ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 17 avril 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Commençons maintenant. Nous avons deux groupes de témoins, et un vote est toujours possible. Nos invités se sont préparés longuement pour cette réunion, et je veux leur accorder le plus de temps possible afin que nous puissions bénéficier de leur connaissance de ce sujet très important pour nous.
Nous n'avons pas réussi à former des groupes de représentants autochtones ou de l'industrie ou de témoins à titre personnel. Les groupes sont mélangés, car tous n'étaient pas disponibles en même temps pour former des groupes homogènes.
Nous accueillons, à titre individuel, Martin Olszynski, professeur adjoint de la faculté de droit de l'Université de Calgary.
Nous entendrons Alison Ronson, directrice nationale, Programme des parcs de la Société pour la nature et les parcs du Canada.
Nous souhaitons également la bienvenue à Stewart Elgie, président exécutif de l'Institut pour l'IntelliProspérité.
Nous entendrons ensuite, Virginia Flood, vice-présidente, Relations gouvernementales, de Suncor Énergie Inc.
Bienvenue à tous. La séance prendra fin à 12 h 30, et nous entendrons le groupe suivant par la suite.
Je vais d'abord vous donner quelques informations. Je n'aime pas interrompre les gens, alors, lorsqu'il vous restera une minute pour terminer votre allocution ou votre question — mes collègues le savent tous —, je lève la carte jaune, et vous saurez ainsi qu'il vous reste une minute. Lorsque je lève la carte rouge, c'est parce que votre temps est écoulé. Vous n'êtes pas obligé de vous arrêter immédiatement, mais appliquez-vous à conclure rapidement afin que je ne sois pas obligée de vous interrompre.
Qui veut commencer?
Allez-y, je vous en prie, maître Olszynski.
M. Martin Olszynski (professeur adjoint, faculté de droit, University of Calgary, à titre personnel):
Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre examen du projet de loi C-69 et plus particulièrement de la Loi sur l'évaluation d'impact. Je viens vous parler brièvement de mon expérience. Je suis professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université de Calgary. Avant d'intégrer la faculté de droit en 2013, j'ai travaillé pendant près de six ans comme conseiller juridique au ministère des Pêches et des Océans, à qui je devais notamment donner des conseils quant à ses responsabilités en matière d'évaluation environnementale en vertu de l'ancienne Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de celle de 2012, qui est toujours en vigueur.
Je possède un baccalauréat en sciences juridiques de l'Université de la Saskatchewan et une maîtrise en droit de l'Université de la Californie à Berkeley. J'ai participé activement à cette réforme au cours des deux dernières années et j'ai présenté des mémoires au comité d'experts et au gouvernement, directement.
Vu le temps dont je dispose, je me concentrerai sur ce que je considère comme des lacunes du projet de loi actuel en ce qui concerne particulièrement le rôle de la science dans l'évaluation d'impact. Je ne traiterai pas de l'architecture générale de la Loi sur l'évaluation d'impact dans mon mot d'ouverture, mais je suis prêt à en parler. Pour vous mettre en contexte, je crois essentiellement que l'on peut considérer la Loi sur l'évaluation d'impact, comme une version améliorée de la LCEE de 2012. Pour la plupart, les éléments sont les mêmes que ceux de la loi précédente, à l'exception de certains éléments qui sont plus étoffés.
Mon allocution suivra mon mémoire au Comité. Je crois que celui-ci a été traduit et qu'il vous a été fourni. J'ai également apporté du matériel supplémentaire comprenant trois figures. Je ne sais pas si je vais avoir le temps de vous présenter ces trois figures, mais je voulais les avoir à ma disposition au cas où et vous les fournir pour vos dossiers.
Comme il est indiqué dans la deuxième partie de mon mémoire, un des points les plus importants à souligner dans le contexte de la réforme actuelle est que la science de l'évaluation d'impact manque de rigueur. À titre d'exemple, dans un article de BCBusiness paru en 2015, un biologiste professionnel confirmait que les temps étaient difficiles pour sa profession; il affirmait notamment que son opinion professionnelle était lourdement remise en question et que ses formulations, ses résultats et ses interprétations étaient modifiés.
Le Comité d'experts de l'évaluation environnementale a bien compris le message et a confirmé le besoin d'avoir des lignes directrices et des normes plus solides.
Dans son document de travail de 2017 et les divers documents stratégiques qui accompagnent le projet de loi C-69, le gouvernement lui-même semble saisir ce problème, mais pourtant, le projet de loi n'en tient pas compte. Les termes « science » ou « scientifique » ne reviennent que cinq fois, et ils ne se rapportent jamais à des travaux concrets.
Je demanderais aux membres du Comité de consulter la première figure de mon document supplémentaire, soit un petit diagramme pyramidal. L'idée que nous voulons véhiculer ici est fort simple. La science est fondamentale à l'évaluation d'impact dans son intégralité. Que ce soit pour la planification, l'évaluation ou la prise de décisions, chaque étape repose sur de l'information scientifique. Évidemment, l'envers de la médaille est qu'une erreur ou une lacune dans les données scientifiques risque de compromettre l'ensemble du processus.
Le projet de loi C-69 devrait d'abord et avant tout être modifié pour que les participants au processus d'évaluation d'impact soient sommés d'une « obligation d'intégrité scientifique » qui garantirait au moins les principes d'objectivité, d'exhaustivité et d'exactitude.
Une autre modification consisterait à donner au gouvernement le pouvoir d'élaborer une réglementation qui préciserait cette obligation et l'assortirait notamment de lignes directrices et de normes pour, entre autres, la conception, la collecte de données et l'analyse d'échantillons de référence, ainsi que le suivi durant et après les projets.
Je tiens à réitérer ici un point que d'autres ont soulevé dans leurs mémoires. L'obligation d'intégrité scientifique n'a rien de nouveau. De nombreuses lois et politiques et de nombreux règlements américains sur l'environnement font allusion à l'intégrité scientifique.
Une autre lacune importante de nature scientifique est l'écart continu entre le contenu législatif du registre public et les dossiers de projets internes de l'Agence.
Par souci de transparence et de science ouverte, les dispositions touchant le registre — celles-ci se trouvent à l'article 105 de la Loi sur l'évaluation d'impact proposée — devraient correspondre aux dispositions régissant les dossiers internes de l'Agence, dont il est question à l'article 106. Il devrait également être indiqué clairement dans la loi que toutes les données scientifiques présentées dans le cadre d'une évaluation d'impact sont considérées comme publiques, à moins qu'une demande de confidentialité soit présentée et accordée en vertu de dispositions très strictes. Cela exigerait une modification de l'article 107 actuel, qui semble créer une présomption de confidentialité.
Je tiens fermement à souligner le point qui suit. On ne m'a jamais fourni d'explications, à plus forte raison une explication convaincante, qui m'auraient permis de comprendre pourquoi les données et les modèles des auteurs ne devraient pas être pleinement disponibles. Je peux comprendre que certaines données et certains modèles peuvent faire l'objet de droits d'auteur, mais cela ne veut pas dire qu'ils doivent être confidentiels. Cela signifie simplement que leur utilisation devrait être régie par la Loi sur le droit d'auteur, qui, évidemment, prévoit des exemptions d'« utilisation équitable » à des fins scolaires ou d'autres fins publiques.
Mes prochaines recommandations touchent les mesures d'atténuation et la façon dont elles ont été gérées dans le cadre des deux anciennes LCEE.
Il est important ici de rappeler la nature du régime. Je fais allusion aux lois de 1992 et de 2012 ainsi qu'à la Loi sur l'évaluation d'impact proposée actuellement. Comme tous ses prédécesseurs, la Loi sur l'évaluation d'impact ne repose pas sur un fondement de nature environnementale ou de toute autre nature que ce soit. Le régime consiste à prendre en considération les effets qui permettront ensuite aux responsables d'approuver ou de refuser les projets. Je vous demanderais de garder cela en tête lorsque je formulerai mes prochaines recommandations.
Beaucoup d'attention est accordée aux études de référence — c'est-à-dire les études qui nous permettent de déterminer l'état de l'environnement avant le lancement d'un projet —, mais l'atténuation constitue aussi un élément essentiel du processus d'évaluation d'impact. Le processus d'atténuation inclut les stratégies qu'un promoteur pourrait mettre en oeuvre pour réduire les effets environnementaux négatifs connus, entre autres. Le Comité sera peut-être surpris d'apprendre que les promoteurs et les comités d'évaluation d'impact sont malheureusement reconnus depuis longtemps pour se fier à des mesures d'atténuation non éprouvées afin d'éviter de conclure qu'un projet entraînera des effets négatifs importants.
Selon moi, cela nuit énormément au processus d'évaluation et à la responsabilité à l'égard du public que cela est censé permettre. Par conséquent, je recommande l'ajout de dispositions qui garantiront que les mesures d'atténuation sont bel et bien efficaces ou que leur efficacité est raisonnablement confirmée selon les meilleures données scientifiques disponibles. Encore une fois, cela ne voudrait pas dire que les projets qui ne répondent pas à cette exigence ne seraient pas approuvés. La Loi sur l'évaluation d'impact n'a pas de cadre de référence, et de telles dispositions permettraient simplement aux Canadiens de bénéficier d'une évaluation plus juste et exacte des impacts potentiels d'un projet.
J'accepterais également que l'on se fie à des mesures d'atténuation dont l'efficacité reste à prouver, mais seulement si le promoteur s'engage à suivre un processus d'apprentissage structuré, ce que l'on appelle aussi la « gestion adaptative ». Je renvoie ici les membres du Comité à la page 5 de mon mémoire. Vous trouverez au haut de la page une figure illustrant le cycle de la gestion adaptative. La gestion adaptative est très courante. Choisissez au hasard des rapports conjoints de comités d'expert, et vous verrez. L'été dernier, nous avons effectué une petite recherche par mot clé, et 90 % des projets contenus dans le registre de la LCEE contenaient une référence à la gestion adaptative.
Le problème, c'est qu'elle n'est pas appliquée concrètement. La gestion adaptative est une bonne idée en théorie, mais elle n'est pas appliquée en pratique. Pour confirmer mes dires, j'ai examiné 18 projets menés récemment dans le cadre d'un programme de recherche de l'Université de Calgary. Nous avons épluché les énoncés des incidences environnementales présentées par les promoteurs et dans lesquelles ils affirmaient se fier aux résultats d'évaluations d'impact. Je vous prie maintenant de consulter la deuxième figure de la page 5, qui présente le pourcentage de complétude du cycle de gestion adaptative, par type de projet. Nous constatons alors que même si la gestion adaptative est censée être un processus rigoureux d'apprentissage accompagné d'objectifs, d'indicateurs, de planification et de rigueur, rien de cela n'est fait. Les promoteurs disent qu'ils mèneront un processus de gestion adaptative afin de convaincre les organismes de réglementation que tout ira bien, mais ils ne le font jamais.
À l'annexe A de mon mémoire, je propose quelques mesures de base pour que l'on puisse s'assurer que les promoteurs procèdent bel et bien à la gestion adaptative. Je tiens à mentionner au passage que j'ai présenté au gouvernement trois pages de dispositions plus détaillées en août 2017. Je les ai résumées considérablement pour vous, et elles tiennent en trois quarts de page maintenant. J'espère que les membres du Comité en percevront le mérite.
À l'inverse, si le Comité n'est pas prêt à imposer un processus de gestion adaptative qui assurerait son utilisation, je suggérerais que la Loi sur l'évaluation d'impact soit modifiée afin qu'il soit clair que l'on ne s'y fiera plus. À l'heure actuelle, il s'agit essentiellement d'un écran de fumée pour les promoteurs qui ne savent pas comment gérer les effets environnementaux.
Ce sont les principaux points que je voulais soulever. Il me reste cinq ou six recommandations à vous présenter rapidement. Je serai heureux d'en dire davantage durant la période de questions.
Ma cinquième recommandation touche la jurisprudence et plus particulièrement le problème de ce que signifie « prendre en compte » et « pris en compte ». Selon une série de décisions rendues au cours des dernières années, tant qu'un effet environnemental est pris en compte, il n'est pas nécessaire d'en faire l'examen. Il n'y a aucune erreur de droit. Autrement dit, aucune prise en compte ne serait nécessaire. Je crois que tout le monde serait d'accord pour dire que cette exigence n'est pas très rigoureuse. Je recommande qu'une modification soit apportée à l'expression « pris en compte » ou « prendre en compte », par exemple aux articles 22 et 63 proposés, pour que l'on puisse s'assurer qu'elle a une incidence. On pourrait dire « pris rigoureusement en compte » ou « bien prendre en compte » pour obtenir les résultats souhaités.
Je crois que la disposition sur la mission proposée au paragraphe 6(2) devrait être assortie de renvois à des éléments de processus précis de la Loi sur l'évaluation d'impact pour garantir son respect. J'ai également quelques réserves à propos de l'abandon du terme « importance » et tout ce qui l'entoure. Somme toute, je crois que c'est une bonne idée d'ajouter le concept d'importance binaire à notre évaluation environnementale ou évaluation d'impact; la non-importance serait problématique. Toutefois, l'absence d'importance entraînerait de véritables problèmes et un risque d'ambiguïté.
Je vois que mon temps est écoulé, alors je vais m'arrêter ici.
C'est incroyable à quel point cela peut sembler court, 10 minutes, quand on doit donner beaucoup d'information, mais je suis sûre que vous aurez l'occasion de nous en apprendre bien davantage pendant la période de questions.
Alison.
J'aimerais dire bonjour aux membres du Comité et les remercier de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
Je suis la directrice du Programme des parcs de la Société pour la nature et les parcs du Canada, un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui, comme beaucoup d'entre vous le savent probablement, défend depuis plus de 50 ans les intérêts de la nature et de la faune canadienne. Personnellement, j'ai fait des études en sciences de l'environnement et en biologie, en droit et en affaires internationales, avec une spécialisation en gouvernance environnementale, et je travaille maintenant depuis quatre ans pour la Société pour la nature et les parcs du Canada.
Mon témoignage portera uniquement sur la partie 1 du projet de loi, la Loi sur l'évaluation d'impact. Je vais surtout aborder, de façon générale, la question des aires protégées fédérales, mais je compte utiliser nos parcs nationaux pour donner beaucoup d'exemples.
Nos parcs et nos aires protégées donnent son caractère particulier à notre pays. Ils protègent notre patrimoine naturel et notre faune emblématique, ils produisent de l'air pur, de l'eau potable et des aliments traditionnels. Il s'agit aussi d'un endroit idéal pour se recueillir dans la nature ou pour partir à l'aventure dans l'arrière-pays; c'est quelque chose qui peut changer votre vie.
Il y a un consensus qui s'impose de plus en plus fermement dans le monde scientifique, soit que nous vivons actuellement la sixième extinction massive de l'histoire du monde. Les activités humaines, comme l'extraction et l'exploitation des ressources, accélèrent le processus, et nous en voyons déjà les impacts ici au Canada.
À l'échelle mondiale, il a été démontré que les parcs et les aires protégées font partie des solutions les plus efficaces pour ralentir cette extinction massive, puisqu'ils servent à protéger l'habitat des espèces emblématiques du Canada. Je pense par exemple à l'orignal, au caribou, au grizzly et à l'ensemble de la biodiversité du pays.
Le Canada s'est muni de lois pour établir ces aires protégées et ainsi protéger la nature et les écosystèmes. À cette fin, il serait raisonnable d'appliquer les normes les plus rigoureuses possible en matière d'évaluation d'impact pour ces endroits, vu leur très grande importance pour notre propre bien-être; ces endroits sont notre trésor le plus précieux.
C'est donc à regret que nous avons conclu que le projet de loi C-69 n'est pas à la hauteur des attentes. Le projet de loi reprend en grande partie la structure de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012. Lorsqu'un promoteur veut réaliser un projet sur un territoire domanial sans que le projet soit inscrit à la liste des projets désignés, il revient à une autorité fédérale — dans le cas des parcs nationaux, il s'agit de Parcs Canada — de déterminer si le projet ou les travaux risquent d'avoir des effets négatifs importants sur l'environnement. Cette façon de faire affaiblit les évaluations d'impact liées aux aires protégées et entraîne des problèmes au niveau de la transparence, de la reddition de comptes et des consultations publiques relativement aux projets privés et commerciaux et aux projets d'aménagement d'infrastructures dans nos parcs.
À l'instar de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012, le projet de loi C-69 ne fournit pas une orientation suffisante quant à la façon dont les autorités fédérales doivent déterminer si un projet peut aller de l'avant ou non. Présentement, les évaluations d'impact dans nos parcs nationaux sont menées par Parcs Canada selon une politique interne sujette à l'interprétation et exécutée sans uniformité d'un bout à l'autre du pays.
En vertu de ce régime, il a été déterminé que certains projets, comme l'élargissement à grande échelle de la station de ski Lake Louise, n'entraînent aucun effet négatif important pour le parc national du Canada Banff, et ce, malgré les préoccupations clairement exprimées par des scientifiques et le public à propos des impacts que ce projet aura sur l'habitat de certaines espèces importantes, comme la chèvre de montagne et le grizzly. De fait, la SNPC a appris, grâce à une demande d'accès à l'information, que Parcs Canada avait conclu que plus de 1 500 des projets qui avaient été évalués depuis 2012, y compris celui de Lake Louise, n'entraîneraient aucun impact important sur l'environnement.
Selon la SNPC, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012 et l'approche stratégique de Parcs Canada ont entraîné un manque de rigueur, ont limité les possibilités de consultation publique et ont mené à une absence d'uniformité dans l'application de la politique. À l'opposé, les dispositions de la loi de 1992 mettaient en relief le statut particulier des aires protégées fédérales et prévoyaient des mesures de protection pour prévenir les effets négatifs des projets d'aménagement.
Sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 1992, il était tenu pour acquis que les projets dans les parcs nationaux et les aires protégées fédérales feraient l'objet d'une évaluation d'impact. Ensuite, les règlements précisaient les détails. Par exemple, la liste d'exclusion énumérait les projets visant un parc qui n'avaient pas à subir d'évaluation d'impact. Cela comprenait aussi des détails relativement à l'entretien de routine, la peinture des bancs dans les parcs, etc.
Le Règlement sur la liste d'étude approfondie fournissait une orientation quant aux projets devant faire l'objet d'une évaluation d'impact très rigoureuse. Dans la liste, il y avait, bien sûr, les ouvrages qui ne devraient pas et qui ne pourraient pas être autorisés dans une aire protégée. Je pense, par exemple, aux projets de barrages et de mines ainsi qu'aux projets susceptibles d'avoir des effets importants à long terme, comme l'élargissement des stations de ski. Aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012, le projet d'élargissement de la station de ski Lake Louise aurait fait l'objet d'une évaluation exhaustive coordonnée par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, et des ressources auraient été prévues pour des consultations publiques.
Il était également prévu dans le libellé de la loi que le ministre prenne en considération l'intégrité écologique d'une aire protégée au moment de déterminer si un projet est susceptible d'avoir des effets négatifs sur l'environnement.
La Société pour la nature et les parcs du Canada est d'avis que la loi de 1992 protégeait beaucoup mieux nos parcs nationaux et nos aires protégées fédérales que la loi de 2012.
Le projet de loi C-69 conserve en grande partie la structure de la loi de 2012. En conséquence, nous ne pourrons pas régler les problèmes que posent les projets d'aménagement dans les parcs et dans les aires protégées présentement. Je parle de problèmes comme le manque de transparence, l'absence de consultations, les promoteurs qui mènent leurs propres évaluations d'impact en cherchant uniquement une rétroaction positive quant à leurs projets, les délais extrêmement serrés qui ne laissent pas au public suffisamment de temps pour lire des documents très techniques et le manque de rigueur scientifique.
L'article 86 du projet de loi obligerait les autorités fédérales à afficher un avis indiquant son intention de prendre une décision par rapport à un projet. Le problème, c'est que l'autorité ne dispose que de 15 jours après avoir affiché son avis pour prendre une décision, ce qui est tout à fait insuffisant, aux yeux de la SNPC.
Je vais maintenant vous présenter nos recommandations pour améliorer le projet de loi C-69. Nous recommandons: premièrement, que le Comité ajoute au libellé du projet de loi une présomption selon laquelle tous les projets dans un parc national ou une aire protégée fédérale doivent subir une évaluation d'impact, sauf si le ministre en décide autrement, pour déterminer, après avoir affiché un avis adéquat en temps voulu, si le projet est susceptible d'entraîner des effets négatifs importants sur l'environnement; deuxièmement, que des mesures soient prises pour veiller à ce que les évaluations d'impact soient effectuées par l'Agence canadienne d'évaluation des impacts ou, s'il y a lieu, par Parcs Canada lorsque le ministère n'est pas le promoteur du projet; et troisièmement, que le processus d'évaluation suive ce qui est prévu dans la loi ainsi que dans les lignes directrices en matière de consultation. Présentement, le projet de loi offre malheureusement une orientation restreinte en ce qui concerne la façon dont l'autorité fédérale doit prendre sa décision.
Il devrait être possible de rejeter un projet au lieu de seulement pouvoir prendre des mesures d'atténuation. Pour l'instant, c'est en grande partie ce qui est fait pour tous les projets d'aménagement dans nos parcs nationaux.
Nous devons nous assurer que l'intégrité écologique est la priorité numéro un de l'Agence canadienne d'évaluation des impacts ou de l'autorité fédérale lorsqu'un projet dans une aire fédérale protégée fait l'objet d'une évaluation d'impact . Des ressources supplémentaires devraient aussi être déployées pour faire en sorte que tous les Canadiens puissent être consultés dans le cadre d'une évaluation d'impact visant un projet dans une aire protégée fédérale.
Présentement, ce qu'on se contente de faire pour un grand nombre de projets dans un parc national, c'est d'informer les collectivités locales et non l'ensemble des Canadiens. La position de la SNPC est que nos parcs nationaux sont un bien public. Ils sont là pour que tous les Canadiens puissent les visiter, et, en conséquence, tous les Canadiens devraient avoir leur mot à dire dans la façon dont ils sont gérés.
Concrètement, il convient d'ajouter les impacts d'un projet sur la biodiversité de l'écosystème dans les facteurs établis aux articles 22, 63 et 84 qui doivent être pris en considération dans le cadre d'une évaluation d'impact. Pour l'instant, ces articles parlent de changements climatiques, mais la biodiversité — en particulier la perte de la biodiversité — constitue une crise pour la communauté internationale, et nous devons prendre des mesures à ce sujet ici au Canada.
À propos de l'article 86, il faudrait accorder à l'autorité fédérale un délai d'au moins 30 jours après avoir affiché son avis pour prendre une décision. Cela devrait laisser au public suffisamment de temps pour consulter l'information à sa disposition et fournir sa rétroaction.
Pour terminer, je tiens à mettre en relief le fait que le projet de loi ne fait aucune mention des merveilleux sites du patrimoine mondial du Canada. La communauté internationale a reconnu l'importance et la valeur universelle considérable d'un grand nombre de nos parcs nationaux. Pourtant, le projet de loi C-69 ne souligne pas cela.
L'Union internationale pour la conservation de la nature fournit une orientation quant à la façon dont un État partie devrait mener une évaluation d'impact visant un projet dans un site du patrimoine mondial ou à proximité. Notre processus en matière d'évaluation d'impact devrait s'aligner sur cette orientation et s'y conformer.
Pour notre bien ainsi que celui des générations futures, j'invite fortement le Comité à recommander de modifier le projet de loi C-69 afin de rétablir la présomption selon laquelle les projets dans un parc national ou une aire protégée fédérale doivent subir une évaluation d'impact menée par l'Agence canadienne d'évaluation des impacts.
J'aimerais aussi porter à l'attention du Comité le fait qu'il sera impossible de rétablir la confiance du public envers le système, le gouvernement et le régime d'évaluation d'impact lorsque les parcs et les aires protégées — qui devraient être les endroits les mieux protégés vu leur très grande valeur — ne font pas l'objet d'exigences plus rigoureuses — ou du moins tout aussi rigoureuses — que n'importe quelle autre partie du territoire. Les parcs et les aires protégées fédérales ne sont pas des endroits comme les autres; ils doivent faire l'objet d'exigences plus strictes et être véritablement protégés pour notre bien et le bien des générations futures.
Merci.
Je m'appelle Stewart Elgie. Je suis venu témoigner aujourd'hui à deux titres. Premièrement, je suis ici en ma qualité de professeur de droit et d'économie à l'Université d'Ottawa. J'enseigne le droit en matière d'évaluation environnementale depuis plus de 20 ans. J'ai participé — tout comme Mme Duncan, si je me rappelle bien — à l'étude du comité qui a mené à l'adoption de la première Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, celle de 1992 à 1994. À l'époque où j'étais avocat spécialisé en droit environnemental, j'ai défendu six ou sept causes liées à cette loi, dont deux, couronnées de succès, devant la Cour suprême du Canada. J'ai donc un peu d'expérience avec le droit relatif aux évaluations environnementales.
Deuxièmement, je suis ici à titre de fondateur et président de l'Institut pour l'IntelliProspérité, un centre d'études et de recherches sur l'économie qui cible la croissance écologique. Notre conseil de direction compte 30 éminents dirigeants de tous les secteurs économiques, y compris les secteurs minier, gazier et pétrolier, de la fabrication et des banques. L'Institut pour l'IntelliProspérité a comme objectif d'édifier au Canada une économie forte, propre et novatrice. Nous croyons que tout cela sera vital à la compétitivité de l'économie canadienne, à tous les secteurs de l'économie canadienne, au cours des prochaines années.
Je compte donc vous offrir mon témoignage sur le projet de loi de ce point de vue. Comment pouvons-nous tirer parti du projet de loi pour favoriser la réussite environnementale et économique? De façon générale, je dirais que ce projet de loi est supérieur à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012, d'un point de vue tant environnemental qu'économique, mais il y a place à l'amélioration. Il y a six points que je veux aborder, et je serai heureux de vous les expliquer en détail dans un mémoire que je vous présenterai après mon témoignage.
Commençons par l'objet du projet de loi. Le changement le plus important est la façon dont le projet de loi mentionne très explicitement que son objet est de favoriser la durabilité des résultats économiques, environnementaux, sanitaires et sociaux. C'est une bonne chose. La durabilité devrait être le critère décisif pour tout projet d'aménagement. Les projets qui respectent ce critère sont plus susceptibles d'être très avantageux pour le Canada, d'être socialement acceptables pour les Canadiens et, en conséquence, de donner davantage de certitude aux promoteurs.
Je crois que la difficulté, cependant, sera de trouver des façons efficientes de s'acquitter de ce mandat général, sans retarder le processus ou en le rendant onéreux. Malheureusement, le projet de loi ne peut rien faire à ce chapitre. Tout va dépendre de la compétence avec laquelle l'Agence va exécuter son mandat. Le projet de loi prévoit aussi de renforcer le rôle de l'Agence; c'est une bonne chose. J'imagine qu'il nous faudra quelques années avant de savoir si l'Agence a réussi à exécuter son mandat élargi avec efficience. Nous l'espérons, mais il faudra probablement y revenir et examiner la question à un moment donné.
Je vais maintenant aborder les cinq améliorations principales qui, selon moi, doivent être apportées.
Ma première et ma plus importante recommandation concerne les évaluations environnementales stratégiques et régionales. J'ai défendu bon nombre d'affaires à ce sujet, et je peux vous dire que, selon moi, il s'agit de la partie la plus importante du projet de loi. La plupart des affaires que j'ai défendues dans mon ancienne carrière mettaient en cause des questions régionales à grande échelle qui avaient été renvoyées au processus d'approbation des projets, parce qu'on ne pouvait pas s'en occuper ailleurs. Cela causait des difficultés au promoteur du projet, parce qu'il devait alors aborder et régler l'ensemble de ces questions régionales dans sa proposition. Au même titre, les intervenants ne disposaient d'aucune tribune pour discuter des propositions à grande échelle. En conséquence, les questions abordées pour un projet de mine concernaient surtout ce qui était prévu pour les contreforts des Rocheuses, et les questions soulevées pour un projet d'exploitation des sables bitumineux étaient surtout axées sur la position du Canada par rapport aux changements climatiques.
L'un des éléments les plus importants de ce projet de loi est la création d'une tribune pour aborder ces processus régionaux et stratégiques importants. C'est une très bonne chose.
Malheureusement, le projet de loi ne fait rien du tout pour veiller à ce que cela se fasse. C'est une lacune. D'expérience, je peux vous dire qu'il est très probable que ce qui est urgent l'emporte sur ce qui est important, et une partie croissante des ressources humaines et financières de l'Agence va probablement être consacrée à l'approbation des niveaux de projet. Par voie de conséquence, les évaluations régionales et stratégiques à grande échelle vont probablement être mises de côté. C'est pourquoi j'ajouterais au projet de loi des dispositions visant à prévenir cela ainsi qu'à motiver et à encourager la tenue d'évaluations régionales et stratégiques. Cela peut se faire de plusieurs façons.
Une des façons serait de dresser une liste prioritaire pour les évaluations environnementales stratégiques et régionales, comme cela se fait avec la liste des substances d'intérêt prioritaire dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je mentionnerais explicitement dans le projet de loi qu'il est obligatoire que le conseil consultatif se prononce sur les priorités en matière d'évaluations régionales et stratégiques. Peut-être même qu'il devrait être écrit dans la loi que l'Agence doit créer un fonds réservé à partir de son budget pour les évaluations régionales et stratégiques. Ainsi, on aidera à préserver ce qui est, selon moi, la plus grande réussite de ce projet de loi.
Le deuxième point que je veux soulever concerne l'objet des évaluations. La valeur du projet de loi dépend des projets qu'il vise, tout comme la plus belle maison au monde n'a aucune valeur s'il n'y a aucune façon d'y entrer. Selon le projet de loi, les projets désignés doivent subir une évaluation, mais, étonnamment, le projet de loi ne fournit aucune orientation quant à ce qui devrait être un projet désigné. Quels projets devraient être visés dans le projet de loi? Je pense qu'on pourrait améliorer cela de quelque façon.
Par exemple, le projet de loi pourrait préciser que tout projet de loi susceptible d'avoir des effets négatifs importants doit figurer dans la liste des projets désignés. On pourrait aller plus loin et demander à la ministre d'établir les critères pour déterminer quels projets sont susceptibles d'avoir des effets négatifs importants. Je sais que la ministre a déjà préparé un document distinct à cet effet. On pourrait donc officialiser dans la loi ce qui se fait déjà si on l'ajoutait au projet de loi. De cette façon, on pourrait renforcer la prévisibilité, la certitude et l'uniformité des types de projets visés par ce projet de loi très important.
Ensuite, il faut s'assurer d'évaluer toutes les composantes d'un projet, c'est-à-dire éviter de tomber dans le piège du fractionnement des projets. Ce genre de pratique est devenue très courante au cours des dernières années. Lorsqu'on évalue seulement une composante d'un projet global ou une partie limitée des activités, cela vient miner l'efficacité des évaluations environnementales. Je pourrais vous donner un tas d'exemples de causes qui ont été portées devant les tribunaux où, disons, on a seulement étudié le mouvement des électrons le long d'un fil au lieu d'examiner le barrage sur la Grande rivière de la Baleine au Québec qui produit ces électrons. La Cour suprême du Canada a débouté l'affaire. Un autre exemple serait d'examiner uniquement un nouveau pont qui franchit une rivière au lieu du chemin forestier ou des activités forestières d'une nouvelle scierie qui ont été approuvées pour la construction du pont. Cela a aussi été rejeté par les tribunaux. Un autre exemple: examiner seulement les installations pour les résidus d'une exploitation minière au lieu de la mine elle-même. Dans ce cas aussi, la Cour suprême du Canada a rejeté le projet.
Le fractionnement des projets nuit à tout ce qu'on essaie de réaliser grâce aux évaluations environnementales. Ce serait pourtant facile de régler le problème, mais le projet de loi ne prévoit rien à cet effet. La solution la plus simple serait de reproduire ce que les Américains font depuis plus de 30 ans — et cela semble fonctionner très bien —, c'est-à-dire d'exiger que les évaluations portent sur toutes les activités qui sont liées. La loi en vigueur aux États-Unis fournit même une définition des activités connexes. Si vous le voulez, je pourrai vous en fournir un libellé dans mon mémoire, mais, essentiellement, il est écrit que toutes les activités interdépendantes d'un projet global doivent être étudiées. En d'autres mots, si l'approbation d'une composante du projet suppose que d'autres activités soient réalisées, alors il convient de les évaluer également, puisque vous venez, concrètement, de les approuver aussi. Pour résumer, il faut éviter le fractionnement des projets et évaluer toutes les parties interreliées.
Quatrièmement, il faut essayer de renforcer l'exigence en matière de durabilité et de transparence relativement à l'approbation de projets. C'est une étape extrêmement critique. Le projet de loi à l'étude définit mieux les critères qui serviront à orienter l'approbation d'un projet que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012. C'est une bonne chose. Une orientation rigoureuse favorise la prévisibilité pour les promoteurs et accroît l'uniformité des décisions, le tout aux fins de la durabilité, une autre bonne chose.
Cela soulève toutefois une difficulté, puisque la durabilité est forcément assortie de considérations économiques, environnementales et sociales. Il faut souvent rechercher un équilibre entre les trois, la plupart du temps à l'avantage de l'économie et de la société et au détriment de l'environnement. Nous aurions un meilleur projet de loi si on y mentionnait explicitement quel équilibre doit être atteint pour qu'on puisse dire qu'un projet de loi serait avantageux pour le Canada. À cette fin, je recommanderais de modifier légèrement l'article 63, celui concernant les autorisations, de façon à exiger l'examen des avantages d'un projet pour voir s'ils sont suffisamment importants pour l'emporter sur les effets négatifs. En d'autres mots, il faudrait expliquer pourquoi les avantages d'un projet sont nettement plus importants que les effets négatifs. Je crois que nous serions tous avantagés par un peu plus de transparence.
Cinquièmement, il y a l'innovation. L'Institut pour l'IntelliProspérité vient de publier un important rapport sur des moyens de stimuler l'innovation propre dans tous les secteurs économiques du Canada. Nous croyons qu'il s'agit de quelque chose de crucial pour la réussite économique du Canada dans le secteur des ressources, de la fabrication et de la technologie de pointe. Nous pourrions utiliser le projet de loi pour codifier des dispositions relatives à l'innovation et pour faire en sorte que les évaluations environnementales soutiennent et encouragent l'innovation. Je peux vous donner quelques exemples.
Dans la liste des éléments à examiner dans une évaluation environnementale, je suis content qu'on ait précisé qu'il faut utiliser « les meilleures technologies disponibles ». Cependant, il faudrait plutôt dire « les meilleures technologies ou pratiques disponibles ». Un grand nombre de pratiques novatrices ne sont pas des technologies. Ce sont simplement des pratiques qui s'inscrivent de façon critique dans l'innovation.
Ensuite, je voudrais aussi dire qu'il devrait être exigé de fournir une justification lorsqu'on conclut qu'il n'est pas possible d'utiliser les meilleures technologies disponibles dans le cadre d'un projet lorsque ces mêmes technologies sont utilisées partout ailleurs. Si nous voulons que les entreprises canadiennes soient des chefs de file en matière d'activités et d'innovations propres, il faut demander que tout défaut d'utiliser les meilleures technologies disponibles au Canada et dans le monde soit justifié avant d'approuver le projet. Il est possible que la justification soit tout à fait correcte, mais il faudrait au moins qu'il y en ait une. C'est tout bonnement essentiel.
En outre, j'ajouterais des critères pour l'approbation des projets. Il ne suffit pas de les évaluer. Les pratiques et les technologies novatrices devraient faire partie des facteurs favorisant l'approbation d'un projet. J'ajouterais donc, aux critères prévus à l'article 63, un critère qui demande si le projet utilise des pratiques ou des technologies novatrices qui sont les meilleures qui soient disponibles ou encore meilleures.
Une autre chose que je voudrais ajouter, pour continuer sur la lancée de Martin à propos des mesures d'atténuation, c'est que les obstacles les plus lourds à l'innovation sont les procédures de vérification de la conformité qui s'avèrent beaucoup trop strictes. Selon moi, il faut faire preuve d'une certaine souplesse en ce qui concerne la conformité. C'est important.
Dernier point, mais non le moindre, je vais me risquer à ouvrir la boîte de Pandore que sont la Constitution et les questions de compétence. Le projet de loi essaie de définir la compétence fédérale. Ce n'est pas sans risque, ce n'est pas nécessaire, et je crois que cela pourrait même restreindre à outrance l'exécution de la loi. Il est implicite, dans toutes les lois fédérales, que son exécution relève d'un domaine de compétence fédérale. Il n'est pas nécessaire de le préciser, et d'ailleurs, cela n'est pas mentionné dans les autres lois.
Ce serait une tâche incommensurablement compliquée que d'essayer de cerner et de définir tous les éléments relevant d'un domaine de compétence fédérale. Pensez seulement à tous les éléments figurant dans la liste de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, à tout ce qui est inscrit dans la liste de la Loi sur les produits dangereux ainsi que tous les pesticides et les produits de santé inscrits. Vous pourriez passer votre carrière entière à essayer de les cerner tous, et ce n'est pas nécessaire.
Cela ne faisait pas partie de la dernière loi. On indiquait simplement « effets environnementaux ». Pendant 20 ans, aucun tribunal n'a invalidé une évaluation environnementale fédérale pour avoir outrepassé la compétence fédérale. Ce n'est pas un problème, alors pourquoi chercher une solution?
La loi précédente avait prévu cette exigence en 2012, et le projet de loi à l'étude suit la même structure. Trois domaines de compétence constitutionnelle fédérale étaient précisés, et il était indiqué que les autres seraient établis par voie de règlement.
Fait intéressant, en six ans, aucun autre domaine de compétence fédérale n'a dû être précisé. Au cours des six dernières années, l'approche adoptée pour les évaluations environnementales s'est très peu embarrassée de savoir si on outrepassait la compétence fédérale. Vous voyez, c'est une approche dont on n'a pas besoin.
Je proposerais donc de revenir à l'approche d'il y a 20 ans, car elle fonctionnait bien. Vous n'avez qu'à tenir pour acquis, comme c'est le cas dans toutes les autres lois, que le gouvernement fédéral va exécuter la loi sans dépasser ses domaines de compétence. Autrement, vous pourriez aussi demander au gouvernement d'adopter son règlement fantastique qui cernera tous les domaines de compétence fédérale avant que le projet de loi ne soit adopté, comme cela a été fait pour l'ébauche de la liste des projets.
Merci.
Madame la présidente, je veux vous remercier d'avoir invité Suncor à participer à l'étude du Comité sur le projet de loi C-69, la Loi sur l'évaluation d'impact.
Je m'appelle Ginny Flood. Je suis la vice-présidente, Relations gouvernementales, de Suncor. Avant de travailler pour Suncor, j'ai occupé un poste chez Rio Tinto, et avant cela, j'ai travaillé pour le gouvernement fédéral dans un poste lié à la réglementation des évaluations environnementales.
Avant tout, j'aimerais souligner que nous nous trouvons ici à Ottawa sur le territoire ancestral non cédé des Algonquins.
Suncor est la plus importante société énergétique intégrée du Canada, et elle contribue dans une grande mesure à l'économie du Canada. Nous sommes surtout connus pour notre exploitation des sables bitumineux, mais nous exploitons aussi trois raffineries au Canada et 1 800 établissements de vente au détail et de vente en gros Petro-Canada d'un océan à l'autre. Nous avons quatre projets de parcs éoliens dans trois provinces ainsi que la plus grande installation de production d'éthanol du Canada, située à Sarnia en Ontario. Nous sommes la seule société qui exploite l'ensemble des quatre plus grandes installations d'exploration pétrolière de la côte Est, ce qui fait de nous le plus grand producteur pétrolier de la côte Est du Canada. Globalement, Suncor exerce des activités dans toutes les régions du pays et dans les territoires traditionnels de plus de 140 collectivités autochtones au Canada.
Suncor s'efforce de participer activement à toutes les étapes du processus de consultation d'un bout à l'autre du Canada. Nous voulons vous faire bénéficier de nos opinions et de notre expérience par rapport à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012, au renouvellement de l'Office national de l'énergie et à la Loi sur la protection de la navigation. Aujourd'hui, c'est avec plaisir que nous allons témoigner à propos du projet de loi C-69.
Suncor a envoyé un mémoire détaillé au Comité en réaction à sa demande de mémoires sur le projet de loi C-69, mais je n'ai pas l'intention de passer en revue chacun des points. Je vais plutôt souligner certains éléments clés et restreindre mes commentaires à trois thèmes principaux liés aux résultats souhaités pour le projet de loi C-69.
Premièrement, il faut que l'industrie puisse demeurer compétitive. Relativement à la compétitivité dans son ensemble, le rythme, l'importance et la portée des modifications apportées à la réglementation en matière d'environnement au Canada aujourd'hui est perçu comme étant rapide et vaste comme probablement jamais auparavant.
Nous sommes conscients qu'il faut réagir aux préoccupations environnementales liées aux changements climatiques. Nous savons que le gouvernement a pour objectif de rétablir la confiance que le public avait à l'égard de ses règlements en matière d'évaluation d'impact. Nous sommes conscients qu'il est important que le Canada fasse sa part, au même titre que nous nous sommes engagés à faire notre part nous aussi pour promouvoir l'atteinte de ces objectifs et honorer les engagements du Canada. Cependant, nous croyons qu'il est absolument crucial pour l'avenir du Canada que le programme législatif du gouvernement fédéral procède avec le plus grand soin et après des examens minutieux afin que les politiques environnementales soient adoptées d'une façon qui nous permette de préserver notre compétitivité dans un marché qui est extrêmement fluide, mobile, diversifié et compétitif.
Nous croyons que les mécanismes de tarification à grande échelle du carbone pourraient être un outil utile pour atteindre les cibles désirées, pourvu que ces mécanismes soient compensés par d'autres allégements fiscaux et réglementaires. Ils doivent aussi prendre en considération la pression liée à la compétitivité des autres pays où ce genre de tarification n'est pas imposé. Le Canada doit continuer d'être un chef de file, mais pour cela, il ne doit perdre de vue ni l'environnement ni l'économie.
Les nouveaux règlements liés au projet de loi C-69 qui finiront par être adoptés devraient établir un équilibre optimal entre l'amélioration des résultats environnementaux et le maintien — et, idéalement, l'accroissement — de notre compétitivité. Nous devons faire croître notre économie en faisant preuve de la même diligence que celle avec laquelle nous protégeons notre environnement.
En tant que société productrice d'un produit de base d'intérêt mondial, nous devons compétitionner dans les marchés mondiaux. Nous nous efforçons d'être un chef de file en matière de durabilité. Cependant, les mesures stratégiques contraignantes et les politiques qui limitent l'accès au marché ne peuvent faire autrement que de créer de l'incertitude autour de nos projets et éloigner les investissements du Canada. Le plus récent rapport de Statistique Canada montre que les investissements directs au Canada ont chuté de façon dramatique en raison, principalement, du retrait des investissements dans les sables bitumineux.
En résumé, le coût global et la complexité de toutes les récentes politiques réglementaires fédérales et provinciales ainsi que l'incertitude entourant la réglementation nuisent à la compétitivité du Canada. Nous soutenons les politiques environnementales robustes qui s'inscrivent dans l'objectif ambitieux du Canada d'atteindre la cible de 2030 de l'Accord de Paris, mais nous croyons aussi que cette cible et un cadre réglementaire laissant de la place à la compétitivité ne sont pas mutuellement exclusifs.
Le deuxième point sur lequel je veux mettre l'accent concerne la transition de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012 au nouveau modèle qui entrera en vigueur sous le régime de la Loi sur l'évaluation d'impact. Il est inévitable que les modifications de nature législative entraînent de l'incertitude pour les promoteurs de projets, les investisseurs ainsi que pour les collectivités où sont censés avoir lieu les projets d'exploitation des ressources. Le projet de loi C-69 doit donc préciser les dispositions qui seront en vigueur pendant la période de transition afin d'atténuer au maximum cette incertitude.
Présentement, une grande incertitude règne quant à la version finale du libellé du projet de loi, à la date d'entrée en vigueur, aux règlements sur les ouvrages visés et à l'orientation qui sera fournie dans la nouvelle loi et les nouveaux règlements.
Actuellement, Suncor déploie énormément de ressources et d'efforts pour mener des activités d'engagement avec les peuples autochtones. Nous tenons des discussions avec les collectivités locales et nous élaborons et concevons des modèles pour produire des rapports d'évaluation d'impact utilisant les données de base que nous avons recueillies. Il est donc impératif que nous puissions continuer de mener ces activités sous le régime de la loi de 2012 en vigueur, à moins que le promoteur d'un projet ne décide de faire la transition vers le régime de la Loi sur l'évaluation d'impact.
En offrant ce genre de flexibilité, le gouvernement envoie un message positif à l'industrie et à la communauté financière. Cela leur montre que le gouvernement a conscience des valeurs et de l'importance de respecter les engagements pris avant la nouvelle loi par les promoteurs de projets et est prêt à veiller à ce qu'il y ait un certain niveau de certitude dans la mise en oeuvre des projets.
Comme cela est aussi mentionné dans notre mémoire, nous demandons officiellement au Comité d'envisager de modifier les dispositions transitoires dans la Loi sur l'évaluation d'impact de façon à ce que les projets faisant l'objet d'une évaluation sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012 puissent continuer ainsi, à moins que le promoteur ne souhaite faire la transition et subir une évaluation sous le régime de la Loi sur l'évaluation d'impact. Une modification en ce sens clarifierait le processus et atténuerait les effets négatifs découlant de l'incertitude entourant les projets qui font présentement l'objet d'une évaluation en vertu de la loi de 2012.
Le prochain sujet que je veux aborder, brièvement, concerne l'objet et l'esprit initiaux de l'évaluation d'impact. Nous croyons que l'objectif initial des évaluations environnementales — ce que nous appellerons dorénavant les évaluations d'impact — n'a jamais été de freiner la croissance. Le mécanisme a été mis en oeuvre pour veiller à ce que les promoteurs travaillent avec les collectivités autochtones et tous ceux qui sont touchés par les projets afin d'atténuer tout effet résiduel sur l'environnement. Nous vous invitons fortement à expliciter cela dans la Loi sur l'évaluation d'impact afin d'éviter que des intervenants puissent retarder de façon importante des projets en cherchant à contester les initiatives stratégiques globales du gouvernement au pouvoir, par exemple, en ce qui a trait à l'exploitation de nos ressources naturelles.
Les évaluations doivent continuer de porter sur les projets individuellement. J'irais même jusqu'à dire que les évaluations devraient porter précisément sur les parties des projets qui ne peuvent pas être atténuées par d'autres activités.
La position de Suncor est que s'il existe des processus d'évaluation environnementale robustes, un processus harmonisé au chapitre des sphères de compétence de chaque entité administrative permettrait de réduire le risque de chevauchement et, ainsi, de permettre au gouvernemental fédéral d'orienter ses efforts sur l'atténuation des risques résiduels qui relèvent de sa compétence. Je pense, par exemple, aux pêches et aux eaux navigables. À cet égard, nous soutenons le fait que la Loi sur l'évaluation d'impact maintient l'engagement du gouvernement à coordonner les efforts entre les entités administratives pertinentes afin qu'il n'y ait qu'une seule évaluation par projet.
À propos des actifs de Suncor, la majeure partie des ressources déployées pour les projets se trouvent dans des provinces qui ont prouvé dans le passé qu'elles étaient capables de mener des évaluations efficaces des projets; leurs processus sont conçus pour évaluer de façon exhaustive les impacts environnementaux et socioéconomiques potentiels. Les ressources naturelles relèvent de la compétence fédérale, et certaines provinces, par exemple l'Alberta, ont énormément d'expérience pour ce qui est de jauger les avantages économiques globaux d'un projet et d'évaluer les mesures d'atténuation proposées pour compenser les impacts environnementaux, sociaux et culturels potentiels.
Pour illustrer ce que je dis, il y a des projets au large de Terre-Neuve-et-Labrador qui, en vertu du projet de loi C-69, devront subir un examen par un groupe d'experts sur les projets extracôtiers. C'est un changement majeur, qui risque de rendre les délais pour les examens deux fois plus longs que présentement.
D'après les projets extracôtiers menés dans le passé, nous connaissons leurs effets et les risques potentiels. Nous les comprenons bien, et la pratique de mener une évaluation environnementale pour ce genre de projet est entrée dans les normes.
Pour cette raison, Suncor recommande d'éliminer l'exigence selon laquelle les projets extracôtiers doivent subir une évaluation par un comité d'experts, étant donné qu'il y a déjà en place un processus d'évaluation rigoureux assorti de codes robustes régissant les pratiques.
Je suis impatiente de répondre à vos questions.
Merci.
Merci beaucoup. Il semble que beaucoup de députés veulent poser des questions.
Avant tout, j'aimerais saluer de nouvelles personnes autour de la table. Il y a Colin Carrie, Sean Fraser et James Maloney, le président du Comité permanent des ressources naturelles. Je vous remercie grandement d'être avec nous aujourd'hui.
Nous allons commencer par Mike Bossio.
Madame la présidente, je vais surtout adresser mes questions à M. Elgie et à Me Olszynski.
Monsieur Elgie, je vais commencer par poser mes questions, et je vous demanderais d'y répondre ensuite.
Êtes-vous en faveur de la nouvelle étape préparatoire? Devrait-il y avoir une consultation publique concrète à cette étape? Des programmes d'aide financière devraient-ils être accessibles à cette étape?
Selon votre expérience, pourquoi est-il important de faire participer concrètement le public? Êtes-vous satisfait des dispositions relatives à la participation du public prévues dans la Loi sur l'évaluation d'impact? Dans le cas contraire, quelles modifications vous recommanderiez nous?
Je vais essayer de répondre à vos questions aussi rapidement que vous les avez posées.
Je ne suis pas foncièrement un expert en ce qui concerne la participation du public dans le cadre des évaluations environnementales. Je ne peux donc pas vraiment me prononcer là-dessus. Je peux toutefois dire une chose: l'étape préparatoire est vitale. Vous pouvez régler un tas de problèmes au bout du compte si vous veillez à ce que les évaluations environnementales soient claires et aient une portée et une orientation précises. Comme on le dit, vaut mieux prévenir que guérir.
L'étape préparatoire est elle aussi très importante. Bien sûr, les résultats se verront sur le terrain, mais si l'Agence fait bien son travail, il devrait être possible d'évaluer le projet et de cerner toutes les préoccupations clés des experts et des collectivités touchées. Au bout du compte, cette approche devrait renforcer l'adhésion sociale et l'efficacité du projet. Il est impossible d'exiger un bon rendement en vertu de la loi, mais je crois que l'objectif est louable.
En ce qui concerne la participation du public, d'après ce que j'ai vu, la plupart des affaires qui sont portées devant les tribunaux le sont parce qu'un groupe ou une collectivité dans l'ensemble sentent qu'ils n'ont pas pu exprimer leurs préoccupations légitimes à propos d'un projet. La plupart du temps, lorsque les gens ont le sentiment d'avoir pu exprimer leurs préoccupations, qu'on les a prises en considération avec impartialité et sérieux, ils sont disposés à accepter le résultat, même s'ils n'obtiennent pas le résultat qu'ils souhaitent.
Je crois que c'est quelque chose de vital si on veut obtenir des résultats satisfaisants.
Il y a justement des études sur ce sujet, selon lesquelles, de fait, la participation du public donne l'occasion à certains groupes de... Essentiellement, c'est un moyen de créer une bulle, si vous me passez l'expression, où les questions litigieuses peuvent être réglées. Lorsque cette participation se fait en toute neutralité, elle assure au bout du compte une plus grande acceptabilité au projet, et des choses comme cela. Il est certain qu'il existe des études sur ce sujet.
J'aimerais tout simplement répéter ce que M. Elgie a dit. Plus vous pouvez en faire dès le début, mieux c'est. Ce qui nous préoccupe ici, c'est l'efficience, je le comprends, mais en déployant un peu plus d'efforts dès le départ on obtient au bout du compte un processus plus simple et plus efficace.
Merci à vous deux.
J'aimerais maintenant parler des facteurs proposés relativement à l'article 63. J'ai participé au processus du Tribunal de l'environnement de l'Ontario. Monsieur Elgie, encore une fois, mes questions s'adressent à vous et à Me Olszynski.
Premièrement, devrions-nous intégrer à la loi le droit d'interjeter appel des décisions du cabinet ministériel, touchant un projet donné, devant un organisme spécialisé ou indépendant créé en vertu de cette loi ou bien devant la Cour fédérale lorsqu'il s'agit de questions de droit ou de questions mixtes de droit et de fait?
Auriez-vous d'autres recommandations à formuler afin d'améliorer les facteurs proposés pour l'article 63 qui devraient être pris en considération dans la prise de décision de la loi? Que doit-on ajouter aux fins de la responsabilisation?
Encore une fois, monsieur Elgie, je sais que vous avez de l'expérience dans ce domaine. J'aimerais que vous répondiez en premier; Me Olszynski pourra ensuite poursuivre, s'il le veut bien.
Le premier objectif, évidemment, c'est que les audiences se déroulent de la bonne façon, en rendant inutile tout appel ou toute poursuite. Nous devrions nous efforcer d'en faire le principal objectif. Mais il est inévitable que certaines questions se retrouvent devant les tribunaux. Selon mon expérience, puisque dans certaines administrations ces questions se retrouvent devant les tribunaux ou devant un tribunal d'examen spécialisé, je crois que le résultat est meilleur lorsque la question est soumise à un tribunal d'examen spécialisé.
L'Australie en est un excellent exemple. Ce pays a mis sur pied il y a des dizaines d'années un tribunal spécialisé d'examen des terres et des ressources. Au fil des ans, les résultats ont été beaucoup plus satisfaisants pour les deux parties que s'il n'y avait eu qu'un seul juge peu familiarisé avec le domaine.
Oui, l'expérience menée en Ontario devrait en inspirer d'autres. L'Alberta a créé un tribunal d'examen, comme l'ont fait de nombreuses provinces. Puisque certaines questions vont de toute façon être portées en appel, il est probablement mieux qu'elles soient tranchées par un tribunal spécialisé que laissées au bon vouloir d'une cour.
Je suis d'accord.
De fait, à l'heure actuelle, il est évident que la Cour d'appel fédérale a essentiellement... La jurisprudence l'a vraiment maintenu très fermement ces dernières années — et cela nous ramène à ce que j'ai dit pendant ma déclaration préliminaire —, c'est-à-dire que les tribunaux ont dit essentiellement qu'ils ne s'appuieraient pas sur les données scientifiques. Ils ne s'intéressent pas vraiment à la façon dont les choses se passent, puisque cela dépasse leurs compétences. Ils ne comprennent pas vraiment bien. En fait, il n'est pas nécessaire d'examiner les effets sur l'environnement pour remettre en question une étude ou un rapport.
Je comprends que nous ne voulions pas, bien sûr, que ces questions soient contestées. Au bout du compte, nous comprenons que les tribunaux ont un rôle à jouer dans tout cela. Ils font respecter la règle de droit et assurent la conformité avec le régime législatif. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'un tribunal spécialisé serait bien plus sensible à ces enjeux et serait bien mieux en mesure d'imposer à toutes les parties le respect de l'esprit de la loi.
Quant à savoir si la loi le prévoit de manière explicite, cela ne serait vraiment pas une mauvaise idée d'indiquer clairement qu'un examen des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit est possible. Absolument.
Vous avez utilisé le mot « appel », et je sais que vous ne l'utilisez pas dans son sens réel. Je n'accorderais certainement pas un droit d'appel général, qui permettrait à une personne de demander une deuxième opinion à un tribunal, chaque fois que ça lui chante. Il faudrait évidemment que cette possibilité soit restreinte aux erreurs importantes et graves. J'imagine que vous pensez comme moi.
Madame la présidente, mes questions s'adresseront à Mme Flood.
Est-ce que votre chef de la direction est toujours Steve Williams?
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de compétitivité, et je ne crois pas que ce soit par hasard que ce point arrive au premier rang sur votre liste. Vous avez laissé entendre qu'il y avait des bouleversements dans le domaine des investissements au Canada, à l'heure actuelle, et qu'il se fait moins d'investissements au Canada. C'est un sujet dont les économistes et d'autres commentateurs de tout le Canada se sont fait l'écho. Nous observons un exode massif des investissements du Canada.
J'aimerais citer votre chef de la direction, M. Steve Williams. Il a dit ceci: « Si rien n'est fait pour améliorer la compétitivité, nous cesserons de réaliser de très gros projets d'immobilisations comme ceux que nous venons de terminer. »
Que voulait-il dire? Pourriez-vous expliquer au Comité pourquoi une entreprise dépenserait des milliards de dollars pour construire des installations de production si elle devait ensuite être empêchée de réaliser ces projets de la manière dont M. Williams le suggère?
Ça va au-delà de la simple évaluation environnementale. Dans ce domaine, il faut tenir compte de différents règlements et de différentes politiques. Je crois que c'est une combinaison de... Nous venons tout juste de terminer un projet, celui de la mine de Fort Hills, qui a exigé un investissement de 17 milliards de dollars. Dans notre secteur, il nous faut réaliser qu'il s'agit là d'actifs à long terme. Leur durée de vie est de 50 ans, et quand nous décidons de nous engager dans un projet, nous devons, avant de faire des investissements, formuler un certain nombre d'hypothèses.
Je crois qu'un certain nombre d'autres facteurs contribuent en fait à la situation, par exemple le manque d'accès aux marchés, évidemment, et le bas prix des marchandises. Il faut ajouter à cela, comme je l'ai dit dans ma déclaration, l'incertitude liée au fait que, chaque fois qu'on adopte de nouveaux règlements ou de nouvelles politiques, cette incertitude augmente, en particulier lorsque ces règlements ou politiques sont très vagues et manquent de détail.
J'aimerais tout simplement déclarer que nous appuyons bien sûr bon nombre des politiques et des mesures du gouvernement. Nous sommes tout à fait en faveur des travaux concernant les changements climatiques et la tarification du carbone. Notre chef de la direction a publiquement déclaré qu'il fallait tarifier le carbone. Nous le croyons fermement. Je crois que cela tient tout simplement à l'accumulation: les changements se produisent tous en même temps, à un rythme rapide, et ils sont de grande portée et à grande échelle. Nous devons prendre le temps de réfléchir à ce que cela veut dire pour les autres décisions en matière d'investissement.
Je suis content que vous ayez utilisé le mot « accumulation », parce que je vais de nouveau citer le chef de la direction, Steve Williams. Le 9 février 2018, il y a deux ou trois mois seulement, il a dit ceci: « Les impacts cumulés de la réglementation et de la fiscalité plus agressive qu'ailleurs dans le monde font qu'on hésite davantage avant d'investir au Canada. »
Vous venez de faire l'éloge, quoiqu'il soit modéré, de la politique du gouvernement actuel touchant la taxe sur le carbone. Que voulait donc dire M. Williams lorsqu'il a parlé de la fiscalité plus agressive du Canada qui faisait de notre pays un lieu moins propice aux affaires?
Je ne crois que ses commentaires touchaient spécifiquement la fiscalité. Ce n'est qu'un aspect du coût total, dans l'environnement qui est le nôtre. Il faut savoir qui sont nos compétiteurs: nous sommes en concurrence avec les États-Unis, et je ne vois pas pourquoi il faudrait être surpris, étant donné ce qui se passe au sud de notre frontière. Les Américains étaient nos principaux clients, et ils sont aujourd'hui nos principaux compétiteurs. Quand nous avons à prendre une décision en matière d'investissement, nous devons envisager la situation dans son ensemble.
Je le comprends parfaitement, mais M. Williams a expressément parlé d'une fiscalité plus agressive. Quelles mesures fiscales devrions-nous supprimer, alors, pour que notre économie et notre environnement d'investissement soient plus attrayants?
J'ai été invitée ici pour parler d'évaluation environnementale, et j'aimerais que l'on s'en tienne là; je ne veux pas parler des détails du régime fiscal, parce que je ne peux pas répondre sur-le-champ.
Mais vous avez fait l'éloge du régime fiscal, et votre chef de la direction a bel et bien déploré le fait que la fiscalité plus agressive du Canada nuit à nos investissements...
J'ai en effet dit que nous étions d'accord avec l'imposition plus générale d'une taxe sur le carbone.
Oui.
Vous avez également parlé de la réglementation; permettez-moi donc de vous demander si vous croyez que le projet de loi C-69, dans sa version actuelle, améliorera la compétitivité du Canada?
Comme je le disais, je crois que certains aspects du projet de loi C-69 mériteraient d'être améliorés si l'on veut qu'il soit plus clair et offre une plus grande certitude. Toutefois, nous sommes d'accord avec bien des aspects de ce projet de loi, ceux qui concernent les collectivités autochtones.
J'ai une dernière question.
Comme vous le savez, le gouvernement libéral a annoncé qu'il dépenserait 300 000 $ pour « savoir pourquoi on investit si peu dans le secteur de l'énergie au Canada ». Je me demandais si vous ne pourriez pas expliquer au Comité pourquoi nous allons devoir dépenser 300 000 $ pour savoir pourquoi les investisseurs fuient le Canada ou si vous ne pourriez pas nous dire tout de suite, ici même, pour quelles raisons ils le font.
Il ne vous reste que quelques secondes. Pourriez-vous répondre en un mot ou préférez-vous nous répondre plus tard?
Je n'ai qu'une seule occasion d'intervenir, parce que je suis toute seule à représenter mon parti; j'ai donc beaucoup de questions à vous poser. Je tiens à vous remercier de vos exposés. Ils sont très précieux.
J'aimerais aussi vous remercier, maître Olszynski, de l'analyse initiale que vous avez présentée et aussi de votre exposé, qui se sont révélés très utiles.
Maître Olszynski, merci de vos commentaires touchant les articles 84 et 22. Il y a un aspect qui concerne la nécessité d'assurer l'efficacité des mesures d'atténuation à propos duquel j'aimerais que vous me donniez des conseils supplémentaires, de façon que nous puissions reformuler les articles 84 et 22, qui portent eux aussi sur ce sujet, d'après ce que j'ai remarqué. Il en est question dans les dispositions, mais ce n'est peut-être pas suffisamment clair, à votre avis. Il y a une chose dans l'article 84 qui me trouble profondément. Il est seulement question des « effets environnementaux négatifs importants », et pourtant, le projet de loi est censé porter sur la durabilité.
Vous êtes peut-être en mesure de nous donner quelques conseils sur la manière dont nous pourrions reformuler ces articles pour qu'ils reflètent vraiment ce que la loi est censée faire.
J'ai une question à laquelle vous pourriez peut-être répondre tous les trois, madame Ronson, maître Olszynski et monsieur Elgie, au sujet des évaluations stratégiques et régionales. Bien des gens ont dit que c'était pour eux une préoccupation. On dirait que c'est un simple ajout, mais on ne fournit aucun détail.
En ce qui concerne les évaluations stratégiques et régionales, pensez-vous que la décision d'en commander devrait être laissée à la discrétion de l'Agence ou au ministre? Pensez-vous qu'il faudrait le préciser dans un règlement ou dans une loi? Est-ce que la loi devrait être assortie d'un règlement précisant les critères s'appliquant aux évaluations régionales et stratégiques? Ces textes pourraient par exemple préciser que, si les renseignements peuvent être réunis, une région ou un secteur peut devoir supporter des effets cumulatifs.
Est-ce que la loi devrait également spécifier les délais? Autrement dit, est-ce que la loi devrait préciser que ces évaluations stratégiques et régionales doivent être faites avant qu'un projet précis soit approuvé? Je suis certaine que Mme Ronson aimerait répondre à cette question, étant donné le fiasco qui a entouré l'approbation du barrage du site C, dont les responsables n'ont absolument pas tenu compte des effets transfrontaliers ni des impacts cumulatifs continus sur Wood Buffalo, un site du patrimoine mondial, découlant de l'exploitation constante des sables bitumineux.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez et, si nous en avons le temps, j'aimerais beaucoup savoir ce que Mme Flood a à dire elle aussi à ce sujet.
Je crois que les gens sont assez unanimes, du moins parmi ceux de mes collègues à qui j'ai parlé: plus il y aura de critères législatifs touchant ces aspects-là, mieux ce sera. Encore une fois, comme M. Elgie, l'a dit, c'est tout simplement un moyen d'intégrer la certitude et la prévisibilité à ce régime.
Je connais plusieurs documents qui ont été présentés au comité d'experts puis au gouvernement lui-même où sont énumérés des critères qui pourraient être utiles, par exemple lorsqu'une région revêt une importance particulière du point de vue écologique. Ce pourrait être un secteur pour lequel une évaluation régionale devrait être réalisée en priorité. Ce pourrait aussi être un secteur qui subit déjà, selon l'information recueillie, une grande pression liée au développement ou qui la subira bientôt. Vous pourriez peut-être vouloir présenter à ce moment-là une demande. Bien sûr, les exemples qui viennent le plus facilement à l'esprit, comme le Cercle de feu dans le Nord de l'Ontario, ont déjà fait l'objet d'analyses.
En ce qui concerne les aspects stratégiques, nous avons aussi parlé... Dans la LCEE de 2012, nous parlions d'études régionales, et nous avons aussi eu une directive du Cabinet en matière d'évaluation environnementale stratégique; ni l'un ni l'autre de ces instruments n'ont encore été utilisés. En ce qui concerne les études régionales, il n'y a rien du tout, et en ce qui concerne les évaluations stratégiques, tous les rapports de la Commission du développement durable qui portent sur cette question montrent on ne peut plus clairement que le gouvernement n'est pas conforme. Le gouvernement en place n'est pas le seul, c'était aussi le cas des précédents gouvernements; c'est le cas de tous les gouvernements. Encore une fois, plus la loi aura du mordant, mieux ce sera, pour ces questions, du moins.
Je suis d'accord avec tout ce qu'il vient de dire, sur le plan stratégique. Je crois que c'est le volet le plus important de la loi. Nous avons réfléchi aux options, et je ne crois pas que vous devriez légiférer pour les obliger à en faire un certain nombre, car cela l'incitera à faire des évaluations sommaires tout simplement pour respecter ce chiffre. Il est difficile d'élaborer des critères, et la raison en est, comme vous le savez, madame Duncan, que dans bien des cas ces évaluations régionales aboutissent à rendre des ordonnances pour des régions qui relèvent généralement de la compétence des provinces. Si vous décidiez de faire une évaluation du caribou des bois ou de l'écosystème des prairies, le gouvernement fédéral ne pourrait pas s'interposer unilatéralement et vous recommander une manière de gérer les prairies d'herbes hautes.
L'une des réalités, dans tout cela, c'est qu'elles donneront de meilleurs résultats, si l'on fait exception des domaines de compétence fédérale comme les océans, lorsqu'elles sont menées avec la collaboration des provinces, et vous ne pouvez légiférer en cette matière. En réalité, vous devez encourager les intervenants à faire le plus grand nombre possible d'évaluations. C'est pour cette raison que les recommandations que je vous ai soumises sont les meilleures auxquelles j'ai pu penser. Selon une de ces recommandations, vous devriez dresser une liste des priorités cernées, en supposant qu'on a négocié jusqu'à un certain point avec les provinces. Une autre recommandation veut que le conseil consultatif présente lui aussi des recommandations sur les critères et sur les priorités. Au bout du compte, toutefois, cela dépendra en grande partie des provinces qui seront prêtes à entrer dans la danse et à collaborer avec le gouvernement fédéral dans cette affaire.
Il est difficile de déterminer ce qui déclencherait une évaluation régionale quand on pense à des effets transfrontaliers, et, au Canada, certains parcs nationaux empiètent sur des frontières. Vos pourriez proposer une approche écorégionale, une approche par écosystème, une approche par bassin hydrographique. Ce qui est flagrant, cependant, c'est que nous devrions chercher d'abord et avant tout à savoir si un projet aura des répercussions sur nos parcs, en particulier sur les parcs qui font partie du patrimoine mondial. Si un projet avait de tels effets, une évaluation régionale devrait s'imposer.
Avant de laisser Mme Flood répondre, j'aimerais poser une autre question. En fait, j'ai un million de questions à vous poser, et je ne pourrai pas le faire.
La liste des projets désignés et l'élimination de ce que l'on appelait les dispositions législatives désignées soulèvent bien des préoccupations. Pensez-vous que la solution consiste tout simplement à trouver encore d'autres façons d'ajouter des projets à la liste des projets désignés? Pensez-vous au contraire que nous devrions revenir aux autres critères, qui comprennent les dispositions législatives désignées? Existe-t-il une loi qui s'applique aux terres fédérales ou qui a une incidence sur les terres et les eaux adjacentes et sur les dépenses du gouvernement fédéral?
C'est une excellente question. Les dispositions législatives désignées exigeaient que vous fassiez des milliers d'examens préalables chaque année. Ces projets d'évaluations préalables, autres que ceux qui concernent les terres fédérales, ont pour la plus grande partie été éliminés. À mon avis, si l'élimination de tous ces examens préliminaires fait en sorte que vous ferez plutôt un certain nombre d'évaluations régionales de bonne qualité, je crois que les résultats seront plus positifs sur le plan environnemental comme sur le plan économique.
Il s'agissait dans la plupart des cas d'un exercice consistant à cocher des cases, sans vraiment tenir compte du contexte du projet. En examinant l'ensemble d'un bassin hydrographique, si vous vous occupez des seuils généraux plutôt que de chaque petit pont ou de chaque petite jetée qui le parsèment, et que vous faites bien cet exercice, vous produirez un meilleur résultat sur le plan environnemental et sur le plan économique. C'est pour cette raison que j'affirme qu'il est très important de s'assurer que ces évaluations régionales sont réalisées et que tout l'argent qui n'est pas dépensé pour faire tous ces examens préalables devrait être consacré aux évaluations régionales.
En fait, Suncor soutient cette notion d'évaluations régionales stratégiques. Nous en faisons, dans notre coin, en Alberta. Je crois que l'astuce, c'est de les faire en cherchant à en tirer les résultats que Stewart vient d'exposer. Quand je travaillais à Pêches et Océans, nous faisions plus de 10 000 de ces petits examens préalables chaque année. Je crois que les évaluations régionales sont une bonne chose, dans la mesure où elles étayent et soutiennent les autres processus décisionnels en empêchant que tout soit refait de nouveau dans le cadre d'un processus d'évaluation environnementale. Le mode de collaboration sera un aspect très important, de même que le calendrier.
Merci, madame la présidente. Merci aussi aux témoins. C'est un véritable privilège que d'avoir l'occasion de discuter avec vous.
Maître Olszynski, qu'avez-vous à dire à propos de la contribution de M. Elgie aux questions touchant la Constitution et les sphères de compétence? C'est vraiment une question importante. Récemment, on semble voir revenir à la surface 30 années de politiques fédérales en matière d'environnement, et je crois que nous devrions vider la question pour savoir si ce projet de loi confirme la compétence fédérale en cette matière et quelle est la meilleure manière de rendre cela possible.
J'aurais deux grandes choses à dire. Premièrement, M. Elgie a raison. C'est la Cour suprême qui a eu le dernier mot à ce chapitre, en 2010; c'était dans l'affaire MiningWatch. Il s'agissait d'une mine pour laquelle on avait demandé un permis au titre de la Loi sur les pêches, ce qui avait déclenché une évaluation; la question était de savoir si MPO pouvait ne s'acquitter de ses responsabilités en matière d'évaluation environnementale que pour les aspects qui auraient une incidence sur les compétences fédérales.
La Cour suprême a tranché en déclarant qu'en fait, la loi ne lui donnait aucunement cette possibilité. Nous avions ainsi l'exemple d'une mine qui a dû faire l'objet d'une évaluation environnementale ciblant les impacts sur les pêches et qui a pourtant permis au gouvernement fédéral d'agir en conformité avec la Constitution en évaluant tout ce dossier et en fondant ses décisions sur cette évaluation. C'était le dernier mot de la Cour suprême à ce sujet, et c'était en 2010.
Nous avons en fait un exemple parfait, que M. Elgie a décrit comme étant un exercice laborieux. Je recommanderais à tous les membres du Comité de prendre connaissance du rapport des experts sur la mine New Prosperity. Le rapport a été préparé par la Commission d'examen fédérale sur une mine qui s'appelait New Prosperity. Vous comprendrez que cette commission a très minutieusement gaspillé beaucoup d'encre et de temps à s'efforcer de déterminer les effets à l'échelle fédérale ou provinciale, les effets accessoires ou les effets indirects à l'échelle fédérale. Au bout du compte, et malgré le fait que, encore une fois, cette étude aurait été déclenchée en raison de l'autorisation prévue à l'article 35 de la Loi sur les pêches, la Commission a fini par conclure que les effets sur les grizzlis, qui selon la plupart des gens relèvent de la compétence provinciale, représentaient en fait un enjeu fédéral dont il fallait tenir compte, étant donné que c'était la destruction d'un lac qui allait avoir des répercussions sur leur habitat.
Encore une fois, je ne peux que vous recommander de prendre connaissance de ce rapport. C'est une entreprise d'une incroyable valeur intellectuelle. Au bout du compte, comme M. Elgie l'a souligné, presque tous ces projets ont à voir avec la compétence fédérale ou provinciale. Il faut y ajouter leur interconnectivité et les enjeux fondamentaux de la science et de l'écologie: toutes ces choses sont liées entre elles, et on ne peut pas éliminer une espèce d'un environnement sans déclencher un effet domino touchant d'autres aspects. Cela devient un exercice très difficile.
Je suis tout à fait d'accord pour dire que cela revient essentiellement à... Encore une fois, je ne vois ici rien qui cloche.
J'aimerais poursuivre sur le même sujet.
M. Elgie a parlé du fractionnement des projets, qui a entraîné de nombreuses contestations dans le passé. La solution qu'il recommande, c'est d'adopter l'approche des mesures interreliées, qui réservent une place à l'interdépendance. J'aimerais que vous me disiez si vous estimez que c'est approprié.
Je comprends bien qu'au bout du compte, l'interrelation de toutes ces composantes sera mise en relief dans les évaluations tant provinciales que fédérales, et que l'objectif ultime, c'est un projet, une évaluation. Ce qu'il faudrait, c'est une loi fédérale qui encourage le mieux une solide approche en matière d'études d'impact, qui favorise l'acceptation des bons projets par le public et qui permet de laisser tomber les mauvais projets.
J'aimerais avoir vos commentaires sur l'interdépendance, le fractionnement des projets et les mesures interreliées.
Il est tout à fait clair que tout le monde connaît le mot d'ordre, « un projet, une évaluation ». Nous pourrions profiter des leçons des États-Unis dans ce domaine. Cette notion du fédéralisme collaboratif est employée un peu à toutes les sauces, de nos jours.
Le fait est que si le gouvernement fédéral a un pouvoir, et la Cour suprême a clairement déclaré qu'il en avait un, alors il peut définir les normes d'une évaluation environnementale solide et rigoureuse. Il peut alors tout à fait inviter les provinces à collaborer, à viser l'harmonisation et à participer aux évaluations d'impact. C'est on ne peut plus vrai, et cela concerne les deux ordres de gouvernement.
En fait, si l'on remonte aussi loin qu'en 1992, date de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Friends of the Oldman River Society, les constitutionnalistes ne savaient peut-être pas vraiment bien ce qui se passait sur le plan de l'environnement, mais ils ont dit qu'il leur semblait clair qu'il fallait essentiellement que les organismes — fédéral et provinciaux — fassent ce travail ensemble, dans chaque province. Bien sûr, ils n'avaient pas vu que le gouvernement fédéral avait pour habitude de respecter les intérêts des provinces, mais c'est bien le cas.
C'est ce qui se dégage à mon avis de la Loi sur l'évaluation d'impact, essentiellement. Elle indique que nous allons définir des normes de base sur la bonne façon de réaliser une évaluation d'impact. Si les provinces sont prêtes à faire équipe avec nous, nous pourrons travailler de concert, en assurant l'efficience, en réduisant les chevauchements, et tout cela.
J'aimerais pour terminer demander à Mme Flood de me faire part de ses réflexions sur la possibilité qu'un tribunal d'examen spécialisé, ou un autre type de mécanisme de recours à utiliser dans des circonstances précises, soit mis sur pied de façon à échapper à la tendance historique, semble-t-il, selon laquelle les rapports des commissions sont contestés et restent pris pendant des années dans le système des tribunaux fédéraux, en se retrouvant souvent devant la Cour suprême.
C'est en fait une très bonne idée, puisque cela fait intervenir des gens qui connaissent la situation et qui peuvent examiner tous les faits. Les litiges prennent du temps et ne font que créer davantage d'incertitude. Un tribunal spécialisé dans ces domaines serait vraiment utile, dans le système. On aurait vraiment l'impression que toute l'information pertinente serait soumise à des gens renseignés qui comprennent le projet en question. Ils pourraient mettre leur expertise à profit, qu'il s'agisse de connaissances scientifiques ou du savoir traditionnel autochtone.
Je représente les milieux ruraux au Parlement. Je représente une circonscription de ressources naturelles, ce qui fait que je ne peux m'empêcher de penser aux gens des collectivités. Je suis en fait assez choqué de voir qu'on a si peu discuté des effets sur les gens et sur les collectivités.
Pour que cela figure au compte rendu, je vais vous lire un passage qui concerne le secteur des ressources naturelles:
Il compte pour 13 % du produit intérieur brut (PIB) et 50 % des exportations. Si on ajoute les industries dérivées, la contribution des ressources naturelles au PIB grimpe à près de 20 %. Environ 950 000 Canadiens travaillent aujourd'hui dans les secteurs des ressources naturelles, et 850 000 autres travailleurs, dans les provinces et les territoires, fournissent à ce secteur des biens et des services de soutien. Ensemble, ils occupent 1 emploi sur 10 au Canada. En outre, les secteurs de l'énergie, des mines et des forêts représentent pour les gouvernements provinciaux et fédéral des recettes de plus de 30 milliards de dollars par année.
J'ai entendu M. Elgie, Mme Ronson et Me Olszynski tenir des discours très savants, mais les effets de ces processus sur les gens et sur les collectivités, les effets de leurs échecs, sont tout à fait catastrophiques.
Madame Flood, Chris Bloomer, de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, a pris la parole de l'occasion d'une de nos récentes réunions, et il a été extrêmement direct. Il a parlé de « l'environnement toxique de la réglementation » du Canada. Ce sont ses mots, pas les miens, un environnement toxique. Notre environnement de réglementation est vénéneux.
Il a aussi souligné, je le cite encore une fois, que « si l'objectif est de suspendre la production pétrolière et gazière et d'arrêter la construction de pipelines, ce projet de loi » — le projet de loi C-69 — « pourrait bien avoir atteint son objectif ».
Pensez-vous que M. Bloomer exagérait? Ses commentaires étaient extrêmement directs.
Madame Flood.
Je répondrais qu'à mon avis il nous faut un processus très exhaustif. Je crois que les entreprises font beaucoup de choses, et je ne parlerai pas des pipelines. Je vais en fait parler au nom de Suncor.
Nous travaillons au sein de ces collectivités. Nous en faisons partie. Nous tirons une grande fierté du fait que nous travaillons avec les collectivités, et nous les comprenons, nous sommes des membres de ces collectivités. Il est essentiel pour nous d'avoir un véritable processus pour dialoguer avec les membres des collectivités.
Je ne veux pas commenter ce que M. Bloomer a dit. Il a droit à ses commentaires. Je dirais que nous avons besoin d'un solide processus d'évaluation environnementale qui donne bel et bien confiance. Je crois qu'il y a une énorme différence entre un projet d'oléoduc, un projet minier ou un projet touchant les sables bitumineux, et cela tient beaucoup plus aux régions dans lesquelles nous vivons tous.
Les projets linéaires, qu'il s'agisse de lignes de transmission, de routes ou de pipelines, sont très différents, parce qu'il s'agit de longs projets. Ils concernent de très nombreuses collectivités, et les collectivités ne sont pas toutes du même avis. Je crois qu'ils s'assortissent tous d'un ensemble de risques différent, je dirais, en ce qui a trait à la façon dont on collabore avec les collectivités, parce qu'il est très difficile d'arriver à ce que toutes les collectivités s'entendent sur un projet.
Mon collègue, M. Fast, a cité votre chef de la direction, Steve Williams. David McKay, le président de la Banque Royale, a pressé Ottawa, récemment, de prendre des mesures pour endiguer la sortie de capitaux, ajoutant que l'argent sortait du pays « en temps réel »; je crois donc que vous comprenez la gravité de ces processus et leurs effets sur notre économie.
J'aimerais citer encore une fois cet article: « Les investissements étrangers se sont effondrés. Les investissements directs étrangers au Canada, qui atteignaient 31,5 milliards de dollars en 2017, ont diminué de 56 % depuis 2013 » — lorsque nous étions au pouvoir, en passant — « année où ils totalisaient 71,5 milliards de dollars. » Les investissements directs étrangers ont baissé de 56 %.
Encore une fois, je ne crois pas que M. Bloomer s'exprimait à titre personnel. Il s'exprimait au nom de son association.
Quand je pense à ces processus et à leurs effets sur notre économie, je ne peux m'empêcher de penser également aux gens, aux emplois, aux familles, et ainsi de suite. Pourriez-vous commenter les aspects sociaux et les aspects relatifs aux investissements de ce que nous observons actuellement ici, au Canada?
Je dirais que c'est très important. Peu importe ce que nous faisons, au Canada, si notre économie n'est pas robuste, nous ne pouvons avoir un environnement robuste. Ces deux aspects vont de pair, en fait.
Je dirais que nous avons besoin de processus qui tiennent réellement compte de tous les aspects de la chose, les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Nous devons chercher le moyen de faire fonctionner tout cela de façon que cela soit profitable aux Canadiens, de façon que seuls les meilleurs projets puissent aller de l'avant.
Eh bien, personne n'a demandé que l'on abaisse les normes environnementales. Quant à mes antécédents, j'ai géré une concession environnementale pour le compte d'une papetière. J'ai passé tout un hiver dans les sables bitumineux pour faire des évaluations environnementales. J'ai aussi fait des évaluations de pipeline dans la vallée du Mackenzie. Vous avez pu constater que, au Canada, la qualité de l'environnement n'a cessé de s'améliorer au fil du temps, en même temps que notre économie croissait. À mon avis, dans des sociétés industrielles avancées, il nous faut une économie robuste si l'on veut avoir un environnement sain.
Merci.
Merci beaucoup.
Je tiens à remercier nos témoins et invités de leurs documents réfléchis et informatifs et de leur témoignage d'aujourd'hui. J'aimerais que les deux groupes de témoins d'aujourd'hui aient la possibilité de passer le plus de temps possible avec le Comité, et c'est pourquoi je vais mettre fin à cette première partie de la séance. Je vais accorder aux témoins de l'autre groupe quelques minutes pour qu'ils s'installent.
La séance est suspendue.
J'aimerais que tout le monde prenne sa place. Je veux être certaine que nous pourrons poser le plus grand nombre de questions possible, et je surveille l'heure.
Je souhaite la bienvenue à notre second groupe de témoins d'aujourd'hui.
Nous accueillons Kluane Adamek, chef régionale par intérim de la région du Yukon, Sara Mainville, conseillère juridique et Graeme Reed, analyste principal en matière de politiques, de l'Assemblée des Premières Nations.
Nous accueillons également Terry Teegee, chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, qui représente le BC First Nations Energy & Mining Council. Il participera à la séance par vidéoconférence.
Nous accueillons le chef Jim Boucher, Alvaro Pinto, directeur exécutif, Département du développement durable, et Michael Evans, directeur principal, Département du développement durable, de la Première Nation Fort McKay.
Nous sommes très heureux que vous ayez tous trouvé le temps de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Nous accueillons aussi le chef Ernie Crey, coprésident autochtone, qui représente Indigenous Advisory and Monitoring Committee for the Trans Mountain Pipelines and Marine Shipping. C'est un plaisir de vous recevoir de nouveau devant nous. Nous sommes heureux que vous soyez présent. Nous accueillons également Tim Dickson, conseiller juridique du Caucus autochtone. Merci d'être venu.
Nous allons commencer par vous, chef Adamek, et nous ferons ensuite le tour.
Vous avez 10 minutes. Je vous ferai signe quand il ne vous restera qu'une minute. Merci.
[Le témoin s'exprime en tlingit et en tutchone du Sud.]
Je m'appelle Kluane Adamek et je fais partie de la Première Nation de Kluane, du territoire du Yukon. Je suis la chef régionale par intérim du Yukon. Je me suis présentée en tlingit et en tutchone du Sud. J'appartiens au clan de l'épaulard, le Dakhl’aweidí, et mon nom traditionnel est Aagé.
Le territoire de la Première Nation de Kluane englobe le parc national Kluane, et vous êtes peut-être nombreux à y être déjà allés.
C'est avec plaisir que je me présente ici ce matin au nom de l'Assemblée des Premières Nations. Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à venir leur faire part du point de vue de l'Assemblée des Premières Nations sur le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l'évaluation d'impact et la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.
Pendant les 10 prochaines minutes, je vais parler de trois choses.
Je vais pour commencer parler de la participation des Premières Nations aux examens environnementaux et réglementaires, du mandat des chefs et de l'Assemblée, et du rôle de l'APN dans ce dossier. Ensuite, j'exprimerai diverses opinions sur notre situation actuelle et sur les raisons pour lesquelles nous estimons qu'il nous faut continuer d'insister pour arriver à la réconciliation, étant donné les engagements que vous avez pris à l'égard de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Pour finir, je parlerai des 10 principes et du cadre de reconnaissance des droits, et je proposerai des modifications essentielles visant à améliorer les réformes proposées par le gouvernement avec le projet de loi C-69.
Les Premières Nations, avec un optimisme prudent, ont participé en très grand nombre en 2016 aux examens législatifs qui ont été le point de départ du projet de loi que vous avez sous les yeux. Ce travail montre bien comment les Premières Nations envisagent la refonte complète des lois et règlements clés en matière d'environnement.
Des concepts comme les compétences, les droits inhérents et ceux qui sont protégés par la Constitution, les relations de nation à nation et la réconciliation reviennent constamment sur le tapis. Malheureusement, les lois actuelles ne prévoient toujours rien pour nombre de ces problèmes. Le fait que les ministres ou le Cabinet conservent le pouvoir décisionnel ou le fait que l'approbation des grands projets soit liée aux critères de l'intérêt public soulève toujours des inquiétudes chez les Premières Nations et au regard de la relation de nation à nation. Qui plus est, de l'avis de nombreuses Premières Nations du Yukon et d'autres nations dotées d'un gouvernement autonome, ces dispositions ne respectent pas les compétences et les ententes que nous nous sommes données, lesquelles restent oiseuses étant donné le défaut du Canada d'investir et de respecter en entier les engagements qu'il a pris à l'égard de la mise en oeuvre.
C'est pour ces raisons que le projet de loi C-69 ne résiste pas à une analyse fondée sur les 10 principes qui doivent régir les relations entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones. Nous recommandons au gouvernement de s'assurer que la loi signalera haut et fort à tous les Canadiens que nous entrons dans une nouvelle ère, dans laquelle le gouvernement en place tiendra les promesses qu'il a faites touchant les droits, les intérêts et les compétences des Premières Nations plutôt que de les oublier et d'y manquer. Cela appuierait la réconciliation que réclame la Commission de vérité et réconciliation, tout en permettant de respecter et de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Les chefs et l'Assemblée ont adopté de nombreuses résolutions touchant ce processus en réclamant que l'APN travaille de concert avec le Canada pour s'assurer que les lois respectent les traités, les droits, les titres, les compétences, les ententes des Premières Nations et qu'elles tiennent compte des responsabilités qui lient les Premières Nations à leurs territoires ancestraux. Cependant, les chefs ont également dit très clairement qu'aucune des phases de ce processus ne peut être considérée comme étant une consultation et qu'il faudra prévoir du temps de plus pour consulter directement les détenteurs de droit en témoignant tout le respect voulu aux protocoles, processus et éléments qui leur sont propres.
En termes clairs, l'APN joue un rôle dans les communications, la coordination et la facilitation pour toutes les Premières Nations du pays, mais elle ne détient aucun droit.
Avant de présenter en détail les amendements que je propose, j'aimerais brosser le tableau de notre situation actuelle en indiquant pourquoi nous avons ici une véritable occasion de concrétiser la réconciliation. Premièrement, comme vous le savez tous, le Canada a annoncé qu'il soutenait sans réserve la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Elle ne crée aucun nouveau droit, puisqu'il s'agit de droits inhérents et préexistants. La Déclaration des Nations unies se contente de confirmer que les droits de la personne s'appliquent aux peuples autochtones. Cela ne veut toutefois pas dire qu'au Canada le droit, et même la common law, respectent ces normes minimales; nous nous engageons à collaborer avec vous dans ce dossier.
Les législateurs ne doivent pas oublier qu'ils doivent aussi légiférer au sujet de l'article 35 et que nous avons reçu une gifle des représentants du gouvernement qui nous ont dit que cette loi incluait les normes de la common law, mais aucun passage ne met clairement nos droits en relief. À l'échelle du gouvernement, en comptant le projet de loi C-262, nous cherchons à concrétiser ces droits et à trouver un moyen plus efficace de travailler ensemble, pour ne pas devoir consacrer des millions de dollars en contestation et perdre des années devant les tribunaux.
Les avocats autochtones discutent de la façon dont on pourrait renforcer le projet de loi afin d'aider les contrôles judiciaires inévitables en raison de l'utilisation continue d'un critère de l'intérêt public et du choix réglementaire d'une liste de projets. Pour être claire, nous ne sommes pas satisfaits de ces choix politiques, mais nous comprenons que de véritables délais prévus par la loi nous forcent à faire en sorte que ce projet de loi devienne une loi applicable qui prévoit en réalité un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Ce projet de loi doit permettre aux Premières Nations de comprendre leurs droits et d'assumer leurs responsabilités. Il s'agit de travailler avec nous afin d'établir les lois, les politiques et les pratiques nécessaires en vue de respecter nos droits et notre statut en tant que peuples autonomes.
Inévitablement, la discussion bifurquera vers le défi d'établir la norme du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, le CPLE. Pour être très claire, le CPLE n'a pas été créé dans la déclaration des Nations unies. Il n'a pas été créé dans ce projet de loi ni dans le projet de loi C-262. Il existait déjà [Difficultés techniques] dans les traités au Canada. C'est un élément essentiel du droit de tous les peuples, y compris les peuples autochtones, à l'autodétermination, que le Canada reconnaît depuis des décennies, par exemple, le Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le consentement est l'essence des relations matures et a toujours été à la base de la négociation de traités entre les nations autonomes.
La déclaration des Nations unies établit la norme [Difficultés techniques] d'un partenariat en décrivant le droit de participer aux décisions qui peuvent toucher nos droits, notre propriété, notre culture et notre environnement, et notre [Difficultés techniques]...
Nous sommes en train de perdre le signal. Je ne sais pas si vous pouvez m'entendre, mais nous ne vous entendons plus.
Nous allons suspendre la séance quelques secondes pour voir si nous pouvons rétablir la communication.
Merci.
Qu'est-ce que cela signifie dans le contexte du projet de loi? Cela veut dire que nous avons besoin d'un meilleur processus, un processus qui est conçu avec les Premières Nations et auquel ces dernières participent dès le départ.
Nous avons déjà nombre d'exemples de compétences pratiques et coopératives utilisées de manière efficace et efficiente et de prise de décisions conjointe faisant partie de nos accords dans le contexte moderne des traités, par exemple, le Conseil de l'Arctique. Ce type de processus et des dialogues francs sont essentiels et possibles dans le cadre de ce projet de loi.
Le groupe d'experts sur la LCEE a recommandé un processus pour l'évaluation d'impact qui intégrerait les Premières Nations en tant que gouvernements et décideurs à toutes les étapes du processus, conformément à leurs propres lois, à leurs propres coutumes et au consentement requis avant l'approbation d'un projet.
Il importe de comprendre que nous examinons ce que la loi mentionne et prévoit en réalité, non pas ce que le gouvernement actuel décrit comme l'esprit de la loi, qu'il mettra en oeuvre au moyen de politiques.
Pour les Premières Nations, les lois doivent être rédigées en prévision de gouvernements futurs qui peuvent être hostiles à nos droits, à notre sphère de compétence et à notre autorité. Dans ce contexte, les dispositions législatives doivent contraindre et/ou obliger ces gouvernements à respecter ce qui a déjà été rédigé dans la loi. Par exemple, dans notre mémoire présenté au Comité, nous commençons à décrire certains de nos amendements proposés afin d'assurer que les pouvoirs discrétionnaires ministériels, qui sont nombreux, ne contreviennent pas aux droits inhérents des Premières Nations garantis par la Constitution, mais nous rapprochent plutôt de nouvelles ententes juridictionnelles respectueuses et coopératives qui sont conformes avec nos accords, nos traités et nos droits.
Enfin, j'aimerais me concentrer sur trois aspects des amendements qui visent à renforcer les réformes modestes présentées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi C-69. Vous trouverez plus de détails sur nos amendements proposés dans notre mémoire. Il s'agit, d'abord, de la protection des droits inhérents des Premières Nations garantis par la Constitution; ensuite, de l'intégration et de la protection totales des systèmes de connaissances autochtones; et, enfin, de la prise de décisions avec l'entière collaboration des autorités dirigeantes des Premières Nations.
La protection des droits confirmés à l'article 35, l'intégration [Difficultés techniques]...
Nous vous avons encore perdue. Il est évident que la ligne est très mauvaise. Nous faisons de notre mieux. Pouvez-vous m'entendre?
L'intégration des droits confirmés à l'article 35 et une référence directe à ceux-ci sont une étape importante. Toutefois, la dépendance excessive aux dispositions facultatives comme « pris en compte » ou « prendre en compte les effets préjudiciables » ne protège pas complètement les droits confirmés à l'article 35 sous le régime de la Constitution. Aucun de ces énoncés n'est conforme avec la jurisprudence actuelle ni ne répond aux exigences des obligations constitutionnelles indiquées dans les arrêts Sparrow ou Haïda. La loi ne comporte aucune exigence ou obligation de se conformer au critère de l'atteinte minimale ou de justification défini dans l'arrêt Sparrow pour les droits prouvés ou au critère défini dans l'arrêt Haïda pour tenir compte des répercussions sur les droits revendiqués. Le ministre et le gouverneur en conseil doivent protéger réellement les droits confirmés à l'article 35 en prenant des décisions, des règlements ou des ordonnances en vertu des lois. Ces droits sont protégés par la Constitution et les régimes réglementaires afin de vraiment réconcilier nos sociétés avec la société canadienne d'une manière positive et durable...
La Cour suprême du Canada a déconseillé les régimes réglementaires sans instruction qui peuvent contrevenir aux droits confirmés à l'article 35 et a recommandé aux gouvernements de fournir des conseils juridiques afin de renforcer les protections et les droits autochtones.
Pour ce qui est des systèmes de connaissances autochtones, les Premières Nations appuient fermement l'intégration des savoirs traditionnels des peuples autochtones du Canada aux lois proposées. Toutefois, le libellé actuel des dispositions dans les trois lois est problématique. Pour régler ce problème, nous recommandons l'utilisation de l'expression « systèmes de connaissances autochtones » pour que l'on puisse saisir la nature des connaissances autochtones, préciser la distinction entre l'utilisation traditionnelle et les connaissances autochtones, améliorer les dispositions sur la protection de la propriété intellectuelle et de la confidentialité afin qu'elles soient harmonisées avec l'article 31 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour s'assurer que les connaissances autochtones qui sont divulguées ne seront utilisées que dans le cadre de ce processus réglementaire sans que nul ne puisse, sciemment, les communiquer ou permettre qu'elles soient communiquées sans consentement écrit, et améliorer les dispositions relatives à la confidentialité pour s'assurer que les connaissances des Premières Nations soient traitées de manière respectueuse et appropriée.
Enfin, pour ce qui est du processus décisionnel conjoint...
Merci, madame la présidente. Je n'ai besoin que d'environ 30 secondes, et étant donné qu'on a perdu le signal un certain nombre de fois, j'aimerais vraiment pouvoir finir ce que j'ai à dire.
Nous vous avons déjà donné plus de temps en raison de la situation, alors si vous pouviez être très brève. Nous voulons vraiment entendre ce que vous avez à dire, mais nous désirons également passer aux questions.
Vous avez 30 secondes.
Merci.
Au final, les objectifs de la réconciliation ne peuvent pas être réalisés si la décision finale d'approuver un projet peut être prise unilatéralement par une partie sans que la Première Nation touchée ait confirmé que ses préoccupations et ses points de vue ont été pris en compte. La compétence inhérente aux Premières Nations doit être reconnue...
[Difficultés techniques]
... y compris la capacité de prendre des décisions finales à toutes les étapes de l'évaluation d'impact conformément à leurs propres lois et à leurs propres coutumes.
La Loi sur l'évaluation d'impact et la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie doivent renforcer les dispositions destinées à mettre en commun les points de procédure pour la prise de décisions tout au long de la phase initiale de participation, de la phase d'évaluation, de la phase de décision et de la phase de surveillance et de suivi. Cela jettera les bases sur lesquelles s'appuiera le gouvernement du Canada lorsqu'il commencera à respecter et à tenir les engagements qu'il a pris dans les traités historiques et modernes. Cet important travail de réconciliation est essentiel pour que nous puissions aller de l'avant ensemble d'une manière positive.
Voilà ce que je dirai. Merci du temps supplémentaire. Je l'apprécie beaucoup et j'ai hâte de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup de votre patience.
Passons maintenant au chef Terry Teegee avec le même défi de la vidéoconférence.
[Le témoin s'exprime en dakelh]
Je m'appelle Terry Teegee. Je suis le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et le chef exécutif politique du Conseil des leaders des Premières Nations concernant l'évaluation environnementale.
Vu les contraintes de temps, je veux tout de suite aborder la Loi sur l'évaluation d'impact, le projet de loi C-69. Je veux d'abord et avant tout parler des commentaires qu'a faits Justin Trudeau lorsqu'il a été élu. Il a affirmé que la relation la plus importante qu'il entretient, c'est celle avec les peuples autochtones au Canada.
Nous avançons sur la voie de la réconciliation, la semaine dernière, nous sommes revenus d'une réunion au cours de laquelle non seulement la province de la Colombie-Britannique, mais également le gouvernement fédéral envisageaient de mettre en oeuvre de façon intégrale les droits des peuples autochtones et de faire en sorte qu'ils soient reconnus par les gouvernements fédéral et provinciaux. À ce stade-ci de la réconciliation, nos droits sont reconnus et on ne se retrouve pas continuellement devant la Cour suprême du Canada en vue de réaffirmer et de reconnaître ces droits.
Pour ce qui est du projet de loi C-69, il ne reconnaît pas les principes essentiels de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous avons de grandes préoccupations concernant le projet de loi, car il ne reconnaît pas la compétence et la prise de décisions autochtones.
Je désire souligner l'importance de la compétence des Premières Nations de même que de la capacité de prendre des décisions relativement à l'élaboration de nombre de projets importants. Nous observons cela à l'heure actuelle avec Kinder Morgan et la façon dont les Premières Nations qui ont pris des décisions ne sont pas reconnues relativement aux décisions finales de ces projets importants.
Même si la Loi sur l'évaluation d'impact et sa prédécesseure, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 reconnaissent les droits et les privilèges des peuples autochtones, la prise de décisions à toutes les étapes relève de la Couronne fédérale. Il s'agit d'un point important que je soulève concernant la reconnaissance du droit des peuples autochtones de prendre des décisions.
La question a été soulevée par le groupe d'experts sur l'évaluation environnementale. Le groupe a clairement indiqué que les peuples autochtones doivent être reconnus dans la façon dont les décisions finales sont prises pour des projets importants. Ce projet de loi ne répond pas aux attentes à cet égard.
Il faut noter que la prise de décisions doit être reconnue pour les peuples autochtones dans l'ensemble de la Loi sur l'évaluation d'impact, du préambule jusqu'aux définitions et aux dispositions, ainsi que dans l'objectif de la loi elle-même. C'est très important, particulièrement compte tenu de la période de réconciliation et des dispositions relatives à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
La deuxième question concerne l'impossibilité potentielle de mettre en oeuvre les dispositions relatives aux examens menés par des Autochtones. Même si la loi prévoit qu'il pourrait y avoir des dispositions indiquant que les peuples autochtones mènent leurs propres processus d'évaluation environnementale, leur gouvernance peut ne pas être reconnue pour ce qui est du projet concerné. En outre, ces occasions peuvent être perdues si les Premières Nations qui désirent voir leur propre processus d'examen enclenché ne reçoivent pas les ressources adéquates.
D'après mon expérience en tant que chef tribal du Conseil tribal Carrier Sekani, j'ai pu examiner non seulement un oléoduc, mais aussi quatre pipelines destinés au gaz naturel liquéfié et deux projets miniers. Dans nombre de ces cas, les peuples autochtones ont effectué des évaluations environnementales des projets. De plus, il a été très difficile d'obtenir les ressources adéquates. La plupart du temps, nous avons dû utiliser nos propres ressources pour examiner les projets.
La troisième question est qu'on a adopté une approche limitée en matière de connaissances autochtones, traditionnelles et écologiques, comme on les appelle parfois. En outre, le groupe d'experts qui l'a examinée relativement à ce qui devrait être intégré à la nouvelle Loi sur l'évaluation d'impact a affirmé que les connaissances autochtones devraient être reconnues et avoir la même importance que les connaissances occidentales. Il est très important que nos experts soient des Autochtones, comme des Aînés et des gens qui vivent de la terre. Il importe d'accorder à ces connaissances toute l'importance de ce que nous reconnaissons et d'utiliser la science occidentale. Elles donnent une vision du monde différente en ce qui concerne ces projets importants et permettent une meilleure compréhension de la façon dont les peuples autochtones utilisent le territoire.
La quatrième question est que les lacunes importantes que comporte la Loi d'évaluation d'impact se trouvent également dans la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie. Cette dernière loi présente de nombreuses lacunes pour ce qui est de reconnaître la compétence et la capacité des peuples autochtones de prendre des décisions en ce qui concerne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et plus important encore, leur capacité de prendre des décisions avec un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Il est crucial que, dans l'ensemble du processus sous le régime de la loi, il y ait des dispositions à l'égard des ressources financières pour les peuples autochtones, le financement destiné à la participation des Aînés. Il est impératif d'adopter une stratégie de communication afin que les peuples autochtones comprennent bien certaines des explications scientifiques des évaluations environnementales.
Il est indispensable de bien comprendre la partie du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de toute évaluation environnementale. Cela va dans les deux sens. Le gouvernement du Canada et la province de la Colombie-Britannique doivent comprendre la vision du monde des Autochtones avant de donner le feu vert à tout projet important. C'est ce que nous constatons avec le projet Kinder Morgan, lequel a été approuvé en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Le gouvernement libéral a examiné le projet, mais celui-ci ne répond pas aux normes de certaines Premières Nations. C'est la raison pour laquelle le projet de pipeline Trans Mountain pose problème.
Il y aura une période de questions et de réponses, alors je vais en rester là pour le moment. J'espère que je n'ai pas dépassé mon temps. Je veux remercier le Comité permanent, les peuples autochtones et les nombreuses parties intéressées qui sont venus témoigner devant vous afin de s'assurer que l'on ait une Loi sur l'évaluation d'impact complète qui représente tous les peuples.
Mahsi cho.
Merci beaucoup. J'apprécie le fait que vous avez respecté les exigences de temps. Je sais que ce n'est pas la bonne façon de procéder, mais il s'agit d'une contrainte du Comité, malheureusement. Notre temps est limité.
Le prochain intervenant est le chef Boucher.
Bon après-midi, madame la présidente et membres du Comité permanent de l'environnement. C'est un plaisir de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-69.
Je m'appelle Jim Boucher, je suis chef de la Première Nation Fort McKay. Je suis accompagné de M. Alvaro Pinto et de Mme Tarlan Razzaghi, notre conseillère juridique. Ils m'aideront à répondre aux questions que vous me poserez plus tard.
Il est de mon devoir, en tant que chef de la Première Nation Fort McKay, de protéger et de défendre les Cris et les Dénés de notre Première Nation et notre identité culturelle, nos valeurs, nos traditions et notre mode de vie. Mon travail est de m'assurer que nos droits protégés par la Constitution sont reconnus, respectés et maintenus par le Canada, d'autres gouvernements et les Canadiens en général.
Fort McKay est situé en plein milieu des sables bitumineux de la région d'Athabasca dans le Nord-Est de l'Alberta. Nos ancêtres ont vécu sur notre territoire traditionnel depuis toujours. Pour nous, il ne s'agit pas seulement d'un territoire ou d'une région qui regorge de ressources exploitables. C'est chez nous. Ce territoire est sacré pour nous parce qu'il nous fournit ce dont nous avons besoin pour vivre: de l'eau, des animaux pour la nourriture et les vêtements et des matériaux de construction.
L'image 1 à la page 12 de notre mémoire montre le territoire traditionnel de Fort McKay. Dans les années 1970, la production des sables bitumineux était de 250 000 barils par jour. Aujourd'hui, elle est de 2,5 millions de barils par jour, soit 10 fois plus, et la plus grande partie de cette augmentation s'est produite au cours des deux dernières décennies. Les images 2 et 3 aux pages 13 et 14 indiquent que cette croissance occupe jusqu'à 75 % de notre territoire traditionnel en raison de baux d'exploitation minière que le gouvernement de l'Alberta a accordés sans avoir tenu une consultation adéquate, comme le montre l'image 4 à la page 15.
Notre Département de développement durable traite une foule de demandes liées aux sables bitumineux chaque année. Nous embauchons les meilleurs experts scientifiques disponibles, qui collaborent avec nos experts des connaissances traditionnelles, afin d'assurer ce que nous considérons être le développement durable.
Selon la Commission Brundtland des Nations unies, le développement durable répond « aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs ». Le développement durable signifie, bien sûr, une occasion économique, mais plus important encore, la transmission de nos terres traditionnelles et de l'utilisation traditionnelle de ces terres aux futures générations, comme on nous les a transmises.
Le projet de loi C-69 confirme l'engagement du gouvernement fédéral en ce qui concerne les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement qui reconnaissent notre identité, nos droits et nos traditions uniques: le fondement de la réconciliation. Il est facile pour les gouvernements de parler de réconciliation, mais il est plus difficile de passer de la parole aux actes. Je n'ai pas encore vu un véritable exemple de réconciliation de la part de ce gouvernement. Nous sommes perplexes de voir le Canada, avec son pouvoir et son autorité, abandonner à des ordres inférieurs de gouvernement son obligation fiduciaire envers les Premières Nations, qui consiste à évaluer et à atténuer les répercussions de l'exploitation qui nuisent aux terres de réserve et aux territoires traditionnels, aux peuples autochtones et à leurs droits issus de traités.
Ne vous y méprenez pas: Fort McKay ne s'oppose pas à l'exploitation des sables bitumineux. Nous sommes, en fait, parmi les Premières Nations les plus proactives pour ce qui est de ce type d'exploitation. Le travail dans le secteur des sables bitumineux nous a donné les possibilités, l'autonomie économique, la stabilité et la prospérité qui sont inaccessibles à nombre de peuples autochtones partout au pays, mais, comme je l'ai dit plus tôt, Fort McKay est également entouré d'exploitations de sables bitumineux qui ont augmenté de 1 000 % depuis les années 1970.
La collaboration avec l'industrie pour faire avancer les objectifs partagés demande un respect mutuel et la reconnaissance que l'article 35 confère à toutes les Premières Nations le droit de poursuivre leur mode de vie. Cela exige également que nous relevions l'éventail complet des répercussions sur les Premières Nations et prenions des mesures pour atténuer nos préoccupations et y répondre.
Nos préoccupations concernant le projet de loi C-69 touchent le processus de prise de décisions fondées sur un consensus recommandé par le groupe d'experts. Le projet de loi C-69 ne reflète pas cette recommandation. Il n'exige pas que les promoteurs, les gouvernements et les Premières Nations travaillent ensemble afin de s'assurer que les évaluations d'impact soient concrètes ou adéquates pour les peuples autochtones ou leurs terres, même s'il définit les « effets relevant d'un domaine de compétence fédérale » comme tout changement de l'environnement qui aurait des répercussions sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel, l'utilisation des terres à des fins traditionnelles, les caractéristiques d'importance sur le plan historique, archéologique, paléontologique ou architectural et les conditions sanitaires, sociales ou économiques des Cris et des Dénés. Le projet de loi C-69 cite les effets transfrontaliers, mais ne reconnaît pas que les effets directs ou indirects sur les terres de réserve des activités menées sur des terres provinciales sont, en effet, transfrontaliers.
Les sites d'exploitation de sables bitumineux qui entourent notre réserve posent pour notre peuple des risques énormes qui ne sont pas suffisamment réglementés . Par exemple, des bassins de résidus existants contiennent 1,3 billion de litres d'eau contaminée, ce qui suffit à remplir une piscine olympique à huit couloirs de 11 000 kilomètres allant d'Ottawa jusqu'à Beijing avec 11 000 piscines restantes.
Une rupture d'un bassin de résidus de n'importe quelle mine dévasterait nos maisons et nos réserves. Une fois les approbations données, il n'y a plus de présence fédérale. En fait, au milieu des années 1990, le Canada a effectivement approuvé par défaut tous les bassins de résidus futurs en prévision de nouvelles technologies de traitement qui n'ont pas été encore mises au point. Le Canada ne prend pas assez de mesures relativement aux bassins de résidus. Il doit examiner les répercussions associées au cycle de vie de ces bassins.
Voici un autre exemple. Environnement Canada a installé la station mobile de surveillance de la qualité de l'air la plus moderne au monde à Fort McKay. Les scientifiques ont choisi Fort McKay pour son exposition unique à une activité industrielle intense. Environnement Canada effectue des recherches d'envergure nationale et internationale sur les caractéristiques de la qualité de l'air et rend ses données publiques. Toutefois, les mesures pour protéger les terres de réserve des répercussions des bassins d'air relèvent de l'Alberta, laquelle s'appuie sur des objectifs relatifs à la qualité de l'air désuets et embarrassants qui ne protègent pas la santé humaine. Après des années de déception, l'organisme provincial de réglementation a enfin reconnu les dépassements fréquents des normes provinciales en 2016, mais les mesures provinciales sont encore rares.
Mentionnons également les réserves de Moose Lake de Fort McKay au nord-ouest de notre collectivité, qui ont été créées en 1915 pour préserver notre mode de vie traditionnel. Elles ont été agrandies en 2004 lorsque le Canada a réglé notre revendication de droits fonciers issus de traités. Pour tenir la promesse faite dans le Traité 8, le Canada doit protéger toutes les terres de réserve désignées pour l'utilisation exclusive des Cris et des Dénés. Il y a cinq ans, l'Alberta a approuvé un projet de 260 000 barils par jour à la frontière de ces réserves, et la première phase d'un projet de 40 000 barils par jour fait partie du processus réglementaire provincial. D'autres projets sont au stade de la planification. Fort McKay a demandé l'intervention du gouvernement fédéral, mais ce dernier n'a rien fait pour nous aider à protéger les réserves de Moose Lake.
L'Alberta exempte les projets pilotes de 12 000 barils par jour ou moins des évaluations d'impact. Par conséquent, nombre d'entreprises annoncent des projets qui commencent par un projet pilote de 10 000 barils par jour, assorti d'augmentations de 10 000 barils par jour, alors elles réussissent à éviter toute évaluation d'impact. Le gouvernement fédéral doit reconnaître cela et agir selon son obligation fiduciaire pour protéger les Premières Nations et l'occupation, l'utilisation active et la jouissance des terres de réserve de Fort McKay, y compris notre territoire traditionnel.
La loi doit permettre à notre Première Nation de s'asseoir à la table avec les gouvernements fédéral et provinciaux et tous les promoteurs de projets afin de protéger les terres de réserve et notre peuple dès le départ.
Je pense que mon temps est presque écoulé; par conséquent, je vous informe que nous avons formulé certaines recommandations. Je vous cède la parole et je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Les membres du Comité n'ont pas en ce moment les recommandations devant eux parce que le document était seulement en anglais, et nous ne l'avons pas fait traduire. Cela va compliquer un peu les choses.
Nous allons l'envoyer plus tard par courriel. Je ne sais pas quoi faire d'autre.
La parole est maintenant au chef Ernie Crey.
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis le chef Ernie Crey. Je suis le chef de la Première Nation Cheam de la vallée du Fraser de la Colombie-Britannique, mais je témoigne devant vous aujourd'hui en tant que coprésident autochtone de l'Indigenous Advisory and Monitoring Committee for the Trans Mountain Pipelines and Marine Shipping. Je suis accompagné par Tim Dickson, de la JFK Law Corporation, conseiller juridique pour les membres autochtones du comité.
Nous avons fourni un mémoire écrit; nous espérons que vous le lirez et l'examinerez attentivement. Aujourd'hui, nous allons présenter des exposés généraux et nous répondrons ensuite avec plaisir à vos questions.
Pour ce qui est brièvement de nos recommandations, nous en formulons deux au sujet du projet de loi C-69. M. Dickson en parlera de manière plus approfondie dans un moment, mais je vais les mentionner rapidement.
Notre première recommandation concerne les dispositions relatives à la Loi sur l'évaluation d'impact et à la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie qui permettent la délégation de pouvoir aux corps dirigeants autochtones. Nous sommes d'avis que la définition des corps à qui peut être délégué un pouvoir est trop restrictive et fera, dans nombre de cas, échec à l'objectif de faire progresser la réconciliation et la participation autochtone à la réglementation des projets importants.
Notre deuxième recommandation vise à s'assurer qu'on prévoit assez de temps pour créer de manière efficace des comités autochtones.
Comme je l'ai dit, M. Dickson abordera plus en détail ces points dans un moment.
D'abord, je veux fournir un aperçu du comité, de la façon dont il a été créé et ce qu'il fait actuellement.
Le comité a été mis sur pied en réponse à une lettre que le chef Aaron Sam et moi-même avons écrite en juin 2016, laquelle était soutenue par les représentants de plus de 60 collectivités autochtones. Nous demandions l'établissement d'un comité de surveillance autochtone en vue de surveiller et de réglementer les pipelines et la navigation maritime.
Le gouvernement fédéral a retenu cette proposition et, lorsqu'il a approuvé le projet TMX, il s'est engagé à collaborer à la mise sur pied d'un comité de surveillance avec les collectivités autochtones touchées et il a approuvé un financement important à cet égard. Nombre d'entre vous se souviennent peut-être du montant. Il s'agissait de près de 65 millions de dollars sur cinq ans.
On a négocié et ratifié le mandat dans les six mois qui ont suivi l'annonce. Le comité a officiellement été établi en juillet 2017. Selon mon expérience avec ces types d'organismes, et j'en ai beaucoup, c'est extrêmement rapide, mais je vais y revenir pour en parler plus en détail dans un moment.
Le comité est composé de jusqu'à 13 membres autochtones et 6 membres du gouvernement fédéral et de l'Office national de l'énergie. Le membre de RNCan est le coprésident gouvernemental. Les membres autochtones, qui forment ce que nous appelons le Caucus autochtone, cherchent à représenter les intérêts des 117 nations et collectivités autochtones touchées. Ils ne représentent pas officiellement et directement ces nations, toutefois; il y a tout simplement trop de nations touchées pour permettre que cela se produise. Les membres autochtones sont plutôt choisis par les nations dans des régions particulières pour siéger au comité et représenter les intérêts et les perspectives de manière générale.
À ce sujet, le mandat indique clairement que le comité ne remplace ni ne réduit l'obligation du gouvernement de consulter les nations autochtones, et la participation à ce comité se fait dans le respect de la position d'une nation sur les pipelines.
Le comité a pour principaux rôles de surveiller les pipelines et la navigation maritime afin de s'assurer du respect des règles et les conditions, de donner des conseils au gouvernement quant à l'élaboration et à l'application de ces règles et de ces conditions et de fournir du financement aux collectivités pour des projets liés aux pipelines et à la navigation maritime, par exemple, relativement à la préparation et à l'intervention en cas de déversement.
Le comité désire jouer un rôle plus direct dans la réglementation des pipelines et de la navigation maritime dans l'avenir.
Les nations autochtones veulent que le comité soit un forum réservé à la prise de décisions partagée concernant les pipelines, dans le cadre duquel le gouvernement et les nations autochtones peuvent réglementer ensemble les pipelines et la navigation maritime en vue de s'assurer d'une meilleure protection de l'environnement et des titres et des droits ancestraux. Dans notre mandat, à la section 14 proposée, le gouvernement s'engage à trouver des façons de favoriser la participation autochtone à la réglementation. En effet, cette directive visant une participation future est une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui.
Enfin, le comité fonctionne par consensus, mais le Caucus autochtone peut officiellement donner des conseils au gouvernement de sa propre initiative lorsque les membres gouvernementaux ne sont pas en mesure de les approuver.
Le comité a connu beaucoup de succès. Entre autres, nous avons constaté qu'il était possible de fonctionner par consensus même lorsqu'il y a des points de vue très différents sur le pipeline. Notre comité est formé de membres du gouvernement et des Premières Nations; les membres autochtones sont issus de nations qui soutiennent le projet TMX et de nations qui s'y opposent... en fait, de nations qui mènent la charge pour que la Cour d'appel fédérale annule l'approbation. Ces personnes siègent au comité.
J'aimerais mentionner quelques points sur la raison pour laquelle, à mon avis, ce type d'établissement de consensus constructif est possible au comité et pourquoi ce dernier a reçu beaucoup d'appui des nations autochtones touchées.
D'abord, le rôle du comité n'est pas de déterminer si les pipelines devraient...
Chef Crey, je suis vraiment désolée de vous interrompre, mais le Comité tient beaucoup à passer aux questions. C'est pourquoi nous avons seulement donné dix minutes à tout le monde seulement pour tenter de préparer le terrain.
Nous avons dépassé les dix minutes. Avez-vous encore beaucoup de choses à dire?
Cela signifie que nous allons devoir réduire le temps accordé aux questions. Est-ce que cela vous convient?
D'abord, le rôle du comité n'est pas de déterminer si les pipelines doivent se trouver où ils se trouvent. Il s'agit plutôt de rendre ces pipelines, tout comme la navigation maritime, le plus sécuritaires possible s'ils doivent être là. C'est un objectif sur lequel tout le monde peut se mettre d'accord. C'est le type de sujet où le gouvernement et les nations autochtones ont une véritable occasion de travailler ensemble. Lorsqu'il s'agit d'un projet très controversé qui sème la division comme le projet TMX, il y a des questions sur lesquelles nous pouvons trouver un terrain d'entente.
Ensuite, on s'entend pour dire que le comité est une étape importante pour faire avancer la réconciliation et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones relativement aux pipelines de Trans Mountain. Les nations autochtones demandent depuis longtemps de participer davantage à la réglementation des activités menées sur ses terres. Nous savons que nous devons agir lorsque se présentent ces occasions. Le gouvernement fédéral, selon moi, voit également ce comité dans le cadre de la réconciliation et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et il a également agi par l'intermédiaire d'un financement et d'un soutien politique très considérables.
Enfin, il importe que les membres du comité ne prétendent pas représenter les droits autochtones et les droits issus de traités des nations touchées. Je le répète, la liste de consultations du gouvernement fédéral compte 117 nations, bandes et collectivités. Je ne veux pas dire qu'il est impossible de créer une entité qui représenterait toutes les nations touchées aux fins de leurs droits reconnus par l'article 35, mais je crois que c'est très improbable, et même si c'était possible, cela demanderait beaucoup de temps. Si l'objectif était de créer un corps dirigeant pour représenter les droits reconnus par l'article 35, je doute fortement qu'il serait créé.
Cela conclut ma partie de l'exposé.
Merci.
Merci beaucoup.
Je tiens à signaler aux membres que, même si nous n'avions pas devant nous les notes des représentants de Fort McKay, car elles n'ont pas été traduites, les recommandations faisaient partie de ce qui nous a été donné préalablement, alors nous les avons, ce qui est une bonne chose. Nous avons aussi seulement eu le mémoire de l'Assemblée des Premières Nations. Vous devriez l'avoir devant vous actuellement.
Nous allons passer à la série de questions et nous commencerons par M. Aldag.
J'aimerais commencer par reconnaître que nous sommes rassemblés sur le territoire traditionnel du peuple algonquin. Je viens du territoire du peuple salish du littoral, précisément des Premières Nations Kwantlen, Katzie et Semiahmoo, qui se trouvent un peu plus loin dans la vallée du territoire traditionnel du chef Crey.
Bienvenue à tous. C'est un groupe de discussion très instructif, et je crois que vous avez fait un excellent travail pour décrire la nécessité pour nous d'essayer de bien intégrer au projet de loi la façon de travailler avec les collectivités autochtones partout au Canada au chapitre de l'évaluation des projets et la complexité de la situation.
J'étais très heureux d'entendre chacun de vous parler de trois aspects que j'aimerais explorer: la réconciliation, le consentement et la compétence. Dans les six minutes dont nous disposons, nous n'allons pas entrer dans les détails, alors si quelqu'un a d'autres commentaires à la suite de la brève discussion que nous allons tenir, et si vous avez d'autres réflexions au-delà de ce que vous avez dit, n'hésitez surtout pas à les transmettre au Comité.
Le premier aspect dont j'aimerais parler, c'est la façon dont la Loi sur l'évaluation d'impact précisément, ou le projet de loi C-69, pourrait intégrer le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dont on a discuté, d'une manière qui pourrait fonctionner en pratique, compte tenu du grand nombre de collectivités touchées par un projet.
Chef Boucher, je vous ai entendu à la conférence GLOBE. Vous avez parlé du travail de votre collectivité au chapitre des sables bitumineux, du transport de ce produit par pipeline et de ce que nous constatons avec Trans Mountain, ce qui, comme le chef Crey l'a dit, touche nombre de nations. J'aimerais recueillir de courtes observations sur la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la façon de l'obtenir lorsqu'un grand nombre de collectivités sont concernées.
Monsieur Dickson, voudriez-vous commencer, et nous passerons ensuite au chef Boucher.
Notre principale recommandation vise les dispositions de la Loi sur l'évaluation d'impact et de la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie qui permettent la délégation du pouvoir de prise de décisions. Notre intérêt est de nous assurer que cela est réaliste et réalisable. Actuellement, le projet de loi définit les organismes qui peuvent recevoir un pouvoir délégué en tant que corps dirigeants autochtones. Cela serait très approprié dans certaines circonstances, mais lorsqu'il y a beaucoup de nations touchées par un projet important, et particulièrement un projet linéaire comme un pipeline, ce ne sera pas réalisable. Il y a tout simplement trop de nations pour que l'on puisse se créer un organisme qui représentera officiellement les droits reconnus par l'article 35 des Premières Nations.
Nous proposons que la loi offre plus de souplesse parce qu'il peut arriver que l'appui des nations autochtones soit suffisamment important pour que l'on crée un organisme similaire à notre comité. Il ne remplace pas l'obligation de mener une consultation et ne représente pas officiellement les droits reconnus par l'article 35, mais les nations autochtones préféreraient que cet organisme exerce un certain pouvoir au lieu que cela ne relève que de l'organisme de réglementation et que le gouvernement prenne seul ces décisions.
Notre position est que le projet de loi délimite la délégation de pouvoir. Il ne faut pas trop la restreindre. Laissons la réglementation, et plus important encore le ministre, déterminer au cas par cas lorsqu'une délégation est appropriée et pour quel type d'organisme. Nous vous recommandons d'élargir la définition de « corps dirigeant autochtone ». Nous avons proposé « organisation autochtone ». Ce n'est pas obligé d'être cette expression; nous l'avons proposée parce qu'elle figure déjà dans le projet de loi. Il faut que la définition soit plus large que « corps dirigeant autochtone », et il faut laisser le ministre, suivant une consultation avec les nations, décider si la délégation est appropriée et pour qui.
Encore une fois, nous appuyons sans réserve la reconnaissance du pouvoir inhérent des nations. C'est ce qui est idéal, mais il sera parfois très difficile, voire impossible, de combiner cela au pouvoir délégué. À tout le moins, nous désirons que les Premières Nations participent sérieusement à la prise de décisions.
J'aimerais donner la possibilité à l'un ou l'autre de nos témoins qui comparaissent par vidéoconférence de formuler un commentaire.
Vous avez parlé de l'idée du consentement. Y a-t-il d'autres réflexions que vous aimeriez faire avant que nous ne manquions de temps pour cette série de questions?
Merci.
Pour ce qui est de la façon dont le gouvernement fédéral devrait s'y prendre pour obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il n'existe pas de panacée. Les gouvernements et les peuples autochtones doivent discuter pour établir la façon dont le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sera obtenu et respecté. Certes, j'encourage le Comité à se pencher sur la relation de nation à nation afin que ces dernières puissent déterminer comment le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sera utilisé dans le cadre de projets et comment il sera obtenu et respecté.
Je vais laisser la parole au chef régional Teegee.
Selon notre expérience avec des projets comme le pipeline Pacific Trails, qui a nécessité l'accord d'environ 15 Premières Nations, il faut beaucoup de temps pour assurer la communication et l'attribution des ressources afin que les Premières Nations puissent s'y pencher. En définitive, le projet a été appuyé. En somme, 15 communautés des Premières Nations se sont rassemblées, et elles ont compris que les avantages étaient assez considérables. De plus, les ressources nécessaires pour examiner le projet étaient assez importantes. Même si le projet est toujours en attente et qu'il n'a pas avancé, il a été approuvé par 15 Premières Nations.
Toutefois, cela ne veut pas dire que ces projets linéaires, qui nécessitent au moins 50 ou 60 communautés des Premières Nations... Le problème, c'est qu'il est... Il y a trop de communautés des Premières Nations. Elles devraient avoir le droit de créer des groupes, comme l'a mentionné le conseiller juridique, mais certains groupes indépendants pourraient également avoir besoin de plus de ressources. Des petits groupes ou des Premières Nations indépendantes exigent des ressources pour examiner les projets de sorte à réellement faire valoir leur droit de prendre des décisions.
Dans l'ensemble, et je crois que c'est un thème commun ici, nous tentons de mettre en place pour nos peuples autochtones le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de même que la capacité de prendre des décisions. Je crois que c'est ce que tous les intervenants ont dit aujourd'hui.
Je remercie tous nos invités d'être présents aujourd'hui. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage devant le Comité. Les commentaires du chef Crey étaient particulièrement rafraîchissants. J'ai suivi une partie de votre engagement dans les médias, qui mettait en lumière les objectifs en matière de prospérité dont vous faites la promotion au sein de votre Première Nation.
De nombreux Canadiens présument que les Premières Nations s'opposent au développement. C'est faux, n'est-ce pas?
J'ai trouvé très encourageant que vous intégriez la prospérité des Premières Nations au vaste processus d'examen des projets qui ont des répercussions environnementales importantes.
Dans un article daté du 13 avril, vous avez mentionné que l'annulation du pipeline Trans Mountain coûterait aux Premières Nations de la Colombie-Britannique des centaines de millions de dollars en avantages, en formation professionnelle, en emploi et en possibilités commerciales. Pouvez-vous expliquer brièvement au Comité les avantages que peuvent procurer des projets énergétiques à des communautés comme la vôtre?
Madame la présidente, je vais retirer mon chapeau de vice-président du comité consultatif autochtone, car je pense que vous me demandez mon opinion en tant que chef.
Oui. Selon moi, si le projet d'expansion du pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan n'a pas lieu, les Premières Nations qui longent la route du pipeline seront privées de centaines de millions de dollars.
Je dis cela, car si on prend ma propre communauté comme exemple, nous avons négocié d'arrache-pied. En réalité, ce sont les jeunes membres de mon conseil — ils font un peu plus de la moitié de mon âge — qui ont négocié cette entente. Nous n'avons pas vu Ian Anderson venir dans notre réserve en voiture, baisser sa fenêtre et dire: « Chef, voici le chèque, vous approuvez donc notre pipeline, n'est-ce pas? », puis repartir.
Rien n'est plus faux. Mon jeune conseil a négocié pendant au moins un an et demi, nuit et jour dans certains cas, avec une équipe assez rude de l'autre côté, celle de Kinder Morgan, mais nous avons réussi à conclure une entente assortie d'avantages mutuels. Je veux insister sur les avantages mutuels: ce sont des avantages à la fois pour le promoteur et pour notre communauté.
Nous étions très occupés après la signature de l'entente. Nous avons négocié et conclu des ententes avec les entreprises à proximité appartenant à des intérêts canadiens et britanno-colombiens. Nous avons établi un partenariat avec elles pour obtenir des contrats, pour rivaliser avec les principaux entrepreneurs de Kinder Morgan, et nous avons réussi.
J'aimerais dire au Comité que les emplois créés ne sont pas des emplois temporaires pour un an ou deux qui disparaîtront lorsque le projet de pipeline sera terminé. C'est une très mauvaise représentation des choses. Nous avons négocié pour de la formation et des emplois durables, qui, j'ajouterais, subsisteront pendant toute la durée de vie de ce que, je l'espère, sera le nouveau pipeline qui partira de l'Alberta pour se rendre jusqu'aux côtes de la Colombie-Britannique.
Notre communauté est déjà enthousiasmée. Chaque jour, des jeunes viennent me voir et me dire qu'ils veulent suivre une formation et trouver un emploi et qu'ils ne veulent plus avoir recours à l'aide sociale. Ils me disent: « Continuez, chef, car ce que vous faites signifie beaucoup pour nous. »
Cela représente des millions de dollars pour ma bande seulement, une communauté d'environ 540 personnes. Je sais que cela représente aussi beaucoup pour de nombreuses autres Premières Nations qui n'ont pas pris la parole, mais qui ont aussi conclu des ententes peut-être semblables aux nôtres.
Vous avez dit que les environnementalistes se servaient des Autochtones. Pouvez-vous nous expliquer ce commentaire?
Oui, ce n'est pas très loin de ce que j'ai dit. C'est presque cela. J'ai dit qu'ils utilisaient les Autochtones pour servir leurs intérêts particuliers. Par cela, j'entends que, dans de nombreux cas, ils font passer en douce leurs priorités, pour ainsi dire, comme s'il s'agissait d'initiatives dans l'intérêt des Autochtones, mais ce n'est pas toujours ainsi.
J'en ai informé les dirigeants des Premières Nations et les communautés en Colombie-Britannique. J'ai fait remarquer ce qui se passait et j'ai donné des exemples. Dans le Nord du Canada, le piégeage commercial a essentiellement été anéanti par ces personnes, pas toutes, mais certaines d'entre elles. Sur la côte Est du Canada, la chasse commerciale au phoque a été réduite à néant par ces personnes, ce qui a profondément touché les communautés autochtones et non autochtones. Je pourrais donner d'autres exemples.
Ce que je veux dire, c'est que même si nous avons parfois les mêmes opinions que ces groupes, il se peut que nos priorités diffèrent. C'est ce que j'essaie de dire.
Je vais poser une dernière question. Vous avez dit que le projet de loi C-69 devrait être amendé pour refléter le fait que la délégation des pouvoirs ne devrait pas reposer uniquement sur les corps dirigeants autochtones, de sorte que les points de vue des Premières Nations, des réserves et des chefs transparaissent durant les consultations à propos de ces projets. Encore une fois, il est rafraîchissant de voir qu'on accorde de l'importance à la façon d'encourager la prospérité dans le cadre du processus d'approbation afin que nos Premières Nations puissent prendre part à notre prospérité nationale.
Cela nous ramène à ce qu'a mentionné plus tôt notre conseiller juridique Tim: nous voulons voir cela aboutir. Nous voulons que le Comité fasse preuve de sensibilité à l'égard de certaines des choses qu'a dites M. Dickson, que nous n'élaborions pas de projet de loi visant à exclure les Premières Nations. Je réitère ce que le chef Terry Teegee a dit plus tôt. Il faut faire en sorte que nous puissions former de plus grands groupes de Premières Nations qui pourront, pour ainsi dire, travailler ensemble, comme s'ils formaient un seul groupe.
Ce n'est pas toujours possible. Ce ne sera pas possible si le projet de loi est adopté tel qu'on l'envisage actuellement. Nous voulons laisser la porte entrouverte afin de pouvoir former des entités qui représentent un grand nombre de Premières Nations concernées par ces projets linéaires, comme le projet d'expansion du pipeline Trans Mountain.
Encore une fois, il reste très peu de temps.
Merci à vous tous de votre important témoignage et aussi de vos mémoires, car ils nous donneront une meilleure idée de la façon d'amender le projet de loi pour le renforcer.
Il y a deux sujets que j'aimerais aborder, car j'aimerais connaître votre avis.
Chef Adamek, dois-je présumer que vous venez de la Première Nation de Kluane en raison de votre prénom?
J'ai eu l'honneur de travailler avec la nation Kluane au moment où vous avez négocié votre accord définitif de Première Nation, lorsque je vivais au Yukon.
Merci à vous, chef Adamek, d'avoir parlé de vos préoccupations quant au caractère adéquat du respect de l'article 35 et des responsabilités liées à la DNUDPA, alors que les gouvernements et les organismes doivent seulement tenir compte des droits reconnus par l'article 35. Ces enjeux ont aussi été soulevés par la Première Nation Fort McKay, laquelle a recommandé que toutes les consultations et les mesures d'adaptation concernant ces droits et intérêts soient faites à l'étape de la planification et réglées avant que vous assistiez à l'audience.
J'aimerais savoir, si nous avons le temps, si le chef Boucher, le chef Teegee et la chef Adamek soutiennent ce que d'autres intervenants ont recommandé, comme l'a fait le groupe d'experts, soit que la DNUDPA soit mentionnée spécifiquement dans l'objet et dans les dispositions de fond du projet de loi.
J'aimerais renvoyer la question aux dirigeants pour qu'ils répondent en premier, et s'il reste du temps, je répondrai en dernier. Merci.
Oui, je crois que la résolution que nous cherchons à obtenir doit favoriser le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause relativement à un projet, et faire en sorte que les Premières Nations soient sollicitées dès le début, ce qui comprend le renforcement des capacités dans les communautés. Nous devons réellement mettre l'accent sur les évaluations des répercussions environnementales à cet égard. Par exemple, le Canada veut renoncer à sa compétence en ce qui concerne les projets in situ et la remplacer par un processus d'évaluation provincial.
Nous croyons qu'il faut définir clairement ce qui devrait être évalué. Nous devons énoncer clairement quels projets se retrouvent sur la liste relative aux répercussions. Il devrait aussi y avoir une évaluation officielle des répercussions à laquelle prendront part les Premières Nations, et nous devrions avoir la capacité de régler les problèmes et de dissiper les préoccupations soulevées dans le cadre d'un processus d'évaluation des répercussions.
Si l'on comprend mieux en quoi consiste le projet, nous aurons une marge suffisante relativement à ce que pourrait être le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Croyez-vous que la référence à l'article 35 est suffisante, ou est-ce que le projet de loi devrait aussi faire référence expressément aux droits accordés en vertu de la DNUDPA?
Je crois que le projet de loi devrait être très spécifique et faire référence aux points que j'ai soulevés.
Oui, ici Terry.
Partout dans la loi, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones doit être abordée autant dans le préambule que dans l'ensemble du texte. À l'heure actuelle, nous avons eu plusieurs rencontres avec la ministre Bennett, la ministre Philpott, de même que l'ancienne chef régionale de la Colombie-Britannique, Jody Wilson-Raybould, en ce qui a trait à la reconnaissance de nos droits. Selon les documents que nous proposons au gouvernement fédéral, il est entendu que, en vertu de cette reconnaissance, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause doivent tenir compte de nos droits et nos titres.
L'article 35 doit aussi y figurer. Cela a déjà été réaffirmé dans de nombreuses affaires judiciaires, qu'il s'agisse de Tsilhqot'in ou de Delgamuukw. La plupart du temps, les affaires judiciaires qui ont été gagnées par les nombreuses Premières Nations, bien plus de 170, ne font que réaffirmer nos droits, et cela devrait être reconnu, cela l'a été par le plus haut tribunal.
Merci.
En outre, il faut aussi aller au-delà de l'article 35. Bien sûr, l'article 35 doit être inclus. Nous examinons le droit international. Nous examinons la DNUDPA. Nous ne pouvons pas uniquement tenir compte des répercussions négatives sur les droits reconnus par l'article 35. Il est extrêmement important que ce projet de loi tienne aussi compte du fait que nous examinons un cadre de reconnaissance des droits. Assurément, pour continuer de faire progresser la reconnaissance des droits au pays, cela doit se retrouver dans les dispositions.
J'ai fait allusion aux paragraphes 9(2) et 16(1), à l'alinéa 84a) et à la Loi sur la Régie canadienne de l'énergie. C'est une partie des considérations énoncées dans notre mémoire, et nous vous recommandons de les examiner attentivement pour que l'on puisse s'assurer que tout est conforme. Comme je l'ai mentionné plus tôt, compte tenu de ces effets nuisibles, l'incidence sur les droits reconnus par l'article 35 doit être au coeur du projet de loi.
Chef Boucher, merci de votre mémoire et de votre exposé.
Manifestement, vous vous trouvez dans une région où vous êtes particulièrement touchés par les évaluations régionales. Nous avons entendu d'autres témoins réclamer une sorte d'obligation pour que les évaluations régionales commencent avant l'examen des projets particuliers. Recommanderiez-vous qu'il y ait dans le projet de loi une disposition qui prévoirait des critères précis quant au moment où il doit y avoir une évaluation régionale pour définir le contexte des projets particuliers?
Je crois que les évaluations régionales sont très importantes et qu'elles devraient être incluses dans le projet de loi. Je pense qu'il incombe au Canada de s'assurer qu'elles ne visent pas seulement les terres de réserve, mais qu'elles tiennent aussi compte de ce que contient le Traité no 8, par exemple. Notre droit de chasse, de piégeage et de pêche, par exemple, est garanti et intégré dans notre Constitution, et tout ce qui pourrait avoir un effet sur ces droits ou sur notre capacité à exercer ces droits devrait être évalué.
Présentement, dans la rivière Athabaska, il y a des poissons que nous ne sommes pas autorisés à manger. C'est à cause de l'activité industrielle. Je crois que la Loi sur l'évaluation d'impact devrait contenir des dispositions qui définissent la façon dont nos droits issus de traités sont touchés, même s'il ne s'agit pas directement du territoire domanial. Ces répercussions ne relèvent pas de la compétence fédérale, mais plutôt de la compétence provinciale et, par conséquent, elles devraient être évaluées en fonction de la Loi sur l'évaluation d'impact.
Madame la présidente, je crois que je vais partager mon temps avec M. Bossio, je vais donc aller droit au but.
Merci.
Mes questions s'adressent au chef Crey et peut-être à M. Dickson.
Avant tout, merci de soutenir le projet Trans Mountain. Le gouvernement l'appuie pleinement lui aussi, et nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires à cet égard.
Je comparais devant le Comité à titre de visiteur. En fait, je fais partie du comité des ressources naturelles, je vous remercie donc de vos commentaires dans ce contexte. Au sein de notre comité, nous avons entendu des opinions contradictoires à propos de la façon dont les projets sont reçus et de leurs répercussions sur différentes communautés. Cela s'aggrave quand des organisations s'adjoignent les voix des autres, si on veut. Je crois que vous y avez, tous les deux, fait allusion. Compte tenu de certains des commentaires que vous avez formulés à propos des amendements que vous croyez nécessaires, pouvez-vous nous dire de manière générale de quelle façon, selon vous, le projet de loi proposé influera sur la participation des Autochtones au processus?
Manifestement, on a fait quelques pas dans la bonne direction avec le projet de loi C-69, mais il y a beaucoup de place à l'amélioration, d'après ce que j'entends ici.
Il est important que le projet de loi aborde non seulement les droits reconnus par l'article 35, mais aussi la DNUDPA, et qu'il prévoie toutes sortes de moyens pour susciter la participation des peuples autochtones. Le chef régional Teegee a insisté sur le fait qu'il doit y avoir suffisamment de financement pour que ce soit possible. Ce doit être l'un des piliers fondamentaux pour favoriser la participation des Autochtones à ces processus.
Nous insistons sur les comités consultatifs, entre autres, et sur leurs semblables et la formation de groupes qui peuvent efficacement affecter des ressources à la réglementation de ces projets, qu'il s'agisse ou non de comités consultatifs qui donnent des conseils quant au processus d'approbation. Notre comité se charge surtout du processus de suivi une fois l'approbation accordée et concentre ses efforts à s'assurer que la réglementation est aussi rigoureuse que possible de sorte que le projet soit le plus sûr possible. Nous voulons de la souplesse pour former ces comités et laisser les Autochtones parler pour eux-mêmes en formant de grands groupes lorsque chaque nation le désire.
La loi doit offrir ce genre de souplesse de même que du financement.
Merci, madame la présidente.
Merci à vous tous d'être ici présents cet après-midi.
J'aimerais me pencher sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, son incidence en pratique et la façon dont il devrait être reflété dans la Loi sur l'évaluation d'impact.
D'un côté, on dit que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est un droit de veto, et de l'autre côté, qu'un ensemble de droits des personnes n'abroge pas les droits des autres. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Nous pouvons faire un tour de table. Nous allons commencer avec le moniteur vidéo. Si Kluane veut bien nous faire part de ses pensées, nous passerons ensuite à Terry, puis aux autres.
Merci beaucoup.
J'aimerais présenter Sara Mainville et Graeme Reed de l'Assemblée des Premières Nations. Je suis désolée, j'aurais dû les présenter plus tôt. J'aimerais qu'ils répondent au nom de l'Assemblée des Premières Nations.
Nous travaillons sur des processus avec le gouvernement fédéral afin de mieux l'éclairer sur la mise en place d'un processus qui correspond à une grande diversité de processus, parce que les nations autochtones, bien entendu, ont leurs propres lois et traditions juridiques. Dans la plupart des cas, nous établissons des tableaux de bord ou des conceptions schématiques nous permettant de schématiser la décision prise en vertu de la Loi sur l'évaluation d'impact et si une décision conjointe est possible entre un comité ou un groupe décisionnel conjoint et les groupes autochtones concernés.
De plus, nous ne voulons pas oublier le fait que, en raison des solides engagements au titre de la Déclaration des Nations unies, nous aimerions réellement que l'on reconnaisse sans équivoque l'autorité dirigeante inhérente. Je pense qu'il y a un immense aspect de la capacité dont nous devons parler avec le gouvernement fédéral, qui suppose non seulement la participation des ministres de l'Environnement et des Ressources naturelles, mais aussi celle de la ministre Bennett. Nous présentons des analyses dans nos mémoires, particulièrement en ce qui concerne la commission d'examen conjoint, qui comprennent une suggestion amicale selon laquelle le ministre devrait s'associer avec la ministre Bennett au sujet d'une disposition précise liée au renforcement dans le projet de loi afin que cela puisse se produire.
En ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, nous voulons que la capacité des Premières Nations soit renforcée, car c'est ainsi qu'il peut y avoir consentement dans le cadre du processus autochtone. Le gouvernement autochtone prend une décision. Ce sont certains des engagements que nous prenons, mais nous dépendons également des dirigeants des Premières Nations eux-mêmes pour bien articuler le travail.
Non, c'est terminé. Désolée, Mike.
Nous allons entendre une autre question puis nous allons... Je sais, il y a beaucoup de questions à poser.
Monsieur Carrie.
Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais remercier les témoins d'être ici. Je vais aller droit au but.
Normalement, je ne siège pas non plus à ce comité; je fais partie du comité du commerce international. Fait intéressant, ce matin, nous discutions d'investissement direct étranger au Canada, et les chiffres sont frappants. Pour 2017, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, cela représentait 33,8 milliards de dollars. Pour mettre cela en contexte, c'est la moitié de ce que c'était en 2015, et c'est une chute libre depuis 2007 alors que le montant était de 126,1 milliards de dollars. Une grande partie de cet investissement a réellement une incidence sur le développement dans votre région.
Nous avons reçu un témoin intéressant. Il s'appelait Ian McKay. C'est l'ancien chef de la direction du parti libéral, mais il travaille maintenant au sein d'un nouvel organisme pour accroître l'investissement direct étranger. Toutefois, il a dit que la perception était la réalité, et je lui ai dit que j'allais utiliser cette citation.
Chef Crey, j'aime ce que vous avez dit plus tôt, car je crois que nos peuples autochtones ne sont pas consultés de manière équitable lorsqu'il est question de développement. Je me rappelle le mouvement de recul qu'il y a eu quand le premier ministre a dit à Peterborough, juste au nord d'où j'étais à Oshawa, « Nous ne pouvons pas fermer les exploitations de sables bitumineux demain. Nous devons les éliminer progressivement. »
La réalité et la perception ont été exprimées assez clairement par Douglas Porter, l'économiste en chef du groupe financier BMO. Il a dit: « Les gens ne croient plus que le Canada est un endroit sûr où investir dans les ressources naturelles. À l'heure actuelle, l'environnement semble très hostile. » Il a aussi dit: « Je crois que nous allons nous faire écraser au cours de la prochaine récession. »
J'aimerais poser une question pratique, et peut-être que nous pourrions commencer par vous, chef Crey, et poursuivre avec le chef Boucher. J'ai aussi remarqué que M. Pinto avait hoché la tête un peu plus tôt.
Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi C-69 qui va aider vos communautés à attirer plus d'investissements étrangers ou plus d'investissements dans vos communautés, à dissiper l'incertitude et à accroître la compétitivité de vos communautés à l'égard de ce type d'investissement?
S'il me reste du temps, M. Sopuck voulait avoir une minute.
Voici ce que j'en pense. Actuellement, au Canada et en Colombie-Britannique, les peuples autochtones sont souvent perçus comme des personnes qui s'opposent catégoriquement au développement en tout temps. Comme nous le savons, l'investissement précède le développement. Nous savons que le Canada est un pays riche en ressources et que, pour maintenir son mode de vie sain actuel, il doit être reconnu comme un chef de file mondial en matière de développement de pointe, avec une population qui aime travailler, qui éduque bien ses enfants, qui est bien logée, et qui veut en même temps protéger et maintenir certaines valeurs relatives à l'environnement.
Nous sommes des collectivités distinctes, les peuples autochtones et la population générale au pays, mais nous savons tous que notre bien-être économique est lié à celui des autres Canadiens. Nous connaissons l'importance de l'investissement étranger pour le pays et toutes les retombées qu'il génère. Bien sûr, il se peut que nous ayons à l'occasion des différends quant aux types de développement, mais je suis profondément troublé par ce que vous venez tout juste de dire, s'il est vrai que l'investissement étranger est en baisse parce que les investisseurs étrangers croient qu'il y a trop d'incertitudes dans le climat actuel ou dans le climat qui régnera dans un avenir très rapproché. Cela me préoccupe grandement.
La façon dont cela toucherait les Canadiens de manière générale se reflète aussi dans le microcosme de ma très petite communauté. Si personne n'investit au Canada dans des projets d'envergure comme l'expansion du pipeline Trans Mountain et d'autres, et il y en a beaucoup d'autres, cela se traduit dans notre communauté par des taux de chômage élevés, des mauvaises conditions de logement et de l'eau qu'il faut assainir. Cela suppose l'absence de maintenance et d'amélioration des infrastructures au sein de nos communautés. Cela représente beaucoup pour nos enfants qui fréquentent vos écoles avec d'autres Canadiens. Lorsque nous les envoyons à l'école, nous voulons nous assurer qu'ils bénéficient des mêmes conditions de vie que tous les autres Canadiens.
C'est une question très pertinente.
D'abord, nous devons déterminer ce dont nous avons besoin, ce que nous considérons comme important pour le Canada pour stimuler l'investissement étranger. Nous devons ouvrir la voie pour favoriser ces investissements et, idéalement, en assurer la stabilité.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est l'une des mesures législatives les plus importantes pour en arriver à cette stabilité. Si les gens sont confiants, ils ne seront pas impuissants face à leurs préoccupations au sujet d'un projet. La capacité de dissiper ces préoccupations dans le cadre d'un processus réglementaire est cruciale.
Il y a d'autres questions qui nous préoccupent depuis de nombreuses années en ce qui a trait à nos droits, nos droits constitutionnels et nos droits issus de traités. Ces questions doivent être réglées et abordées par le gouvernement du Canada. C'est à lui de remédier à ces préoccupations. Le gouvernement est le signataire direct des traités, et il est directement responsable des enjeux constitutionnels. Les gouvernements provinciaux ont un mot à dire, un rôle à jouer. Ils ont l'obligation de consulter les Premières Nations chaque fois qu'ils entreprennent des projets, donc, en définitive, ce n'est pas aux peuples autochtones de payer les pots cassés et d'exprimer toutes ces préoccupations à l'égard des projets et des promoteurs de projet.
Nous devons renforcer les capacités au sein des communautés pour que les gens soient informés et qu'ils puissent participer à l'économie. Les communautés ont besoin d'être indépendantes. C'est ce que nous avons fait à Fort McKay. Nous avons amélioré nos conditions de vie, de sorte que le revenu du ménage standard est de 73 000 $. La moyenne provinciale est de 50 000 $, et la moyenne canadienne est de 33 000 $. Nous pouvons faire cela.
Le Canada doit régler toutes ces questions épineuses. Il nous faut trouver une manière de répondre aux besoins des gens. Il est important de nous assurer que ces projets aient lieu.
Nous devons aussi faire en sorte que les projets seront profitables aux communautés. C'est simple.
Merci beaucoup.
Je vais devoir mettre fin à la réunion. Nous devons être à la Chambre à 14 heures pour la période de questions.
Meegwetch.
J'aimerais tous vous remercier de votre sagesse, de vos recommandations et du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Il n'y a jamais assez de temps pour entendre toutes les questions. Votre grande contribution nous permettra d'écrire et de réfléchir. S'il y a quoi que ce soit d'autre dont vous aimeriez nous faire part, nous voulons savoir tout ce qui a pu être soulevé par les questions que vous avez entendues aujourd'hui. Vous nous avez donné une quantité incroyable de renseignements et de recommandations. Nous les examinerons.
Merci.
La séance est levée.
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