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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 septembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1335)  

[Français]

    Nous sommes très heureux d'être de retour à Québec, une ville magnifique, en cette merveilleuse journée automnale.
     Pour ceux qui l'ignorent, c'est la 28e séance du Comité, et la 4e séance dans le cadre de sa tournée pancanadienne qui a débuté lundi à Regina. Nous étions à Winnipeg, mardi, à Toronto, hier, et aujourd'hui, nous sommes dans la belle ville de Québec. Nous allons poursuivre cette tournée pendant deux semaines et demie.
    Je vais expliquer le déroulement de nos travaux aux témoins et aux membres du public. Les témoins disposent de 10 minutes pour faire leur présentation. Il s'agira dans un premier temps de M. Dutil et de M. Rémillard.
    Par la suite, les présentations seront suivies d'une période de questions où chaque député pourra intervenir et s'entretenir avec les témoins pendant une période de cinq minutes. Cela comprend les questions des députés et les réponses des témoins. Grâce à ces échanges, nous en apprenons beaucoup sur la réforme électorale et sur ce que les gens souhaitent comme système électoral et pour quelles raisons ils souhaitent avoir des changements.
    Sans plus tarder, j'invite M. Dutil à prendre la parole pour une période de 10 minutes.
     Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité, je vous remercie.
    J'ai acquis une certaine expertise dans le domaine des modes de scrutin au cours des consultations provinciales au Québec. J'ai moins touché à cette question depuis quelques années. La dernière consultation remonte à  2007. Toutefois, je demeure assez au fait des recherches dans le domaine.
    Tout d'abord, les modes de scrutin ont été étudiés dès l'an 105 de notre ère. Il en a été question pour la première fois dans un travail de Pline le Jeune alors qu'on s'est aperçu que la pluralité des voix exprimées posait problème quand il y avait plus de deux candidats. C'est le sujet d'un jugement assez célèbre en droit.
    Cette question a été perdue de vue pendant plusieurs siècles. Au XIVe siècle, le philosophe catalan Ramón Llull a commencé à étudier cette question, suivi par son disciple Nicolas de Cues, au XVe siècle.
     Après un oubli de quelques siècles, le marquis de Condorcet et le chevalier de Borda ont redécouvert le problème de la pluralité lors de la Révolution française au XVIIIe siècle. Enfin, le mathématicien anglais, Lewis Carroll, a aussi étudié le sujet au XIXe siècle.
    Ce domaine d'études, qu'on appelle la théorie du choix social, a pour objet la façon de choisir le meilleur candidat possible.
     Une autre branche du même domaine est la théorie de l'équité, qui traite du problème de la proportionnalité ou de savoir comment on distribue les sièges de la façon la plus équitable possible. Cela a énormément été débattu par les Américains quand ils ont dû écrire leur Constitution afin de savoir comment ils allaient distribuer les sièges. Ils ont beaucoup travaillé sur cette question.
    Une chose est vraiment frustrante relativement à toute cette recherche. Chaque fois, les gens ont recommencé à zéro parce que personne ne connaissait le travail des autres. Au cours des années 1950, quelqu'un s'est finalement assis pour travailler efficacement et des travaux ont été faits par des mathématiciens et des politicologues.
     Encore une fois, le problème est que ce sont deux branches des sciences complètement différentes. Dans le cas de ce qu'on appelle l'économie politique, les gens ont travaillé sur les modes de scrutin, et dans le cas de la science politique, les gens ont étudié l'effet des modes de scrutin. On a tout ce qu'il faut pour faire un bon mode de scrutin. La connaissance est là, mais elle est éparpillée dans trois ou quatre domaines et les gens ne se parlent pas.
    Comme je suis un physicien, les barrières interdisciplinaires ne me posent pas de problème. J'ai donc recueilli des parties de toutes ces connaissances pour me faire une idée de ce qui devrait être fait.
    La recherche officielle a donc commencé dans les années 1950. Le dernier mode de scrutin original qu'on a inventé est le mode compensatoire allemand, qui date à peu près de la même époque. En définitive, aucun système électoral actuel sur la planète n'a bénéficié des recherches qui ont été faites au cours des 60 dernières années.
    J'ai d'ailleurs lu que la Society for Social Choice and Welfare, un groupe qui travaille sur la théorie du choix social, n'avait été consulté qu'une seule fois, soit par le gouvernement de la Mongolie lors d'une réforme électorale. Je vais essayer de vous faire part de quelques règles générales pour vous donner une idée à cet égard.
    Il faut savoir qu'il y a deux grandes familles de modes de scrutin. Il y a les modes de scrutin qui servent à élire un candidat, soit un maire ou un président. Dans notre cas, au Canada, ce serait peut-être le gouverneur général ou le Président de la Chambre des communes. Cette famille comprend 20 ou 25 modes de scrutin tels que le mode transférable, le N-tour, ceux de Condorcet, ceux de Borda et ainsi de suite. Un peu plus tard, M. Côté va vous parler du vote par jugement majoritaire, une innovation récente qui me semble très intéressante. Bref, ces méthodes servent à élire une personne, et si vous voulez élire un président, ce sont les meilleures méthodes à considérer.
    Si vous voulez élire une assemblée, l'idée de Montesquieu est d'avoir quelque chose qui représente le mieux possible la population. Il s'agit d'une autre classe de modes de scrutin complètement différents qui sont dans les familles des modes de scrutin proportionnel. Il y en a une vingtaine, et cela comporte aussi son lot de problèmes.
    Par ailleurs, des facteurs limitatifs proviennent des capacités limitées du cerveau humain. On n'est pas notamment en mesure de faire des séries de plus de sept éléments. On ne peut aller au-delà de cela. Lors d'un scrutin expérimental que j'ai fait avec un certain nombre de candidats en 2007 à l'Université Laval, le septième candidat disparaissait dans l'esprit des gens. Il n'existait plus. En France, un scrutin expérimental a également été fait à ce sujet. Il y avait énormément de candidats présidentiels. Les gens n'étaient pas capables d'évaluer plus de sept candidats. Cela dépassait leurs capacités. Ça, c'est un facteur limitatif. Peu importe le mode de scrutin, on ne peut pas aller au-delà de ces limites du cerveau humain.
    Les modes de scrutin ont un effet, et je ne pense pas être le premier à vous le dire. Dans le cas d'un système de pluralité, un incitatif économique vous pousse à investir votre argent sur le meilleur candidat et, le jour du vote, il ne reste que deux grands partis ou deux candidats. Par exemple, si on n'aime pas l'un des candidats, on va voter pour celui qui a le plus de chance de battre ce candidat que l'on n'aime pas. C'est une mécanique purement économique, qui tend toutefois à disparaître. Certaines personnes désillusionnées diront, par écoeurement de la politique, que les gens vont voter plus sincèrement. On voit cela au Québec où cet électorat augmente de plus en plus.

  (1340)  

     Dans les systèmes proportionnels, il y a une distribution qu'on appelle la loi de Lefebvre. Dans les systèmes de pluralité, c'est la loi de Duverger.
    Dans les systèmes proportionnels, c'est la loi de Lefebvre — une loi en psychologie —, qui correspond à peu près à la distribution de n'importe quel bien ou service. Même les saveurs de crème glacée suivent cette loi. Les gens votent beaucoup plus librement. Vu de l'extérieur, un électeur qui vote librement est un électeur qui vote de façon quasiment aléatoire. Les éléments qu'un électeur prend en considération lorsqu'il vote sont extrêmement complexes. Cela peut aller du ton de voix de la personne qui lui parle à ce qu'il a mangé six mois auparavant — je fais une blague. L'électeur peut même prendre en considération une action politique qui a été posée 20 ans auparavant. On se retrouve donc avec cette distribution exponentielle.
    Cela a des répercussions. Prenons l'exemple des dernières élections pour tenter de comprendre l'effet d'un mode de scrutin.
    Si on change le mode de scrutin, le résultat ne sera pas le même. À des fins de transparence, je souligne que j'ai déjà été candidat pour le Parti vert. Passez donc tout ce que je vais dire dans ce filtre. Le Parti vert risquera de gagner des voix, mais ce sera moins le cas pour les grands partis. Des partis dont on n'aura jamais entendu parler vont peut-être émerger, par exemple un parti de type wildrosefédéral. Il y aura une augmentation du nombre de partis.
    Quand on fait des simulations, n'espérez pas reprendre les résultats la dernière élection et les entrer dans le nouveau mode de scrutin. Cela ne donnera pas les mêmes résultats.
    Du côté des modes de scrutin proportionnel, la meilleure méthode pour faire la distribution d'un point de vue mathématique est ce qu'on appelle la méthode de Webster—Sainte-Laguë. Dans un scrutin proportionnel pur, c'est essentiellement l'arrondi ordinaire. Mathématiquement, c'est ce qu'il y a de plus simple et c'est la meilleure méthode. Le seul défaut, c'est que l'arrondi ordinaire « plante » de temps à autre. De temps en temps, il y a deux partis qui ont le même ratio, mais un parti a deux fois le nombre de votes de l'autre. Quand on fera les divisions, tous deux passeront en même temps de +1 à -1. On ne peut pas en arriver à un nombre exact de députés. Disons que le chiffre est de 338. On passera de 337 députés à 339, et il n'y a aucune solution permettant d'arriver entre les deux.
    Auparavant, je construisais des instruments de mesure. Aux États-Unis, cela arrive une fois par 3 500 ans quand ils font la répartition. C'est clair que cela arrivera après deux élections. Des élections où deux candidats récoltent le même nombre de votes, ce n'est pas censé arriver, mais l'univers étant ce qu'il est, cela arrive quand même. C'est une chose qu'il faut prévoir dans la loi électorale, car cela peut « planter ».
    La loi de Lefebvre fait en sorte que lorsqu'on met un seuil électoral, pour chaque pour cent de ce seuil électoral, on jette de 3 % à 3,5 % de votes à la poubelle. Monter à plus de 5 % commence à être un peu difficile. En Turquie, le seuil électoral des votes qui sont écartés est de 10 % à 40 %. C'est proportionnel, mais ce n'est pas très différent de nous. Il faut quand même viser des seuils qui sont bas.
    Dans un système proportionnel, tout le monde pense que cela prend 50 % des voix pour atteindre la majorité. Or ce n'est pas le cas. Typiquement, si un parti remporte 44 % ou 45 % des voix, il aura 50 % des sièges et il sera majoritaire. Ici, c'est 38 %. Cela ne change pas tellement la dynamique. La seule chose, c'est que dans un système proportionnel, des coalitions seront plus facilement formées et il y aura plus de gouvernements majoritaires. Ce n'est pas parce que c'est un système proportionnel qu'il est nécessaire d'avoir la majorité des voix pour avoir la majorité des sièges.
    De façon générale, cela fonctionne relativement bien, sauf qu'un des problèmes est la stabilité des systèmes proportionnels. Il y a deux cas où cela pose des problèmes, à savoir quand c'est trop stable et quand ce n'est pas assez stable. C'est vraiment une combinaison de deux facteurs, soit la fragmentation de la société et le degré de proportionnalité. Cela demande une réflexion. Dans un système proportionnel, le plus grand parti a environ 30 % des voix. Si c'est une loi de Lefebvre pure et que c'est une société uniforme, il a 30 % des voix et il fera une coalition avec un autre parti. Le problème, c'est qu'il faut qu'il y ait plusieurs partis avec lesquels on peut faire une coalition. Sinon, on se retrouve toujours avec le même parti au pouvoir et le parti de la coalition se retrouve de l'autre côté. À ce moment-là, les choses figent.

  (1345)  

     Il faut qu'il y ait suffisamment de partis. Si le système n'est pas assez proportionnel et s'il n'y a pas assez de partis, la situation demeure complètement stable et ne bouge plus du tout. S'il est vraiment trop éclaté, il se forme alors des coalitions instables de trois ou quatre partis. La manière dont la société est organisée est ce qui détermine le succès ou l'échec des systèmes proportionnels.
    Nous avons au Canada une société qui est fragmentée, mais pas autant qu'à d'autres endroits. Nous avons quand même l'équivalent de quatre ou cinq grandes régions politiques. En Belgique, par contre, la société est coupée en deux et il y a deux fois la loi de Lefebvre. De plus, la Belgique a des lois électorales complètement farfelues qui font qu'il y a un nombre incroyable de partis politiques. Cela complique les choses. L'Italie avait le même problème. On tend à oublier que le Canada est un vieux pays qui existe depuis 150 ans. Par ailleurs, en Europe, des pays comme l'Allemagne ou l'Italie existent depuis moins longtemps que cela. Ce sont des éléments dont il faut tenir compte.
    Il y a un autre aspect important. Dans le cas d'une proportionnelle régionale de quelque forme que ce soit, s'il y a moins de six députés, cela ne s'appelle plus une proportionnelle. Le seuil électoral est de un sur le nombre de députés, et même en arrondissant, on peut n'en obtenir que la moitié. Avec six députés, on atteint à peu près 6 % de seuil électoral en tirant vers le bas au maximum. S'il y en a sept ou huit, c'est une meilleure situation.
    Au Canada — vous connaissez la géographie canadienne aussi bien que moi —, cela cause des problèmes. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas six députés. Je vous mentionne cela parce que, à Zurich, en Suisse, quelqu'un s'est présenté devant la cour pour déclarer qu'il y avait trois candidats dans son district électoral et qu'il allait voter pour un parti qui a moins de 10 % des sièges. Il a rappelé à la cour que la Constitution affirmait l'égalité de tous, mais que son vote ne compterait jamais et qu'il n'y avait aucune possibilité qu'il compte éventuellement. La cour lui a donné raison et c'est ainsi qu'il a fallu trouver une solution mathématique à ce problème.
    Au Parlement canadien, nous avons à peu près le bon nombre de députés. Le nombre de 327 serait l'optimum théorique. Nous en avons 338, mais 327 serait l'optimum. Nous n'en sommes donc pas très éloignés. Nous n'avons pas trop de députés, mais nous n'en manquons pas non plus. C'est le contraire dans certaines provinces du Canada où, idéalement, il devrait y en avoir davantage. De plus, la proportionnelle n'a pas vraiment d'impact sur la représentation féminine.
    Au Canada, nous possédons l'un des pires contextes...
    Je vous indique qu'il ne reste que quelques secondes, mais ce que vous dites est par ailleurs très intéressant.
    D'accord.
    Nous avons l'un des pires contextes pour instaurer un mode de scrutin proportionnel.
    Je vous propose une solution qui m'a été soumise par un chercheur français. Il s'agit d'un mode de scrutin appelé « le  mode de scrutin majoritaire équitable ». C'est un système proportionnel dans lequel les circonscriptions électorales en place sont maintenues. La compensation se fait en changeant le poids des votes. On donne plus ou moins de poids à chaque vote pour chaque parti pour retrouver la proportionnalité. C'est utilisé en Suisse pour la raison que j'ai mentionnée plus tôt. Quelqu'un s'est plaint en cour que le système en vigueur ne fonctionnait pas. C'est utilisé à Zurich et dans deux cantons suisses. J'ai fait quelques simulations, mais je n'ai pas encore étudié cet aspect en détail. C'est quand même exigeant de travailler avec des algorithmes. Je les ai, mais je ne les ai pas encore utilisés.
    Monsieur le président...
     Il s'agit d'un mode de scrutin majoritaire équitable?
    C'est bien cela.
    Très bien, monsieur Dutil. C'est une façon assez différente de voir les choses. Cette information vient s'ajouter aux autres témoignages que nous avons reçus jusqu'à présent.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Rémillard.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup le Comité de me permettre de partager avec lui le résultat de mes recherches sur un système électoral que j'appelle « majoritaire rationalisé ». Le mot  « rationalisé » veut dire deux choses. Tout d'abord, cela veut dire « qui fait appel à la raison et non pas seulement aux mathématiques » et, deuxièmement, « qui utilise des ratios ».
    Tout le monde connaît la notion de ratio puisqu'il y en a en finances et un peu partout. Ce sont des résultats mathématiques appliqués à des phénomènes et qui comportent une certaine dose de constance. En fait, la définition de ratio que j'utilise ici est essentiellement le pourcentage d'élus par rapport au pourcentage de votes. C'est quelque chose de simple.
    Il existe des ratios historiques qui ont été dégagés par différents chercheurs. J'en cite quelques-uns dans le texte que je vous ai remis. En gros, les ratios historiques s'établissent selon les fonctions des partis. Pour le parti formant le gouvernement, c'est-à-dire le parti qui a la majorité et qui a été élu, c'est à peu près 1,2. C'est le pourcentage de députés sur le pourcentage de votes. Pour les partis de l'opposition officielle, c'est autour de 0,8. Quant au tiers partis, c'est autour de 0,5, mais avec beaucoup d'exceptions. Les chiffres sont parfois beaucoup plus élevés.
    On n'est pas obligés de retenir ces ratios. On peut, par exemple, avoir des ratios plus élevés pour les tiers partis, ce qui pourrait être très intéressants à examiner dans certains cas. Par exemple, pour un parlement de 300 sièges — on n'est pas loin de cela ici—, il peut y avoir un parti qui obtient 5 % des sièges et 20 % des votes exprimés. Évidemment, c'est le cas de plusieurs tiers partis, ce qui est un peu gênant et frustrant. Dans son cas, le ratio pour ce parti serait déterminé par 5 % des députés sur 20 % des votes. Le résultat est de 0,25. Si un parti est dans l'opposition officielle, on lui accorde un ratio de 0,8. Donc, le nombre de députés qu'il devrait avoir est calculé ainsi: 0,8 × 20 % × 300 = 48. Si, d'aventure, il y en a déjà 5 % de 300, cela donne 15. Donc, on lui ajoute 33 députés.
    Si un parti se trouve parmi les tiers partis, on donne un ratio plus bas. Par exemple, 0,5 × 20 % × 300 = 30 députés moins les 15 qu'il a déjà. Donc, on ajoute 15 députés. Selon la fonction déterminée à l'issue d'une élection majoritaire à un tour, on va accorder des sièges additionnels à certains partis.
    J'ai fait des études au sujet des élections fédérales de 1963 à 2015 et les ratios obtenus sont quand même assez en ligne avec ce que je viens de dire. Toutefois, il y a des bizarreries. Par exemple, depuis 1984, les ratios obtenus par le parti formant le gouvernement oscillent entre 1,5 et 1,22, ce qui lui donne une moyenne de 1,28 depuis 1963. Cela se rapproche énormément du ratio historique. Pour le parti de l'opposition officielle au Canada, le ratio est de 1. Finalement, c'est quasiment proportionnel. Ça, c'est une moyenne. Pour un tiers parti, le ratio au Canada est de 0,85, mais ça peut aller jusqu'à 1,6. Cela dépend des cas. En 2006 et 2008, le ratio était de 1,6. Le premier tiers parti se trouvait à avoir un ratio aussi élevé que le parti formant le gouvernement, ce qui est assez bizarre. Enfin, cela fait partie des aléas de la chose.
    Deuxièmement, on ajoute des députés par la rationalisation, c'est-à-dire qu'on vote de la même façon qu'on le fait actuellement sans apporter aucun changement. C'est après coup qu'on fait des ajustements mathématiques. Théoriquement, on pourrait prendre les résultats de l'élection de 2015 et appliquer ce système en ajoutant des députés en fonction des ratios.
    J'ai aussi calculé le nombre de députés qui auraient été ajoutés au Parlement canadien si on avait appliqué le système rationalisé depuis 1963. Je passerai outre les détails. On aurait toutefois ajouté 111 députés sur ces 17 élections. Cela donne une moyenne de 6,5 députés de plus par élection, ce qui n'est pas un grand nombre. C'est quand même plus intéressant que ce qui se passe en Allemagne.
    J'ai aussi fait une comparaison avec le système mixte allemand.

  (1350)  

     Il faut dire qu'au début, en 1949, il y avait deux votes. En fait, chaque électeur avait deux voix, soit une pour élire à la majorité simple un représentant de circonscription, comme dans notre système électoral, et une autre gérée à la proportionnelle pure.
    Au début, la Chambre allemande était, d'une certaine façon, divisée en deux. Il y avait les députés élus à la majorité simple et ceux élus à la proportionnelle. Cela a eu pour résultat qu'il y avait parfois des déséquilibres épouvantables. Beaucoup de députés étaient élus en surnombre et cela dépassait le ratio que donnait la proportionnelle. Cela faisait donc une Chambre très élastique qui pouvait avoir, d'une élection à l'autre, un nombre très variable de députés. Surtout, cela contredisait la règle fondamentale de la proportionnelle, à savoir que des partis politiques avaient beaucoup trop de députés.
    Il y a une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a décidé d'appliquer la proportionnelle intégrale, mais en compensant le surplus de députés élus à la majorité simple par une diminution du nombre de députés élus à la proportionnelle. J'espère que vous me suivez à cet égard. En fait, pour que le résultat global donne une représentation proportionnelle, un parti politique qui a trop de députés élus à la majorité simple en aura moins que ce qu'il devrait avoir avec la méthode proportionnelle.
    Là encore, il y a un problème. Des partis réussissent à avoir tellement de députés qu'ils dépassent même ce que la proportionnelle leur enlève. Cela fait que la Chambre des députés allemande est encore extensible. Il y a des gens qui disent que cela pourrait aller, dans certains cas, jusqu'à 700 députés, alors qu'en principe, il y a 598 sièges. Toutefois, cela ne s'est pas encore produit. En ce moment, on compte environ 630 députés. C'est ainsi que fonctionne le système mixte allemand.
    J'ai voulu transposer ce système au Canada à partir des résultats obtenus aux élections fédérales depuis 1963 pour voir ce que cela donnerait. Cette simulation n'est pas exacte. On ne peut pas transposer les pourcentages de votes obtenus par les divers partis d'un système majoritaire à un tour à un système proportionnel mixte, surtout pas le système mixte allemand. En conséquence, il faut faire le calcul en ayant toujours en tête que cela ne peut pas être la réalité exacte. Cependant, cela donne des indications.
    Il y a peut-être quelque chose d'intéressant à savoir quand on définit le système proportionnel. Il y a la proportionnelle pure, qui a des limites épouvantables et je ne veux pas m'étendre là-dessus.
    Rapidement, regardons le cas de l'Italie, qui a un tel système. Cela a le défaut de tous les systèmes proportionnels purs puisque les Chambres deviennent absolument ingouvernables. Pour contrer cela, il faut réduire le nombre de partis ou donner une vraie majorité de députés aux partis qui gouvernent. Or, l'Italie a décidé que si le gouvernement était minoritaire, on lui donnait des députés. C'est assez spécial. Puisqu'il faut une majorité, on accorde des députés.
    Cela dit, le système allemand actuel ne fonctionne pas ainsi. C'est déjà cela. Je l'ai dit tout à l'heure et ce n'est pas la peine d'y revenir. Dans ma simulation du système allemand par rapport au système canadien, j'ai utilisé le Parlement canadien actuel. Il compte actuellement 338 sièges, mais notons que le nombre de sièges a déjà été beaucoup moins que cela. Deux méthodes de calcul sont possibles, c'est-à-dire de diviser par deux ou de multiplier par deux pour avoir une partie de la Chambre élue à la majorité simple et l'autre en vertu de la méthode proportionnelle stricte avec compensation, comme c'est le cas pour le système mixte allemand qui existe à l'heure actuelle.

  (1355)  

     Ce système prévoit qu'il n'y a pas de députés additionnels si un parti n'a pas au moins trois députés élus à la majorité. C'est donc un système qui coupe les ailes aux petits partis. En revanche, le système que je propose donne vraiment à ceux-ci une chance additionnelle et cela ne gêne ni la majorité qui gouverne, ni le parti de l'opposition officielle. Cela comporte beaucoup d'avantages.

  (1400)  

    Monsieur Rémillard, est-ce que vous avez encore beaucoup de points à couvrir?
     Je sens que les membres du Comité veulent vraiment entrer dans les détails en vous posant des questions ainsi qu'à M. Dutil.
    Je voudrais faire une ou deux brèves remarques supplémentaires.
    D'accord.
    On dit que le système allemand jouit assez bizarrement d'une grande stabilité. Il est stable en ce sens que le parti au pouvoir est le même 14 fois sur 17. Il s'agit du regroupement CDU/CSU, pour lequel on parle en fin de compte de 40 % des voix exprimées. Or il est toujours obligé d'aller créer une alliance avec un plus petit parti pour avoir une vraie majorité. Il n'y a eu que trois élections où ce groupe parlementaire n'a pas pris le pouvoir.
    Le Canada est en ce sens beaucoup plus flexible. En ce qui a trait au parti au pouvoir, il y a une alternance entre les libéraux et les conservateurs. Pour ce qui est du parti qui forme l'opposition officielle, le système canadien est donc beaucoup plus ouvert.
    Je vais devoir vous interrompre ici, monsieur Rémillard.
    Ce qui ressort des deux témoignages est vraiment assez unique par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant. Si on parle uniquement du système proportionnel, il peut y avoir différentes dynamiques selon la conception du système. À ce stade-ci de nos délibérations, je dois dire que l'idée est assez originale. Je voudrais vraiment que nous puisions dans les idées que vous avez exprimées.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Sahota, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par vous, monsieur Rémillard.
    J'ai trouvé intrigante votre comparaison avec les autres pays, mais je peine à comprendre ce que vous préconisez pour le Canada. Étant donné l'étendue du pays et la grande taille de nos circonscriptions, quel système nous recommandez-vous d'adopter?
    Il s'agirait tout simplement de conserver le système actuel, parce qu'il n'est pas mauvais en soi — pour diverses raisons —, mais tout en apportant de légères modifications à l'issue de chaque élection afin que les petits partis soient mieux représentés. C'est ce que de nombreux partis, comme le Parti vert... Ils ne sont pas d'accord parce qu'ils sont mis à l'écart, tandis que dans mon système, ils obtiendraient plus de députés.
    Tous les détails figurent dans le gros document.
    Eh bien, M. Dutil indique qu'il y devrait y avoir un seuil, et vous disiez que le seuil de 5 % établi en Allemagne est peut-être trop élevé. M. Dutil a indiqué qu'un seuil de 5 % pourrait être acceptable; autrement, le nombre de partis au Canada serait beaucoup trop élevé.
    Premièrement, pensez-vous que nous devrions établir un seuil? Si oui, quel devrait-il être? Aussi, que considérerait-on comme un nombre trop élevé de partis au pays?

  (1405)  

    Un seuil n'est pas nécessaire dans mon système parce que nous avons un

[Français]

cadeau pour le parti vainqueur.

[Traduction]

    Le parti ministériel a un pourcentage de députés plus élevé que le pourcentage de votes qu'il a obtenus, et nous accordons aux autres partis — comme le parti d'opposition et un tiers parti — un ratio en deçà de 1 %, tandis que le parti ministériel a en réalité un ratio de plus de 1 %, soit de 1,2 % ou de 1,3 %.
    Les ratios historiques pour les partis d'opposition sont de 0,8 %, tandis que ce même ratio pour les tiers partis est de 0,5 %, donc environ la moitié. Si un parti obtient 20 % des voix et que l'on multiplie cela par 0,5 %, cela lui donne 10 % des députés. Si le parti n'a que 3 % des députés, nous lui donnons 7 % plus de députés. Comprenez-vous?
    Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'établir un seuil, parce que la majorité du gouvernement et le poids du parti formant l'opposition officielle ne seront jamais certains.
    Aimeriez-vous ajouter des commentaires?
    La question du seuil est complexe. La difficulté réside dans la détermination du seuil et la question de savoir si ce seuil doit être fixé à l'échelle régionale ou nationale. Si vous établissez un seuil national de 5 %, c'est plus contraignant qu'un seuil régional de 5 %.
    De nombreux pays ont un double seuil. Dans certains cas, les seuils peuvent aller jusqu'à 10 %, mais si votre parti obtient plus de 5 % des voix à l'échelle nationale, vous aurez un député au Parlement.
    Je n'aime pas beaucoup l'idée d'un seuil. Disons qu'il est de 5 %. Si vous avez obtenu 5,1 % des voix et qu'on fait abstraction de tous les votes sous la barre des 5 %, vous vous retrouvez avec environ 6 ou 7 % des députés. De plus, si vous obtenez 4,9 % des voix, vous n'avez aucun député.
    Voilà pourquoi je pense qu'il serait préférable d'avoir ce que j'appelle un « seuil arrondi ». Il s'agit simplement de prendre le pourcentage du vote et de le réduire de 2 % — cela peut aller plus bas —; puis, si vous avez 3 %, vous obtenez 1 % de l'ensemble des votes. C'est moins difficile, parce qu'on passe de zéro à 1 % plutôt que de zéro à 7 %, ce qui donne une répartition plus régulière. Pour les petits partis, cela permet d'éviter ce qui s'est produit à de nombreuses reprises, comme le Parti vert l'a constaté un peu partout. On pense avoir 10 députés, puis on se retrouve avec deux; tout s'effondre parce que vous avez perdu 1 % du vote. C'est la solution que je préférerais; ce serait mieux.
    Mon problème — je n'ai pas fait beaucoup de simulations —, c'est que je me préoccupe de la stabilité du gouvernement. Nous avons un algorithme et nous pouvons calculer, en nombre de mois, la durée de survie approximative d'un gouvernement de coalition. En connaissant le nombre de députés, nous pouvons faire des simulations, mais je ne l'ai pas fait. Je ne fais que vous présenter mes impressions pour le moment, et je dois faire preuve de rigueur.

[Français]

    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Rayes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être d'être parmi nous aujourd'hui. Ma première question est très simple.
    Monsieur Rémillard, au début de votre discours, vous avez dit avoir déposé un document. Or, je ne l'ai pas en ma possession.
    Il est apparemment en train d'être traduit.
     Nous pourrons donc avoir accès à votre document parce que, au début, j'étais un peu mêlé avec tous les chiffres que vous avez présentés. J'aimerais pouvoir les regarder à tête reposée. Par ailleurs, je souhaite bonne chance aux interprètes que j'observe de temps à autre. Nous prendrons le temps de regarder votre document parce que vos calculs me semblent très intéressants.
    Je vais m'adresser à vous, monsieur Dutil.
    Vous parliez du scrutin majoritaire équitable. À la suite des rencontres que nous avons eues avec différents experts et des membres de la population, deux grands éléments ressortent des propos de ceux qui sont insatisfaits du statu quo. Premièrement, il y a le manque d'intérêt face à la chose politique. Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent cela dépendant à qui vous parlez. Certains électeurs prétendent que leur vote ne compte pas pendant que d'autres disent qu'ils ne vont pas voter à cause d'un manque de temps, parce qu'ils ont des problèmes médicaux ou encore parce qu'ils se trouvaient à l'extérieur de la circonscription le jour des élections. Je ne vais pas entrer dans tous les détails à cet égard. Il y a également la question de la représentation au Parlement qui, selon eux, ne représente pas en termes de sièges le pourcentage de votes obtenus au niveau national. Il y a également des électeurs très préoccupés par la représentation locale. Vous en aviez d'ailleurs parlé brièvement.
    En ce qui a trait à votre système portant sur un scrutin majoritaire équitable, il faut nécessairement, si j'ai bien compris, ajouter des députés. Pourriez-vous m'expliquer à nouveau cette partie de votre présentation?

  (1410)  

    La mécanique est assez simple. Au lieu de faire une addition, on fait une multiplication. Depuis les années 1950, avec les systèmes compensatoires, on ajoute des députés pour arriver à un chiffre donné. La méthode du système relatif au scrutin majoritaire équitable est la suivante. Prenons, par exemple, le Parti vert, qui est toujours le pire cas...
    Je préférerais qu'on fasse la comparaison à partir du système actuel. Avec votre système, est-ce qu'on continue de voter de la même façon?
    Il n'y a aucune différence.
    S'il y a quatre ou cinq candidats, les gens votent et le candidat qui obtient le plus de voix devient député.
    Il n'y a aucune différence.
    Au niveau du scrutin, le directeur général des élections additionne les votes comme il le fait d'habitude. Au moment de convertir le résultat obtenu en nombre de députés, il considère tous les votes exprimés. Je ne veux pas aller plus loin dans les détails de l'algorithme, mais c'est une formule qui sert à équilibrer les matrices. Par exemple, il faut arriver avec suffisamment de députés libéraux pour avoir la représentation proportionnelle. Au Parti libéral, par exemple, pour la personne qui a obtenu le plus de votes, on lui accorde un ratio de 1. Le Parti conservateur, étant arrivé deuxième, obtient un ratio de 1,2. Pour sa part, celui du NPD est de 1,27, et celui du Parti vert est de 3,32. Par la suite, on calcule toutes les élections locales. En fait, il se pourrait que le troisième parti à la ligne d'arrivée dans un comté remporte les élections. C'est le côté déplaisant de la chose d'un point de vue psychologique.
    C'est-à-dire que le soir de l'élection, le candidat qui a récolté le plus de votes n'est pas nécessairement celui qui va être élu au Parlement.
    Exactement.
    C'est une combinaison de facteurs. C'est le meilleur compromis entre avoir un représentant local et avoir un représentant national. En fait, plus vous récoltez de votes dans votre comté, plus vos chances d'être élu sont bonnes.
    Je l'ai d'ailleurs mentionné dans mon texte, mais je n'ai pas eu le temps de vous en faire part. On peut exclure du calcul tous les candidats ayant obtenu 50 % des voix, car cela n'aurait pas de sens de les déloger à la suite de leur victoire. Cette méthode, qui a l'avantage d'absorber toutes les distorsions en jouant sur les facteurs, a été simulée pour les États-Unis où le découpage arbitraire d'une circonscription constitue un gros problème.
    Prenons mon cas, par exemple.
    J'ai été élu avec un pourcentage de 32,7 % des votes. Le soir de l'élection, j'avais une majorité de plus de 5 000 voix sur mon adversaire le plus proche. J'aurai pu, dépendant de la méthode de calcul, ne pas être déclaré élu par le directeur général des élections. J'imagine que ce calcul ne se fait pas en 30 secondes.
    Il ne faut que quelques millisecondes pour le faire.
    Des millisecondes parce qu'il y a une machine qui calcule cet algorithme. Le nouveau résultat est rendu public et mon plus proche adversaire est déclaré élu.
    Cela donne des élections intéressantes. J'ai déjà habité en Espagne...
    C'est super! Je n'ai plus d'autres questions par rapport à ce mode de scrutin. Je vous arrête ici.
    C'est un effet secondaire du système proportionnel. Les élections sont d'une platitude incroyable. J'ai vécu cela en Espagne. Il y a un certain nombre de députés élus et on termine la soirée.
    D'après vous, en ce qui a trait aux éléments qui inquiètent les gens et que vous avez sûrement entendus avant de faire vos calculs, existe-t-il d'autres moyens qui permettraient d'assurer une meilleure représentation et de susciter un plus grand intérêt de la population pour aller voter, et ce, sans nécessairement changer le mode de scrutin?
    D'après ce que j'ai lu, il y a beaucoup de mythes concernant le système proportionnel. Même en Europe, dans les pays qui ont ce système, l'intérêt de la population a tendance à diminuer. En économie politique, on se demande pourquoi les gens vont voter parce que, statistiquement, les chances d'arriver à changer quelque chose sont infinitésimales. Les gens rationalisent le tout en se disant « Si je ne vais pas voter, ce sera la catastrophe ». En d'autres mots, les gens rationalisent les choses par rapport au fait d'aller voter.
    Je pense que c'est davantage au niveau de l'éducation qu'on peut arriver à susciter un plus grand intérêt pour l'exercice du droit de vote. L'Europe du Nord a réussi à obtenir beaucoup de participation électorale. Des gens visitent les écoles pour expliquer aux jeunes comment fonctionne le système. Cela commence à tous les niveaux, et ce, tant au palier municipal, au palier provincial et aux autres paliers.

  (1415)  

     C'est un point très intéressant.
    Je voudrais vous poser une dernière question.
     Vous dites, si je ne m'abuse, que vos études et la documentation dont vous disposez n'indiquent pas nécessairement qu'il y a un impact sur l'équité entre les hommes et les femmes là où il y a un mode de scrutin proportionnel.
     Ai-je bien compris ce que vous avez dit?
    Il s'agit d'une thèse de maîtrise qui remonte, si je me souviens bien, du début des années 2000. L'auteur de cette thèse est M. Rob Salmond, de la University of Southern California. J'ai cette information quelque part dans mes notes. Il avait comparé tous les États.
    En fait, je rappelle que les pays scandinaves sont les premiers à avoir donné le droit de vote aux femmes.
    Monsieur Rayes, le temps qui vous était alloué est écoulé.
    J'aimerais savoir si cette information pourrait être déposée au Comité. Cela ne va pas nécessairement dans le sens de ce que nous avons entendu.
    D'accord.
    Nous passons maintenant à M. Boulerice.
    Merci, monsieur le président
    Je remercie nos deux invités de leur présence parmi nous. Ils sont très intéressants, pour ne pas dire un peu bouleversants.
    J'aimerais vous raconter une brève anecdote. Dans un magasin du Vieux-Québec où j'étais aller m'acheter un appareil électronique, le caissier m'a demandé ce que je faisais là et si je m'étais trompé de Parlement. Je lui ai répondu que nous faisions des consultations sur la réforme du mode de scrutin. Or les trois jeunes employés qui étaient sur place m'ont aussitôt regardé et ont dit: « Oui, allez-y. Faites-le. ». On dit que cela n'intéresse pas les gens, mais il nous arrive de vivre ce genre de situations.
    Monsieur Dutil, votre système est passionnant. Toutefois — et je pense que certains vont partager mon point de vue —, si on dit à l'électeur qu'un vote pour les libéraux vaut 0,8, qu'un vote pour les conservateurs vaut 1,3 et qu'un vote pour le Parti Vert vaut 3, je pense que cela ne passera pas. Cela ne cadre pas avec l'idée que se font les gens d'un vote égal.
    Par contre, j'aimerais que nous parlions des circonscriptions plurinominales et de l'objectif consistant à atteindre un certain degré de proportionnalité. Hier, la professeure Stephenson nous a dit que le nombre variait entre trois et sept. L'Irlande, pour sa part, utilise un système de vote transférable. Ce nombre varie généralement, si ma mémoire est bonne, entre trois et cinq ou trois et six. Pour votre part, vous placez la barre plus haut, soit à six.
    Dans le contexte géographique de la fédération canadienne, le fait que des circonscriptions comportent six députés pourrait poser un problème. En effet, il faut que la population soit représentée également.
     Comment voyez-vous cette situation?
    Je n'ai pas encore fait de simulations pour le cas canadien parce que cela représente beaucoup de travail, en l'occurrence une semaine à temps plein. Dans le cas du Québec, par contre, j'ai fait des tests. Lorsque le nombre était inférieur à six, des problèmes sérieux de seuils électoraux apparaissaient. C'était comme une marche d'escalier. En fait, c'est la variation régionale qui fait la proportionnalité dans ce genre de situations. Cela va parfois jusqu'à trois.
    Cependant, le problème est qu'une personne peut dire que, dans sa circonscription électorale, son vote ne comptera jamais. Le nombre trois va être fréquent au Canada. On va même retrouver le chiffre un à quelques endroits.
    Je comprends que les gens ne soient pas heureux de cette situation. J'avais pensé appliquer moins de proportionnalité dans les régions rurales étant donné qu'avec le scrutin majoritaire, on peut jouer sur la proportionnalité comme on le veut et en inclure davantage dans les centres urbains. On serait plus près du scrutin normal dans les régions rurales et on y serait plus loin en ville. C'est une possibilité.
     Je sais qu'au Canada, aller de six en montant n'est pas faisable. Comme je l'ai dit, c'est l'un des pires endroits au monde pour faire cela. Au Québec, ce n'était pas facile non plus. Au Canada, 50 % de la population vit sur 1 % du territoire.
    Il faut composer avec cette réalité.
    Les gens qui vivent en région veulent vraiment avoir une représentation régionale. Si vous agrandissez la superficie de leur circonscription, ils vont venir en ville munis de barres de fer. Ils ne vont peut-être pas le faire, mais ils vont certainement venir en autobus pour manifester.
    Monsieur Rémillard, vous dites que votre système mathématique échoue une fois tous les 3 500 ans. Pour ma part, je vous dirais que le statu quo échoue régulièrement, notamment quand le parti ayant obtenu le plus de votes perd les élections. C'est arrivé trois fois lors des élections provinciales au Québec. Cela me préoccupe beaucoup plus que des changements mathématiques.
    Vous dites qu'il y a 338 députés fédéraux, qu'on va continuer à voter de la même façon dans les circonscriptions et que, grâce au ratio que vous établissez, on va ajouter des députés. Ma question est fort simple: où allez-vous trouver ces députés?
    Sont-ils dans un grand sac qui se trouve sous votre bureau à Élections Canada ou s'agit-il des meilleurs deuxièmes des partis dans certaines provinces?
     Qui sont ces gens? En fait, comment les choisit-on? En ce qui a trait au nombre, c'est assez facile.

  (1420)  

     Personnellement, je ne m'arrêterais pas à une méthode particulière.
    Il y a une série de critères qu'il faudrait peut-être hiérarchiser. Par exemple, un des critères pourrait être la représentation régionale du parti. Si une région n'est aucunement représentée, ce serait une priorité que de lui donner un député.
    Il y a aussi les choix du parti. Au sein d'un parti, il y a des candidats qui ont obtenu un très bon résultat, mais qui sont généralement écartés. Cela peut aussi jouer à cet égard.
    On peut trouver d'autres critères. J'en ai d'ailleurs parlé dans la version complète de mon document. J'ai aussi étudié les élections québécoises. Il y a une hiérarchie de trois ou quatre critères qu'on pourrait utiliser et qui permettrait d'avoir une façon de désigner les députés additionnels qui ne serait pas arbitraire, qui ne dépendrait pas uniquement du parti, comme les scrutins de liste proportionnels et ainsi de suite. Le parti est souvent le maître du jeu à cet égard.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sainte-Marie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs. Je vous remercie de venir nous présenter aujourd'hui les positions que vous défendez à cet égard.
    Je tiens à saluer l'équipe qui nous accompagne et qui fait un travail remarquable depuis le début de la semaine. J'aimerais aussi saluer mes collègues, tout spécialement M. Deltell, qui s'est joint à nous aujourd'hui. Je salue également les gens qui se trouvent dans la salle.
    Mes questions sont d'ordre assez technique et je vais commencer par vous, monsieur Rémillard.
    M. Boulerice vous a posé une question et depuis que j'ai entendu la réponse, je suis encore plus confus.
    Disons qu'on garde le système actuel où il y a 338 personnes élues. Vous avez dit qu'on pourrait ajouter en moyenne six sièges par élection pour assurer une compensation en vertu des critères de votre système majoritaire rationalisé.
    C'est ce que cela a donné jusqu'à maintenant.
    Ces six sièges ne feront pas partie des 338 autres sièges. La formule sera donc de 338 + 6. Il y aurait d'autres façons d'établir les critères pour les désigner, mais ils ne seraient pas nécessairement rattachés à une circonscription.
    Pas nécessairement.
    D'accord. Merci.
    J'aimerais signaler quelque chose à cet égard. Le nombre de six sièges est une moyenne. Dans certains cas, cela pourrait aller jusqu'à 20 ou 23 sièges.
    Donc, lors d''une élection, on pourrait avoir 338 + 2 députés, et dans une autre, 338 + 20 députés.
    C'est basé sur la simulation que j'ai faite à partir des données électorales de 1963 au Parlement du Canada.
    Le Parlement est actuellement en rénovation. Si on adoptait ce système, il faudrait prévoir une salle avec des sièges pliants ou des strapontins.
    Il faudrait des murs amovibles.
    Monsieur Dutil, je trouve que le système que vous proposez est vraiment intéressant. Comme l'a dit mon collègue Alain Rayes, concrètement, en ce qui a trait à la politique sur le terrain, le fait que le candidat représentant le deuxième ou le troisième choix d'une circonscription puisse se retrouver élu pourrait engendrer des émeutes. Vous avez parlé de barres de fer, mais...
    Les Britanniques m'ont envoyé leurs codes. Dans ce pays, il est arrivé que le cinquième candidat remporte la victoire. Effectivement, cela risquerait de provoquer des émeutes.
    En Suisse, il y a un tel système. C'est un irritant, mais les gens comprennent la situation. Chez eux, c'est déjà un système proportionnel régional. Les coefficients sont davantage de 1,0 ou de 1,1. Ce sont de petits ajustements et c'est beaucoup moins choquant. On peut aussi le faire de façon hiérarchique. On peut prendre une province et on le fait dans une région avec trois ou quatre députés. Au total, cela arrive de façon proportionnelle, de sorte que les chocs sont moins grands. Les coefficients de multiplication sont moins effrayants.
    Les Anglais n'avaient aucun seuil électoral. Je pense qu'il y avait 12 partis. Ils avaient fait une proportionnelle qui était ajustable entre 0 et 1, donc un pluralité pure et une proportionnelle pure. À la moitié, c'était pour les trois premiers que cela se jouait, ce qui était déjà moins choquant. C'est aussi une question...

  (1425)  

    Permettez-moi de vous interrompre, car mon temps file. Je vous remercie beaucoup.
    Le fait que ce soit appliqué en Suisse ne me convainc pas pour dire que c'est acceptable. La Suisse est un curieux pays composé de plusieurs nations. De la façon que fonctionne son système, l'unanimité des partis est nécessaire pour bouger, ce qui fait que les choses avancent lentement.
    Je demanderais à chacun d'entre vous de faire une brève critique du système proportionnel mixte compensatoire, comme cela a été débattu au Québec. Pourquoi n'est-ce pas le système qui vous convainc?
     Le problème est que si vous augmentez le nombre de députés de 30 % ou de 40 %, cela risque d'être impopulaire. J'ai déjà proposé 10 députés de plus au Québec et cela avait posé problème. De plus, vous allez être obligé d'accroître la superficie des circonscriptions électorales de 30 ou de 40 %, ce qui risque aussi d'être très impopulaire.
     L'autre facteur limitatif est qu'on ne peut pas faire cela avant les prochaines élections. Il faut au moins deux ans pour faire une nouvelle carte électorale, entraînant des drames à chaque fois parce que certaines circonscriptions électorales canadiennes ont la taille d'un pays.
    Merci.
    Monsieur Rémillard, qu'en pensez-vous?
    En définitive, le système électoral mixte allemand s'analyse comme un système purement proportionnel. Le système proportionnel a des inconvénients. Ainsi, s'il n'y a pas de quorum ou de limites intérieures, il y aura bel et bien un grand nombre de partis. On aboutira assez souvent à une chambre des élus absolument incontrôlable. Soit dit en passant, c'est ce qui a permis l'ascension de Hitler. Cela va jusque là. À l'époque, les Allemands avaient quand même compris une chose.
    Avec un système proportionnel pur, le danger qu'il y ait de la confusion dans l'assemblée des élus est réel et il faut, dans certains cas, qu'il y ait un « arbitre », soit quelqu'un qui détienne vraiment le pouvoir. C'est alors que les Allemands ont décidé de donner au président de la république le pouvoir de promulguer des décrets. C'est à la faveur de cette situation confuse que Hitler a entamé son ascension. Ce n'est donc pas non plus une bonne voie à envisager.
    L'autre voie est celle de couper par le bas. Dans ce sens, je crois que nous pouvons faire mieux. Il n'y a pas de raison de priver le Parti vert, — avec le système allemand, le Parti vert n'obtiendrait aucun siège —, sauf s'il a déjà trois députés élus.
    Merci beaucoup.
    Parlant du Parti vert, nous allons maintenant demander à Mme May de prendre la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Je suis vraiment ravie d'être ici. Ce n'est pas une bonne chose à dire en politique, mais Québec est ma ville préférée au Canada. Je suis très heureuse d'être ici parce que c'est magnifique.
    À mon avis, les témoignages d'aujourd'hui contiennent les propositions les plus novatrices que nous ayons entendues depuis que nous faisons ces travaux dans le but de trouver un nouveau mode de scrutin qui soit bénéfique pour les Canadiens et les Canadiennes ainsi que pour les Québécois et les Québécoises.
    J'ai de la difficulté à comprendre toutes les propositions que vous avez formulées parce que le français n'est pas ma langue maternelle. Je comprends quand même que vos deux présentations comportent des aspects absolument uniques. Il n'est pas mauvais de faire des propositions uniques, mais j'aimerais mieux les comprendre.
    Monsieur Rémillard, je vous remercie d'avoir pensé au Parti vert. À mon avis, il est important que, dans notre système électoral, chaque vote soit égal. Je crois que les électeurs canadiens s'attendent à ce que chaque vote soit égal.
     Selon vous, est-il possible d'expliquer aux électeurs qu'un système change le poids des différents votes, mais qu'il demeure égal, particulièrement comme à Zurich, en Suisse? Y a-t-il des recherches qui ont été faites pour déterminer si les électeurs de Zurich pensent effectivement ou non que leur vote sera égal dans un système où les votes ont des poids différents?

  (1430)  

    Je ne pense pas qu'il y ait eu de vraies recherches. J'ai eu un commentaire sur mon blogue, comme je l'ai déjà mentionné, de la part d'un autre blogueur scientifique suisse. Il m'a dit qu'il y avait un problème lié aux interactions, parce qu'on fait une proportionnelle globale. Alors, il y a une interaction entre le local et le global. Pour certains, c'est un irritant, pour d'autres, comme le dirait Apple ou Microsoft,

[Traduction]

    ce n'est pas un bogue, mais une caractéristique.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    L'algorithme est un peu difficile à comprendre, mais les gens peuvent facilement s'assurer qu'il donne le bon résultat. Le directeur des élections sort le fichier Excel avec les coefficients de correction, et les gens peuvent vérifier que le résultat est correct. La proportionnelle est facile à calculer. Tout le monde peut le faire avec Excel chez lui, et cela arrive au bon résultat. Donc, les gens ont une certaine confiance.
    Dans le canton de Genève, cela a été proposé, mais n'a pas été accepté. L'argument des politiciens était que, dans ce canton, il n'y avait pas de seuil électoral, et que si on allait de l'avant avec cela, il faudrait un seuil électoral. Il n'y en a jamais eu et ils n'en voulaient pas. Un seuil électoral nécessiterait que des partis soient placés en bas du seuil.
    Cela a été étudié à plusieurs endroits. Tout le monde a la même préoccupation. Ce n'est pas super compliqué, mais c'est un peu choquant. Les votes ne sont pas égaux actuellement. Donc, on les ramène à égalité. Si on comprend cela, c'est correct. L'algorithme n'est pas très long — de 20 à 30 lignes —, mais c'est un peu mystérieux, et c'est là qu'il y a une barrière psychologique. Quand on parle de compensation avec une deuxième classe de députés, c'est plus intuitif. On ajoute des députés pour équilibrer. Par contre, l'avantage est qu'on peut garder la géographie beaucoup plus finement. Dans le cas du Canada, c'est plus intéressant.
    Cela a été débattu aux États-Unis, mais ce n'était pas grand public. En Angleterre et aux îles Féroé, cela a été un peu examiné. Souvent, ce sont des pays qui ont déjà un système proportionnel régional. Ils ont un problème, parce qu'il n'y a jamais moins de trois députés dans un district électoral. Cela crée des distorsions parce que les petits partis dans trois... La distance psychologique est moins grande parce que ces endroits ont déjà un système proportionnel. Les autres voient qu'il n'y a pas de proportionnalité parce qu'il y a des seuils électoraux trop élevés.
    Les algorithmes sont-ils décidés avant les élections ou après, avec la question de proportionnalité? Ce n'est pas clair. Est-ce avant les élections? Je pense que c'est seulement après. Il est difficile de calculer les algorithmes après et d'expliquer les décisions aux électeurs. Pour moi, c'est un peu un obstacle.
    L'algorithme en question pouvait être du domaine public longtemps à l'avance. Les gens peuvent faire des simulations. Cela a pris des décennies avant de réussir à le faire. C'est un algorithme qui sert à équilibrer. Originalement, il servait à faire des beaux tableaux statistiques qui arrivaient à des résultats de 100 % en bas. Avec des nombres entiers, c'est plus compliqué. Cela a pris des décennies avant d'établir l'algorithme qui arrive exactement avec le bon nombre de députés en bas.
    Cela existe depuis une dizaine d'années. Il y a trois ou quatre versions. Je suis en contact avec tous les spécialistes dans le monde. Ils m'ont dit que si jamais j'avais besoin d'aide, ils se feraient un plaisir de m'aider.
    La vraie difficulté est de faire en sorte que les gens aient confiance. Évidemment...
    C'est compris, merci.
    Monsieur Aldag, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'aimerais remercier nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Tandis que j'écoutais vos exposés, je me suis trouvé à penser au degré de complexité des méthodes de calcul qui seraient utilisées. Cela ne pose pas problème, et je comprends qu'on doive faire des calculs mathématiques pour obtenir, dans certains systèmes, une certaine proportionnalité, notamment. Je vous dirais que j'ai pensé qu'il serait formidable de laisser Élections Canada se démêler avec cela, créer les algorithmes et faire tout ce qui est nécessaire.
    J'ai passé une bonne partie de ma carrière dans le domaine des communications, et j'ai de la difficulté à saisir comment je pourrais vendre aux Canadiens les systèmes que vous avez proposés. Quels sont les avantages?
    Sans vouloir vous mettre sur la sellette, je me demande si vous pourriez me dire, en 30 secondes, comment nous pourrions présenter cela aux Canadiens pour que ce soit compréhensible et leur expliquer en quoi les divers changements que vous proposez sont préférables. Ensuite, nous pourrions laisser Élections Canada se charger des calculs sous-jacents. Pourriez-vous, du point de vue des communications, m'expliquer pourquoi nous devrions procéder à ce changement et pourquoi ce serait la meilleure solution pour le Canada?

  (1435)  

    Cela ne change rien, sauf que c'est proportionnel.
    Vous auriez toujours votre député. Le problème, dans notre système, c'est que votre vote n'a pas le même poids que celui des autres. Il suffit d'en changer le poids pour rétablir l'équilibre. C'est ainsi que cela fonctionne.
    Notre système n'est pas proportionnel; on ne fait qu'atténuer la distorsion pour qu'il le soit.
    Donc, en fait, le message comporte un élément de simplicité et...
    L'électeur vote exactement de la même façon, il a un député et la campagne électorale se déroule de la même façon. Il n'y a que le résultat de l'élection qui change. Il faut savoir se démarquer à l'échelle locale, parce que cela aura une instance à l'échelle du pays. Le seul problème est le changement que cela entraîne à l'échelle locale; il y aura des frustrations, du moins pour la première élection. Après deux ou trois élections, il y aura probablement une certaine stabilité. Lorsqu'on modifie un mode de scrutin, il faut compter trois élections pour le rajustement du système politique. Il ne faut pas se désoler après la première.
    C'est ainsi que je vendrais l'idée: rien ne change, mais c'est proportionnel. On ne fait que corriger le système.
    Très bien.
    Monsieur Rémillard, que répondriez-vous? Pourquoi ce changement? Comment pouvons-nous expliquer cela aux Canadiens en termes simples?

[Français]

     Mon collègue a dit quelque chose d'assez intéressant: cela ne change rien, mais on procède différemment. Si tel est le cas, pourquoi changer?

[Traduction]

    Si ce n'est pas brisé, n'essayez pas de le réparer.

[Français]

    Ma pensée est légèrement différente.
    Je ne cherche pas une justice mathématique. Les gens cherchent-ils une justice mathématique? Certains, oui, parce qu'ils seraient avantagés. Quand je dis le mot « rationaliser », cela ne veut pas dire qu'il faille tenir compte uniquement des calculs. Il faut également tenir compte de la psychologie humaine, de certaines données politiques et de la connaissance politique des gens. Il faut quand même que le résultat des élections soit assez intuitif pour être accepté.
    Il ne faut pas passer par toute une élaboration politique mathématique, que peut-être 1 % de la population comprendra. Il faut vraiment que le résultat corresponde au souhait majoritaire de la population. En ce sens, le système majoritaire actuel fait quand même une bonne partie du travail, mais il faut le corriger à la marge. Il ne faut pas le changer complètement, mais le corriger à la marge en gardant ce qui est relativement accepté, et faire en sorte que ceux qui sont un peu malheureux de la situation le soient moins. Il ne s'agit pas de tout changer.
    Merci.
    Nous allons passer maintenant à M. Deltell.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs et mesdames, soyez les bienvenues dans la plus belle ville du monde, Québec. S'il y a un point qui nous rassemble, au Parti vert et au Parti conservateur, c'est bien l'amour que nous avons pour la ville de Québec.
    Madame May, je savais qu'un jour, nous allions nous entendre très bien tous les deux. Ne comptez pas sur moi pour vous rappeler les résultats électoraux à Québec à la dernière élection. Cela briserait un peu notre harmonie.
    Messieurs, soyez les bienvenus au Parlement.
    Monsieur Dutil, tout d'abord, bravo et merci de vous engager en politique et d'avoir porté les couleurs d'un parti politique, quel qu'il soit. Je me souviens de votre campagne contre le Dr Bolduc ici même, dans une élection partielle provinciale à Québec. J'étais journaliste à ce moment-là. Je vous salue, monsieur.
    J'aimerais dire quelque chose au sujet de votre histoire de gagnants qui sont perdants et de perdants qui sont gagnants. Nous avons tous l'esprit ouvert ici, mais je peux vous assurer d'une chose: jamais je ne défendrai cette position et jamais je ne me présenterai à une élection où un perdant peut devenir un gagnant et où un gagnant peut devenir un perdant. Jamais je ne me présenterai non plus à une élection où le vote d'un citoyen vaudrait 0,99 % et un autre 3,8 %, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
    C'est tout à fait contraire à tous les principes de démocratie. C'est peut-être en harmonie avec certaines paroles bibliques. À Matthieu 20, il est dit ceci: « Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. » Si je continue, on dira encore que les conservateurs parlent de l'église. Alors, oublions cela.
    Monsieur Dutil, comment peut-on accepter que le vote d'un citoyen soit aussi disproportionné, surtout que c'est l'arithmétique ou les algorithmes qui feront en sorte que le cinquième devienne le premier?
    Je sais que tous mes collègues s'interrogent à ce sujet. Essayez de me donner, de la façon la plus concise possible, un bon argument pour nous convaincre que ce système est une bonne chose.

  (1440)  

     À l'heure actuelle, les votes n'ont pas tous une valeur égale. Dans le cadre d'une élection en circonscription, il y a quatre chances sur cinq que le vote d'un citoyen ne compte pas. C'est l'interprétation de bien des gens. Si un candidat est défait, les votes en sa faveur ne sont pas pris en compte. S'il obtient moins de 10 % des votes, les chances que ceux-ci valent quelque chose sont à peu près nulles. Le système est déjà tordu. Vous vous êtes présenté à plusieurs élections dans un système tordu et cela ne vous a jamais causé de problème.
    Il est certain que le résultat du système majoritaire uninominal à un tour est naturel. Le problème, c'est que dans le cas d'un système proportionnel, quelle que soit la variante, quelque chose de semblable va se produire. Que ce soit en raison des listes ou autres, des distorsions vont nécessairement apparaître à l'échelle régionale. Aucun système ne permet d'éviter cela, je vous le dis. C'est certainement un élément irritant. Je ne sais pas dans combien de circonscriptions la situation se présente, par contre. Je ne sais pas si c'est dans un tiers des circonscriptions ou non. Si on parle d'un cinquième, il y a peut-être 2 % de différence de votes entre celui qui arrive premier et celui qui arrive dernier. C'est cela que je ne sais pas encore. Je n'ai pas simulé ce calcul, parce que c'est beaucoup de travail. Comme je le dis, on peut ignorer toutes les circonscriptions où le résultat dépasse 50 %. Je crois qu'un tiers des circonscriptions pourraient être touchées. C'est peut-être acceptable. Je sais que les gens vont probablement se plaindre, qu'ils vont mal réagir, mais le résultat global sera plus proche de la réalité. Localement, ce sera peut-être un peu plus frustrant.
    Il y a un autre élément que j'ai oublié de mentionner. La pluralité, à cause de la division des votes, comporte un taux d'erreur. J'ai calculé, dans le cas du Québec, qu'il était de 20 % à 25 %. En ce qui concerne le fédéral, je n'ai pas les chiffres, mais je l'ai calculé pour ce qui est du Québec. Dans 20 % à 25 % des cas, celui qui avait gagné, qui avait obtenu le plus de votes, qui était arrivé premier, n'était pas le choix de la population. Cela aurait pu être différent si on avait utilisé un mode de scrutin qui déterminait le gagnant de Condorcet, supposé être celui lui qui battrait tout le monde dans une élection individuelle.
    Il y a un taux d'erreur de 20 % à 30 % actuellement, on s'y fait, on trouve cela acceptable. La personne est élue, elle est accueillie au Parlement, elle représente ses concitoyens. Vous avez peut-être en tête le cas de personnes qui sont sorties gagnantes parce que le vote s'était divisé entre trois ou quatre partis. Il y en a, et je suis certain que ces personnes font quand même de bons députés. Certaines gens peuvent se dire que cela n'a pas de sens. Toutefois, je me suis aperçu qu'une fois la personne élue, les gens ont tendance à considérer qu'elle occupe légitimement son poste. Ceux d'entre vous qui ont recueilli moins de 50 % des votes, ceux qui ont été élus avec 31 %, 32 % des voix, ont de bonnes chances d'avoir gagné indirectement. Vous êtes arrivés premiers, mais vous n'étiez peut-être pas le premier choix de la population. On s'en accommode, on fonctionne de cette manière depuis 200 ans.
    Vous dites qu'avec 50 % plus un, les personnes élues le sont directement. Parfait, cela tombe bien en ce qui me concerne. J'ai été candidat à quatre élections et j'en ai gagné trois avec plus de 50 %. Le député de Québec, qui est parmi nous, a été élu avec 28 % des voix et, à présent, il est un ministre important au sein du gouvernement actuel. Cela n'empêche pas qu'il soit dûment élu, même si lui-même reconnaît qu'il n'est pas ministre de Québec, mais c'est une autre chose.
    Dans les conditions que vous décrivez, aucune démocratie ne peut fonctionner.
    Prenons l'exemple français du deuxième tour de scrutin, où il y a un candidat A et un candidat B et que l'un d'eux doit obtenir la majorité absolue. Si nous partons du principe selon lequel il n'y a plus aucun système électoral équilibré parce qu'un vote ne veut rien dire, cela signifie que pour 48 % des gens qui ne votent pas, qui votent pour le candidat perdant, le vote est perdu. Non, il n'y a pas de vote perdu en démocratie. Chaque vote exprime une opinion. Ce n'est pas parce que le candidat de notre choix a perdu que notre vote est perdu.
    Nous devons passer au prochain intervenant.
    Madame Romanado, s'il vous plaît, votre tour est venu.
    Monsieur Dutil, vous pouvez toujours répondre à la question précédente. Il n'y a pas de règle relativement à cela.
    Merci beaucoup de votre présence ainsi que de vos témoignages.
    Avant de poser ma question, je vous demande de répondre à celle de M. Deltell. Merci.

  (1445)  

    Le problème de l'intégration du vote fait que des votes sont perdus. La pluralité jette les votes alors que d'autres modes de scrutin ne le font pas. Un mode de scrutin que j'aime bien est le vote par assentiment, qui est extrêmement simpliste. Les gens ne sont pas obligés de voter pour un seul député. Je ne suggère pas de former un Parlement de cette manière, mais cela pourrait être approprié dans le cas d'élections partielles au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. À ces endroits, le vote stratégique tend à s'évaporer. Les gens votent pour le candidat qui leur plaît le plus. Celui qui recueille le plus de votes est vraiment celui qui reçoit l'appui du plus grand nombre de gens. Il ne sera pas nécessairement le gagnant de Condorcet, pour ceux qui s'intéressent aux mathématiques. Cependant, avec la pluralité, le taux d'erreur est effrayant, soit entre 20 % et 30 %.
     Il y a d'autres méthodes. Le système à N-tours est un peu mieux. Le taux d'erreur est de 10 % à 15 %. Si l'on veut un mode de scrutin qui détermine vraiment le gagnant local, et qui assure que c'est le bon, cela peut encore passer. Par contre, je sais que, ce faisant — Raymond Côté va proposer quelque chose à ce sujet tout à l'heure —, vous vous retrouvez avec les partis centristes. Vous éliminez certaines options. C'est toujours un choix. Soit l'on désire une assemblée qui représente la diversité, soit l'on veut quelqu'un qui est centriste. Selon ce que l'on veut comme résultat, il y a les deux types de mode de scrutin.
     Je vais vous arrêter.
    Vous parlez de la diversité au Parlement. Selon l'Union interparlementaire, qui dresse le classement mondial du nombre de femmes siégeant comme députées dans les Parlements nationaux, le Canada se classe actuellement au 64e rang. Dans les faits, 26 % de nos députés au niveau fédéral sont des femmes.
    Comment vos deux propositions contribueront-elles à convaincre les femmes de se présenter aux élections et à se faire élire? J'aimerais obtenir vos explications pour les deux volets de ma question. Merci.
    Je ne vois pas comment cela peut changer quelque chose. Même la représentation proportionnelle ne change pas grand-chose. La raison pour laquelle il y a plus de femmes députées dans les pays appliquant la représentation proportionnelle que dans les autres, c'est que ce sont les pays scandinaves qui ont été les premiers pays à adopter ce type de représentation. Les pays scandinaves ont, au XIXe siècle, accordé le droit de vote à tout le monde, incluant les femmes. Ils ont eu 50 ans d'avance sur les autres pays.
    Il y a quelques années encore, le Québec se classait parmi les meilleurs au monde pour le taux de progression des femmes en politique. Pour une raison que je ne comprends pas, on a écrasé les freins. Le mode de scrutin a peu d'incidence à cet égard.
    Le problème d'entrée des femmes en politique est souvent attribuable au fait que des élus se font réélire pendant des décennies. Je pense aux circonscriptions où les mêmes politiciens sont élus et réélus. Par exemple, c'est le cas de M. Gendron, au Québec, qui est député depuis 25 ans. Ainsi, tant que les députés, le plus souvent des hommes, ne perdent pas ou ne quittent pas leur siège, l'accès aux femmes reste fermé.
    Si le mode de scrutin change, 30 % des députés vont perdre leur emploi automatiquement, et s'il y a assez de femmes candidates, la proportion de femmes au Parlement devrait augmenter, comme cela s'est passé en Nouvelle-Zélande. Par la suite, le chemin normal de la société reprend ses droits.
    Je sais que certains préféreraient le scrutin de liste comme au Rwanda, où les postes sont attribués en alternance à une femme, un homme, une femme, un homme. C'est le seul pays au monde qui a ce système. Presque tous les autres pays qui appliquent un quota augmentent celui-ci de 2 % par an, de sorte qu'il se situe juste en dessous du nombre de femmes qui devraient être élues à la prochaine élection, selon les prévisions, si la tendance se maintient.
    Des pays comme la Norvège ont mis un terme au quota parce qu'ils ne pouvaient pas avoir assez de femmes. Le Parti vert norvégien, à cause de la règle voulant qu'il y ait un tiers de femmes, ne pouvait pas avoir autant de femmes qu'il le voulait. Cette règle a donc été abolie.
    J'ai beaucoup de réticences face au système de quotas. Certains ne jurent que par les quotas, mais ce n'est pas mon cas.
    Parfait.
    Je veux laisser un peu de temps à M. Rémillard pour qu'il nous explique comment ce système peut aider les femmes en politique.
    Je suis assez d'accord avec M. Dutil à ce sujet.
    Finalement, ce n'est pas le système lui-même qui va faire la promotion des femmes en politique. Il faut que les femmes se prennent en main et se présentent aux élections.
    Toutefois, il faut que le système donne une chance réelle d'être élu. Il faut un système où les votes ne se perdent pas, même pour des candidats qui obtiendraient un faible pourcentage de votes.
    Dans le système que je propose, un candidat qui a 10 % ou 20 % des votes dans sa circonscription ne sera pas élu. Par contre, le candidat qui obtient 1 % du vote national sera nommé député, parce que si on multiplie 1 % par 0,5, disons, cela donne un demi. Si l'on multiplie un demi par 300, cela donne un et demi. Un et demi donne un député. Ainsi, avec ce système, plus un parti obtient un pourcentage élevé de votes, plus il comptera de députés. Le calcul est facile.

  (1450)  

    Merci beaucoup.
    Madame Sansoucy, vous avez la parole.
     Je remercie les deux témoins.
    Comme l'ont souligné certains de mes collègues, vous amenez des points de vue tout à fait originaux. Vous me rappelez à quel point je ne suis pas forte en mathématiques. Vous comprendrez que mes questions ne porteront pas sur les modèles que vous proposez.
    Vous avez amené des points de vue sur les facteurs humains et psychologiques, que je trouve très intéressants. J'aimerais qu'on les aborde.
    Je fais de la politique depuis neuf ans et je me suis intéressée aux modes de scrutin en même temps. Comme l'a souligné M. Rayes, ce n'est pas la seule raison pour laquelle, le matin d'une élection, tous les gens ne vont pas voter avec conviction, mais pour moi, cela fait partie des facteurs en cause.
    Pour moi, aller voter est un exercice de participation citoyenne de première importance. Une des raisons qui me motivent à faire de la politique est de faire en sorte que les gens se sentent concernés. Je crois que le statu quo ou le mode de scrutin actuel contribue au cynisme et à l'apparition du vote stratégique. Même si c'est dans la culture québécoise de ne pas vouloir perdre ses élections, il y a une limite au jeu de calcul.
    Monsieur Dutil, ma première question s'adresse à vous, mais si vous avez quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Rémillard, n'hésitez pas à le faire.
    Vous avez abordé très brièvement des théories psychologiques et des facteurs humains qui expliquent pourquoi les gens se sentent concernés et décident d'aller voter. Ce que je trouve intéressant, c'est justement qu'on ne peut pas prendre les résultats de l'élection de 2015 et les analyser à la lumière d'un nouveau mode de scrutin, parce que le mode de scrutin lui-même vient influencer la façon dont on vote.
    J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect.
    C'est le calcul du vote stratégique.
    M. Deltell me disait tout à l'heure que le sport le plus populaire du monde était le soccer. Pourquoi? C'est parce que c'est le sport où le hasard a le plus d'incidence. Il y a eu plusieurs cas où des outsiders ou des équipes de troisième ligue ont battu des équipes nationales.
    Quand on connaît le résultat à l'avance, c'est moins tentant de se lever le matin pour aller voter. Quand le député de notre circonscription est le même depuis quatre élections et qu'il n'est pas un candidat du parti de notre choix, c'est peut-être moins tentant d'aller voter.
    Le fait de ne pas être trop sûr de ce qui va arriver joue aussi. Le référendum de 1995 est le cas ultime, tout comme l'est le Brexit, en Angleterre. On ne savait pas quel serait le résultat. Il n'y avait pas beaucoup plus de pouvoir de vote qu'en temps normal, mais du point de vue psychologique, cela comptait pour beaucoup. Le fait de ne pas savoir quel sera le résultat compte pour beaucoup.
    J'ai vu des élections purement proportionnelles en Espagne, et c'est assez sec. La différence entre le résultat du dernier sondage et celui de l'élection est minime; c'est à quelques points de pourcentage près. Je ne suis pas certain que les gens iraient voter davantage si on passait à un tel mode de scrutin.
    Les gens s'intéressent beaucoup à ce qui se passe localement. Il y a aussi que les élections sont une chose parmi d'autres. Les gens ne pensent pas à la politique tout le temps. On ne participe pas aux commissions parlementaires ou aux réunions du conseil municipal naturellement. Soit qu'on n'a pas le temps, soit qu'on se dit que cela ne changera rien. Personnellement, je l'ai fait quelques fois. J'en suis à ma cinquième ou sixième consultation, et j'ai toujours eu l'impression d'avoir apporté ma contribution.

  (1455)  

    Certains de mes collègues ont soulevé l'importance de la représentation locale; nous le vivons tous aussi comme députés. Pour que les gens se sentent concernés, ils doivent avoir la conviction qu'ils choisissent un porte-parole, quelqu'un qui va les représenter. Les gens qui les représentent sont vraiment le reflet de leur vote. Selon moi, c'est l'un des facteurs de motivation pour adopter un scrutin proportionnel.
     Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous venez de dire. Dans mes termes, je dirais qu'il faut un lien député-électeur et que ce lien doit même être assez serré. Or aujourd'hui, ce lien est assez distendu. Qui appelle ou va voir son député? Quand et comment le député arrive-t-il à rejoindre non seulement les électeurs, mais aussi la population? Il y a diverses activités, soit, mais il y a une désaffectation de la politique. À mon avis, c'est un problème sociétal et non un problème uniquement politique.
    Cela étant dit, le vote stratégique se fait assez souvent en réaction à quelque chose. On en a marre d'un gouvernement. On n'est pas d'accord quant à une décision ou une autre. On votre alors de façon stratégique pour qu'il y ait un changement. Ce n'est pas un vote sans motivation, voire une motivation profonde. Ce n'est pas qu'un pur calcul.
    J'avais autre chose à dire, mais je l'ai oublié.
    Heureusement, parce que le temps de parole est écoulé.
    Monsieur Maguire, vous avez la parole.

[Traduction]

    Monsieur le président, je tiens à remercier nos deux témoins des exposés qu'ils ont présentés aujourd'hui.
    Monsieur Dutil, plus tôt, vous avez indiqué que le cerveau humain ne peut évaluer que sept candidats, environ. Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur le système auquel vous faisiez référence. Sans vouloir paraître trop facétieux, je serais d'accord avec mon collègue pour dire que le premier mot qui me vient à l'esprit dans le cas présent est « complexe ». Voilà pourquoi j'ai fait ce commentaire, qui n'est sarcastique qu'en partie. Je me demande si vous pourriez nous aider à comprendre comment vous en êtes arrivé à cette conclusion.
    Vous avez aussi indiqué que l'économie aide à réduire le champ des idées à deux partis. Est-ce exact?
    En outre, vous avez dit que le système proportionnel entraîne une augmentation du nombre de partis. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?
    En psychologie, il est reconnu que classer sept personnes ou sept éléments quelconques est une limite humaine. Je pense que Raymond Côté en parlera de façon plus détaillée dans quelques minutes. Cela correspond simplement aux capacités limitées du cerveau humain.
    J'ai été à même de le constater dans le cas d'un scrutin expérimental réalisé en France. On a demandé aux gens de faire l'expérience d'autres modes de scrutin et dans l'un d'entre eux, il s'agissait de classer les candidats. Pour les sept premiers, les gens étaient plutôt raisonnables, mais le système s'est effondré et tout est devenu aléatoire. À ce moment-là, cela dépassait la capacité du cerveau humain. C'était trop difficile.
    Un étudiant de niveau postdoctoral inscrit à l'université où je travaille habite en Inde. Dans ce pays, les bulletins de vote comptent souvent des dizaines de candidats. Ce sont des bulletins très longs; c'est une tâche impossible. Certaines personnes disent qu'il faudrait simplement imposer une limite et classer les cinq premiers. Cela pourrait être possible, mais cela dépendrait du mode de scrutin.
    Quant aux modes de scrutin qui ont recours à une forme ou une autre de classement, il en existe environ une vingtaine. Il y a notamment le système de VUT utilisé en Irlande, mais je n'ai pas une grande expertise sur le sujet. L'un des bons systèmes est la méthode Borda, dans laquelle des points sont accordés en fonction du rang. Je pense que c'est semblable à la méthode qu'emploient les journalistes pour déterminer la meilleure équipe de hockey. On accorde cinq points pour le premier rang et quatre pour le deuxième. C'est de l'arithmétique de base. Le meilleur candidat est celui qui est le plus près du centre, l'homme ou la femme qui correspond le plus à la moyenne. Cela convient très bien lorsqu'on veut élire un président ou avoir quelqu'un qui représente la population.
    C'est une question de philosophie. Voulez-vous un tel système pour un député, pour quelqu'un qui représente une circonscription? Voulez-vous le candidat moyen qui convient le mieux, ou un Parlement très diversifié? Si vous choisissez cette solution, vous vous retrouverez avec les partis les plus au centre. Au Canada, dans la plupart des cas, ce serait le Parti libéral ou le Parti conservateur. Dans certaines régions, cela pourrait être le NPD. On se retrouve donc avec une concentration.
    J'ai fait une simulation pour le Québec, mais je n'en ai jamais fait pour l'ensemble du Canada. Pour le Québec, j'ai eu comme résultat le PLQ, le PQ et trois ou quatre députés de l'ADQ. Habituellement, on se trouve à écarter ceux qui sont moins au centre, et cela converge vers deux partis, ce qui est précisément ce que l'on veut éviter actuellement.
    J'aurais toutefois recours à cette méthode pour un cas précis, celui des élections partielles. Dans un tel cas, vous voudrez peut-être revoir le mécanisme pour trouver un remplaçant; il s'agit de remplacer un député. On utiliserait une de ces méthodes perfectionnées pour trouver le meilleur candidat moyen pour le reste du mandat. Cela pourrait permettre à un autre parti de l'emporter, ce qui n'aurait peut-être pas été possible autrement.

  (1500)  

    Quand vous dites « élections partielles », vous parlez d'élections complémentaires?
    Oui, c'est cela.
    Merci.
    Nous passons à M. DeCourcey.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Au nom de mes confrères acadiens et brayons du Nouveau-Brunswick, je vous remercie tous, ici à Québec, de votre accueil. Je remercie aussi notre équipe de nous avoir donné un peu de temps pour nous situer dans cette belle ville. Nous en avons bien profité.
    Monsieur Rémillard, selon votre système, pourrait-il advenir de temps à autre qu'on accorde des sièges supplémentaires au parti ayant remporté l'élection et formant le gouvernement?
     Non. Dans le système majoritaire que nous avons au Canada, le parti qui gagne l'élection a habituellement un pourcentage de députés plus élevé que le pourcentage de voix, sauf dans le cas où un gouvernement est élu avec une minorité de députés. Or, cela exige un gouvernement de coalition.
    Au Canada, contrairement à ce qu'on pense, on est très ouvert aux gouvernements de coalition. En fait, 40 % des gouvernements canadiens ont été des gouvernements de coalition. Depuis 1963, ils ont gouverné pendant environ 20 % du temps. Un gouvernement qui a très bien fonctionné, c'est celui de Pearson. Ce n'était pas un gouvernement de coalition, mais un gouvernement appuyé par le NPD. Il a été élu à deux reprises et cela a très bien fonctionné. Ce gouvernement a été qualifié comme étant un des meilleurs gouvernements au Canada.
    Au Canada, quand un parti élit une majorité de députés, il forme le gouvernement. Personnellement, je préconise l'attribution des fonctions parlementaires selon le pourcentage de votes obtenus plutôt que selon le pourcentage de députés élus. Actuellement, c'est le nombre de députés élus qui compte. Dans certains cas, un parti obtient la majorité des sièges avec une minorité de votes, alors que l'opposition officielle a plus de votes en pourcentage que le parti gouvernemental.
    Il faudrait renverser les choses.
    Ce genre de situation s'est souvent produit au Québec. Avec le système que je propose, on aurait pu renverser les choses, soit donner le gouvernement au parti qui a un pourcentage de votes plus élevé que celui qui a officiellement gagné selon le nombre de sièges. Cependant, il y a un cas dans l'histoire du Québec où cette logique était absolument impossible. C'est quand le Parti québécois a été élu et que le Parti libéral, je crois, était arrivé deuxième. Le Parti québécois avait obtenu tellement de députés que même en appliquant des ratios élevés — comme 1,2 —, on n'arrivait pas à déloger le Parti québécois.
     Je ne pense pas qu'une telle situation soit arrivée au Canada, probablement parce qu'on joue avec de plus grands chiffres. Les risques, dans ce cas, qu'un tel problème survienne sont moindres au Canada. En général, le gouvernement qui est élu avec une bonne majorité reste en place, comme en Allemagne, d'ailleurs.

  (1505)  

    Merci beaucoup de ces clarifications.
    Monsieur Dutil, j'aimerais vous laisser le dernier mot.
    Vous avez mentionné comme barrière psychologique chez les électeurs le fait de voir leur vote être rationalisé, soit un vote qui compterait moins que les autres.
    Vous et M. Rémillard avez mentionné les défis que comporte un système proportionnel. Quel genre de barrière psychologique voyez-vous pour les différents systèmes électoraux dont nous avons discuté avec les différents témoins qui ont comparu devant le Comité?
    Tout ce qui va changer un peu la façon de voter des gens va accrocher.
    J'ai fait une expérience avec des étudiants de l'Université Laval, en 2007. On leur demandait simplement de mettre des candidats en ordre et de donner une évaluation. C'était trois modes de scrutin: le vote par assentiment; le vote par évaluation, où on donne des points, une note aux candidats; et le vote préférentiel, où on demande un ordre de préférence. Il y a 10 % des étudiants qui n'étaient pas capables de faire cet exercice. Ils faisaient une erreur, ils se trompaient, ils inversaient les candidats, ils ne mettaient pas les points. On était en mesure de le constater, car les résultats étaient incohérents d'un mode de scrutin à l'autre.
    Donc, plus on va s'éloigner du mode de scrutin actuel, plus il va y avoir des problèmes. En pratique, au moins dès la première élection, ce sera très difficile. Cela dit, cela ne veut pas dire que cela ne se fait pas.
    Un autre élément, aussi, c'est qu'on est habitué à avoir des gouvernements majoritaires. Quand ils sont minoritaires, on n'aime pas cela et ils ne durent pas longtemps. Ce sera donc des gouvernements de coalition.
    Il y a un autre aspect important à noter qui n'est pas psychologique mais opérationnel. Il faut que le gouverneur général ait une autorité morale pour pouvoir dire qu'il préfère une coalition à un gouvernement minoritaire, si on lui en fait la proposition. S'il y a une élection anticipée pour des motifs farfelus, pour que le gouverneur général puisse dire non, il faudrait qu'il soit élu par le Parlement, et non nommé par le bureau du premier ministre. En Europe, partout où il y a des systèmes proportionnels, c'est comme cela. À un moment donné, il faut un juge pour trancher. Si un parti n'est pas capable de former le gouvernement, le gouverneur général devrait être en mesure de demander au deuxième parti qui a le plus de députés de prendre le pouvoir. Cela n'existe pas dans notre système actuellement, d'autant plus qu'on n'a pas de reine opérationnelle. C'est donc quelque chose qu'il faudrait avoir. Cela dit, ce genre de chose pourrait choquer les gens. Actuellement, le gouverneur général est une potiche, mais il pourrait devenir important. Cela aussi pourrait s'avérer un peu problématique.
     Merci.
    J'ai une question pour terminer cette partie de la rencontre.
    Nous avons beaucoup parlé de la stabilité des Parlements élus par représentation proportionnelle. Jusqu'à présent, on nous a dit que, dans le cadre d'un système proportionnel, il se créait des compromis et des consensus, qu'il s'installait donc une certaine stabilité, puisque les gens s'entendaient. Je présume que, s'il y a trop de partis, il pourrait être très difficile de trouver des compromis, mais que des alliances pourraient se conclure.
    Selon le contexte, pensez-vous possible, dans un système proportionnel, que l'on puisse se retrouver en présence de deux partis importants, parfois aux antipodes, de sorte que la possibilité d'élections plane constamment?
    Depuis que j'ai été élu au Parlement, j'ai vécu beaucoup de situations semblables. Le gouvernement était minoritaire, mais cela ne voulait pas dire que les partis s'entendaient. Cela voulait dire que l'on attendait le bon moment pour déclencher une élection.
    Croyez-vous que l'on pourrait se retrouver, même en système proportionnel, en présence de deux grands partis qui s'opposent sur le plan idéologique, et qu'il pourrait y avoir de l'alternance et des vagues de changement? Cela est-il possible ou bien cela ne se produit-il plus une fois que l'on a adopté la représentation proportionnelle?

  (1510)  

    Pareille situation devient beaucoup moins probable. Il n'est pas impossible qu'il y ait des fractures. Toutefois, partout dans le monde, on constate que le nombre de partis se multiplie. D'ailleurs, un risque se présente, lors des premières ou deuxièmes élections, parce que, s'il n'y a pas assez de partis, il faut former des coalitions de façon intelligente. Je m'explique.
    Actuellement, on ne peut pas imaginer beaucoup de combinaisons possibles de coalitions en vue de former un gouvernement majoritaire. Il faut qu'il y ait suffisamment de partis pour établir des coalitions. Donc, s'il n'y a pas de fragmentation — il pourrait y en avoir, mais il se peut que ce ne soit qu'après au moins trois élections, ce qui équivaut à 12 ou 15 ans —, il se peut que nous ayons encore pendant plusieurs années ces deux blocs qui s'entrechoquent. Cela pourrait finir par se défaire.
    Je sais qu'en Espagne, il y avait encore deux grands blocs, à l'époque où j'étais là, en 2000.
    D'accord.
    Monsieur Rémillard, vous voulez intervenir?
    Je veux faire remarquer qu'en Allemagne, la situation est très bizarre. Pourtant, le pays possède un système proportionnel. Le couple CDU-CSU a formé le gouvernement depuis 1949, sauf à trois élections. Ces deux partis forment des coalitions avec d'autres qui peuvent varier.
    Ce sont toujours les mêmes gens au pouvoir.
    C'est toujours le même parti qui représente le centre du pouvoir.
    Oui. Alors, cela peut donner lieu à un certain monopole.
    C'est pire qu'au Canada. Ici, au moins, nous avons une alternance.
    Oui.
    Au Québec, c'est encore mieux d'une certaine façon, parce qu'il y a alternance à la tête du système, à savoir que le parti gouvernemental peut être autre que libéral, ou autre que l'Union nationale à l'époque, et ainsi de suite. C'est aussi le cas en ce qui concerne le parti d'opposition officielle. Il y a une certaine progression, puis on arrive vraiment à former le gouvernement.
    Merci. Cela a été très intéressant. Comme je l'ai mentionné au départ, nous avons pris une direction nouvelle. Nous avons beaucoup appris grâce à vos points de vue, qui m'ont paru très originaux. Merci beaucoup.
    Nous allons faire une petite pause pour un café. Au retour, nous allons entendre deux autres témoins. Plus tard, nous tiendrons une partie de la séance à micro ouvert.
    Merci.

  (1510)  


  (1525)  

     Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à deux autres témoins. Nous recevons d'abord M. Raymond Côté, que nous connaissons bien puisqu'il a siégé à la Chambre des communes avec M. Boulerice, Mme May et moi. Nous recevons aussi le professeur Jean-Pierre Derriennic, professeur associé au Département de science politique de l'Université Laval.
    J'imagine que les témoins connaissent le déroulement d'une séance. Chaque témoin fait une présentation de 10 minutes. Cette présentation est suivie d'une période de questions au cours de laquelle on attribue un temps égal à chaque député pour qu'il puisse s'entretenir avec les témoins.
    Nous allons commencer par M. Côté.
    Vous disposez de 10 minutes.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'accorder la parole.
    Je dois avouer que je suis un peu fébrile à l'idée d'être de l'autre côté de la clôture. C'est à mon tour d'être cuisiné, après avoir peut-être terrorisé certains témoins qui ont comparu devant quatre comités permanents de la Chambre des communes où j'ai siégé pendant quatre ans et demi. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Je remercie tous les députés ici présents de participer à ce comité. Il s'agit d'un sujet essentiel qui me passionne depuis longtemps. C'est une des nombreuses raisons qui m'ont amené à faire de la politique de façon active.
    J'ai eu le grand privilège d'être député pendant quatre ans et demi. J'ai été battu en 2015. Ce fut un grand privilège pour moi de participer à quatre élections fédérales, c'est-à-dire les élections de 2006, de 2008, de 2011 et de 2012. Si je parle de cet aspect, c'est qu'en 2006 et en 2008, mes chances d'être élu étaient très faibles, ce qui désolait énormément ma maman. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi je me présentais pour le NPD.
    Cela étant dit, j'ai toujours fait campagne sur le terrain, et j'ai fait énormément de porte-à-porte. En tant qu'observateur, j'ai aussi eu le grand privilège de voir le comportement des électeurs. À partir de ce moment, j'ai eu les éléments qui me permettaient de comprendre à quel point notre système de scrutin influençait le comportement des électeurs.
    Je me souviens que, lors de ma première campagne, en 2006, nous avions les deux pieds dans la neige. Vous vous souviendrez sans doute de l'interminable campagne de 56 jours; celle de 2015 n'était pas la première. La journée du vote était le 23 janvier. À Québec, il neigeait pratiquement tous les deux ou trois jours, ce qui était horrible. À l'époque, mon chef, Jack Layton, n'était pas si connu. En fait, il fallait que je le mette en contexte auprès des électeurs en le décrivant comme l'homme moustachu qui souriait tout le temps. Alors, les gens le reconnaissaient et ils me disaient qu'ils l'aimaient bien. Cela permettait aux gens de me replacer en tant que candidat, en tant que représentant de ce chef de parti.
    Par contre, en 2008, dans la plupart des foyers québécois, Jack était déjà, en quelque sorte, un membre de la famille. Cela m'a permis de faire une observation très importante et très intéressante. Les gens aimaient déjà énormément Jack Layton. Toutefois, la réaction de la plupart des gens était de me dire qu'ils voulaient voter pour moi, mais qu'ils ne croyaient pas du tout en mes chances d'être élu.
    Ce comportement est largement répandu; il est induit, dès le départ, par notre système de scrutin uninominal à un tour.
    Pour la plupart des gens — j'ai parlé de ma maman et de ce groupe d'électeurs —, ce qui est important, c'est que leur vote soit utile en votant pour le gagnant. Pendant une campagne électorale, le vrai défi, c'est de réfléchir à savoir qui gagnera l'élection et comment le vote d'un électeur pourra aller à ce gagnant, et ce, même si le candidat en question ne reflète pas nécessairement les intérêts, les besoins ou les objectifs des électeurs. C'est un défaut de notre mode de scrutin actuel, qui est très imparfait et que nous ne pouvons pas maintenir. Le statu quo nous forcerait à continuer de vivre avec des résultats qui ne reflètent pas la volonté de la population.
    C'est aussi le cas pour un mode de scrutin uninominal à deux ou à plusieurs tours. La France fonctionne avec un système à deux tours, ce qui a amené des distorsions absolument extraordinaires. D'ailleurs, dans mon très court mémoire, je parle du résultat délirant de l'élection présidentielle de 2002. Le candidat du Front national, M. Jean-Marie Le Pen, s'était faufilé au deuxième tour. Par la suite, il a été écrasé honteusement en obtenant seulement 17,7 % des voix, alors que Jacques Chirac a obtenu plus de 80 % des voix. Cela a permis de révéler qu'une très grande partie des Français n'était absolument pas d'accord pour appuyer Jean-Marie Le Pen; c'était même un candidat qui les repoussait.
    Cette élection a été un catalyseur qui a amené deux chercheurs français à penser au système de vote que je vais vous présenter. Cela les a convaincus qu'il fallait vraiment présenter une autre option aux gens.

  (1530)  

    J'ai parcouru, d'ailleurs, le document d'information sur les systèmes électoraux. Le système préférentiel comporte un peu les mêmes défauts que le système uninominal. En hiérarchisant les gens, en leur donnant un rang, cela peut entraîner des distorsions qui font que le candidat qui devrait être le plus objectivement possible le gagnant ne gagnera pas nécessairement. C'est que, par le jeu du deuxième et troisième rangs qui sont attribués à leur candidat, les électeurs peuvent faire en sorte qu'un candidat non attendu remporte la mise, en fin de compte.
    Cela fait quand même 150 ans que nous utilisons le système uninominal à un tour. Nous pourrions très bien continuer ainsi. À ma connaissance, jusqu'à maintenant, au Canada, il n'y a pas eu d'émeutes à la suite de résultats électoraux. C'est un système qui semble être accepté, et même acceptable, pour ce qui est d'une bonne partie des gens. Par contre, c'est un système, malheureusement, qui ne reflète pas nécessairement la diversité des voix, des expressions, et qui donne des résultats qui peuvent même être contraires, je le répète, aux intérêts de la majorité des électeurs, que ce soit dans une circonscription électorale ou sur le plan national.
    Je vous présente aujourd'hui le système de vote par jugement majoritaire. Il a été élaboré par deux chercheurs français, MM. Michel Balinski et Rida Laraki. C'est un système qui va briser la hiérarchisation et aussi les distorsions qu'on peut observer au sein des différents systèmes de scrutin qui existent dans le monde. D'ailleurs, dans mon mémoire — les témoins précédents en ont parlé —, il y a une réflexion sur les résultats de scrutin. Cela a été étudié de longue date. Des cas limites ont été considérés par des mathématiciens, des grands penseurs, qui ont démontré à quel point le résultat pouvait ne pas être fidèle à la volonté des gens. Le système de vote par jugement majoritaire rassemble vraiment les opinions de tout le monde.
    Dans mon mémoire, j'explique que le théorème de Kenneth Arrow présente trois aspects très importants auxquels un système de vote doit répondre. Il doit toujours déterminer un gagnant pour la totalité des électeurs, ce que notre système actuel ne permet pas. Ensuite, il doit éviter qu'un candidat mineur, par sa présence ou par son absence, puisse influencer le résultat final. Enfin, il doit assurer l'égalité des voix des électeurs. J'irais même plus loin en disant qu'il doit assurer que la voix de tous les électeurs est prise en compte dans le résultat.
    Je vous explique comment le système de vote par jugement majoritaire fonctionne. Au lieu de hiérarchiser ou de choisir un gagnant, les électeurs jugent chaque candidat. Le jugement qui est appliqué à chacun peut aller de « excellent », ce qui est très bon pour l'ego, jusqu'à « à rejeter », ce qui peut être très dur pour un politicien qui essaie de survivre personnellement.
    Je vous mets en danger en vous proposant ce système de vote. Vous pourrez vous venger plus tard lorsque vous me poserez des questions.
    Les deux chercheurs français que j'ai mentionnés ont mené des expériences très intéressantes lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012. Elles ont permis de révéler, entre autres, ce que j'appelle la pensée cachée, qui est dissimulée à la totalité des citoyens d'un pays. Prenons l'expérience d'Orsay, en banlieue de Paris, qui a été menée à la sortie de trois bureaux de vote de cette municipalité. Les électeurs ont été invités à essayer librement le système de vote par jugement majoritaire. Les résultats ont été obtenus à la fois sur le plan national et dans la ville d'Orsay. Ces résultats ont été très différents. J'ai retenu moi-même cinq candidats de l'expérience d'Orsay, mais il faut se souvenir que, en 2007, il y avait 12 candidats.

  (1535)  

     En ce premier tour des présidentielles, en France, Nicolas Sarkozy est arrivé au premier rang; Ségolène Royal au deuxième; François Bayrou au troisième; et Jean-Marie Le Pen au quatrième.
    Pour l'exercice, j'ai aussi choisi une candidate du Parti vert — ce n'était pas nécessairement en hommage à Mme Elizabeth May —, simplement parce que la différence du pourcentage de votes la concernant était vraiment remarquable: elle arrivait au huitième rang. En France, elle était quand même septième dans la ville d'Orsay. Si vous examinez les résultats de l'expérience menée auprès de 1 752 électeurs, vous constatez que la hiérarchie change. Avec le système de vote par jugement majoritaire, François Bayrou se retrouve au premier rang; Ségolène Royal est deuxième; Nicolas Sarkozy arrive troisième; et, premier gros changement, Dominique Voynet, la candidate du Parti vert, est en quatrième place. Quant à lui, Jean-Marie Le Pen, le chef du Front national, occupe le douzième et dernier rang. C'est que, dans son cas, plus de 70 % des 1 752 électeurs lui avaient carrément accordé la mention « à rejeter ». Cela permettait de révéler — c'est l'aspect que je trouve particulièrement important — nettement l'opinion de l'ensemble des électeurs.
    Je ne voulais pas vous parler de la mécanique de ce système de vote. Je voulais surtout vous amener à réfléchir sur le fait que les gens puissent voir leur volonté reflétée réellement et complètement dans le cadre d'une élection, par un système de vote radicalement différent, et qui risque d'entraîner un grand changement du comportement des électeurs et des politiciens.
    Je vois, monsieur le président, que mon temps de parole est épuisé. Je vous remercie.
    De toute manière, j'ai très hâte d'être cuisiné par les membres du comité.
    Merci beaucoup de votre présentation, très clairement exprimée d'ailleurs.
    Nous passons maintenant au professeur Derriennic pour 10 minutes, s'il vous plaît.
    Je vous ai présenté un mémoire qui est le résumé des conclusions d'un petit livre militant que j'ai écrit et qui a été publié au début de cette année. Il est intitulé Un meilleur système électoral pour le Canada. Je vais résumer les conclusions de mon mémoire.
    Dans ce mémoire, je vous rappelais les défauts du mode de scrutin que nous utilisons avant de vous dire qu'il y a deux choses qu'il vaut mieux éviter en faisant une réforme et deux choses qui amélioreraient beaucoup notre vie politique. Elles peuvent être faites conjointement.
    Les défauts du mode de scrutin uninominal pluralitaire sont bien connus. Je mentionne dans mon livre quelques chiffres qui sont très frappants. L'année dernière, la Chambre des communes a été élue par 48 % des gens qui ont voté; 52 % des gens ont voté pour des candidats qui ont été battus. Le Parti libéral a obtenu 39,5 % des votes, dont un tiers sont allés à des candidats libéraux qui ont été défaits. Donc, la majorité libérale à la Chambre des communes a été élue par 26 % des gens qui ont voté, si on tient compte de l'abstention, 18 % des Canadiens en âge de voter. Si on faisait les calculs sur des élections précédentes, on trouverait parfois des chiffres encore plus navrants. Je pense que cela laisse une place importante à la possibilité d'améliorer les choses pour diminuer l'insatisfaction de beaucoup de nos concitoyens qui pensent que nos mécanismes électoraux sont très déficients.
     La première chose à ne pas faire est une représentation proportionnelle appliquée dans des circonscriptions élisant chacune un grand nombre de députés, ce qui permet à un grand nombre de partis d'avoir des élus à la Chambre et comporte un risque sérieux d'indécision politique et d'instabilité. Tous les discours épouvantables qui sont tenus par les adversaires de la représentation proportionnelle sont justifiés partiellement dans les cas où la représentation proportionnelle permet d'avoir un très grand nombre de députés à la Chambre. Cependant, il est possible de faire une représentation proportionnelle qui n'a pas cet inconvénient.
    La deuxième chose à ne pas faire, je crois, c'est un système mixte comportant des députés élus dans des circonscriptions uninominales et des députés élus de manière compensatoire. Cela aurait peu d'avantages par rapport à un système proportionnel plus simple et plus raisonnable et ce serait difficile ou impossible à mettre en oeuvre avant la prochaine élection. Ce qu'il faut faire, c'est une représentation proportionnelle modérée appliquée dans des circonscriptions élisant de trois à cinq députés. Cette expression de représentation proportionnelle modérée, je l'ai volée à Vincent Lemieux qui a été un de mes maîtres à penser pour réfléchir sur ces questions.
    Il faut donc faire une représentation proportionnelle modérée avec un vote préférentiel. Les deux formules ne sont pas du tout opposées. Elles peuvent se combiner facilement et leurs avantages s'additionnent. Une représentation proportionnelle modérée ne serait pas très difficile à mettre en place parce qu'elle pourrait être faite en regroupant les circonscriptions actuelles sans changer leurs limites, sans changer le nombre de membres de la Chambre des communes et sans changer le nombre de députés par province. Ce serait moins difficile et plus rapide que de faire les nouvelles circonscriptions uninominales qui seraient nécessaire pour faire un système mixte.
    La représentation proportionnelle modérée permet une répartition plus équitable des élus entre les partis importants et diminue beaucoup le nombre des votes qui n'élisent personne. Elle aurait aussi l'avantage de mettre fin à l'impossibilité pour un parti important d'avoir des élus dans une province ou dans une région du pays, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, pour le Parti conservateur dans les provinces de l'Atlantique. On sait depuis longtemps que cette concentration régionale des élus est un des effets les plus néfastes pour le Canada du mode de scrutin que nous utilisons. C'est une idée très ancienne et justifiée.
    Grâce au petit nombre de députés élus dans chaque circonscription, ces avantages seraient obtenus sans créer un risque d'instabilité gouvernementale attribuable à une prolifération des partis capables d'avoir des élus. La représentation proportionnelle modérée permettrait d'assurer la représentation locale qui est tellement importante pour tellement de gens au Canada, aussi bien ou même mieux que le système actuel ou qu'un système mixte.

  (1540)  

     Dans un système mixte, une partie des députés n'ont pas de base locale, alors que dans des circonscriptions ayant de trois à cinq sièges, tous les députés sont élus dans une circonscription territoriale. Ils la partagent avec d'autres députés. Certains peuvent être des alliés, d'autres peuvent être des adversaires. Le nombre de députés par rapport à la population resterait le même. Les députés ne deviendraient pas plus lointains ou plus difficiles à atteindre. La distance physique, parfois, serait un peu plus grande dans les villes. S'il y avait une circonscription unique dans la ville de Québec, cela ne poserait aucun problème de rencontrer un député par rapport à la situation d'aujourd'hui.
    Dans les campagnes densément peuplées, cela ne présenterait pas non plus beaucoup de problèmes. En Gaspésie, il faudrait faire une circonscription qui va de Montmagny à Gaspé. Alors, là, peut-être que le problème de la distance commence à se poser, mais il y aurait quatre députés qui ne seraient pas obligés de tenir leur bureau tous au même endroit.
    Dans les territoires nordiques, on pourrait garder trois circonscriptions uninominales, où le problème de la distance deviendrait tout à fait particulier. Cela ne changerait rien à la logique générale du système.
    Pour les citoyens qui veulent faire une démarche auprès d'un député, je crois que des circonscriptions plurinominales élisant de trois à cinq députés représenteraient pour eux un avantage énorme. D'abord, c'est parce que la plupart d'entres eux auraient le choix de s'adresser soit à un député de la majorité gouvernementale, soit à un député de l'opposition. Aujourd'hui, ils n'ont pas du tout ce choix.
    Aujourd'hui, pour plus de la moitié des gens qui ont voté, quand ils rencontrent leur député, ils rencontrent un député contre lequel ils ont voté, alors que là, presque certainement, ils auraient le choix entre leurs trois, quatre ou cinq députés. Je suis persuadé que les électeurs du Canada aimeraient beaucoup avoir cette possibilité.
    À ce scrutin proportionnel modéré, il faut ajouter le vote préférentiel. Le vote préférentiel est le moyen le plus efficace pour faire en sorte que tous les votes comptent. Ils ne comptent jamais complètement également. Je ne crois pas que cela soit possible. On peut faire un mode de scrutin dans lequel tous les votes comptent. Pour ce qui est d'être exactement égaux, je crois qu'il n'y a aucun système appliqué aujourd'hui dans le monde qui permet ce résultat.
    Le vote préférentiel devrait être une sorte d'obligation déontologique et pas dans les modes de scrutin, parce qu'il permet aux électeurs de voter sincèrement sans craindre de gaspiller leur vote ni d'être obligés de recourir au vote stratégique. Voter stratégiquement n'est pas immoral. Ce qui est immoral, c'est de maintenir un mode de scrutin qui oblige, au moment des élections, un très grand nombre d'électeurs à choisir entre voter stratégiquement ou donner un vote qui est complètement inutile. Je crois que c'est ce qui est immoral et non pas le fait de voter stratégiquement, qui est une conduite logique de la part des électeurs.
    Le vote préférentiel place les électeurs dans une situation intellectuelle et morale qui est bien meilleure au moment de décider comment voter. Il a aussi l'avantage de permettre aux petits partis de connaître leur soutien réel dans la population et de jouer un rôle plus important dans le débat public sans créer de risques de prolifération des partis dans l'assemblée. Il incite les grands partis à tenir compte des préoccupations des électeurs des petits partis dont ils savent qu'ils ont eu des élus grâce à leur deuxième ou troisième préférence. Les petits partis n'ont pas forcément plus d'élus, mais ils jouent un rôle beaucoup plus important dans le débat public grâce au vote préférentiel. Cela inciterait peut-être les grands partis politiques à tenir des propagandes moins simplistes, parce qu'ils savent toujours qu'ils peuvent avoir besoin des deuxièmes ou des troisièmes préférences de leurs adversaires dans telle ou telle circonscription.
    Si l'on fait une représentation proportionnelle modérée, les partis qui obtiennent moins de 17 %, 20 % ou 25 %, selon la taille des circonscriptions ou des votes, ne peuvent pas avoir d'élus. Donc, il reste justifié d'appliquer un vote préférentiel entre les partis. Donc, pour les partisans de ces partis, la nécessité du vote stratégique ne disparaît pas complètement avec la représentation proportionnelle. Il faut y ajouter le vote préférentiel. On peut aussi faire un système un peu plus complexe dans lequel les électeurs indiquent leurs préférences non seulement entre les partis, mais entre les candidats. Cela complique un peu le dépouillement des votes. Je ne crois pas que cela complique l'acte de voter pour les électeurs.
     Il y a un système électoral comme cela en Irlande, qui a des mérites ou des défauts. Ce n'est pas pour les électeurs irlandais que ce système est difficile à appliquer.

  (1545)  

     C'est simplement qu'il faut attendre au lendemain soir pour connaître les résultats, en raison du temps qu'il faut pour calculer les résultats. C'est quelque chose qui peut être extrêmement justifié.
    Ai-je encore une minute de parole? J'aimerais faire ma conclusion.
    Oui, vous disposez encore d'une minute de parole.
    Si la réforme que vous êtes en train d'étudier nous donne une représentation proportionnelle modérée avec vote préférentiel, il en résultera plusieurs avantages pour les citoyens du Canada.
    Les députés de la Chambre des communes, aujourd'hui élus par 48 % des citoyens qui ont voté, le seront par presque tous les électeurs. Si le vote préférentiel est appliqué et que tout le monde remplit entièrement son ordre de préférence, les députés seront élus par tous les gens qui auront voté et rempli leur ordre de préférence en entier. La majorité des députés représentera vraiment une majorité d'électeurs, au lieu d'un peu plus du quart comme c'est le cas aujourd'hui. Les électeurs pourront voter sincèrement, sans avoir à faire de suppositions sur lesquelles reposent les décisions de vote stratégique. Les partis politiques seront incités à devenir plus attentifs aux préoccupations de l'ensemble des citoyens, et le débat public deviendra moins simpliste et moins conflictuel.
    Je vous remercie.

  (1550)  

    Merci, professeur Derriennic.
    Nous passons maintenant aux questions. Je donne la parole à Mme Shota.

[Traduction]

    Merci.
    Je remercie nos deux témoins de leurs formidables exposés.
    Ma première question s'adresse à M. Derriennic. En quoi votre proposition, votre système, se distingue-t-il du système de vote unique transférable — ou système de VUT — dont nous avons beaucoup entendu parler? Les deux me semblent très semblables. Pour ces systèmes, on nous a aussi proposé les bulletins de vote hiérarchisés.

[Français]

    Il est semblable au vote unique transférable irlandais si on vote à la fois préférentiellement pour les partis et pour les candidats individuels. Il est possible de le faire en votant seulement pour les partis. L'objection qui m'a été faite par certains amis politiciens, c'est que le vote unique transférable irlandais peut avoir comme effet que plusieurs candidats du même parti font campagne les uns contre les autres. Peut-être que c'est bon, mais peut-être que les partis préfèrent éviter cela.
     Donc, il s'agit de faire un vote dans lequel les candidats ne peuvent pas faire campagne les uns contre les autres à l'intérieur du même parti, mais où on applique quand même le vote transférable pour les choix entre les partis. Ce qui a ma préférence, c'est un vote unique transférable irlandais simplifié, c'est-à-dire avec moins de compétition entre les candidats des mêmes partis et un calcul des résultats qui est moins compliqué. Dans mon petit livre, je l'explique plus complètement que je peux le faire maintenant.

[Traduction]

    Combien de candidats y aurait-il? Vous avez indiqué que dans ces grandes circonscriptions résultant du regroupement de plusieurs circonscriptions, il y aurait un candidat pour chaque parti. Selon vous, combien de candidats seraient inscrits sur le bulletin de vote dans une de ces circonscriptions?

[Français]

    Il y aurait autant de candidats pour chaque parti qu'il y a de sièges à pourvoir dans la circonscription. On peut imaginer qu'un parti aurait le droit de présenter moins de candidats. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, mais il faudrait que j'y réfléchisse. Cela pourrait créer des effets pervers.
     Dans un système proportionnel, normalement, les partis politiques présentent une liste de candidats égale au nombre de sièges à pourvoir dans la circonscription. Probablement que c'est ce qu'il faudrait faire. Si vous voulez présenter des candidats dans une circonscription à trois sièges, il faut en présenter trois. Il faut faire une liste de trois, quatre ou cinq candidats, selon la taille de la circonscription.

[Traduction]

    Donc, essentiellement, cela aurait pour effet que plusieurs candidats du même parti feraient campagne les uns contre les autres.
    Par exemple, dans ma ville, Brampton, on compte actuellement cinq circonscriptions. Nous éliminerions les frontières entre ces circonscriptions et nous utiliserions les limites municipales, par exemple, et cinq candidats de chaque parti feraient campagne les uns contre les autres.
    Je ne comprends pas très bien. Vous avez dit que dans votre système, on n'aurait pas de candidats d'un même parti faisant campagne les uns contre les autres, mais ce serait le cas, essentiellement.

[Français]

     En appliquant le système irlandais, il peut y avoir compétition entre des candidats du même parti. Il est possible d'adopter un système proportionnel modéré avec vote préférentiel, comportant des listes bloquées, et les gens choisissent seulement parmi les listes. Si un parti a droit à deux élus, ce sont les deux qui sont en haut de la liste qui sont élus. C'est ainsi que cela se fait dans un très grand nombre de pays où il y a des représentations proportionnelles.
    C'est un choix à faire. À mes yeux de citoyen militant pour le changement du mode de scrutin, si vous choisissez l'un ou l'autre, ce sera très bien, peut-être un peu mieux si vous optez pour le système irlandais. Cependant, les gens vont s'arracher les cheveux en disant que c'est trop compliqué. C'est faux, ce n'est pas si compliqué si l'on prend la peine de l'expliquer clairement.

[Traduction]

    Pendant la période réservée au témoin précédent, on nous a dit que le cerveau humain ne peut évaluer plus de sept candidats. À Brampton, avec cinq circonscriptions et cinq candidats pour chaque parti — sans compter qu'il est arrivé, une fois, qu'on ait cinq partis en lice —, on se retrouverait avec un bulletin de vote plutôt long.
    Comment peut-on atténuer la confusion que ressentiront les électeurs le jour du scrutin, puisqu'ils ne pourront faire un choix éclairé en raison du nombre élevé de candidats? Le choix est si...

  (1555)  

[Français]

    Si vous demandez aux électeurs de choisir entre des listes bloquées, ils auront cinq cases où indiquer leur premier choix, deuxième choix, etc. en ce qui concerne les partis. S'ils votent comme on le fait en Irlande, il y aura 25 cases, soit 5 candidats par parti, pour un total de 25 candidats. Il faut certainement autoriser les électeurs à ne pas remplir leur ordre de préférence en entier. Cela se fait en Australie et je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Cela ne se fait pas en Irlande. Les gens se prononcent sur leurs trois ou quatre premiers choix et ils n'expriment pas d'opinion sur le reste. Leur vote compte dans le cas des trois, quatre ou cinq premiers choix. Presque toujours, cela n'aura pas d'influence significative sur les résultats.
    Je ne crois pas que cela donne des bulletins de vote gigantesques.
    Merci.
    Donc, dans le cadre du vote unique transférable, on vote pour des candidats.
    Oui, c'est cela
    On ne vote pas pour le parti.
    En votant pour le candidat, on vote pour le parti.
    C'est la même chose.
    Le système irlandais donne un résultat qui est à peu près proportionnel entre les partis.
    Néanmoins, en ce qui concerne le système dont vous parlez, on vote toujours pour le candidat. Est-ce toujours la même chose?
    Ce ne l'est pas forcément.
    Je me répète peut-être, mais on peut le faire avec des listes bloquées. Dans ce cas, on ne vote que pour une liste. Évidemment, cela va faire élire des candidats qui sont sur la liste. Par contre, on peut donner à l'électeur un choix non seulement de partis mais de candidats du parti, si on veut qu'il exprime sa préférence entre les candidats du parti...
    Donc, on pourrait voter deux fois.
    Pas forcément.
    Dans le cas de l'Irlande, il y a 25 candidats, dans l'hypothèse où il y a 5 partis et 5 candidats par parti. On classe les partis. On place en premier le candidat d'un parti; en deuxième, un candidat du même parti; en troisième, un candidat d'un autre parti, et ainsi de suite. Cela influence à la fois les résultats des candidats et les résultats des partis.
    Dans le cadre de ce système, on peut voter à la fois pour le parti et pour les cinq candidats? Personnellement, je ne vois pas la différence entre le vote unique transférable et ce système, lorsqu'on se présente aux urnes pour voter.
    Prenons l'exemple d'un bulletin de vote sur lequel il est indiqué: « Parti libéral: tel, tel et tel candidat. NPD: tel, tel et tel candidat », etc. et qui contient des cases pour inscrire des numéros. Il y en a une pour le Parti libéral, mais pas pour les candidats. Il y en a une pour le NPD, mais pas pour les candidats. Le vote se tient entre des listes bloquées.
    Oui, je comprends.
    La question est de savoir si vous allez décider de choisir l'un ou l'autre des systèmes. Je ne crois pas que la différence politique soit énorme. Alors, si vous optez pour l'un ou pour l'autre, je serais très content.
    Il faut qu'il y ait un vote préférentiel entre les partis à cause des petits partis, parce que c'est très injuste d'être dans une société où entre 20 % et 25 % des gens veulent voter pour des partis politiques qui ont leur première préférence, et ne le font pas parce qu'ils savent que c'est un vote gaspillé.
    C'est à cela qu'il faut mettre fin. On peut perfectionner les choses en offrant aussi le choix entre les candidats individuellement, mais on n'y est pas obligé.
     D'accord.
    Monsieur Rayes, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Derriennic, l'une des choses que je retiens relativement à ce dossier, et de par mon expérience politique, c'est l'importance pour les citoyens et les citoyennes du Canada, ou du moins du Québec, de voter pour un représentant local. À mon avis, si on interrogeait les citoyens quant au critère le plus important pour faire leur choix, ce serait l'un des éléments prédominants.
    Vous avez parlé d'un système de listes bloquées, et j'ai tout compris grâce à votre dernière explication. Personnellement, je ne crois pas que cela soit si simple, mais on arriverait peut-être à comprendre avec des explications.
    Prenons l'exemple de la ville de Québec, où il y a sept circonscriptions fédérales. Donc, il y aurait un bloc de sept députés conservateurs, un bloc de sept libéraux, un bloc de sept néo-démocrates, un bloc de sept représentants du Parti vert, et ainsi de suite. Les gens effectueraient leurs différents choix par ordre de préférence, de un à cinq par exemple.
    En procédant de cette manière, j'ai le sentiment que l'on ignorerait l'aspect des compétences, de l'expérience et du bagage des candidats. Certains candidats pourraient se demander, une fois le calcul effectué, de quelle manière tel ou tel candidat sera désigné? Sur la liste conservatrice, par exemple, quels sont les sept candidats dont le nom apparaîtrait? D'après vous, est-ce que ce serait fait à partir d'une liste prédéterminée par le parti?

  (1600)  

    Les listes bloquées sont exactement équivalentes à la situation actuelle. Dans la situation actuelle, on ne choisit pas la personne qui est candidate dans une circonscription. Ou bien on vote pour la personne parce qu'on est satisfait de son parti, ou bien on vote pour la personne en ignorant le parti qu'elle représente— je crois que très peu de gens font ça — ou bien on vote pour le parti, quel que soit le candidat. Au lieu d'avoir un candidat imposé par le parti, on en aurait cinq.
    En passant, il n'est pas imposé par le parti, mais bien par les membres du parti qui sont dans la circonscription...
    Les gens qui seront sur la liste seront désignés par les membres du parti de la circonscription.
    Je reprends le même exercice que nous avons fait en ce qui concerne la ville de Québec. Dans ma région, au centre du Québec, il y a trois députés fédéraux. Dans cette région, les gens votent surtout pour les conservateurs. Lorsque les résidants de ma circonscription vont voter, ils ont le choix. Certaines personnes votent pour le programme, d'autres votent pour le parti et d'autres votent pour le chef — dans notre système, semble-t-il, on donne beaucoup de pouvoir au chef. Toutefois, je suis obligé de dire que d'autres citoyens votent pour l'individu. Je crois que des gens gagnent une élection à cause de leur notoriété, à cause de leur expérience, notamment. Supposons qu'on regroupe les candidats des différents partis sur des listes respectives, et qu'une personne désire voter pour le Bloc. Il est possible que le candidat de son choix, qui habite son secteur, termine en sixième ou en septième place, et ne soit donc pas élu.
    Je veux bien comprendre. Je ne porte pas de jugement sur le modèle que vous proposez. J'ai le sentiment que ce regroupement d'individus fait perdre de la valeur au vote, comparativement au système actuel. Les gens qui ont voté conservateur, dans ma circonscription, ne l'ont pas fait pour le chef ou pour le programme, mais pour Alain Rayes. Ils ont fait un choix éclairé. Ce ne serait plus le cas une fois les candidats regroupés dans une liste. Est-ce que je me trompe?
    Donc, vous préféreriez que le vote préférentiel soit appliqué comme en Irlande, et permette à l'électeur de porter un jugement sur la personne en même temps que sur le parti, et éventuellement...
    Ultimement, oui, si j'ai le choix des deux dans votre système. Je ne suis toutefois pas certain que j'opterais pour ce système.
    Ma préférence irait aussi au système irlandais. Les gens qui disent que le système irlandais est dangereux pour la cohésion des parti peuvent obtenir une concession. Il est possible d'avoir un vote préférentiel entre les partis, sans...
    D'accord, monsieur Derriennic, c'est très clair.
    Je veux être certain de bien comprendre. Dans le cadre de votre système, il y aurait le même nombre de députés qu'actuellement. Il n'y aurait pas plus ou moins de députés. Ce système permettrait à des députés de se hisser davantage en ce qui concerne le pourcentage de votes . Les gens qui sont en faveur de la proportionnelle revendiquent le fait que, dans le cas des conservateurs... On donne toujours l'exemple des conservateurs et des libéraux, mais j'aime souvent dire que, en Alberta, le NPD est majoritaire avec 39 % des votes. La distorsion est partout.
    Votre système nous permettrait-il de se rapprocher d'un pourcentage de sièges versus un pourcentage de votes?
    Évidemment. Cela ne donnerait pas du tout une proportionnalité parfaite. Aucun système électoral ne donne un résultat parfaitement proportionnel. Il peut être plus ou moins proportionnel. Le facteur déterminant, c'est le nombre d'élus dans des circonscriptions.
    Dans les provinces de l'Atlantique, où 30 % des votes étaient conservateurs, il y aurait eu évidemment plusieurs députés conservateurs élus si on avait utilisé ce système. Il faudrait que je fasse le calcul. Ce ne serait pas exactement proportionnel, mais ce serait beaucoup moins déséquilibré que ce l'est aujourd'hui.
     Voulez-vous relier votre modèle à un système préférentiel régionalisé?
    Selon moi, l'expression « proportionnelle modérée », de Vincent Lemieux, est excellente. Si vous voulez mettre sur pied un système proportionnel à la taille du Canada, il suffit d'obtenir un tiers de 1 % du vote pour avoir un élu. Il est aussi possible de mettre en oeuvre un système proportionnel selon la taille des provinces. En Ontario, il suffit d'obtenir 0,8 % du vote pour obtenir un élu. Au Québec, il faut un peu plus de 1 % du vote et environ 10 % au Nouveau-Brunswick. La proportionnalité dépend de la taille des circonscriptions.
    L'argument de Vincent Lemieux est qu'en créant des circonscriptions assez petites, on évite la prolifération des partis politiques. C'est un enjeu politique fondamental.

  (1605)  

     Merci.
    M. Boulerice, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. C'est là une discussion passionnante.
    Monsieur Côté, nous parlions plus tôt du comportement des électeurs.
    Or en tant que candidat, en 2008 et en 2011, les gens me disaient souvent qu'ils étaient d'accord avec moi, qu'ils m'aimaient beaucoup et que j'étais un bien bon gars, mais qu'ils ne voteraient pas pour moi parce que, selon eux, je n'avais aucune chance d'être élu. Je leur répondais toujours qu'ils avaient bien raison parce que, s'ils ne votaient pas pour moi, je n'avais aucune chance d'être élu.
    À un moment donné, c'est simplement la multiplication des changements de paradigmes intellectuels ou psychologiques qui fait bouger les choses. Vous nous avez parlé des principes du modèle que vous privilégiez et de jugement majoritaire, mais vous avez évité de nous parler des mécanismes. Or j'aimerais que vous nous en parliez.
    Lorsque le terme « excellent » ou « exécrable » est choisi, comment cela se traduit-il en nombre de députés? J'imagine qu'il y a un système de points
     Est-ce que « excellent » fait gagner quatre points alors que « à rejeter complètement » en fait perdre dix?
     Comment cela fonctionne-t-il?
    Merci, monsieur Boulerice. C'est une très bonne question.
    Au fond, le système est très simple et fait appel à une opération mathématique peu compliquée.
     Pour chaque qualificatif, on compile les votes, les pourcentages. Qu'on parte du pire qualificatif, soit « à rejeter », ou du meilleur, c'est-à-dire « excellent », on fait le décompte pour en arriver à un seuil d'au moins 50 %. C'est ce qui permet de déterminer quel est le qualificatif majoritaire. C'est la raison pour laquelle le système porte ce nom.
    Il existe plusieurs aspects dont je n'ai pas parlé, notamment des avantages majeurs de ce système électoral. M. Derriennic a traité du système de vote préférentiel, que je déteste profondément pour ma part. Au même titre que le mode de scrutin uninominal, ce système est facile à manipuler. En revanche, le système par jugement majoritaire est pratiquement à l'abri des manipulations extérieures.
     Pour faire un peu de caricature, disons qu'une personne disposant de beaucoup d'argent peut acheter son élection en louant des autobus et en s'entourant de nombreux bénévoles qui, munis d'automobiles, transportent des électeurs. Il s'agit, lors d'une élection serrée, de s'assurer 500 ou 1 000 votes de plus pour battre un adversaire.
    Dans le système par jugement majoritaire, comme il s'agit d'un seuil, le seul intérêt de remplir des autobus est de faire participer plus d'électeurs. Le système empêche complètement un candidat de choisir des électeurs pour faire pencher la balance en sa faveur. Les gens que le candidat transporterait et qui voteraient pour lui seraient dans la marée des 50 % d'électeurs. C'est peut-être un peu difficile à comprendre, mais ce système est d'une netteté extraordinaire qui empêche les manipulations.
    Il y a d'autres aspects dont nous pourrons parler, mais je vais vous laisser poser d'autres questions.
    Je vous remercie, monsieur Côté.
    Monsieur Derriennic, j'ai commencé à étudier aussi le système électoral irlandais. Un peu comme vous le proposez, les Irlandais ont de trois à cinq députés par circonscription plurinominale. Les Irlandais, au lieu de choisir uniquement le parti au moyen de listes fermées, peuvent choisir leur candidat sans être obligés de faire 25 choix. Ils peuvent choisir leur candidat préféré dans un parti donné. Cela répondrait à la question de M. Rayes. Un électeur qui voudrait voter pour M. Rayes s'assurerait que ce dernier soit en tête de sa liste. Son choix signifierait que l'électeur voterait spécifiquement pour cet individu.
     J'avoue cependant que les deux systèmes constituent un progrès par rapport au système archaïque qui est le nôtre présentement au Canada. Quelqu'un a même dit que ce système avait été conçu pour l'Angleterre du XVIe siècle, alors que nous sommes au Canada et au XXIe siècle. Celui qui a dit cela, c'est Jason Kenney.
    Pourquoi trois à cinq députés par circonscription? Hier, la professeure Stephenson parlait de trois à sept députés. M. Dutil nous disait plus tôt qu'il en fallait au moins six pour atteindre une meilleure proportionnalité. Le débat porte sur le nombre de députés que nous voulons pour notre région.

  (1610)  

     Répondez rapidement, s'il vous plaît. Nous sommes rendus à court de temps.
    J'ai tendance à penser que ce devrait être trois ou quatre. Pour éviter que les partis deviennent trop nombreux à la Chambre des communes et la compensation pour les petits partis politiques, il y a le vote transférable qui les aide à connaître leur poids et les aide à ce qu'on tienne compte de leurs électeurs. Le fait d'avoir trois ou quatre députés par circonscription serait déjà un progrès énorme par rapport à la situation actuelle. C'est la façon de limiter le plus possible le risque d'instabilité qu'on dénonce tout le temps dans le cas de la proportionnalité. Toutefois, si c'était six ou sept, je ne serais pas mécontent.
    Je vous remercie.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour messieurs.
    Mes questions s'adressent à M. Derriennic.
    D'entrée de jeu, comme vous venez de le répéter à M. Boulerice, il faut éviter les circonscriptions à plusieurs députés qui seraient trop grandes pour prévenir la prolifération des petits partis. Si je comprends bien, vous êtes d'avis qu'il ne faut pas trop de partis au Parlement. Vous avez indiqué votre préférence pour trois à cinq députés par circonscription régionale. À cela, vous ajoutez le système préférentiel.
    Avez-vous fait un exercice de modélisation pour une partie ou pour l'ensemble du Canada pour voir ce à quoi pourrait ressembler le système que vous suggérez? La modélisation est possible puisqu'il existe les sondages où on a le deuxième choix des candidats. Puisque le Comité a déjà discuté du système préférentiel dans le cadre de séances précédentes, il devra à mon avis voir le résultat pour bien évaluer la qualité du modèle.
    Prenons l'exemple de la région des Maritimes où les libéraux ont remporté l'ensemble des circonscriptions. Théoriquement, dans un système proportionnel sans vote préférentiel, les libéraux pourraient encore remporter l'ensemble des circonscriptions, mais cela deviendrait impossible dans un système préférentiel. Il est donc possible que le choix premier de l'électorat ne soit pas respecté si on doit classer tous les partis, n'est-ce pas?
    Dans le cas des Maritimes, je crois que l'inverse serait vrai.
    Si on fait une élection proportionnelle sans vote préférentiel, le Parti libéral perd des sièges dans les Maritimes. Je ne sais pas lesquels ni combien. Si on ajoute le vote préférentiel, puisque le Parti libéral est le parti centriste, je crois qu'il perdrait moins. Toutefois, je n'ai pas fait de modélisation et je doute que les modélisations soient tellement utiles, parce que les gens ne voteront pas de la même façon.
    On peut faire une modélisation. Elle donne une indication, mais elle est très incertaine parce que les gens comprendraient très vite comment fonctionne un système préférentiel. Les partis politiques qui l'utilisent pour désigner leur chef n'ont pas de grande difficulté à faire comprendre aux électeurs comment cela fonctionne.
    Je n'ai rien contre votre idée de circonscription régionale à plusieurs candidats, mais bien contre son aspect préférentiel parce que, vous l'avez dit, il avantage les partis centristes. Dans le système actuel, cela donne un avantage direct au Parti libéral parce qu'il va probablement constituer le deuxième choix des électeurs néo-démocrates et conservateurs.
    Hier, je crois, un intervenant a dit qu'il n'avait pas envie que le candidat élu soit le deuxième choix de tout le monde alors que le premier choix ne l'est pas. Pour moi, cela représente un problème. Pouvez-vous répondre brièvement à ce commentaire?
    Par la suite, j'aurai une question pour M. Côté.
    L'exemple de l'élection présidentielle de 2002 qu'a utilisé M. Côté est extrêmement intéressant pour constater les mérites qu'aurait eu un vote préférentiel. Le Pen est arrivé juste devant Jospin, le candidat socialiste, parce que 25 % des électeurs ont voté pour d'autres partis de gauche.
    S'il y avait eu un vote préférentiel au lieu d'un vote à deux tours — le vote à deux tours est un vote préférentiel partiel où les électeurs ne peuvent donner que deux préférences et pour lequel ils doivent se déplacer deux fois — dès le début du dépouillement des résultats, Jospin aurait dépassé Le Pen. Peut-être que Jospin aurait gagné l'élection ou que Chirac aurait gagné l'élection, mais avec un chiffre normal face à Jospin.
    L'espèce de drame que les Français ont fait semblant de jouer en 2002 est complètement la conséquence d'un système électoral déficient. Les Français ne savent pas ce qu'est un système préférentiel.

  (1615)  

     Je vais vous interrompre pour poser une question à M. Côté.
    Cela dit, je vous remercie. C'est clair. Je me souviens bien de cette situation. J'étudiais à Toulouse au moment où cette onde de choc s'est produite.
    Monsieur Côté, l'inquiétude que j'ai au sujet du vote par jugement majoritaire est la question de la stratégie. Supposons que les candidats A et B soient au coude à coude et qu'il s'agisse dans les deux cas de bons candidats. Si je suis partisan du candidat A, je serai porté à choisir l'option « à rejeter » pour le candidat B. Si la bonne foi était de mise, je serais favorable à ce principe.
     Convainquez-moi, très rapidement, qu'on peut faire fi de la stratégie.
    Certainement, monsieur Ste-Marie, je vous remercie.
    Je vais en profiter pour faire une remarque. M. Derriennic a parlé d'une représentation proportionnelle territoriale, soit plusieurs candidats dans un même territoire. Or le vote par jugement majoritaire serait très adapté, dans ce cas.
    Dans mon court mémoire, il y a une bibliographie. Dans le compte rendu de l'expérience d'Orsay, les chercheurs français donnent des détails sur le transfert de votes. Par exemple, si une personne dit vouloir remplir les urnes, convaincre ses amis de choisir l'option « à rejeter », ces votes seront noyés dans la masse des 50 %. Il n'y aura donc aucun effet sur le résultat final. C'est la beauté de ce système. Pour vraiment manipuler les résultats dans le cadre d'un système par jugement majoritaire, il faut déplacer des milliers d'électeurs. C'est tellement considérable que c'est pratiquement impossible à réaliser.
    Je vous remercie.
    Je ne suis pas convaincu. En guise de stratégie, les libéraux pourraient donner comme message d'indiquer « à rejeter » pour les candidats conservateurs et vice-versa.
    Une voix: Je comprends.
    Madame May, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités. C'est un plaisir de vous revoir, monsieur Côté.
    La question suivante s'adresse à M. Derriennic.
     Je vous remercie beaucoup pour le travail que vous avez fait avec votre livre. Je vous remercie aussi de l'avoir partagé avec les députés de la Chambre des communes. Je l'ai lu et je pense bien comprendre votre position. Ma question est semblable à la précédente.
     Que feriez-vous dans le cas de grandes circonscriptions comme les territoires?
    Amalgameriez-vous les trois?
    Je pense que la décision raisonnable serait d'établir trois circonscriptions uninominales dans les territoires nordiques. À mon avis, ces gens deviendraient frustrés face aux autres, qui auraient pour leur part la possibilité d'avoir plusieurs députés. Après deux ou trois élections, ils demanderaient à être regroupés en vue d'établir une circonscription unique à trois sièges.
    De toute façon, le fait qu'il reste trois circonscriptions uninominales n'aurait guère d'incidence sur l'équilibre des partis politiques dans le reste du pays. Le fait que trois circonscriptions sur 338 n'obéissent pas aux mêmes règles que les autres ne peut pas déséquilibrer le système. Par contre, cela peut influer sur le choix que ces gens voudront faire éventuellement.
    Avez-vous entendu le témoignage de Jean-Pierre Kingsley?
    Je crois que vos idées se rapprochent passablement de celles de l'ancien directeur général des élections. Il est plus facile de regrouper les circonscriptions voisines dans les milieux urbains. Comme pour le système irlandais, les résultats ne sont pas aussi proportionnels que dans le cas du système de listes.
     Est-ce aussi votre avis?

  (1620)  

    Oui, c'est aussi mon avis.
    D'accord.
    Monsieur Côté, je trouve le système de vote par jugement majoritaire un peu difficile à comprendre.
     Les votes se font-ils la même journée que ceux du système de vote régulier?
     Pouvez-vous m'expliquer cela?
     Je comprends très bien, madame May, que vous ayez de la difficulté à me suivre. J'ai déposé deux résolutions dans le cadre de mon militantisme au NPD, à la section Québec. Les deux fois, la résolution a été battue, probablement parce que les militants néo-démocrates n'étaient pas capables de me suivre à ce sujet.
    La première chose, c'est que le vote par jugement majoritaire est un système à un seul tour dont le résultat arrive tel quel. Pour renchérir sur ce que M. Ste-Marie disait, la beauté de ce système, c'est que tout le monde s'exprime. Les gens s'expriment aussi sur les candidatures qu'ils détestent particulièrement. Ce n'est peut-être pas très beau d'encourager ce genre de comportement, mais il vaut peut-être la peine de l'utiliser.
    L'autre élément, c'est l'absence de manipulation par rapport à un vote uninominal à un ou plusieurs tours ou à un vote préférentiel. En réalité, si on veut vraiment influencer le résultat du vote d'un candidat, il faut faire un pointage monstrueux et convaincre des électeurs qui ont une opinion plutôt mitigée ou timorée du candidat que l'on veut défaire d'émettre une opinion plus tranchée. Je ne peux pas imaginer un seul parti politique qui gaspillerait de l'argent à tenter de faire une opération de cette ampleur.
     Mon ami Yvan Dutil, qui m'a précédé comme témoin, et moi avons étudié en physique à l'Université Laval. C'est pour cela que nous nous connaissons de longue date.
    Moi, je vois la beauté mathématique de la chose, mais aussi sa simplicité, une fois qu'on comprend le principe de base. Cependant, je sais que c'est tellement différent par rapport à d'autres systèmes de scrutin. La plupart des gens sont incapables de me suivre sur cette question. Je persévère quand même. Le très grand intérêt de ce système de vote par rapport aux autres, c'est qu'à strictement parler, il est vrai que tous les votes comptent.
    En fait, dans les articles des deux chercheurs français, vous pouvez examiner les résultats pour chaque candidat: excellent, très bien et ainsi de suite. L'électeur peut constater, par exemple, que Raymond Côté arrive à tel résultat alors qu'il avait rejeté cette candidature au départ. Il peut également noter que 15 % des électeurs l'ont aussi rejeté au final. L'électeur peut ainsi conclure que plusieurs personnes ont trouvé que ce candidat n'avait pas de bon sens.
    Je pense que ce système de vote aura des répercussions positives sur nos élections. Du moins, il y amènera beaucoup plus de plaisir que les autres systèmes de vote. C'est une des raisons pour laquelle je cherche à vous convaincre.
    Je vous remercie.
    Monsieur Aldag, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je remercie nos deux témoins d'être venus aujourd'hui et de la réflexion qu'ils ont manifestement faite par rapport à la réforme électorale.
    J'ai organisé plusieurs assemblées publiques. Mon approche était d'essayer de comprendre quelles valeurs les Canadiens, les électeurs, pouvaient faire valoir dans le débat sur la réforme électorale, et de comprendre ce qui les interpelle de façon à en tenir compte dans les décisions que nous prendrons à l'égard de nouveaux systèmes.
    Dans le cas présent, des systèmes, auxquels vous avez mûrement réfléchi, nous ont été présentés. J'essaie donc de comprendre les valeurs et les principes sous-jacents sur lesquels vous vous êtes fondés, ce qui est presque un exercice de rétroingénierie.
    Je suis certain que vous savez que nous devons tenir compte de cinq à sept principes: efficacité et légitimité; engagement; accessibilité et inclusion; intégrité; représentation locale.
    J'aimerais avoir vos observations à tous les deux. À votre avis, ces principes généraux se reflètent-ils dans ce que vous avez présenté? Selon vous, vos systèmes tiennent-ils compte d'autres valeurs chères aux Canadiens qui pourraient nous aider dans notre analyse, à l'aide d'une grille quelconque, pour déterminer lequel des systèmes satisfait à l'un ou l'autre — et à combien — des critères?
    En somme, vos recommandations satisfont-elles aux principes sous-jacents des travaux du Comité? Vous êtes-vous fondés sur d'autres valeurs pour formuler vos recommandations?

  (1625)  

[Français]

     C'est tout à fait évident.
    Vous savez, le système de vote par jugement majoritaire donne à l'électeur une très grande liberté. D'abord, l'électeur doit se prononcer sur l'ensemble des candidats et il n'a pas besoin de les classer par ordre hiérarchique de préférence. Un électeur très généreux qui trouve quatre candidats sur dix excellents coche quatre fois « excellent ». Tant mieux s'il ne trouve aucun candidat « à rejeter ». Toutefois, un électeur très critique ou carrément désabusé a la liberté de cocher « à rejeter » à côté des noms de huit des dix candidats et son choix va se refléter dans les résultats.
    L'autre élément, qui est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai insisté sur l'aspect permettant de protéger le système contre les manipulations, c'est que tant les partis politiques que les électeurs voient leur comportement changer énormément. Surtout, autant les électeurs que les candidats et les partis politiques doivent jouer beaucoup plus franc-jeu. Avec d'autres systèmes de vote, on se retrouve à faire ses calculs.
    À l'élection de 2011, avant même son déclenchement, j'étais convaincu que je pouvais être élu. J'ai convoqué chez moi les candidats de la région de Québec pour leur dire: « Préparez-vous à devenir députés. Il va falloir qu'on mène une campagne en fonction du fait qu'on va gagner. » C'était quelques jours seulement avant le début de la campagne électorale de 2011. J'étais conscient que le NPD était le deuxième choix d'un grand nombre d'électeurs et je savais que mon élection comme député était possible. Dans un cas comme celui-ci, on met de côté les calculs électoraux pour mieux concentrer ses efforts sur la façon de joindre les électeurs, de les toucher par ses propos, de trouver les arguments pour les convaincre de sa valeur. La situation était radicalement différente de celle qu'on vit actuellement au Canada.
    Ce n'est déjà pas si facile de concevoir un mode de scrutin qui tienne compte de toutes les exigences prévues dans votre mandat — je ne sais pas comment l'appeler. Je n'ai pas essayé d'en rajouter. Je me suis contenté de travailler à partir de là.
    Il vous reste une minute, vous ne voulez pas l'utiliser?

[Traduction]

    Cela va aller, je crois.
    Nous discutions du système de M. Côté. Voilà pourquoi j'étais un peu...

[Français]

    Monsieur Deltell, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Deriennic, soyez le bienvenu.
    Monsieur Côté, soyez le bienvenu. Je suis bien heureux de vous revoir. Nous nous sommes croisés à quelques reprises, plutôt souvent pendant les élections. Je vous remercie et vous félicite d'avoir servi vos concitoyens pendant quatre ans, et aussi d'avoir été candidat deux fois, en 2006 et en 2008, avant de devenir député. Je le dis sincèrement, j'ai beaucoup de respect pour ceux qui se portent candidats à des élections alors que la côte à monter s'annonce assez abrupte. Pour se présenter au NPD à Québec en 2006, il fallait avoir beaucoup de foi et je vous en félicite.
    Je sais de quoi je parle. J'ai déjà été chef d'un parti provincial où la côte dans certaines circonscriptions ne s'annonçait pas facile. J'ai beaucoup de respect pour ceux et celles qui se présentent par principe, même s'ils savent dès le départ qu'ils risquent fort d'être battus à plates coutures. Monsieur Côté, je vous félicite pour votre engagement politique. Quant à vos observations sur vos confrères du NPD, je vous les laisse bien entendu, je n'oserais pas les répéter.
    Maintenant, ma question s'adresse à vous deux, parce que vous avez chacun présenté votre point de vue. J'ai peut-être tort, mais d'expérience — je suis quand même en politique depuis un petit bout de temps — je crois que les citoyens se posent essentiellement trois questions quand vient le temps de voter: « Qui je veux voir comme premier ministre? » « Quel programme me plaît le plus? » et « Qui je veux voir comme député? » Parfois, les trois réponses forment le bon trio: le chef, le parti et le candidat, mais d'autres fois, c'est A, B et C. Il n'y a pas de système parfait, comme vous l'avez si bien dit tout à l'heure.
    Considérant ces trois choix qui s'offrent aux citoyens, de quelles façons les électeurs peuvent-ils bénéficier du système que vous proposez?

  (1630)  

     C'est une très bonne question. Je vous en remercie, monsieur Deltell.
    Cela me rappelle que ma mère se demandait à quel point il était payant pour moi de me présenter en politique, à cette époque. Je lui ai toujours caché le fait que je dépensais beaucoup d'argent de ma propre poche pour faire mon militantisme. Essayons de garder cela entre nous, si vous le voulez bien.
    Il faut déborder largement du système de scrutin, voire du mode de représentation. Pour ma part, je dirais que nous assistons présentement, tant sur la scène fédérale que provinciale, au règne des « p'tits bosses de bécosses ». Le Bureau du premier ministre concentre énormément de pouvoirs. C'est l'une des raisons pour lesquelles le comportement des électeurs fait souvent en sorte qu'ils votent en fonction du chef de parti.
    En 2011, j'étais conscient que c'était surtout Jack Layton qui m'avait amené à servir mes citoyens. Ce midi, sur la 1re avenue, alors que je dînais à une terrasse, deux dames se sont arrêtées pour prendre de mes nouvelles. Elles m'ont demandé si j'allais me présenter à la prochaine. C'est le résultat de mon travail, de la sueur que j'ai versée sur le terrain. Il a fallu que je mérite cela.
    Cela dit, le point de vue de l'électeur, tout comme celui des politiciens, va changer avec le système de vote que je présente. Pour ce qui est de savoir à quel point cela va minimiser l'importance du chef de parti en tant que futur premier ministre, je ne peux pas vous répondre au-delà d'un certain point. Toutefois, j'ai l'impression que cela pourrait surtout aider à valoriser de nouveau, en fonction de la représentation, le rôle du représentant à la Chambre. Or c'est l'un des buts très importants que je recherche.
    Je ne sais pas quelle est la réponse à votre question. À mon avis, quel que soit le mode de scrutin, les trois critères que vous mentionnez jouent dans la décision des gens. En outre, ils ne le font pas de la même façon pour tous. Je ne sais pas s'il y a un mode de scrutin qui favorise le critère du chef de parti, celui du programme ou celui de la personnalité locale — ou des personnalités locales.
     Dans le cas d'une circonscription à trois ou quatre sièges, les personnalités locales continueraient évidemment d'influer sur les motivations des électeurs. Supposons que le mode de scrutin ait pour conséquence d'établir des gouvernements de coalition. Je pense que les gouvernements de coalition ne sont pas un malheur, une catastrophe. D'ailleurs, certains des pays les mieux gouvernés dans le monde d'aujourd'hui le sont par des gouvernements de coalition. On peut savoir à quelles conditions des coalitions sont bonnes et à quelles conditions elles sont mauvaises.
     Les conditions sont mauvaises quand elles sont scandaleuses aux yeux des électeurs. Elles sont bonnes quand elles correspondent aux choix des électeurs. Les gouvernements de coalition sont probablement le moyen le plus efficace de diminuer l'exagération du rôle du premier ministre. Si on veut que les gouvernements soient plus collégiaux et moins quasi présidentiels, comme c'est la tendance aujourd'hui, les gouvernements de coalition sont peut-être un moyen.
    Vous pouvez poser une dernière question, monsieur Deltell.
    Pensez-vous que le modèle municipal, où l'on vote pour le conseiller, l'échevin et le maire, devrait inspirer le fédéral?
    En fait, je pense vraiment le contraire. Notre système électoral municipal est mauvais. Si on avait un système parlementaire au palier municipal... À Québec, les gens disposent de deux votes. Ils votent pour la mairesse Boucher, mais ne votent pour personne qui veut la soutenir au conseil municipal parce qu'ils ne veulent pas destiner leurs deux votes à la même option. Essayer de reproduire le système électoral municipal aux autres ordres de gouvernement serait une grave erreur.

  (1635)  

    Nous devons maintenant passer à Mme Romanado.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins et les participants qui sont présents aujourd'hui.
     Ma première question s'adresse à M. Côté.
    Dans la foulée des questions de M. Boulerice, j'aimerais savoir, au sujet de vos critères — « excellent », « très bien », « bien », etc. —, si le résultat est la médiane, la moyenne ou autre chose.
     Vous considérez le pourcentage pour chaque qualificatif cumulé. Vous comptez à partir du qualificatif « à rejeter », et quand vous atteignez le seuil de 50 %, vous obtenez le qualificatif qui est appliqué au candidat. Quand vous partez du critère « excellent », vous faites le calcul jusqu'à 50 % et vous allez rejoindre exactement le même qualificatif. C'est la beauté du système, à la base.
    À partir de là, les candidats sont déterminés premièrement en fonction de leur mention majoritaire, c'est-à-dire, comme vous le voyez dans les exemples de mon mémoire, « assez bien », « passable » ou « insuffisant ». À partir du critère majoritaire, vous effectuez la détermination en fonction des répartitions restantes en dehors de la mention majoritaire.
    Pour l'élection de 2012, vous pouvez voir que François Hollande arrivait premier avec la mention « assez bien + ». En effet, il récoltait un plus gros pourcentage, au-delà de sa mention majoritaire, par rapport aux qualificatifs plus disgracieux ou moins inclusifs.
    C'est très simple. Comme je le disais à Mme May, l'autre avantage du système est qu'on détermine dès le premier tour le gagnant, ou du moins la personne qui sera la représentante. Pour ma part, je déteste les systèmes à deux tours ou plus.
    En outre, quand il voit les résultats s'afficher, l'électeur peut se dire qu'il a octroyé la mention « très bien » à celui qui va le représenter et s'en trouver très heureux. Cet aspect de la dynamique va modifier passablement le comportement de l'électeur.
    En tant que futur candidat, je suis bien conscient de ne pas avoir d'autre choix que de dire à mes anciens concitoyens que je vais continuer en politique. Or le constat peut être vraiment très cruel.
    Comme vous pouvez le voir, un sondage mené en 2012 en France indiquait que Marine Le Pen, qui arrivait troisième au premier tour en vertu du système traditionnel, arrivait huitième sur dix candidats parce que 47 % des électeurs français la rejetaient. Sa mention était « insuffisant – ». Cela permet de révéler au grand jour dans quelle mesure les électeurs ne veulent rien savoir de candidats extrémistes comme Marine Le Pen ou son papa.
    Comment peut-on informer la population? Que signifie « excellent »? Est-ce que cela veut dire que la personne va travailler fort, qu'elle a des diplômes, qu'elle a déjà de l'expérience? Comment va-t-on expliquer à quoi correspond la mention « excellent  » ou « très bien »?
    Présentement, la population fait simplement un choix parmi des candidats.
    Selon quels critères accorde-t-on une mention « excellent  » plutôt que « très bien »?
    Il va falloir instruire la population à ce sujet.
    Je vous remercie de la question, que je vais qualifier d'« excellente ».
    Alors, que signifie une « excellente » question?
    Pour ce qui est d'instruire la population, cela ne sera même pas nécessaire, en fait. En réalité, il va s'agir de ce que l'électeur va déterminer dans sa tête. Ce système est déjà largement utilisé par les maisons de sondage, notamment pour qualifier le savon à lessive ou la qualité du service de leur banque. Les gens sont très à l'aise de l'utiliser. Dans le cadre de l'expérience menée à Orsay, les chercheurs craignaient que les gens soient confus ou qu'ils mettent plus de temps à voter. Or ils n'y ont pas mis plus de temps et ils se sont très bien adaptés.
    Le travail que j'ai fait sur le terrain, en tant que politicien, m'a appris entre autres à respecter énormément l'intelligence des gens. Or je pense que ce système de scrutin y fait appel beaucoup plus que les autres.

  (1640)  

    Merci.
    Madame Sansoucy, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins.
    Monsieur Côté, je ne poserai pas de questions. Je crois aussi à l'intelligence des citoyens. Je peux comprendre que des chercheurs fassent cela dans le cadre d'un projet pilote, mais je pense que ce serait difficilement applicable, du fait qu'il s'agit là d'un changement de culture beaucoup trop important. L'électeur ne fait plus un choix; il porte un jugement. Nous ne sommes pas rendus là. Je pense que nous allons devoir d'abord franchir des étapes. Dans 60 ans nous dirons que nous sommes rendus là et qu'on nous en avait parlé en 2016.
    J'ai sursauté en entendant l'un de vos propos. Vous avez dit que le statu quo pourrait être acceptable si ce n'était de la diversité. J'aimerais que vous reveniez sur cette affirmation dont le sens est plus large, j'en suis convaincue. J'imagine que le mot « diversité » renvoie à quelque chose qui soit plus juste, plus inclusif et plus représentatif.
     Oui.
    Merci, madame Sansoucy
    Je garde un excellent souvenir de la campagne en vue de l'élection partielle en 2007, au cours de laquelle je vous ai apporté mon aide.
    Oui, tout à fait.
    Je dois dire que nous avons un choix de société à faire. Dans le fond, le débat que nous menons actuellement est vraiment très important, et il m'apparaît déplorable que les médias ne lui accordent pas davantage d'intérêt. Après tout, vous êtes venus nous rencontrer à Québec, et j'espère que des journalistes seront présents ce soir. Cependant, c'est une autre question.
    Le statu quo peut être acceptable, si c'est ce que les gens souhaitent. Une amie m'a dit carrément qu'elle voulait pouvoir voter pour le gagnant. Si c'est ce que la population désire, nous allons conserver le système uninominal à un tour, puisque les gens connaissent ce système et s'y sentent à l'aise.
    D'ailleurs, qu'on me qualifie de révolutionnaire ne me surprend pas. Je suis un homme extrêmement patient, très persévérant aussi. Bien franchement, il est vrai que je fais appel à une certaine révolution et surtout à une innovation. C'est pour cela que j'en parle dans mon mémoire. Franchement, le Canada a la possibilité d'être un chef de file, de carrément innover et de se doter d'un système de vote qui soit vraiment différent et nouveau comparativement à ce qui est utilisé ailleurs dans le monde. Le Canada, qui a déjà été un leader par le passé, traîne actuellement de la patte. Il est assez poussif et bien à l'aise dans ses vieilles pantoufles. De mon côté, j'appelle les gens à mettre de côté leurs pantoufles éculées.
    Merci beaucoup. J'admire quand même le Canada.
    Monsieur Derriennic, votre conclusion était succincte, mais très riche en information. J'aimerais que vous donniez plus de détails au sujet des deux derniers éléments que vous avez soulevés. Le premier nous rappelait que chaque vote compte — j'ai bien compris cela —, et le deuxième traitait de la nécessité d'un vote plus sincère plutôt que stratégique.
    J'aimerais que vous précisiez comment une représentation proportionnelle modérée avec vote préférentiel permettrait aux partis d'être plus attentifs aux besoins des citoyens, et rendrait le débat plus simple et moins conflictuel.
    J'aimerais vous entendre au sujet de ces deux aspects, s'il vous plaît.
    Merci.
    D'une part, l'effet moins conflictuel résulte potentiellement, ou devrait résulter, du vote préférentiel du fait que, de nos jours, les partis politiques exagèrent les différences entre eux. Ils font cela tout le temps. Nous en avons la preuve: six mois après une élection, il y a toujours des commentateurs pour déclarer que le nouveau gouvernement agit presque de la même manière que son prédécesseur, et pratique lui-même ce qu'il dénonçait par le passé.
    Le discours politique dans notre système électoral conduit à l'exagération des différences entre les partis politiques, ce qui n'est pas bon pour l'intelligence des électeurs. Je pense que les citoyens sont en mesure de comprendre beaucoup de nuances en politique et de comprendre qu'il serait préférable d'avoir un discours politique un peu moins simpliste. Cela devrait être un effet du vote préférentiel, dans le cadre duquel on ne s'intéresse pas seulement aux électeurs convaincus du parti, mais où on sait qu'on a besoin de tenir un discours pour pouvoir obtenir les deuxièmes préférences ou les troisièmes préférences des autres. Il s'agit là de l'aspect moins conflictuel du débat politique.
    D'autre part, il y a la question régionale. Le premier article de science politique canadienne que j'ai lu, alors que j'étais encore Français, a été écrit par Alan Cairns au cours des années 1960. Il y expliquait alors que notre mode de scrutin exagérait les conflits régionaux et donnait l'illusion que le Québec de l'époque était entièrement libéral et que l'Alberta était entièrement conservatrice, alors que ce n'était pas vrai du tout.
    Donc, la représentation proportionnelle modérée, en permettant la représentation des minorités idéologiques dans les différentes provinces et dans les différentes régions, diminuerait aussi le niveau de conflictualité. Sur le plan du discours, ce qui me frappe au Canada, c'est à quel point la société est beaucoup moins conflictuelle que le discours politique. Prenons simplement le discours politique, notamment au Québec, qui met en opposition les anglais, les français, les indépendantistes, et ainsi de suite. Or, lorsqu'on observe le comportement des gens, on constate qu'ils sont beaucoup plus compréhensifs et coopératifs, même avec des gens différents politiquement et de par la langue, que l'impression que donne le discours politique. Cela est très dommage.
    Ce serait bien que nous ayons un débat politique un peu plus intelligent, un peu plus nuancé. Ce nouveau mode de scrutin pourrait y contribuer.
    Je crois que j'ai oublié le début de votre question.

  (1645)  

    Je m'excuse, mais puisque les six minutes se sont écoulées, je vais devoir donner la parole à M. Maguire.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins, MM. Côté et Derriennic. Je vous remercie d'avoir présenté vos observations et vos modèles respectifs.
    Plus tôt, avec les deux témoins précédents, je n'ai pas profité de l'occasion pour dire que c'est un plaisir, en tant que député du Manitoba, de revenir à Québec. Je n'y viens pas assez souvent. C'est une magnifique région du Canada et mes deux collègues ici présents seront certainement d'accord avec moi sur ce point.
    Monsieur Côté, vous venez de dire que le statu quo peut être acceptable, si c'est ce que les gens souhaitent. Monsieur Derriennic, vous avez parlé du délai requis et de la mise en oeuvre d'un système modifié. J'aimerais avoir vos commentaires à tous les deux sur le moment où s'effectueront les changements, du point de vue de l'acceptation du public canadien, des électeurs canadiens. De plus, monsieur Côté, je me demande si vous pourriez préciser davantage votre commentaire concernant le statu quo.
    De nombreux témoins qui ont comparu au Comité ont parlé de la nécessité de mettre en place un bon processus d'information sur les différentes options pour que les gens puissent comprendre ce sur quoi ils seront appelés à se prononcer. J'aimerais avoir vos observations sur la meilleure façon d'informer les gens et de leur transmettre ce message

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Maguire.
    Vous et moi, nous avons eu des passes d'armes à la Chambre.
    Votre question est très pertinente.
    Par ailleurs, en ce qui concerne le statu quo, ce n'est pas parce que je dis qu'il est acceptable que je l'approuve.

  (1650)  

    Non?
    Ce n'est pas que j'approuve le statu quo. Au contraire, je considère que notre système est à mettre à la poubelle, et le plus tôt sera le mieux. Toutefois, évidemment, la population pourra exprimer sa volonté à ce sujet. Un tel résultat serait décevant; j'en serais déçu. Or, ce ne serait pas la première fois de ma vie que je vivrais une déception. J'en ai déjà vécu à la suite de résultats électoraux.
    Cela dit, c'est certain que je lance une proposition radicale, en ce sens que je fais carrément un appel à la liberté. Je suis un fils de la région de Québec, où l'on est bien épris de liberté. C'est carrément un appel à briser justement les chaînes du vote stratégique, du vote orienté en fonction du gagnant de l'élection.
    Au-delà de cela, je vous fais part de l'autre beauté du système que je favorise. Pour ma part, j'endosse totalement un système de représentation proportionnelle qui resterait à déterminer. À mon avis, la proposition de M. Derriennic, mis à part le vote préférentiel que je n'aime pas, est tout à fait valable et mérite d'être étudiée très sérieusement.
    Appliquer le système de vote par jugement majoritaire demanderait la modification de détails de quelques articles, à peine, de la loi électorale canadienne. Le gouvernement Trudeau pourrait donc remplir son engagement en vue de la prochaine élection. C'est vraiment très simple. Donc, selon moi, l'application peut se faire presque en un claquement de doigts.
    Au sujet du délai requis, je ne le sais pas. Personnellement, je suis parti de la déclaration d'intention du gouvernement de procéder à une réforme qui soit applicable à la prochaine élection. Je considère que vous n'arriverez pas à mettre en place un système mixte avant la prochaine élection, parce que, à mon avis, il faudrait ou bien doubler le nombre de députés de la Chambre des communes, ce qui n'est pas raisonnable, ou bien refaire toutes les circonscriptions uninominales, ce qui est très compliqué. Par contre, si on se contentait de les regrouper sans modifier leurs limites, cela pourrait être fait de façon assez simple et assez rapide. En ce qui concerne le délai, c'est tout ce que j'ai à dire.
    Pour ce qui est de la manière de faire prendre conscience à la population de l'importance de la réforme et de l'importance de l'enjeu, je crois qu'il faut cesser de lui dire que c'est épouvantablement compliqué. Il faut cesser de laisser les journalistes dire aux gens que ce n'est pas intéressant, que cela n'intéresse pas les gens et que, de toute façon, c'est trop compliqué, alors que ce n'est pas si compliqué. J'arrive à expliquer cela à des étudiants de première année à l'université. J'arrive à expliquer cela lors de conférences dans des cégeps. Et j'ai essayé de l'expliquer ici. Ceux d'entre vous qui ont lu mon livre se rendent compte qu'il faut faire un peu attention, mais que ce n'est pas si compliqué. C'est moins compliqué de comprendre ce genre de choses que de remplir sa déclaration de revenus.
     Il faut donc examiner les options principales. Je vais sûrement étudier le projet de M. Côté. Il m'intéresse beaucoup. Je n'en avais pas entendu parler auparavant. Il me semble cependant que si ce projet s'insère dans le débat public, cela va avoir pour effet de compliquer les choses aux yeux d'énormément de gens. Je crois que mon projet est moins compliqué que le sien, et j'essaie de le présenter. À partir de là, c'est à vous d'effectuer le travail. Pour ma part, je le fais à ma toute petite échelle. Je ne suis pas député. Je ne suis pas journaliste. Je n'ai pas une tribune importante pour me faire entendre.
     Donc, ce n'est pas compliqué au point où nous aurions à demander à notre comptable de voter pour nous.
    Des voix: Ah, ah!
    Monsieur DeCourcey, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Monsieur Côté, j'apprécie le point de vue que vous nous avez apporté cet après-midi. Ma question a trait au système qui, je crois, est le système que privilégie le NPD. Vous étiez, je crois, un partisan du NPD, et peut-être l'êtes-vous encore. Le parti a une histoire qui lui appartient et je crois qu'il privilégie le système proportionnel mixte.
    Quelle est votre opinion?
    Je suis militant néo-démocrate actif depuis 12 ans. En fait, j'appuie le NPD depuis mon adolescence et c'est une des propositions que j'appuie entièrement. Nous avons besoin d'un système de représentation proportionnelle. Comme l'a si bien dit M. Derriennic —  peut-être irons-nous prendre une bière ensemble pour régler la question du système par jugement majoritaire —, il ne faut pas s'arrêter à la complication du système. Au-delà de cela, la représentation doit être beaucoup plus proportionnelle. Le système actuel, avec ses distorsions, doit être rejeté.
    Les électeurs se sont habitués au système en place, à peu près comme les gens s'habituent à des chaussures qui leur blessent les pieds, mais qu'ils tolèrent parce qu'ils ne peuvent pas s'en acheter d'autres ou qu'ils pensent ne pas en avoir les moyens. Les gens sont pris avec cela et continuent de fonctionner avec cela. Pour ajouter aux propos de M. Derriennic concernant la complication, je considère que la complication d'un système de scrutin est un faux débat. Je vais massacrer complètement cet argument, le sang va couler.
    Prenez un échantillonnage de 100 automobilistes sur le boulevard René-Lévesque. C'est certain que vous trouverez dans cet échantillonnage quelques automobilistes qui ne savent pas qu'il faut de l'huile dans le moteur pour en assurer le bon fonctionnement. Pourtant, un moteur, c'est plus de 1 000 pièces mobiles et c'est affreusement compliqué. Il y a des gens qui ne connaissent même pas le b-a ba de la mécanique et qui conduisent quand même leur auto tous les jours. Je trouve cela épouvantable, mais que voulez-vous? Je n'empêcherai personne de conduire son automobile. Ma première auto, je l'ai ramassée sur trois roues, je l'ai faite remorquer chez mes parents et je l'ai réparée pour la mettre sur la route. J'ai un peu la même approche pour le système de vote. Je regarde la mécanique des systèmes de vote, et le statu quo m'apparaît intenable. Toutefois, si c'est ce que les électeurs veulent, je vais me plier à leur décision. Ce ne sera pas la première fois que je serai mal à l'aise dans un système que je déteste.

  (1655)  

    Bravo pour les métaphores.
    Ma question est simple. Si vous considérez le système proportionnel mixte comme le meilleur système, pourquoi alors avez-vous traité aujourd'hui du système de vote par jugement majoritaire?
    J'ai voulu me concentrer sur le système de vote par jugement majoritaire parce que, considérant que mon appui à un système proportionnel mixte était clairement connu, je ne voulais pas réitérer mon appui. Je vous remercie de m'en donner l'occasion.
    Professeur Derriennic, une des raisons pour lesquelles vous avez proposé le système proportionnel mixte dans votre témoignage, c'est que ce système pourrait être en place dès la prochaine élection. Si nous n'étions pas pris avec une date butoir pour mettre en place un nouveau système, seriez-vous quand même d'avis que la conversion vers d'autres systèmes proportionnels, voire le système proportionnel mixte, pourrait être avantageuse?
    Je ne crois pas que le système proportionnel mixte n'ait aucun avantage par rapport à ce que j'appelle la représentation proportionnelle modérée. Je crois que la préservation des circonscriptions uninominales ne constitue pas un avantage par rapport à des circonscriptions à trois, quatre ou cinq députés. Je pense que les électeurs aimeraient pouvoir choisir leur député et choisir à quel député ils peuvent s'adresser. Je ne peux pas démontrer cela. Il faudrait l'appliquer pour le voir. Je suis persuadé qu'il faut qu'il y ait une représentation locale, que la représentation locale soit le fait d'un député qui a un fief parce qu'il est en compétition avec d'autres au moment de l'élection. Une fois que l'élection est finie, il est seul dans sa circonscription, il n'a plus de rivaux. C'est peut-être plus facile pour les députés, mais je ne crois pas que cela soit préférable pour les citoyens.
    Je pense que les citoyens aimeraient cela. Je crois que la seule justification du système proportionnel mixte, c'est d'avoir un résultat global proportionnel tout en conservant les circonscriptions uninominales. C'est plus compliqué et c'est plus difficile à faire dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je pense que la représentation proportionnelle modérée est un peu meilleure que le système proportionnel mixte et beaucoup plus facile à mettre en place. C'est ce que je pense.
     Merci.
    Monsieur DeCourcey, puisque vous aimez les images, je dois dire que je partage parfaitement l'opinion de M. Derriennic là-dessus. La vraie question n'est pas tant de savoir si on préfère le gâteau au chocolat ou le gâteau sablé aux fraises, parce que ce sont deux gâteaux, mais plutôt de savoir si on veut continuer à se contenter de galettes. Je pense que peu importe le choix que nous ferons entre le système proportionnel mixte et le système que propose M. Derriennic, nous devrons nous contenter de vivre avec l'un ou l'autre, mais cela va quand même améliorer les choses par rapport à la situation actuelle.
    Merci beaucoup aux témoins. Nous avons eu une bonne...
    Vous voulez dire que la question n'est pas de choisir entre une lager ou une ale. J'espère que nous irons célébrer ensemble.
    Des voix: Ah, ah!
    Nous avons eu une discussion très intéressante cet après-midi. Nous avons appris des nouvelles choses. Nous ne connaissions pas ces deux systèmes. Nous avions parlé jusqu'à présent des systèmes plus connus. Vous nous avez présenté de nouvelles idées et nous vous en remercions. Cela a été un plaisir de vous revoir, monsieur Côté, et vous, monsieur Derriennic, de vous rencontrer.
    Nous allons maintenant passer à notre séance à micro ouvert. Nous avons huit intervenants. Je vais expliquer la marche à suivre pour ceux qui vont intervenir au micro. Nous avons deux micros. Les interventions sont limitées à deux minutes, alors vous avez deux minutes pour vous exprimer. Ce processus a très bien fonctionné dans les autres villes que nous avons visitées cette semaine.
    Je vais essayer d'avoir toujours un intervenant à chaque micro. Ainsi, même si un seul intervenant à la fois a la parole, l'autre sera prêt à intervenir dès que le précédent aura terminé.
    J'invite Mme Blanche Paradis et Mme Esther Lapointe à prendre les micros.
    Nous allons commencer par l'intervention de deux minutes de Mme Paradis.

  (1700)  

    Je présume que nous sommes tous et toutes ici dans l'objectif d'avoir un jour une Chambre des communes représentative de la population canadienne, donc représentative de sa diversité en ce qui touche la parité hommes-femmes et la représentation équitable des personnes issues de l'immigration. Pour ce qui est des Premières Nations, je ne parlerai pas en leur nom. C'est à elles de dire ce qu'elles veulent. L'objectif est également de se doter d'une Chambre des communes qui soit représentative, dans ses tendances politiques, des différents partis et opinions politiques au Canada. Elle doit aussi être représentative de l'appartenance à des territoires donnés, des territoires locaux, mais aussi des grandes régions comme les provinces. Le mode de scrutin actuel nous a démontré son incapacité à nous offrir une telle représentativité. Cela est clair.
    Dans le monde, il y a 108 pays sur 195 qui ont adopté un mode proportionnel, de quelque forme qu'il soit. De ces pays, il y en a 58 qui, en plus du mode de scrutin — parce que le mode de scrutin ne résout pas tout —, ont mis en place des mécanismes institutionnels pour favoriser la parité entre les femmes et les hommes et pour attirer plus de personnes issues de la diversité.
    La question du mode de scrutin est donc importante, mais elle ne résoudra pas le problème d'une Chambre des communes paritaire et représentative si nous n'ajoutons pas des mécanismes institutionnels.

  (1705)  

    Très bien. Merci beaucoup, madame.
    C'est tout? C'est dommage.
    Vous faites écho à ce que nous avons entendu ailleurs au pays, et c'est très intéressant. Merci beaucoup.
    Avant de passer à Mme Lapointe, j'invite M. Jean Rousseau à se présenter à l'autre micro.
    Madame Lapointe, allez-y, s'il vous plaît.
     Je me présente. Je suis directrice du Groupe femmes, politique et démocratie et c'est au nom de mon organisme que je suis ici aujourd'hui. C'est un organisme dont la mission est l'éducation à la participation citoyenne auprès de l'ensemble de la population, mais plus particulièrement auprès des femmes que nous accompagnons et soutenons pour qu'elles soient plus nombreuses dans les lieux de pouvoir.
    En fait, la représentation paritaire prime sur toutes les autres en démocratie. Elle incarne le pluralisme politique, la diversité culturelle tout autant que les conditions de vie des différentes personnes.
    Je voudrais rappeler aux membres de la commission la situation des femmes au fédéral. Elles ont obtenu le droit de vote en 1918 et celui d'éligibilité en 1920. Aujourd'hui, 95 ans plus tard, 26 % des députés à la Chambre des communes sont des femmes.
    J'ai fait des calculs à partir des statistiques que l'on retrouve sur le site de la Chambre. Si l'on compare les pourcentages, la progression des femmes n'est même pas de 1 % par élection.
    J'ai continué mes calculs. J'ai établi des projections. Cela prendrait 24 élections à peu près tous les quatre ans, c'est-à-dire un siècle, pour atteindre la parité femmes-hommes à la Chambre des communes. Cela nous amènerait en 2109.
    En octobre dernier, à la suite de l'élection, nous avons émis un communiqué de presse justement pour faire état de la situation, pour nous réjouir de certaines avancées, dont un Cabinet paritaire. Cependant, comme cette situation n'est pas inscrite dans une loi, elle va disparaître, comme ce fut le cas au Québec, où nous avons déjà vécu la situation.
    Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'au palmarès des nations, le Canada se plaçait au 46e rang, en octobre 2015, en ce qui concerne la présence des femmes au Parlement, et qu'à présent, comme Mme Romanado le disait tout à l'heure, nous sommes au 64e rang.
    Donc, le message que nous voulons vous transmettre aujourd'hui, c'est qu'il faut, s'il vous plaît, trouver des façons ou ajouter des mécanismes en vue de régler cette inégalité. Les femmes forment 50,4 % de la population canadienne. C'est une question de démocratie.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame.
    J'invite M. Guy Boivin à s'approcher du micro.
    Nous passons maintenant à un ancien collègue qui a été député de Compton, c'est bien cela?
    D'accord, vous étiez député de Compton—Stanstead.
    Allez-y, monsieur Rousseau.
     Merci beaucoup.
    Je ferai deux remarques. J'aurais bien aimé que vous veniez en Estrie, parce que cette région a des particularités. Nous avons deux grandes universités avec des facultés de sciences politiques appliquées. Les échanges auraient donc pu être vraiment intéressants, tant avec les étudiants qu'avec les professeurs de ces facultés.
    Ce qu'il y a de particulier aussi de la région de l'Estrie, c'est qu'elle constitue, en importance, le quatrième pôle d'intégration multiculturelle au Québec. Il y a plus de 40 communautés multiethniques en Estrie. Ces gens-là sont un peu perdus dans le système électoral actuellement, et ils ne se sentent pas bien représentés, c'est certain.
    Il y a aussi la présence anglophone. Il y a tout près de 25 % d'anglophones et, dans certaines régions, 50 % des municipalités sont anglophones. Ces gens veulent que leurs droits soient protégés, et je comprends très bien cela. Ce qu'ils désirent, au fond, c'est que leur vote ait un poids. Des chiffres ont été avancés aujourd'hui qui laissent entendre que si un gouvernement est élu avec 38 % du soutien populaire et que le taux de participation est de 60 %, le soutien réel est d'à peu près 20 %, et même encore plus bas si l'on compte les députés élus avec une réelle majorité.
    Ces collectivités veulent être bien représentées. Peu importe la forme de représentation proportionnelle choisie, ce qui doit compter le plus, c'est le poids du vote. En faisant une petite croix au bas du bulletin de vote, le citoyen s'assure-t-il d'une représentation à la Chambre des communes? C'est ce qui est important.
    Depuis des décennies, lorsqu'un parti est porté au pouvoir, il gouverne selon sa doctrine économique et idéologique. Ainsi, les gens ayant voté pour d'autres partis, qui représentent une proportion de 60, 70 ou 80 %, ne se sentent pas représentés, ne se sentent pas protégés et, surtout, ne sentent pas qu'ils ont une voix à la Chambre des communes.
    Merci beaucoup.

  (1710)  

    Merci beaucoup, monsieur Rousseau.
    Monsieur Berthelot, pourriez-vous vous approcher du micro?
    Nous allons passer à M. Boivin.
    Merci de nous consulter.
    Sauf erreur, vous semblez proposer une réforme qui tend vers le vote proportionnel mixte. Or, n'est-ce pas là un pansement sur une jambe gangrenée? La réforme n'ouvre-t-elle pas la porte à une multitude de changements possibles afin de corriger un lot de problèmes existants?
    Nous sommes actuellement régis par un système britannique qui n'a jamais vraiment correspondu à la volonté populaire. Le régime actuel est une dictature où le chef impose la ligne du parti et où les députés, principalement ceux d'arrière-ban, deviennent des potiches utiles bien davantage dans les circonscriptions qu'à la Chambre des communes.
    Les Québécois aiment se reconnaître dans leurs députés, lesquels deviennent, en quelque sorte, leurs porte-parole apartites. Je propose de diviser les provinces selon leur superficie. Deux députés apartites par circonscription seraient élus pour une période de cinq ans, un homme et une femme, pour une réelle égalité à la Chambre des communes. Les circonscriptions ne seraient plus jamais orphelines, et il ne faudrait plus tout recommencer parce que tout serait jeté à la suite d'élections générales ou lors d'un changement de députation.
    En parallèle, un chef de parti serait élu pour cinq ans, lors d'une élection générale, pour devenir premier ministre, choisir ses ministres, gérer le pays et convaincre la Chambre des communes de changer des lois et règlements. Sur le bulletin de vote, il y aurait deux sections. Dans la première section, on demanderait au citoyen de choisir un parti et, dans la deuxième, on proposerait deux ou trois chefs par parti. L'électeur devrait cocher le nom de son chef préféré dans le cas de chaque parti. Au comptage du scrutin, le directeur général des élections déclarerait le parti vainqueur selon le total canadien de votes. Pour ce parti victorieux, le directeur général des élections déclarerait le chef vainqueur selon la totalité des votes dans le pays.
    Pour conclure, « une personne, un vote » n'est pas une formule démocratique. Un village aura toujours plus d'élus que la campagne moins populeuse, donc les idées du village passeront toujours en premier.
    Un pénalité financière pour que les partis augmentent leur représentation féminine ne réglera pas le problème de la parité hommes-femmes.
    Par ailleurs, demander une représentation pour les minorités visibles ouvre une boîte de Pandore. Si nous confions un poste à un Noir, faudra-t-il en trouver un pour un Asiatique, un handicapé, un musulman, un Juif, un sikh, un Amérindien, un transgenre, un jeune? Où s'arrête la représentation des minorités?
    L'âge de 18 ans pour l'admissibilité au vote est l'âge où la majorité des gens est apte à bien saisir les choix qui s'offrent et leurs conséquences. Le Canada est un pays où la liberté est une priorité. Il ne faudrait obliger personne à aller voter.
    Pour conclure, le gouvernement devrait obliger les municipalités à tenir une liste électorale permanente. Ce sont elles qui sont à même de contrôler facilement qui vit sur leur territoire. Tous les services fédéraux, provinciaux et territoriaux devraient être branchés à cette liste pour qu'elle soit toujours la plus exacte possible. Les gens n'auraient plus à s'adresser à plusieurs services pour un changement d'adresse. Ils aviseraient la municipalité et tous les services seraient mis au courant, comme cela se fait en Allemagne.
    Merci beaucoup d'avoir touché tous ces aspects, monsieur Boivin. Nous vous en sommes très reconnaissants. Votre intervention était assez complète.
    Elle n'a duré que deux minutes.
     C'était un peu plus que cela, mais cela en valait la peine. Merci.
    J'inviterais M. Saucier à prendre le deuxième micro.
    Monsieur Berthelot, vous pouvez nous livrer vos commentaires.
    J'aurais voulu entendre parler de vote obligatoire, mais on n'en a pas discuté.
    Je représente les 7 millions de Canadiens qui ont voté et qui n'ont pas de représentant au Parlement. Je suis ici pour mes enfants et pour mes petits-enfants.
    Au Canada, nous sommes en déficit démocratique parce que les jeunes sont découragés de voter. Il faut faire quelque chose pour inciter les gens à voter. C'est notre plus grande responsabilité comme citoyens. Le statut quo, tant sur le plan politique et économique qu'environnemental, n'est plus acceptable. Nous sommes à la croisée des chemins dans l'histoire humaine. Il faut faire quelque chose pour responsabiliser nos politiciens et pour que ce soit moins conflictuel au Parlement. La politique, c'est l'art du compromis. Or il n'y en a pas, ou très peu. C'est votre responsabilité d'améliorer les choses.
    Merci beaucoup.

  (1715)  

    Merci.
    Je vois que M. Gerrit Dogger est ici.
    Je donne maintenant la parole à M. Nicolas Saucier.
    Je m'appelle Nicolas Saucier et je suis de Québec. Je suis un ancien étudiant de M. Derriennic, et j'ai été à l'emploi de la Chambre des communes pendant trois législatures. Donc, je connais assez bien ces enjeux.
    On m'a toujours dit que j'étais né dans un pays démocratique, mais mon parcours de vie me montre que ce n'est pas le cas, parce que depuis que j'ai le droit de vote, aucun gouvernement n'a été élu avec 50 % des voix. Depuis que j'ai le droit de vote, l'année où il y a eu le plus grand pourcentage de voix en faveur du gouvernement élu a été 1988, avec 43 %. Donc, 57 % des gens avaient voté contre ce gouvernement. La pire année a été 2006, avec 34,5 % des voix, ce qui signifie que 65,5 % ou les deux tiers de la population n'avaient pas voté pour le gouvernement élu. Depuis ma naissance, une seule fois, en 1984, le gouvernement élu a récolé la majorité, en l'occurrence 50,03 % des voix, par la peau des fesses. Avant cela, en 1958, ce nombre avait été de 53,6 %. Il y a donc eu un écart de 26 ans entre ces deux élections où le gouvernement a été élu avec plus de 50 % des voix, et un pareil écart sera de 35 ans, si l'on tient pour acquis que le prochain gouvernement sera élu avec plus de 50 % des voix lors de la prochaine élection.
    Cela n'est pas tellement démocratique. Mon inquiétude, c'est que les deux principaux partis s'accommodent fort bien depuis longtemps de ce système non démocratique. Je suis inquiet. Je félicite l'effort que fait le Parti libéral en proposant un changement. Je suis très inquiet de voir que le Parti conservateur a le pied sur le frein et frôle l'accotement pour s'assurer de ralentir les choses.
    J'entends beaucoup l'argument du nirvana. J'enseigne en communication à l'université. Dans les cours d'argumentation, on entend des arguments fallacieux, dont l'argument du nirvana. Selon cet argument, si la solution proposée n'est pas parfaite, on doit la rejeter. C'est facile. On trouve un défaut à une solution proposée et on l'élimine parce qu'il y a un défaut. C'est voir la paille dans l'oeil alors qu'on a une poutre dans l'oeil, je dirais même dans le front.
    On a un système qui n'est pas démocratique depuis des années, et là, on pinaille en disant que ce n'est peut-être pas idéal, tout cela. N'importe quelle solution proposée serait préférable au statu quo ou au système actuel.
    En terminant, je serais curieux de savoir si un seul député autour de cette table a été élu par plus de 50 % des électeurs de sa circonscription.
    Oui, moi, et je suis un conservateur, en plus.
    Des voix: Ah, ah!
    C'est très bien. Je vous félicite, parce qu'au moins, vous êtes représentatif.
    Merci beaucoup, monsieur Saucier.
    J'inviterais M. Richard Domm à prendre le deuxième micro.
    Nous allons maintenant entendre M. Gerrit Dogger.
    Quand on cherche à définir ce qu'est la démocratie et à séparer les États hautement démocratiques de ceux qui le sont moins, on s'adresse d'abord au mode de représentation qu'un État s'est donné. Le critère primordial pour permettre de juger du caractère démocratique de ce mode de représentation est alors la représentativité du Parlement relativement à ses électeurs. Or, si le Canada a la réputation d'être une démocratie modèle, un examen à peine superficiel de ses institutions démocratiques révèle qu'il ne passe pas le test le plus élémentaire. Notre mode de scrutin n'est pas représentatif. Chaque élection nous permet de le constater une fois de plus. Les intentions de vote ne sont pas reflétées dans la composition de notre Parlement. Lors des deux dernières élections fédérales, c'est avec environ 40 % des intentions de vote que le gouvernement a obtenu une majorité absolue.
    Le Canada a connu de profondes transformations au cours de sa démocratisation. Il est devenu une société diversifiée où l'expression d'opinions multiples et plurielles est non seulement acceptée, mais encouragée, et je peux moi-même en témoigner en tant qu'immigrant. Or, de manière fort malheureuse, cette diversité des opinions qui fait notre force n'est pas représentée au Parlement. Prenons un exemple fort simple. Dans les provinces de l'Atlantique, lors de l'élection générale de 2015, seuls des candidats libéraux ont été élus. Quant à tous les citoyens de ces provinces qui n'ont pas d'affinités avec le Parti libéral, ils sont ignorés.
    On peut résumer les problèmes du système électoral actuel à cinq éléments. Il y en a probablement plus, mais restons-en à cinq.
    Premièrement, le parti élu au suffrage d'une minorité de citoyens peut gouverner en tant que majorité, comme l'a démontré l'intervenant précédent en faisant un survol des dernières années.
    Deuxièmement, le système est instable, car des changements mineurs dans les intentions de vote, des variations de quelques points de pourcentage, par exemple, peuvent amener des changements graves dans la représentation. Encore une fois, dans les provinces maritimes, les libéraux sont passés de quelques sièges en 2011 à une totalité des sièges en 2015. Est-ce que tout le monde dans les Maritimes est devenu libéral? Je ne le crois pas.
    Troisièmement, dans chaque circonscription, le choix électoral se limite aux candidats qui représentent les partis. Si aucun candidat du Parti vert ne se présente dans sa circonscription, le citoyen ne peut pas voter pour ce parti. Cette situation ne s'applique pas seulement au Parti vert, mais à tous les partis qui sont non représentés.
    Quatrièmement, si une région vote pour le mauvais candidat, elle n'est pas représentée au sein du gouvernement.
    Enfin, cinquièmement, un vote comporte trois décisions: l'élection du chef de gouvernement, d'un parti et d'un député. On aime généralement se faire croire qu'on vote d'abord pour un député, mais en vérité, peu de citoyens connaissent le nom de leur député ou du candidat pour lequel ils votent. Toutefois, si on vote pour un député, pourquoi a-t-on des partis, et pourquoi le nombre de députés élus se traduit-il automatiquement par l'élection du premier ministre?
    De la même façon, on peut résumer les avantages de la proportionnelle à cinq éléments. Tout d'abord, elle représente réellement les intentions de vote au Parlement. Ensuite, elle favorise une pluralité de visions et d'opinions au Parlement. En outre, elle est plus stable pour les partis, parce que leur représentation au Parlement est plus stable. Entre 2011 et 2015, on a vu le Québec passer de orange à plutôt rouge.

  (1720)  

    Pouvez-vous conclure, monsieur Dogger?
    Oui, j'y arrive. J'ai presque terminé, monsieur le président.
    Contrairement aux idées reçues, le système proportionnel, comme celui des Pays-Bas et de l'Italie, est aussi stable que le système qu'on a en ce moment, et tous les électeurs peuvent voter pour le parti qui les représente le mieux.
    Personnellement, si le système ne change pas assez pour représenter mes idées, je ne vois pas pourquoi je continuerais de voter et de donner de la légitimité à un système qui n'en a plus.
    Merci beaucoup.
    On passe maintenant à M. Richard Domm.
    Je demanderais à M. Samuel Moisan-Domm de prendre place au micro.
    Allez-y, monsieur Domm.
    Premièrement, je remercie le Parti libéral de remettre en question le système que nous avons actuellement pour élire les députés. Quand je pense au système électoral actuel, je le compare à l'évolution de l'être humain qui est sorti de la jungle, qui s'est ensuite donné des rois et des reines, pour finalement adopter le système uninominal majoritaire à un tour, qui est une sorte de dictature.
    Je félicite M. Deltell, qui a été élu avec plus de 50 % des voix, mais que fait-on des 40 % d'électeurs qui ne sont pas représentés? Je suis favorable à un système proportionnel, et celui de l'Allemagne me plaît.
    Je tiens à dire que j'ai été candidat du Parti vert du Canada à trois reprises et du Parti vert du Québec à quelques reprises. Chaque fois, je le faisais en sachant que je ne serais pas élu, mais je le faisais pour permettre à la population de s'exprimer. Je souhaite qu'on en arrive un jour à un système proportionnel où la personne sur vingt ayant voté pour le Parti vert soit entendue par le gouvernement. Actuellement, ce n'est pas le cas.
    Pour vous dire à quel point je suis démocrate, au même moment où j'étais candidat du Parti vert, j'ai installé des pancartes pour Raymond Côté, du NPD, et je serais devenu membre de tous les partis, parce que cela me semblait important.
    Ah, ah!
     Il rit parce que c'est vrai.
    Oui, il a été élu, et j'en suis content.
     Il rit de bonheur.
    M. Cullen, du NPD, a suggéré d'essayer le système proportionnel et de tenir un référendum, possiblement, par la suite.
    C'est un peu comme si quelqu'un disait qu'on avait toujours goûté au même gâteau et que, même si c'était bon, il y avait mieux. Laissez-nous goûter ce qui est mieux, c'est-à-dire la proportionnelle. Plusieurs pays qui ont adopté la proportionnelle ont évolué. Je pense qu'il est temps que le Canada évolue également.
    Pour terminer, on parle souvent de l'intelligence des électeurs. Ils ne manquent pas d'intelligence, mais ils manquent de temps. Demandez à ma mère, demandez aux gens autour de vous. Ils sont préoccupés par la démocratie, mais ils ne prendront pas le temps d'étudier toutes les possibilités; c'est compliqué. Ils ne le feront pas plus qu'apprendre à réparer leur auto ou apprendre à réparer une guitare.
     En tant qu'élus, vous avez la responsabilité d'agir avec sagesse, en fonction de l'avenir, afin de bien représenter les électeurs qui, comme moi, se présentent et qui n'ont jamais été élus. Cela m'est égal, mais je veux que l'on m'entende.

  (1725)  

    Merci beaucoup. Vous avez été entendu.
    Monsieur Moisan-Domm, vous avez la parole.
    Je suis le fils de mon père, je pense que c'est bien évident.
    Nous écouterons un intervenant par famille seulement.
    Des voix: Ah, ah!
    Je blague, allez-y.
    Je ne répéterai pas les arguments qui ont déjà été avancés en faveur du mode de scrutin proportionnel mixte, en faveur du vote obligatoire, en faveur du vote par Internet, et ainsi de suite. Je pense que c'est progressiste et que cela représenterait des progrès.
    J'aimerais faire un parallèle entre notre vie en société et notre système électoral. Par exemple, dans une classe d'école, chaque élève a le droit de parole et le droit de s'exprimer. Quand je suis au travail et que je participe à une rencontre d'équipe, chaque personne dans l'équipe a le droit de s'exprimer, puisque chaque opinion a de la valeur.
    C'est la même chose au Parlement. Vous êtes quelque 338 députés et chacun d'entre vous a le droit de s'exprimer, parce que toutes les opinions ont de la valeur, même si leurs poids respectifs sont différents. Tout le monde peut s'exprimer. Le système électoral, ultimement, devrait donc permettre la même chose. Une opinion devrait pouvoir être exprimée, qu'elle ait l'appui de 5 %, 15 % ou 40 % de la population.
    J'aimerais faire un autre parallèle. Dans un groupe, il y a souvent une personne qui est plus gênée et qui va moins parler. En général, on veut faire parler cette personne, on veut qu'elle s'exprime même si elle en a moins envie. C'est la même chose pour le système électoral. Il est important d'entendre tout le monde qui a une opinion, et ce, même si la personne s'exprime moins.
    En revanche, parfois quelqu'un monopolise la conversation et parle un peu trop. On veut bien l'entendre, mais pas tout le temps, parce qu'on veut aussi entendre les autres. C'est la même chose dans un système démocratique. Si un parti a 40 % des votes, on ne veut pas qu'il ait 65 % du droit de parole au Parlement, qu'il empêche la conversation, qu'il domine dans les médias et qu'il ne fasse que ce qu'il veut.
    Je pense qu'il est important que la voix de tout le monde soit représentée, pour refléter nos moeurs sociales quotidiennes, à l'école, à l'université, au travail et au Parlement. Il est important que les voix de tous soient représentées, que personne ne domine la conversation et que tout le monde puisse s'exprimer.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Je vous remercie toutes et tous de vos excellentes interventions.
    Le Comité va faire une pause d'environ 45 minutes. Nous allons revenir à 18 h 15 pour poursuivre la séance à micro ouvert. Quelqu'un d'autre du public souhaite intervenir. Nous allons par la suite entendre d'autres témoins.
    Une voix: Je suis extrêmement déçue. Seulement deux femmes ont pris la parole et, de façon très stricte, au bout de deux minutes, vous avez interrompu la première femme qui a parlé, alors que vous avez laissé trois minutes ou trois minutes et demie à plusieurs autres intervenants masculins.
     Voulez-vous prendre la parole là-dessus?
    Une voix: Je ne suis pas préparée à prendre la parole.
    D'accord.
    Une voix: Je vous répète que je suis déçue que vous ayez coupé la parole à madame.
     Je pensais qu'elle avait terminé, mais si elle veut ajouter un commentaire, elle le peut.
    Nous essayons d'agir avec souplesse. Nous ne tentons pas de couper la parole, mais il y avait une pause et je croyais qu'elle avait terminé.
    Voulez-vous vous prononcer sur un autre...
    Mme Blanche Paradis: Non, je n'avais pas terminé.
    Le président: D'accord, excusez-moi.
    Je n'avais pas terminé, et je vous ai même dit que je trouvais dommage qu'on me coupe la parole.
     J'insiste sur le fait que la question du mode de scrutin n'est pas la seule qui va permettre d'avoir une Chambre des communes plus représentative. Il faut ajouter à cela des mécanismes institutionnels inscrits dans la loi et qui vont permettre une plus grande représentativité.
     J'insiste aussi sur le fait que les partis politiques vont devoir se prendre en main et mettre en avant des mesures qui vont permettre davantage aux femmes d'être candidates et, par conséquent, élues. Par ailleurs, il faudrait aussi que le Parlement oblige les partis politiques à proposer des plans d'action pour mettre en avant la question de la parité des candidatures, c'est-à-dire pour qu'il y ait au moins 50 % de candidates. Nous pourrons alors avoir une Chambre des communes vraiment représentative sur le plan de la parité hommes-femmes.

  (1730)  

     En fait, en ce moment, il y a un projet de loi devant le Parlement qui vise à offrir des mesures incitatives aux partis qui atteignent la parité.
    L'incitation, c'est bien, mais la coercition va être nécessaire. C'est dommage, mais ce sera nécessaire.
    Merci beaucoup de votre intervention.

  (1730)  


  (1820)  

    Nous reprenons officiellement la séance.
    Ce soir, nous avons avec nous deux témoins: M. Éric Montigny, directeur exécutif de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires au Département de science politique de l'Université Laval, et Me Bernard Colas, avocat associé chez CMKZ et ancien commissaire de la Commission du droit du Canada.
    Je ne sais pas si vous étiez ici pendant les témoignages précédents, mais nous accordons à chaque témoin 10 minutes pour présenter ses idées. C'est suivi d'un tour de questions, où chaque député dispose de cinq minutes pour s'entretenir avec les témoins. Ces cinq minutes comprennent les questions et les réponses.
    Nous commençons par vous, monsieur Montigny. Le micro est à vous.

  (1825)  

    Tout d'abord, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité. Le travail que vous faites est des plus pertinents et des plus essentiels pour la vitalité de la démocratie canadienne. Il est d'autant plus important que, s'il débouche sur une réforme du mode de scrutin, cela risque d'avoir une influence très sentie sur les institutions des autres instances canadienne en vertu d'un mimétisme institutionnel. Le choix que votre comité fera risque d'avoir des répercussions au-delà du Parlement fédéral.
    Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de prendre la parole devant vous. Je ne suis pas ici ce soir pour présenter mon mode de scrutin favori ou pour vous indiquer mes préférences personnelles. Je veux surtout mettre en lumière certains éléments dans la littérature scientifique qui sont en lien avec la réforme du mode de scrutin.
    En 2015, il y a eu un colloque sur la vitalité démocratique au Canada et au Québec. Il était organisé par la chaire que je dirige, en collaboration avec Élections Canada et le directeur général des élections du Québec. Dans le cadre de ce colloque, nous avons préparé un sondage auprès des Québécois afin de voir s'ils appuyaient certaines réformes électorales. Ce sondage n'était pas pancanadien; il n'a été mené qu'au Québec.
    Ce sondage nous a permis de constater que la population souhaite un changement du mode de scrutin. Selon le sondage CROP qu'on a réalisé en 2015, dans une proportion d'environ 70 %, la population est en faveur d'une forme de proportionnalité dans le cadre d'une réforme du mode de scrutin.
    L'élément qui plaide le plus en faveur d'une réforme du mode de scrutin est celui de la représentation. On veut atténuer les distorsions inhérentes au mode de scrutin actuel. Deux éléments sous-tendent la réforme en vue d'améliorer la représentation.
    D'abord, d'un point de vue mathématique, cela permettrait de réduire les distorsions, de cesser de pénaliser les plus petits partis et de cesser de favoriser de façon disproportionnée le parti qui arrive au premier rang. Dans le mode de scrutin uninominal à un tour, il y a une prime au premier qui favorise les distorsions. Au Québec, à certaines occasions qui ne sont pas trop lointaines dans l'histoire, des partis politiques ayant recueilli le plus de votes se sont retrouvés dans l'opposition.
    Le deuxième élément est d'ordre idéologique. Il faudrait que les différents courants présents dans la société soient aussi représentés au Parlement. C'est pour cette raison qu'on a vu l'intégration d'une forme de proportionnalité dans les réformes du mode de scrutin à travers le monde. Par ailleurs, je dirais qu'un des arguments les plus soulevés pour maintenir le système actuel en place est celui du lien entre le député et sa circonscription.
    En 2011, on a réalisé une étude, qui a été publiée dans une revue scientifique en 2014. Cette étude a été réalisée auprès de parlementaires québécois qui siègent à l'Assemblée nationale du Québec ou à la Chambre des communes à Ottawa. Entre autres choses, on leur a demandé quelle était leur perception des attentes des citoyens par rapport à leur travail de parlementaire, qu'il s'agisse de leur travail dans leur circonscription, de celui de législateur ou de contrôleur du gouvernement. La vaste majorité des parlementaires ont dit croire que les citoyens s'attendent à ce qu'ils soient de très bons représentants de leur circonscription, qu'ils ne comptent pas leurs heures, qu'ils soient très présents sur le terrain et qu'ils travaillent fortement à résoudre les problèmes individuels des gens de leur circonscription.
    On a voulu valider si les attentes des Québécois correspondaient à la perception qu'en avaient les députés. À notre plus grande surprise, on a constaté un écart important. Ce n'est pas du tout l'attente première des citoyens québécois qui ont été sondés lors d'un sondage CROP.
    La principale attente des citoyens envers leur député n'est pas qu'il représente leur circonscription. Ils souhaitent d'abord et avant tout qu'ils soient des contrôleurs du gouvernement, et ce, peu importe leur affiliation politique. Les citoyens veulent que les députés, même s'ils occupent une fonction de ministre, jouent le rôle de contrôleurs de l'activité gouvernementale et qu'ils questionnent les politiques gouvernementales, et ce, au-delà de la ligne de parti.

  (1830)  

     Il faut donc apporter des bémols ou des nuances à l'argument relatif au lien du député avec sa circonscription. Actuellement, il y a un écart entre ce que la population québécoise souhaite et la perception que les députés ont par rapport aux attentes de la population. Il est sûr que cela peut varier selon la région. En région moins urbaine, l'attachement au député de la circonscription est considéré comme étant plus important. Néanmoins, il y a un important écart au chapitre de la perception.
    L'autre élément sur lequel je veux insister est la légitimité d'agir du Parlement. Il y a un débat sur la question de savoir si le mode de scrutin a une portée constitutionnelle et s'il entraîne une obligation de modification majeure. La lecture que j'en fais, tant dans mes enseignements que dans mon analyse de la Constitution, est qu'il n'y a pas de convention constitutionnelle associée au mode de scrutin. C'est vrai qu'une loi électorale a un statut particulier et qu'elle commande la recherche d'un consensus pour être modifiée. L'enjeu d'un référendum sur le changement du mode électoral est d'abord et avant tout politique et non juridique. Il relève des acteurs politiques.
    Je veux maintenant aborder les limites d'une réforme électorale qui porterait sur le mode de scrutin. Selon la littérature scientifique, on fait une erreur en pensant que le changement du mode de scrutin accroîtrait la participation électorale. En effet, la croissance du taux de participation associée à un mode de scrutin est marginale. À cet égard, on parle de quelques points de pourcentage. J'ajouterais qu'il est peu probable qu'à elle seule, cette mesure contribue à diminuer la méfiance ou le cynisme observé envers la classe politique.
    L'Eurobaromètre, qui mesure des données au sein de l'Union européenne, a un indice sur le déclin du niveau de confiance des citoyens envers les parlements. En Europe, les modes de scrutin sont souvent différents de celui du Canada. En Allemagne et dans les pays scandinaves, on intègre la proportionnalité. Selon les données de l'Eurobaromètre, depuis une dizaine d'années, il y a un déclin du niveau de confiance envers tous les parlements, peu importe le mode de scrutin choisi. La crise de confiance n'affecte pas seulement les régimes parlementaires ayant un mode de scrutin uninominal à un tour. La crise de confiance à l'égard des élus et des parlementaires transcende, si l'on veut, les modes de scrutin.
    Quoi qu'il en soit, une réforme du mode de scrutin doit être vue comme une mesure parmi d'autres pour rétablir la confiance envers nos institutions et nos élus. Dans notre colloque, on a parlé de discipline partisane. Par exemple, comment peut-on faire en sorte que la discipline de parti soit moins rigide? Paradoxalement, elle est plus rigide à Québec qu'à Ottawa, et elle est plus rigide à Ottawa qu'à Londres. Il y aurait même un avantage à revisiter l'évolution qu'il y a eu dans le système politique britannique, afin de voir comment les députés des différentes formations politiques bénéficient d'une plus grande marge de manoeuvre que ce qui existe à Ottawa.
    La question de la parité hommes-femmes est aussi un enjeu. Dans le sondage qui a été fait, on a observé un appui à cette parité. Si le Comité le souhaite, je pourrai déposer un exemplaire du sondage qui a été réalisé à l'époque.
    Oui, s'il vous plaît. Ce serait utile pour nous.
    D'accord.
    En terminant, je dirais qu'on doit voir le mode de scrutin dans un ensemble. On ne peut pas le prendre isolément comme un facteur pour rétablir la confiance. Il faut le voir d'abord comme un élément pour atténuer les distorsions actuelles. Il n'y a pas de mode de scrutin parfait. Chaque mode de scrutin a ses forces et ses faiblesses.
    J'espère que, comme parlementaires, vous allez travailler à la recherche d'un consensus en ayant d'abord les citoyens en tête.
    Je vous remercie et je suis disponible pour répondre à toutes vos questions.

  (1835)  

    Merci, monsieur Montigny.
    Je cède maintenant la parole à Me Colas pour 10 minutes.
    Je vous remercie infiniment de cette invitation à comparaître devant le Comité. C'est un honneur de pouvoir prendre la parole devant vous.
    Je comprends que j'ai été invité en tant que citoyen, mais surtout en tant qu'ancien commissaire de la Commission du droit du Canada qui a participé à la préparation d'un rapport sur la réforme du système électoral. Je vais dire quelques mots sur la Commission du droit du Canada avant de parler du contenu de ce rapport.
     La Commission a été créée par une loi du Parlement pour fournir des conseils indépendants sur l'amélioration, la modernisation et la réforme du droit au Canada. Nous avons travaillé à plusieurs sujets, tels que la médiation, et produit des rapports sur des sujets tels que la sécurité, la propriété intellectuelle et le droit familial. Nous avons aussi produit un ensemble de rapports sur les Autochtones, Ceux-ci ont été déposés au Parlement pour que celui-ci en prenne acte et qu'il puisse en suivre ou non les recommandations. C'était fantastique, pour une équipe formée de personnes indépendantes, de pouvoir nourrir le débat démocratique.
    Malheureusement, le Conseil du Trésor du précédent gouvernement a mis fin à la Commission du droit du Canada en éliminant son budget. Je profite de cette tribune pour vous encourager vivement à recréer la Commission du droit du Canada. Ceux qui sont plus âgés se souviendront qu'il y a d'abord eu la Commission de réforme du droit du Canada, qui a pris une forme différente avec la Commission du droit du Canada. Cette dernière me semble avoir constitué un beau modèle, mais il faudrait en trouver un qui résiste aux bousculades d'un gouvernement à l'autre ce dont, d'ailleurs, notre mode de scrutin est peut-être responsable.
    Je passe à la question du mode de scrutin. En matière électorale, la Commission du droit du Canada s'est intéressée aux institutions qui définissent nos concepts de droit et promulguent nos lois. La question était de savoir si un système qui répondait aux valeurs du XIXe répondait toujours aux valeurs du XXIe siècle. Évidemment, j'ai entendu comme vous les commentaires des citoyens qui ont fourni leurs témoignages à cet égard et la Commission du droit du Canada a aussi entendu ces critiques. Elles étaient les mêmes en 2002 et en 2004. Je comprends donc très bien la situation dans laquelle vous êtes placés. C'est en réponse à ces critiques face au processus démocratique que la Commission a entrepris ce projet. Elle a constaté un malaise relativement à notre système actuel. Depuis 1945, les résultats des élections fédérales sont disproportionnés, c'est-à-dire qu'elles favorisent des partis dont les électeurs sont concentrés dans certaines circonscriptions comparativement aux partis dont les électeurs sont répartis dans tout le pays.
    La Commission a d'abord produit un document de consultation après avoir rencontré des experts, tels que des professeurs. Par la suite, nous avons tenu une discussion pendant deux ans à partir de ce document. Nous avons consulté des citoyens et des experts et, lorsque nous nous posions des questions au sujet de certains aspects, nous lancions d'autres études. Deux ans plus tard, nous avions un rapport de 230 pages contenant 23 recommandations qui, d'après nous, répondent le mieux aux différentes critiques que vous avez entendues plus tôt et que vous avez probablement entendues lorsque que vous participiez à vos différents travaux. C'est un travail qui a été financé par nous, les électeurs. Le rapport s'intitulait en français: Un vote qui compte: la réforme électorale au Canada.
     Pour fonder des réformes, il fallait identifier des valeurs. Nous avons donc identifié un certain nombre de valeurs et nous avons mesuré les différents systèmes politiques pour déterminer quels sont ceux qui correspondent le mieux aux valeurs qui sont privilégiées. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que le système électoral doit être juste, ce qui veut dire que le groupe parlementaire de chaque parti doit correspondre au pourcentage des voix exprimées, que le Parlement devrait mieux refléter la composition de la société, c'est-à-dire les femmes, les autochtones et les minorités, et que les parlements devraient encourager l'expression d'un large éventail de points de vue. De plus, les gens considèrent encore comme important le fait d'entretenir un certain lien avec leur député sur le plan régional, même si c'est une valeur qui change.
    Il y a d'autres valeurs que nous avons identifiées, soit d'avoir un gouvernement efficace qui puisse gérer l'État, d'avoir un gouvernement responsable, d'avoir une opposition efficace, de s'assurer que chaque vote compte et que chaque région est représentée dans les processus de prise de décisions et que les décisions reflètent la diversité des points de vue et soient donc plus inclusives. Je les ai énumérées un peu rapidement, mais je vous encourage vivement à lire le document. Elles y sont mieux expliquées.

  (1840)  

     Le système qui, selon nous, reflète le mieux ces valeurs du XXIe siècle est un système de représentativité proportionnelle en vertu duquel 66 % des députés sont élus comme nous le faisons actuellement et 33 % sont élus à partir de listes. Ces 33 % permettent de combler le déséquilibre que crée le système actuel. L'idée était donc de dire à la population que nous avions trouvé une solution. Elle consistait à lui offrir deux votes: un pour élire un député dans une circonscription et un autre, à partir de listes, pour élire un représentant. Évidemment, la composition des listes permet de favoriser l'inclusion de femmes, d'Autochtones et de membres des minorités.
    Les coûts de la mise en oeuvre d'une telle mesure pourraient être limités, c'est-à-dire qu'il faudrait accroître la superficie de certaines circonscriptions pour pouvoir limiter le nombre de députés élus dans celles-ci et augmenter le nombre de ceux choisis à partir de listes.
    Je vous invite de nouveau à lire le rapport, parce que différents problèmes ont été soulevés. Nous nous sommes demandés, par exemple, si un député élu à partir d'une liste devait avoir le même statut qu'un député élu dans une circonscription. Beaucoup d'autres questions ont été posées auxquelles nous avons répondu dans le rapport.
    En fait, je comprends que la réforme du système électoral n'est pas une chose facile. Vous avez un beau défi devant vous. À l'époque, j'avais parlé notamment à l'Association canadienne des ex-parlementaires et j'ai senti une certaine résistance de sa part. Bon nombre de ceux qui ont été élus grâce à un certain système se disent que si cela a fonctionné pour eux, pourquoi changer le système qui leur a permis d'être élus. Vous allez donc vous retrouver avec le bras politique qui conçoit le système, mais aussi avec les politiciens qui jouent avec le système.
    Le système que nous avons proposé est selon moi facile à vendre à la population. Il y aurait donc deux façons de faire: 66 % de députés élus dans une circonscription et 33 % à partir de listes. Selon moi, cette proportion permettrait de corriger le déséquilibre et de répondre aux valeurs du XXIe siècle.
    Je vais m'arrêter ici et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Merci, maître Colas.
    Nous allons commencer par Mme Sahota pour une période de cinq minutes.

[Traduction]

     Merci.
    Ma première question s'adresse à M. Colas.
    C'est bien de savoir que vous comprenez ce que nous vivons, parce que je crois que peu de gens le comprennent.
    La Commission du droit a recommandé un système de représentation proportionnelle mixte. Hier, lors de notre soirée de micro ouvert à Toronto, les témoins ont proposé d'utiliser une version simplifiée de ce système. On utiliserait les mêmes bulletins de vote et on voterait pour son candidat. Je crois qu'un des systèmes proposés voulait qu'on ajoute 33 % de sièges, ou quelque chose du genre, et qu'on agrandisse un peu les circonscriptions pour ne pas trop changer le nombre de députés.
    En gros, on élirait un député dans chaque circonscription, puis, pour créer une certaine proportionnalité, on prendrait les candidats qui ont obtenu les meilleurs résultats dans certaines circonscriptions. Ces personnes obtiendraient un siège en fonction du vote proportionnel.
    Quel est votre avis à ce sujet? Aviez-vous des propositions semblables, qui n'utiliseraient pas les listes créées par le parti? On perçoit une certaine hésitation à l'égard de ces listes.

  (1845)  

    Il y a deux points ici.
    D'abord, selon le système actuel, les électeurs votent parfois de façon stratégique: contre ceux qu'ils détestent plutôt que pour ceux qu'ils aiment. Avec les deux votes, les électeurs voteraient peut-être encore de façon stratégique, mais auraient la chance d'élire un candidat qu'ils aiment. C'est pourquoi nous avons besoin de deux votes.
    Hier, un professeur nous a dit que le vote stratégique ne représentait que 3 % des votes. Lorsque ce système sera en place, pensez-vous que les gens vont cesser de voter de façon stratégique — si on suppose que 3 % est le bon chiffre —, parce qu'ils sauront que même s'ils votent avec leur coeur, leur vote pourra avoir une incidence?
    Tout d'abord, je ne sais pas si cette estimation de 3 % est exacte. Ensuite, je ne sais pas, parce qu'il faudrait demander aux électeurs de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse et d'autres pays qui ont cette possibilité.
    Pour répondre à votre question, le rapport fait une petite nuance. On propose une liste flexible, où on peut voter pour la liste du parti ou choisir une personne précise dans la liste.
    M. Montigny, vous avez beaucoup parlé de confiance. Vous avez dit que la confiance s'affaiblissait en Europe, mais je ne sais pas quelle est l'opinion des Canadiens envers les parlementaires. Est-ce qu'ils ont plus ou moins confiance en eux?
    La tendance est la même, malheureusement.
    C'est bien. Nous voulons avoir l'heure juste.
    À la fin, vous avez dit qu'il fallait réduire les distorsions et voir le système électoral comme un tout. Vous avez aussi parlé d'égalité entre les sexes, mais vous n'avez pas approfondi la question. Vous avez parlé de la rigidité des partis, puis vous avez abordé la question des sexes, mais vous n'avez pas finalisé vos pensées à cet égard. J'aimerais en savoir un peu plus.

[Français]

     Je vais vous fournir une donnée touchant le sondage auquel j'ai fait référence.
    En ce qui concerne les 3 % de votes stratégiques, permettez-moi de préciser qu'il n'y a pas de consensus dans la communauté sur l'importance d'un tel vote. En somme, je mets un bémol sur ces 3 %.
    On avait demandé aux participants au sondage s'ils étaient en faveur ou non de forcer les partis politiques à présenter autant d'hommes que de femmes lors des élections ou, autrement dit, d'avoir un mécanisme qui soit contraignant ou même pénalisant à cet égard pour les partis politiques. Au total, 59 % des répondants étaient en faveur d'une telle mesure, dont 17 % étaient très en faveur et 42 % étaient plutôt en faveur. Il n'y a donc pas beaucoup de gens qui sont très en faveur de cette mesure, mais il y a un préjugé favorable pour des mesures législatives qui obligeraient les partis à viser la parité.
    Madame Sahota, il vous reste 15 ou 20 secondes.

[Traduction]

    Je sais que vous demandez de nombreux changements, et celui-ci en fait partie. Qu'arriverait-il si on changeait tout simplement de système de vote? Quelle serait l'incidence d'un nouveau système sur la question de l'égalité entre les sexes?

[Français]

    Dans le système actuel, c'est clair que les chefs de certains partis ont moins de pouvoir au niveau des nominations en raison des conventions dans les circonscriptions. S'il y a l'intégration d'une proportionnalité ou d'une liste, les chefs de parti auront alors les coudées franches pour choisir des candidatures qui sauront contrebalancer un déséquilibre dans l'ensemble des candidatures.
    Merci.
    Monsieur Rayes, vous avez la parole.
    Je remercie les deux témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Colas, vous avez fait référence aux personnes qui ont été entendues à Winnipeg, à Regina et à Toronto. Hier, à Toronto, il y avait beaucoup de personnes qui ont dit grosso modo ce que vous avez déjà entendu. Je sais qu'il y a des gens qui nous écoutent en direct et j'aurai sûrement des attaques sur Twitter après que j'aurai dit ce que j'ai à dire.
    On sort d'une campagne électorale qui a duré 78 jours. Je peux jurer sur la Bible qu'aucun citoyen ne m'a parlé de la réforme électorale. Selon un récent sondage, cet enjeu intéresserait 3 % des électeurs. Les intervenants ont certes un intérêt pour la réforme électorale, mais je doute qu'ils représentent aujourd'hui la majorité de la population.
    Je ne suis pas vraiment convaincu que les gens sont préoccupés par la représentation locale de leur député. Dans votre modèle, dont je n'ai pas encore eu l'occasion de prendre connaissance, vous parlez du rapport deux tiers un tiers. Est-ce que vous suggérez d'augmenter la taille des circonscriptions pour diminuer le nombre de députés sur la liste ou d'ajouter des députés pour maintenir la superficie des circonscriptions?
    Ma circonscription couvre 40 municipalités. Dans un contexte où je passe les deux tiers de l'année à Ottawa, et ce, sans compter les travaux aux comités et d'autres activités, j'ai peine à imaginer que je serai encore en mesure de bien servir mes électeurs si on élargit ma circonscription. Souvent, les citoyens me disent qu'ils aimeraient bien voter pour moi, mais qu'ils ne veulent pas voter pour mon chef ou pour mon parti, ce qui sous-entend aussi le programme du parti. À mon avis, les électeurs vont voter soit pour le chef, soit pour le candidat ou encore pour le programme et le parti. Je pense que les électeurs ont une vue d'ensemble au sujet de la liste des propositions.

  (1850)  

     Je vous remercie de votre question.
    Vos électeurs seront heureux de savoir que, quand ils voudront voter pour vous et non pour votre chef, ils pourront le faire parce qu'il y aurait deux votes à exprimer. S'ils aiment le chef du parti, tant mieux, mais s'ils ne l'aiment pas, ils pourront en trouver un autre ou voter pour personne. En ayant deux votes, ils pourront choisir l'un et l'autre. C'est le premier élément.
    L'autre élément pour rendre le projet acceptable est de ne pas augmenter les coûts. Si on n'augmente pas les coûts, on devra quand même accroître la superficie de la circonscription. Dans les grandes villes, ce n'est pas trop grave, mais dans les zones rurales, c'est plus compliqué. De plus, on établirait des listes. Il y aurait deux zones au Québec, trois zones en Ontario et une zone dans les autres provinces. On ferait des listes par province et on n'aurait pas besoin de faire une réforme constitutionnelle, ni un référendum.
    Étant donné qu'il n'y a pas assez de députés à l'Île-du-Prince-Édouard, on serait obligés d'ajouter un député en fonction de la liste. Au Québec, il y a la région de Montréal. C'est flexible et vous pourriez trouver d'autres solutions. Dans la région de Montréal, il y aurait des candidats supplémentaires sur la liste. Vous ne seriez pas le seul à parcourir votre circonscription pour inciter les gens à voter. Il y aurait vous qui le ferait, en plus des gens sur la liste. C'est la même chose pour les autres régions. Il y aurait des listes en fonction de la géographie. Le but est aussi de venir en aide aux électeurs qui veulent voter pour des députés qu'ils connaissent et qui représenteraient soit la circonscription ou figureraient sur une liste.
    D'accord.
    Quel est votre commentaire à ce sujet, monsieur Montigny?
    J'ai deux choses mentionner.
    D'abord, il est sûr qu'il y a un biais de sélection. Les citoyens qui vont voir un député ont un lien avec lui. Les gens qui viennent vous voir ont un lien avec vous comme député. C'est un lien qui est important. Cependant, dans nos mesures, nous avons également tenu compte de ceux pour qui ce n'est pas le cas. C'est le premier élément que je peux souligner.
    Il y a un autre élément à considérer. Vous avez soulevé un bon point au sujet de la superficie des circonscriptions fédérales. Nous avons fait une recherche sur le travail de député dans les circonscriptions. Notre hypothèse de départ était que les députés de l'Assemblée nationale du Québec passaient plus de temps que les députés fédéraux dans leur circonscription, compte tenu de la nature des compétences du gouvernement du Québec. Notre surprise a été de voir que les députés fédéraux au Québec passaient plus de temps dans leurs circonscriptions que les députés québécois, et ce, malgré l'éloignement du Parlement à Ottawa, .
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Boulerice.
    Merci beaucoup, maître Colas et professeur Montigny, d'être parmi nous aujourd'hui. Vos propos sont fort intéressants.
    Des gens disent souvent que, si l'on inclut une certaine forme de proportionnalité avec deux bulletins de vote, cela compliquera le système. Je mise sur l'intelligence des gens. Les trois quarts des pays de l'OCDE ont un système proportionnel et je ne vois pas pourquoi les Québécois ou les Canadiens seraient plus mêlés que les autres à cet égard.
    Je veux souligner le cas de l'Écosse, où il y a quatre paliers de gouvernement. Pour chacun de ces paliers, il y a un mode de scrutin différent. Les Écossais doivent être des génies, car ils sont en mesure de composer avec tout cela.
    En 2004, après deux ans d'études et de travaux, la Commission du droit du Canada a choisi le modèle de représentation proportionnelle mixte basé sur le modèle écossais. Pourquoi avez-vous choisi le modèle écossais plutôt que le modèle néo-zélandais ou irlandais? J'aimerais vous entendre à ce sujet. Pouvez-vous aussi nous expliquer la différence entre les listes fermées et les listes ouvertes?

  (1855)  

     On a fondamentalement un peu adapté cela au système actuel et à la réalité canadienne puisqu'il s'agit ici d'un grand territoire. C'est pourquoi on a choisi une proportion de 66-33.
    En Allemagne, c'est 50-50. En Écosse, c'est environ 57-43. Nous avons choisi une proportion qui est plus en lien avec notre grand territoire.
    En ce qui a trait aux listes ouvertes et fermées, les quatre commissaires provenaient de différentes régions du pays. Nous nous sommes demandés si nous tranchions ou non. Nous nous sommes dits que, pour le bien du rapport, il fallait trancher et indiquer que nous ne voulions pas de liste fermée, car cela pourrait susciter la méfiance des citoyens face aux partis politiques et faire croire que les mêmes personnes pourraient arranger la liste et ainsi de suite. Ils pouvaient soit voter pour une liste et faire confiance au parti, soit voter pour un des candidats qui figure sur une liste. Toutefois, pour que le candidat puisse changer de rang, il fallait qu'au moins 8 % des voix lui soient attribuées.
    Si on n'a pas choisi une liste complètement ouverte, c'est parce que des gens soulignaient le fait qu'ils étaient tous du même parti et qu'ils allaient se faire la guerre pour changer de rang sur la liste. On a donc arrêté le débat et on a présenté ce système. Il y en a un exemple dans le rapport. Sur leur bulletin de vote, vous votez soit pour la liste telle quelle, soit pour changer la liste.
    Si on adoptait un système combinant des députés locaux — comme il y en a actuellement — et des députés qui appartiennent à une liste, j'aime beaucoup l'idée qu'il s'agisse entre autres de listes provinciales ou sous-régionales pour le Québec et l'Ontario.
    Que pensez-vous des deux catégories de députés, soit ceux qui sont élus localement et ceux qui sont élus en vertu d'une liste? Parfois, on a l'impression que les députés appartenant à une liste vivent dans l'éther et flottent un peu au-dessus des électeurs. En fait, on constate qu'ils ont des bureaux dans une ville ou un village et qu'ils rencontrent aussi des gens.
    Je sais aussi que la perception de ces députés change aussi selon les pays et les expériences. En Allemagne, un député est un député. Par contre, dans d'autres endroits, c'est un peu plus nuancé que cela.
    Maître Colas et monsieur Montigny, qu'avez-vous entendu à ce sujet?
    On a entendu que ces critiques n'étaient pas fondées et que cela dépendait de la nature de la personne.
     Je m'arrête ici pour laisser du temps à mon collègue de prendre la parole.
    C'est paradoxal, car la distinction se fait surtout entre les députés plutôt que par rapport aux citoyens. Les députés qui ont un ancrage dans une circonscription vont avoir le sentiment de représenter davantage des gens et une région que les députés qui appartiennent à une liste.
    On observe aussi que les gens dont les noms apparaissent sur la liste sont aussi souvent près de la direction du parti politique en question. Quand on pense à l'ordre des noms qui figurent sur la liste, il y a le phénomène d'être plus près de la direction du parti.
    Merci.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Montigny et Colas, je vous souhaite la bienvenue. Vos présentations étaient très instructives. J'étais très heureux de vous entendre.
     Avant de poser mes questions, j'aimerais faire une critique constructive au Comité. Hier, à Toronto, nous nous sommes félicités d'avoir un groupe de témoins composé de trois femmes. C'était la première fois qu'il n'y avait que des femmes. Cependant, aujourd'hui, il n'y avait que des intervenants masculins. Parmi les quelques observateurs ici présents, il n'y a pas de femmes. Ce sera à améliorer pour les prochaines fois. On parle de la représentation féminine.
    Ma première question technique s'adresse à vous, monsieur Montigny.
    J'ai été surpris par une des statistiques tirées du sondage effectué au Québec par CROP, en 2015. Selon ce que vous avez dit, 70 % de la population étaient en faveur d'une forme de scrutin proportionnel.
    Je partirais d'un élément qui a été soulevé par mon collègue, Alain Rayes. D'ailleurs, Mme Romanado et moi en parlions plus tôt. Nous disions que, quand on parle du mode de scrutin dans nos circonscriptions, les gens ne savent pas ce que veulent dire les termes « mode de scrutin uninominal à un tour » ou « mode de scrutin  proportionnel » et ainsi de suite.
    Comment cette statistique a-t-elle donc été obtenue?

  (1900)  

     De toute façon, je vais vous remettre le questionnaire, ce qui vous permettra de voir la formulation de la question.
    D'abord, nous sommes conscients qu'il y a un problème de vulgarisation. Pour arriver à ce résultat, nous avons posé deux fois la même question de façon différente, tout en expliquant la signification de ce qu'est le mode de scrutin proportionnel. Dans les deux cas, le résultat a été le même. Sur le plan méthodologique, nous étions conscients de la difficulté de compréhension à cet égard.
    De plus, je dirais qu'il ne faut pas confondre l'appui à une mesure avec le caractère saillant d'un enjeu. Ce n'est pas parce que les gens sont d'accord sur une mesure qu'ils vont voter pour un autre parti politique ou qu'ils en parleront le matin, le midi et le soir.
    Ce sont les deux éléments que je voulais soulever.
    Merci. C'est très intéressant.
    Monsieur Colas, dans votre livre, vous proposez un mode de scrutin proportionnel. Vous nous en avez expliqué les grandes lignes. Les détails sont dans ce livre qui a été écrit après plusieurs années de travaux.
    Ma question à cet égard est délicate.
    J'ai l'impression que l'exercice est fait de bonne foi. On veut améliorer la démocratie tout en respectant les valeurs qu'on a et ainsi de suite. On pourrait avoir un tel système. En même temps, adopter ce système enlèverait du pouvoir au gouvernement actuel, qui a été élu avec le mode de scrutin que l'on connaît.
    Qu'est-ce qui ferait en sorte qu'il accepterait de diminuer son propre pouvoir ou de perdre sa majorité pour améliorer la démocratie? Comment faire pour l'en convaincre? Ma vision de la politique est-elle trop cynique?
    C'est une excellente question.
    D'une part, toute réforme électorale qui reflète ce qu'exprime la population va amener des gouvernements minoritaires — du moins, il y a de bonnes chances que ce soit le cas —, sauf si plus de 50 % de la population vote pour le même parti.
    D'autre part, les règles du jeu vont un peu changer. On se demande si, enfin, la culture politique va aussi changer et si les gens élus seront capables de travailler ensemble. Au fond, ce que veut la population, c'est que les gens élus agissent de façon plus patiente et plus consensuelle afin d'en arriver à des solutions. Souvent, vous adoptez des projets de loi qui sont unanimes, mais d'autres fois, c'est moins facile. Cela assure une certaine stabilité et fait en sorte que le parti qui arrive au pouvoir ne défait pas tout ce que le précédent gouvernement a fait. Ce qui est arrivé à la Commission du droit du Canada en est un parfait exemple .
    Il doit aussi y avoir une volonté de faire de la politique différemment et d'atteindre des consensus en vue de trouver des solutions. À long terme, le pays en sort gagnant.
    Merci beaucoup.
    Je vais profiter du temps qu'il me reste pour vous poser une dernière question, monsieur Montigny.
    Vous avez parlé de légitimité. Sur le plan légal, le gouvernement majoritaire peut, sans référendum et sans l'appui d'aucun parti, changer le mode de scrutin. Selon vous, quel serait le minimum acceptable quant à la légitimité?
    Je ne fixerais pas un pourcentage pour ce qui est de l'appui à cet égard.
    Il faut mesurer deux choses: l'intention et la volonté d'un gouvernement, aussi majoritaire soit-il, d'inclure l'opposition dans le processus et dans la décision, et un large consensus pour aller de l'avant et pour que ce soit légitime.
     Merci.
    Merci.
    Madame May, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui comparaissent devant nous ce soir. C'est vraiment un honneur de parler avec vous de vos expériences et de vos recherches, particulièrement en ce qui concerne votre rapport, maître Colas. En effet, le rapport de la Commission du droit du Canada de 2004 est fondamental pour quelqu'un comme moi qui recherche un système de scrutin proportionnel. Ce n'est peut-être pas exactement le même système, mais la recherche et le rapport de 2004 sont riches en informations à cet égard.
    Monsieur Montigny, si j'ai bien compris votre témoignage, vous avez participé à un colloque ici, à Québec. Combien de personnes y assistaient? Qui était là? Étaient-ce des universitaires et des professeurs?

  (1905)  

     Au total, 150 personnes ont participé au colloque. Il y avait des universitaires, des praticiens, des représentants d'institutions et des fonctionnaires. Le colloque s'est déroulé sur deux jours. Tous les partis, incluant le vôtre, y ont été invités. Malheureusement, aucun représentant de votre formation politique n'a assisté au colloque. Outre la question du vote proportionnel, le colloque a traité de l'ensemble des enjeux associés à la confiance envers nos institutions démocratiques.
    Vous avez dit qu'un sondage sur le mode de scrutin a révélé que 70 % des répondants du Québec sont en faveur d'un système de vote proportionnel. Qui a réalisé ce sondage? Est-ce que ce sondage est disponible?
    Oui. Je vais remettre le document au président. Le sondage a été effectué par la firme Crop, une firme de sondage du Québec..
    Est-ce que ce sont seulement des Québécois et des Québécoises qui ont participé à ce sondage?
    Le sondage a été effectué uniquement au Québec.
    Est-ce que ce sondage s'est intéressé, par exemple, au système qui est favorisé dans le système de vote proportionnel?
    Le sondage n'est pas allé aussi loin à cet égard. Ce qu'on voulait sonder, c'était l'intérêt des électeurs pour une forme de proportionnalité. On n'a pas testé le mode préférentiel. À ce sujet, je vous renvoie à une enquête menée elle aussi uniquement au Québec lors de l'élection de 2012. Cette enquête, intitulée Vote au pluriel, a été menée par Marc-André Bodet. Dans le cadre de cette enquête, il y a eu des simulations de l'électorat en temps réel pendant l'élection avec différents modes de scrutin. Les résultats obtenus ont été très, très différents.
    Par exemple en 2012, avec le vote préférentiel, c'est la Coalition Avenir Québec qui aurait constitué le gouvernement.
    C'est très intéressant.
    Vous avez mentionné que chaque mode de scrutin a ses forces et ses faiblesses. Il est important pour les membres du Comité de connaître les valeurs des électeurs et de savoir ce qu'ils considèrent comme étant le plus important.
    Je vais demander aux deux témoins de nous dire quelles sont à leur avis les valeurs les plus importantes d'une vraie démocratie au Canada?
    À la Commission du droit du Canada, nous avons réussi à présenter une proposition, mais nous n'avions ni l'argent, ni le mandat pour la faire valoir. Évidemment, si vous devez produire un rapport et formuler des recommandations, il faut être en mesure de défendre le point de vue qui est exprimé. L'idée la plus simple est de dire que quelque chose ne va pas, que le vote des électeurs ne semble pas vraiment compter et qu'il peut même être choquant lorsque qu'un parti obtient 20 % des votes et récolte 10 % des sièges alors qu'un autre obtient 40 % des votes et récolte 60 % des sièges. Il s'agit d'un premier élément fort.
    Le deuxième élément fort est de profiter de la réforme pour corriger des inégalités, c'est-à-dire pour faire élire au Parlement plus de femmes, plus de membres des minorités, plus de gens qui participent et qui se reconnaissent dans le système plutôt que de se contenter de manifester dans la rue, à l'extérieur du système.
    Le troisième et dernier élément est d'élire un gouvernement fort. C'est ce que les électeurs veulent. S'il y a une guerre contre un autre pays, ils veulent un gouvernement qui saura se lever et réagir. S'il faut construire des routes, le gouvernement devra être en mesure de le faire. Souvent, les gens craignent cet élément, parce qu'ils disent ceci : « J'aime quand c'est majoritaire, je m'assois, je laisse faire le gouvernement et je n'ai pas à me casser la tête ». C'est avec cette perception voulant qu'il vaut mieux un gouvernement majoritaire avec laquelle vous devrez composer.

  (1910)  

     Merci.
    Voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet, monsieur Montigny?
     Oui, très rapidement.
    Dans ma présentation, je n'ai pas beaucoup parlé de l'importance de la représentation. Dans ses différents jugements, la Cour suprême accorde une importance au principe de la représentation, notamment sur l'équité quant à la superficie des circonscriptions.
    L'autre élément concerne l'efficacité. Dans vos questions ou vos critères de consultation, vous avez établi certains objectifs, dont l'efficacité. On peut voir l'efficacité de deux façons. Est-il efficace d'adopter une loi rapidement ou plutôt de l'adopter après une maturité législative issue de compromis et de discussions entre les différents partis? La question se pose à cet égard.
    Merci.
    Monsieur Aldag, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci.
    Je vais commencer par vous, monsieur Colas. Si c'est possible, j'aimerais que vous nous parliez des sources de financement et du coût des travaux de la Commission du droit.
    Nous avons vu son travail. On y a beaucoup fait référence. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'on aurait pu en faire plus, mais qu'on a décidé de mettre fin aux travaux.
    Je me demande qui a pris cette décision. D'où provenaient les fonds? Combien d'argent avait-on dépensé? Combien d'argent faudrait-il pour maintenir les travaux? Est-ce qu'il s'agit d'une attribution annuelle? Pourriez-vous nous dire de quel type de financement il s'agit et quelle en est la source?
    Je vais répondre à votre question en deux volets.
    D'abord, nous avions un budget annuel de 3 millions de dollars.
    Qui octroyait ce budget?
    Le gouvernement du Canada.
    Par l'entremise d'Élections Canada?
    Non. La Commission du droit a été créée par une loi du Parlement. Les députés du gouvernement libéral de l'époque ont voté pour sa création avant 2000.
    Le gouvernement suivant a créé une sorte de commission. On a tenu une sorte de consultation, puis le gouvernement a dit qu'il fallait se débarrasser de la Commission du droit pour toutes sortes de raisons. C'est alors que le Conseil du Trésor a décidé d'amputer son budget. C'est pourquoi nos activités ont brusquement pris fin, sans un vote des députés.
    Ensuite, nous sommes indépendants. Nous préparons des rapports et les remettons au ministre de la Justice, qui nous répond et utilise notre travail.
    C'est très intéressant. Je ne savais pas cela.
    Croyez-vous qu'une telle commission permanente a sa place...? Si le financement était au rendez-vous, il me semble que ce serait une valeur ajoutée d'avoir ce genre de...
    C'est une tradition de la common law. Le Royaume-Uni, l'Alberta, l'Ontario, la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont tous cette tradition. Ils ont une commission du droit ou une commission de réforme du droit.
    Quelqu'un a soulevé la question de la légitimité plus tôt. Croyez-vous que ce genre de processus permettrait d'accroître la légitimité de la discussion continue sur la réforme électorale, de sorte qu'on ne s'y attarde pas seulement de façon ponctuelle et qu'on surveille le monde au fil de son évolution? Est-ce que cela rendrait notre objectif plus légitime?
    Après avoir produit notre rapport, nous avons étudié d'autres questions comme la mondialisation et la réforme du droit. Ce sont des sujets très importants, mais notre budget a été amputé.
    D'accord.
    Mon collègue vous a parlé de légitimité, monsieur. Je voulais simplement savoir si vous aviez d'autres commentaires à faire sur notre processus et ce que vous aimeriez voir ou ajouter. J'ai l'impression que vous vouliez ajouter quelque chose.

  (1915)  

    J'étais à Bruxelles pour une conférence la semaine dernière et nous avons parlé de votre processus.
    En bien ou en mal? Est-ce qu'on pourrait l'améliorer?
    C'était positif. En fait, c'est nouveau de voir le comité se déplacer partout au pays tandis que les députés rencontrent les électeurs de leur circonscription.
    Nous verrons ce que cela donnera. C'est là la grande question.
    C'est peut-être l'heure ou mon état mental, mais je ne me souviens pas... L'idée d'un référendum est soulevée de temps à autre dans nos discussions. Avez-vous des commentaires à faire sur le référendum et la légitimité du processus?
    Le référendum n'est pas obligatoire. C'est une question de politique. Il en revient aux députés de décider s'ils veulent ou non tenir un référendum. Cela fait partie du débat politique. Je ne crois pas que la tenue de référendums par certaines provinces à ce sujet oblige le Parlement à faire de même.
    Je suis du même avis que M. Montigny et c'est ce que je fais valoir dans le rapport. Le référendum n'est pas nécessaire.
    De toute façon, ce serait suicidaire. Si vous voulez que le projet échoue, vous n'avez qu'à tenir un référendum.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Colas et Montigny, je vous souhaite la bienvenue.
    Je ne vous raconterai pas d'histoires, puisque je connais personnellement M. Montigny depuis des années. Il a été un proche conseiller d'un parti politique pour lequel j'ai déjà oeuvré. Éric, soyez le bienvenu. Monsieur Colas, je vous souhaite également la bienvenue.
    J'ai des questions pour chacun d'entre vous.
    Monsieur Colas, vous avez mentionné tout à l'heure la proportion de 66 % des députés actuels et de 33 % en vertu d'une liste. En réponse aux questions de mes collègues, vous avez brièvement abordé le fait que ce sont deux types de députés, des députés à deux vitesses, si vous me permettez l'expression.
    À votre avis, comment cela peut-il fonctionner concrètement?
    De façon concrète, le premier élément est que très peu d'électeurs connaissent le député de leur circonscription ou lui parlent. Une personne qui a un problème en rapport avec la santé aura tendance à s'adresser directement au ministre de la Santé plutôt qu'à son député.
    Le deuxième élément est que le citoyen aurait dans sa circonscription deux personnes à qui s'adresser. Il pourrait s'adresser au député de sa circonscription et à son député qui figure sur la liste ou aux gens de la liste. Il aurait ainsi un plus grand choix de personnes à qui s'adresser.
    Je vous remercie, monsieur Colas.
    J'apprécie votre témoignage. Toutefois, en tant que praticien, je m'inscris en faux à cet égard. Je fais de la politique depuis huit ans et j'ai travaillé au sein de deux paliers de gouvernement. J'ai été élu et réélu comme tous les autres membres du Comité. Je ne crois pas que le citoyen est porté à s'adresser en premier lieu au ministre de la Santé s'il a un problème dans ce domaine. Il va plutôt voir son député. Je respecte tout de même votre point de vue même si ce n'est pas ce que j'ai vécu en huit  ans de vie politique active.
    Par contre, je reconnais une chose. En politique, on appelle ça les TLM — toujours les mêmes. Dans les organismes caritatifs, on voit toujours les mêmes personnes tout comme dans nos bureaux de comté, où c'est pas mal toujours les mêmes citoyens que l'on reçoit. Je représente 90 000 personnes au niveau fédéral, et c'est beau si j'ai rencontré 1 000 personnes. C'est ça, la réalité.
    Je dois vous dire, M. Colas, que même si je ne partage pas votre point vue, j'apprécie grandement que vous l'ayez documenté et présenté au Comité.
    Monsieur Montigny, j'aimerais voir l'étude qui conclut que, en 2012, avec un autre mode de scrutin, la Coalition Avenir Québec aurait été portée au pouvoir. C'est nouveau pour moi. C'est inédit. Je confesse mon préjugé favorable et surtout mon conflit d'intérêts dans ce dossier.
    Je vous la ferai parvenir avec plaisir.
    Cette étude m'intéresse au plus haut point.
    Concernant la question à savoir si on doit ou non tenir un référendum, vous avez dit que cette question ne représentait pas selon vous un enjeu juridique, mais plutôt un enjeu politique. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous. En effet, d'un point de vue constitutionnel, nous ne sommes pas obligés de tenir un référendum. Toutefois, nous estimons tout comme vous qu'il s'agit d'un enjeu politique. Comme vous l'avez dit en anglais tout à l'heure « It's up to the MP's to decide ». C'est aux députés de décider. C'est aux députés de décider si, oui ou non, il y aura un référendum.
    Fondamentalement, nous, les membres du Comité, estimons qu'en tant que députés, nous sommes en conflit d'intérêts lorsque nous traitons de cette question. Nous avons tous évidemment la lorgnette un peu partisane et c'est normal puisqu'on vit dans cet environnement. Les députés pensent aussi que, à la lumière des précédents canadiens, c'est à la population que revient le dernier mot. La Nouvelle-Zélande, un pays qui a la même tradition britannique que la nôtre, a tenu trois référendums en 11 ans avant d'arriver à un changement.
    Sans citer la Bible cette fois, je fais miens les propos suivants: « Les précédents rendent un référendum incontournable au Canada. Pour changer de mode de scrutin, il faut obtenir l'appui du peuple ». Qui a dit ça? Je vous le donne en mille. Il s'agit de l'honorable Stéphane Dion, ministre d'Affaires mondiales Canada, épine dorsale intellectuelle de l'actuel gouvernement et ministre chevronné.
    Monsieur Montigny, partagez-vous le point de vue de celui qui, je crois, a été un de vos professeurs à l'université?

  (1920)  

     Je pense qu'il n'y a pas de convention constitutionnelle qui existe pour la tenue d'un référendum. Par ailleurs, il faut rechercher le plus grand consensus possible. Ce que je comprends, c'est que votre comité tente de parvenir à ce consensus. C'est ce qu'on jugera à la fin de l'exercice. C'est le premier élément à considérer.
    Pour ce qui est du deuxième élément, sur le plan de légitimité et dans une démocratie représentative, les partis politiques qui se présentent devant l'électorat ont des éléments de proposition en lien avec des réformes démocratiques dans leurs programmes politiques. Donc, dans un système de démocratie représentative, si on fait la somme des partis politiques qui ont été élus avec une promesse de modifier le mode de scrutin, cela accorde aussi une légitimité au processus.
    Nous sommes tous conscients également que, dans son programme électoral, l'actuel gouvernement avait pris l'engagement de faire une réforme électorale. Cela représentait 3 phrases sur 97 pages. On ne peut pas dire que c'était l'élément prédominant des discussions.
    Je vous laisse juger de cet aspect.
    Monsieur Montigny, vous avez dit qu'il n'y a pas de mode de scrutin parfait. Pourquoi changer un mode de scrutin imparfait par un autre mode de scrutin imparfait, s'il n'y en a pas de parfait?
    Veuillez fournir une réponse brève, s'il vous plaît.
    C'est une bonne question. Je pourrais donner un cours de trois heures à ce sujet.
    Monsieur Colas, vous avez la parole.
    Monsieur Deltell, je ne comprends pas pourquoi vous dîtes que vous vous inscrivez en faux à ce sujet. C'est comme si vous bloquiez la communication et que, dans le fond, nous ne sommes pas si près que cela sur l'élément relatif à la proposition et sur le fait que le député est en contact avec la population par rapport au système.
    Ce que j'explique, c'est que la circonscription serait plus grande. On prenait en compte justement le fait que le citoyen pouvait parler et s'adresser à son député. Donc, au lieu d'avoir 1 000 personnes qui s'adresseraient à vous, il y en aurait peut-être 1 100 étant donné que les circonscriptions seraient plus grandes, à moins qu'on augmente le nombre de circonscriptions.
    En somme, vous ne pouvez pas dire que vous vous inscrivez en faux. Vous êtes peut-être en faveur de quelque chose de plus nuancé.
    Je trouvais triste que vous bloquiez la communication en disant vous inscrire en faux quand, fondamentalement, vous dites qu'on pourrait apporter plus de nuances.
    Je vous remercie.
    Je voudrais ajouter juste une petite chose. Je présume du succès de votre réunion.
    Merci.
    Madame Romanado, vous avez maintenant la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue au professeur Montigny et à Me Colas.
    Je n'ai pas lu tout le document. Il contient 232 pages et nous étions quelque peu occupés cette semaine. Toutefois, il est certain que je vais le lire. Moi-même, j'ai fait une grille d'évaluation des modes de scrutin et j'ai trouvé que vous avez fait la même chose au tableau 12. Je vais donc faire une comparaison à cet égard.
    Je veux savoir si j'ai bien compris la recommandation. Prenons le Québec comme exemple. Il y a présentement 78 sièges. Si on suit le modèle, cela veut dire que 66 % des sièges seraient pour des députés représentant une circonscription et 33 % pour des députés choisis sur une liste. Est-ce bien cela? Donc, ce serait environ 62 personnes représentant une circonscription et 16 issus de la liste. Est-ce exact?
    Les 16 députés qui sont sur la liste seraient pour le Québec au complet. Est-ce bien cela?
    C'est une excellente question et cela rejoint ceux qui sont préoccupés par le contact avec leur député. C'est une grande province. Nous avons donc divisé le Québec en deux, mais vous pouvez trouver d'autres solutions. Selon la solution que nous avons proposée, il y a une liste pour la région de Montréal. Donc, sur un total de 16 députés, huit seraient élus à partir d'une liste pour Montréal et huit le seraient à partir d'une liste pour le reste du Québec. Il est vraiment important de le faire province par province. Cependant, pour le Québec, étant donné que c'est un grand territoire et qu'il y a une population nombreuse, nous avons établi deux zones.

  (1925)  

    Cela rejoint ma prochaine question. J'imagine que les huit personnes de Montréal vont y habiter. Leur domicile sera situé quelque part à Montréal.
    Comme il n'y a pas beaucoup de gens qui habitent dans le Nord, j'imagine que les huit autres seront peut-être à Québec, à Sherbrooke ou à Joliette. On ne le sait pas. Les citoyens qui habitent dans des régions éloignées ou du Nord auront peut-être un seul député alors que ceux des grandes villes auront deux, trois ou seize députés.
    Je veux juste comprendre précisément ce que vous dites. Est-ce que ce sera équitable pour les citoyens du Nord d'avoir un seul député si les autres en ont davantage?
     Nous n'avons pas dit qu'il fallait qu'il y ait des obligations. En fait, cette réforme pourrait être utile pour inciter les partis à s'assurer que les listes justement couvrent des gens de minorités, de zones éloignées ou de centres-villes. Nous avons même dit qu'une personne pouvait être à la fois dans une circonscription et sur la liste. Le parti peut dire « votez pour nous, nous avons un candidat vedette en huitième place » et ainsi faire élire les sept candidats qui précèdent. L'établissement de la liste peut se faire de façon stratégique.
    D'accord, je n'étais pas certaine. Personnellement, je crains pour les régions éloignées. C'est déjà difficile pour un député de se déplacer dans une très grande circonscription, alors, imaginons s'il y a juste un député. À Montréal il y a 16 députés, la population est plus dense, mais il y a d'autres facteurs.
    Pourriez-vous me dire comment cela sera utile pour le Québec?
    C'est le parti qui détermine qui va faire partie de la liste et ce sont les électeurs qui déterminent s'ils vont voter ou pas pour le parti.
    D'accord, je vous remercie.
    Madame Sansoucy, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, votre contribution est très pertinente pour les travaux de notre comité. Nous vous en remercions.
    D'abord, Me Colas, si j'ai bien saisi, selon vous, le contexte actuel comme le contexte qui prévalait lors de la rédaction de votre rapport fait en sorte qu'il est tout à fait nécessaire de procéder à une réforme du mode de scrutin. J'ai compris aussi que, selon vous, les conclusions de 2004 sont encore tout à fait pertinentes en 2016. Également, nous avons parlé beaucoup de votre proposition concernant le mode de scrutin proportionnel.
    Pour le bénéfice de notre comité, qui n'a pas deux ans pour effectuer ses travaux, pourriez-vous nous dire de quelle façon vous en êtes venu à la conclusion qu'il fallait un mode de scrutin proportionnel?
    En fait, et c'est vraiment important, il s'agit d'un mode de scrutin mixte, c'est-à-dire selon le « 66-33 »; l'électeur a deux bulletins de vote.
    Nous sommes arrivés à cette conclusion après avoir consulté les gens, à la fois des citoyens et des experts, donc des universitaires, des politiciens et d'autres. Ce système nous est apparu comme étant le plus simple et correspondant le mieux aux valeurs que nous avions ciblées. Nous établi 11 valeurs ou quelque chose comme cela sur lesquelles fonder notre réforme.
    C'est donc à l'issue de consultations et après avoir comparé les différents systèmes électoraux que nous sommes arrivés à cette proposition, qui correspondait le mieux aux valeurs que nous avions déterminées.

  (1930)  

    Je vous remercie.
    Professeur Montigny, tout à l'heure, Me Colas nous disait que, s'ils avaient eu de l'argent à la fin de leur processus et à la publication de leur rapport, ils auraient pu prendre leur bâton de pellerin et partir à la rencontre de la population.
    J'aimerais vous entendre sur la perspective de votre chaire de recherche, ainsi sur le sondage. Je suis certaine que l'analyse que vous avez pu en faire vous a vraiment donné le pouls de la perception quant à une réforme du mode de scrutin.
    Selon vous, une fois que la décision sera prise, en préparation d'une prochaine élection, que faudra-t-il faire pour éduquer la population? Dans notre démocratie, on veut que la population puisse voter en toute connaissance de cause. Quels seraient les moyens pour faire comprendre à la population les implications d'une réforme du mode de scrutin?
     Il y a deux éléments de réponses.
    Le premier élément, et votre collègue y a d'ailleurs fait référence, est ce qui se passe en Écosse. La population s'adapte aux règles qui sont établies.
    Concernant le deuxième élément, il est clair que, dans le cas du Canada, cela suppose un changement de culture politique important. Une des conséquences de l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel est notamment l'arrivée plus fréquente de gouvernements minoritaires. La population a l'habitude de ce type de gouvernement.
    Une chose serait différente, dans le cas du Canada, c'est-à-dire l'arrivée de coalitions gouvernementales. Il n'y a pas de tradition à cet égard ici. Il y a parfois eu des tentatives de coalition qui pouvaient être surprenantes, mais il n'y a pas eu de véritable coalition. Cela pourrait donc être un changement de culture politique important.
    Un autre élément important est ce que feront les médias. Ceux qui couvrent la vie politique doivent aussi s'adapter à un changement de régime politique. Cela bouscule notamment la façon dont ils couvrent les députés. Si on a un mode de scrutin différent et si on assouplit la discipline partisane, cela impose aussi aux médias de changer leurs schèmes et leur conception du rôle d'un député.
    Des efforts doivent donc être déployés non seulement par la population, mais aussi par les témoins qui couvrent la vie politique, et cela suppose de l'information. Un des éléments qu'on a aussi mesurés est l'importance d'avoir des cours d'éducation à la citoyenneté, ce qu'on n'a pas véritablement au Québec, et là aussi, la population est largement en faveur de la présence de ce type de formation à l'école.
    Étant une maman de quatre enfants, je suis tout à fait d'accord avec vous. Présentement, l'intégration de ce cours dans le cours d'éthique est à la discrétion de chacun des professeurs.
    Avez-vous quelque chose à ajouter? Nous devrons ensuite laisser la parole à M. Maguire.
    J'aimerais apporter une petite précision.
    Premièrement, le travail de la Commission du droit du Canada n'était pas de se promener et de vendre une solution. Une fois que nous avons fait le rapport, nous avons arrêté de travailler sur la réforme électorale.
    Deuxièmement, la Commission a trouvé toutes sortes de façons ingénieuses de parler à la population. Nous avons déjà créé des pièces de théâtre, pas dans le domaine électoral, mais nous avons fait des vidéos et plein d'autres choses pour joindre les gens.
    Le Comité pourrait aussi réfléchir de façon créative pour voir comment le message pourrait être transmis non seulement par l'entremise des médias, mais également sous forme de pièces de théâtre, de vidéos, ou d'autres.
    Je vous remercie.
    Monsieur Maguire, je vous cède la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leur exposé.
    Monsieur Montigny, certains de vos propos m'ont beaucoup intéressé. J'ai pris quelques notes. Vous avez parlé des raisons pour garder le système uninominal majoritaire à un tour, notamment du lien avec les députés. C'est ce que nous continuerions de faire selon le nouveau système de toute façon.
    Mes collègues vous ont posé des questions au sujet des limites, de leur taille, du nombre de personnes dans chacune d'elles et du caractère ouvert ou fermé de la liste. Je trouve ces renseignements très importants pour le débat. De plus, je crois qu'il faut voir le système comme une partie du changement seulement.
    Bien sûr, j'ai aussi hâte de lire votre rapport, monsieur Colas. Il me semble très intéressant. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire. Vous pourriez expliquer plus en détail les listes dont vous avez parlé.
    Vous avez dit qu'il faudra juger l'arbre à ses fruits, en parlant des résultats du groupe, et nous avons besoin de commentaires sur ces sujets. Nous savons que le référendum n'est pas obligatoire sur le plan juridique, mais je crois que vous avez fait valoir que le consensus était nécessaire à des fins de légitimité.
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous pourriez chacun faire quelques commentaires.

  (1935)  

[Français]

     Consensus ne veut pas dire unanimité. C'est le premier élément que je veux souligner. Dans le cas d'un consensus, il doit y avoir deux composantes. Il faut d'abord qu'il y ait la recherche d'un consensus, qu'il y ait un processus, une démarche, qui cherche à rallier l'ensemble des parlementaires. C'est ce que je constate, je crois, à votre contact aujourd'hui. Il faudra voir les résultats de votre consultation et quelles mesures seront prises. Le deuxième élément est qu'il faut qu'il y ait une partie importante des membres du Parlement qui soutienne le projet de réforme. En effet, les citoyens sont toujours un peu méfiants de voir les élus jouer dans la mécanique électorale, et ils savent qu'il peut y avoir des intérêts partisans qui entrent en ligne de compte.
    Cela étant dit, ce que la documentation nous enseigne, c'est que les partis politiques et les gouvernements qui ont essayé de modifier le mode de scrutin en leur faveur, en pensant que cela allait les favoriser, se sont trompés. Les acteurs politiques, sur le plan institutionnel, s'adaptent. Il y a des reconfigurations qui se font et, lorsque des gens ont pensé effectuer une réforme qui pouvait les avantager, au final, cela ne s'est pas avéré exact.
    L'invitation que je lance aux membres du Comité est de réfléchir, d'abord et avant tout, aux propositions de réforme en fonction de l'amélioration de la démocratie et non pas en fonction de l'intérêt partisan. De toute façon, l'histoire nous enseigne que les partis politiques qui ont tenté une réforme électorale en s'appuyant sur un résultat passé n'ont pas nécessairement été récompensés au fil d'arrivée, parce que l'électeur et la vie politique évoluent.
    Est-ce que cela répond à votre question?

[Traduction]

    Monsieur Colas, avez-vous un commentaire?
    Si le comité fait une proposition similaire à celle de la Commission du droit, qu'elle a élaborée de façon indépendante — notre groupe ne comptait aucun politicien actuel ou passé —, on dira que vous vous souciez plus du système que de la perspective électorale à court terme. Vous mettriez en place un système qui favoriserait une plus grande diversité et une meilleure prise en compte des opinions de chacun, dans le but d'établir une bonne politique pour le Canada.
    Je ne vois pas comment les gens pourraient penser que vous êtes en situation de conflit d'intérêts. Je crois qu'ils penseraient plutôt le contraire, puisque vous avez été élus selon un système et que si vous le changez, vous prenez un risque, pour le bien du Canada. Je ne crois pas que la population dira que vous êtes en train de trafiquer le système, mais plutôt que vous faites ce changement pour améliorer le Canada.
    J'aimerais poser une question, rapidement, à titre de suivi. Nous avons entendu les directeurs généraux des élections. Ils ont parlé du temps qu'il faudrait pour apporter les changements. Certains ont dit qu'il fallait le faire avant les prochaines élections, comme le veut le premier ministre; d'autres ont dit qu'il fallait y aller graduellement, pour bien faire les choses.
    Vos commentaires sur la mesure de l'intention et de la volonté m'ont interpellé. Quelle serait la meilleure façon d'en parler avec la population? Nous entendons beaucoup de commentaires, mais lorsque le rapport et ses recommandations seront publiés, comment pourrons-nous éduquer les gens? De nombreuses personnes ont fait valoir le besoin d'intégrer un processus d'éducation aux changements afin de veiller à ce que la population comprenne le système. Certains disent qu'il est très simple, qu'on peut l'expliquer et passer à autre chose, mais d'après mon expérience, ce n'est pas si simple pour tout le monde.

  (1940)  

    D'instinct, l'être humain cherche l'équité. Les jeunes enfants disent souvent que les choses sont injustes. La première question qu'il faut poser aux Canadiens est la suivante: Est-ce qu'il est juste qu'une personne soit élue avec 30 ou 40 % des votes ou est-ce qu'il est juste de récolter 20 % des votes et de ne remporter que 10 % des sièges? Ils vous répondront « non ». Si vous proposez ensuite de corriger le système et d'en améliorer l'équité, ce sera un bon départ.
    Très rapidement, monsieur Maguire.
    C'est très bien, mais... Cette prémisse fonctionne bien si on pose la question dans un système à deux partis. Le Canada est très ouvert et nous avons plusieurs partis; il est donc possible, selon le système actuel, de gagner sans avoir 50 % des votes.
    Je vais m'arrêter là-dessus.
    À l'heure actuelle, vous pouvez être élu si toute votre population se trouve dans une même région; alors vous dites aux groupes minoritaires de ne pas s'éparpiller, mais de s'installer à Saint-Léonard, à Outremont, ou peu importe. Ils auront alors une incidence sur la politique.
    C'est un excellent système si on veut créer des ghettos. Sinon, on peut dire aux gens que leur lieu de résidence n'a pas d'importance parce qu'ils auront l'occasion d'élire la personne de leur choix.

[Français]

     D'accord.
    Nous passons à M. DeCourcey.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je sais que vous allez m'accorder le même temps de parole que celui que vous avez accordé à mes collègues ce soir. J'ai une longue question et je veux que les témoins aient la possibilité d'y répondre.
    Messieurs, nous savons bien que vous ne favorisez pas la tenue d' un référendum. Nous avons reçu bon nombre de témoignages semblables aux vôtres, mais nous en avons aussi reçu beaucoup d'autres selon lesquels un référendum serait essentiel. Il y a aussi des opinions se situant dans la zone grise entre les deux positions.
    Presque chaque témoin qui s'est présenté nous a dit qu'un consensus donnerait légitimité à ce processus, légitimité que nous ne pourrions pas obtenir autrement. Je sais que nous avons encore du chemin à faire. Je crois cependant que la seule façon, peut-être, d'arriver à un consensus, au sujet d'un nouveau système qui serait recommandé au gouvernement, serait de proposer un référendum aux citoyens. C'est simplement la pratique habituelle. Il ne faut pas oublier qu'il y a des points de vue partisans différents.
    Si la seule façon d'arriver à un consensus est de soumettre la question aux citoyens par référendum, que devrions-nous faire? Et comment devrions-nous recommander cela au gouvernement?
    Votre question est très bonne.
    Comme je vous l'ai expliqué, si on veut détruire le projet d'un nouveau système, on a simplement à dire qu'on va tenir un référendum et puis travailler à contrer l'idée du projet, créer la peur et dire que cela débouchera sur un système différent, que cela sera le chaos, qu'on aura des gouvernements minoritaires et des élections chaque année. On peut très facilement apeurer la population en lui présentant une situation qui ne devrait pas se produire.
    Alors, si les différents partis élaborent un consensus pour présenter ensuite une proposition en vue d'améliorer le fonctionnement du pays, et influencent la population dans cette direction, on peut avoir un référendum. Par ailleurs, si un groupe fait, du bout des lèvres, la proposition de tenir absolument un référendum et que, le lendemain de la publication du rapport du Comité, les partis se divisent et s'entre-tuent c'est de l'argent gaspillé.
    Si l'une des recommandations est d'allouer des fonds à un groupe mais pas à l'autre, est-ce vraiment valable?
    Je ne le sais pas.
    Nous avons réglé le problème en nous opposant à l'idée d'un référendum.
    Des voix: Ah, ah!

  (1945)  

    Oui, je comprends. C'est l'enjeu sur lequel ce comité doit se pencher.
    Votre question me paraît intéressante, parce qu'elle reflète, je suppose, les négociations que vous aurez à faire entre vous pour atteindre un consensus.
    Cela étant dit, un défi que vous avez également est de vous entendre au sujet d'un mode de scrutin particulier. Selon les expériences de référendums tenus ailleurs, la difficulté est de s'entendre sur un type de mode de scrutin réformé, à savoir si on optera pour la mixité, le type proportionnel ou préférentiel.
    Je ne veux pas m'immiscer dans vos négociations et vos travaux de comité, mais il me semble que vous devriez vous entendre entre vous, d'abord, sur le mode de scrutin que vous souhaiteriez soumettre à la population.
     Merci.
    J'ai une dernière question.
     Hier soir à Toronto, un citoyen — et non un témoin invité — a dit qu'il se sentait traumatisé, anéanti, déchiré par la nécessité de voter stratégiquement. Évidemment, cela m'a marqué, d'une certaine façon.
    En matière de vote stratégique, j'ai observé qu'il n'était pas difficile pour l'électeur de voter pour le candidat local lorsqu'il n'aimait pas le parti de ce candidat. À certaines occasions, des gens m'ont effectivement dit voter pour moi et non pour mon parti. Cela ne semblait pas très déchirant. Là où cela le devient, à mon avis, c'est au niveau des partis, par exemple lorsque l'électeur veut vraiment voter pour un parti, mais sent le besoin de voter pour un autre parti pour en bloquer un troisième. C'est dans ce cas que cela devient très difficile, notamment sur le plan émotif.
     Pensez-vous que l'adoption d'un système proportionnel va éliminer la nécessité de voter stratégiquement?
     Autrement dit, même dans le cadre d'un système proportionnel, va-t-il encore y avoir des circonstances où l'électeur va décider de voter pour un candidat pour éviter qu'un autre candidat soit élu?
     Lorsqu'on parle de sciences politiques, il me semble qu'on parle d'analyse, et lorsqu'on commence à analyser les choses, on fait des calculs. C'est normal.
    Cela dit, va-t-on éliminer ce fléau qu'est le vote stratégique?
    Monsieur Montigny, vous avez la parole.
    D'abord, pour revenir un peu à ce que je disais, il n'y a pas de consensus sur le pourcentage, l'importance du vote stratégique, simplement parce que c'est très difficile à mesurer. C'est le premier aspect.
    C'est difficile?
    Oui, son importance est difficile à mesurer précisément. Cela étant dit, il existe réellement un vote stratégique, et toute modification du mode de scrutin qui permettra de représenter les préférences de l'électeur va atténuer le vote stratégique. C'est clair pour moi.
    Je pourrais vous remettre un document, une synthèse des forces et des faiblesses des modes de scrutin que je présente en classe. Une des plus grandes faiblesses du mode de scrutin actuel, c'est le fait qu'il engendre le vote stratégique.
    Je comprends cela, mais je veux savoir si, dans le cadre d'un système proportionnel, le désir de mettre un parti à la porte ne sera jamais présent. Autrement dit, le désir de changement va être atténué.
     Dans le cas d'une proportionnelle mixte, notamment, selon le niveau de proportionnalité qu'on inclut, on en vient à une dynamique de coalition, de négociation et de discussion. Dans un tel contexte, on peut voter pour un parti plus petit, qui sera amené au gouvernement, en échange de quoi certains éléments du programme du parti devront être appliqués. On change complètement la dynamique politique.

  (1950)  

    On va donc réduire le vote stratégique?
    Tout à fait.
    C'est parfait.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant faire une pause d'une minute avant de passer à l'étape du micro ouvert..

  (1950)  


  (1950)  

    Nous allons poursuivre la séance.
    Merci encore aux témoins. Merci, maître Colas. Merci, monsieur Montigny. C'est vraiment très intéressant.
     M. Serge Marcotte aimerait nous adresser la parole.
     D'autres personnes aimeraient-elles prendre la parole au micro?
    Monsieur Marcotte, la parole est à vous. Nous vous écoutons.
     Bonjour à tous.
    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de m'exprimer.
    Si votre comité voyage, c'est que vous pensez que le mode de scrutin est une chose importante. J'ai entendu toutes sortes de commentaires, un peu plus tôt. On a dit que les citoyens veulent ceci et veulent cela, on a parlé de grandes études universitaires. C'est merveilleux.
    Toutefois, si on avait dit, lors de la dernière élection, qu'on voulait changer le mode scrutin ou qu'on ne voulait pas le changer, peut-être que le citoyen aurait voté différemment.
    On sait que le Bloc québécois et le Parti conservateur souhaitent que le gouvernement tienne un référendum avant de changer le mode de scrutin. Je m'adresse aux députés de ce comité qui sont membres des autres partis. Un peu plus tôt, on a entendu des commentaires sur un référendum. On a dit que cela dépendait de ce qu'on fera, et qu'on pouvait l'amener à donner toutes sortes de résultats.
    Toutefois, c'est la même chose pour les élections. Certains font de la publicité et d'autres n'en font pas. Mesdames et messieurs les députés membres des autres partis, pourquoi refusez-vous de consulter la population sur un enjeu aussi important que la réforme du mode de scrutin par lequel, démocratiquement, nous élisons nos députés? Est-ce parce que vous ne faites pas confiance aux électeurs? C'est ma question.
    Je vais tenter d'y répondre.
    C'est une décision gouvernementale et nous ferons des recommandations au gouvernement. La décision ne nous revient pas. Cependant, il nous revient de faire des recommandations et nous ne sommes pas rendus à l'étape de la rédaction du rapport. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner, monsieur Marcotte.
    Y a-t-il d'autres intervenants?
    Oui, monsieur, pourriez-vous vous identifier?
    Mon nom est Maurice Berthelot.

  (1955)  

    Vous étiez présent cet après-midi.
    Je veux apporter une précision à l'intention de M. Deltell.
    La Nouvelle-Zélande a tenu son référendum après la mise en place du mode de scrutin. Les Néo-Zélandais ont décidé de ne pas retourner en arrière et de conserver le mode de scrutin actuel. En fait, je ne connais pas d'État qui est retourné au mode de scrutin actuellement en place au Canada.
    C'est un pensez-y bien.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    J'aimerais faire une précision d'ordre historique.
     En effet, cet enjeu a duré 11 ans en Nouvelle-Zélande. Trois élections générales ont porté, entre autres, sur ce sujet. Il y a eu deux référendums, un indicateur et un décideur. Une fois que le nouveau mode électoral a été appliqué, comme l'a dit si bien M. Berthelot, la décision a été entérinée par référendum. Cependant, je vous rappelle qu'il y a eu deux référendums avant que l'on puisse apporter un changement.
    Merci.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    J'aimerais dire quelques mots, rapidement.
    Monsieur Marcotte, pour clarifier la situation, le NPD ne demande pas ou n'exige pas un référendum, mais il ne l'écarte pas non plus.
    Le mémoire de M. Côté, qui a comparu cet après-midi, vient d'être publié sur le site Web du comité et sur l'application SharePoint. Le mémoire du professeur Derriennic est en cours de traduction.
    Je vous remercie de votre collaboration et de la bonne discussion que nous avons eue.
    Nous nous verrons demain, alors que nous irons à Joliette.
    La séance est levée.
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