché des État-Unis. Rappelons que, à plusieurs occasions, les États-Unis ont contourné les règles commerciales dans le cadre de leur commerce avec le Canada. À titre d'exemple, les États-Unis ont créé un produit qu'ils utilisent très rarement, le lait diafiltré, précisément dans le but de profiter d'une brèche dans les accords commerciaux existants et d'offrir des prix inférieurs à ceux du marché canadien des produits laitiers. Depuis 2015, les producteurs laitiers canadiens perdent environ 230 millions de dollars annuellement, en raison de l'importation du lait diafiltré, qui remplace directement la production laitière canadienne.
    D'autres exemples sont fournis dans le document que nous avons remis au Comité.
     L'industrie laitière canadienne a toujours respecté les accords commerciaux internationaux existants, et elle continuera de les respecter. Or on ne peut pas en dire autant de l'industrie laitière américaine.
    J'aimerais conclure en soulignant que d'autres représentants des Producteurs laitiers du Canada et moi-même sommes présents sur le terrain à chaque cycle de négociations. Selon nous, jusqu'à présent, le gouvernement du Canada réussit à bien gérer les négociations et à tenir les intervenants bien informés, mais nous resterons à l'affût.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

     Merci. Nous allons maintenant écouter M. Norm Beal de l'organisme Food and Beverage Ontario.
     Merci, monsieur le président.
    J'offre mes salutations aux membres du Comité. Merci d'avoir invité notre organisme à venir parler de ses priorités concernant l'ALENA.
    Food and Beverage Ontario représente un secteur névralgique de l'économie du pays. Le secteur ontarien de la transformation des aliments et des boissons est l'un des plus importants en Amérique du Nord. Il compte plus de 3 800 entreprises de transformation des aliments et des boissons, lesquelles produisent des recettes globales de 42 milliards de dollars. L'an dernier, les exportations de produits alimentaires de ce secteur ont atteint 9,6 milliards de dollars. Pour en savoir plus long sur ce secteur et sur l'incidence énorme qu'il a sur notre économie, je vous invite à consulter notre mémoire.
    Nos membres sont préoccupés par ces négociations, car l'enjeu est de taille pour eux. Plus des trois quarts des exportations agroalimentaires de l'Ontario se font vers les États-Unis. Cette dépendance commerciale est en grande partie attribuable à la situation géographique de la province. Se trouvant dans le centre commercial régional vital que sont les Grands Lacs, les participants du secteur sont dans un rayon d’expédition d’une journée de quelque 142 millions de consommateurs. C'est un impératif du marché qu'on ne peut tout simplement pas ignorer.
    De plus, les intérêts de nos membres ont quelque chose de particulier. Les produits avec lesquels les entreprises de transformation d'aliments travaillent sont souvent saisonniers, cycliques ou périssables, quand ce n'est pas les trois. Les produits alimentaires diffèrent en cela des autres produits. La livraison en temps opportun de ces produits qui ont une durée de conservation limitée est beaucoup plus importante que pour des objets. Une livraison en retard peut empêcher la réalisation du contrat, certes, mais il n'est pas rare qu'elle mette aussi en péril la valeur même de la marchandise.
    L’intégration de la chaîne d’approvisionnement est l'un des aspects clés de la réussite de l’ALENA. Le niveau élevé d’activités opérationnelles intégrées que l'accord a encouragé est à la base de la position très concurrentielle du secteur des aliments et des boissons de l’Ontario. Les chaînes de distribution alimentaire qui s'étendent sur l'ensemble du continent sont la raison pour laquelle l'industrie parvient à répondre avec constance à la demande pour des produits alimentaires frais, sains et abordables.
    Permettez-moi d'insister encore sur ce point. Ces produits sont souvent saisonniers, cycliques ou périssables, quand ce n'est pas les trois. Par conséquent, le commerce — et plus particulièrement le libre mouvement des biens, des services et des individus entre l’Ontario et les États-Unis — s’avère essentiel pour la réussite et la compétitivité permanentes du secteur. Les ponts Ambassador, Blue Water, Peace et Lewiston-Queenston sont les axes vitaux de notre industrie.
    Je suis heureux de pouvoir dire que Food and Beverage Ontario n'est pas le seul à percevoir l'importance névralgique de l'ALENA et que cette notion n'est pas l'apanage des Canadiens. Au début du printemps, le ministre de l'Agriculture de l'Ontario, M. Jeff Leal, et moi avons eu le privilège de prendre part à une ambitieuse tournée de sensibilisation en sol américain, laquelle nous a conduits au Wisconsin, au Michigan, en Ohio, en Pennsylvanie, dans l'État de New York, en Illinois et au Missouri. Nous avons rencontré des représentants des gouvernements des États et du milieu des affaires, et j'ai été frappé de voir que nous avions tant de points de vue et d'intérêts communs au sujet de la renégociation de l'ALENA.
    La chose qui est revenue constamment dans nos échanges, c'est que la réouverture de l'ALENA ne devrait pas nuire à quoi que ce soit. L'ALENA a été grandement profitable au secteur de la transformation des aliments et des boissons des deux côtés de la frontière. Toute nouvelle disposition de l'ALENA 2.0 qui viendrait restreindre l'accès au marché et l'intégration de la chaîne d’approvisionnement serait préjudiciable pour notre industrie et, par ricochet, pour les consommateurs de l'Amérique du Nord tout entière.
    Bien entendu, les choses pourraient être améliorées et la renégociation fournit une occasion de le faire. Nous espérons que cette modernisation de l'ALENA permettra de simplifier les passages à la frontière et de réduire les fardeaux administratifs qui nuisent à la rapidité et à l'efficacité des processus frontaliers.
    En d'autres mots, nous avons là une occasion de réduire les coûts et le fardeau associés au commerce transfrontalier, bref, de faciliter les passages frontaliers. L'ALENA 2.0 devrait porter sur la simplification des procédures douanières. Elle devrait chercher à réduire les exigences en matière de documents et de certifications, veiller à ce que les inspections se fassent en temps opportun et que les congés soient donnés rapidement, et permettre le traitement expéditif aux douanes des expéditions à faible risque.
    Nous déplorons qu'il continue d'y avoir des écarts réglementaires concernant la salubrité des aliments et d'autres questions. Ces écarts doivent être refermés. Pour y arriver, le mandat du conseil canado-américain de coopération en matière de réglementation devrait être élargi et son travail devrait être rendu permanent.
    De plus, la modernisation de l'ALENA pourrait être une occasion de pousser en peu plus loin la coopération en matière de réglementation et de promouvoir la création d'une autorité canado-américaine qui serait chargée de superviser les évaluations des risques liés à la salubrité des aliments. Cette entité pourrait être flanquée d'une agence bilatérale conjointe qui veillerait à renforcer les liens entre les autorités canadiennes et américaines afin de permettre l'harmonisation des règlements concernant: les évaluations du risque pour la salubrité des aliments axées sur des données scientifiques communes quant à la détermination et la caractérisation des dangers, à l'évaluation de l’exposition et à la caractérisation du risque; les pratiques exemplaires en gestion des risques relativement à la salubrité des aliments de la ferme à la fourchette; la compilation, l'analyse et la communication des connaissances sur la salubrité des aliments au profit des consommateurs, des organismes gouvernementaux, des producteurs d’aliments, des exportateurs et des importateurs.

  (1655)  

    L'ALENA 2.0 offre l'occasion d'améliorer la protection du public, la concurrence transfrontalière entre les entreprises et l'efficacité de la prestation de programmes de réglementation. En outre, il importe que les négociations se concluent en temps opportun et que les gouvernements se montrent suffisamment transparents dans le cadre du processus de négociation afin de garder les groupes d'intervenants bien informés à cet égard. L'incertitude et l'imprévisibilité relatives à l'ampleur et à la longueur des négociations ont déjà jeté un froid sur les investissements futurs des entreprises.
    Enfin, une fois qu'ils auront réussi à élaborer une version modifiée de l'ALENA, les gouvernements doivent assurer une transition sans heurt en ce qui concerne les changements apportés à l'accord. Les entreprises auront besoin de suffisamment de temps pour comprendre les modifications, s'y adapter et modifier au besoin les processus des relations de la chaîne d'approvisionnement afin d'assurer la conformité.
    Je vous remercie de nouveau de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.
    Merci, monsieur Beal.
    Vous représentez l'Ontario, bien entendu, mais je pense que vous faites également partie d'un groupe national qui tient un discours très semblable.
    Absolument. Je suis vice-président d'une organisation appelée Food and Beverage Canada. De plus, nous avons conclu un protocole d'entente avec notre équivalent au Québec. Je parle donc au nom de tous les...
    Voilà pourquoi j'avais pensé laisser savoir au Comité que vous ne vous exprimez pas seulement au nom de l'Ontario, mais à celui du pays du point de vue de l'industrie.
    Tout à fait.
    Souvenez-vous que l'Ontario et le Québec représentent à eux seuls 65 % de l'industrie de la transformation alimentaire.
    Merci, monsieur.
    Nous allons maintenant accorder la parole à M. Geist, qui n'en est pas à sa première comparution devant le Comité. Nous sommes enchantés de vous revoir.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Bonjour. Si le témoin précédent s'est exprimé au nom du pays, je parlerai en mon nom propre. Je suis professeur à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Comme toujours, je témoigne à titre personnel et ne présente que mes propres opinions.
    Il y a beaucoup à dire à propos de l'ALENA, et j'ai écrit bien des articles et des messages à ce sujet. Cependant, mon temps étant limité, j'avais pensé mettre l'accent sur deux questions: je traiterai principalement du chapitre sur la propriété intellectuelle et formulerai quelques observations sur celui relatif au commerce électronique.
    Si le Canada est habitué à adopter un jeu défensif lors des pourparlers commerciaux en ce qui concerne les exigences des États-Unis en matière de propriété intellectuelle, la présente ronde de renégociation offre l'occasion d'agir de manière proactive afin que l'accord tienne compte des priorités et des politiques du Canada à ce sujet.
    Pour mettre la question de la PI en contexte, ces cinq dernières années, le Canada a mis en oeuvre des lois anti-contournement — notamment les règles sur les serrures numériques — semblables à celles des États-Unis, adopté des mesures de mise en oeuvre plus solides, édicté des lois anti-contrefaçon, prolongé la durée de la protection des enregistrements audio et entrepris des réformes au chapitre des brevets et des marques de commerce. Soulignons que le Canada honore déjà ses obligations internationales en matière de PI et a en grande partie satisfait aux exigences précédentes des États-Unis en ce qui concerne les réformes.
    De façon générale, le Canada devrait avoir pour objectif, lors des négociations, de maintenir un juste équilibre qui favorise la créativité et l'accès, tout en s'assurant qu'il y ait de la place pour les politiques canadiennes dans le cadre international de PI grâce à la marge de manoeuvre de ce dernier.
    De quoi cela pourrait-il avoir l'air? Je voudrais soulever cinq points.
    Tout d'abord, le Canada devrait insister sur l'inclusion de dispositions visant à maintenir l'équilibre entre les droits de PI et les intérêts légitimes des utilisateurs; à préserver le domaine public et en favoriser l'accès; à veiller à ce que les droits de PI n'entravent pas le commerce légitime; et à faciliter l'accès à des médicaments abordables. Ces questions ont été soulevées au cours des négociations relatives au Partenariat transpacifique et devraient figurer dans l'ALENA.
    De plus, le fait que les États-Unis aient une disposition sur l'utilisation équitable constitue un avantage concurrentiel notable pour les entreprises et les créateurs de ce pays. Pour que tout le monde soit sur un pied d'égalité sur les plans de l'innovation et de la créativité, le chapitre de l'ALENA portant sur la PI devrait exiger que toutes les parties adoptent une disposition sur l'utilisation équitable ou un équivalent.
    En outre, les dispositions anti-contournement des lois sur le droit d'auteur du Canada figurent parmi les plus restrictives du monde et nuisent gravement à l'équilibre du droit d'auteur dans le monde numérique, ce qui peut restreindre inutilement l'innovation. Même si les exceptions du Canada sont très circonscrites et se limitent à une poignée de situations, les États-Unis ont élargi leurs exceptions quant aux serrures numériques. Ce déséquilibre fait qu'on ne lutte pas à armes égales dans le domaine de l'innovation; il faudrait donc remédier à la situation dans l'ALENA.
    Sachez de plus que le chapitre canadien en matière de PI devrait également traiter de la violation des droits de propriété intellectuelle, laquelle peut décourager les entreprises d'innover ou les Canadiens de profiter du marché numérique. On pourrait exploiter l'avantage des dispositions contre la violation de la PI dans les domaines des brevets, des marques de commerce et du droit d'auteur, et je me ferai un plaisir de vous expliquer pourquoi.
    Je traiterai enfin d'une des principales préoccupations suscitées par les négociations commerciales antérieures, soit le fait qu'on s'attend à ce que les États-Unis exigent que les autres pays adoptent des mesures semblables à ses lois sur la PI, même si ces dernières vont plus loin que les exigences internationales. Le Canada devrait demander à ce que les pays adhérant à l'ALENA satisfassent au droit international, mais conservent toute la souplesse que celui-ci accorde.
    Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, le droit d'auteur au Canada est en vigueur pour la durée de la vie de l'auteur et perdure 50 ans après son décès, conformément aux normes internationales établies par la Convention de Berne. Or, on prévoit que les États-Unis exercent des pressions sur le Canada afin de prolonger cette durée de 20 ans pour que le droit d'auteur demeure valide 70 ans après le décès de l'auteur plutôt que 50.
    J'ai mené récemment une recherche sur le rôle du droit d'auteur en ce qui concerne le domaine public dans les écoles canadiennes, utilisant des données obtenues de l'Ontario Book Publishers Organization. D'après les renseignements fournis par des centaines d'enseignants et de districts scolaires de l'Ontario, la moitié des livres les plus populaires utilisés de la 6e à la 12e année sont du domaine public ou sont sur le point d'en faire partie. Si nous prolongeons la durée du droit d'auteur, comme le souhaitent les États-Unis, des dizaines de livres qui sont utilisés par des milliers d'écoliers aujourd'hui et qui devraient bientôt faire partie du domaine public demeureront protégés par le droit d'auteur pendant des décennies. La possibilité d'utiliser ces livres de manières nouvelles et novatrices sans autorisation ou redevance, et d'en accroître l'accès sous une forme électronique ouverte — on met beaucoup l'accent sur l'éducation ouverte — serait perdue pour une génération. Il s'agit là de questions de PI cruciales qu'il ne faudrait pas oublier.
    Je sais que je dispose de peu de temps; je ferai donc brièvement référence au chapitre sur le commerce électronique, mais je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Je ferais remarquer que le Canada devrait se montrer prudent quant à l'inclusion de dispositions nuisant aux intérêts publics et stratégiques légitimes dans ce chapitre, particulièrement en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité.

  (1700)  

    Les États-Unis ont indiqué que l'imposition de restrictions contre les mandats d'entreposage de données local, souvent appelé localisation des données, figure parmi ses objectifs. Je considère que le gouvernement du Canada devrait résister aux efforts déployés dans le cadre de l'ALENA pour restreindre la capacité des gouvernements fédéral et provinciaux d'établir des mesures de sécurité protégeant la vie privée et la sécurité grâce aux exigences relatives à la localisation des données, comme le font déjà quelques provinces.
    Enfin, les limites relatives aux restrictions sur le transfert de données, qui régissent la libre circulation transfrontalière d'informations sur les réseaux, peuvent soulever des préoccupations semblables. Alors que les États-Unis cherchent à interdire ces restrictions, le Canada devrait veiller à ce que les restrictions de l'ALENA n'aient pas préséance sur les lois relatives à la vie privée et à la sécurité. En fait, je ferais valoir que le Canada devrait s'employer à obtenir des mesures de protection de la vie privée renforcées et des règlements en matière de commerce électronique semblables à ceux que l'on trouve dans notre pays dans le chapitre sur le commerce électronique.
    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Merci, monsieur.
    Nous allons lancer le dialogue avec les députés. Il semble que nous ayons le temps d'effectuer un tour complet. Nous allons commencer par les conservateurs.
    Monsieur Allison, vous avez la parole.

  (1705)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins.
    Comme je ne dispose que de cinq minutes et que le temps me permet à peine d'aborder un sujet, je ne peux poser de questions destinées à tous, mais je m'adresserai à M. Beal.
    Qu'est-ce qui vous tient éveillé la nuit en ce qui concerne les négociations et les propos que les États-Unis ont formulés dans leur document pour indiquer « Ce sont nos négociations et voici notre point de départ »? Qu'est-ce qui vous préoccupe relativement à votre industrie quand vous voyez ce que les États-Unis souhaitent accomplir?
    La situation semble évoluer d'une journée à l'autre, mais le chapitre 19 et la disposition sur la résolution de différends revêtent certainement une importance cruciale pour la validité à long terme de l'ALENA. C'est un point qui préoccupe fortement tous les transformateurs d'aliments du pays. Comme je l'ai souligné dans mon mémoire, j'ai passé un mois sur la route avec le ministre Leal, et nous avons rencontré 13 secrétaires de l'Agriculture dans 13 États, ainsi que des chefs d'entreprise. L'intégration de la chaîne d'approvisionnement de notre industrie est extrêmement importante. De fait, comme le Conseil national de l'industrie laitière du Canada y a fait allusion, la plupart de ces États envoient leurs excédents en Ontario, au Québec, en Alberta et au Manitoba. Comme ils affichent des surplus, ils courent un plus grand risque si nous commençons à renforcer la frontière, car cela aurait une incidence sur la chaîne d'approvisionnement intégrée. Le ministre Leal parlait de la Dodge Caravan de sa conjointe, expliquant qu'elle était assemblée à Windsor, mais qu'elle avait traversé la frontière huit fois avant d'être assemblée. Il en va de même dans l'industrie de la transformation d'aliments et de boissons.
    Nous avons visité Bloomer Chocolate, un des plus importants transformateurs de chocolat cru en Amérique du Nord, et quand nous sommes entrés dans le stationnement de l'usine, nous avons vu sept camions de transport arborant des plaques de l'Ontario. Ils devaient transporter des produits jusqu'à l'usine de Campbellford aux fins de transformation ultérieure, après quoi ces produits seraient renvoyés aux États-Unis pour être transformés en lait au chocolat, en tablettes de chocolat ou en autre chose. Cette intégration est rapide et importante. Tout ce qui ralentit ou complique la circulation transfrontalière aura des répercussions considérables sur la compétitivité de notre industrie. Bien entendu, la question de la résolution des différends est également d'une importance cruciale.
    Mais comme je l'ai indiqué, quand je me réveillerai demain, un nouveau gazouillis viendra me préoccuper.
    Merci. Nous en sommes à deux minutes et demie, et je sais que mon collègue veut obtenir des réponses à ses questions. Je vais donc laisser la parole à M. Dreeshen pour au moins une question.
    Vous avez la parole, monsieur Dreeshen.
    Merci beaucoup. C'est certainement un honneur d'être ici et de pouvoir parler avec vous.
    On ne s'étonnera pas que je veuille peut-être parler du secteur laitier du Canada. J'ai été membre du comité de l'agriculture pendent un certain nombre d'années, mandat au cours duquel nous avons effectué des visites aux États-Unis et avons parlé avec divers sénateurs de l'État de New York au sujet de l'industrie laitière et des problèmes qui se posent là-bas. Bien entendu, ils avaient évoqué une question technique simple, soit le fait que la traite des vaches s'effectuait trois fois par jour plutôt que deux, ce qui avait fait augmenter le volume de 15 %. Ils se demandaient alors pourquoi le prix allait diminuer en raison du lait supplémentaire qui arrivait dans le système. Bien entendu, ils se préoccupaient également du fait qu'il fallait ensuite pouvoir extraire les matières sèches lactiques, les séparer et les expédier au Canada. Ils se demandaient peut-être pourquoi nous étions un peu irascibles à cet égard.
    Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet, car les États-Unis accordent énormément de subventions, comme vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre exposé, monsieur Lampron. Quand on parle de ce qu'il se passe, la question est rarement abordée. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les problèmes que vous entrevoyez dans l'industrie laitière et des bâtons qu'on continue de nous mettre dans les roues lors des échanges?
    Pourriez-vous ensuite traiter des subventions accordées aux États-Unis, particulièrement dans l'industrie laitière? De toute évidence, grâce à vos autres sources, vous seriez sûrement au fait des subventions offertes pour d'autres marchandises.

[Français]

     La subvention à la production agricole fait partie de la souveraineté alimentaire. Chaque peuple, chaque pays protège son agriculture. Dans le cas des produits relevant de la gestion de l'offre, comme le lait, le Canada a décidé d'implanter un système qui protège les frontières et qui garantit aux producteurs un revenu provenant directement du marché.
     Les Américains ont un autre système. Ils sont dans un libre marché et suivent le prix mondial, mais il y a le Farm Bill qui soutient les producteurs, sinon ils ne pourraient pas survivre. Au Canada, nous avons le système de gestion de l'offre et les Américains ont un autre système. Il faut avoir le même système pour pouvoir échanger avec eux. C'est la base de notre système de gestion de l'offre. C'est pour cela que nous le défendons toujours et que nous avons besoin de frontières.
    J'ai parlé du lait diafiltré. C'est sûr que c'est compliqué, mais ce processus de filtration n'existait pas au moment des premières ententes. Les Américains l'ont conçu pour qu'il puisse traverser les frontières et prendre la place des protéines produites par les producteurs laitiers canadiens.
    Madame Bouchard, voulez-vous ajouter quelque chose?

  (1710)  

[Traduction]

    À l'heure actuelle, nous collaborons étroitement avec l'équipe de négociation canadienne. Vous savez probablement que nous sommes en train de mettre à jour une étude sur l'ensemble des subventions que les États-Unis accordent à l'industrie laitière. Par exemple, nous n'effectuons pas de calculs à ce sujet, car nous ne disposons pas des chiffres nécessaires, mais vous avez vu des rapports indiquant que la plupart des travailleurs oeuvrant dans les fermes laitières américaines sont des immigrants illégaux. Le phénomène ne peut être quantifié. Les exploitants de ferme laitière américains eux-mêmes et leur association nous ont toutefois indiqué que si ces travailleurs devenaient légaux et devaient donc déclarer leurs revenus, le prix du lait augmenterait de 50 % aux États-Unis. Voilà quelques exemples.
    Comme je l'ai fait remarquer, nous travaillons en étroite collaboration avec les négociateurs pour qu'ils puissent utiliser cette étude à un moment donné. Nous attendons donc avant de la publier pour que le Canada puisse l'utiliser avant.
    Merci beaucoup. C'est une bonne question.
    Nous allons maintenant laisser la parole aux libéraux.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais saluer mes nouveaux collègues qui siègent à ce comité et leur souhaiter la bienvenu.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je suis la seule francophone du Comité et cela me fait plaisir qu'un témoin veuille vraiment parler français.
    Vous avez fait allusion à la main-d'oeuvre en disant qu'il y a une grande différence aux États-Unis à ce chapitre et qu'il y a beaucoup de travailleurs illégaux dans ce pays.
    Quelle est la différence entre la production laitière canadienne et celle des États-Unis? Vous avez parlé de la main-d'oeuvre, mais il y a aussi les hormones de croissance. Quel est leur impact sur le commerce?
    J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, puis j'aurai d'autres questions à vous poser.
    Vous parlez de la somatotropine, une hormone interdite au Canada. Quand on compare les prix, il faut aussi regarder le lait sans somatotropine. Le lait canadien n'en contient pas, contrairement au lait américain.
    Il ne faut pas non plus oublier le climat. Le Canada est un pays nordique. De plus, les fermes américaines sont pas mal plus grosses, et dans certains États, on parle même plutôt d'industries. Au Canada, ce sont des fermes familiales avec une moyenne de 78 vaches par ferme.
    Vous avez rapidement parlé de la main-d'oeuvre. Vous avez dit continuer à faire des études sur ce marché. Êtes-vous capable de chiffrer le nombre de travailleurs qui ne sont pas comptabilisés? Je vois que non.
    Il nous faudrait des chiffres beaucoup trop précis que nous ne sommes pas capables d'avoir.
    D'accord.
    Il est difficile de comptabiliser ce qui est illégal. Ce n'est pas comptabilisé du fait que ce n'est pas légal.
    Vous parlez toujours des marchés des États-Unis et du Canada, mais vous ne parlez jamais du Mexique. Peut-on en conclure que cela va bien à cet égard au Mexique?
    Oui.
    Je veux simplement ajouter ceci au sujet du Mexique. Au cours des trois dernières semaines, on a pu apprendre dans les médias que les producteurs laitiers mexicains ont manifesté leur appui aux producteurs américains, mais c'est parce que les producteurs mexicains subissent beaucoup de pression. Le marché américain est présent sur le marché mexicain et ces deux pays font beaucoup d'affaires ensemble. S'agissant du Mexique seulement, il n'y a pas de pression sur ses producteurs pour qu'ils pénètrent le marché canadien.
    Je vous remercie.
    J'aimerais poser une question sur le commerce électronique.
    La semaine dernière, la secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Pam Goldsmith-Jones, a gentiment rencontré des entreprises dans ma circonscription pour parler de libre-échange. Deux groupes lui ont fait part de leurs préoccupations sur le commerce électronique. Vous n'en avez pas vraiment parlé tantôt, sinon pour mentionner qu'il faut s'assurer de l'existence des plus hautes normes de sécurité.
    Si vous deviez préparer un nouveau chapitre, qui n'existait pas il y a 24 ans, que souhaiteriez-vous y ajouter à cet égard?

[Traduction]

    Je dois d'abord préciser que bien que ce soit nouveau dans le contexte de l'ALENA, ce ne sera probablement rien de nouveau pour le Canada et les États-Unis. On s'attend à ce que le chapitre sur le commerce électronique se fonde sur le modèle du Partenariat transpacifique, le PTP.
    Nous avons une assez bonne idée des enjeux. En fait, les responsables américains ont mentionné que le chapitre sur le commerce électronique serait l'une de leurs priorités. Ils prévoient inclure les enjeux numériques à l'ALENA. Pour défendre les grandes entreprises de la Silicon Valley, par exemple, qui ont d'immenses serveurs infonuagiques, ils veulent être certains que les données pourront circuler librement et être activement conservées aux États-Unis.
    Il y a un mouvement depuis quelques années, qui prend de l'ampleur au fur et à mesure où les gens prennent conscience des questions de vie privée et des activités de surveillance qui ont cours dans le monde. De plus en plus de Canadiens, de plus en plus d'Européens et des gens de partout dans le monde tiennent à ce que leurs données soient conservées localement, dans leur pays, et à ce qu'elles soient assujetties à leurs lois locales ou nationales.
    De fait, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse se sont dotées de lois exigeant que certaines données soient conservées dans la province. De même, comme vous le savez probablement, l'UE déploie de plus en plus d'efforts afin de limiter la communication au-delà des frontières de l'UE à moins que le pays où sont envoyées les données offre des garanties robustes pour protéger les renseignements personnels.
    Le danger auquel nous sommes confrontés est double: il y a d'abord la possibilité que ce chapitre limite notre pouvoir d'exiger, au moins dans certaines circonstances, que les données canadiennes soient assujetties aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels et qu'elles soient conservées localement dans certaines circonstances; il y a ensuite le risque, si l'on prescrit qu'on ne peut restreindre le transfert de données entre les pays, que l'ALENA dicte d'une part qu'il ne peut y avoir de restrictions, mais que l'UE détermine d'autre part qu'il doit y avoir des restrictions pour qu'on puisse continuer de transférer des données entre le Canada et les États membres de l'UE, parce qu'on ne peut pas autoriser que les mêmes données fuient aux États-Unis, par exemple.
    Nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce, puisqu'un grand bloc commercial exige qu'il n'y ait pas de restrictions, alors que l'autre dit qu'il doit y en avoir pour permettre le commerce.

  (1715)  

[Français]

     Vous me parlez des États-Unis et du Canada, mais avez-vous des préoccupations concernant le Mexique?

[Traduction]

    Sur ce genre de questions, en matière de PI et de commerce électronique, le Mexique ne défend pas ses propres intérêts avec la même vigueur. Il a tendance à prioriser d'autres enjeux. Ce sont généralement les États-Unis qui mettent l'accent sur les chapitres concernant la propriété intellectuelle et le commerce électronique.
    Au Canada, je dirais que depuis une dizaine d'années, nous avons élaboré notre propre modèle, tant pour ce qui est de la propriété intellectuelle que du commerce électronique, dans le contexte international que je viens de décrire.
    Je trouve important de veiller à ce que les politiques et priorités canadiennes, qui ont été mûrement réfléchies pour bien traduire les valeurs canadiennes, aient leur place dans l'ALENA.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Avant de donner la parole à la représentante du NPD, j'ai une question à vous poser, monsieur Geist.
    Vous avez mentionné le « chapitre » sur le commerce électronique. Nous avons parlé du PTP et nous devons maintenant nous pencher sur l'ALENA, mais il y avait aussi un chapitre à ce sujet dans l'accord avec l'Union européenne (il devait y en avoir un), mais est-il assez robuste ou assez moderne? Ne pourrions-nous pas en reprendre une partie du libellé dans l'ALENA?
    Non. Il n'y a pas de chapitre équivalent sur le commerce électronique dans l'AECG, l'accord commercial entre le Canada et l'UE. Comme le PTP reste complètement sur la glace, à tout le moins pour l'instant, ou qu'il risque fort d'être renégocié en vue d'un PTP 11, les négociations en vue de l'ALENA sont véritablement les premières où le Canada doit s'entendre sur ce genre de dispositions.
    Je pense qu'il faut souligner que pour les États-Unis, le chapitre sur le commerce électronique qu'on trouve dans le PTP serait vraiment idéal. Ils sont impatients de le voir entrer en vigueur dans un accord ou un autre, donc d'une certaine façon, nous sommes à l'avant-garde, puisque l'ALENA occupe une place prépondérante dans leurs négociations commerciales.
    Je vous remercie de cette précision.
    Nous allons maintenant entendre la représentante du NPD.
    Madame Ramsey, vous avez la parole pour cinq minutes. Allez-y.
    Ce n'est pas évident. J'aurais sûrement de bonnes questions à vous poser à tous. Je m'adresserai d'abord aux producteurs laitiers.
    Nous entendons clairement que vous voulez être exclus de l'ALENA. Je peux vous assurer que le NPD défendra cette position et vos intérêts à la Chambre.
    Nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas de l'AECG, où l'on vous avait promis une indemnisation. Après une semaine, la porte s'est refermée sur les agriculteurs, ils ont perdu l'occasion d'obtenir des fonds pour compenser les pertes découlant de l'AECG. Je ne voudrais pas que la même chose se produise avec l'ALENA, qu'on abandonne quelque chose, qu'on promette quelque chose, puis qu'on n'arrive pas à respecter cette promesse et que les agriculteurs en souffrent encore une fois.
    Je représente une circonscription rurale, donc j'ai cette question très à coeur. Il y a des producteurs laitiers dans ma circonscription, et j'entends très bien leurs inquiétudes sur l'ALENA. J'aimerais que vous nous parliez de vos attentes en vue de la prochaine ronde de négociations, qui s'amorcera ce samedi, au Canada.

[Français]

     La position est toujours la même. Le gouvernement souhaite qu'il n'y ait pas de répercussions sur les Producteurs laitiers du Canada. C'est ce à quoi nous nous attendons. Bien sûr, les Américains exercent de fortes pressions. Le président Trump tient toutes sortes de propos, mais rien de ce que veulent vraiment les Américains sur les marchés canadiens n'a encore été mis sur la table. La position du Canada, qui est défensive, consiste à ne pas donner accès aux marchés. Or, même si certains États américains veulent accéder aux marchés canadiens, la majorité d'entre eux sont positifs quant aux échanges commerciaux.
    Madame Bouchard, voulez-vous ajouter un commentaire?

  (1720)  

[Traduction]

    Certainement.
    Quand l'AECG a été annoncé, vous vous rappelez peut-être que le gouvernement de l'époque avait demandé qu'on lui prouve que nous perdions quelque chose, auquel cas il pourrait envisager une indemnisation.
    Pendant les négociations en vue du PTP, il est devenu clair pour le gouvernement canadien que les producteurs laitiers allaient effectivement souffrir des accords commerciaux, donc quand le régime d'indemnisation pour le PTP a été annoncé, il y avait un volet AECG, et nous en étions très contents.
    Le régime d'indemnisation pour l'AECG a ensuite été annoncé, et je dirais qu'on est en train de le mettre en place. La première phase a été très rapide, parce qu'évidemment, les producteurs étaient très intéressés à en profiter, mais ce n'était que la première phase. Il y aura d'autres occasions, parce que les 250 millions de dollars promis ont été divisés. Il y a donc d'autres occasions à venir.
    Le gouvernement a reconnu que la première phase n'avait pas vraiment été un succès, donc nous travaillons actuellement avec Agriculture Canada et le bureau de M. MacAulay afin de corriger les imperfections à l'aube de la deuxième phase, pour que les producteurs ne revivent pas encore la même chose.
    Nous pensons que le gouvernement canadien comprend maintenant que dès qu'il ouvre l'accès à notre marché, nos producteurs en subissent les conséquences. Pour les Producteurs laitiers du Canada, l'important est que le gouvernement veille à ce que les producteurs laitiers n'en subissent pas les conséquences.
    Merci.
    Monsieur Geist, il y a tellement de questions que je pourrais aborder. J'aimerais savoir si vous pouvez nous parler des différences entre le régime d'avis et d'avis et le régime d'avis et de retrait, puis de leurs effets. Il en était question dans le document de 18 pages produit par les États-Unis pour exposer leurs priorités, mais cette question ne figure pas parmi les priorités annoncées par le gouvernement canadien.
    Pouvez-vous nous en parler et nous expliquer comment exactement nous pouvons protéger notre réglementation sur les droits d'auteur s'appliquant au contenu numérisé?
    Bien sûr. Vous parlez du système établi en 2012, qui est en place au Canada depuis des années de manière informelle et selon lequel quand un titulaire de droits d'auteur accuse quelqu'un de porter atteinte à ses droits, il peut envoyer un avis au fournisseur Internet, qui a ensuite l'obligation de le transmettre à l'abonné. Il ne divulgue pas les renseignements personnels de la personne, donc ils sont protégés.
    En principe, à tout le moins, c'était considéré comme une excellente façon d'éduquer le public sur le droit d'auteur et les atteintes au droit d'auteur, tout en protégeant la vie privée du consommateur et en favorisant l'émergence de nouveaux modèles d'affaires.
    Les États-Unis ont adopté un modèle différent qu'on appelle le régime d'avis et de retrait. Le problème, c'est qu'il crée un système dans lequel des millions d'oeuvres peuvent être retirées sans aucune forme de surveillance judiciaire. Certains disent qu'on tire d'abord, puis qu'on vise ensuite, parce qu'il y a de nombreuses accusations d'atteintes au droit d'auteur, que le contenu est retiré, mais que personne n'exerce de surveillance. L'incitatif est simplement de faire retirer le contenu sans aucune forme de surveillance.
    Les États-Unis ont déjà fait des pressions pour que nous adoptions ce régime. Dans les négociations en vue du PTP, le gouvernement canadien s'est montré déterminé à préserver le régime d'avis et d'avis. Nous n'avons toutefois pas encore vu le gouvernement faire valoir cet argument dans ces négociations-ci, mais nous espérons qu'il conservera le modèle d'avis et d'avis.
    Je dois tout de même souligner que le régime d'avis et d'avis pose de réels problèmes lui aussi, puisqu'il prête le flanc aux abus. Vous avez peut-être entendu certains de vos électeurs se plaindre d'avoir reçu ce genre d'avis, parce que les titulaires de droits les utilisent pour envoyer des demandes de règlement. Cela n'a jamais été un objectif du système.
    En fait, j'ai rédigé un article la semaine dernière, dans lequel j'indiquais que le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, a reçu un communiqué il y a un an déjà, selon lequel ce n'était pas l'intention du régime et qu'il y avait beaucoup d'abus.
    Il serait facile de régler le problème. Je crois que plus nous nous dépêcherons à le régler au Canada, par règlement, pour que ce régime ne soit pas utilisé à mauvais escient, le mieux nous serons positionnés non seulement pour préserver ce bon régime, mais pour montrer aux États-Unis qu'ils auraient tout avantage à adopter eux aussi un régime d'avis et d'avis, parce que c'est un régime efficace et équilibré pour traiter les accusations d'atteintes au droit d'auteur.
    Certains de mes électeurs se sont fait prendre par ce type de fraude et ont payé les sommes exigées. Ils ne pouvaient pas être forcés légitimement à les payer, mais quand les gens reçoivent ce genre d'avis, ils ont peur. Bien souvent, il s'agit de personnes âgées, dont les enfants ou les petits-enfants ont utilisé l'ordinateur portable ou le iPad. Soudainement, ils reçoivent ce genre d'avis, donc ils paient, tout simplement. C'est un problème, parce qu'il y a des gens qui se font frauder de cette façon.

  (1725)  

    C'est précisément ce qui se passe, et il est un peu difficile de comprendre pourquoi rien n'a encore été fait, deux ans après la mise en place de ce régime, surtout qu'il serait facile d'y remédier par règlement.
    Merci, monsieur.
    La prochaine série de questions sera la dernière. Le dernier député à intervenir sera M. Peterson. La parole est à vous pour cinq minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, toutes et tous, d'être parmi nous cet après-midi, à l'occasion de notre première séance depuis la reprise des travaux. Avant de commencer, je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres du Comité et j'aimerais rendre hommage brièvement à M. Ritz, qui a non seulement quitté le Comité, mais qui a quitté la Chambre. Nous lui souhaitons bonne chance dans tous ses projets futurs. Il a toujours défendu âprement ses positions, mais nous appréciions sa contribution au Comité. Je parle pour moi, et peut-être aussi pour tous les membres du Comité, quand je dis que ce fut pour moi un plaisir de travailler avec lui pendant les presque deux ans où j'ai travaillé avec lui. Je m'attends à ce que les trois nouveaux membres du Comité fassent preuve du même dynamisme que M. Ritz.
    Pour revenir à l'objet de la séance, j'aimerais approfondir un peu la question de la période d'avis avec M. Geist. Je sais que les deux systèmes ont leurs mérites. Chaque pays a ses propres intérêts à protéger. Dans un monde idéal, comment un système pourrait-il protéger tout ces intérêts, favoriser une utilisation équitable exempte de fraude et comment pouvons-nous mettre en place un régime viable qui atteindrait tous les objectifs voulus?
    Je me démène depuis longtemps pour que quelqu'un me laisse rédiger la Loi sur le droit d'auteur.
    Voici votre chance; c'en sera la première ébauche.
    Oui, je vous en remercie.
    Sur le plan de l'application de la loi, je pense que le gouvernement de 2012 a bien réussi à faire en sorte que les titulaires de droits aient des outils efficaces pour faire respecter leurs droits. Il y a, par exemple, la disposition sur les personnes qui facilitent la violation du droit d'auteur, qui permet aux titulaires de droits de s'attaquer à ceux qui permettent et facilitent la violation du droit d'auteur. On ne trouve pas grand-chose de comparable ailleurs.
    Honnêtement, lorsqu'un système d'avis est mis en oeuvre adéquatement, c'est le meilleur des mondes. Bien d'autres pays étudient ce modèle. Le problème, c'est toutefois la difficulté d'assurer une utilisation équitable. Les entreprises et les créateurs qui innovent aux États-Unis se fondent souvent sur le concept d'une utilisation équitable. Au Canada, nous avons des dispositions sur le commerce équitable, qui sont interprétées de manière assez vaste, il faut l'admettre, mais elles ne sont pas aussi souples que des dispositions sur l'utilisation équitable.
    Dans la mesure où nous essayons d'établir des règles du jeu équitables sous le régime de l'ALENA, pour que les entreprises et les créateurs canadiens puissent innover de la même façon que leurs homologues américains, l'une des solutions consiste clairement à mettre en place le concept de l'utilisation équitable. En fait, il vaut la peine de souligner que certaines des économies mondiales les plus novatrices, comme celles de la Corée du Sud, de Singapour ou d'Israël, ont adopté au cours des dernières années le principe de l'utilisation équitable, précisément en raison des avantages qu'il procure. Nous risquons de nous faire dépasser si nous n'en faisons pas autant, et l'ALENA serait le mécanisme idéal pour le faire.
    Je vous remercie de ces précisions.
    J'aimerais un complément d'information sur une autre chose. Je pense qu'on parle de l'« intérêt légitime des utilisateurs » pour trouver l'équilibre. Comment détermine-t-on en quoi consiste leur intérêt légitime? Ce concept devrait-il faire partie d'un accord commercial? Y a-t-il d'autres façons de procéder? Pourrions-nous intervenir par règlement? Quelle serait, d'après vous, la meilleure approche?
    On parle souvent des droits des utilisateurs, et je pense que c'est ce à quoi vous faites allusion. La Cour suprême du Canada parle souvent des droits des créateurs, d'une part, et des droits des utilisateurs, d'autre part. Nous réussissons assez bien, par l'intervention des tribunaux et la législation, à atteindre un certain équilibre. On lit parfois des décisions qui vont dans un sens et d'autres, dans l'autre.
    Nous avons une petite idée de la façon de trouver l'équilibre par les tribunaux. Je ne suis pas certain que ce soit le genre de solution qu'on veuille préconiser dans l'ALENA, mais l'on veut indiquer clairement que cet équilibre doit être un aspect fondamental du chapitre sur la propriété intellectuelle. C'est la raison pour laquelle on en a discuté dans les négociations sur le Partenariat transpacifique. Nous avons besoin de dispositions comparables dans l'ALENA pour que tous les pays, y compris le Mexique, bien sûr, reconnaissent que pour créer un régime novateur, souple et moderne de propriété intellectuelle, il faut à la fois respecter les droits des créateurs et les droits des utilisateurs. Autrement dit, il faut chercher le juste équilibre.
    Je vous remercie.
    J'aimerais maintenant m'adresser au témoin du secteur des aliments et boissons. Je suis content de vous voir ici et je vous en remercie.
    Je pense qu'on peut dire que l'ALENA, dans sa forme actuelle, sert probablement assez bien les intérêts de votre organisation.

  (1730)  

    Absolument.
    Visez-vous le statu quo, qui serait très bien pour vous, ou espérez-vous des améliorations? Le cas échéant, quelles seraient-elles?
    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, de manière très claire, nous souhaitons l'amincissement continu de la frontière et une simplification de la coopération, particulièrement en ce qui touche les mesures réglementaires destinées à assurer l'innocuité des aliments et d'autres choses du genre.
    À l'heure actuelle, les aliments peuvent être retenus à la frontière. Comme je l'ai déjà mentionné, les aliments sont périssables, en général. On trouve parfois des agents frontaliers particulièrement zélés qui ralentissent le transport de biens à la frontière, au point où les aliments périssent.
    C'est absolument inutile, et parfois, c'est le reflet direct d'efforts afin de resserrer la frontière par souci de protectionnisme.
    Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion fantastique, pour le conseil de coopération en matière de commerce et un autre organisme de haut niveau, d'analyser en profondeur les mécanismes d'évaluation de l'innocuité des aliments et d'autres choses du genre, de réfléchir avec nos homologues américains pour nous entendre sur toutes ces questions de première ligne, particulièrement en ce qui concerne l'innocuité des aliments à faible risque, pour lesquels le processus pourrait être simplifié et automatique. Cela améliorerait le transport de produits des deux côtés de la frontière.
    Je pense que l'ALENA nous présente une occasion en or de simplifier le processus réglementaire.
    Je vous remercie.
    Cela vient clore la période de questions. Vous avez un peu dépassé le temps imparti.
    Merci à tous.
    C'est ici que s'achève notre après-midi. Je remercie les témoins d'être venus.
    À lui seul, ce groupe témoigne de la diversité du commerce et de ses effets sur tous les citoyens du pays, de différentes façons. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer. Nous déposerons notre rapport d'ici le mois de décembre, donc nous vous en enverrons une copie. Merci beaucoup encore une fois.
    Avant de lever la séance, je dois rappeler à tous les députés que nous avons un horaire très chargé pour mercredi. Nous siégerons pendant trois heures, entendrons neuf témoins et devrons discuter de nos travaux futurs, donc soyez ponctuels. Nous devrons nous retrousser les manches, mais nous y arriverons.
    Sur ce, je déclare la séance d'aujourd'hui levée.
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