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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 août 2016

[Enregistrement électronique]

  (1400)  

[Français]

     Bonjour, chers collègues. Bienvenue à notre séance d'après-midi.
    Nous accueillons de nouveau un groupe de trois témoins. Nous recevons d'abord M. Louis Massicotte, qui est avec nous. Nous communiquerons par vidéoconférence avec Mme Melanee Thomas, qui est à Calgary. Nous recevons aussi Mme Katelynn Northam, qui est avec nous.
    Pour débuter, je vais faire un bref résumé des biographies de nos invités.
    M. Louis Massicotte est professeur au Département de science politique de l'Université Laval. Il fut le premier titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, poste qu'il a occupé jusqu'en janvier 2011. Le professeur Massicotte a comparu devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en 2011, témoignant au sujet de l'attribution des sièges. Il a participé activement au développement démocratique de plus d'une douzaine de pays, la plus grande majorité d'entre eux étant situés en Afrique francophone.
    Professeur Massicotte, je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    Melanee Thomas est professeure adjointe au département de science politique de l'Université de Calgary. Auparavant, elle a été titulaire de la bourse de recherche postdoctorale Skelton-Clark en affaires canadiennes au département de science politique de l'Université Queen's. Les recherches de Mme Thomas se concentrent sur les attitudes et le comportement politiques, les élections et l'opinion publique au Canada, et plus particulièrement sur la façon dont le sexe et les politiques liées au sexe influent sur ces questions. Les nombreux projets de recherche sur lesquels elle travaille actuellement sont financés par le Conseil de recherche en sciences humaines.
    Mme Thomas a publié de nombreux ouvrages. Plus récemment, elle a signé, à titre de coauteure, un chapitre du livre Women (Not) in Politics: Women's Electoral Participation et un livre intitulé Mothers and Others: The Impact of Parenthood on Politics. Elle a également publié un article intitulé Barriers to Women's Political Participation in Canada.
    Nous souhaitons la bienvenue à madame Thomas, de Calgary.
    Enfin, nous recevons Mme Katelynn Northam, militante et directrice de campagne sur la réforme électorale pour l'organisme À l'Action et son site Web, www.leadnow.ca, un site consacré à la mobilisation et à l'organisation des Canadiens sur des questions liées aux enjeux et aux intérêts nationaux. Mme Northam est titulaire d'une maîtrise en science politique de l'Université Dalhousie, avec une spécialisation en gouvernance locale, en mobilisation des jeunes et en politique publique. Elle a été active au sein de la Commission canadienne pour l'UNESCO en tant que membre du Groupe consultatif jeunesse, en plus d'offrir de l'aide et du leadership à Springtide Collective, un organisme axé sur des initiatives de renouvellement politique, au site Web Vote Smart Nova Scotia ainsi qu'à d'autres causes similaires.
    Bienvenue à tous.
    Chaque témoin aura 10 minutes pour présenter son exposé, après quoi nous aurons deux séries de questions.

  (1405)  

[Français]

    Au cours de chaque série de questions, chaque député aura l'occasion de s'entretenir avec les témoins pendant une période de cinq minutes. Je le répète, cette période de cinq minutes comprend à la fois les questions et les réponses. Si cette période de cinq minutes est terminée et que vous n'avez pas eu la chance de répondre ou de donner une réponse complète, vous aurez l'occasion de poursuivre votre pensée plus tard lorsque vous aurez la parole.
    Professeur Massicotte, allez-y en premier.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, membres du comité, bon après-midi.

[Français]

     J'ai publié un livre et plusieurs articles de revues scientifiques sur les systèmes électoraux. À l'époque où je travaillais à la Bibliothèque du Parlement, ici même sur la Colline, soit en 1983 et en 1984, on discutait justement de l'insertion d'un système proportionnel pour l'élection directe des sénateurs. Cela démontre à quel point mon intérêt pour ce sujet est ancien.
    Au cours des 25 dernières années, j'ai comparu de nombreuses fois devant des comités du Parlement fédéral, comme M. le président l'a souligné, et aussi devant des commissions spéciales de l'Assemblée nationale du Québec.
    De 2003 à 2005, le gouvernement du Québec a requis mes services professionnels pour la réforme du mode de scrutin, et mes travaux ont influencé la conception du modèle figurant dans l'avant-projet de loi du gouvernement.
    Je signale aussi que j'ai été secrétaire du comité sur les systèmes électoraux de l'Association internationale de science politique et membre du conseil d'administration du Groupe canadien d'étude des parlements.
    Finalement, pour résumer mon profil, je dirais que je suis plutôt un ingénieur électoral qu'un militant de la cause, c'est-à-dire que je suis habitué à scruter les systèmes électoraux dans leurs détails opérationnels, à regarder l'ensemble des modalités disponibles et à essayer d'en voir les conséquences politiques, cela simplement pour éclairer les choix politiques qui doivent être faits par ceux qui sont mandatés de le faire.

[Traduction]

    J'aurais dû préciser que je vais faire mon exposé en français, mais je sais aussi me faire entendre dans la langue de Shakespeare. J'essaierai donc de répondre à vos questions dans la langue où elles seront posées.

[Français]

    Plutôt que de mettre l'accent sur les questions hautement politiques que sont le choix du meilleur système ou la procédure à suivre pour y parvenir, j'ai préféré centrer ma présentation sur le système que je connais le mieux, c'est-à-dire le scrutin mixte compensatoire, qu'on appelle en anglais le mixed-member proportional, ou MMP pour les intimes. C'est le système qui existe en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, pour parler concrètement. Ce système cherche à offrir le meilleur des deux mondes, mais il ne peut pas satisfaire tout le monde, simplement parce qu'aucun système ne peut le faire.
    Son introduction comporterait les implications suivantes. J'en ai discerné 13, mais il y en aurait sans doute beaucoup plus.
    Premièrement, de toute évidence, parce que ce système est proportionnel, il entraînerait un changement radical dans la façon de faire de la politique au pays. Il est très improbable que l'on voie à l'avenir un parti obtenir à lui seul une majorité parlementaire. Je pense que les coalitions gouvernementales vont devenir de plus en plus inévitables. Or au Canada, comme vous le savez, il n'y a pas une culture des coalitions. Les coalitions sont mal vues dans la classe politique et par une partie de la population. Les acteurs politiques vont probablement s'ajuster, mais l'ajustement ne sera pas nécessairement facile.
    Deuxièmement, l'introduction de la proportionnelle va nécessiter des réajustements douloureux au sein des partis politiques établis, et des résistances importantes sont à prévoir parmi vos collègues. Pour parler concrètement, si un parti détient actuellement cinq sièges sur cinq dans une région, la proportionnelle implique que ce même parti n'obtiendra plus cinq sièges sur cinq, mais trois ou peut-être même deux. Pour ces cinq députés en fonction, appuyer ou non un changement au système électoral est un problème presque existentiel, puisque certains d'entre eux vont rester sur le carreau en cas de changement du système. De plus, on ne peut même pas dire lesquels devront rester sur le carreau, ce qui va rendre tout le groupe assez nerveux.
    Troisièmement, le design du système va être laborieux, parce que non seulement il combine la proportionnelle avec toutes ses complexités, mais en plus, il faut songer à l'arrimage entre le scrutin majoritaire et la proportionnelle.
    Quelqu'un a dit que c’était la Mercedes des systèmes. C'est une métaphore que je trouve adorable et qui n'est pas simplement bonne sur le plan géographique — le système vient d'Allemagne —, mais pour les connaisseurs de véhicules, c'est très approprié.
    Quatrièmement, en Allemagne, en Écosse et au pays de Galles, le système mixte compensatoire a été introduit ex nihilo, c'est-à-dire à partir de rien. On ne fait pas souvent cette remarque, mais je pense qu'elle vaut la peine d'être faite. En effet, à ce moment-là, il n'y avait pas de Parlement élu. Ce système était complètement nouveau. Donc, la transition était plus facile, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'intérêt établi parmi ceux qui prenaient la décision.
     La Nouvelle-Zélande — c'est une bonne raison pour s'y intéresser — est le seul endroit, à ma connaissance, où le système a remplacé une assemblée entièrement composée de députés élus comme vous l'êtes dans des circonscriptions uninominales, à savoir à un seul député. Comme vous le savez, le système en Nouvelle-Zélande n'a pas été choisi librement par les parlementaires. Il leur a été imposé par des référendums populaires auxquels le Parlement a dû se soumettre.
    Cinquièmement, l'introduction du scrutin mixte compensatoire au Canada s'inscrirait dans le contexte actuel de 338 députés élus dans autant de circonscriptions. La question du nombre total de députés à élire va se poser, parce que c'est une formule qui comporte deux séries de représentants.
    Voici deux cas de figure.
    Supposons que le nombre total de députés resterait à 338. Cela voudrait dire que, pour faire place aux députés de liste, il faudrait réduire le nombre de circonscriptions à 160 ou à 200. Concrètement, aucune circonscription actuelle ou presque ne sortirait intacte du découpage. Presque tous les députés devraient accepter l'ajout à leur circonscription de nouveaux électeurs qui pourraient leur être favorables ou défavorables et, surtout, accepter d'évoluer à l'avenir dans un territoire beaucoup plus vaste que celui qu'ils couvrent actuellement.
    Regardons maintenant l'autre hypothèse.
    Pour éviter ces difficultés, vous pourriez décider de conserver intégralement les 338 circonscriptions actuelles et d'élargir la taille du Parlement de façon à faire place aux députés de liste. Selon le ratio que vous auriez choisi, il y aurait 400 ou 500 députés. Je ne veux pas du tout douter des qualités de vendeurs des membres du Comité ou des députés de la Chambre, mais je pense que vendre cela aux Canadiens ne sera pas nécessairement facile.
    Par ailleurs, il va se poser aussi la question du rôle et du statut des députés de liste. Comme vous le remarquerez, les propositions de réforme sont typiquement assez succinctes à ce chapitre. On se contente de dire que les députés de liste vont contribuer à rendre le Parlement plus représentatif de la force réelle des partis, ce qui est indéniable, et plus représentatif aussi de la réalité démographique parce qu'on y trouvera plus de femmes et d'Autochtones, ce qui est très vraisemblable.
    Ce qu'on ne dit pas toujours parce qu'il y a une incertitude, c'est quel travail les députés de liste vont faire concrètement. Ayant étudié les différents pays qui pratiquent ce système, je vous dis franchement qu'on ne peut pas répondre à cette question avec certitude, simplement parce que cela ne s'est pas passé partout de la même façon. Pour simplifier, je dirais qu'il y a deux scénarios différents. Le premier est le scénario allemand, qui est aussi néo-zélandais, et le deuxième est le scénario gallois ou du pays de Galles. L'Écosse se situe quelque part entre les deux.
    Le scénario allemand est celui que je considère le plus souhaitable. Selon ce scénario, les députés sont tous égaux en droit, parce qu'ils représentent le peuple dans sa totalité et pas une circonscription ou un parti. Il n'y a pas deux classes de députés, ni en droit ni en fait. Il y a des députés qui sont élus selon des procédures différentes, et ils ont le même salaire, le même statut et des chances égales d'accéder au conseil des ministres.
    Vous me permettrez d'abréger pour ne pas excéder le temps de parole qui m'est alloué.
    Quant à l'autre scénario possible, le scénario gallois, c'est tout le contraire. Dans ce scénario, les chances d'un député de liste d'accéder au conseil des ministres sont presque nulles. Au fil des années, les députés de liste sont devenus vraiment des députés de deuxième classe, parce que les députés de circonscription se refusent à les considérer comme leurs égaux. L'assignation des sièges dans l'enceinte du Parlement est tellement caricaturale: ils ont tous été relégués à l'arrière-plan, comme s'ils étaient des gens moins importants, si je puis dire.
    Je vais maintenant parler de la question des listes.
    Les sièges compensatoires sont décernés à partir de listes établies par les partis. Presque partout où le système existe, il s'agit d'une liste bloquée où les gens sont élus dans l'ordre de leur inscription sur la liste. Il est possible d'avoir une liste ouverte où les électeurs peuvent intervertir l'ordre d'élection qui a été décidé par le parti. J'ai remarqué que plusieurs d'entre vous ont exprimé de la sympathie pour cette idée. Je serai en mesure de vous parler des implications de ce système. Certaines sont très intéressantes et d'autres, que vous ne connaissez peut-être pas, pourraient vous sembler moins intéressantes.
    Le problème de la double candidature qui a été évoqué va se poser. Avec un scrutin mixte compensatoire, habituellement, il est possible d'être candidat dans une circonscription et de figurer sur la liste, pour une raison très simple: plus un parti a du succès dans une circonscription, moins il en a sur la liste. Par conséquent, il vaut mieux jouer sur les deux tableaux, parce qu'au moment où les députés posent leur candidature, on ne sait pas quel sera le résultat final — c'est la beauté de la démocratie. Autrement, si vous pensez que vous aurez un grand succès, que vous vous présentez dans une circonscription, mais que l'élection tourne mal et que vous êtes défait dans la circonscription, vous perdez la sécurité que vous procure la liste.
    Je dois vous avertir simplement — on vous l'a dit — qu'il me paraît parfaitement légitime d'avoir la double candidature, mais cette idée se heurte à beaucoup de résistance au sein de la population et également parmi les députés. M. Benoit Pelletier vous en a d'ailleurs parlé.

  (1415)  

    Monsieur Massicotte, avez-vous bientôt terminé?
    Je n'en ai que pour 10 secondes encore.
    En conclusion, comme il s'agit d'une chambre fédérale, il faudra que l'assignation des sièges compensatoires se fasse dans le cadre des provinces. Autrement, une liste nationale n'est pas réaliste.
    Je serai en mesure de vous parler, en réponse à vos questions, d'autres aspects techniques, comme les sièges overhang, ou überhang en allemand, les seuils de représentation, les listes de parti ouvertes, que j'ai mentionnées, ou les listes provinciales ou nationales.
    Je vous remercie de votre patience.
    Merci, professeur Massicotte.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Thomas, de Calgary, pour 10 minutes, s'il vous plaît.
    Bon après-midi. Merci de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui aussi bien en tant qu'experte en représentation des sexes et des politiques liées au sexe qu'en tant que spécialiste de la politique canadienne. Dans les grandes lignes, il y a quatre points dont j'aimerais faire part au comité.
    Premièrement, il existe certainement de bonnes raisons qui expliquent notre volonté d'introduire la proportionnalité dans nos institutions électorales fédérales. Bon nombre de mes collègues ont déjà abordé cette question directement et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet. Cependant, je limiterai l'essentiel de mes observations à d'autres préoccupations.
    Deuxièmement, mon interprétation professionnelle du contexte politique canadien actuel m'oblige à conclure qu'il est peu probable que la seule introduction d'une plus grande proportionnalité dans nos institutions électorales puisse à elle seule accroître véritablement la représentation de la diversité au sein de la politique canadienne. Par représentation de la diversité, j'entends la représentation des femmes, des minorités visibles et des peuples autochtones, au sens de la Constitution canadienne.
    Dans nos institutions électorales, la représentativité de chacun de ces groupes est si maigre comparativement à son poids démographique qu'elle serait mieux assurée au moyen d'une sélection aléatoire des candidats. L'existence même de cette réalité révèle la présence de puissants obstacles informels à l'accès des femmes, des personnes non blanches et des Autochtones à la politique. Un simple changement de régime électoral ne suffira pas pour abattre ces barrières. Nous ne nous rendons pas service en laissant entendre qu'une augmentation de la proportionnalité, comme mesure unique, aura un effet sensible sur ces obstacles informels.
    Troisièmement, certaines données démontrent l'existence d'une corrélation entre la représentation proportionnelle et l'augmentation de la diversité dans la représentation. Si le temps le permet, je reviendrai sur ces données un peu plus tard. Je veux toutefois faire ressortir les raisons pour lesquelles cette corrélation n'existerait sans doute pas dans le contexte canadien.
    Il n'existe absolument aucun fait probant, ou si peu, qui vienne étayer les trois affirmations suivantes. D'abord, rien ne permet de croire qu'un changement de régime électoral entraîne un changement équivalent du profil de diversité des représentants élus. La Nouvelle-Zélande en est un exemple. Rien ne prouve qu'un scrutin préférentiel — qu'il s'agisse du vote alternatif, du vote obligatoire ou du vote en ligne — aurait un effet quelconque sur la diversité de la représentation. Pour parler franchement, je crains qu'en concentrant tous ses efforts sur l'examen de processus comme le scrutin préférentiel, le vote obligatoire et le vote en ligne, ce comité ne soit ni déterminé ni particulièrement intéressé à s'attaquer sérieusement à nos lacunes en matière de représentation de la diversité.
    Quatrièmement — et c'est le point que je veux souligner avec le plus de vigueur — rien ne peut justifier le fait que nous n'ayons pas encore une Chambre des communes adéquatement et étroitement représentative de la population canadienne, qui soit composée de 50 % de femmes, de 20 % de membres des minorités visibles et d'au moins 5 % de membres des peuples autochtones. À ce sujet, j'aimerais rappeler que la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 a suggéré que les peuples autochtones du Canada devaient se doter de leur propre assemblée législative. Je m'en remettrais à cette recommandation particulière sur ce point.
    Soyons honnête, il y a quelque chose de profondément obscur dans le fait de laisser entendre que des groupes qui, pour une raison ou pour une autre, ont toujours été sous-représentés, ou des groupes auxquels on a dit par le passé de ne pas se mêler de politique — encore une fois, les femmes, les membres des groupes minoritaires et les Autochtones — ont besoin d'un système à représentation proportionnelle ou de je ne sais quel autre grand bouleversement institutionnel pour être représentés équitablement.
    Quand nous parlons de représentation proportionnelle, les gens ont tendance à croire que le scrutin à la proportionnelle mène à une meilleure représentation des femmes, des minorités et des Autochtones. Il y a certaines raisons à cela.
     Une de ces raisons est que les gens établissent des corrélations fallacieuses. Ils regardent ce qui se passe dans des pays comme la Suède ou ailleurs en Scandinavie et dans des pays qui utilisent un système électoral différent, et concluent que dans l'ensemble, ces systèmes semblent élire davantage de femmes, ce qui sous-entend que si nous avions un de ces systèmes, nous élirions nous aussi davantage de femmes. Mais c'est poser la mauvaise question, parce que ces mécanismes n'ont pas vraiment changé le système; ce sont les normes socioculturelles qui sont différentes, etc.
    Une autre raison pour laquelle on dit que les femmes s'en tirent mieux avec la RP, c'est que le choix de partis est plus vaste. Le raisonnement derrière cette affirmation est que plus il y a de partis, plus il y a de points d'accès pour les groupes traditionnellement sous-représentés. Cependant, et c'est là où le bât blesse, le Canada a toujours eu plus de partis politiques fédéraux que ce à quoi on pourrait s'attendre de notre système électoral. Selon notre système électoral, on devrait n'avoir que deux partis, comme chez les Américains. Pas besoin d'avoir un doctorat en histoire politique canadienne pour savoir que nous avons toujours eu plus de partis. Je ne pense pas que le problème en est un de points d'accès ou de choix de partis.

  (1420)  

    On avance aussi l'argument de l'effet de contagion, c'est-à-dire que dans les systèmes proportionnels, ou dans les proportionnels « purs », il y a habituellement un parti qui joue le rôle de vecteur de contagion. Il s'agit habituellement d'un petit parti, en général de gauche, qui typiquement commence à dresser une liste de candidats plus diversifiée et plus représentative de la population. Dans des pays comme la Norvège, on a constaté que lorsque ce petit parti dresse sa liste, les plus gros partis emboîtent le pas. C'est donc ce petit parti qui, par un effet de contagion, pousse les gros partis qui élisent le plus de représentants à s'aligner sur une représentation adéquate de la diversité.
    Au Canada, il y a longtemps qu'on s'est penché sur cette question. Un certain parti politique s'est doté, depuis 1984, d'une politique d'investiture affirmée en matière de parité hommes-femmes et de représentation équitable des groupes ethniques et des Autochtones. Ce parti, c'est le NPD.
    Comme cette politique d'investiture a été présente pendant un certain temps, nous pouvons affirmer avec certitude que rien ne laisse croire que la présence, dans notre système, d'un parti qui s'engage à respecter la diversité et l'équité dans la représentation, a quelque influence que ce soit sur les autres partis. Par conséquent, rien ne prouve que cet effet de contagion observé dans des régimes proportionnels se reproduirait dans le contexte canadien, puisque ça n'a pas été le cas jusqu'à aujourd'hui.
    En outre, il est regrettable de constater que lorsqu'un parti marque des progrès en matière de diversité dans la représentation, aucune donnée ne vient étayer le fait qu'il s'agit d'un pas définitif. Sans vouloir m'attarder sur le cas de chaque parti, il en existe un bien particulier — le seul auquel je ne peux m'empêcher de réagir — et je parle du Parti conservateur du Canada, entre 2006 et 2008. Le nombre de femmes choisies comme candidates conservatrices en 2008 avait considérablement augmenté, et il semblait s'agir d'un choix délibéré. Mais cette percée est morte dans l'œuf: lors de la récente élection, le nombre de candidates pour ce parti en particulier est retombé au-dessous des 20 %.
    Il arrive que nous fassions ces gains au chapitre de la représentation, mais dans le cas du Canada, il est clair qu'il ne faut pas s'attendre à ce que ces gains persistent, pas plus qu'il n'y a de raison de s'attendre à ce qu'une nouvelle formule électorale fasse changer les choses.
    Une troisième raison pour laquelle les gens soutiennent que la représentation proportionnelle favorise la représentativité des femmes et de la diversité est que la RP facilite l'introduction de systèmes de quotas. On dit aussi que notre système — le scrutin majoritaire uninominal — rend particulièrement difficile l'application de quotas. J'aurai le plaisir d'aborder ce point plus en détail pendant la période de questions, mais selon une enquête menée au printemps 2016 — s'il y avait eu une élection cet été, ça aurait peut-être changé quelque chose, mais j'en doute — rien ne donne à penser qu'un système proportionnel avec quotas donne de meilleurs résultats qu'un système proportionnel sans quotas.
    Le seul système qui semble bien fonctionner avec les quotas et qui, en fait, fonctionne mieux avec les quotas, c'est le nôtre. En ce qui a trait à la représentation des femmes, la différence entre les quotas volontaires de parti et le scrutin majoritaire uninominal sans ces quotas est considérable. Mais dans d'autres systèmes, les quotas ne se traduisent pas nécessairement par des progrès.
    J'aimerais parler de la Nouvelle-Zélande et j'espère que quelqu'un d'entre vous me posera des questions à ce sujet. Je pense que l'expérience de la Nouvelle-Zélande est très révélatrice.
    Cependant, j'aimerais conclure sur ceci: que veut dire, ici et maintenant, l'équité dans la représentation?
    À l'élection fédérale de 2015, il y avait, à un moment, trois partis politiques en tête de liste dans les sondages. J'utilise donc comme point de référence trois partis qui auraient vraisemblablement pu remporter une majorité de sièges en vertu du système canadien actuel.
    Tout parti politique qui présente 338 candidats a simplement besoin de recruter 169 femmes d'un océan aux deux autres pour avoir une liste de candidats équilibrée entre les sexes. Je mets quiconque au défi de me convaincre que ces 169 femmes n'existent en aucun point du spectre idéologique, parce que je suis profondément sceptique à ce sujet. Bref, à eux trois, ces partis n'auraient qu'à recruter 507 femmes dans tout le pays.
    La question qu'il faut se poser est la suivante: pourquoi cela n'arrive-t-il pas maintenant? S'il est risible de laisser entendre que, pour une raison ou pour une autre, on ne peut trouver ces 507 femmes, la situation est encore plus dramatique en ce qui concerne les groupes traditionnellement sous-représentés. Dans le cas des minorités visibles, je sais que les minorités visibles constituent une grappe de Canadiens très diversifiée, mais disons qu'il s'agit seulement de solliciter des candidats qui ne sont ni blancs ni autochtones, il n'en faudrait que 68 pour présenter une liste de candidats qui reflète la population canadienne. Pour les trois grands partis, cela veut dire 203 personnes dans tout le Canada.
    Comme je l'ai mentionné, il ne me viendrait jamais à l'idée d'insinuer que les Autochtones devraient se contenter d'une représentation de 4 à 5 % à la Chambre, alors que la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé qu'ils aient leur propre assemblée législative. Mais là où je veux en venir, c'est que si nous parlons d'une représentativité de 4 à 5 %, cela représente 15 candidats sur 338. Comment se fait-il qu'on ne les trouve pas? Je n'en sais rien. C'est à peine 45 personnes pour trois partis.

  (1425)  

    Je peux seulement conclure ainsi: affirmer qu'un changement de système électoral est indispensable pour donner aux femmes, aux Canadiens non blancs et aux Canadiens autochtones quelque chose qui s'apparente un tant soit peu à une représentation équitable — dire que pour ce faire, nous avons besoin d'une réforme du système — c'est donner un chèque en blanc aux recruteurs de candidats.
    S'il y a une chose sur laquelle je tiens à être très claire, c'est que nous n'avons pas le moindre indice permettant de penser que les électeurs votent de manière discriminatoire en raison du sexe ou de l'origine ethnique des candidats. L'inexistence de cette preuve dans l'ensemble de l'électorat tend à démontrer que les puissants obstacles informels dont j'ai parlé se manifestent quelque part ailleurs dans le processus politique.
    Je ne pense pas que les partis politiques, nommément l'institution qui fait le plus de recrutement, méritent un passe-droit sur ce front particulier.
    Je conclus une fois de plus en disant que de mon point de vue professionnel, l'argument selon lequel les femmes canadiennes, les Canadiens non blancs et les Canadiens autochtones ont besoin d'une réforme institutionnelle majeure pour s'approcher d'une représentation équitable est totalement indéfendable. En tant que femme et Canadienne, cette affirmation me trouble profondément et me semble à la limite offensante.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Northam.
    Je remercie les membres du comité de m'avoir invitée aujourd'hui et d'avoir consacré leur été à l'étude de cet enjeu d'une grande importance.
    Je suis la directrice de campagne sur la réforme électorale de l'organisme À l'Action. Nous représentons des centaines de milliers de Canadiens des quatre coins du pays, et environ 19 000 de nos membres résident dans l'une de vos circonscriptions. Nos membres partagent un même souhait, celui de vivre dans un Canada ayant une économie juste, un environnement sain et une démocratie ouverte.
    À l'Action est un organisme axé sur ses membres, ce qui veut dire que nous commençons toujours par cibler des enjeux qui sont importants pour eux et nous essayons ensuite de faire entendre leur voix auprès des personnes qui exercent le pouvoir afin d'influer sur ces dossiers. C'est justement ce que je suis en train de faire ici aujourd'hui. Je ne m'exprime pas en mon nom personnel, mais en celui de milliers de citoyens qui pensent que le Canada doit absolument remplacer son système électoral défaillant, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, par une forme de représentation proportionnelle.
    Pour préparer cet exposé, nous avons consulté nos membres afin de représenter fidèlement leur point de vue. Près de 10 000 personnes ont répondu à notre appel dans les 48 heures et nous ont fait part de leurs commentaires. Elles nous ont demandé de vous transmettre certains de leurs messages clés aujourd'hui.
    Je vais commencer par faire un rappel du problème que nous tentons de résoudre.
    Les membres d'À l'Action sont fermement convaincus que notre système majoritaire uninominal à un tour ne fonctionne pas bien. Il ne permet pas aux gens d'exprimer correctement et équitablement leurs préférences et réduit leur pouvoir et leur choix.
    Une élection devient donc un jeu de calcul et de stratégie d'une circonscription à une autre. Cela se répercute sur notre rapport à la démocratie, sur nos droits fondamentaux en tant que Canadiens et sur notre relation avec nos élus. Il devient donc difficile pour les électeurs d'exprimer leur véritable volonté lors d'une élection.
    Le fait que des millions d'électeurs ne peuvent exercer efficacement ce droit à chaque élection ne doit pas être pris à la légère. Il ne s'agit pas d'un effet secondaire déplorable puisqu'à la dernière élection, neuf millions d'électeurs ont été touchés.
    Le Canada est carrément en retard et il est grand temps qu'il modernise son système de scrutin. Nous sommes l'un des rares pays de l'OCDE à utiliser le système majoritaire uninominal à un tour et nous sommes le seul à l'utiliser aux trois ordres de gouvernement. Nous sommes des marginaux et notre système électoral est fondamentalement injuste. Cela doit changer.
    En guise de contexte, je précise que l'engagement d'À l'Action à l'égard de la réforme démocratique ne date pas de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Depuis notre création en 2011, nous avons travaillé sans relâche à l'amélioration de la démocratie canadienne. Au fil des ans, nous avons organisé des centaines d'événements, de réunions et de consultations et chaque fois, la question de la réforme électorale était immanquablement soulevée. Nous avons fait des milliers d'appels téléphoniques, frappé à des milliers de portes et bravé le froid hivernal. Nous attendions tous impatiemment l'occasion de participer au changement.
    Notre campagne pour la représentation proportionnelle s'appelle Mieux voter. À ce jour, nous avons recueilli 24 000 signatures d'appui. Près du tiers d'entre elles ont été recueillies par nos bénévoles qui font le tour des festivals, sillonnent les rues et discutent avec les citoyens sur le pas de leur porte, prêtant une oreille attentive à leurs arguments justifiant l'adoption d'un système électoral plus juste.
    Notre motivation est très simple. Nos membres croient, comme chacun d'entre nous ici, qu'une démocratie ouverte et transparente est le moteur qui nous permet d'aller de l'avant et de trouver des solutions aux grands enjeux urgents de notre époque. Nous avons besoin d'une démocratie juste, inclusive et collaborative.
    Vous n'ignorez sans doute pas que nous avons organisé une campagne de vote stratégique dans le passé et que lors de la campagne électorale qui a précédé, nous avons appelé les partis à coopérer. Nous avons pris cette initiative en réaction à la frustration ressentie par nos membres devant la distorsion des résultats produits par notre système actuel.
    Nous préférerions que les gens ne soient pas obligés de contourner les écueils du système actuel pour exprimer leur volonté. Comme vous le savez, le vote stratégique se produit lorsque les électeurs hésitent à voter pour leur premier choix par crainte de diviser le vote en faveur du candidat qu'ils préfèrent le moins. Les Canadiens font cela depuis longtemps. Faute d'information locale fiable, ils finissent souvent par deviner quel est le choix le plus stratégique à faire. Ils ne devraient pas être obligés d'employer une stratégie ou de se fier aux résultats des sondages pour exprimer leur véritable préférence et voir cette préférence se refléter dans les résultats.
    Nous croyons que cette frustration à l'égard du système majoritaire uninominal à un tour est généralisée. Durant les deux dernières campagnes électorales, j'ai passé beaucoup de temps à faire du porte-à-porte dans diverses circonscriptions de l'Ontario, pendant que mes collègues faisaient de même dans d'autres provinces, notamment au Manitoba, en C.-B. et dans les Maritimes. Parmi les citoyens que j'ai rencontrés, rares sont ceux qui n'avaient pas été confrontés aux choix difficiles que notre système les oblige à faire: voter avec leur cœur au risque de diviser le vote dans leur circonscription, voter pour le candidat qui, selon eux, a le plus de chances de l'emporter ou tout simplement s'abstenir de voter parce que le résultat semble décidé d'avance.

  (1430)  

    Nous savons que le scrutin majoritaire uninominal change souvent considérablement la structure des pouvoirs au Parlement même lorsque le vote populaire est demeuré à peu près le même. Il arrive que des partis, ayant remporté à peine plus de votes qu'auparavant — un pourcentage minime —, gagnent un nombre incroyable de sièges parce que leurs votes se concentraient dans des circonscriptions clés. C'est ainsi que certains partis se trouvent à former un gouvernement majoritaire sans avoir remporté la majorité du vote; nous savons tous que cela donne un pouvoir incroyable à ces partis. De plus, les électeurs des circonscriptions clés qui font pencher la balance reçoivent peut-être plus d'attention que les autres. Nous voyons là les symptômes actifs d'un système électoral défaillant.
    La démocratie ne cesse jamais d'évoluer, il faut constamment la perfectionner. Heureusement, la population canadienne est profondément attachée à la démocratie. Notre organisme À l'Action rassemble tous ces gens, et la salle où nous nous trouvons maintenant est remplie de ces personnes. Il ne reste plus qu'à déterminer notre prochaine étape.
    Lorsque nous lui avons posé cette question, la communauté À l'Action nous a répondu qu'elle veut que la représentation proportionnelle remplace le scrutin majoritaire uninominal; 85 % des répondants ont affirmé qu'ils préfèrent la représentation proportionnelle parce qu'elle seule pourra corriger les failles du scrutin uninominal.
    Nous avons produit un mémoire — je ne crois pas que vous l'ayez devant vous aujourd'hui, mais nous vous le remettrons sous peu — présentant les raisons plus détaillées de cette préférence. Je crois que plusieurs des témoins que vous avez entendus ont déjà décrit les avantages de la représentation proportionnelle, mais je vais souligner ceux qui nous paraissent les plus importants.
    Premièrement, ce système garantit une équité fondamentale. Par le scrutin majoritaire uninominal, le vainqueur rafle toute la mise. Les électeurs qui n'ont pas voté pour le vainqueur n'ont aucun moyen de se faire entendre. Ce système fausse aussi considérablement le calcul des sièges, au point où certains gouvernements deviennent majoritaires sans avoir remporté la majorité du scrutin. Par contre, la représentation proportionnelle tiendrait compte de tous les votes et offrirait plus de choix aux électeurs pour qu'ils n'aient pas à voter stratégiquement. Que vous soyez un conservateur du centre-ville de Toronto ou un nouveau-démocrate de la campagne manitobaine, vous méritez que l'on tienne compte de vos désirs.
    Deuxièmement, ce système est plus inclusif. Nous avons constaté qu'il offre plus de diversité, même si j'ai aimé les observations du professeur Thomas aujourd'hui. À notre avis, ce système inciterait moins les partis à concentrer leurs campagnes sur les régions du pays qu'ils pensent pouvoir remporter plus facilement et les encouragerait à produire une plateforme politique qui concerne les citoyens de tout le pays.
    Troisièmement, ce système encourage la collaboration. La politique ne serait plus un jeu à somme nulle, car les partis seraient obligés de collaborer pour aborder les grands problèmes. Les membres de notre organisme nous ont dit qu'ils sont fatigués du caractère antagoniste de la politique. Ils veulent que les gouvernements fassent des compromis pour produire des solutions à long terme au lieu de perdre leur temps à défaire ou à modifier les décisions politiques des gouvernements qui les précèdent.
    Au nom de nos membres, je tiens à vous remercier d'avoir abordé ce problème. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis convaincue que nous partageons tous un grand attachement aux valeurs démocratiques et que nous sommes prêts à nous efforcer d'inclure tous les membres de la population.
    Nous reconnaissons qu'il sera très difficile de changer notre système électoral. Vous avez entendu des opinions très diverses au cours de ces deux dernières semaines, et vous en entendrez bien d'autres. La communauté À l'Action est convaincue qu'il est temps d'agir avec courage. Grâce à ce processus, nous avons une occasion extraordinaire de laisser en héritage aux Canadiens un meilleur système électoral. Il est très évident que nous sommes en retard sur le reste du monde, car nous utilisons encore un système électoral très peu compliqué pour tenter de représenter une population toujours plus diverse. Ce système ne parvient pas à tenir compte des désirs de tous, ce qui nuit à la vie quotidienne de bien des gens. Nous ne cherchons pas à déterminer quel est le meilleur système; nous essayons de garantir l'inclusion de tous les citoyens dans notre démocratie. Il est très évident que la représentation proportionnelle est la meilleure façon de corriger ce problème.
    Je conclurai mon allocution en citant une de nos membres de Toronto, qui tenait à ce que je vous transmette le message suivant:
Les régimes politiques évoluent. Ne nous y trompons pas, notre système n'est pas statique; ce n'est ni un produit fini ni un projet accompli.
    Cherchons donc continuellement des moyens — certains modestes, d'autres plus grandioses — de mieux concrétiser la démocratie et la représentation. Ne craignons jamais les idées nouvelles. Notre système actuel a manifesté ses failles; nous serions irresponsables si nous n'essayions pas dès maintenant d'en instaurer un nouveau.
    Merci.

  (1435)  

    Merci beaucoup.
    J'ai l'impression que la discussion de cet après-midi sera passionnante.
    Nous allons demander à M. Aldag de la lancer.
    Je tiens à remercier tous nos témoins aujourd'hui pour leurs excellentes allocutions. Je crois que c'est la première séance où nous avons plus de témoins femmes; c'est excellent.
    Cela dit, je vais lancer la discussion en posant ma question au professeur Massicotte. Je suis sûr que les questions vont fuser de tout autour de la table, car nous avons reçu de l'information extraordinaire.
    En lisant votre mémoire, j'ai relevé trois de vos observations. La première est le fait que les Canadiens n'ont pas une culture de coalition. Quand je discutais avec mes électeurs, plusieurs ont souligné qu'ils avaient peur non seulement des gouvernements minoritaires, mais plus encore des gouvernements de coalition.
    Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Vous avez présenté cela comme un problème. Dans quel degré cette caractéristique de la culture canadienne nous empêcherait-elle d'instaurer ce type de système?

  (1440)  

    Merci d'avoir posé cette question.
    Oui, j'ai dit que le Canada n'a pas une culture de coalitions. Je vais vous en donner deux exemples.
    En Saskatchewan, en 1999, le gouvernement NPD est arrivé au pouvoir en situation minoritaire, et quelques députés libéraux ont décidé de former une coalition pour soutenir le gouvernement NPD. Accusés de trahison, ces hommes ont été expulsés de leur parti.
    Certains d'entre vous se rappellent sûrement le deuxième de mes exemples, la dispute — ou la crise, selon la version des faits — sur la coalition de 2008. Pour certaines personnes, l'idée même de coalition frisait l'immoralité.
    J'ai dit que nous n'avons pas une culture de coalition, mais dans le passé, nous le faisions tout naturellement. Les gens ont oublié cela. Je ne sais pas si un témoin vous l'a rappelé, mais l'Ontario a été régi par un gouvernement de coalition sous Ernest Drury de 1919 à 1923. Cette coalition a duré pendant tout son mandat. Le Manitoba a été gouverné par une coalition sous Bracken et sous ses successeurs, de 1932 à 1950 ou 1951. La Colombie-Britannique a été dirigée par une coalition de 1941 à 1952. La Saskatchewan a eu un gouvernement de coalition sous Anderson de 1929 à 1934.
    Il est intéressant de constater que ces coalitions ont duré assez longtemps. En observant l'expérience de certains pays européens, on a tendance à penser que les coalitions sont généralement de courte durée. Celles du Canada se sont maintenues pendant toute la durée du mandat législatif. Nous n'en avons pas eu récemment parce que je crois que, malheureusement, les gens présument que si un parti forme une coalition avec un parti plus fort, il se fera absorber par ce dernier; bien entendu, aucun parti ne veut perdre son caractère individuel.
    Permettez-moi de faire une observation.
    On nous a dit plusieurs choses. Par exemple, on nous a dit que dans une coalition, le parti le moins fort obtient une part de pouvoir disproportionnée. En outre, j'ai l'impression que les gens confondent la notion de coalition avec celle de gouvernement minoritaire.
    Il est vrai que nous n'avons pas eu de gouvernements de coalition depuis des dizaines d'années. Nous avons plutôt eu des gouvernements minoritaires, qui pour les gens représentent l'instabilité. Lors de mes conversations avec les électeurs, j'ai eu l'impression qu'ils ne veulent pas s'écarter du système majoritaire de peur de causer plus de perturbations. Je sais que l'histoire nous a prouvé le contraire, mais nous faisons face à une culture et à une attitude très canadiennes. Sera-t-il très difficile de persuader la population que nous nous dirigeons dans la bonne direction?
    Face à un Parlement minoritaire, les politiciens canadiens préfèrent que le gouvernement soit formé d'un seul parti. Je suppose que cette attitude leur vient du type de gouvernance auquel ils sont habitués: tous les copains du même parti assis autour de la table du Cabinet.
    Ensuite, ces Parlements minoritaires ne durent jamais longtemps; ils ne se maintiennent au pouvoir en moyenne que pendant 18 mois. La plupart des intervenants savent que le Parlement ne fera pas tout son mandat et que dès qu'il en verra l'occasion, le gouvernement poussera un bouton pour obtenir ce qu'il pense mériter, la majorité du scrutin.
    Merci. Vos cinq minutes sont écoulées, alors nous passons la parole à Mme Rempel.
    Je vous en prie: comme je vous l'ai expliqué, vous nous ferez part de vos observations à la prochaine ronde ou à la prochaine occasion qui se présentera. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Madame Rempel, bienvenue au comité. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous aujourd'hui.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Thomas, c'est un plaisir de vous voir. J'aime énormément vos ouvrages, comme vous le savez, et je suis heureuse que vous nous présentiez la question des obstacles aujourd'hui.
    En ce qui concerne vos ouvrages, je voudrais discuter aujourd'hui d'un de vos articles, intitulé Barriers to Women's Political Participation in Canada. Vous y soulignez que les règles fédérales sur la mise en candidature et sur le financement des campagnes électorales ainsi que les limites qu'Élections Canada impose aux dépenses électorales ont transformé certains enjeux liés aux finances en obstacles qui empêchent les femmes de se lancer en politique.
    Comme nous avons avec nous une jeune femme passionnée du système démocratique au Canada, je me demandais, madame Northam, si vous pensez aussi que la collecte de fonds présente un obstacle pour les groupes sous-représentés au Canada.

  (1445)  

    Je vous avoue que je ne suis pas experte en la matière, mais oui, je suis persuadée que cela pose un problème.
    Dans le cadre de l'étude de notre comité sur la modification du système électoral, je voulais soulever aujourd'hui la question des obstacles que pose le financement du milieu politique au Canada.
    Je trouve qu'à l'heure actuelle ce système est solide, car nous avons imposé un seuil aux dons des particuliers, nous avons interdit les dons venant de l'entreprise et nous avons limité les dépenses permises. En comparant le système canadien à celui des États-Unis, je dirais que le nôtre est vraiment bon.
    Malheureusement, je perçois une lacune importante dans ce processus. Au Canada, une entreprise ou un groupe peut s'inscrire comme tiers à des fins de publicité électorale, puis verser des fonds pour « s'opposer » à l'élection d'un ou de plusieurs candidats. Les entreprises peuvent donc contourner les lois sur le financement des partis politiques et des candidats en suivant ce processus, ce qui leur permet d'influencer des candidats.
    La loi ne limite pas les dons qu'un groupe peut recevoir d'un particulier; les gens peuvent donc dépasser leurs dépenses politiques permises pour influencer des candidats.
    En outre, les partis tiers ne peuvent s'inscrire auprès d'Élections Canada qu'après le lancement d'une campagne électorale; il est donc difficile de suivre les activités que mènent ces groupes pour influencer notre processus électoral. De plus, ils ne sont tenus d'inscrire dans leurs rapports que les dons reçus au cours des six mois précédant l'élection. Les tiers ne sont pas obligés non plus d'indiquer quel candidat ils soutiennent ou auquel ils s'opposent. Le public n'a donc pas moyen de savoir si les députés respectent les règles de l'éthique sur les conflits d'intérêts.
    Pour l'élection générale de 2015, les tiers ont dépensé plus de 6 millions de dollars en publicité électorale. Pour vous donner une idée du contexte, le Parti vert a dépensé en tout 3,9 millions de dollars pour cette élection. Certains particuliers ont donné de grosses sommes à des associations de circonscription inscrites comme tiers, puis ont dépensé encore plus d'argent pour s'opposer à un candidat ou pour soutenir un candidat dans une circonscription. Je trouve que nous avons là une faille inquiétante dans ce processus.
    Je voudrais demander à Mme Thomas ou à Mme Northam, puisque nous nous entendons sur le fait que cela pourrait produire un obstacle, si elles conviennent que ce comité devrait recommander que les lois sur le financement des élections fédérales qui régissent les partis politiques s'appliquent de la même façon aux tiers afin d'éliminer cet obstacle?
    Il me reste très peu de temps, alors je vais demander à Mme Thomas de répondre par oui ou non.
    Plus ou moins.
    En ce qui a trait aux obstacles qui entravent tout particulièrement les femmes, je pense qu'il n'est pas plausible que ce que nous appelons, dans la documentation, la publicité électorale par les tiers vise principalement des partis politiques; je serais surprise de voir cette publicité cibler directement des femmes.
    En considérant la manière...
    Si vous me permettez de vous interrompre, je peux vous citer un exemple bien précis.
    La circonscription de Kamloops—Thompson—Cariboo ne présentait qu'une seule candidate. Elle a donné 400 $ à une association de circonscription particulière où elle ne se présentait pas. Elle s'est ensuite inscrite comme tiers et a donné environ 2 300 $ à son organisme tiers, montant qu'elle a ensuite dépensé entièrement pour promouvoir ou pour s'opposer à une autre candidate qu'elle-même.
    Cela n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, j'en suis sûre, qui illustre les effets particuliers que cette faille peut avoir sur des femmes.
    Cela n'aura pas tant d'importance.
    La plupart des fonds de publicité électorale cibleront la campagne nationale de partis ou de chefs de partis.
    C'est pourquoi je doute beaucoup que...
    Si vous me permettez...
    Permettez-moi d'interrompre pour une seconde...
    Il me reste si peu de temps.
    En réalité, il vous reste du temps. Nous pourrions peut-être...
    J'aimerais vraiment répondre à la question.
    Mais bien sûr.
    Nous sommes en pause, nous ne déduirons pas cela de votre temps.
    Je voudrais aussi donner l'occasion à Mme Northam de répondre. Nous ferons preuve de générosité et de souplesse.
    Alors j'ai 10 secondes, n'est-ce pas?
    Nous ferons preuve de générosité et de souplesse. Vous aurez probablement plus de temps que cela, mais pas pour...
    Parfait.
    Bon, quoi qu'il en soit, allons-y.
    Vous avez la parole.
    Je n'affirmerais pas que cet obstacle empêche les femmes de faire de la politique.
    Cela dit, je soutiens avec beaucoup d'ouverture d'esprit et d'enthousiasme plusieurs mesures qui limitent ou qui réglementent le financement des campagnes électorales. Quant aux trucs dont nous parlons, dans le contexte des élections générales, je dirais bien sûr, réglementez, et je vous appuierai. Mais est-ce vraiment la solution? Est-ce là vraiment le grand obstacle qui écarte les femmes et les minorités visibles du monde politique? Non, pas du tout. Je crois qu'en suggérant qu'il s'agit vraiment là de l'obstacle, nous écartons l'attention du numéro 169. Ce n'est pas une excuse. Pas du tout.
    D'accord.
    Voulez-vous que Mme Northam réponde à la question?

  (1450)  

    Bien sûr.
    Je tiens à préciser que je ne pense pas qu'il s'agisse du seul obstacle. Je sais que les candidates sont souvent entravées par le fait qu'elles ne disposent peut-être pas des mêmes réseaux que les candidats pour recueillir des fonds. Cela m'inquiète.
    Quant à l'observation selon laquelle la majeure partie du financement est affectée aux dépenses des campagnes d'élections générales, j'ai passé la journée hier...
    Vous n'avez plus vraiment de temps, Madame Rempel.
    En fait, près de 1,2 million de dollars de cette somme ont été dépensés dans des circonscriptions particulières, alors cela change bien des choses.
    Madame Northam, que dites-vous de cela?
    Madame Northam, une réponse rapide, s'il vous plaît.
    Mon commentaire sera très bref.
    Notre organisme est dirigé par ses membres, et nous n'avons pas discuté de cette question, alors je ne peux pas commenter en leur nom.
    Merci.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais commencer par vous, monsieur Massicotte.
    Un peu plus tôt aujourd'hui, quand on parlait du vote préférentiel, j'ai fait l'analogie suivante: je m'imaginais vouloir une voiture électrique, mais me retrouver avec un pickup. Or je suis heureux de vous entendre dire que le système proportionnel mixte est en fait une Mercedes. Il constitue probablement le meilleur des deux mondes et représente davantage la réalité des partis. En fait, c'est une norme, une valeur à laquelle nous adhérons, au NPD.
    Vous êtes un ingénieur des systèmes électoraux et un spécialiste de certains pays, dont l'Allemagne. Il est vrai que le changement amène beaucoup d'incertitude, mais j'aimerais démystifier certaines choses.
    Prenons le cas d'un électeur ou d'une électrice en Allemagne qui se présente au bureau de vote. D'abord, comment son vote se déroule-t-il? Ensuite, une fois que le résultat se traduit en sièges au Parlement, comment les partis fonctionnent-ils, en général, pour former un gouvernement stable?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Boulerice.
    Pour ce qui est du déroulement, il y a un bulletin de vote qui est à peu près semblable au nôtre, sauf qu'il comporte deux options. À gauche du bulletin, on peut voter pour un candidat, et à droite, on peut voter pour un parti, c'est-à-dire pour une liste établie par un parti. C'est donc dire qu'on émet deux votes au lieu d'un seul. Il est cependant possible, soit dit en passant, de faire fonctionner le même système à partir d'un seul vote exprimé en faveur d'un candidat, en comptant le vote à la fois pour le candidat et pour le parti qu'il représente.
    Pour ce qui est de la façon dont on forme un gouvernement, c'est un peu plus compliqué. Les résultats ne tardent pas à sortir. Je suis chaque fois les élections allemandes, qui ont lieu le dimanche midi. C'est presque un rituel, depuis plusieurs années. Les résultats sont disponibles très rapidement. Bien des pays — et je ne parle pas ici du Canada — auraient intérêt à faire de la sorte.
    Comment forme-t-on le gouvernement? Le soir, on regarde les résultats. Commencent alors des négociations entre les partis politiques. Parfois, ceux-ci ont déjà annoncé leurs couleurs, mais ce n'est pas toujours le cas, tout simplement parce qu'on ne sait pas quel va être le résultat. Lors de la dernière élection fédérale, par exemple, l'élimination du Parti libéral-démocrate n'était pas prévue.
    Les partis politiques négocient entre eux. Le chef de l'État ne joue pas de rôle dans cette opération. Après un mois ou deux — et il est rare que ce soit plus de deux mois —, selon les circonstances, on en arrive à un accord de coalition. Il s'agit d'un document assez long et complexe. En fin de compte, c'est le fruit des négociations ayant eu lieu entre les divers partis politiques qui se sentaient prêts à former une coalition.
    Les coalitions peuvent être de plusieurs types. On dit habituellement que l'Union chrétienne-démocrate s'allie au Parti libéral-démocrate et que le Parti vert s'allie au Parti social-démocrate. Or cela change depuis quelques années. À deux endroits, je crois, les chrétiens-démocrates sont maintenant alliés aux verts. Les circonstances l'ont obligé. On a déjà vu auparavant les socialistes s'allier aux libéraux. On considérait avant que l'extrême gauche était un partenaire de coalition non fréquentable. Or, dans les Länder de l'Est, à tout le moins, elle est maintenant considérée comme acceptable.
    Merci.
    Madame Thomas, comme vous le savez, nous nous préoccupons de la représentation féminine, au NPD. Lors de la dernière élection, nous étions très fiers d'être le parti comptant le plus grand pourcentage de femmes sur sa liste de candidatures. Cette proportion était de 43 %, ce qui n'est tout de même pas négligeable.
    Vous avez raison quant aux barrières qui se trouvent à l'extérieur du mode de scrutin. Certaines institutions rendent la candidature féminine plus difficile. Pour avoir participé moi-même au recrutement de candidates, je peux dire que bien des choses pourraient améliorer la participation des femmes qui sont de type plus socioéconomique ou sociétal.
    Notre collègue Kennedy Stewart a présenté un projet de loi pour encourager, voire forcer les partis politiques à présenter un ensemble de candidatures pour accroître la représentation des femmes. Ce n'est pas la seule façon d'y parvenir, mais j'aimerais savoir si, selon vous, le genre de mesure incitative proposé par notre collègue Stewart est souhaitable.
    À votre avis, pourrions-nous faire autre chose pour accroître la présence des femmes?
    En ce moment, la proportion de femmes députées au Parlement canadien n'est que de 26 %. À cet égard, nous nous classons au 62e rang à l'échelle mondiale, ce qui n'est pas très reluisant.

  (1455)  

[Traduction]

    Je vous dirai que comme les chiffres nécessaires pour parvenir à la parité sont très bas, les obstacles du niveau individuel ne causent pas en eux-mêmes ce problème. Autrement dit, nous devons trouver une solution institutionnelle. J'en ai discuté avec Jeannette Ashe, une de mes collègues qui mène de la recherche dans un autre établissement, et je crois que la solution se rapproche du projet de loi que vous venez de mentionner.
    Je crois que nous devrions pénaliser les partis en réduisant leur remboursement des dépenses électorales s'ils n'atteignent pas la parité dans leurs listes de candidats. Comme vous le savez, une bonne partie du financement électoral des partis provient du remboursement de leurs dépenses électorales. Vous dépensez un certain montant, et l'on vous en rembourse 80 %. Selon moi, on devrait calculer ce remboursement en fonction du nombre de femmes ou de minorités visibles que les partis représentent. J'ai bien l'impression que si vous reliez ce problème à une pénalité monétaire, les partis le résoudront du jour au lendemain. J'en suis certaine.
    Merci.
    Nous passons la parole à M. Ste-Marie pour cinq minutes.

[Français]

     Mesdames, messieurs, bonjour.
    Monsieur Massicotte, j'ai bien aimé votre présentation, particulièrement vers la fin alors que vous avez expliqué que, si nous avions un système proportionnel mixte compensatoire, le système de liste devrait fonctionner par province. Je suis très sensible à l'idée de protéger les droits de la nation québécoise, étant donné que nous n'avons pas les mêmes débats ni les mêmes référents.
    Vous avez dit qu'il fallait fonctionner par province. À votre avis, y aurait-il d'autres mécanismes pour assurer la protection de la nation québécoise?
    À première vue, je ne le pense pas. En fait, je crois qu'il n'a jamais été sérieusement question de liste nationale. En tout cas, il ne le faudrait pas. Je vais vous expliquer pourquoi.
    Le Canada est une fédération. Regardez comment procèdent les fédérations en ces matières. En Allemagne, il n'y a pas de liste nationale. Cela a déjà été évoqué. Les sections des partis dans les Länder ont toutes insisté pour qu'elles préparent les listes de candidats.
    Je pense qu'il est beaucoup plus difficile d'avoir une liste nationale dans un pays fédéral.
    À votre avis, si nous avions un tel système, les listes devraient être établies dans chaque province ou dans chaque région.
    C'est en effet la pratique et c'est assez courant.
    Je vous remercie.
    Le Comité s'apprête à partir en tournée au Canada. Par la suite, nous allons déposer un rapport, en décembre. Pour que le système soit modifié à temps pour la prochaine élection, il faudrait que le tout soit adopté au mois de mai prochain.
    Compte tenu de l'expérience que nous avons vécue au Québec, croyez-vous que ce soit réaliste?
    Le Québec n'a pas adopté de réforme. Il m'est donc difficile de dire avec quelle rapidité cela pourrait se concrétiser.
    Cela pourrait-il être réaliste?
    Je crois que le directeur général des élections du Canada est beaucoup mieux qualifié que moi pour répondre à cette question, parce qu'il connaît tous les mécanismes requis, tous les travaux qui doivent être faits en anticipation. Je crois comprendre qu'il a dit que l'échéancier actuel était réaliste, mais je m'en remets entièrement à lui à cet égard.
    Merci.
    J'ai maintenant une question hypothétique. Supposons qu'un parti forme la deuxième opposition, que sa plateforme indique qu'il veut réformer le mode de scrutin et qu'il obtienne le pouvoir avec une grande majorité grâce au système actuel. Que pensez-vous des chances qu'il veuille effectuer le changement du mode de scrutin? Supposons qu'il se tourne vers un autre mode de scrutin, par exemple le mode de scrutin préférentiel. Que pensez-vous du mode de scrutin préférentiel par rapport au mode actuel?
    C'est l'option du changement minimal. Ainsi, les circonscriptions demeureraient les mêmes. Le bulletin de vote serait exactement celui qui existe déjà. Tout ce qui changerait serait la façon de marquer le bulletin de vote.
    Par ailleurs, les résultats seraient plus longs à venir. Vous avez peut-être entendu parler de l'élection australienne. Vous avez parlé, je crois, aux autorités. Personnellement, j'étais en voyage à l'époque, mais je trouvais que le résultat tardait beaucoup à venir. Cela prendrait un peu plus de temps.
    Qu'en serait-il de la distorsion entre le suffrage exprimé et le nombre de suffrages...
    Il n'y aurait aucun changement.
    Il est bien établi par les collègues politologues que le scrutin majoritaire uninominal à majorité absolue et le scrutin majoritaire uninominal à un tour sont des scrutins comportant des distorsions. Dans certaines études, on prétend même que le scrutin majoritaire uninominal à majorité absolue est encore plus déséquilibré que le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Cependant, et c'est important, le vainqueur de la circonscription obtient plus de 50 % dans la circonscription.

  (1500)  

    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Oui, il vous en reste un peu.
    J'aimerais poser la même question sur le mode de scrutin préférentiel à vous, mesdames.

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter la question? Excusez-moi.

[Français]

     Que pensez-vous du mode de scrutin préférentiel?

[Traduction]

    Les membres de notre communauté nous ont affirmé très clairement que la représentation proportionnelle est le seul système, ou le seul type de système, qui corrigerait le problème fondamental dont ils se plaignent, c'est-à-dire la distorsion des résultats finals. Nous savons que le vote alternatif, ou scrutin préférentiel, ne résoudra pas ce problème.

[Français]

    Selon vous, ce n'est donc pas un mode de scrutin intéressant.

[Traduction]

    Ce n'est pas celui que nous défendons à l'heure actuelle, en effet.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, madame Thomas?

[Traduction]

    J'appuie le scrutin préférentiel avec des circonscriptions de grande magnitude. À mon avis, en remplaçant le système actuel, pour lequel il suffit de faire une croix sur le bulletin de vote, par une classification préférentielle aux fins d'élire un seul candidat, nous imposerions un changement énorme qui ne rapporterait pas grand-chose.
    Cependant, certaines provinces de l'Ouest du Canada ont tenu des élections avec un scrutin similaire au vote unique transférable. Dans une circonscription d'une magnitude assez grande, il est possible de résoudre plusieurs problèmes liés à la discipline du parti et à la proportionnalité, mais la difficulté réside dans le fait de présenter un bulletin de vote préférentiel avec un plus grand nombre de représentants venant d'une circonscription. Le problème, c'est que soit les circonscriptions devront être tellement plus grandes qu'à l'heure actuelle que ce sera infaisable, soit nous devrons prendre des mesures comme de tripler la taille de la Chambre, et cela aussi me semble impossible.
    Merci.
    Nous passons à Mme May.
    Merci, monsieur le président, et je remercie tous les témoins.
    Au cours des cinq minutes à ma disposition, je désire parler surtout du recrutement des candidates, car c'est un sujet sur lequel je possède une vaste expérience personnelle. Si vous le voulez bien, madame Thomas et madame Northam, je voudrais vous faire part de mon expérience et vous demander s'il y a des travaux de recherche confirmant certaines de mes observations intuitives quant aux raisons pour lesquelles la représentation proportionnelle nous aiderait à avoir davantage de femmes au Parlement.
    Pour ce qui est de ma première expérience vécue, en tant que femme et directrice générale du Sierra Club du Canada, plusieurs partis se sont intéressés à ma candidature. Cela m'a flattée, je le reconnais. Les chefs du Nouveau Parti démocratique, du Parti libéral et du Parti progressiste-conservateur ont tous, à un moment ou l'autre, cherché à me courtiser et c'était très agréable, mais j'ai dit que cela ne m'intéressait pas. Je vais vous expliquer pourquoi.
    J'ai maintenant vécu l'expérience d'être à l'autre bout du téléphone pour essayer de convaincre des femmes vraiment formidables de se présenter à une élection. J'y suis parvenue aux dernières élections — pas aussi bien que le NPD, car il faut rendre à César ce qui appartient à César, mais 39 % de nos candidats étaient des femmes. Sur 336 candidats, il y avait 131 femmes.
    Il y a peut-être un obstacle informel, ou du moins un facteur que je n'arrive pas à trouver dans la littérature universitaire. Les femmes disent: « Je suis prête à travailler fort pour changer les choses, mais je ne veux pas me retrouver au milieu d'un panier de crabes. Je n'aime pas la culture de la politique ».
     Mme Northam a dit tout à l'heure, je crois, que les membres d'À l'Action en ont assez de la politique contradictoire. J'ai constaté, surtout après avoir consulté les membres du Parti vert des parlements du monde entier où il y a, dans la plupart des cas, des systèmes de représentation proportionnelle, que lorsque vous adoptez un système proportionnel et consensuel, vous changez la culture de la politique. Elle devient moins agressive. Vous éliminez ce que Susan Delacourt décrit en détail dans son livre Shopping for Votes. Vous faites disparaître les questions tendancieuses et litigieuses et vous incitez les gens à s'entendre et à travailler ensemble.
    Pour terminer, j'avancerais — et je vous demanderai ensuite ce que vous en pensez, en commençant par Mme Thomas — que cela explique peut-être pourquoi, en politique canadienne, il y a une proportion plus importante de femmes au niveau municipal où nous n'avons pas de partis politiques, la plupart du temps.
    Vous hochez la tête. N'y a-t-il pas davantage de femmes qui se font élire dans les gouvernements municipaux? Cela a toujours été le cas.
    Quoi qu'il en soit, je vais m'adresser maintenant à vous. Personnellement, je pense que c'est un facteur qui n'est pas mentionné. Vous avez raison de dire que si l'on change seulement le système de scrutin sans s'occuper du reste, le nombre de femmes n'augmentera pas. Le fait est qu'il y a davantage de femmes dans les démocraties qui ont la représentation proportionnelle. Personnellement, d'après mon expérience, je pense que cela pourrait être un facteur. J'aimerais savoir si des recherches ont été faites à ce sujet.
    Je vais m'adresser à vous, madame Thomas.

  (1505)  

    Il y en quelques-unes, mais elles ne vont pas forcément dans le sens qu'on pourrait croire.
    Je dirais d'abord que le panier de crabes — et j'aime l'expression — écarte peut-être les femmes de la politique. Je n'ai jamais vu cela comme un problème sexospécifique. La méchanceté que l'on constate parfois éloigne beaucoup de gens raisonnables, hommes et femmes, de la politique.
    Ce qui a plus tendance à toucher les femmes et c'est une chose…
    Était-ce une…? Je ne sais pas comment le prendre.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Quoi qu'il en soit, allez-y.
    Désolée.
    Certaines personnes aiment se battre dans l'arène politique et sont prêtes à faire face à ce contexte alors que d'autres sont plus portées à dire: « Je fais ici un travail important, alors cela ne m'intéresse pas. »
    Ce qui dérange davantage les femmes maintenant — comme le sujet est régulièrement abordé dans mes classes, je peux dire que nous nous penchons sur la question — c'est l'influence d'Internet et des médias sociaux, car cela donne un très gros microphone à un grand nombre de voix vraiment misogynes. C'est très désagréable et c'est très violent. C'est un des problèmes qui apparaissent parce que nous avons davantage de femmes à des postes de dirigeantes, notamment à celui de première ministre d'une province, ce qui nous apporte les données dont nous avons besoin pour nous attaquer à ce problème de façon plus systématique.
    Je dirais toutefois, à propos de la politique consensuelle, que selon une excellente étude réalisée par Tali Mendelberg et ses collègues, à Princeton, si vous respectez la règle du consensus, les femmes n'arrivent jamais à se faire entendre autant que les hommes. L'étude portait sur des choses comme la compétence perçue, le leadership perçu, le nombre de fois où les femmes ont eu la parole et le nombre de fois où elles ont été grossièrement interrompues par les hommes du groupe. Peu importe le nombre de femmes, quand vous appliquez la règle du consensus, elles n'ont jamais la parité. En réalité, vous arrivez à la parité lorsque vous suivez la règle de la majorité et que vous avez une super-majorité de femmes. Comme il s'agit d'une étude expérimentale, je me garderai d'étendre ces conclusions aux différentes institutions politiques actuelles.
    J'ajouterais également une chose au sujet du mythe de la politique locale. On s'imagine que la politique locale est vraiment accueillante pour les femmes. Je vis à Calgary. Le conseil municipal de Calgary n'est pas un lieu accueillant pour les femmes. Cela fait déjà longtemps qu'il ne l'est pas et je ne pense pas qu'il le deviendra bientôt.
    Cette idée à propos de la politique locale est un mythe. Le consensus ne va pas non plus forcément résoudre le problème du sexisme. Cela semble souhaitable, mais je ne pense pas que ce soit la solution.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Romanado.
    Je voudrais remercier mes collègues de leur présence ici aujourd'hui.
    Monsieur Massicotte, hier, nous avons entendu l'Institut Broadbent. Il a fait une étude de ce que les gens pensent des systèmes de scrutin et de ce qui est important pour eux sur le plan de leurs valeurs. Cinquante-et-un pour cent des répondants ont dit qu'un gouvernement majoritaire stable était important à leurs yeux.
    Dans votre déclaration, vous avez dit qu'il était fort peu probable qu'à l'avenir un parti soit majoritaire au Parlement si nous adoptions le scrutin proportionnel mixte compensatoire. Je crains qu'au lieu que les Canadiens puissent se faire entendre avant une élection, il y ait des tractations en coulisse, après les élections, pour créer des gouvernements de coalition. Cela va directement à l'encontre des besoins des Canadiens.
    Vous avez aussi parlé un peu des changements au niveau des circonscriptions. Soit les députés seraient moins en mesure de desservir leurs électeurs parce qu'ils en auraient beaucoup plus qu'actuellement, soit il faudrait de 500 à 675 députés à la Chambre, ce que, je pense, les Canadiens désapprouveraient.
    Cela m'inquiète un peu. Vous avez été très honnête au sujet de certains écueils du scrutin proportionnel mixte et de ce que vous pensez de la double candidature. Si quelqu'un perd les élections, mais devient quand même député, cela me paraît totalement inacceptable. Je voudrais que vous en parliez un peu.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Je me ferais un plaisir de vous donner mes cinq prochaines minutes, si vous voulez.
    Il vous reste beaucoup de temps. Nous n'en sommes même pas encore à deux minutes.
    Oui.
    Je pense…

[Français]

     Vous pouvez répondre en français.

  (1510)  

     D'accord, merci.
    En effet, j'ai plutôt l'intuition ou l'impression que les gens ont une préférence pour des gouvernements majoritaires. Avec un système proportionnel, quel qu'il soit, il n'y aura probablement pas de gouvernement majoritaire, pour une raison très simple. Dans notre histoire électorale depuis 1921, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre d'occasions où un parti a réussi à franchir le seuil des 50 %. M. Mulroney, en 1984, est le dernier cas à ce jour. Cela fait quand même un bon bout de temps.
    On devra alors s'habituer à des coalitions. Ces coalitions peuvent-elles être stables? Je le pense. C'est simplement qu'elles seront composées de plusieurs partis politiques. L'autorité du premier ministre à l'intérieur du système politique ne sera pas aussi forte, parce qu'au sein du Cabinet, il devra composer avec les ministres d'un autre parti qui auront un certain pouvoir sur lui. Ce sera différent de la situation actuelle, où le premier ministre est extrêmement puissant. Comme vous le savez, certains le présentent comme un monarque. Ce sera tout un changement.
    Je voudrais préciser ici une chose. Si j'ai énuméré toutes les complications possibles du système de scrutin mixte compensatoire, ce n'était pas du tout pour le critiquer ou le discréditer. J'ai étudié ce système de façon théorique, mais j'ai aussi eu l'expérience des consultations qui ont été menées au Québec et dans d'autres provinces. Or, ce qui nous paraissait génial d'un point de vue technique, soit la double candidature, apparaissait aux yeux de certaines personnes comme quelque chose d'abominable. Selon l'expression classique, c'est entrer par la porte d'en arrière après qu'on vous a fermé la porte d'en avant.
    Je pense que c'est très injuste. Je peux vous dire que, dans plusieurs pays, on n'en fait pas un problème. La Nouvelle-Zélande et l'Allemagne ont très bien intégré et compris ce système. Je n'ai pas eu le temps de le mentionner, mais le chancelier Kohl a été le plus durable des chanceliers allemands jusqu'à ce jour. Il a de la concurrence avec la chancelière actuelle, Mme Merkel, mais il a duré longtemps. Il a été défait deux fois dans sa circonscription, mais grâce à la liste, il a pu demeurer député. J'ai regardé sa biographie pour voir si quelqu'un en Allemagne avait fait tout un plat de cela, mais personne ne l'a fait. Peut-être qu'ici, cela peut se prouver.
    En ce qui concerne la double candidature, on a constaté une chose, en particulier au Québec. M. Pelletier a d'ailleurs traité de cette question. Beaucoup de députés, à commencer par M. Pelletier lui-même, avaient une peur bleue de voir quelqu'un qu'ils avaient défait dans leur circonscription se retrouver en face d'eux, car ils sentaient cela comme une menace à leur emprise dans la circonscription.
    En Allemagne, on n'observe pas cela. C'est tout ce que je peux dire. Il y a une tradition de collaboration et de consensus qui date de l'après-guerre. Avant ce temps, ce n'était pas beau à voir, je vous en passe un papier, comme on le dit. On a vécu des expériences difficiles et on a vécu jusqu'à la nausée les conséquences de la haine. Avant la guerre, dans les années 1920 et 1930, la politique allemande était extraordinairement polarisée. L'Allemagne est maintenant devenue un pays de consensus, et de telles choses fonctionnent.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Reid, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Thomas.
    En février, selon un article de journal qui vous a citée, vous pensiez qu'il ne serait pas souhaitable que le gouvernement adopte un nouveau système électoral à moins qu'il n'ait été approuvé lors d'un référendum. Est-ce toujours votre position?
    Je demeure convaincue que la feuille de route a été tracée par plusieurs gouvernements provinciaux, notamment ceux de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, où les citoyens ont participé activement au processus. Je m'attends à ce que toute initiative touchant de si près une institution démocratique suive de très près ce genre de modèle de participation des citoyens.
    La formule utilisée en Ontario et en Colombie-Britannique était une assemblée de citoyens qui choisissaient et concevaient un modèle à soumettre à la population dans le cadre d'un référendum.
    Pensez-vous que ce processus en deux étapes serait la meilleure chose à faire?
    Pas de la façon dont il s'est déroulé en Colombie-Britannique et en Ontario. J'ai aimé l'idée de l'assemblée des citoyens, mais ces référendums ont posé des problèmes. Je ne vois pas l'intérêt de soumettre le public canadien à un référendum si les règles du jeu font en sorte qu'il est voué à l'échec.
    Bien.
    Je ne suis donc pas pour ou contre un référendum. J'essaie de dire honnêtement ce que j'ai pensé de ces processus et dans les deux cas, j'ai trouvé que l'assemblée des citoyens et ce type de participation étaient excellents et correspondaient exactement à ce que je souhaite voir dans une démocratie. Néanmoins, ces référendums ont prêté le flanc aux critiques pour un certain nombre de raisons. Je n'approuve donc pas automatiquement ce genre de choses dans ce contexte particulier. Non.

  (1515)  

    Très bien.
    Pour revenir au référendum en Colombie-Britannique, le premier des deux, je me souviens d'avoir écrit au sujet de la façon dont il avait été organisé et de la difficulté de choisir une option à la majorité simple alors qu'il existait de multiples options. Les électeurs ont certainement fait des votes stratégiques lors de ce référendum. Les chefs du Parti vert et du Parti néo-démocrate, par exemple, ont tous les deux voté contre le vote unique transférable parce qu'ils étaient pour le scrutin proportionnel mixte et pensaient avoir une deuxième chance s'ils rejetaient simplement la proposition.
    La formule utilisée en Nouvelle-Zélande proposait aux électeurs différents modèles, ce qui a permis de changer le système. Je crois qu'apparemment, le premier référendum en Nouvelle-Zélande visait aussi à produire un résultat très différent, mais comme il n'a pas abouti, le changement a eu lieu.
    Que pensez-vous de ce genre de formule?
    J'aime la formule néo-zélandaise dans laquelle le projet de réforme initial donnait aux électeurs plus que la possibilité de voter oui ou non. Cela me plaît.
    Ce qui me plaît davantage, c'est que la Nouvelle-Zélande a ensuite tenu plusieurs autres référendums pour voir si les gens aimaient vraiment le changement après avoir utilisé le nouveau système. Les Néo-Zélandais ont dit qu'ils approuvaient le changement et qu'ils l'appréciaient davantage avec le temps.
    Il y avait aussi une deuxième question. Elle demandait: si vous voulez changer de système, lequel voudriez-vous? Le choix offert était le scrutin uninominal à un tour. Les électeurs ont répondu que s'ils souhaitaient changer de nouveau, ils voudraient revenir à l'ancien système.
    Ma principale objection à l'égard de ce qui s'est passé en Colombie-Britannique et en Ontario — et ce n'est pas seulement pour cela que j'appuie le modèle néo-zélandais — porte sur la super-majorité exigée. C'est une question que, je pense, les Canadiens posent souvent dans divers contextes à propos des questions référendaires. Qu'est-ce qui constitue une majorité suffisante? Est-ce 58 %? J'aurais dit que oui et si ce seuil avait été acceptable, la Colombie-Britannique et l'Ontario auraient probablement modifié leur système électoral.
    Il s'agit de voir comment formuler la question, mais aussi la majorité nécessaire. Cela devrait faire l'objet d'un débat politique dans chaque contexte où l'on pose au public une question de ce genre.
    Si vous me l'aviez posée, j'aurais répondu 50 % des voix plus une, mais vous dites que 60 %, c'était trop. C'est, je pense, la raison pour laquelle vous avez dit que c'était voué à l'échec, mais vous laissez entendre que 50 % des voix plus une n'est peut-être pas suffisant. C'est bien cela?
    En tant que Canadiens, nous avions déjà décidé, à l'issue du référendum de 1995, que 50 % des voix plus une n'était pas acceptable dans certains contextes, alors nous ne pouvons pas jouer sur les deux tableaux, n'est-ce pas?
    En fait, les seuils requis pour les référendums vont être politiques et structurés en fonction de chaque contexte. La conclusion générale que je peux tirer du processus politique canadien est qu'en 1995, à une question très particulière, il y a des gens, dans la fédération canadienne, qui ont dit que 50 % des voix plus une était un seuil tout simplement insuffisant. À l'inverse, un seuil de 58 % des voix plus une a également été jugé inadéquat.
    Je dirais seulement que je vous conseillerais de tenir une discussion approfondie au sujet de ce seuil dans le contexte des référendums en général.
    Merci.
    C'est au tour de M. DeCourcey.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos trois témoins. J'espère avoir suffisamment de temps pour qu'ils puissent répondre tous les trois à ce que je vais dire.
    Je vais commencer par Mme Northam à cause des paroles d'un de vos membres que vous avez citées à la fin de votre témoignage. Elles m'ont frappé par leur modestie et elles encouragent tout le monde ici à être conscient de ce que le Parlement peut faire pour continuer à améliorer nos processus démocratiques.
    Une chose qui m'a troublé lors de certains témoignages que nous avons entendus ces dernières semaines, c'est que certaines personnes affirment, du même souffle, que le Parlement actuel n'est pas démocratique et est donc illégitime et qu'il doit exercer sa légitimité démocratique pour adopter une réforme. Ce discours hyperbolique me semble quelque peu excessif.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez et je vais également poser la question aux autres témoins. Notre Parlement a-t-il la légitimité démocratique voulue pour adopter une réforme et devrions-nous mettre un peu d'eau dans notre vin lorsque nous disons que le Parlement n'est pas démocratique à l'heure actuelle?

  (1520)  

    Il est sans doute assez difficile, je crois, d'entreprendre ce processus en tant que députés. Ce n'est pas comme si vos intérêts n'étaient pas en jeu, n'est-ce pas? Je trouve assez admirable que vous fassiez ce travail en sachant qu'il y aura des répercussions sur la façon dont vous travaillez.
    Dans bien des cas, les gens estiment être bien représentés par leur député, mais nous parlons au nom de nos membres qui n'ont pas cette chance. Ils ont voté toute leur vie, pendant 20, 40 ou 50 ans, sans jamais faire élire le représentant pour qui ils avaient voté, ou ils ont continuellement assisté à un partage du vote dans leur circonscription.
    Voilà de quoi nous parlons vraiment. Il s'agit de cet élément présent dans le système électoral canadien et nous cherchons à l'améliorer.

[Français]

     Qu'en pensez-vous, monsieur Massicotte?
     La légitimité n'est pas un concept scientifique. C'est un concept normatif. Il y a un adage qui dit ceci: « Legitimacy is in the eye of the beholder. » Autrement dit, la légitimité dépend de la perspective de chacun.
    Examinons la leçon historique de notre système, qui est quelque chose d'un peu plus solide. Dans l'histoire canadienne, plusieurs réformes du système électoral ont été réalisées. Elles ont commencé en 1920 au Manitoba et se sont terminées en 1956 en Alberta.
    J'ai examiné les circonstances dans lesquelles chacune de ces réformes avait été adoptée. Dans chaque cas, soit en Alberta, au Manitoba et en Colombie-Britannique, c'est le Parlement provincial qui a procédé à une réforme, et ce, sans référendum. À cette époque, il n'a même pas été question de tenir un référendum. Suivant les moeurs du temps, il semble bien que cela se passait ainsi.
    Ce sont les indications que je peux donner quant à savoir si le Parlement a, à l'heure actuelle, la légitimité démocratique pour agir ainsi. Nous vivons dans un régime de démocratie représentative. Il n'y a pas d'obligation légale de tenir un référendum, mais il peut parfois arriver que ce qu'on peut faire légalement soit perçu comme illégitime par une bonne partie de la population.
    À cet égard, je me permets de souligner que je suis profondément troublé par le fait que, dans les quatre sondages que j'ai examinés, un bon nombre de Canadiens pensent, à tort ou à raison, qu'un référendum devrait être tenu.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame Thomas, dans le temps qu'il me reste, pourriez-vous nous dire comment le Parlement pourrait procéder à cette réforme?
    Je crois que même s'il y avait un référendum, tout changement devrait être législatif, ce qui signifie... Je trouve assez ridicule de dire que le Parlement ne peut pas le faire étant donné qu'il le peut certainement. Le Parlement a le pouvoir législatif de faire ce qu'il veut dans une démocratie représentative, comme l'a mentionné mon collègue, M. Massicotte.
    Cela dit, ce dont les gens veulent parler, je pense, c'est de la façon dont les réformes sont éclairées et c'est une autre question. C'est une question beaucoup plus fondamentale. Elle se rapporte à qui nous sommes en tant que Canadiens, ce que nous voulons et comment nous abordons les différentes dimensions du problème. Si nous en parlons, ce n'est pas tant la légitimité du Parlement de créer une loi pour modifier une institution qui est en cause, car il en a certainement le pouvoir. C'est normal.
    Ce qui m'inquiète, c'est que la définition du problème semble être d'une portée assez limitée, ce qui limite le dialogue. Il y a aussi l'élément populiste qui ressort. Venant de l'Ouest du pays, je dirais que nos politiques sont largement définies par le populisme et que cela se reflète dans la façon dont les décisions, les recommandations ou les processus prennent un caractère régional ou géographique.
    Ce sont certainement des facteurs auxquels il faut être sensible. Néanmoins, je ne m'étonne pas que le processus fasse l'objet de critiques, car il y a maintenant des normes et un précédent historique permettant aux Canadiens de participer beaucoup plus activement à ce genre d'initiatives que ce n'était le cas par le passé.

  (1525)  

    Merci.
    C'est au tour de M. Cullen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être des nôtres.
    Je vais commencer par Mme Northam et je m'adresserai ensuite à Mme Thomas.
    J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire, dans votre déclaration préliminaire, que vous témoignez aujourd'hui après avoir sondé l'opinion de vos membres. Je ne sais pas si nous avons déjà eu des témoins qui ont légitimé leurs propos en consultant leurs membres avant de venir ici, et c'est donc une bonne chose.
    Et je voudrais aborder la question des circonscriptions dites sûres par opposition aux circonscriptions versatiles, et de l'attention qui leur est accordée. Si vous vivez dans une circonscription qui a toujours voté majoritairement pour un parti, il est très décourageant de participer aux élections. Certaines réserves ont été exprimées à ce sujet.
    Ma question porte sur les votes que l'on dit gaspillés.
    Au cours des dernières élections que nous avons eues au Canada, il y a eu neuf millions de suffrages qui ne sont pas représentés visiblement au Parlement, même si certains ont fait valoir que ces neuf millions de votes ont une certaine influence.
    Le pouvoir appartient au peuple, qui nous le transmet. Vos membres n'envisageraient-ils pas, pour ce faire, un système de vote transférable qui accorderait des choix aux gens?
    Un vote unique transférable?
    Non, un scrutin préférentiel.
    Oui, le scrutin préférentiel. Désolée.
    Cela comporte, je pense, différents éléments et il y a plusieurs raisons différentes pour lesquelles nos membres trouvent que le vote majoritaire uninominal à un tour est problématique. Une des raisons, je crois, est qu'en tant qu'organisation axée sur les enjeux, nous nous intéressons aux grandes questions de l'heure.
    Nous considérons souvent le Parlement dans son ensemble, la façon dont il est composé et dont les partis travaillent ensemble pour aborder les enjeux. L'un des principaux défauts que nous constatons est que le Parlement ne reflète pas la composition du pays et les électeurs des différentes régions qui ont voté pour ces partis. C'est, au niveau macro, un problème lié à la façon dont le Parlement est composé. Je pense que c'est pour cela que nous voyons la solution dans le vote préférentiel. Même si 51 % ou 52 % des électeurs votent pour un député, il ne représente pas 48 % des citoyens de la circonscription.
    La difficulté, je suppose — et nous avons déjà posé la question à un témoin — est que 51 % des suffrages ne représentent pas seulement un premier choix, mais peut-être un second ou troisième choix. Je ne sais pas si je serais tellement plus satisfait si mon troisième choix avait une influence.
    Exactement.
    Monsieur Massicotte, cela a un effet sur les pouvoirs que le premier ministre possède en fonction des résultats. Nous savons que les systèmes proportionnels conduisent à un plus grand partage du pouvoir, à des coalitions ou des gouvernements coopératifs et vous avez dit que cela diminue le pouvoir — je crois que c'est l'expression que vous avez employée — du premier ministre et, par extension, du Bureau du premier ministre. Cela me semble être une excellente chose. Non seulement dans le contexte des autres pays, mais dans le contexte canadien, quand nous avons eu des gouvernements minoritaires où le pouvoir du premier ministre était réduit, ce qui augmentait le pouvoir du Parlement, cela a donné d'excellents résultats politiques.
    Ai-je tort de le penser?
    C'est une question normative.
    Permettez-moi d'être plus clair au sujet des excellents résultats politiques: les soins de santé publique, les pensions, et l'aide à l'enseignement postsecondaire, le drapeau. Tout cela est arrivé quand le premier ministre et son cabinet — toujours son cabinet — ont dû partager le pouvoir.
    Les grands…
    Je me demande si nous aurions une réforme de l'Office national de l'énergie si le Bureau du premier ministre ne pouvait pas simplement joindre le geste à la parole au lieu d'écouter les autres.
    L'absence d'une majorité ne signifie pas des mauvaises politiques, comme vous le dites. Je ne suis pas certain que l'absence d'une majorité garantisse ces résultats en tout temps. Absolument pas.
    Il y a des risques.
    Oui.
    J'ai été particulièrement impressionné par le travail d'Arend Lijphart à ce sujet. Je ne crois pas que les pays qui ont des systèmes de RP soient toujours paradisiaques, mais ce n'est pas l'enfer non plus.
    C'est très important, car nous avons tous tendance à supposer, instinctivement — et j'avoue avoir exactement la même attitude — que les choses iront mieux si nous avons des gouvernements majoritaires. Lijphart a eu la merveilleuse idée d'examiner les indicateurs de bonne gouvernance et il a constaté, comme il vous l'a certainement dit, qu'il n'y avait pas une grosse différence entre les pays ayant des gouvernements majoritaires et les pays ayant des gouvernements de coalition. Des personnes lucides l'avaient d'ailleurs vu avant lui.

  (1530)  

    C'est inévitable. On fait peur aux gens de temps en temps, en politique, surtout lorsqu'on propose des changements. On craint telle ou telle conséquence.
    Je pense que nous en sommes à cinq minutes, monsieur Cullen.
    Très bien. Je vais attendre le prochain tour.

[Français]

     Monsieur Rayes, vous avez la parole.
    Monsieur Massicotte, j'ai ici deux citations de propos que vous avez tenus lors d'entrevues avec les médias. Comme vous le savez, les politiciens sont eux aussi cités régulièrement.
    Il se peut que vos opinions aient changé depuis ce temps, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur ces questions.
    Dans une entrevue avec Le Prince Arthur Herald en février dernier, vous avez dit qu'il serait très risqué pour le premier ministre de procéder à la réforme électorale sans l'appui de l'opinion publique.
    En mars ou mai dernier, dans le cadre de l'émission 24/60 de Radio-Canada — et vous y avez fait allusion plus tôt en parlant avec mon collègue d'en face —, vous avez aussi dit ne pas avoir l'impression que les gens étaient lassés du système actuel et qu'ils aimeraient être consultés par l'entremise d'un référendum.
    Est-ce bel et bien ce que vous avez dit?
    J'aimerais savoir si vous maintenez ces affirmations ou si vous avez changé d'avis entretemps.
     Vous me suivez à la trace, à ce que je vois.
    Concernant votre deuxième affirmation, à savoir les sondages que j'ai cités, mes commentaires étaient fondés sur le premier sondage fait sur cette question. Je pense que c'était Insight qui l'avait mené. Ce sondage indiquait que deux tiers des gens se disaient satisfaits du système et que trois quarts voulaient un référendum. Effectivement, c'est ce que cela semblait indiquer. Les trois autres enquêtes qui ont été faites par la suite, notamment par la maison Ekos, ont indiqué que le public canadien était plus partagé sur cette question. La raison est la suivante, que je n'ai pas eu le temps de signaler dans l'entrevue.
    Dans certains cas, la question posée était extrêmement « loadée », si vous me permettez l'expression. On demandait aux gens s'ils étaient d'accord pour que le parti gouvernemental, désigné nommément dans la question, fasse la réforme tout seul. Évidemment, une telle question produit un résultat plus prévisible que l'autre leur demandant s'ils pensent qu'il devrait y avoir un référendum sur une telle réforme.
    Le tableau est un peu plus nuancé que je le dis, mais il reste que je ne sens pas d'horreur ou de dégoût chez les Canadiens à l'égard du système électoral qu'ils utilisent. Peut-être ont-ils tort, peut-être ont-ils raison. Sur le plan des faits et selon les sondages que je lis, et intuitivement, quand je parle à mes étudiants ou à des collègues, je ne sens pas cette ardeur réformatrice.
    Je vous le confirme. Dans ma circonscription, pendant l'été, personne ne nous parlait de cet enjeu.
    Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau situeriez-vous l'intérêt des citoyens et des citoyennes de changer maintenant le mode de scrutin?
    C'est difficile à dire, parce que les enquêtes...
    Vous pouvez me donner votre impression.
    Je ne dirais pas que l'enjeu est prioritaire. Cela me paraît particulièrement évident.
    Il faut noter une chose sur la formulation des questions. Quand on demande aux gens s'ils croient que le système électoral devrait être changé, on oublie trop souvent de se demander ce que signifie le système électoral dans l'esprit du citoyen. Cela veut-il dire le mode de scrutin? Je n'aime pas tellement cette expression, soit dit en passant. Cela désigne-t-il l'ensemble du droit électoral? Les deux appellations sont probablement utilisées. Plusieurs spécialistes pourraient hésiter si on leur posait cette question.
    Je ne suis pas sûr que la volonté de réforme soit extrêmement puissante ou que la question soit prioritaire aux yeux de nos concitoyens, mais peut-être que votre comité arrivera à des conclusions différentes parce que vous aurez le privilège de rencontrer les citoyens.
    Dans la même entrevue avec Le Prince Arthur Herald, vous avez dit ceci: « J’ai toujours été en faveur d’une réforme du mode de scrutin, mais au niveau fédéral, ce n’est vraiment pas nécessaire dans le contexte actuel. »
    Quand je regarde toutes les mises en garde et les explications sur le mode proportionnel, que vous connaissez mieux, on ne le sait pas non plus. On sait que le premier ministre a déjà un peu pris position en disant qu'il penchait pour la préférentielle. Plusieurs personnes qui veulent changer de système parlent davantage d'un mode proportionnel, dont les autres partis.
    Êtes-vous toujours d'avis qu'à échelle fédérale, il ne serait pas nécessaire de tout changer ou que le gain ne serait pas aussi grand qu'on le laisse sous-entendre?
    Les raisons de procéder à une réforme sont moins fortes à l'échelle fédérale que ce que j'ai vu dans d'autres champs de compétence, par exemple le Québec.
    Premièrement, on n'a jamais vu un scrutin où l'opposition a été complètement écrabouillée et absente du Parlement. Je me rappelle qu'à l'époque où j'étais étudiant, l'élection de 1973 avait démontré que cela pouvait se produire.
    La deuxième chose qu'il est très important de souligner, c'est qu'il y a eu, au Québec, une succession de résultats qui ont donné un wrong winner, c'est-à-dire un faux gagnant. M. Boulerice a déjà qualifié la chose de complètement inacceptable. Je trouve cette évaluation très modérée. Je ne veux pas céder à la passion, mais permettez-moi de dire que j'ai trouvé cela absolument horrible et scandaleux.
    À l'échelle fédérale, il est arrivé à deux occasions d'avoir un faux gagnant, soit en 1957 et en 1979, comme vous le savez. Cependant, dans chaque cas, cela a donné des gouvernements minoritaires. Donc, ils n'étaient pas investis de la plénitude des pouvoirs. En revanche, au Québec, les trois cas historiques ont donné 100 % du pouvoir à un parti qui n'avait même pas la pluralité.

  (1535)  

    Je comprends bien qu'il n'y a pas là d'urgence.
    J'aurai l'occasion d'y revenir tantôt.
    Je donne maintenant la parole à Mme Sahota pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci. Nous avons certainement des conversations intéressantes.
    Je voudrais précéder mes questions d'une observation.
    D'après tous les témoignages que nous avons entendus, il est assez difficile de dire que les bonnes politiques émanent seulement d'un certain type de gouvernement plutôt que d'un autre. Des gouvernements majoritaires, de même que des gouvernements minoritaires, ont produit d'excellents résultats. Des gouvernements minoritaires ont également donné des mauvaises politiques. Toutefois, nous savons qu'au Canada, au moins, tous ces gouvernements ont été élus selon le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. Je ne sais pas si vous pouvez dire qu'en changeant le système électoral, vous allez toujours obtenir des bonnes politiques et une bonne collaboration parce que nous avons également entendu des témoins qui ont dit que des pays qui ont la RP et des pays européens ont actuellement des politiques et des programmes désastreux.
    Je désire m'adresser à Mme Thomas. Un bon nombre de recherches que vous nous avez présentées aujourd'hui m'intriguent vraiment. Je crois que vous parliez de la Norvège à propos de l'élection des femmes. J'aimerais que vous en parliez un peu plus. Vous avez abordé brièvement le sujet et je n'ai pas pu saisir ce que vous disiez.
    Merci pour cette question.
    Dans les années 1990, deux Américains, Richard Matland et Donley Studlar, ont fait une étude comparant la Norvège et les provinces canadiennes pour voir si les petits partis qui présentent un grand nombre de femmes dans leurs listes de candidats poussent les grands partis à diversifier le genre de candidats qu'ils proposent aux électeurs. Ils ont trouvé des preuves à cet effet en Norvège, dans le cadre de ce système et de ses contraintes, mais pas au Canada.
    Cela veut dire que le Canada peut avoir des petits partis qui ne cherchent pas vraiment à prendre le pouvoir parce qu'ils ne peuvent pas gagner des sièges ou des suffrages leur donnant la majorité des sièges. Cela montre que l'effet d'entraînement que nous avons constaté en Norvège n'existe pas au Canada.
    J'ai cité cette étude dans ce contexte pour montrer que lorsqu'on dit que la représentation proportionnelle est bonne pour les femmes parce qu'elle leur donne davantage de points d'accès, des études réalisées dans un système de représentation proportionnelle l'ont confirmé, mais cela ne veut pas dire que nous pourrions produire le même effet au Canada simplement en modifiant le système électoral.
    À mon avis, un argument plus plausible serait de dire que nous avons eu des partis qui ont cherché une plus grande diversité sur le plan des candidatures, mais que cela ne pousse pas forcément les autres partis à en faire autant. C'est ce qu'il faut retenir, selon moi. Je ne pense pas qu'en modifiant la façon dont nous transformons les votes en sièges changerait cet aspect des élections canadiennes.
    Il est intéressant que vous mentionniez la Norvège. Un témoin que nous avons entendu plus tôt aujourd'hui, M. Loewen, en a également parlé. Le tableau qu'il nous a présenté était aussi effrayant. La Norvège semble également être un pays où le parti au pouvoir a un très vaste programme anti-immigration légale, ce qui montre que ces systèmes de RP peuvent aussi produire des mauvaises politiques et des mauvaises idées.
    J'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire que nous ne posons peut-être pas la bonne question, surtout en ce qui concerne les femmes. Vous avez dit autre chose. Vous avez parlé d'autres obstacles informels. J'aime le lien que vous faites entre le financement et l'élection des femmes. Cela me semble intéressant.
    Y a-t-il d'autres obstacles informels dont vous n'avez pas pu parler et que nous devrions examiner?

  (1540)  

    Oui. Comme il est évident que tout système électoral fabrique une majorité, nous devons réfléchir à la meilleure façon de fabriquer nos majorités en ce qui concerne les systèmes électoraux.
    Ce qui m'inquiète le plus à propos des obstacles informels qui s'opposent à une réforme électorale, ce sont les hypothèses implicites quant aux qualités d'un bon candidat et qui est le meilleur candidat. À mon avis, il y a beaucoup de sexisme latent et de racisme latent dans les politiques de recrutement et la façon dont nous abordons le système politique, l'idée voulant qu'un bon candidat ou un bon politique doit avoir une certaine allure.
    C'est pourquoi l'expérience néo-zélandaise est importante. La Nouvelle-Zélande a changé son système en 1996 et a constaté immédiatement une augmentation du nombre de femmes qui ont été élues, mais 45 % d'entre elles venaient des listes des partis. Un très petit nombre ont été élues dans les circonscriptions, environ 15 %. Cela a permis aux gens de dire ce qu'ils avaient toujours pensé, à savoir que les femmes ne réussissent pas bien à remporter la victoire dans les circonscriptions. La seule chose qui a changé en Nouvelle-Zélande, c'est qu'il y a eu des changements assez mineurs dans le nombre total des femmes qui ont été élues. Nous avons plutôt assisté à une égalisation du nombre de candidates élues à partir des listes des partis et élues dans les circonscriptions.
    Étant donné que le nombre requis pour assurer la parité est très faible, 169, je trouve inconcevable que les gens qui voulaient recruter 169 candidates n'aient pas pu le faire. Les chiffres n'étaient pas un obstacle.
    Comme nous savons que les électeurs ne font pas de discrimination, sur quoi se basent les gens qui font du recrutement pour dire qu'une personne est un bon candidat? Je crois que c'est l'élément fondamental et que cela ne changera pas.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Aldag.
    Merci.
    Madame Thomas, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné, en passant, que vous souhaitiez parler de l'expérience néo-zélandaise au cours de la période des questions. Vous l'avez fait à deux reprises, en répondant aux questions de M. Reid et à celles de ma collègue. Je ne sais pas si vous souhaitez dire autre chose au sujet de l'expérience néo-zélandaise. Nous en avons beaucoup entendu parler. Si vous avez des idées supplémentaires, je voudrais vous donner la parole pour en parler.
    Merci beaucoup. Je l'apprécie.
    Comme vous l'avez certainement entendu dire, la Nouvelle-Zélande est passée à la représentation proportionnelle mixte en 1996. Elle avait également réservé des sièges à sa population autochtone. Je pense que l'expérience néo-zélandaise sera beaucoup plus utile pour le Canada comme feuille de route que celles des autres pays qui ont utilisé ce mode de scrutin ou tout autre système sans avoir à faire une transition. Voilà pourquoi je pense que la Nouvelle-Zélande est la meilleure base de comparaison.
    Les gens diront, comme je l'ai dit moi-même quand j'étais une jeune étudiante, qu'en 1996, le pourcentage de femmes à l'Assemblée législative néo-zélandaise a bondi aussitôt de 21 % à 35 %. Néanmoins, il est resté assez stable depuis. Il se situe entre 34 % et 41 %. Il est actuellement de 38 % depuis les élections de 2014. Cela montre simplement que même si le niveau a été relevé, la situation reste au point mort.
    C'est, je pense, à cause de la provenance des candidatures féminines. Si vous inscrivez seulement les femmes sur les listes des partis qui servent à attribuer les sièges compensatoires, vous voyez qu'en Nouvelle-Zélande la plupart des femmes se sont fait élire ainsi. Les gens disent que l'exemple de la Nouvelle-Zélande montre que les femmes ne peuvent pas remporter la victoire dans les circonscriptions. Nous savons qu'au Canada et en Grande-Bretagne, surtout au Canada, les électeurs canadiens ne font pas de discrimination fondée sur le sexe. Pourtant, c'est ce qu'on a constaté en Nouvelle-Zélande et les gens ont commencé à dire que les femmes ne pouvaient pas remporter des sièges.
    La différence entre 1996 et 2014, l'année des dernières élections, est que les femmes représentaient environ 30 % des députés aussi bien élus dans les circonscriptions qu'à partir des listes. Ce que nous n'avons pas constaté, c'est la parité. La Nouvelle-Zélande a changé de système électoral, ce qui a favorisé les femmes dans une certaine mesure. Je reconnais que lorsque le mode de scrutin est devenu plus proportionnel, les femmes sont entrées à l'Assemblée législative grâce aux sièges de liste, mais elles n'ont pas atteint la proportion de 50 %. Cela a permis aux gens de tenir des propos sexistes quant à la capacité des femmes de remporter des élections, ce qui n'est pas vrai, comme le montrent d'autres exemples. Nous constatons maintenant une égalisation entre les femmes élues dans les circonscriptions et à partir des listes des partis, mais elles sont encore à 20 % en dessous de la parité. Cela veut dire qu'il reste donc des barrières informelles.
    Très bien, merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste deux minutes.
    Très bien.
    J'ai une autre question, mais je ne prendrai qu'une minute. Si vous avez quelque chose à ajouter, allez-y.

  (1545)  

    Je dirais seulement qu'en Nouvelle-Zélande, la réforme électorale n'a pas éliminé les barrières informelles qui empêchent les femmes d'atteindre la parité sur le plan de la représentation. Voilà l'essentiel. Je pense qu'on l'oublie souvent lorsqu'on déclare que la RP est bonne pour les femmes.
    Il y a une autre précision que j'espérais obtenir de vous. Comme je n'ai pas noté cela comme il faut, vous devrez peut-être me redonner le contexte, mais à un moment donné, vous avez parlé de la taille des circonscriptions. Peut-être pourriez-vous me rappeler si c'était à propos des moyens d'accroître la proportionnalité. Si nous adoptions un système différent, quelle devrait être la taille des circonscriptions, à votre avis? Nous avons entendu parler de cinq députés pour les circonscriptions plurinominales. Certains ont parlé de 12. Pensez-vous à un chiffre plus important? Que suggéreriez-vous dans ce contexte?
    Dans le contexte de ce que je pense du scrutin préférentiel, je dirais qu'il ne vaut vraiment pas la peine d'opter pour le scrutin préférentiel avec un député par circonscription, autrement dit, si l'on change seulement le mode de scrutin. Je serais davantage pour le scrutin préférentiel si nous adoptions quelque chose comme le vote unique transférable pour lequel vous auriez besoin d'au moins trois députés, de préférence cinq par circonscription.
    Le problème au Canada est que nous avons déjà des circonscriptions très grandes, du point de vue démographique et géographique. Comment les découper de façon à préserver la représentation locale? Malheureusement, si vous augmentez la taille des circonscriptions, vous devez aussi accroître le nombre de sièges pour conserver la solidité du lien local, car nous sommes très dispersés du point de vue géographique.
    Très bien. C'est parfait. Il ne me reste plus de temps, alors merci.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Mme Rempel, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Thomas, pour reprendre mon propos de tout à l'heure, je ne pense pas qu'une réforme du financement soit la panacée pour faire élire davantage de groupes sous-représentés et je tiens à bien le préciser, mais je crois quand même important d'en parler.
    D'après ma propre expérience et pour avoir essayé d'inciter d'autres femmes à se présenter, je dirais que les femmes soulèvent la question du financement. Elles disent parfois: « Je n'ai pas les mêmes réseaux que mes collègues masculins pour lever des fonds ».
    J'ai essayé d'amener la conversation sur un nouveau sujet et je voulais vous donner un peu de temps pour en parler. Je suis convaincue qu'une réforme du financement par des tiers pourrait améliorer les choses et peut-être placer sur un pied d'égalité certaines femmes, les groupes sous-représentés en général ou les groupes ayant des idées politiques différentes. Je ne voudrais surtout pas — et je pense que tous les partis politiques s'en rendent coupables — qu'on se serve du financement par des tiers pour contourner les règles du financement des élections.
    J'aimerais que vous preniez une partie du temps à ma disposition pour parler de cette question afin de voir si vous êtes d'accord. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Je ne crois pas qu'on en ait discuté au Parlement ou dans le contexte de notre comité.
    À mon avis, c'est surtout à l'étape de la désignation des candidats que l'argent compte beaucoup pour les femmes. C'est une des choses dont vous avez parlé. La réglementation du montant d'argent que les gens peuvent consacrer aux mises en candidature favorise beaucoup les groupes qui ont été sous-représentés jusqu'ici.
    Je crois important de souligner que les réseaux comptent beaucoup. Ils sont importants pour trouver de l'argent, mais ils le sont aussi pour le recrutement. Les associations de circonscription qui ont des femmes à leur tête, surtout comme présidentes, ont beaucoup plus tendance à présenter des candidatures féminines, simplement parce que vous avez quelqu'un disposant d'un réseau qui connaît une femme et qui peut faire ce genre de recrutement.
    Les femmes nous disent que l'argent constitue également un obstacle à l'étape de la mise en candidature et cela sur des plans qui n'ont pas d'importance pour les hommes. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir de l'argent pour se faire inscrire sur la liste et organiser une campagne, mais pour des choses comme des services de garde d'enfants. C'est pour des dépenses comme le coiffeur et les vêtements et tout ce que les femmes doivent faire, contrairement aux hommes, pour soigner leur image.
    Cela nous amène au financement par des tiers. Je peux imaginer un scénario, comme ce qu'on peut voir au sud de la frontière, dans lequel un tiers qui n'aime pas un certain type de candidat décide de se lancer dans une campagne très ciblée sur un terrain que nous qualifierions d'antidémocratique ou de problématique. Je dirais qu'il serait souhaitable de réglementer le financement de ce genre de campagne. L'argent compte dans ce contexte et il est donc important d'exercer un contrôle.
    Pour ce qui est d'augmenter vraiment le nombre de femmes, il faut pouvoir réglementer les choses telles que la désignation des candidats et le recrutement, car c'est là que l'argent compte vraiment pour la parité entre les sexes dans le contexte électoral.

  (1550)  

    Pour poursuivre dans cette veine, vous avez mentionné que la RP n'est pas forcément une panacée pour éliminer certains de ces obstacles. En y réfléchissant, je me dis que le financement par des tiers aurait un effet important sur la façon dont les candidats seraient choisis sur une liste ou dont les candidats seraient choisis dans un système de RP étant donné — c'est une simple hypothèse — qu'il y aurait peut-être davantage de distinctions individuelles selon la façon dont le système serait organisé.
    Si nous changions de système électoral, pensez-vous que le financement par des tiers pourrait avoir encore plus d'influence et exigerait donc une loi plus rigoureuse comme celle que nous avons actuellement pour les partis politiques fédéraux?
    Je dirais que l'adoption de tout système amenant à voter pour un parti représenterait un changement par rapport au vote pour un candidat local que nous avons actuellement. Si vous optez pour un système de représentation proportionnelle mixte qui consiste à voter dans la circonscription ainsi que pour un parti en général, ou si vous choisissez un système de représentation proportionnelle de listes où vous votez simplement pour un parti, l'influence des tiers, dont vous avez parlé, deviendra très importante. Les tiers pourraient axer leur campagne sur un enjeu électoral sans aucun lien avec les intérêts locaux. C'est ce genre de choses qu'il faudrait examiner.
    Pour ce qui est de l'établissement des listes, ce n'est pas tant le financement par des tiers qui m'inquiète que la façon dont les listes sont établies et plus encore, les obstacles informels qui existent déjà à l'intérieur des partis politiques, car ce sont eux qui établissent les listes.
    Cela veut dire que dans des pays comme la Suède qui, comme chacun sait, a pu élire un parlement où il y a parité entre les sexes, on a pu le faire parce que les partis ont volontairement inscrit les femmes et les hommes en alternance sur leurs listes.
    Dans le contexte canadien et je dirais que la plupart des obstacles informels qui empêchent les femmes de présenter leur candidature ou les placent dans des circonscriptions où elles ne peuvent pas remporter la victoire, et toutes les choses de ce genre sont dans la boîte noire des partis politiques de tous bords. Les partis sont au coeur du problème.
    Le financement par des tiers est important pour persuader quelqu'un de voter pour un parti, mais il y a d'autres puissants obstacles qui existent à l'intérieur des partis politiques canadiens et qui entrent en jeu pour l'établissement des listes et les autres aspects de la désignation des candidats.
    Merci.
    Je dois préciser que le professeur Massicotte doit nous quitter à 16 heures. Lorsqu’il s’en ira, rassurez-vous, ce n’est pas à cause de ce qui aura été dit ici.
    C’est à vous, monsieur Boulerice, s’il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Pour commencer, j'aimerais faire un petit commentaire. Professeur Thomas, je suis convaincu que mon collègue Kennedy Stewart serait d'accord avec vous et très content de vous entendre dire que s'il y avait des conséquences financières pour les partis politiques qui ne présentaient pas de listes paritaires entre les hommes et les femmes, le problème serait réglé en une nuit, parce que c'est exactement ce qu'il a proposé dans son projet de loi.
    Madame Northam, je voudrais vous entendre parler de l'idée saugrenue ou radicale qu'un individu puisse voter pour son premier choix de candidat qu'il souhaiterait voir au Parlement et qu'il soit capable de l'obtenir. Ma foi, cela existe dans la majorité des démocraties et des pays occidentaux. Pour notre part, nous avons un système qui crée des injustices systématiques.
    Je vais vous donner deux exemples, et j'aimerais vous entendre réagir à ce sujet.
    Sur l'île de Vancouver, lors des dernières élections, les néo-démocrates ont obtenu 33 % des votes; le Parti vert, 25 %; les libéraux, 21 %; et les conservateurs, 21 %. Or, cinq députés néo-démocrates, qui sont tous excellents et que j'aime beaucoup, et un député vert ont été élus, mais aucun député libéral ou conservateur. Même si les électeurs libéraux et conservateurs représentent 42 % des électeurs de l'île de Vancouver, leur représentation au Parlement est nulle.
    On pourrait dire la même chose de mes amis néo-démocrates dans le coeur de Toronto. Ils existent, ils constituent un pourcentage considérable des électeurs, mais ils ne sont plus représentés.
    Il en va de même pour les conservateurs sur l'île de Montréal. Ils existent, ils constituent un certain pourcentage des électeurs, mais ils n'ont aucune représentation.
    Selon vous, que devrait-on faire pour que les néo-démocrates du coeur de Toronto, les conservateurs de Montréal ou les libéraux de l'île de Vancouver puissent avoir une voix au Parlement?

[Traduction]

    Eh bien, la réponse rapide serait: le système de la proportionnelle.
    Je repensais à ce dont nous discutions tout à l’heure, à savoir: est-ce que c’est vraiment ce que les gens veulent? Est-ce que c’est ça que veut la population?
    J’ai trouvé très intéressantes les conversations que j’ai eues à ce sujet avec les gens quand je faisais du porte-à-porte durant la dernière campagne électorale. Je pense que la façon dont on pose la question aux gens est très déterminante. Si vous demandez à quelqu’un si les choses lui semblent fonctionner à l’heure actuelle, il vous répondra peut-être que oui. Si, ensuite, vous lui montrez un diagramme circulaire indiquant le nombre de gens qui, dans leur circonscription, ont voté pour un autre candidat que celui qui a été élu, ils vous diront que ce n’est pas juste. Les gens le comprennent immédiatement.
    Comme je l’ai déjà dit, il faut se rappeler que le Canada est le seul pays de l’OCDE qui emploie le scrutin majoritaire uninominal à un tour à tous les paliers de gouvernement. Ça veut dire que les Canadiens n’ont pas d’autre système de référence. S’il existait des systèmes électoraux différents selon les paliers de gouvernement, ce qui pourrait bien arriver aux prochaines élections municipales en Ontario, on pourrait observer un début de changement de paradigme.
    En tant qu’organisation, nous n’endossons pas de type particulier de représentation proportionnelle, mais une solution qui pourrait nous rapprocher d’un système par lequel les gens peuvent au moins dire qu’ils se sentent représentés à la Chambre des communes serait une énorme amélioration.

  (1555)  

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'ai entendu les protestations de M. DeCourcey, qui est préoccupé par les électeurs néo-démocrates ou conservateurs dans les Maritimes. Je le remercie.
    Monsieur Massicotte, il reste quatre minutes avant que vous ne partiez. J'aimerais que vous clarifiiez un point.
    En Allemagne, les députés de liste travaillent-ils avec les citoyens? Couvrent-ils des dossiers individuels?
    Pour notre part, guider les gens dans l'administration publique est un des rôles que nous jouons.
    Je suis heureux que vous posiez cette question, monsieur Boulerice. Je n'avais pas eu le temps de l'aborder.
    Une enquête a été faite par un de mes collègues allemands auprès des députés du Bundestag. Il leur a demandé quelle était l'importance de la place qu'occupaient dans leur agenda les dossiers de circonscription. Pour les députés de circonscription, la réponse était de 87 %, et pour les députés de liste, qu'on imagine regardant la télévision ou s'occupant à autre chose, elle était de 72 %. C'est donc dire que les députés de liste s'occupent des questions de circonscription.
    Habituellement, ils deviennent des députés de liste dans les circonscriptions où ils se sont présentés sans succès. La double candidature est la meilleure façon d'éviter que les écarts ne se creusent entre les deux catégories de députés. On entend souvent dire que les « gras durs » de la liste n'ont pas à travailler très fort, alors que les députés de circonscription, les pauvres, font tout le travail à eux seuls. Le système est mal compris, je crois. La double candidature aide beaucoup à huiler ce système.
    Merci.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Monsieur Massicotte, nous allons profiter de votre disponibilité jusqu'à la toute dernière minute.
    Vous avez mentionné plus tôt qu'il y avait eu quelques sondages au Canada sur l'importance de tenir un référendum au sujet d'une réforme. Vous avez dit, je crois, que certains sondages étaient concluants et que d'autres comportaient des biais.
    Quand on pose la question d'une façon relativement neutre, c'est moitié-moitié, mais ce pourcentage peut aller jusqu'à 63 %, si je me souviens bien. Par contre, quand on pose la question d'une façon plus corsée, on obtient des pourcentages très élevés.
    D'accord.
    Advenant que le gouvernement décide de procéder à une réforme et qu'il décide même de tenir un référendum pour consulter la population, la règle du 50 % plus un devrait-elle s'appliquer?
    Je vais vous donner une réponse habile.
    Les référendums sont consultatifs. Comme l'indiquait le livre blanc de M. Burns sur la souveraineté, en 1978, il n'est pas nécessaire d'établir un seuil de victoire, étant donné que les référendums sont consultatifs.
    D'accord. C'est très intéressant.
     J'ai sursauté, plus tôt, lorsque Mme Thomas a rappelé que, à la suite des événements de 1995, la règle du 50 % plus un ne devait plus nécessairement s'appliquer. Il y a eu une loi à Ottawa. À l'Assemblée nationale, à Québec, on s'y est opposé et on a déterminé que c'était la règle qui s'appliquait. Je pense que mes collègues du NPD sont d'accord pour dire que la règle du 50 % plus un doit s'appliquer. Je vous remercie.
    C'est un problème. En Colombie-Britannique, on n'arrive pas à adopter la formule du 60 % plus un. J'ai l'impression qu'on place la barre trop haute et que c'est un obstacle. Merci.
    S'il reste un peu de temps, je vais poser une question qui s'adresse aux trois invités.
    Dans sa décision relative à l'affaire Figueroa, la Cour suprême a rappelé que le financement des partis était une composante essentielle de la pluralité des opinions.
    Une éventuelle réforme du mode de scrutin devrait-elle être liée à une réforme du mode de financement, ou ces deux réformes devraient-elles se faire séparément?
    Devrait-on procéder à une réforme du financement? Est-ce essentiel ou non?

  (1600)  

    À mon avis, ces deux éléments sont séparés. Je pense que le financement par l'État est une formule très défendable, qui aurait pu être maintenue.
    Cela dit, je suis obligé de vous dire que la toute-puissance du Parlement ne va pas jusqu'à empêcher les avions de décoller, hélas, alors je dois vous quitter.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie d'avoir été parmi nous.
    Merci beaucoup, professeur Massicotte.
    Je vais poser la même question à Mme Northam, puis à Mme Thomas. Il s'agit de l'arrêt Figueroa et du financement des partis, qui représente une composante essentielle de la pluralité des opinions.
     Advenant une réforme du mode de scrutin, devrait-on procéder aussi à une réforme du mode de financement, ou préférez-vous que ces deux éléments demeurent séparés l'un de l'autre?

[Traduction]

    Je ne peux vraiment pas me prononcer pour les membres d'À l'Action là non plus. Nous ne les avons pas consultés à ce sujet. Nous sommes généralement partisans de tout ce qui pourrait aider les petits partis et un plus grand nombre de voix à se faire entendre à la Chambre, mais il faut approfondir la question, qui est énorme à elle seule.

[Français]

     Merci.
    Qu'en pensez-vous, madame Thomas?

[Traduction]

    Juste pour clarifier les choses, est-ce que vous parlez du financement public des partis politiques, par exemple de la subvention par vote obtenu ou quelque chose comme ça?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    J’ai tendance à être d’accord avec mon collègue, M. Massicotte, à savoir que ces questions sont distinctes, mais je pense aussi qu’elles sont liées.
    Dans les ouvrages sur le financement des partis et des campagnes électorales à l’échelle internationale, on constate que la plupart des pays ont une forme ou une autre de financement public. On pense généralement que c’est une bonne chose, parce que les partis politiques sont une institution fondamentale reliant les institutions représentatives et les électeurs. Je reconnais volontiers être en faveur de la subvention par vote obtenu. Je pense que c’est un moyen démocratique de financer les partis. Ça me semble aussi être un moyen de dire aux gens qui pensent que leur vote n’a servi à rien parce que leur candidat élu n’est pas le leur qu’ils font une contribution utile.
    Je pense qu’il vaudrait la peine de rouvrir ce genre de discussion sur le genre de financement public dont les partis ont besoin. Le contexte de nos anciennes habitudes n’est pas particulièrement brillant, mais je pense qu’il vaut la peine d’en discuter. Je sais que certains de mes collègues ne sont pas d’accord avec moi parce qu’ils n’apprécient pas nécessairement le système de la subvention par vote obtenu pas plus que l’idée du financement public, mais j’estime que c’est globalement une bonne chose.
    Je vous remercie.
    Madame May, c’est à votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolée de ne pas avoir eu le temps de poser ma question au professeur Massicotte. J’aurais aimé savoir ce qu’il pense du vote unique transférable.
    Pour donner suite à cette question, professeure Thomas, j’aimerais être sûre que je traduis bien votre point de vue sur l’expérience de la Nouvelle-Zélande. Laissez-moi essayer. Vous dites que le passage de la Nouvelle-Zélande du scrutin majoritaire uninominal à un tour à un système de représentation proportionnelle mixte a permis l’élection d’un plus grand nombre de femmes au Parlement, mais que ce n’est pas suffisant pour lever les obstacles informels qui continuent de les entraver.
    Est-ce que je me trompe?
    À condition qu’on ne dise pas que le changement était « nécessaire, mais insuffisant », parce que je ne pense pas qu’il était nécessaire, mais il a certainement été insuffisant, en effet.
    Je pose la question à Katelynn Northam. Selon les sondages effectués auprès des membres de Fair Vote, je crois que 85 % d’entre eux souhaitent une représentation proportionnelle. Avez-vous posé des questions sur certains types précis de proportionnelle et est-ce que vos membres préfèrent généralement un système de représentation proportionnelle mixte ou le vote unique transférable?
    Oui, nous avons posé cette question, mais notre organisation est À l'Action. Fair Vote est une autre…
    Oh, je suis désolée, je ne sais pas comment j’ai pu me tromper.
    Je tiens simplement à ne pas m’accorder le crédit de leur travail.
    Bien sûr! Et je connais bien À l'Action.
    Ne vous inquiétez pas.
    Nous avons fait quelques sondages internes auprès de nos membres, et les avis sont vraiment partagés. Beaucoup d’entre eux pensent que peu importe le système du moment que le principe est là. Il y a un peu plus de gens favorables au système de la proportionnelle mixte qu’au vote unique transférable. Je pense que c’est en partie attribuable au fait que le facteur de la représentation locale semble très familier et semblable à ce qu’ils connaissent déjà dans le cadre du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Ça semble assez simple et accessible sur le bulletin de vote. Je pense que beaucoup de nos membres diraient aussi que le vote unique transférable est un système très solide.
    C’est ce que nous analyserons à mesure que des propositions plus concrètes se présentent.

  (1605)  

    Vous n’aurez peut-être pas de réponse à me donner au pied levé, mais je suis curieuse de savoir ceci.
    Étant donné qu’une assemblée de citoyens en Ontario a recommandé l’adoption du système de représentation proportionnelle mixte et qu’une assemblée de citoyens en Colombie-Britannique a recommandé l’adoption du vote unique transférable, avez-vous l’impression que, au sein même d'À l'Action, on est plutôt partisan de la proportionnelle mixte en Ontario et du vote unique transférable en C.-B.? Je me demande jusqu’à quel point le travail de ces assemblées de citoyens continue d’alimenter l’opinion publique dans les deux provinces.
    Voilà une excellente question. Je pourrais jeter un coup d’œil sur ces données, parce que nous avons effectivement demandé aux gens de préciser leur province d’origine. Je pourrais vérifier les réponses respectives. Je ne serais pas surprise de constater que le système proportionnel mixte est plus populaire en Ontario.
    Je pense que ça en dit long sur l’importance d’instaurer de véritables processus de délibération sur ces sujets. Les assemblées de citoyens en sont certainement un bon exemple. Les provinces ont pu vraiment avoir une bonne conversation à ce sujet et sensibiliser la population aux différents types de scrutin. Comme je l’ai déjà dit, nous ne connaissons pas vraiment d’autres types de scrutin au Canada.
    Pour faire suite, et je ne sais pas si vous l’avez fait, mais avez-vous interrogé les milliers de personnes avec qui vous avez parlé dans vos communications en ligne sur les questions qui intéressent le comité en ce moment, par exemple le vote en ligne, le vote obligatoire, et aussi la question qui se pose carrément à nous en ce moment, celle du changement de l’âge du droit de vote, et ça m’intéresse particulièrement parce que je sais qu’il y a beaucoup de jeunes parmi vos membres.
    Oui, nous avons posé ces questions, et les résultats sont dans le mémoire. Ce mémoire est en cours de traduction, mais vous devriez l’avoir sous peu. Nous avons effectivement posé ces questions. J’aimerais pouvoir vous en dire plus, car les avis sont très partagés. Je pense qu’on a moins discuté de ces questions que d’autres, comme la proportionnelle, parmi nos membres.
    Nous avons constaté que les avis sont très partagés sur la question du vote obligatoire. Les gens s’inquiètent de la brutalité de la méthode, mais ils ont aussi l’impression que ça augmenterait la représentation et les voix de ceux qui n’ont pas l’habitude de voter ou de participer.
     Pour ce qui est du vote en ligne, là encore, les gens s’inquiètent de la sécurité, mais ils trouvent aussi que ça rendrait le vote plus accessible.
    Le vote des jeunes est moins populaire. Mais, quand on classe les résultats par tranches d’âge, les gens de moins de 30 ans sont très favorables. Je pense qu’il faudra en tenir compte.
    J’ai une dernière question et je crois que j’ai le temps de vous la poser.
    Étant donné qu’une de vos priorités est le climat, pensez-vous qu’il y a un lien entre notre système électoral et l’action du Canada sur le plan climatique?
    Oui, c’est ce que nous croyons, et je pense que c’est vraiment la raison profonde pour laquelle nous nous intéressons à cette question.
    Notre organisation est très grande, et nous avons des membres de tous les partis politiques. Les gens souhaitent transcender ces limites pour aborder de grandes questions comme le changement climatique, qui supposent une collaboration entre les partis. Alors, oui, je pense que c’est entre autres de là que ça vient. Nous sommes fatigués de voir à l'oeuvre le travail politique étroit qui se fait d’élection en élection dans le cadre du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Nous voulons voir une politique élaborée dans la collaboration et qui résistera à l’épreuve du temps au lieu de changer d’une élection à l’autre.
    Merci beaucoup, voilà une remarque intéressante.
    Madame Romanado, c’est à vous.
    Merci beaucoup.
    Professeure Thomas, je tiens à dire que vous êtes en plein dans le mille. Depuis deux semaines, j’entends des témoins nous expliquer toutes les raisons pour lesquelles la politique n’intéresse pas les femmes, et je peux vous garantir que ma propre décision n’a strictement rien eu à voir avec le système électoral en vigueur.
    Je pense que vous avez raison. Il existe des obstacles informels, et je ne crois pas qu’il n’y en ait qu’au stade de la décision d’obtenir une nomination ou de se présenter comme candidate, puis de faire campagne. Il y a aussi des obstacles après l’élection, quand on est effectivement élue.
    Je ne crois pas que ce soit seulement le cas pour les femmes; c’est aussi le cas pour les jeunes qui aimeraient se porter candidats et participer. Je sais que c’est un peu à côté du sujet, mais cette génération qui essaie de trouver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle n’a pas envie de vivre la moitié du temps à Ottawa et l’autre moitié dans sa province de résidence.
    J’aimerais que vous nous parliez un peu plus de ces obstacles qui n’ont rien à voir avec le système électoral et qui empêchent les jeunes, les femmes et les minorités visibles de participer à la vie politique.
    Merci de votre question. C’est très lié à un projet que j’ai en route avec Amanda Bittner, de la Memorial University, et un groupe d’universitaires étrangers intéressés par l’impact du genre et de la situation matrimoniale en politique. Cette étude et d’autres recherches révèlent des faits très nets.
    Premièrement, il y a quelque chose qui sera toujours un problème au Canada, et c’est la navette entre le lieu de résidence et le lieu de travail. Ça semble très banal, sauf que j’habite en Alberta et qu’un aller-retour à Ottawa par semaine est quelque chose que je ne ferais tout simplement pas, comme probablement un certain nombre de gens. Il n’en est tout simplement pas question. Les gens qui le font savent combien c’est difficile. Et pour ceux qui l’envisagent, c’est un des éléments qui deviennent problématiques avec le temps.
    L’idée que la politique locale est bonne pour les femmes découle d’un grand nombre d’études effectuées aux États-Unis, qui révèlent que les femmes s’engagent en politique en disant à peu près ceci: « Je veux agir à l’échelle locale parce que je veux aller au travail en voiture et non pas prendre l’avion pour la capitale de l’État ou le Capitole. » Autrement dit, ce n’est pas la politique locale qui intéresse en soi les femmes, c’est parce qu’il y a la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et celle de la navette entre le lieu de résidence et le lieu de travail.
    L’autre élément que révèlent très clairement ces études est la nature du travail politique et ce que ça représente pour les enfants. En Alberta, où j’habite, il se passe des choses très intéressantes. On est passé d’un parlement où il n’était même pas question de congé de maternité, de grossesse ou de nouveau-nés à deux transformations majeures, avec des programmes de congé de maternité non seulement pour les députés, mais pour les membres du Cabinet. L’un des aspects les plus manifestes du dernier parlement est que la nature du travail politique en soi ne donne pas lieu à un congé de maternité ou à un congé parental, ce qui est problématique, surtout quand il n’existe pas de garderie dans ce genre de lieu de travail ou à proximité pour prendre soin de nouveau-nés par exemple.
    Quand on regarde ce qui se passe en Australie ou en Grande-Bretagne et qu’on tient compte des données chronologiques de la Colombie-Britannique, on voit que c’est également devenu problématique pour ceux, par exemple, qui partagent un travail aux comités ou même celles qui amènent un bébé allaité aux réunions de comité. En Colombie-Britannique, à la Chambre des Lords britannique et en Australie, des députées ont été interdites d’accès parce que leur bébé était considéré comme un étranger. Quand on a fait valoir que c’était ridicule, dans le cas de la Chambre des Lords, l’argument supplémentaire a été que le lait maternel était un rafraîchissement et que les rafraîchissements n’étaient pas permis en comité. C’est pour cette raison que la mère allaitante ne pouvait pas entrer.
    J’aimerais vous dire que c’est une blague, mais ce n’est pas le cas. Quand on pense aux femmes de mon âge, dans la trentaine, qui veulent équilibrer vie professionnelle et vie personnelle en général, ce sont des considérations qui nous écartent résolument de la politique active.
    Voyons à l’avenir combien de jeunes pères sont disposés à participer eux aussi. Ce que je veux dire, c’est que ces choses touchent plus directement les femmes, en effet, mais je ne crois pas qu’il soit utile de formuler ces considérations du point de vue exclusif des femmes. C’est être un parent et faire de la politique qui fait la différence. Ce que ça donne au Royaume-Uni, c’est que, parmi les membres du Parlement, les hommes sont en majorité des parents, alors que les femmes ne le sont pas. Mes collègues britanniques estiment que c’est un problème.

  (1610)  

    Est-ce qu’il existe des études sur les jeunes Canadiens, hommes ou femmes, qui envisagent de se porter candidats? Nous voulons que les jeunes non seulement votent, mais envisagent des carrières politiques. Quels sont certains des obstacles auxquels ils se heurtent?
    Il y a une étude en cours, et je ne voudrais donc pas prétendre en tirer de conclusions définitives avant terme. Mais, en dehors de ce que j’ai déjà dit, il y a une chose qui devient claire: c’est que Internet, notamment ce qu’il retient de notre passé en ligne, a eu un effet dissuasif. Nous avons eu des candidats fédéraux de Calgary qui ont été éliminés à cause de choses qu’ils avaient mises sur Internet quand ils étaient très jeunes, vers 15 ou 16 ans, quelque chose comme ça.
    C’est là qu’on peut observer une intersection intéressante entre le vote des jeunes et leur mise en candidature. Si l’âge de la majorité est 18 ans, est-ce que ça veut dire que tout ce qu’on peut trouver à leur sujet sur Internet entrera en ligne de compte s’ils se portent candidats à l’âge de 22 ans? J’ai déjà dit officiellement que, d’après moi, ce que les gens ont fait dans leur vie privée, et même dans leur vie professionnelle en fait, des années ou des décennies avant de se porter candidats sont peut-être des considérations qu’on devrait considérer comme… eh bien, je doute que ce soit de bons repères pour juger d’un candidat. Tout le monde n’est pas de cet avis.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Rayes.

[Français]

     Madame Northam, vous parlez de votre organisation comme d'un organisme qui fait place à la participation citoyenne, qui consulte les gens. Vous avez dit vouloir opter pour un mode de scrutin proportionnel, quelle qu'en soit la forme.
    Êtes-vous d'accord pour que l'on consulte l'ensemble de la population canadienne par voie de référendum, une fois que le Comité aura désigné le mode de scrutin souhaité, afin d'entériner ce choix?

  (1615)  

[Traduction]

    Pour dire la vérité, nous aimerions simplement que des réformes soient mises en route. Nous ne pensons pas que le référendum soit l’alpha et l’oméga de la démocratie. Ça peut semer la discorde, comme on l’a vu dans d’autres circonstances.
    Comme l’a fait remarquer un des témoins, ce n’est pas un processus politiquement neutre. Nous sommes ouverts à d’autres processus de délibération, comme les assemblées de citoyens, mais un référendum n’est pas nécessairement un bon moyen de déterminer s’il y a lieu d’envisager une réforme. Comme je l’ai dit, notre organisation souhaite cette réforme.

[Français]

     Sur le site Web de votre organisation, il est écrit que celle-ci promet de défendre activement les référendums comme outil pour augmenter la participation des citoyens et qu'elle consulte régulièrement ses partisans sur divers enjeux. Votre propre site Web, qui fait la promotion de votre organisation, indique qu'elle veut défendre l'idée des référendums comme mode de consultation. Or, vous nous dites que, lors de vos consultations, vos membres vous ont dit qu'ils n'étaient pas nécessairement favorables aux référendums, car ils trouvaient cela trop dangereux.
    Serait-il dangereux de consulter la population canadienne?

[Traduction]

    Je suis désolée, mais je ne connais pas très bien cette partie du site Web dont vous parlez. Je travaille sur cette question depuis un an, et la position que j’ai exprimée est notre position officielle sur un référendum qui aurait pour objet la réforme électorale.
    Nous employons nous-mêmes des processus de délibération, de participation et de consultation, en ligne et hors ligne. Et nous utilisons toutes sortes de méthodes pour ça. Je ne crois pas avoir jamais dit que j’étais en faveur d’un référendum, mais je suis disposée à revoir le passage dont vous parlez.

[Français]

    Je vais vous en fournir une copie à la toute fin, mais c'est bien dans la rubrique « Démocratie ouverte » de votre site Web. Ce que je viens de vous dire est bel et bien écrit, mot à mot.
    J'irais même encore plus loin. Vous avez dit que notre système électoral était injuste. Je trouve ces mots très forts. En effet, plusieurs experts nous ont dit que ce système n'était peut-être pas aussi injuste qu'on le laissait sous-entendre. Il ne s'agit pas de n'importe qui. Ce sont des détenteurs de doctorats qui nous ont parlé de cette question.
    Vous dites que 85 % de vos membres souhaitent changer le mode de scrutin pour un mode proportionnel. Vous vous fiez à un sondage que vous avez effectué auprès de vos membres.
    Par ailleurs, d'autres sondages pancanadiens démontrent que plus de 70 % de la population canadienne souhaite qu'il y ait un référendum.
    Vous dites que les sondages effectués au sein de votre organisation seraient valides pour faire une proposition au Comité. Dans ce cas, pourquoi un sondage effectué auprès de la population canadienne ne serait-il pas, pour sa part, assez crédible pour justifier qu'on consulte l'ensemble de la population pour valider auprès d'elle non pas si elle veut ou non d'un nouveau mode de scrutin, mais si elle est favorable au changement proposé?
    Pourquoi dire deux choses différentes?

[Traduction]

    Le contexte est très différent. À l'Action n’est pas le Parlement. Nous sommes une organisation s’intéressant à la démocratie ouverte et à l’amélioration de notre démocratie. Nous employons ces processus à l’interne pour nous orienter quand nous sommes en présence de situations comme celle-ci.
    Je crois que c’est très différent de la situation où on pose la question à un pays tout entier, surtout quand il y a de multiples partis aux intérêts politiques différents. Le contexte est très différent de ce qui se passe dans ce comité. Je ne crois pas que ces idées se contredisent.

[Français]

    Ne trouvez-vous pas cela un peu particulier? Des organisations comme la vôtre ou comme celle dont nous avons reçu un représentant ce matin disent être en faveur de la participation citoyenne. Le représentant de cette organisation nous a dit que l'on devrait changer le mode de scrutin parce que le mode actuel n'était pas assez représentatif et qu'il devrait laisser plus de place aux citoyens. Toutefois, le mode de consultation ultime, qui pourrait être utilisé dans le cas d'un enjeu si fondamental, n'est pas considéré comme correct par votre organisation. Il pourrait permettre de valider une proposition d'un comité parlementaire.
    Êtes-vous favorables à cette orientation?

[Traduction]

    Il n’est pas vrai, selon moi, que le référendum soit le moyen ultime de demander son avis à la population. Il y a bien d’autres moyens de le faire. Le référendum, selon nous, est très sujet aux influences politiques, ce n’est pas un processus neutre. C’est tout ce que nous pouvons dire.

  (1620)  

    C’est au tour de monsieur DeCourcey.
    Professeure Thomas, j’aimerais approfondir la question de l’équité de la représentation, qui, si je comprends bien et corrigez-moi si je me trompe, supposerait que le Parlement traduise la diversité ethnoculturelle du pays. C’est bien ça?
    Pas exactement. Je dirais que l’argument sur lequel j’aimerais revenir est celui d’Hanna Pitkin, à savoir ce qu’on appelle communément la « représentation en miroir », selon laquelle tous les groupes d’une société devraient être représentés dans les institutions à la mesure de leur poids démographique.
    D’accord. Ce serait donc plus large que ça et comprendraient les éléments démographiques du genre et de l’âge. L’équité de la représentation tiendrait compte de toutes ces considérations.
    Oui, les données sociodémographiques sont les plus faciles à trouver, et, franchement, les femmes forment le groupe sociodémographique le plus facile à présenter comme étant celui qui en chapeaute beaucoup d’autres, étant entendu que tous ces groupes ont des points de vue très divers en rapport avec la politique.
    Certains appliqueront l’idée à des groupes idéologiques et à des modes de pensée autres, mais le gros de l’étude axée sur l’équité regarde des groupes tels que les femmes, les minorités visibles et les peuples autochtones au Canada, quiconque à qui, sur le plan historique, on a interdit de prendre part au débat électoral pour une raison quelconque, et des choses du genre.
    Je vous remercie.
    Je vais emprunter une expression entendue ce matin et dire que ça représenterait un bien parfait dans notre démocratie, dans notre Parlement, et interpréter cela comme étant différent de la recherche d’un Parlement représentatif des divisions partisanes au pays. Est-ce que cela aussi serait clair?
    Le second volet de cette question, c’est que j’ai compris de votre témoignage que la recherche d’une représentation des différents partis politiques au Parlement n’est pas nécessairement la meilleure façon de rechercher l’équité dans la députation au Parlement; si c’est le cas, que nous conseillez-vous d’adopter comme tactiques, comme politiques, comme recommandations pour favoriser une députation équitable au Parlement?
    Je répondrais que la répartition des suffrages obtenus et le mode de report de ces résultats sur les sièges pourvus, c’est différent de la question de savoir à quoi ressemble la population et à quoi ressemblent les députés. Ces deux éléments doivent être considérés comme distincts.
    Évidemment, étant donné que j’ai laissé entendre que les partis politiques d’un bout à l’autre de l’échiquier font partie du problème de représentation quand il est question d’équité, je ne peux pas dire que l’équité partisane est un moyen d’aboutir à l’équité dans la députation.
    La raison pour laquelle nous parlons de poids démographique est importante. Nous savons que les femmes présentent une diversité sur le plan idéologique, qu’elles affichent des préférences politiques diverses et qu’elles possèdent des expériences politiques diverses qui recoupent plusieurs préférences partisanes et touchent plusieurs frontières partisanes. La même chose est valable pour les minorités visibles et les peuples autochtones. Par conséquent, le genre de questions qu’il faut poser pour trouver des solutions doit chercher à définir ce à quoi, au fond, on veut que ressemblent les députés.
    Pour les femmes, je pense que c’est plus facile, parce qu’on peut dire que la moitié de la population est féminine et que, par conséquent, la moitié des députés devrait être de sexe féminin, ou encore vous pouvez soutenir que c’est ce qui devrait se produire. Ce qu’il faut éviter, cependant, c’est de reproduire d’autres formes d’iniquité. Que la moitié des députés soit des femmes blanches, fortunées et instruites ne règle pas le problème.
    Ce qu’on veut voir également, c’est la diversité au sein des collectivités. À l’heure actuelle, lorsque vous examinez le poids démographique des minorités visibles et des peuples autochtones au Canada, vous constatez qu’ils sont en plus grand nombre que les femmes à la Chambre des communes, mais qu’ils sont majoritairement de sexe masculin, d’âge mûr et toutes les choses du genre.
    M. Matt DeCourcey: Avez-vous un…
    Mme Melanee Thomas: Par conséquent, la question doit…
    Pardon.
    J’allais vous demander comment simplifier cette question quand nous irons à l’étranger et consulterons les Canadiens, parce que je pense que c’est une question importante à leur soumettre.
    Est-ce que nous leur demandons s’ils souhaitent une représentation démographique au Parlement et s’ils comprennent que c’est là autre chose qu’une représentation partisane? Est-ce que nous leur demandons laquelle compte plus à leurs yeux?
    Je sais ce que la population va vous répondre, parce qu’on leur a posé la question dans notre étude sur les élections canadiennes.
    Les Canadiens qui s’occupent de politique ont tendance à être plus âgés, plus souvent blancs, plus fortunés et plus souvent de sexe masculin, par rapport à l’ensemble de la population canadienne, et ils se présenteront en plus grand nombre que les autres groupes pour témoigner devant vous lors de votre tournée. Quand vous les interrogerez sur la diversité de la députation, ils vous répondront qu’il n’y a pas de problème. Les hommes ne considèrent pas la sous-représentation des femmes comme étant un problème, contrairement aux femmes. Les Blancs ont tendance à ne pas croire que la sous-représentation des minorités visibles soit un problème, mais ces communautés croient le contraire.
     Par conséquent, la discussion qu’il faut avoir doit porter sur la volonté d’une équité dans la représentation, ou non, parce que ça compte vraiment pour l’information qui sera mise de l’avant dans une politique. Si vous posez cette question à la majorité, elle ne vous répondra probablement pas que c’est une bonne idée. Beaucoup de gens vous diront qu’ils sont avantagés par le statu quo, donc qu’ils aiment la situation actuelle. C’est pourquoi je pense que le fait de poser ce genre de question à l’auditoire n’est probablement… Je connais le genre de réponses que vous allez entendre, et ils ne vous diront pas qu’il devrait y avoir des femmes, des minorités visibles ou des autochtones en plus grand nombre.
    La décision de résoudre ces inégalités sur le plan de la représentation et les solutions à ces inégalités incombent aux partis politiques parce que ce sont eux qui effectuent le recrutement. Quand on a des gens dont la tâche consiste à trouver des personnes prêtes à poser leur candidature, pour ensuite assurer la présentation de la candidature de ces personnes et finalement leur élection, c’est là où se jouent le ciblage et la détermination des personnes que vous jugez dignes de vous représenter.

  (1625)  

    Bien, je vous remercie.
    M. Cullen est le prochain à prendre son tour.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je continue avec vous, madame Thomas. Peut-être que Mme Northam voudra faire une remarque par la suite.
    Vous avez cité des partis politiques. Je sais que vous vouliez ajouter que le NPD faisait exception à la règle, parce que nous avons fait du bon travail; ce n’était pas parfait, mais mieux que les autres, je dirais. Pourtant, nous n’avons pas été « contagieux », pour reprendre le terme que vous avez utilisé plus tôt. Un meilleur terme serait bien, peut-être…
    Des voix: Oh, oh!
    M. Nathan Cullen:… pour parler des efforts d’amélioration de la représentation des femmes? J’ai siégé à plusieurs comités du NPD qui se sont penchés sur la nature de ces obstacles, comme l’a indiqué Mme Romanado, et il ne s’agissait pas seulement d’en parler mais aussi de trouver des moyens de les écarter. Nous avons présenté un projet au Parlement à cet effet, pour, comme vous l’avez dit plus tôt, y rattacher de l’argent. Si la présentation de la candidature d’un faible nombre de femmes entraînait une pénalité sur le plan financier, les partis feraient plus d’efforts.
    Est-ce que je traduis bien votre pensée? Je ne voudrais pas exagérer ni déformer vos propos.
    Je crois, oui.
    Là où le mécanisme s’applique, de mon point de vue, c’est que tout le monde sait que personne ne se porte candidat pour un parti politique avant que le chef n’ait signé la politique de mise en candidature, donc je conforterais cette idée en disant que si les chefs de parti voulaient que leurs candidats aient un certain profil, ils ne signeraient pas de déclaration de candidature avant que le candidat concerné n’ait le profil souhaité.
    Pour être franche, et c’est là où…
    Si c’était un bon coup sur le plan financier, n’est-ce pas? Le lien serait que le remboursement serait moindre.
    Oui, exactement. Voilà. Je comprends cette politique et je suis extrêmement cynique quand je l’appuie, mais aucun chef de parti ne va concevoir un scénario où il n’obtient pas le remboursement du montant total. Il va ordonner à son monde de trouver des candidats qui lui rapporteront le maximum. C’est une approche vraiment cynique, mais je ne suis pas la seule parmi mes collègues à penser que s’il y avait de l’argent en jeu, le problème se règlerait du jour au lendemain.
    Je peux comprendre le cynisme en jeu, mais si le Canada se classe au 62e rang dans le monde aujourd’hui, on a besoin de moyens concrets, pas de simples gestes, ni de mesures symboliques, ni des gazouillis. On a besoin de choses qui permettront d’indiquer aux partis et aux chefs de parti comment s’organiser pour offrir aux Canadiens un choix qui donne une image plus juste de la population, aussi radicale que soit cette notion à leurs yeux.
    Je ne sais pas, madame Northam, si vous avez des remarques sur ce mécanisme en particulier ou sur autre chose que vient de déclarer Mme Thomas.
    Je crois que nous y sommes favorables d’une manière générale et je suis d’accord avec son affirmation voulant qu’il existe de multiples obstacles à la participation des femmes et que nous devons tous les examiner. Nous avons laissé entendre que la représentation proportionnelle pourrait constituer un moyen d’y arriver, mais j’admets, évidemment, que ce n’est pas là la principale solution.
    Je m’adresse de nouveau à nos deux témoins.
    On nous a remis une étude de l’expérience australienne s’étendant sur 60 années. Sous le régime du vote alternatif tout au vainqueur, 2,5 fois moins de femmes que sous le régime du scrutin proportionnel ont été élues à la législature australienne, les mêmes règles électorales et la même culture politique étant pourtant en place. Le nombre de femmes a été 2,5 fois supérieur. Bien qu’on ne prétende pas que ce soit là le remède miracle au problème que l’on tente ici de résoudre, le témoignage d’universitaires respectés atteste de l’utilité d’en prendre bonne note.
    Nous avons constaté les mêmes données probantes. Comme je l’ai dit, nous examinons toutes les solutions, et l’expérience de pays qui appliquent la représentation proportionnelle semble bien attester d’une amélioration dans ce domaine. Je pense qu’il reste beaucoup à faire pour accroître la participation des femmes à la vie politique et qu’il faut donc envisager toutes les options possibles.
    Madame Thomas, est-ce que vous soutenez alors qu’il y a corrélation, mais pas causalité? Est-ce que tout le monde pense cela des systèmes proportionnels.
    Une chose, quand il est question de modèle empirique, c’est que le type de système électoral offre un indicateur grossier. On ne peut affirmer que le système cause un paquet de choses parce qu’on ne sait pas ce qui agit effectivement comme mécanisme causal.
    Dans le cas de l’Australie, je fais remarquer que vous gaspillez votre vote pour le Sénat si vous ne classez pas par ordre tous et chacun des candidats, ce qui veut dire que la plupart des Australiens ne font que cocher la case et disent ainsi respecter l’ordre établi par le parti, donc c’est le parti qui décide de la structure de la liste.
    Ça reprend mon principal argument, c’est-à-dire que si les partis voulaient vraiment la parité dans la liste soumise au scrutin à vote unique transférable pour l’élection au Sénat, ils composeraient leur liste en conséquence. La même chose s’applique dans le cas du vote alternatif. On exprime ainsi l’idée sexiste que les femmes pourraient ne pas être capables de gagner dans les circonscriptions de la même façon que les hommes le font en se présentant comme le bon candidat ou le meilleur.
    On remonte à la mise en candidature. Au Canada, on peut vous dire que tous et chacun des partis politiques, en préparation des élections fédérales de 2008 et de 2011, ont présenté des femmes comme candidates dans les circonscriptions où ils savaient que leur parti n’allait pas gagner. On a pris ça pour des sièges vacants, autant que les titulaires.
    Je ne pense pas échafauder une hypothèse trop hardie en insinuant que les partis ont une idée générale des endroits où ils vont effectivement gagner, et qu’ils désignent leurs candidats en conséquence.

  (1630)  

    Pourtant, les femmes n’ont jamais, dans ce pays, atteint le plafond de verre fixé à 30 % des noms inscrits sur le bulletin de vote.
    Ce n’est pas vrai.
    Au provincial, nous avons un groupe parlementaire composé à 47 %...
    Je parle du gouvernement fédéral.
    Oui, mais les provinces montrent bien que les partis pourraient fonctionner autrement, s’ils le voulaient.
    En effet.
    Je vais m’en remettre à ma première ministre qui affirme que cette place qui attend les femmes ou les autres groupes traditionnellement sous-représentés ne se creuse pas spontanément. Elle ne va pas apparaître spontanément sous notre régime ni en raison de l’adoption de la représentation proportionnelle. On doit leur faire une place.
    Les deux sont possibles. Je suppose que c’est là le but de l’exercice. Il n’y a pas que deux possibilités.
    Nous allons passer à M. Rayes, maintenant. Il va poser quelques questions.

[Français]

     Merci.
    Madame Thomas, je vais vous permettre de continuer à vous exprimer en continuant dans le même sens.
    Dans tout le débat sur la réforme électorale, on entend de grandes citations de plusieurs personnes, mais j'ai vraiment l'impression qu'on laisse croire aux gens qu'en changeant le mode électoral, on va régler une bonne partie des problèmes de représentation et de taux de participation aux élections.
    Selon la façon dont vous expliquez cela, j'ai plus l'impression qu'on pourrait poser des gestes concrets au sein des partis politiques en travaillant tous à changer la culture même au sein du Parlement, afin d'arriver à des résultats sans nécessairement changer le mode de scrutin.
    Est-ce que je me trompe en disant cela?

[Traduction]

    Oui.
    En ce qui concerne la représentation équitable, rien ne justifie à mes yeux que ce ne soit pas en train de se réaliser actuellement, si ce n’est pour des motifs indéfendables. On parle de 169 femmes. C’est ce petit nombre qu’il faut trouver. Qu’on ne les trouve pas me stupéfie. J’éprouve une stupéfaction encore plus profonde, sincèrement, lorsqu’il est question de personnes autres que blanches ou autochtones.
    Je suis favorable à l’idée d’avoir les deux, soit un système plus proportionnel qui reflète mieux les préférences partisanes de l’électorat dans la députation. Nous pouvons effectivement avoir les deux, mais, pour moi, il est clair, si je me base sur mon interprétation des travaux de recherche ayant porté sur le paysage politique canadien, que la majorité de nos problèmes sur le plan de la représentation peut être réglée immédiatement sans changer les institutions. Je ne crois pas vraiment qu’en l’absence de la volonté des partis et autres acteurs politiques de résoudre ces problèmes maintenant…

[Français]

    Madame Thomas...

[Traduction]

    … on y arrive en adoptant un système électoral différent. C’est ce que je veux dire.

[Français]

    Madame Thomas, donc, si on prenait toute l'énergie que ce comité consacre à cette question, toutes les ressources financières qui y sont allouées et toute la volonté politique de notre premier ministre, et que chacun des partis politiques les utilisait pour poser des gestes concrets afin qu'il y ait 169 femmes qui se présentent aux prochaines élections, on réglerait le problème beaucoup plus rapidement.

[Traduction]

    Non, ma question s’adresse à tous les partis politiques. Pourquoi vous ne le faites pas maintenant? Je ne vois aucune bonne raison de ne pas le faire.

[Français]

    Tout à fait.

[Traduction]

    Je pense que le processus actuel qui me permet de poser cette question à tous les partis politiques est bien sûr valable, pour la simple raison que cette question est dorénavant sur la place publique.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je ne sais pas si ça répond à votre question.

[Français]

    C'est parfait. Vous y avez très bien répondu.
    Madame Northam, malgré tout le processus qui est mis en place, je ne peux pas dire qu'il y a foule en ce moment dans les différentes consultations qui ont commencé. On verra ce qui se produira dans la tournée pancanadienne.
    Est-ce que vous considérez que le processus de consultation mis en place par le gouvernement est assez exhaustif pour légitimer un changement du mode de scrutin en ce moment?

  (1635)  

[Traduction]

    Du point de vue de notre communauté, comme je l’ai dit plus tôt, ce serait bien que ça se fasse. On nous en parle depuis un bon bout de temps. Nous assistons à certaines assemblées publiques et nous avons vu des salles bondées. J’espère que c’est ce que vous vivez vous aussi, que beaucoup de gens sont tout excités de venir vous parler.
    Je pense qu’il pourrait y avoir d’autres moyens d’échanger à ce sujet. J’ai mentionné les assemblées citoyennes, qui sont considérées comme un très bon exemple d’une manière de débattre de ces questions à l’abri de toute influence politique. Nous avons la ferme intention de participer à ce processus dans la mesure où il est connu.

[Français]

    Votre organisation est-elle en faveur de tout changement au mode de scrutin ou est-elle strictement en faveur d'un mode proportionnel?

[Traduction]

    À l’heure actuelle, notre communauté appuie la représentation proportionnelle, donc c’est la formule que nous appuyons. Nous n’avons pas adopté de position définitive sur les autres sujets, à ce stade, mais si ça se produit ultérieurement, il me fera plaisir de vous en informer.

[Français]

     Si, ultimement, le gouvernement décidait de présenter une autre proposition, vous n'auriez aucune autre possibilité de vous exprimer, même si celle-ci n'allait pas dans le sens de votre opinion, étant donné que vous n'êtes pas en faveur d'un référendum pour que la population puisse s'exprimer. Est-ce exact?

[Traduction]

    Nous surveillons le déroulement des choses. Nous avons la ferme intention de participer au processus jusqu’au bout. En tant que communauté, nous savons vraiment soutenir les causes qui nous tiennent à cœur. Nous chercherions à entrer en contact avec les députés, tout dépendant de la proposition présentée au bout du compte. Nous devrions faire une pause, le temps de réévaluer la situation et de décider de ce que nous voulons faire à ce stade-là, donc je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cette question.
    Je vous remercie.
    Mme Sahota est la prochaine à prendre le micro.
    Merci.
    Je ris parce que nous étions en train de parler de recrutement et nous pensons qu’on devrait vous recruter, madame Thomas. Vous feriez une excellente politicienne, sauf que vous refusez de voyager et que vous avez peut-être un cœur trop sensible.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Ruby Sahota: Je ne veux pas être un témoin et je veux apprendre le plus possible de tous les témoins présents. Par ailleurs, je fais partie d’un groupe minoritaire, je suis une femme et j’ai été candidate à la dernière élection. J’ai un jeune fils, donc j’ai une jeune famille.
    Je peux témoigner de ce qui a motivé ma décision et des obstacles auxquels j’ai eu l’impression d’être confrontée et que je rencontre encore aujourd’hui, des raisons pour lesquelles je parle à beaucoup de femmes que je connais, en essayant de les encourager à présenter leur candidature, et des réponses qu’elles me donnent.
    Une partie des objections ont trait à ces histoires d’Internet auxquelles vous avez fait allusion plus tôt, aux coups bas portés pendant la campagne électorale. Dans certaines circonscriptions, on y est plus enclin qu’ailleurs, dépendant de l’adversaire et de sa réputation. Des femmes ne veulent pas prendre le risque d’en subir les conséquences. Des fois, elles craignent d’être plus affectées que leurs homologues masculins.
    Je peux affirmer sans crainte de me tromper que le système électoral n’était pas en cause. La plupart des femmes qui veulent faire de la politique aime la concurrence et aime la politique. C’est pour ça qu’elles sont là, mais c’est aussi pour ces autres choses qu’a mentionnées ma collègue, Mme Romanado. C’est ce qui suit l’élection.
    Je siège au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous examinons beaucoup de facteurs que nous pouvons changer dans le Parlement pour le rendre plus inclusif, pour permettre à un plus grand nombre de prendre la décision de se présenter aux élections. Les déplacements dont vous avez parlé rebutent à un grand nombre.
    L’équilibre travail-famille est un autre facteur important. Comment l’atteindre? Comment s’assurer que nos enfants ne deviendront pas des étrangers? Comment apporter ces modifications à la procédure, par exemple le congé de maternité? Il y a énormément de considérations qui dictent le choix des femmes. Certains obstacles freinent également les hommes, mais il y a d’autres facteurs biologiques et problèmes qui contraignent uniquement les femmes.
    C’est très compliqué. Il est très difficile de mettre le doigt sur la raison pour laquelle il n'y a pas plus de femmes en politique. Il est très facile d’affirmer simplement que c’est là l’explication et que la solution, c’est notamment la représentation proportionnelle. Si nous avions un système de représentation proportionnelle déjà en place, vous pourriez peut-être expliquer le fait que les deux sexes sont également présents au sein du Cabinet en affirmant que les pays avec représentation proportionnelle commandent un Cabinet où les deux sexes sont présents à parts égales. Eh bien! ce n’est pas le cas. C’est une question de volonté politique, comme vous l’avez dit. Si vous voulez la parité, vous faites le nécessaire pour l’avoir.
    Je suis tout à fait d’accord avec la position voulant que nous ayons besoin de la volonté politique de tous les partis, peu importe lequel, pour obtenir que le Parlement soit le miroir de la société.
    Je vous remercie des témoignages livrés aujourd’hui. Vous nous avez offert beaucoup de sujets de réflexion.
    Je veux vous donner la parole, madame Thomas et madame Northam. Si vous voulez ajouter quelque chose avant de quitter, des choses que vous n’avez pas été en mesure de mentionner aujourd’hui, je vous invite à prendre la parole.

  (1640)  

    En ce qui concerne le recrutement, il y a des gestes concrets qui pourraient être posés et dont la récompense viendrait plus tard.
    Nous savons que les partis politiques forment des équipages dont les membres sont amenés à bon port, soit au bureau de scrutin. Nous savons que les membres des partis sont plus de sexe masculin que de sexe féminin. Nous savons que les membres de sexe féminin, du moins selon l’étude réalisée dans le passé par William Cross et Lisa Young, occupent des postes différents de ceux occupés par les hommes.
     Les résultats de cette étude combinés à ceux d’autres études me font dire ceci: recruter des femmes pour en faire d’abord des candidates comporte un fort risque d’échec. Je proposerais que tous les partis politiques recrutent des femmes pour en faire des membres du parti et intègrent ces dernières dans les processus démocratiques internes du parti. L’autre constatation qui ressort de l’étude, c’est que les femmes qui occupent des postes clés au sein des partis vont attirer d’autres femmes qui seront des candidates ou de simples membres du parti.
    L’autre chose que l’étude met en évidence, c’est que les femmes ont besoin de beaucoup de temps pour s’organiser de manière à être en mesure de poser leur candidature à une élection, beaucoup plus de temps que certains hommes qu’on approche. Le processus peut prendre plusieurs années. Si vous approchez quelqu’un deux mois avant la tenue du scrutin, il est probable que la réponse sera négative. Si vous les approchez deux ans avant le scrutin, la réponse pourrait être un peu différente.
    La dernière chose que je dirais, un point qui a été soulevé dans l’étude que j’ai menée avec ma collègue, Mme Lisa Lambert, c’est moins en lien avec Internet, mais ça a tout de même un rapport avec ça: les députées ont dit, en parlant de l’exercice de leurs fonctions en d’autres termes que leurs homologues masculins, que, pendant les séances de la Chambre, tant leur sécurité personnelle que celle de leurs enfants les préoccupe. Voilà un élément additionnel à prendre en compte quand il est question de trouver ces 169 femmes et de faire le nécessaire pour les amener à effectivement se prêter à l’exercice.
    Madame Northam, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Sur ce point précis, pas vraiment. Je tiens seulement à tous vous remercier et je terminerai en vous disant que si vous penchez pour le scrutin majoritaire uninominal à un tour, vous soutenez un mode de scrutin où des millions de Canadiens sont sous-représentés.
    Je pense qu’il s’agit de décider si nous pouvons faire mieux et si nous pouvons mieux assurer la représentation des habitants de ce pays. Je vous laisse avec cette pensée.
    Nous vous remercions.
    J’ai une dernière question que j’aimerais poser.
    Dans les pays qui appliquent les systèmes de liste, que ce soit la représentation proportionnelle compensatoire ou la représentation proportionnelle pure et dure — et je sais que peu entrent dans cette dernière catégorie — en général, quelle est la composition de la liste du point de vue des pourcentages d’hommes et de femmes? Naïvement, j’ai cru que les parts seraient égales, puisque c’est là une des raisons pour lesquelles vous opteriez pour une liste. C’était naïf de le croire.
    Est-ce que les parts sont presque égales? En Europe, par exemple, on pourrait croire que les listes comprennent autant d’hommes que de femmes, mais est-ce le cas?
    J’ai les chiffres des pays démocratiques membres de l’OCDE, c’est-à-dire les pays d’Europe et quelques autres. Dans les pays qui appliquent la représentation proportionnelle avec listes et quota de candidates réglementé, leur législature comprend 32 % de femmes. Si le quota est laissé à la discrétion des partis, cette part passe à 29 %. S’il y a deux quotas, l’un établi dans la loi et l’autre laissé aux partis, le pourcentage de femmes atteint 28 %. Ces chiffres m’indiquent que si les partis fixent volontairement des quotas et qu’ils établissent des quotas dans les lois, les obstacles sont considérables.
    Les pays qui n’ont pas de quotas affichent un pourcentage de 30 %...
    Pardon, je ne comprends pas. Je suis perdu. Je regarde seulement la liste. Je ne m’intéresse pas à la partie du système qui vise les circonscriptions.
    Dans une liste utilisée aux fins de la représentation proportionnelle ou de la représentation proportionnelle mixte compensatoire, quel pourcentage de la liste les femmes représentent-elles habituellement? Est-ce que des pays ont des listes composées à parts égales d’hommes et de femmes, y en a-t-il où la répartition est 60 % - 40 %? Comment est-ce que ça fonctionne?

  (1645)  

    L’écart est important et il est fixé par chaque parti politique.
    Je peux vous dire qu’il y a au moins un parti en Suède dont la liste est composée à parts égales d’hommes et de femmes, mais il y a beaucoup d’autres partis suédois où ce n’est pas le cas.
    Bien. D’accord, c’est là le problème.
    Étant donné que les partis établissent leurs listes, c’est à chacun d’eux qu’il revient d’établir combien de femmes ils veulent inscrire sur leurs listes. Il n’y a pas de règle absolue. Il n’y en a vraiment pas.
    Oui, donc, ça ne concourt nullement à l’égalité, dans ces pays. C’est n’importe quoi.
    En effet, ça n’aide pas. C’est exact.
    D’accord, merci.
    Cette séance a été formidable, et j’ai l’impression qu’une grande partie des témoignages entendus aujourd’hui se retrouveront dans le rapport.
    Je vous remercie de votre participation à partir de Calgary.
    Je vous remercie de votre participation sur place, madame Northam, et je remercie M. Massicotte, qui est absent.
    Je vous remercie de nous avoir réservé un créneau aujourd’hui. Bonne fin de journée. Merci.
    Chers collègues, nous allons faire une pause de 10 minutes environ parce que nous…
    Une voix: Nous n’avons pas une autre réunion.
    Le président: Nous n’avons pas une réunion?
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: D’accord. Je croyais qu’on allait faire une chose ou l’autre. Il y a tellement de réunions… J’ai cru qu’il y avait une réunion.
    Chers collègues, j’ai encore le maillet à la main; je vous rappelle que nous avons une réunion demain matin, à 9 h 30, dans cette salle. Je suis désolé que nous n’ayons pas de réunion après celle-ci.
    La séance est levée.
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