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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 juillet 2016

[Enregistrement électronique]

  (1400)  

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à tous à la sixième séance du Comité spécial sur la réforme électorale.

[Français]

    Nous accueillons aujourd'hui trois experts en la matière. Tout d'abord, il y a le professeur R. Kenneth Carty, de l'Université de la Colombie-Britannique. Ensuite, il y a le professeur Brian Tanguay, de l'Université Wilfrid Laurier.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi Nelson Wiseman, directeur du Programme des études canadiennes et professeur au département de science politique à l'Université de Toronto.
     Je crois que nous arrivons à un stade très intéressant de ces auditions, nous avons entendu la ministre et nous avons entendu le directeur général des élections ainsi que son prédécesseur, mais désormais nous commençons à examiner, selon divers points de vue universitaires, les systèmes électoraux, en les comparant et en comparant les expériences de divers pays.
    Nous nous réjouissons de vous entendre tous aujourd'hui afin que vous puissiez nous communiquer les fruits de vos recherches sur ces questions importantes pour nous permettre d'avoir un certain recul pour nos auditions suivantes et lorsque nous voyagerons à travers le pays.

[Français]

    Sans plus tarder, je donne la parole à M. Carty.

[Traduction]

    Vous avez la parole pendant 10 minutes.
    Je remercie le président et les membres du Comité de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
    Bien que mon travail universitaire ait été en grande partie centré sur les questions que l'on vous a chargé d'étudier, je crois qu'il est également juste de dire que j'ai passé une bonne partie de ces 30 dernières années à examiner les applications concrètes de ces questions. J'ai été membre de la commission de délimitation des circonscriptions électorales et de la commission Fisher en Colombie-Britannique. J'ai fait partie de la commission Lortie, la Commission royale sur la réforme électorale, il y a plus de 20 ans. J'ai travaillé pour l'ombudsman de la SRC et pour l'ombudsman de la Colombie-Britannique sur des questions électorales et sur les émissions électorales, et j'ai été consultant auprès du directeur général des élections du Canada. J'ai siégé à la commission fédérale de délimitation des circonscriptions électorales de la Colombie-Britannique après avoir été nommé par le Président de la Chambre des communes. J'ai été directeur de recherches pour l'Assemblée des citoyens de Colombie-Britannique sur la réforme électorale, et par la suite, j'ai été consultant principal d’assemblées de citoyens aux Pays-Bas, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, ainsi que dans le cadre de la Convention constitutionnelle de l’Irlande.
    J'ai examiné beaucoup de ces questions en détail au cours de ces années, dans différents endroits. En partant de cette expérience, je voudrais simplement faire six observations simples et d'ordre général, ensuite je serais ravi de répondre à vos questions.
    Ma première observation est une évidence, je suppose: il n'existe pas de système électoral parfait ni même de meilleur système électoral. C'est pourquoi il n'y a pas deux pays dans le monde démocratique qui utilisent exactement le même système pour élire leurs parlements. Chaque pays doit trouver une combinaison unique de composantes parmi toutes les composantes existantes pour créer un système électoral qui convient à leur histoire, leur géographie, leur ordre social et leur vie politique.
    Ce qui est intéressant c'est que nous avons vu cela très fortement il y a une dizaine d'années lorsque cinq provinces ont engagé une réforme électorale dans notre pays. À la fin de ces réformes, les cinq provinces ont produit des recommandations très différentes pour des types de systèmes électoraux différents, à mon avis parce qu'ils ont admis que ce qui conviendrait au Nouveau-Brunswick n'était pas ce que voulaient les habitants de Colombie-Britannique, et ainsi de suite. En fin de compte, bien sûr, malgré les débats initiés par les gouvernements en fonction dans ces cinq cas, aucun de ces cinq systèmes différents n'a été adopté. Dans trois cas, c'est parce que les électeurs de la province ont rejeté le système, et dans le quatrième c'est parce que le gouvernement a été battu. Il n'y a donc pas de système électoral parfait, ni de meilleur système électoral, ni de choix facile.
    Deuxièmement, je crois que l'on peut dire que notre expérience ne peut pas nous permettre de savoir de quelle façon une modification du système électoral va se concrétiser dans la pratique. La raison en est que lorsque les règles sont nouvelles, les partis politiques, les candidats et les électeurs auront des incitations claires à se comporter différemment de ce qu'ils faisaient sous l'ancien système. Les règles qui modifient le système de scrutin affecteront directement l'ensemble du système, y compris la manière dont les candidats sont choisis, qui les choisit, l'organisation et le financement des campagnes et la manière dont l'argent est dépensé et collecté lors des campagnes, la structure et la dynamique interne des partis politiques, le nombre et le caractère des partis politiques élus à la Chambre des communes et bien entendu les mécanismes de prise de décision par lesquels passent les électeurs lorsqu'ils font leur choix.
    Pour prendre un exemple, lors de la dernière élection, nous avons assisté à bon nombre de votes stratégiques. Sous un système électoral différent, il pourrait n'y en avoir aucun, parce qu'il n'y aurait pas les mêmes incitations pour les électeurs, ce ne seraient pas les mêmes types de candidats qui seraient désignés et leurs campagnes seraient conduites différemment.
    Troisièmement, je voudrais souligner que lorsqu'un système électoral différent produit un système de partis différent et un parlement différent, cela va donner lieu à un autre schéma de gouvernement. C'est assez clair, mais nous ne pouvons pas honnêtement dire comment cela fonctionnera en fin de compte après que de nouveaux schémas d'électeurs, de candidats, de parlementaires et de partis politiques auront évolué et changé au fil du temps.
    Je crois qu'il est juste de prédire que dans la plupart des autres systèmes électoraux, les gouvernements de majorité tels que ceux auxquels les Canadiens ont été habitués disparaissent. Nous avons si peu d'expérience des gouvernements de coalition dans ce pays que nous n'avons pas d'idée claire de la manière dont ils travailleront ensemble à court terme ou à long terme, ni à quoi ils ressembleront. Cela semble très bien fonctionner au Danemark, par exemple, où le premier ministre est désigné au sein du troisième parti du Parlement. Les partis ont trouvé le moyen de construire des relations de travail. Cela ne semble pas fonctionner aussi bien en ce moment en Belgique ou en Espagne où les parlements ont des difficultés à former un gouvernement. Il existe par ailleurs toute une gamme d'exemples intermédiaires que l'on pourrait signaler.
    Nous ne savons pas à quoi ressembleront les gouvernements ni comment ils travailleront. C'est quelque chose qu'il nous faudra apprendre et il nous faudra changer tandis que les nouveaux parlementaires et les schémas électoraux évoluent.
    Quatrièmement, je dirais que nous ne devons pas oublier que les réalités fédérales de notre pays finiront par gouverner les réformes possibles, voire désirables.

  (1405)  

    Si nous maintenons notre pratique constitutionnelle qui assigne des députés par province, alors nous devons reconnaître que certains systèmes qui fonctionneront bien dans de grandes provinces comme l'Ontario ne fonctionneront peut-être pas très bien dans les territoires ou dans certaines des provinces de l'Atlantique plus petites qui auraient beaucoup moins de représentants, surtout si nous voulions passer à un système de type proportionnel qui nécessite plus de députés que de circonscriptions électorales.
    Il serait bien sûr possible d'avoir des systèmes différents dans différentes provinces ou dans différentes parties des provinces. Nous en avons fait l'expérience au cours de l'histoire du Canada, mais cela nuirait à notre compréhension des élections en tant qu'événements nationaux communs et il nous faudrait alors commencer à réfléchir à ce qu'est une élection nationale. Cela aboutirait aussi, bien entendu, à une Chambre des communes dont les membres auraient des responsabilités et des orientations très différentes.
    Si nous sommes préoccupés par le principe selon lequel « tous les votes comptent à parts égales », il y a eu beaucoup de débats à ce sujet, alors il se pourrait bien qu'il faille commencer par le fait que nous n'avons pas dans ce pays de représentation selon la population et que nous n'en avons jamais eu. Les votes ont toujours compté davantage sur l'Île-du-Prince-Édouard qu'en Colombie-Britannique. Changer les règles de scrutin et adopter un autre système ne modifiera pas cette réalité. Cela ne nous donnera pas une égalité des votes tant que nous ne modifions pas ce système. Je sais que c'est profondément inscrit dans la constitution et que cela va certainement au-delà de ce que quiconque au sein de ce comité souhaite raisonnablement proposer, mais c'est le genre de réalité que nous devons garder à l'esprit lorsque nous pensons à l'égalité des votes, cette dimension fédérale du système.
    Cinquièmement, permettez-moi de dire que les milliers de Canadiens qui ont pris part aux récents débats sur la réforme provinciale au sein d'assemblées de citoyens en Ontario et en Colombie-Britannique, au sein de la Commission sur la démocratie législative au Nouveau-Brunswick, dans le cadre des audiences des commissions parlementaires dans tout le Québec, ont exprimé très clairement ce qu'ils attendent d'un système électoral. Ils ont désigné assez nettement ce qu'ils pensent être les trois valeurs les plus estimables.
    La première est la juste représentation et en cela la plupart des votants ont signifié que quelque chose de l'ordre de la représentation proportionnelle était l'une des valeurs les plus importantes.
    Deuxièmement, ils ont mis en avant une représentation locale, identifiable et forte, signifiant par là un individu, un député local avec lequel ils se sentaient en relation et à qui ils pouvaient s'identifier et qui s'identifierait à eux et à leur communauté.
    Troisièmement, beaucoup de Canadiens, une grande diversité de gens en Colombie-Britannique à vrai dire, ont affirmé qu'ils voulaient davantage de choix lors du scrutin. Ils voulaient un scrutin plus sophistiqué. Le mode de scrutin actuel leur permet de mettre une croix à côté d'un nom et ils ont estimé que franchement ils faisaient des choix plus complexes tous les jours au Safeway que ceux qu'ils avaient à faire devant l'urne. La plupart des autres systèmes électoraux offrent différents schémas de choix, le choix fait donc partie de leurs doléances.
     Voilà quels étaient les points de vue des électeurs, mais ce sont trois aspects très différents de tout système: les règles de comptage, la base représentative et la forme du scrutin. Ces trois dimensions d'un système, peuvent être et sont combinées de très nombreuses manières dans différents systèmes. Souvent, il faut abandonner une partie de l'un des systèmes si l'on veut en adopter une partie d'un autre. Par exemple, c'est pour cette raison qu'ils reconnaissent qu'il y a toujours un compromis entre la représentation proportionnelle et la représentation locale. Si vous voulez un représentant élu unique pour votre circonscription, il est très difficile d'avoir une représentation proportionnelle parce qu'il faut passer à des circonscriptions à plusieurs députés, et ainsi de suite.
     En réalité, tous les systèmes électoraux impliquent des compromis difficiles et litigieux entre ces trois aspects qui ont ensuite des conséquences sur tous les autres aspects du système électoral que j'ai mentionnés. C'est la raison pour laquelle les cinq provinces ont produit cinq systèmes différents lorsqu'elles se sont soumises à cet exercice, parce qu'elles ont combiné ces éléments de base de façons assez différentes.
    Permettez-moi de conclure par une remarque d'ordre plus personnel et peut-être moins basée sur les études comparatives. En tant qu'expert des partis politiques, j'ai passé ma carrière à étudier les partis politiques dans ce pays et à l'étranger, je suis particulièrement frappé par le rôle extraordinaire qu'ils ont joué dans l'histoire canadienne. Ce pays a été façonné et constamment reconçu et réinventé par les partis politiques qui ont été les bâtisseurs de la nation. Ils sont l'une des quelques institutions communes à tous les Canadiens. Les élections générales nationales sont l'une des seules choses que les Canadiens font ensemble. Le jour des élections, nous faisons cela tous ensemble. Ce sont les partis politiques nationaux qui nous lient les uns aux autres au moment des élections. Lorsque je vote pour le candidat d'un parti politique national, j'agis de concert avec mes concitoyens de Montréal et de Saskatoon et de centaines d'autres communautés dans tout le pays. Je crois que nous risquons de perdre une bonne partie de ce qui donne un sens national aux élections, une cause commune à notre vie publique collective, si nous affaiblissons les partis politiques nationaux.

  (1410)  

    Par le passé, les deux grands partis nationaux historiques de ce pays se sont brisés et sont tombés en morceaux, puis ont été raccommodés en réponse aux puissantes incitations de notre système électoral actuel, l'exemple le plus récent étant la reconstruction du Parti conservateur après qu'il se soit disloqué en trois parties lors de l'élection générale de 1993. Je crois qu'avec un système électoral fortement proportionnel, il y a un risque majeur que nous perdions nos partis politiques nationaux. Je crois que les incitations électorales favoriseraient fortement les partis régionaux et sectoriels aux dépens des partis nationaux. Nos partis nationaux pourraient facilement se briser en morceaux de tailles et de formes variées selon le parti concerné. Dans le cadre d'une représentation proportionnelle, à l'image de Humpty Dumpty, il serait très difficile de recoller les morceaux des partis nationaux.
    Si le pays était mal gouverné, s'il y avait des preuves d'un authentique malaise démocratique national, s'il y avait une crise de la représentation, cela vaudrait peut-être le coup de prendre le risque et de passer à un type radicalement différent de politique électorale, une manière différente de créer un lien entre les Canadiens en cette journée particulière lors de laquelle nous agissons de concert pour faire avancer notre vie commune en tant que communauté, mais je ne crois pas que cela soit le cas. Afin de défendre les partis politiques et notre vie politique nationale commune, mon choix personnel serait de voter contre la représentation proportionnelle.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Professeur Carty, je vous remercie de votre présentation, qui était d'une grande clarté.
    Nous passons maintenant au professeur Tanguay. Celui-ci effectue des recherches sur la réforme électorale en démocratie libérale et se penche sur la relation entre les partis politiques et les intérêts de ceux-ci à l'extérieur du système politique. Je souligne aussi que le professeur Tanguay a rédigé, en 2004 je crois, le rapport de la Commission du droit du Canada intitulé « Un vote qui compte: la réforme électorale au Canada ».
    Professeur Tanguay, la parole est à vous.
    Bonjour à tous.

[Traduction]

    Je suis très reconnaissant au Comité spécial sur la réforme électorale de m'avoir invité à m'exprimer lors de la séance d'aujourd'hui. Le travail qu'effectue ce comité, comme chacun ici le sait certainement, est d'une importance vitale pour le fonctionnement futur de notre régime politique démocratique et je suis honoré de participer au processus.
    En 2003, j'ai eu le grand plaisir et le privilège de travailler pour la Commission du droit du Canada, à la rédaction de son rapport: Un vote qui compte, la réforme électorale au Canada, qui a été soumis au ministre de la Justice en 2004.
    Cela s'est fait à la suite d'une stratégie de consultation publique approfondie et multiforme entreprise par la Commission du droit du Canada, dans laquelle on a demandé aux citoyens et aux experts quelles étaient les valeurs qu'ils voulaient voir inscrites dans notre système électoral. Deux valeurs ont été mises en avant tant par les votants que par les experts lorsqu'on leur a demandé de réfléchir leur système électoral idéal. D'abord, il devrait favoriser la représentation démographique; autrement dit, le corps législatif qui se dessine à la suite d'une élection devrait refléter la population qui l'a élu. Ensuite, la traduction des votes en sièges devrait être juste ou équitable vis-à-vis des partis politiques; il devrait y avoir une correspondance générale ou une proportionnalité entre les votes qu'a reçus un parti et sa représentation au parlement.
    Bien entendu il y avait d'autres valeurs, comme l'a mentionné M. Carty. L'importance de la représentation locale a aussi été fortement mise en avant lors de notre consultation.
    Juste pour souligner l'importance accordée par la plupart des votants à l'idée d'équité dans les résultats électoraux, permettez-moi de vous donner des exemples issus de l'élection provinciale de 2007 en Ontario et du référendum associé lorsque 63 % des votants ont rejeté un système de représentation proportionnelle mixte pour la province.
    À l'époque quelques collègues et moi-même avons mené une étude de l'électorat. Lorsque nous avons demandé s'il était acceptable ou inacceptable qu'un parti obtienne la majorité des sièges sans avoir obtenu la majorité des votes, 44 % ont répondu « inacceptable », contre 29 % qui ont répondu « acceptable ».
    Lorsqu'on leur a demandé si un parti qui arrive en tête d'une élection avec environ 40 % des suffrages devrait obtenir plus de la moitié des sièges du corps législatif afin qu'il puisse facilement gouverner seul, seulement 23 % étaient d'accord. Mais 50 % pensaient que le parti ayant obtenu 40 % des suffrages devrait obtenir environ 40 % des sièges. Cette idée de proportionnalité semblait ancrée même parmi les votants qui avaient rejeté le système de représentation proportionnelle mixte. Nous avons mené notre étude après le référendum.
    Notre système électoral existant — que l'on nomme scrutin majoritaire uninominal à un tour ou SMU — ne répond à aucune des exigences que j'ai mentionnées. Bien sûr il ne s'agit pas de nier que le système actuel a ses avantages: notamment sa simplicité pour l'électeur moyen, sa facilité d'administration, sa promotion de la représentation territoriale, le lien entre l'électeur et son député dans une circonscription donnée et le fait qu'il favorise une culture de responsabilité — les électeurs peuvent en général facilement identifier les décideurs, les partis et les récompenser ou les punir à la fin de leur mandat selon la vieille pratique consistant à jeter les gredins dehors.
    Mais en ce qui concerne la production d'un parlement qui soit un miroir de la nation, le système électoral actuel est en effet très mauvais. Il établit des obstacles sérieux à l'élection des femmes, des candidats issus des minorités et des autochtones. À vrai dire voilà l'une des critiques d'origine du scrutin majoritaire uninominal à un tour faite par l'un des premiers défenseurs de la représentation proportionnelle dans les années 1850, John Stuart Mill.
    Le scrutin majoritaire uninominal à un tour, comme nous le savons, ne produit tout simplement pas de résultats proportionnels. Il ne traite pas tous les partis de manière équitable. Et ce qui est plus important selon moi, le système actuel établit d'énormes obstacles à l'introduction de nouvelles voix au parlement — comme celle du Parti vert, par exemple — chose qui nuit considérablement à l'efficacité de ce corps en tant que forum pour l'émergence de nouvelles idées et de nouvelles politiques afin de faire face aux enjeux que pose ce monde en évolution rapide.
    En prenant en compte les données issues des consultations publiques, la principale recommandation du rapport de la Commission du droit du Canada était d'établir un système mixte proportionnel, ou SMP, au Canada, semblable à ceux qui sont en usage actuellement en Allemagne, en Écosse, au pays de Galles et dans d'autres juridictions.
    Un tel système, dans l'esprit des membres de la commission, offrirait le meilleur des deux mondes puisqu'il comprendrait l'élection de députés individuels dans des circonscriptions géographiquement définies, ce qui est un élément constitutif du système de style britannique que nous utilisions déjà ici au Canada avant la Confédération, associé à la représentation des divers courants d'opinion de l'électorat par une représentation proportionnelle issue des listes de partis, comme cela se fait en Europe.

  (1415)  

    Je n'ai pas assez de temps pour entrer dans les rouages du modèle proposé par la Commission du droit du Canada, mais il suffit de dire pour l'instant que la principale caractéristique du système serait de diviser la Chambre des communes en deux parties différentes. Les deux tiers des sièges seraient des sièges de circonscriptions élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour et le tiers restant serait issu de listes régionales. Dans notre parlement actuel qui compte 338 sièges, cela se traduirait par 225 sièges de circonscriptions, 110 sièges de listes compensatoires et 3 sièges de circonscriptions uninominales pour les territoires comme c'est le cas actuellement.
    Les électeurs auraient deux votes, un pour un candidat dans une circonscription et un pour un parti, ils pourraient diviser ces votes en choisissant de soutenir, par exemple, un candidat libéral dans leur circonscription tout en votant pour les verts dans la portion du scrutin destinée aux partis. Nous avons constaté que dans un pays comme la Nouvelle-Zélande, qui a adopté la représentation proportionnelle mixte, qu'entre 30 et 40 % des électeurs divisaient leur vote.
    Une portion des sièges du parti serait déterminée par le vote du parti et le nombre de sièges des circonscriptions qu'il gagne serait alors déduit de son total. Les sièges restants sont occupés par les listes de parti régionales, qui seraient déterminées de différentes manières.
    La Commission du droit du Canada a proposé des listes modulables, qui donneraient aux électeurs la possibilité soit appuyer la liste de parti, soit d'indiquer une préférence pour un candidat en particulier sur la liste. Depuis la publication du rapport de la Commission du droit du Canada, il est apparu très clairement avec le résultat du référendum en Ontario, par exemple, qu'une majorité d'électeurs ne tolérera pas la moindre manipulation de ces candidats sur les listes par l'élite du parti. Cela a été selon moi l'un des principaux facteurs ayant contribué à la défaite du référendum.
    L'autre facteur a été la proposition d'augmenter la taille du parlement simplement pour revenir à la taille qu'il avait avant Mike Harris et le gouvernement progressiste-conservateur qui a été élu en 1995. Cette proposition a soulevé la colère de beaucoup d'électeurs.
    Si je devais réécrire ou amender le rapport de 2004, j'essaierais de garantir que ces listes dans lesquelles nous faisons notre choix soient les plus ouvertes possible, soit sous la forme de listes totalement ouvertes dans lesquelles le votant peut faire une croix à côté du candidat qu'il veut soutenir, quel qu'il soit, ou même pourquoi pas, sous la forme d'une primaire de parti au niveau régional, ce qui serait l'une des manières les plus démocratiques possible de sélectionner ces candidats.
    Si ce modèle, le système mixte proportionnel proposé par la Commission du droit du Canada, était adopté, une des conséquences les plus importantes serait évidemment que les gouvernements de majorité deviendraient improbables à l'issue des élections. Des coalitions de nécessité deviendraient la norme. Beaucoup contemplent cette perspective avec inquiétude et avec répugnance, mais je crois fermement que cette modification serait une immense occasion pour les Canadiens.
    L'un des principaux défauts du modèle de Westminster est qu'il permet au parti au pouvoir, grâce à sa majorité législative artificiellement ou mécaniquement grossie, de dominer presque complètement l'agenda politique pendant quatre ou cinq ans et cela contribue par conséquent à la marginalisation du parlement. Comme le professeur Henry Milner l'a récemment dit — je me réjouis de voir qu'il est sur la liste des témoins qui doivent comparaître cette semaine —, notre système électoral contribue à ce qu'il appelle l'autocratie du CPM et la seule manière efficace de remédier à ce problème est de partager le pouvoir au plus haut niveau en remplaçant les gouvernements de majorité par des gouvernements stables de minorité ou de coalition.
    Je partage le point de vue du spécialiste de sciences politiques néerlandais Arend Lijphart, selon lequel les démocraties de consensus, celles qui sont basées sur une forme de représentation proportionnelle, ont des électorats globalement plus satisfaits que dans le cas des démocraties majoritaires — comme la nôtre — qui fonctionnent sous le régime du scrutin majoritaire uninominal à un tour basé sur le modèle de gouvernement de Westminster.
    Les démocraties de consensus dans l'étude de Lijphart, qui s'intitule Patterns of Democracy, procurent en effet une forme de démocratie plus douce et plus paisible que ses contreparties de type Westminster. Elles sont meilleures que ces dernières en matière de représentation des intérêts des femmes, de promotion de la participation à la vie politique et réussissent mieux à donner un filet de protection sociale adéquat à la majorité de leurs citoyens.
    En même temps Lijphart montre que les critiques les plus typiques vis-à-vis des systèmes de RP, à savoir qu'ils produisent des gouvernements incapables de prendre les décisions économiques difficiles et conduisent donc à des performances économiques moindres, sont fortement exagérées. Les systèmes de RP sont à l'oeuvre dans un grand nombre de pays — prenez la Suède, la Norvège, l'Allemagne — dont les performances économiques ont été aussi bonnes voire meilleures que les nôtres ou que celles des États-Unis des 20 dernières années.

  (1420)  

    Bien que le rapport de la Commission du droit du Canada ait été ignoré par le gouvernement de l'époque, ses analyses et recommandations ont continué de nourrir les récents débats autour de la réforme électorale dans ce pays. Je sais que le Mouvement pour la représentation équitable au Canada s'y réfère très souvent et je trouve cela gratifiant.
    Cette question refuse simplement de disparaître quel que soit le nombre de référendums et de plébiscites que nous avons organisés ces 10 dernières années. À mon avis, la seule manière de corriger les défauts significatifs du modèle de gouvernement de Westminster que nous utilisons est de mener une réforme électorale profonde, en adoptant un système qui garantit à la fois la représentation démographique et la proportionnalité dans la traduction des votes en sièges au parlement.
    Merci.

  (1425)  

    Merci beaucoup, monsieur Tanguay. Il est très intéressant que nous ayons ce recul historique grâce au rapport que vous avez rédigé.
    Nous allons maintenant passer à M. Nelson Wiseman, directeur du Programme des études canadiennes et professeur au département de science politique à l'Université de Toronto. M. Wiseman a comparu en tant qu'invité au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, au Comité permanent sur l'Assemblée législative de l'Ontario et au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes. Il est l'auteur d'un mémoire sur les lois concernant les élections à date fixe au Canada pour la Chambre des Lords du Royaume-Uni.
    Sans plus attendre, je donne la parole à M. Wiseman.
     Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à participer à vos délibérations. Je vous invite à consulter mes 10 pages de notes.
    Vous avez pour mandat d'étudier d'autres systèmes électoraux possibles, le vote obligatoire et le vote en ligne. Je vais rapidement vous expliquer ma position sur ces points.
    Il n'y a bien sûr pas, comme l'a souligné M. Carty, de meilleur système électoral. Si je penche en faveur d'un autre système, c'est vers le système hybride utilisé au Manitoba et en Alberta entre les années 1920 et les années 1950, dans lequel vous aviez un vote unique et transférable dans une grande circonscription plurinominale pour les villes — Calgary, Edmonton, Winnipeg — et vous aviez le vote transférable dans les autres secteurs.
    Je ne recommanderais pas l'organisation d'un référendum sur la question d'un changement de système électoral. C'est inutile, c'est de l'argent gaspillé et il y a de très grandes chances pour que cela soit un échec. Vous feriez tout aussi bien de recommander de ne pas changer le système et de faire faire des économies aux Canadiens.
    Si vous organisez un vote libre au parlement à propos d'un changement de système, si c'est un vote libre, je pense également qu'il échouera, car ce n'est pas dans l'intérêt de la plupart des députés, ni très franchement, du parti au pouvoir.
    M. Kingsley vous a donné quelques exemples des distorsions causées par le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Voici un exemple encore plus criant. En 1993, 2,2 millions d'électeurs canadiens ont voté pour le Parti conservateur et 5,6 millions d'électeurs ont voté pour le Parti libéral. Tous ces votes conservateurs ont abouti à l'élection de deux députés. Cela fait 1,1 million de voix pour élire un député. Les libéraux ont eu un député pour 31 000 voix et ils ont obtenu 177 sièges.
    Je ne suis pas en faveur du vote obligatoire.
    Vous avez aussi parlé du vote en ligne. Je n'y suis pas favorable non plus, mais s'il vient à être utilisé je crois que cela devrait être réservé aux personnes immobilisées chez elles et aux personnes handicapées.
    Permettez-moi de dire quelque chose au sujet d'Élections Canada, parce que j'ai eu la chance de lire le témoignage du directeur général des élections. Je crois qu'Élections Canada ne devrait pas avoir d'autres fonctions éducatives supplémentaires au-delà de sa mission consistant à informer les gens sur les lieux de vote, les exigences d'identification et comment s'inscrire sur les listes électorales — autrement dit, les conditions inscrites dans l'actuelle loi sur l'intégrité des élections.
    Cela dit, beaucoup d'études ont été faites sur des systèmes électoraux différents, y compris par bon nombre de gouvernements provinciaux, d'assemblées de citoyens, d'universitaires, par la Commission de réforme du droit et d'autres. Je suis curieux de voir ce que votre comité va pouvoir apprendre de nouveau. À vrai dire, la création de ce comité donne l'impression que le gouvernement hésite à tenir sa promesse électorale.
    Il a été fait mention de l'assemblée des citoyens de l'Ontario. Je pense que l'on devrait y regarder de plus près parce je trouve l'expérience instructive. Il y a eu 986 soumissions sur le changement de système; 692 d'entre elles étaient des propositions et seulement 7 à 8 % étaient des commentaires négatifs. L'assemblé à voté à 94 contre 8 pour proposer un système mixte proportionnel, mais lors du référendum, le non l'a emporté très largement. Comme l'a souligné M. Tanguay, à peine plus du tiers des gens ont voté oui.
    Je note respectueusement que M. Reid ne tient pas compte du coût des référendums. Il a déclaré aux médias: « Si nous nous inquiétons du coût de la démocratie, alors nous devrions suspendre toutes les élections futures n'est-ce pas? » Selon moi c'est une fausse équation. Si le parlement modifie le système électoral sans organiser de référendum, la communauté internationale le remarquera à peine. Si les élections sont suspendues, la réaction sera très différente.
    Je suis conscient qu'un récent sondage indique que 65 % des personnes interrogées sont en faveur de la tenue d'un référendum. Je suggère que vous mettiez de côté de tels sondages. Je n'ai encore jamais vu un sondage, quel qu'en soit le sujet, dans lequel les personnes interrogées répondaient que le référendum n'avait pas leur préférence.
    Je pense que les référendums sont une très mauvaise manière de déterminer les choix politiques et qu'il est néfaste de les considérer comme la mesure fondamentale de la démocratie. Si les Canadiens se sentent suffisamment concernés par la manière dont un gouvernement a modifié le système électoral et qu'ils s'opposent à ce changement, ils battront le gouvernement lors d'une élection, quel que soit le système utilisé. Le terme « démocratie » est trop facilement brandi dans les débats au sujet du système électoral.

  (1430)  

    La démocratie a une qualité kaléidoscopique qui transcende les règles électorales, bien plus vitale que le système électoral, bien plus vitale que les taux de participation ou que les bases de culture politique sous-jacentes d'un pays. La santé et la vigueur de sa société civile, l'indépendance et la probité de la justice, les libertés des médias, la transparence et la responsabilité de l'administration publique, les débats informés lors de la création des politiques publiques, une compétition sans entraves des idées politiques — à côté de ces éléments, le système électoral du Canada est annexe.
    La représentation proportionnelle promet de mettre fin aux distorsions causées par le système actuel. La proportionnalité, incidemment, est une chose envisagée par les tribunaux dans le cadre de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Le scrutin préférentiel, auquel je ne suis pas opposé, peut également créer une distorsion. Un parti peut obtenir 40 % de tous les votes de premier choix et ne pas emporter un seul siège. L'expérience de la Colombie-Britannique montre que l'appétit du public pour la réforme électorale varie avec la perception de l'injustice de la dernière élection. En C.-B., 58 % des votants étaient en faveur d'un changement lors du référendum de 2005, mais 61 % étaient contre lors du référendum de 2009. Cela indique que le public est inconstant.
    Les élections qui ont eu lieu avant le référendum expliquent toutefois cette inconstance. En 2001, les libéraux ont remporté 77 sièges sur 79 avec 58 % des voix. Le NPD n'a remporté que deux sièges sur 79 en ayant obtenu bien plus de 20 % des voix — 22 %. Cela a semblé très injuste aux yeux de beaucoup de gens. En 2005 cependant, les Libéraux ont remporté 46 sièges avec 46 % des voix et les NPD 33 sièges avec 42 % des voix. Beaucoup de gens ont été satisfaits par ce résultat plus équitable et leur envie de changement était donc moindre lors du référendum de 2009.
    Je ne crois pas qu'il y ait un fort désir populaire de changement au niveau national. Le public comprend que bien que les Libéraux aient obtenu moins de 40 % des voix lors des dernières élections, le résultat est en cohérence avec celui de 2011 lorsque les conservateurs ont obtenu le même pourcentage et que dans les deux cas les partis ont formé des gouvernements de majorité.
    Les députés sont élus pour agir sur la plate-forme électorale de leur parti et pour exercer leur jugement, pas pour faire de la politique en relayant les opinions volatiles et impulsives de leurs électeurs.
    Certains pensent que la convention constitutionnelle nécessite un référendum. Je crois que c'est ce que vous allez entendre demain. Je ne suis pas d'accord. Demain, vous entendrez également l'éminent constitutionnaliste Peter Russel. J'ai hâte d'entendre son avis. Il se peut qu'il me surprenne, mais je crois qu'il partage l'idée selon laquelle une telle convention n'existe pas.
     Certains disent — et j'ai lu cet argument dans The Globe and Mail soutenu par le conseiller juridique de l'ancien premier ministre — qu'un scénario de référence est nécessaire parce que les tribunaux pourraient déclarer qu'un changement est non-constitutionnel parce qu'il n'y a pas de concurrence provinciale. Ceux-là citent le scénario de référence du Sénat.
    Il n'y a, à mon avis, aucun parallèle. Les sénateurs représentent les provinces et les intérêts des provinces. Ce n'est pas le cas des députés: ils représentent les partis et les gens dans des circonscriptions définies. Dans le scénario du Sénat, la raison pour laquelle nous avions une référence est que de nombreux gouvernements provinciaux mettaient en cause la constitutionnalité des propositions du gouvernement fédéral et ont lancé des références eux-mêmes. Aucune province n'a insinué qu'elle mettait en cause la constitutionnalité d'un changement du système électoral fédéral. Si elles le faisaient, je pense qu'elles seraient battues en brèche par les tribunaux.
    J'ai encore beaucoup de remarques et d'observations à faire, mais je vous remercie de m'avoir écouté.

  (1435)  

    Monsieur Wiseman, il vous reste encore à peu près une minute, mais je vois que votre mémoire est bien plus long. Voulez-vous évoquer certains aspects de votre mémoire lors des réponses aux questions, ou y a-t-il des remarques particulières que vous aimeriez faire durant cette minute restante?
    D'accord, laissez-moi attaquer Élections Canada, puisque personne d'autre ne l'a fait.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous avez 45 secondes pour cela.
    Élections Canada n'a pas besoin de faire une campagne d'information du public pour sensibiliser les électeurs aux nouveaux systèmes. Les médias, les partis et les candidats le feront. À mon avis Élections Canada s'est trop agrandi et cherche constamment à augmenter son filet bureaucratique. Élection Canada, parmi beaucoup d'autres, y compris des médias et plus de 400 universitaires, a soutenu que la Loi sur l'intégrité des élections priverait des citoyens de leur droit de vote et conduirait à une baisse de la participation, mais en réalité nous avons eu une augmentation de la participation qui est passée de 61 % à presque 69 %. Il n'y avait jamais eu une telle hausse entre deux élections depuis l'existence de la Confédération. Il n'est pas convaincant d'établir un lien entre le système électoral et le désengagement citoyen. Je suggère que vous regardiez ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Merci, monsieur Wiseman.
    Merci aux trois témoins pour leurs prises de position sur la réforme électorale qui sont à l'évidence très bien étayées par l'expérience et la recherche, des positions qui ne sont pas toutes alignées, ajouterais-je, ce qui rendra notre débat d'autant plus intéressant et stimulant.
    Nous ferons deux tours de questions de cinq minutes, comme le veut notre pratique habituelle et déjà établie.
    Nous commencerons par M. DeCourcey pendant cinq minutes. Je vous en prie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous trois de nous parler aujourd'hui de vos perspectives, qui sont fondées sur des années d'expérience et de travail acharné dans ces dossiers.

[Traduction]

    Je vais poser mes questions en anglais pour arranger tout le monde ici.
    Monsieur Carty, vous avez un peu parlé de votre expérience de travail auprès de diverses institutions et de vos recherches. Il y a une demande du public pour avoir davantage de choix lors du scrutin. Je crois, monsieur Tanguay, que vous avez indiqué que la Commission du droit du Canada allait dans ce sens. Je n'ai pas entendu M. Wiseman dire cela.
    Commençons peut-être par M. Carty, pouvez-vous citer certains des avantages que vous pourriez voir, ou que vous auriez entendus de la part des citoyens, à ce qu'il y ait plus de choix et plus de préférence dans le scrutin? Ensuite peut-être que les autres pourront nous donner leur avis.
    Nous avons beaucoup entendu parler de ceci lors de l'expérience qu'il y a eu en Colombie-Britannique et qui a impliqué l'assemblée des citoyens et plus de 50 auditions publiques dans toute la province. Lors de nombreux exposés, les électeurs ont dit: « Vous savez, nous devons mettre une croix à côté d'un nom ou d'un autre et cela ne nous donne pas beaucoup de choix. » Ils ont compris parce qu'ils avaient étudié d'autres systèmes, que dans certains endroits les gens pouvaient classer —un, deux, trois — par ordre de préférence; ou que dans d'autres systèmes les gens avaient un vote pour un candidat et un vote pour un parti. Il y avait toute une gamme de scrutins différents qui leur offraient ce qu'ils considéraient comme étant des choix plus sophistiqués ou plus complexes et ils avaient envie d'exercer ces choix étant donné que tous les quatre jours ils recevaient des informations sur le sujet.
    L'autre raison qui était souvent fortement exprimée était qu'ils considéraient que cela leur donnerait plus de poids dans la détermination de leur représentant et qu'ils pensaient que les perdants, ceux qui auraient moins de poids, seraient les partis politiques.
    Il y a une profonde antipathie et une grande suspicion à l'égard des partis politiques parmi les électeurs. Ils disent que, vous savez, 30 personnes se réunissent dans la crypte d'une église quelque part et qu'ils leur imposent un candidat. Si les partis leur avaient proposé plusieurs candidats et qu'ils pouvaient en choisir un, alors ils auraient davantage de poids. C'est l'une des manières dont les gens pensaient que les citoyens auraient plus de poids par rapport aux partis et aux candidats qu'ils proposent, même dans un parti qu'ils soutiennent fortement. C'est une manière pour les gens, je crois, d'envisager l'introduction d'un système de primaire et de l'intégrer au système électoral, afin qu'il y ait un double niveau de choix.
    En ce qui concerne la Commission du droit du Canada, une des raisons pour lesquelles nous avons recommandé un système mixte proportionnel était précisément que cela donnerait l'impression d'un choix plus grand pour les électeurs. Cela leur donnerait l'occasion de voter pour un candidat et nous avons entendu très clairement que le lien géographique avec leurs représentants est très important pour les électeurs. Mais en même temps, il y a l'autre partie du scrutin, le fait qu'ils aient deux votes, l'autre étant pour un parti, ce qui permettrait aux électeurs d'élaborer des stratégies. Dans une seule circonscription, ils pourraient dire qu'ils aiment beaucoup le candidat du Parti vert, mais qu'ils pensent qu'il est très important de soutenir le NPD. Ils pourraient jouer l'un contre l'autre et nous avons constaté d'après le fonctionnement de ce système mixte proportionnel en Écosse, au Pays de Galles et en Nouvelle-Zélande que cette forme de stratégie individuelle existe et qu'elle semble importante pour les électeurs.

  (1440)  

    Monsieur Wiseman, avez-vous des commentaires?
    Je ne pense pas que les Canadiens sont très intéressés par cette question. Je pense que l'étude d'autres systèmes de scrutin est un plaisir réservé à l'élite.
    Regardez n'importe quel sondage réalisé avant la dernière élection. On demandait aux gens quels étaient, selon eux, les problèmes les plus urgents. Personne n'a répondu « changer le système électoral ». La question intéresse-t-elle les Canadiens? Je soupçonne que les gens que vous allez rencontrer — vous allez voyager à la grandeur du pays — seront en grande partie autosélectionnés. La plupart seront pour le changement du système, mais ils ne seront pas représentatifs de l'opinion publique. Nous avons déjà fait l'expérience d'un référendum autonome sur la question, à l'Île-du-Prince-Édouard. Partout ailleurs... M. Reid a parlé d'un taux de participation de 61 % lors du référendum en Colombie-Britannique, mais cela s'explique par le fait qu'il y avait une campagne électorale en cours.
    À l'Île-du-Prince-Édouard, le taux de participation électorale tourne constamment autour de 80 % et plus. C'était le cas lors de la dernière élection. Mais lorsque la province a tenu un référendum autonome sur le changement de système de scrutin, selon les données du politologue Peter MacKinnon, seuls 35 % des insulaires se sont rendus aux urnes.
    Sur ce, nous allons passer à M. Reid, qui a sûrement des questions.
    Monsieur Reid.
    J'aimerais d'abord demander à M. Carty de commenter une remarque de M. Wiseman. M. Wiseman a affirmé ne pas être très enthousiaste à l'idée de la tenue de référendums sur le sujet.
    Monsieur Carty, vous avez participé à la mise au point du système de vote unique transférable, le VUT, qui a par la suite fait l'objet d'un référendum en Colombie-Britannique. En 2004, vous avez affirmé que les référendums constituaient le test de référence, comme vous le disiez à l'époque, pour statuer sur la réforme électorale. Il faut dire, en toute honnêteté, que c'était avant la tenue du référendum.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez aujourd'hui.
    Tout d'abord, je n'ai pas participé à la conception de ce système. Ce système a été élaboré par les membres de l'Assemblée dont j'étais l'humble serviteur dans le cadre de cet exercice. Ce qui ressort clairement de ce référendum — nous avons fait plusieurs recherches sur la question par la suite —, c'est que la vaste majorité des personnes qui ont participé à ce référendum ne connaissaient absolument rien de la question sur laquelle ils allaient voter. Ceux qui ont voté pour la tenue du référendum ont voté pour l'adoption du système dans une proportion de 58 %, comme quelqu'un l'a déjà mentionné.
    La grande majorité des personnes qui ont voté pour l'adoption du système connaissaient l'assemblée des citoyens et approuvaient cet exercice. En réalité, ils étaient là pour signaler leur approbation d'une initiative qui était venue de leurs concitoyens. Ils savaient que leurs concitoyens avaient passé un an à parcourir la province pour tenir des consultations, un an à réfléchir et à développer toute une série de solutions de remplacement, et qu'ils avaient envisagé un scrutin proportionnel mixte, le SPM, un scrutin à vote unique transférable, le VUT, et un scrutin majoritaire uninominal à un tour, le SMUT.
    Tout porte à croire, d'après les sondages que nous avons menés, que ceux qui ont voté pour ce système étaient bien informés à son sujet et, qui plus est, connaissaient l'assemblée des citoyens et croyaient en son travail. La majorité des personnes qui se sont présentées aux urnes en ignorant tout de ce système ont voté contre. Je pense que les faits laissent entendre, et c'est certainement le cas en Ontario, que la grande majorité des gens qui participent à ces référendums n'a aucune connaissance substantielle de la question.
    Dans les deux cas, on a demandé aux gens de voter sur une proposition très précise, parce que ni l'une ni l'autre de ces assemblées de citoyens n'avait formulé de recommandation pour le SPM ou pour le VUT; elles recommandaient un système à ce point détaillé, élaboré et complexe qu'il serait injuste de s'attendre à ce qu'il soit compris du public.
    Quant à ce que j'ai dit en 2004... Je suis désolé, mais je ne m'en souviens pas.

  (1445)  

    Ça va, je comprends. Je ne voulais pas dire que...
    Je ne me souviens pas non plus du contexte, mais je crois que nos résultats suggèrent que l'exercice n'était pas très valable. Il y a également d'autres aspects de l'assemblée de citoyens qui, en rétrospective, n'ont pas très bien fonctionné, si cela vous intéresse.
    Je ne voulais certainement pas insinuer que vous manipuliez l'assemblée des citoyens de quelque façon que ce soit, mais plutôt que vous y avez participé et fourni des avis d'expert-conseil.
    Dans ce cas, j'aimerais vous poser une autre question sur toute cette notion d'assemblées de citoyens. Ces assemblées proposent une autre façon de réaliser le processus dans lequel nous sommes engagés aujourd'hui, et cela soulève une question. Quelle que soit l'issue de ce processus, ce comité existe et il produira un rapport que le gouvernement choisira d'adopter ou non.
    Le gouvernement a été très explicite: le Cabinet aura le dernier mot sur la mise en place de tout ce processus. Il convient donc de s'interroger sur la question de savoir si de ce fait, le même résultat semblera moins légitime aux yeux des Canadiens qu'il ne le serait s'il était l'aboutissement d'un exercice d'assemblée de citoyens.
    Nous n'en savons rien. Cela dépend de ce qui résultera de tout cela. Les gens ont des points de vue divergents sur la légitimité de ce que font les gouvernements. Pour dire les choses comme elles sont, les assemblées de citoyens ont été tenues à l'exemple de Peter Campbell, qui croyait que ce n'était pas l'affaire des politiciens que d'écrire leurs propres règles. Telle était sa logique, et c'est également celle qu'il a vendue à son caucus et à la province, et qui a fait que l'assemblée de citoyens s'est attelée à la tâche d'élaborer un système de scrutin.
    L'assertion contraire est que c'est précisément aux représentants élus qu'il revient de prendre ce genre de décisions. Je ne pense pas que nous puissions extrapoler dans un sens ou dans l'autre sur la façon dont les gens réagiraient à un rapport émanant d'un comité équilibré et qui a examiné la proposition avec le plus grand soin.

[Français]

     Vos cinq minutes sont maintenant écoulées, mais vous aurez l'occasion de poursuivre votre série de questions plus tard.
    Nous passons maintenant à M. Cullen.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à tous de votre présence.
    Monsieur Carty, si c'est possible un peu plus tard, j'aimerais bien connaître quelques-unes de ces leçons tirées de l'assemblée des citoyens. Ce n'est pas la direction que le gouvernement a choisie, même si nous aurions préféré qu'il en choisisse une. Ce n'est peut-être pas possible d'en parler aujourd'hui, mais je sais qu'il y a eu beaucoup de... en particulier en ce qui concerne les leçons apprises.
    J'ai écrit un très bon livre sur le sujet.
    Achetez son livre... ça valait bien un petit coup de pub.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Nathan Cullen: J'ai une question pour vous, monsieur Tanguay. Elle concerne ce que vous avez appris à la Commission du droit et ce que nous avons appris d'autres projets de recherche sur la notion du lien direct. Quel que soit le système sur lequel nous nous mettrons d'accord, il faut qu'il existe un lien direct entre les électeurs et leurs représentants.
    Vous avez évoqué la possibilité de sélectionner les candidats à la faveur d'une primaire au niveau du parti. D'aucuns n'apprécient pas que les SMM en vigueur dans le monde permettent aux partis et à leurs dirigeants de décider qui sera présenté comme candidat parce qu'il n'y a plus de véritable lien entre les électeurs et eux. Ils deviennent comme des sénateurs. Vous ne savez rien d'eux, vous êtes complètement déconnecté, ce n'est pas ce qu'il y a de plus sain, démocratiquement parlant. Est-ce qu'on a vu ça quelque part? Existe-t-il une modélisation de la façon dont le système de primaires fonctionnerait par rapport à l'établissement de ces listes de candidats? Je suppose que cela se passerait au niveau régional.
    Cela se ferait au niveau régional, mais à ma connaissance, une telle modélisation n'existe pas. À mon avis, la Commission du droit préconise ce que nous appelons des listes flexibles, c'est-à-dire qu'en tant qu'électeur, vous pouvez choisir la liste du parti ou des candidats individuels figurant sur cette liste.
    J'imagine quelque chose de comparable à ce que nous avons actuellement, soit la nomination de candidats locaux pour chaque parti au niveau des circonscriptions et un système majoritaire uninominal à un tour. Mais tout cela dans un système qui repose sur le consensus obtenu selon le principe de proportionnalité et avec des candidats qui se sont présentés à une échelle plus régionale, qui ont été sélectionnés puis présentés aux électeurs selon des listes flexibles.
    Oui.
    D'accord.
    J'ai commencé à répondre à certaines questions posées sur Twitter, et Eleanor Grant m'a donné son consentement à poser la question suivante. Si vous êtes un conservateur de Toronto ou un néo-démocrate de la région de l'Atlantique, vous souhaitez bien sûr pouvoir parler avec un représentant sympathique, qui connaît votre région. Dans l'état actuel des choses, si vous êtes un conservateur du centre-ville de Toronto, un néo-démocrate de l'Atlantique ou encore un libéral de l'île de Vancouver, qu'est-ce que le système proportionnel offre de mieux que le système à un seul vainqueur aux citoyens qui vivent dans une région où leurs opinions politiques ne sont pas exprimées par le candidat qui remporte le scrutin?
    Là encore, s'il s'agit du modèle de la Commission du droit, les représentants uniques d'une circonscription donnée cumulent les deux représentations géographiques et sont complémentés par les députés de la liste compensatoire, quelle que soit la façon dont ils sont sélectionnés. Ce qui semble ressortir tant de la Commission du droit que du référendum ontarien, c'est que les listes compensatoires régionales doivent être suffisamment courtes pour qu'un électeur de Nipissing, par exemple, ne soit pas représenté par un candidat de Toronto.
    Tout à fait, selon une échelle appropriée.

  (1450)  

    C'est exactement cela.
    J'ai une question complémentaire pour M. Wiseman ou pour vous, monsieur Tanguay. Vous avez, je pense, abordé la question de la stabilité des gouvernements élus par consensus démocratique, selon le principe de la proportionnalité. Dans quelle mesure ces gouvernements sont-ils stables? On a parfois conclu qu'ils ne l'étaient pas. Dans quelle mesure ces démocraties sont-elles prospères? Je parle ici d'économie, de programmes sociaux, et ainsi de suite. Les exemples d'autres pays qui ont choisi des systèmes proportionnels nous inspirent-ils de la crainte quant aux répercussions de ces systèmes sur la vie quotidienne des gens et sur les véritables résultats politiques?
    Monsieur Wiseman, voulez-vous répondre en premier et M. Tanguay pourrait poursuivre?
    Nous pourrions parler du modèle scandinave, qui semble avoir très bien fonctionné au Danemark, en Norvège et en Suède. Nous pourrions aussi parler de la situation dans le bassin méditerranéen, en Israël, en Italie et en Grèce, où le modèle n'a pas fait de miracles. Cela me ramène à mon argument que le système électoral est un aspect secondaire de la culture politique sous-jacente qui elle, exerce une influence beaucoup plus forte. Comme l'a souligné M. Carty, nous n'avons aucun moyen de savoir comment tout cela tournera, mais j'ai bon espoir qu'un changement de système se passera bien.
    Après le changement de système en Nouvelle-Zélande — les électeurs souhaitaient le changement, ils ont voté pour le changement —, les gens étaient très mécontents. S'il y avait eu un autre référendum, ils auraient renversé leur choix parce qu'ils avaient l'impression qu'un petit parti, c'était comme une queue qui commande à la tête. Le monde à l'envers. Le plus petit parti s'est joint avec une improbable...
    N'ont-ils pas tenu un deuxième référendum? Il y a eu un deuxième référendum pour décider s'ils gardaient le nouveau système ou s'ils revenaient au système majoritaire uninominal à un tour, et ils ont décidé de le garder, non?
    Exactement.
    Ils ont fait ce choix parce qu'après l'élection, les politiciens et la population s'étaient adaptés. Je ne suis pas un spécialiste de la Nouvelle-Zélande, mais là-bas, le système semble fonctionner.
    Je pense que c'est aussi ce qui se passerait au Canada.

[Français]

     Merci beaucoup.
    C'est maintenant à M. Thériault de prendre la parole.
    Bonjour, messieurs. J'ai beaucoup apprécié vos témoignages.
    Monsieur Wiseman, j'ai bien aimé votre franchise, bien que je ne sois pas nécessairement d'accord sur ce que vous dites.
    Je m'adresse ici aux trois témoins. Vous avez parlé de culture politique. Pour ma part, j'ai eu la chance, en quelque sorte, de sillonner le Québec pendant quatre ans dans le cadre de la commission qui portait sur la réforme du mode de scrutin dans cette province. Dans toutes les régions du Québec, les gens nous ont souvent dit qu'au-delà de la mécanique électorale et du mode de scrutin, ils étaient irrités par la façon dont la politique se faisait, notamment en ce qui avait trait à la ligne de parti.
    Les partis politiques sont des machines de guerre idéologique. Or, un mode de scrutin mixte compensatoire va nécessairement mener à des gouvernements de coalition.
    Cela va-t-il nécessairement diminuer le cynisme de la population à l'égard des gouvernements? D'une part, si la culture politique ne suit pas, la responsabilité à l'égard du mandat est plus ou moins claire lorsque arrive une période électorale. Je parle ici de la responsabilité concernant la façon dont cela s'est passé. D'autre part, qui fait la liste? Même si ce sont des électeurs qui votent et qu'il y a des primaires, la liste demeure toujours le choix des 15 premiers députés que le parti aura plus ou moins priorisés.
    La ligne de parti n'est-elle pas plus forte dans un système semblable, en l'occurrence si le gouvernement est formé par une coalition qui est décidée par les apparatchiks des partis après coup, à la suite d'une élection?
    Je me dois d'être critique, même si je veux du changement.
    Tout ce que je décris n'est-il pas susceptible de susciter encore plus de cynisme, si les partis politiques ne s'ajustent pas? Qu'est-ce qui nous permet de croire que les partis seront en mesure de s'adapter?
    Que vaudront les plateformes électorales après 25 ans si, mandat après mandat, on se retrouve avec des gouvernements de coalition?

  (1455)  

    Pour ce qui est de savoir si la réforme prônée par la Commission du droit du Canada pourrait réduire le cynisme au sein de l'électorat, je crois que oui, en partie. Comme l'a mentionné le professeur Carty, il y a à l'heure actuelle un scepticisme énorme à l'égard des partis politiques. En tant que politologues ou membres du Comité spécial sur la réforme électorale, cela nous rend la tâche très difficile. Ce cynisme est parfois devenu un réflexe, plutôt que d'être fondé sur la réalité.
    À mon avis — encore une fois, ce n'est que mon opinion propre —, un système en vertu duquel la formation d'un gouvernement de coalition forcerait les partis politiques à collaborer pourrait réduire en partie le cynisme. La politique de confrontation, qui est un élément clé du système de Westminster, renforce le cynisme des électeurs canadiens, selon moi. Je crois que les systèmes basés sur un mode de scrutin proportionnel forcent les partis politiques à collaborer et peuvent ainsi réduire en partie le cynisme. Cela dit, ce ne serait pas une panacée.
    Et qu'en est-il de la ligne de parti?
    Cela dépend de la façon dont les candidats de la liste sont choisis. Si la machine ou l'élite du parti semble avoir le contrôle de la constitution de la liste, cela va consolider le cynisme. Cependant, si le choix revient aux électeurs, par exemple par l'entremise de primaires ou d'un scrutin complètement ouvert, je crois qu'il serait très difficile de faire valoir que c'est l'élite des partis qui contrôle le processus.
     Merci.
    Il reste à peu près cinq secondes.
    Nous allons passer à Mme May.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
    J'ai remarqué qu'une moitié de la question de Nathan Cullen était pour M. Tanguay, je vais donc me limiter à y donner suite.
    Vous étiez sûrement prêt à répondre, mais nous avons manqué de temps. La question était de savoir si nous avions des données sur la façon dont les systèmes de représentation proportionnelle fondés sur le consensus se comportent par rapport aux indices de stabilité des gouvernements, à la performance économique, et ainsi de suite. Si vous avez quelque chose à dire là-dessus, je veux vous donner la possibilité de le faire.
    Merci beaucoup.
    J'ai parlé, dans mes remarques préliminaires, de l'étude charnière réalisée par le politologue néerlandais Arend Lijphart, qui a divisé les démocraties des pays de l'OCDE en deux catégories: les démocraties consensuelles et les démocraties majoritaires. Il a établi, d'après tout un éventail d'indicateurs, que les démocraties consensuelles, celles qui recourent à une quelconque forme de représentation proportionnelle, sont celles où on retrouve les candidats et les citoyens les plus heureux et les plus satisfaits, celles qui performent le mieux selon toute une série d'indicateurs sociaux et en matière de performance économique, elles ne font certainement pas plus piètre figure — à bien des égards, elles s'en tirent beaucoup mieux — que les pays qui utilisent un mode de scrutin majoritaire comme le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada. Un des éléments clés des démocraties consensuelles est le gouvernement de coalition qui, parce qu'il force les partis à collaborer, assure davantage de continuité dans les résultats des politiques. Tous ces éléments forment une sorte de boucle de rétroaction bénéfique qui crée un électorat plus heureux.
    Monsieur Tanguay, pendant que j'y suis, j'aimerais vous poser une question. C'est une idée qui m'est venue, et je pense que c'est Scott Reid qui m'a rappelé qu'on l'utilise déjà dans un État d'Allemagne. La liste la plus ouverte qu'on puisse imaginer serait d'utiliser la proportionnalité pour corriger les résultats faussés, qui ne reflètent pas le vote exprimé par la population, en ne prenant que les candidats les plus performants parmi ceux qui se sont présentés dans le pays sous les couleurs des partis et qui ont été nommés de la manière habituelle. A-t-on envisagé l'idée? Cette méthode permettrait-elle d'obtenir des listes suffisamment ouvertes comparativement à votre idée de primaires régionales? La méthode comporte-t-elle des failles?

  (1500)  

    C'est une excellente idée. Le Mouvement pour la représentation équitable au Canada rédige actuellement une proposition qui serait fondée sur les meilleurs perdants — le terme est péjoratif, mais c'est celui qu'on entend parfois.
    Je ne pense pas que ce terme réussira à s'imposer.
    En effet. On devrait le remplacer par les meilleurs deuxièmes ou quelque chose comme ça. L'avantage, c'est qu'il s'agit tous de candidats qui se sont présentés à l'électorat d'une manière ou d'une autre, alors que certains candidats provenant de listes —qu'ils soient choisis par l'entremise de primaires, d'un scrutin général ou à partir d'une liste flexible — n'ont jamais, pour ainsi dire, brigué les suffrages durant la campagne. C'est là le grand avantage de ce système et c'est une idée à laquelle le Mouvement pour la représentation équitable au Canada travaille activement en ce moment.
    Ma prochaine question est pour M. Carty. J'ai été frappée par votre exposé parce que vous avez dit des choses qui, avec tout le respect que je vous dois, sont à l'opposé de ce que je croyais. Voici: vous avez dit qu'un système politique hautement proportionnel favorisera les partis régionaux et sectaires. J'ai toujours été d'avis, avec tout le respect que je dois à mon collègue et ami Luc, que le Bloc québécois n'aurait jamais pu devenir l'opposition officielle autrement qu'avec un système majoritaire uninominal à un tour. Comment un parti qui se présente dans une seule province peut-il remporter assez de sièges pour devenir l'opposition officielle si ce n'est au moyen du système majoritaire uninominal à un tour? Peut-être ne faisiez-vous que mettre en contraste les systèmes de représentation hautement proportionnelle par rapport aux systèmes de représentation proportionnelle mixte. Votre affirmation m'a déconcertée. Pourriez-vous être plus explicite à ce sujet?
    J'ai dit que selon moi, les systèmes hautement proportionnels, ou même modérément proportionnels, désavantagent les grands partis nationaux. En fait, l'avantage irait aux différents pans de ces partis nationaux, qui pourraient, pour ainsi dire, suivre leur propre voie comme l'ont fait les conservateurs en 1993, en prenant trois chemins différents. N'eût été le système majoritaire uninominal à un tour, jamais ils n'auraient été réunis de nouveau. Je pense qu'avec le temps, nous assisterions à l'érosion des partis nationaux parce qu'il y aurait des incitations électorales à ce que différentes régions et différents groupes présentent leurs propres candidats, sans être liés à une plateforme nationale. Je pense que le véritable risque de la proportionnalité est l'érosion des partis nationaux et, à mon sens, de la vie politique du pays.
    M. Thériault a observé à très juste titre que les partis politiques sont des instruments de guerre, des instruments de conflit. C'est là que réside toute la question des systèmes électoraux. Où se situe le conflit? Au sein des partis, entre les partis, parmi les candidats? Chaque système électoral a pour effet de déplacer la scène du conflit, tant à l'échelle électorale qu'à l'échelle gouvernementale.
    En fait, ce sur quoi nous nous penchons, c'est sur la façon d'organiser le conflit — c'est du moins ce que la démocratie essaie de faire — et de le rendre structuré, ainsi que sur les conséquences des différents modèles de conflit. Je voulais simplement faire remarquer que la proportionnalité générerait des modèles de conflit qui seraient compromettants pour les grands partis nationaux qui ont toujours été déterminants pour notre développement national.
    Merci.
    Nous allons passer à Mme Sahota.
    Merci d'être ici aujourd'hui. Votre témoignage d'aujourd'hui me plaît beaucoup, il est direct et pertinent, c'est ce que j'aime.
    Un peu plus tôt, nous avons parlé de l'éducation du public pendant les périodes référendaires tenues en Ontario et en Colombie-Britannique.
    Monsieur Wiseman, vous disiez que selon vous, Élections Canada devrait s'impliquer dans le processus d'éducation du public. J'ai l'impression que nous avons un programme très chargé à accomplir. Élections Canada nous a réaffirmé que dès que ce comité aura formulé une recommandation et que cette recommandation aura été adoptée, nous pourrons mettre un nouveau système en place.
    Ce qui me préoccupe, par contre, c'est de savoir comment renseigner la population sur ce nouveau système. A-t-on tiré des leçons du processus de sensibilisation qui a eu lieu lors des référendums tenus en Colombie-Britannique et en Ontario? Dans ce cas, monsieur Wiseman, pourriez-vous aussi nous dire la raison pour laquelle vous pensez que le gouvernement devrait s'investir dans le processus d'éducation du public? Je sais qu'il tient à s'assurer que nous augmenterons la représentation et la participation de tous les citoyens et que nous veillerons à sensibiliser les électeurs au nouveau système.

  (1505)  

    L'expérience de la Colombie-Britannique n'a pas été concluante. Le principal journal de la province, le Vancouver Sun, a affecté un correspondant à temps plein durant toute une année pour couvrir, dans les moindres détails, les assemblées et leurs travaux. Le journal a publié son rapport dans son intégralité, mais nous savons que la majorité des électeurs qui se sont présentés aux urnes n'était pas du tout au courant.
    J'ai vraiment du mal à admettre, en tant que politicologue, que la plupart des gens ne s'intéressent vraiment pas aux systèmes électoraux et ne réfléchissent pas à toutes les possibilités. C'est cependant la vérité et c'est pourquoi le travail d'éducation populaire constituerait un énorme défi. Je pense que la plupart des gens apprendront simplement sur le tas, la première fois qu'ils utiliseront le nouveau système.
    Si j'avais une solution très simple à proposer — et elle ne va certes pas plaire à M. Wiseman —, ce serait d'imposer le vote obligatoire, un système qui, à mon avis, encouragerait fortement les partis politiques à éduquer de larges pans de l'électorat.
    Actuellement, les campagnes servent en grande partie à faire sortir le vote. Vous le savez tous, c'est vital pour vous. Avec le vote obligatoire, les partis n'auront plus besoin de passer autant de temps à cibler les électeurs et à les inciter à aller voter, parce qu'ils iront voter. L'Australie a fait l'expérience du vote obligatoire. Ce système permet aux partis de consacrer énormément de temps à expliquer aux gens qui se présenteront aux urnes les enjeux et les politiques qu'ils proposent.
    Votre but, c'est de créer un système dans lequel les partis et les différents acteurs qui ont un intérêt dans l'élection participent activement au travail d'éducation.
    À en juger par la campagne référendaire de l'Ontario, je ne suis pas optimiste quant à l'efficacité de l'éducation politique par le biais des organisations partisanes. Je pense que ce genre d'exercice sera toujours teinté de partisanerie.
    Au cours de cette campagne référendaire, nous avons constaté que le rôle joué par les partis portait à confusion. Ils ont envoyé des messages ambigus et contradictoires à leurs propres électeurs. Ce fut particulièrement le cas du Parti libéral de l'Ontario d'alors, qui remettait en question sa propre recommandation initiale de mettre sur pied une assemblée de citoyens chargée de se pencher sur la réforme électorale. Si cela signifie qu'Élections Canada doit jouer un rôle plus actif pour informer les électeurs, ce rôle devrait alors être confié aux services bureaucratiques intégrés au système. Je ne crois pas qu'il devrait incomber aux partis.
    Une autre lacune de la campagne référendaire de l'Ontario était le manque d'information. À ma connaissance, aucun journal n'a publié le rapport de l'assemblée des citoyens. Les exemplaires ont disparu dès le début de la campagne. Je me rappelle avoir demandé une copie du rapport lors de mes visites dans des marchés agricoles locaux, sans jamais réussir à en obtenir une. Il aurait fallu que j'essaie moi-même d'en résumer la teneur.
    On a déploré un manque d'éducation et d'information et les partis eux-mêmes envoyaient des messages qui semaient la confusion. Tout cela a créé un contexte loin d'être optimal pour la conduite du référendum.
    Là encore, pour confirmer les propos de M. Carty, l'expérience de l'Ontario nous a permis de constater que plus les gens étaient informés sur le système qu'on leur proposait, plus ils étaient enclins à l'appuyer, mais il s'agissait là d'une minorité d'électeurs.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à vous, monsieur Kenney, mais il ne vous reste que 5 à 10 secondes. Nous entamerons ensuite la prochaine ronde.
    Allez-y, monsieur Kenney.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également nos trois témoins.
    Si je ne fais pas erreur, les trois témoins semblent d'accord pour dire que la population en général ne s'intéresse pas de près au débat sur les systèmes électoraux et, comme nous venons de l'entendre, que les gens n'étaient peut-être même pas au courant qu'il s'agissait d'un enjeu électoral.
    Le gouvernement prétend avoir le mandat d'apporter des changements potentiellement drastiques au système électoral sans consulter directement la population par le biais d'un référendum, parce qu'il s'est engagé à mettre fin au scrutin uninominal majoritaire au cours de la dernière campagne électorale.
    Est-ce que l'un ou l'autre de nos trois témoins peut démontrer que c'était là un enjeu prioritaire pour les électeurs à la dernière élection générale.
    Je n'en ai aucune preuve.
    Moi non plus.
    Je suis à peu près certain que ce n'était pas le cas. Aucun sondage ne l'a mentionné, mais cela ne change rien au fait que les partis respectent leur programme électoral. C'est la justification utilisée par tous les partis.

  (1510)  

    C'est exact.
    Peut-être, mais cette raison a-t-elle déjà été invoquée dans le but d'apporter des changements drastiques au système électoral au Canada?
    Personne n'a fait cette proposition.
    Mais elle a été utilisée, n'est-ce pas, monsieur Wiseman? À l'Île-du-Prince-Édouard, en Ontario et en Colombie-Britannique, les trois gouvernements se sont fait élire avec le mandat de changer le système électoral après avoir consulté la population, soit par le biais d'assemblées de citoyens ou de référendums, ou les deux. N'est-ce pas exact?
    Non, ils ont simplement promis qu'ils allaient tenir un référendum.
    Ce qui s'est passé en Ontario — et en Colombie-Britannique aussi, j'en suis presque certain —, c'est que les partis ne se sont pas prononcés à cet égard. À la lecture des médias, il était difficile de savoir qu'en allant aux urnes, vous auriez deux bulletins à remplir: un pour le candidat de votre choix et l'autre pour le référendum. En Ontario, on a compté 138 000 bulletins de moins pour la question référendaire. Ils ont été laissés en blanc.
    Monsieur Wiseman, vous avez affirmé qu'il n'existe aucune convention au Canada prévoyant la tenue d'un référendum avant une réforme majeure du système électoral. Mais n'est-il pas vrai que ces trois référendums constituent clairement une convention et que chaque initiative contemporaine de réforme du système électoral a été soumise au jugement de la population?
    Je pose cette question aux trois témoins: cela ne tient-il pas lieu de convention?
    Je ne le crois pas. Ce n'est pas une convention constitutionnelle.
    Pas du tout.
    En effet, cela veut-il dire qu'il faudrait avoir 60 %?
    Regardez, si les partis au pouvoir souhaitaient vraiment changer le système électoral, ils ne fixeraient pas la barre à 60 %. C'est un signal clair que vous ne souhaitez pas apporter de changement.
    Maintenant, monsieur Wiseman, vous avez dit qu'il n'était pas nécessaire de tenir un référendum et qu'il serait défait; autrement dit, toute proposition de modifier le système actuel uninominal serait rejetée.
    En tant que partisan de la réforme du système, n'êtes-vous pas en train de dire qu'il n'est pas nécessaire de tenir un référendum justement parce que les électeurs choisiraient une autre option que celle que vous préférez?
    Je soutiens que les électeurs s'adapteront au nouveau système, quel qu'il soit, et qu'ils n'auront aucun problème à le faire, comme l'a dit M. Carter, après l'avoir essayé une fois. Nous verrons ce qui se passera après.
    Dites-moi si c'est là une mauvaise interprétation de votre opinion: les changements drastiques qui seront éventuellement apportés au système électoral reçoivent l'appui d'une élite, si je peux m'exprimer ainsi —vous avez parlé d'environ 600 des 900 mémoires présentés aux assemblées de citoyens de l'Ontario, par exemple —, mais non celui de l'opinion populaire.
    Les citoyens n'y sont pas favorables parce qu'ils ne s'intéressent pas à cet enjeu. Comme l'a dit M. Carter, cela ne fait pas partie de leurs préoccupations quotidiennes..., et la réforme du système ne les prive pas de leur droit de vote et ne les empêche pas d'exprimer leur préférence.
    Il me semble que votre question sous-entend que la réforme du système favorise certains partis, par exemple.
    M. Carty vient de dire que l'ancien premier ministre libéral Gordon Campbell disait que le système électoral n'appartenait pas aux politiciens, mais aux citoyens et que ces derniers devaient donc avoir leur mot à dire dans la réforme, initialement par le biais des assemblées de citoyens et ultimement par voie de référendum portant sur tout changement à apporter au système.
    Monsieur Wiseman, vous laissez entendre que non seulement il ne devrait pas y avoir de référendum, mais qu'il ne devrait pas y avoir de vote libre à la Chambre des communes. C'est le pouvoir exécutif qui devrait imposer un système.
    Pourquoi rejetez-vous l'opinion de l'ancien premier ministre Campbell selon laquelle le système appartient aux citoyens et qu'il revient à ces derniers d'avoir le dernier mot?
    Je ne suis pas contre les votes libres à la Chambre des communes. Je crois simplement que si vous tenez un vote libre, il ne passera pas. Je ne prétends pas que le gouvernement doit agir sans tenir de vote libre. Cette décision lui revient. Cela ne me pose aucun problème.
    Quant à M. Campbell, il cherchait à se faire réélire. L'une des façons de vous faire réélire, c'est de dire aux électeurs que vous allez les consulter par référendum. « Super, j'aime les référendums. Posez-moi une question. Je veux me prononcer. »
    D'accord, c'est tout.
    Monsieur Aldag, c'est maintenant à vous. Vous avez cinq minutes, je vous prie.
    Mes questions portent sur le vote en ligne.
    Monsieur Wiseman, vous avez dit que vous êtes contre le vote en ligne sauf, peut-être, pour les personnes confinées à la maison.
    J'aimerais simplement savoir à quoi est attribuable votre hésitation ou votre résistance à l'égard du vote en ligne. Je demanderais ensuite à nos deux autres témoins ce qu'ils en pensent.

  (1515)  

    Les quelques lectures que j'ai faites à ce sujet m'ont appris que la majorité des spécialistes s'y opposent parce que ce système peut-être facilement... enfin, pas facilement, mais il peut être piraté.
    Il y a quelques années, trois ministères du gouvernement fédéral ont été piratés. Nous n'avons aucune idée de l'ampleur des renseignements volés. De plus, aux États-Unis, le Parti démocrate, le DNC, vient d'être piraté.
    À l'Université de Toronto, les étudiants — ils ont une longueur d'avance sur moi qui ne possède même pas de téléphone cellulaire — ont décrété que la tenue d'un vote par Internet permettrait d'accroître le taux de participation étudiante qui n'était que de 15 %. Ils ont donc introduit le vote en ligne, mais le taux de participation est demeuré le même.
    Il y a deux ou trois ans, l'Université Western a tenu une élection pour le choix des membres du conseil et de son président, mais le système a été piraté. Le NPD a tenu un congrès pour élire son chef et ce fut la pagaille. Pouvez-vous imaginer ce qui se passera le soir de l'élection?
    Le vote en ligne est pratique, mais ce n'est pas une activité sociale. Elle le devient lorsque les électeurs se présentent aux bureaux de scrutin, rencontrent leurs voisins, font la queue et échangent entre eux. Cliquer sur des boutons chez soi, c'est du cocooning.
    Merci pour votre opinion à ce sujet.
    J'aimerais maintenant demander aux deux autres témoins ce qu'ils pensent du vote en ligne.
    Je n'ai pas fait de recherche sur ce sujet, mais à l'instar de M. Wiseman, je me préoccupe des aspects de sécurité du vote en ligne. Je n'en demeure pas moins intrigué par cette possibilité et je crois que des études sont en cours ou le seront bientôt à l'échelon municipal, ici en Ontario. Il est nécessaire de poursuivre ces études. C'est un enjeu qui mérite un examen approfondi.
    Ce faisant, nous devons garder à l'esprit que l'environnement Internet n'est pas nécessairement sécuritaire pour ce genre d'activité.
    Oui, je ne connais rien aux aspects techniques. J'ai entendu l'actuel directeur général des élections et son prédécesseur dire que les problèmes de sécurité n'ont pas encore été analysés. Je pense que c'est probablement une question qu'il faudra envisager à l'avenir.
    Ma prochaine question porte sur le référendum. Nous en avons déjà discuté et nous avons entendu des propositions, des préoccupations.
    J'ai particulièrement apprécié vos franches réflexions à ce sujet, monsieur Wiseman.
    J'aimerais vous rappeler à tous les trois qu'en tant que comité, nos essayons d'avoir une consultation instructive avec les Canadiens, tout en laissant de côté la question de la pertinence de tenir un référendum ou non. Quels conseils pouvez-vous nous donner pour nous aider à avoir des discussions fructueuses avec les Canadiens sur ce projet et sur la manière d'aller de l'avant avec la réforme électorale au Canada?
    Je pense que le Comité doit poursuivre le travail qu'il a amorcé. Des assemblées publiques auront bientôt lieu ou ont déjà commencé.
    Le Comité doit faire son travail et publier son rapport et ses recommandations. Le gouvernement doit proposer une loi qui devra inclure des dispositions prévoyant un examen à une date ultérieure et, si cela est nécessaire, la tenue d'un référendum. Je pense toutefois que le système qui sera recommandé devra s'appliquer durant au moins un cycle électoral, voire deux.
    M. Wiseman a fait valoir qu'il n'est pas nécessaire de tenir un référendum sur cet enjeu et que cela ne ferait qu'embrouiller les choses. Il est toutefois absolument nécessaire de prévoir un examen ultérieur du système proposé, quel qu'il soit, après un ou deux cycles électoraux.
    Donc, à part...
    Pour avoir participé à des centaines de consultations publiques sur les limites des circonscriptions électorales ou sur divers systèmes électoraux à la grandeur du pays, je peux vous affirmer qu'elles ne sont pas d'une grande utilité. La plupart des gens qui y assistent arrivent avec leur propre programme très précis et un point de vue à promouvoir, ou bien ils ne connaissent pas grand-chose sur la question.
    Ces consultations pourraient être fort utiles si vous présentiez une proposition concrète et cherchiez à obtenir des réactions. C'est certainement la leçon à tirer des commissions sur les limites des circonscriptions électorales. Durant les consultations, nous entendons des commentaires sur les limites des circonscriptions électorales qui ne sont pas toujours utiles pour les commissions. En revanche, si vous proposez une feuille de route précise, vous obtiendrez des suggestions et des réactions plus ciblées qui peuvent vous être fort utiles.
    À mon avis, en l'absence d'une proposition précise du genre « Que pensez-vous de ceci et comment devons-nous aborder la question? », il sera très difficile d'obtenir des commentaires cohérents et cumulatifs.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Blaikie, si vous êtes d'accord.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous avons entendu M. Carty exposer son point de vue concernant l'incidence que pourrait avoir un système proportionnel sur le régionalisme dans la politique canadienne.
    Je suis d'une époque où, en vertu de l'actuel système de scrutin uninominal majoritaire, la politique canadienne était intensément régionale : le Parti libéral était véritablement le parti de l'Ontario; le Bloc québécois représentait le Québec et le Parti réformiste représentait la totalité de l'Alberta et une bonne partie de l'Ouest canadien. Je suis donc personnellement ouvert à l'idée d'essayer quelque chose de différent.
    Le rapport publié en 2004 par la commission de réforme du droit abordait la question du régionalisme dans la politique canadienne. Monsieur Tanguay, pourriez-vous nous dire quelle serait l'incidence, selon vous, de la transition à un système de représentation proportionnelle sur le régionalisme dans la politique canadienne.

  (1520)  

    Je ne suis pas aussi convaincu que M. Carty que cela marquerait la fin des partis politiques nationaux. Je ne pense pas que le Canada soit un pays déchiré par ce que les politicologues appellent les clivages, comme l'est la Belgique par exemple. Le modèle proposé par la commission de réforme du droit établirait une sorte de seuil. Par exemple, il faudrait recueillir au moins 10 % des voix dans une région pour obtenir l'un des sièges de la liste.
    Ce qui serait préoccupant, selon moi, ce serait la prolifération de partis marginaux ou extrémistes, mais il me semble exagéré de dire que les partis nationaux disparaîtraient. Je ne pense simplement pas — et je partage le point de vue que vous avez éloquemment exposé dans le préambule à la question — que nous ayons vécu et survécu dans un pays au bord de l'éclatement sous le système uninominal majoritaire. À mon avis, la situation ne pourrait être pire qu'elle ne l'est en ce moment.
    Dans la mesure où cela pourrait garantir la présence de voix régionales au sein des caucus nationaux, cela pourrait contribuer, en fait, à réduire le régionalisme dans la politique nationale.
    Je suis d'accord avec cela.
    Je pense que les détracteurs de l'actuel système uninominal diraient probablement que l'un des principaux problèmes de ce système, c'est qu'avec une minorité des voix, vous exercez le plein pouvoir.
    Si nous prenons les deux principaux courants susceptibles d'offrir une solution de rechange, nous avons le choix entre le scrutin alternatif et une sorte de scrutin proportionnel, dans de nombreuses déclinaisons. À votre avis, lequel de ces deux systèmes risque le plus de reproduire le problème posé par le système uninominal majoritaire, et de quelle façon?
    Personnellement, je ne suis pas un partisan du vote alternatif. Même s'il donne un choix plus vaste aux électeurs, il semble reproduire tous les problèmes posés par l'actuel système uninominal majoritaire. Le scrutin préférentiel ne réglerait pas le problème soulevé par les citoyens qui ont participé aux travaux de la commission de réforme du droit et lors de la tenue du référendum en Ontario. Ce système ne corrigerait pas les lacunes du système actuel qu'il est impératif de régler.
    Je vais peut-être poser une question plus générale à tous nos témoins. À mon avis, s'il faut trancher entre un modèle de vote transférable et un modèle proportionnel quelconque, en cas de consensus au sujet de l'abandon du système uninominal, il faudra d'abord décider si nous voulons élire un représentant par circonscription locale ou plutôt essayer d'élire un Parlement, un Parlement qui représente la diversité des opinions que l'on retrouve dans le contexte canadien et conclure également qu'il est souhaitable que le Parlement, quel que soit le nombre des partis qui y siègent et quels que soient les compromis et les négociations que les partis devront faire, représente toute cette diversité d'opinions.
    Les électeurs canadiens sont même parfois divisés personnellement. Ils disent, j'aime bien cette personne et j'aimerais qu'elle représente ma région, mais je n'aime pas beaucoup son parti ou je n'aime pas beaucoup son chef. Ils voudraient pouvoir voter pour le parti X et pour le candidat Y, même s'ils ne sont pas membres de ce parti.
    Pensez-vous qu'un des objectifs d'un système électoral soit de permettre un Parlement représentatif ou pensez-vous qu'il faille simplement savoir quelle sera la personne qui représentera une région donnée de la carte que nous avons délimitée?
    Je comprends vos préoccupations. Je vais vous dire ce qui se passera d'après moi.
    À la différence de Mme May, je ne pense pas que c'est le système uninominal qui a donné naissance au Bloc québécois. Je crois par contre qu'avec un système proportionnel, il y aura un parti qui s'appellera « La C.-B. d'abord », et les gens de la Colombie-Britannique comprendront qu'avec le nombre de sièges qui leur sont attribués, ils ne formeront jamais l'opposition officielle, mais que, dans un Parlement minoritaire, ils pourraient jouer un rôle déterminant pour le maintien au pouvoir d'une coalition ou pour sa défaite, et ils pourraient même influencer le gouvernement fédéral pour qu'il favorise la Colombie-Britannique. Et nous allons ensuite avoir également un parti « L'Alberta d'abord ».
    En fait, cela renforcerait probablement la position du Bloc. Je crois que c'est là le danger. En Israël, un parti des retraités est apparu, mais pour les questions essentielles comme la guerre et la paix, ce parti n'avait aucune position. Il voulait simplement consolider la situation des retraités.

  (1525)  

[Français]

     Merci. Je dois vous arrêter ici pour donner la parole à M. Deltell.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, soyez les bienvenus dans votre Parlement. C'est toujours très impressionnant d'avoir une telle qualité au pied carré autour de la table. Merci beaucoup de votre contribution à la démocratie canadienne et à l'exercice que nous tenons en cette belle journée de juillet. Il ne fait pas beau ici, à Ottawa, mais il fait quand même beau dans cette salle.
    Messieurs, vous avez dit beaucoup de choses dans vos témoignages. S'il y a des points de vue que je ne partage pas du tout, il y en a toutefois un sur lequel je suis tout à fait d'accord.

[Traduction]

    M. Carty a déclaré au début de son exposé qu'il n'y avait pas de système parfait. Il faut comprendre que nous essayons simplement de trouver la meilleure solution pour les Canadiens parce qu'il n'y a pas de système parfait. S'il y en avait un, nous l'aurions déjà adopté.

[Français]

    La publicité d'un commerce du Québec dit: « Si ça existait, on l'aurait. » Si le système parfait existait quelque part, on l'aurait. Nous sommes tout à fait conscients

[Traduction]

il n'y a pas de système parfait.

[Français]

    Par contre, il y a quelque chose qui m'a vraiment surpris et que j'aimerais approfondir avec vous, monsieur Wiseman.

[Traduction]

    Vous avez parlé de tenir un vote libre et vous avez dit que vous n'étiez pas contre un vote libre, mais vous avez ajouté que, s'il y avait un vote libre, rien ne changerait. J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet. J'aimerais en entendre davantage. Comment pouvez-vous en arriver à cette conclusion aujourd'hui?
    J'ai conclu que... Écoutez, j'aimerais beaucoup avoir tort, et j'ai tort 70 % du temps, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de candidats libéraux qui ont insisté sur cet aspect du programme du Parti libéral ou qui ont déclaré que c'était un aspect essentiel pour eux. La plupart des gens qui sont ici n'ont pas été élus à la majorité. Ils regardent la situation et ils savent comment ils ont été élus. Ce serait donc prendre un risque que d'avoir un tel vote.
    Vous allez vous déplacer. J'aimerais revenir sur la question des moyens à utiliser pour savoir ce que pensent les Canadiens. M. Carty a parlé des limites associées aux assemblées publiques. J'ai une suggestion à faire. Que tous les députés envoient un bulletin parlementaire à leurs électeurs. Vous allez connaître la situation. Posez-leur une question précise à ce sujet et je crois que vous allez constater que les électeurs ne s'en soucient pas beaucoup. Bien sûr, les gens qui répondent à ces bulletins et sondages ont fait un choix, mais vous serez peut-être surpris par le petit nombre de réponses que vous allez obtenir.
    Je ne suis absolument pas d'accord lorsque vous dites qu'il n'y aura pas de vote libre ou que, s'il y en a, nous allons perdre. En ce qui me concerne, je dirais tout d'abord que nous sommes toujours libres de voter. Quelle que soit la question mise au vote, nous sommes toujours libres. L'essentiel est de laisser la population décider. Je suis d'accord avec vous lorsque vous avez dit que les libéraux — et je ne vais pas parler pour eux, pour ces personnes qui se trouvent devant moi — savent que leurs électeurs ne s'intéressent pas beaucoup à cette question. J'ai une citation pour vous. Le député d'Hamilton-Est—Stoney Creek a déclaré il y a quelques semaines:
Ce n'est pas quelque chose dont on a parlé pendant la campagne... Quand j'ai fait du porte-à-porte, je ne souviens d'aucune conversation qui ait porté sur cet aspect.
    C'est clair, c'est très très clair. Je peux vous dire que c'est exactement la même chose dans ma circonscription de Louis-Saint-Laurent et dans la région de la ville de Québec. Depuis que le Comité a commencé à siéger, personne ne m'a parlé de cette question, à part ceux qui font de la politique.
    Mais vous savez que le sujet dont nous parlons est très grave. Nous parlons de prendre une grande décision. C'est la raison pour laquelle il est très important, tout du moins si nous suivons votre conseil, si nous appliquons ce que vous nous dites, ne pas avoir un vote libre...
    [Note de la rédaction: inaudible] vote libre.
    Mais vous avez dit, ne tenez pas un vote libre parce que vous pourriez perdre.
    Non, essayez. Je pense simplement que la proposition sera rejetée. Je suis en faveur d'un vote libre. J'aimerais beaucoup que vous teniez un vote libre.
    Ce n'est pas exactement ce que vous avez dit au début...

  (1530)  

    Eh bien, excusez-moi.
    ... mais je suis content de savoir que vous avez changé d'idée.
    Le fait est que, si nous n'avons pas un vote libre sur cette question et si nous ne tenons pas de référendum, en fin de compte, il n'y aura qu'une seule personne qui va décider, ce sera le premier ministre, et nous savons ce qu'il pense.
    Le premier ministre a déclaré à plusieurs reprises avant de devenir chef de son parti, avant de devenir premier ministre, qu'il était très favorable, et qu'il est toujours très favorable, au vote préférentiel. C'est son choix. Je le respecte. Mais lorsque vous êtes premier ministre et que, comme vous l'avez fort bien décrit, vous détenez le pouvoir comme le fait un premier ministre, toutes les décisions sont prises par une seule personne. Est-ce juste? Est-ce démocratique? Je ne le pense pas. C'est pourquoi nous sommes en faveur d'un référendum. Pas vous?
    Cette question me paraît plutôt rhétorique et le temps de parole est écoulé.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Nous allons passer à Mme Romanado.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Ma question s'adresse à M. Carty.
    Dans votre étude intitulée Political Turbulence in a Dominant Party System (Turbulences politiques dans un système axé sur le parti dominant), vous avez écrit que la politique électorale canadienne était à la fois régionale et volatile et que cette lutte volatile entre plusieurs partis dans des circonscriptions uninominales entraînait un fort taux de renouvellement des députés de la Chambre des communes.
    J'aimerais vous poser deux questions.
    Avez-vous un système électoral préféré qui atténuerait cette volatilité et refléterait les préférences politiques locales et régionales?
    Deuxièmement, pensez-vous que le système électoral actuel reflète à la Chambre des communes les nombreux clivages sociaux qui existent au Canada?
    Je ne pense pas avoir un système préféré. J'ai fait tout ce que j'ai pu pendant une dizaine d'années pour ne pas en avoir un, pendant la période où je travaillais avec les citoyens de la Colombie-Britannique.
    Franchement, je sais quels sont les avantages qu'offre un système de RPM ou un système de VUT, option dont vous entendrez parler, je crois, demain matin, ou un système à liste fermée, que quelqu'un a décrit comme étant un système dans lequel tous les candidats qui se présentent dans le pays figurent sur la feuille et l'électeur en choisit un et cela se traduit...
    Il existe des centaines de possibilités et chacune d'entre elles exige des compromis. Si vous donnez un peu plus d'importance à la proportionnalité, alors vous perdez un peu sur le plan de la représentation locale ou si vous donnez un peu plus de choix aux électeurs, alors vous réduisez un peu la capacité des partis à exercer une discipline sur leurs membres. Tous ces systèmes font appel à des compromis. Je n'ai pas de système préféré.
    La grande réussite du système canadien des partis est, à mon avis, qu'il a empêché que les clivages énormes, les divisions que l'on retrouve au Canada se reflètent dans notre Parlement et que nous obtenions un pays incapable de fonctionner.
    Les nouveaux démocrates constituent un type de parti national cohérent. Je ne pense pas que nous souhaitions un système dans lequel les nouveaux démocrates du Leap Manifesto ou les nouveaux démocrates de Notley soient obligés de se présenter de façon indépendante parce qu'ils savent qu'ils obtiendraient davantage de votes dans différentes parties du pays, en s'appuyant sur différents secteurs de leur électorat. Une des forces de notre système, et de son fonctionnement, est qu'en fait, il a obligé les partis à faire beaucoup d'efforts pour empêcher que toutes ces divisions s'expriment, dans un pays qui évolue constamment.
    Le système politique canadien est une expérience tout à fait remarquable. Au XXe siècle, notre électorat s'est accru beaucoup plus rapidement que celui de n'importe quel autre pays, beaucoup plus rapidement qu'aux États-Unis. Nous sommes passés d'un pays composé de petites localités rurales à des villes les plus multiculturelles au monde. Quelle que soit la façon de mesurer la transformation qu'a connue le Canada, il est probable que notre ordre social démocratique a changé davantage que celui de n'importe quelle autre démocratie et nos grands partis nationaux ont quand même réussi à s'y adapter. Le système était différent pendant la Première Guerre mondiale, pendant la Deuxième Guerre mondiale et pendant les années 1960 et pendant les années 1980. Je pense qu'il a obtenu d'excellents résultats, je dois le dire.
    Les gens de Davos viennent de classer notre système de gouvernance au deuxième rang de tous les pays. Nous sommes au sommet des indices de développement politique des Nations unies. D'après la plupart des indices comparatifs, nous avons assez bien réussi. Le système électoral n'est pas le seul responsable de cette situation, mais c'est un des éléments. Si l'on commence à changer ces éléments, on commence à démolir ce système. C'est sans doute une opinion conservatrice avec un petit « c ».
    Ma question suivante porte sur un aspect auquel nous avons brièvement fait allusion, le vote obligatoire. Monsieur Wiseman, vous avez mentionné dans The Hill Times que, si les politiques voulaient vraiment améliorer la participation des électeurs, ils rendraient le vote obligatoire. Je pense que vous avez mentionné plus tôt que vous n'étiez pas favorable à cette solution.
    Ma question s'adresse en fait à tous les trois. Comment se présenterait un système de vote obligatoire au Canada, si nous devions en adopter un? Que pourrions-nous faire pour inciter les gens à voter ou les pénaliser s'ils ne le font pas? Quelle serait votre suggestion à ce sujet?

  (1535)  

    Le système qu'utilisent les Australiens donne, à mon avis, d'excellents résultats. La loi vous oblige tout simplement à vous rendre dans un bureau de scrutin et à déposer votre vote. Vous pouvez annuler votre bulletin de vote, si vous voulez. Vous pouvez écrire ce que vous voulez dessus, mais vous devez vous rendre dans un bureau de scrutin et prendre un bulletin. Ceux qui ne le font pas et qui n'ont pas d'excuse doivent payer une légère amende.
    La première fois, il y aurait sans doute un certain nombre de personnes qui ne voteraient pas, mais après un moment, les gens commenceraient à respecter la loi tout comme ils s'arrêtent au feu rouge et payent leurs impôts et font toutes les choses qu'ils sont tenus de faire. Ce serait sans doute un peu chaotique la première fois, mais comme n'importe quel changement — et nous avons parlé d'autres genres de changements — la population et les acteurs s'y adapteraient et il est probable que les campagnes électorales seraient sans doute fort différentes. Nous arrêterions d'essayer de mobiliser tous les électeurs parce que ces derniers se rendraient d'eux-mêmes dans les bureaux de scrutin; il ne serait pas nécessaire de dépenser de l'argent pour le faire. Les partis pourraient faire d'autres choses.

[Français]

     Merci.
    Voilà qui termine le premier tour de table. Nous allons commencer le deuxième tour par M. DeCourcey.
    Monsieur DeCourcey, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais revenir sur l'idée de donner davantage de choix aux électeurs. Avec toutes les suggestions que vous avez reçues des différentes commissions, assemblées, études, pensez-vous que la participation électorale augmenterait si les électeurs pouvaient cocher davantage de cases, exprimer plus facilement leurs préférences? Est-ce que le fait de passer d'un système que les gens comprennent facilement à un autre grâce auquel les électeurs pourraient exprimer des préférences entraînerait une plus grande complexité? Troisièmement, le jour des élections, au moment du comptage des résultats, à quoi est-ce que les électeurs pourraient s'attendre s'ils ont utilisé un bulletin de vote dont ils pouvaient cocher plusieurs cases, qui offrait des choix multiples, voire deux processus d'élection distincts?
    J'aimerais que M. Tanguay commence.
    Pour ce qui est de ce qui se passerait le jour des élections, il est vrai que le comptage des votes prendrait sans doute plus de temps. C'est un des désavantages des choix multiples. Avec le VUT, cela prend parfois plus de temps. Le comptage des bulletins est beaucoup plus complexe et beaucoup plus lent.
    Cela augmenterait-il la participation? La plupart des études comparatives semblent démontrer que le système proportionnel entraîne une augmentation de la planification de six ou sept points de pourcentage. Cela vient peut-être du fait, encore une fois, que l'assemblée législative élue reflète davantage de courants d'opinion, ce qui attire davantage d'électeurs dans les bureaux de scrutin, mais ce n'est pas une règle scientifique. Si l'on prend l'expérience de la Nouvelle-Zélande, la participation des électeurs a augmenté au cours des premières élections utilisant le nouveau système, une représentation proportionnelle mixte, à partir de 1996, mais cette participation a chuté par la suite. Les contraintes, les facteurs, la dynamique qui font baisser la participation électorale ne se limitent pas au système électoral. Si vous voulez vraiment comprendre la situation, il faut en réalité essayer de savoir ce que pensent les jeunes, de connaître les raisons pour lesquelles ils ne sont pas aussi nombreux à voter que nous, les boomers vieillissants, pensons qu'ils devraient l'être.
    Personnellement, j'estime que, si nous offrons plus de choix aux électeurs, et je vais simplement faire un commentaire personnel... Je pense qu'on nous a beaucoup parlé jusqu'ici de la crainte de ce que pourrait entraîner un changement: les partis nationaux disparaîtraient, les partis marginaux se multiplieraient. Le système tel qu'il est a bien fonctionné, mais vous devez vous demander pour qui? Je crois qu'il y a un groupe qui a toujours été exclu par ce système et c'est celui des jeunes. Je crois que, si l'on facilitait l'entrée en lice de nouveaux partis, de partis non traditionnels, cela mobiliserait davantage les jeunes et les amènerait à participer au système alors qu'ils ne le font pas actuellement.

  (1540)  

    Je vous remercie.
    Avec le temps qui me reste, je vais m'adresser à M. Carty.
    Je crois que les données relatives à la participation électorale sont très complexes. Je crois que vous allez entendre un peu plus tard cette semaine André Blais. Je crois qu'André est une des personnes qui en sait plus que n'importe qui sur la participation électorale et les systèmes électoraux; je vous recommande donc d'écouter ce qu'il vous dira.
    L'assemblée des citoyens en C.-B. a choisi le vote unique transférable, à la surprise générale, parce qu'ils pensaient que cela leur donnerait davantage de choix, parce qu'ils pouvaient choisir à la fois les candidats et les partis dans l'ordre qu'ils préféraient. Il est vrai que le comptage des votes est plus compliqué. Les Irlandais utilisent ce système pour leurs élections nationales et attendent le lendemain pour compter les votes; dans certains districts, il faut deux ou trois jours pour compter les votes. Il y a quelques années, ils ont utilisé dans certaines circonscriptions un dispositif de comptage des votes électronique, ce qui leur a donné des résultats instantanés, mais ils n'ont pas vraiment aimé ce système. Ils aiment bien en fait ces une ou deux journées où ils se demandent « qui est en tête après le premier comptage, qui est en tête pour le deuxième comptage », ce qui leur permet de se rassembler et de regarder l'opération se dérouler. Ils ont donc vendu toutes ces machines, en faisant une grosse perte, et ils ont maintenant abandonné le comptage des votes par machine électronique.
    Ils ont toutefois compris que le processus électoral avait une dimension sociale qui les concernait tous, et que le décompte des bulletins en faisait partie, tout comme celui des votes.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Reid.
    Merci.
    Je ne sais pas si vous avez la réponse à cette question, monsieur Carty. En Irlande, il y a des circonscriptions plurinominales; je pense que leurs limites sont les mêmes que celles des comtés traditionnels. Avec le système irlandais, comment choisit-on les candidats élus lorsque chaque parti en présente plusieurs dans une même circonscription? Est-ce que c'est un processus interne aux partis ou plutôt un processus démocratique?
    Cela a évolué. Les limites des circonscriptions suivent de moins en moins celles des comtés, parce que la population est plus mobile et qu'ils ont moins bien réussi à le faire. Les partis n'adoptent pas tous le même système pour choisir leurs candidats. Dans le cas d'une circonscription, disons, à cinq députés, les partis ne vont pas présenter une liste de cinq candidats, parce qu'ils savent que les résultats seront proportionnels. Si un parti pense qu'il a la possibilité de faire élire trois de ses candidats, il va probablement en proposer trois. Il ne voudra pas gaspiller des votes au moment du recomptage. Dans l'ensemble, les partis utilisent maintenant le mécanisme des assemblées — qui n'est pas très différent du nôtre — pour choisir leurs candidats. Ce choix était effectué différemment auparavant, par section; ils ont maintenant des assemblées.
    Les choses se sont compliquées l'année dernière parce qu'une loi nouvelle exige que 30 % des candidats soient des femmes. Pour la prochaine élection, ce sera 40 %. Les partis peuvent bien sûr écarter cette règle, mais s'ils le font, ils n'ont plus droit au soutien financier que leur accorde le système. Dans un certain nombre de circonscriptions, pour être sûr que le parti respecte un quota, les responsables ont dû expliquer qu'il fallait présenter deux candidats dans cette circonscription, et que l'un serait une femme et l'autre un homme, ou des choses du genre. Il y a donc eu certaines tensions entre le parti central et le parti local, comme il y en a dans de nombreux systèmes proportionnels, pour ce qui est de choix des candidats et de la façon de le faire.
    Ce serait en fait un des principaux changements — si nous changions le système électoral ici — auquel les partis devraient s'habituer: le processus de sélection des candidats, la façon de le faire. Cela susciterait beaucoup de conflits à l'intérieur des partis pour la première ou pour les deux premières élections.
    Monsieur Tanguay, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait il y a un instant et poursuivre les remarques de M. Carty. Vous avez déclaré qu'en 2007, une des leçons tirées du référendum qui a eu lieu en Ontario était que la population avait tendance à rejeter les listes contrôlées par les partis. Certaines personnes ont-elles voté non en 2007 parce qu'elles estimaient que la liste utilisée dans le système de RPM qui était proposé en Ontario allait être contrôlée par les partis? J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    C'est exactement ce qui est arrivé. Je pense que les deux aspects de la proposition qui ont été particulièrement critiqués étaient, premièrement, l'augmentation du nombre des députés — un aspect qui a vraiment contrarié beaucoup de gens — et deuxièmement, le système de liste fermée. Les médias ont décrit ce système de façon très négative; ils ont affirmé qu'il permettait à des hommes travaillant en coulisse, habituellement mâchouillant des cigares, de placer leurs amis en haut de la liste et de les faire ainsi élire à perpétuité. Il a été très facile pour les médias de dire que la liste fermée était, par nature, une mauvaise solution. Je dois néanmoins mentionner pour défendre l'assemblée de citoyens et des personnes qui ont travaillé pour elle — je sais que Jonathan Rose va comparaître devant le Comité — que la liste fermée avait au départ comme objectif de favoriser les candidats non traditionnels, elle devait faciliter l'augmentation du nombre des femmes, des membres de minorités ou des Autochtones élus. Cependant, une forte majorité d'électeurs qui devaient se prononcer sur les avantages du système lui-même ont écarté cette idée.

  (1545)  

    Cet aspect fait ressortir une tension qui existe, je crois, depuis quelque temps. Je sais qu'il est possible de concevoir un système de RPM avec liste ouverte, où les noms sont choisis selon un processus démocratique. Par contre, cela voudra presque certainement dire — et corrigez-moi, si je me trompe — qu'un des principaux avantages de la RPM, à savoir qu'elle va permettre à un éventail de candidats beaucoup plus large, qui actuellement ne sont pas représentés, de se trouver en haut de la liste et donc, d'avoir de bonnes chances d'être élus, sera en réalité supprimé. Je ne sais pas s'il existe une façon de contourner cette difficulté; c'est vous le spécialiste.
    Vous avez tout à fait raison. Les listes tout à fait ouvertes ne supprimeraient pas, mais limiteraient la possibilité de mettre de l'avant des candidats non traditionnels. C'est pour cette raison que la Commission du droit a adopté la liste flexible, qui combine les meilleurs aspects de ces deux variantes, partie deux, puisque les partis pourraient représenter une liste composée principalement de candidats non traditionnels et ensuite des candidats individuels pour les électeurs qui veulent vraiment pouvoir empêcher les élites des partis de contrôler cet aspect.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Cullen.
    Voilà une jolie transition entre cette conversation et une autre question posée sur Twitter, où nous avons la cote, je vous le dis en passant, monsieur le président. Je ne sais pas si vous le savez. Le Comité a la cote. Il y a beaucoup de choses qui se passent et nous sommes presque en haut de la liste.
    Cela provient de Chardaye B. Le fait que les femmes et les minorités soient mieux représentées dans les assemblées législatives pourrait-il influencer les grandes orientations politiques?
    Y a-t-il un lien entre les systèmes électoraux — et je vais dire que je le suppose — et la représentation des groupes qui sont traditionnellement sous-représentés?
    Monsieur Wiseman, vous semblez vouloir intervenir.
    Je voulais simplement vous dire ce qui était arrivé en Nouvelle-Zélande — d'après ce que je sais — lorsque la RPM a été introduite. Le nombre des femmes élues a augmenté, cela est certain, mais je vous pose la question? Ce n'est pas le Parlement qui a le pouvoir. C'est le Cabinet. Il y a eu moins de femmes au Cabinet parce que les chefs de partis ont fait des compromis au sujet du nombre des postes du Cabinet que chaque parti allait obtenir et que c'étaient eux qui allaient décider qui allait les occuper.
    À l'heure actuelle, il s'exerce des pressions sur le premier ministre pour qu'il diversifie son cabinet, mais les pressions sont de nature tout à fait différente lorsqu'elles résultent d'un marchandage entre les partis.
    J'essaie de vous suivre. Si quelqu'un me dit que le fait de faire élire davantage de femmes au Parlement n'est pas une bonne chose pour les femmes au pouvoir... Je sais que vous avez pris un exemple très précis, à savoir la situation en Nouvelle-Zélande, mais les autres systèmes que nous avons étudiés aujourd'hui montrent le contraire; dans ce cas, les femmes occupent des postes beaucoup plus élevés avec les systèmes proportionnels.
    Je ne sais pas. Je dis simplement que la dynamique est différente. Ce sont les partis qui souhaitent placer en grand nombre des femmes et des représentants des minorités en haut de leur liste, mais ce sont les chefs de partis qui se réunissent après le vote, lorsque le gouvernement est minoritaire, et qui disent, très bien...
    D'accord. J'en conviens, mais nous sommes quand même en 2016. J'imagine que, si les chefs de partis proposaient un groupe de — excusez-moi — vieux députés blancs dans leur cabinet, et personne d'autre, il pourrait y avoir une conséquence naturelle la prochaine fois que les électeurs seraient appelés à voter.
    Si nous pouvions...
    J'aimerais m'adresser à M. Tanguay pour un moment.
    Vous avez réparti tous ces systèmes en deux familles, deux systèmes électoraux. J'essaie de prendre un peu de recul par rapport aux détails, pour obtenir une vue d'ensemble. Il y a les démocraties qui fonctionnent au consensus et ce sont celles qui utilisent des systèmes majoritaires. Le système uninominal est le deuxième, le majoritaire. Où se situe le vote préférentiel?
    Majoritaire.
    Il fait partie de la même famille que le système majoritaire uninominal.
    Oui, comme le système français à deux tours.
    Très bien. C'est la même chose. C'est un système où le gagnant rafle tout.
    Oui.
    Les autres familles, le VUT, la RPM, tous ces systèmes sont proportionnels, ce que vous appelez des « démocraties par consensus ». Est-ce bien exact?
    Oui.
    Je voulais simplement préciser quels étaient ces groupes. Ils se mélangent parfois un peu.
    Vous avez parlé de la tension qui existerait au sein des partis, si nous adoptions un système proportionnel dans lequel il y aurait des listes ainsi que des mises en candidature au sein des partis pour établir ces listes, dont nous avons parlé, et peut-être des scrutins régionaux de ballottage. Mais à l'heure actuelle, il existe bien évidemment des tensions entre les partis et leurs membres lorsqu'il s'agit de choisir des candidats. Cette remarque vous paraît-elle juste?

  (1550)  

    Bien sûr, il faut alors se demander dans quel contexte ces tensions vont s'exprimer et quelles seront les règles qui leur seront applicables avec le nouveau système électoral.
    Oui.
    Il y aura toujours des tensions et chaque système favorise certains types de comportements et récompense certaines stratégies et en désavantage d'autres. Lorsque nous parlons de changer un système électoral, nous ne parlons pas simplement de règles en matière de comptage, nous parlons des mises en candidature et des finances, de tous les aspects, parce que les règles changent les motivations des différents acteurs.
    Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Tanguay. J'ai pris un peu de recul et maintenant, j'aimerais aller un peu dans les détails.
    M. Kingsley a proposé un système mixte, dans lequel les circonscriptions seraient plus étendues dans les zones urbaines du Canada, puisqu'elles regrouperaient en une seule, quatre ou cinq circonscriptions. Une telle zone élirait quatre ou cinq représentants et le résultat serait davantage proportionnel. Il soutient que les circonscriptions rurales devraient elles demeurer pratiquement inchangées, ce qui supprimerait la nécessité de retracer les limites des circonscriptions ou de les modifier profondément.
    Avez-vous des commentaires à faire sur cette proposition?
    Elle est intéressante. M. Wiseman a, je crois, mentionné que c'était le système qui a été utilisé dans certaines provinces de l'Ouest à partir des années 1920. C'est une idée intéressante. Je propose que les gens examinent ce que fait le Mouvement pour la représentation équitable au Canada; il propose un système assez semblable, mais qui vise davantage à obtenir des résultats équilibrés, autrement dit, des résultats qui seraient plus proportionnels que le système que vous décrivez.

[Français]

     Merci.
    La parole est maintenant à M. Thériault.
    Que de choses à dire!
    D'abord, j'aimerais dire à mes collègues M. Blaikie et Mme May, qui ont relevé le vote de 1993 du Bloc québécois, qu'ils ne devraient pas considérer cela comme étant, en quelque sorte, une aberration régionale. Je vous fais remarquer que je suis souverainiste, comme tout le monde le sait; ne tombez pas de votre chaise.
    Les juges de la Cour suprême, au paragraphe 164 de l'arrêt Figueroa, disent ceci:
Notre système fédéraliste représente peut-être la manifestation la plus remarquable de l’importance attachée à la représentation politique des intérêts régionaux au Canada.
    Plus loin, ils citent ainsi les Pères de la Confédération:
[...] « toute proposition qui impliquerait l’absorption de l’individualité du Bas-Canada, ne serait pas reçue avec faveur par le peuple de cette section » et, dans les provinces maritimes, bien que la langue et le système juridique fussent les mêmes que dans le Haut-Canada, « il n’y avait [...] aucun désir de perdre leur individualité comme nation » [...]
    On pourrait toujours dire qu'au-delà des considérations quantitatives, ce qui s'est passé en 1993 a été tout simplement la manifestation qualitative de la dynamique politique canadienne, après deux tentatives pour rétablir quelque chose au niveau canadien qui se sont soldées par un échec. La nation s'est exprimée et a pu former l'opposition officielle. Il n'y a là rien d'aberrant. En 2011, la même chose s'est produite: il y a eu une volonté de la part d'une région, soit le Québec, de donner une chance à la vague orange.
    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de système parfait. Ce qui me préoccupe, ce ne sont pas les principes, mais la façon de s'y prendre. Au Québec, le projet de réforme s'est échelonné de 2003 à 2007. Quand nous avons fait le tour du Québec en un an, nous avions déjà un avant-projet de loi. Nous avions donc un modèle et nous consultions les gens sur quelque chose de précis. Or là, nous sommes devant rien. Nous allons consulter les gens dans 338 circonscriptions, mais pour leur demander quoi? Allons-nous leur demander quel mode de scrutin ils veulent?
    Vous nous dites que personne ne s'intéresse à cela et qu'on doit faire de l'éducation politique. Je veux bien, mais c'est complexe. En même temps, comment peut-on penser changer les règles démocratiques de notre société sans laisser le peuple trancher les avantages et les inconvénients, puisqu'il n'y a pas de mode de scrutin parfait? Je vous demande de répondre à cette question.
    Si ce n'est pas un débat d'experts ni un débat de politiciens, comment peut-on penser que de simplement faire de l'éducation pendant un nombre de mois donné pourrait justifier qu'on change les règles, et ce, sans référendum? Les gens qui voteraient la prochaine fois ne sauraient même pas comment le vote fonctionne.

  (1555)  

[Traduction]

    Nous changeons constamment les règles en matière d'élection, et nous ne tenons pas de référendum. La Loi sur l'intégrité des élections n'a pas été adoptée à la suite d'un référendum. La Loi sur les dépenses d'élection qui est entrée en vigueur en 1974, et qui, pour la première fois, a prévu d'inscrire le nom des partis sur le bulletin de vote, n'a pas fait l'objet d'un référendum. L'élargissement de la Chambre des communes — et je crois que la plupart des Canadiens sont contre l'ajout de sièges au Parlement du Canada — n'a pas fait l'objet d'un référendum.
    C'est la raison pour laquelle vous êtes élus. Vous êtes élus pour élaborer des politiques et non pas pour essayer de deviner ce qui est populaire. C'est la raison pour laquelle je suis en fait surpris — ou pas surpris, mais là, je suis cynique — par le fait que votre comité ait été mis sur pied, que vous allez vous rendre dans différentes régions, parce que je crois que, si le gouvernement voulait vraiment changer le système, il présenterait un projet de loi, s'il voulait vraiment savoir ce que pensaient les parlementaires, il leur permettrait de voter librement sur cette question.
    Puis-je dire un mot du vote obligatoire? Je considère que le vote est davantage un droit qu'un devoir, mais je ne suis pas contre l'idée de le rendre obligatoire. C'est que je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt de la plupart des députés de procéder ainsi.
    Au lieu d'une pénalité, comme cela se fait en Australie — où, je le mentionne en passant, la participation des électeurs n'est guère supérieure à 80 %, je crois... En Nouvelle-Zélande, où le vote n'est pas obligatoire, la participation à certaines élections a atteint 98 %. Plutôt que d'imposer une pénalité, à laquelle il est possible d'échapper en présentant une excuse, il faudrait utiliser une carotte. Le Parlement a accordé tant de crédits d'impôt à la pièce. Donnez-leur 20 $ ou 30 $. À l'heure actuelle, chaque bulletin de vote coûte environ 30 $.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme May.
    Je vais commencer par poser une question tirée de Twitter, parce que je ne veux pas l'oublier.
    Elle s'adresse à M. Tanguay et elle est posée par Jennifer Ross; elle veut savoir ce que vous pensez des gouvernements minoritaires qui décident de travailler en s'entendant avec un autre parti, sans qu'il y ait une coalition officielle. Avez-vous des idées là-dessus?
    Dans l'histoire de l'Ontario, il y a eu un cas de ce genre entre 1985 et 1987. Du point de vue des électeurs, je dirais que cela a été une bonne chose, un accord d'une durée de deux ans entre le NPD et les libéraux au pouvoir qui ont fait adopter une bonne partie des demandes du NPD, mesures qui étaient populaires auprès des électeurs, comme l'interdiction de la surfacturation par les médecins, une question d'actualité à l'époque. Le problème a été qu'au cours de l'élection suivante en 1987, juste après la fin de l'accord, le NPD a été laminé et les libéraux ont tiré tout le bénéfice de l'adoption de ces politiques qui avaient été proposées par le NPD.
    Le problème que pose ce type d'accord tient à la nature des gouvernements minoritaires, tels qu'ils sont influencés par les règles du jeu actuelles. Le premier prix est bien sûr un gouvernement majoritaire, de sorte que tous les partis ont intérêt à contrecarrer leurs opposants, et non pas de vraiment collaborer avec eux, de façon à gagner le gros lot à la prochaine élection.
    C'est effectivement ce que j'ai constaté pendant la période, très brève, pendant laquelle j'ai fait de la politique. Le système uninominal comporte des aspects qui n'incitent pas à collaborer avec les autres partis, ni même à reconnaître qu'ils ont parfois de bonnes idées.
    C'est tout à fait ça. D'après mon expérience personnelle, je dirais qu'il y a beaucoup d'électeurs qui trouvent cette situation très frustrante.
    Je vais maintenant passer à mes propres questions.
    J'aimerais revenir sur la remarque très provocatrice qu'a faite M. Wiseman, au sujet des choses nouvelles que nous pourrions apprendre et des consultations publiques. J'ai en fait envoyé un bulletin à tous les électeurs de ma circonscription. C'était un simple exposé de base sur la réforme électorale. J'ai reçu plus de 300 réponses individuelles, rédigées à la main et mises à la poste, et plus de 80 % des répondants voulaient se débarrasser du système uninominal à un tour.
    Mais sur le reste, les opinions divergeaient complètement, comme vous pouvez l'imaginer. Certains voulaient le VUT, d'autres la RPM, d'autres voulaient un système mixte. Dans l'ensemble, mes électeurs n'aimaient pas l'idée du vote obligatoire, ce qui est intéressant. Il s'agit de ma circonscription, Saanich—Gulf Islands.
    Par contre, pour ce qui est de consulter la population — et je suis convaincue que la consultation de la population est une bonne chose, je le dis en passant, et notre comité va faire tout ce qu'il pourra à ce sujet —, si je pense à l'assemblée des citoyens de la C.-B., à l'assemblée des citoyens de l'Ontario et au rapport de la Commission du droit de 2004, pensez-vous qu'il y a des leçons à tirer de tout cela et qu'il n'y a pas vraiment quoi que ce soit de nouveau et que nous devrions simplement oublier ces aspects et tirer des leçons?
    Je m'adresse à vous trois.

  (1600)  

    Je crois que vous allez réexaminer et revoir tous les aspects qui ont été abordés par la commission du droit, les assemblées de citoyens, la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick, tout le travail qui a été effectué au Québec dans l'ensemble de la province et la Commission royale de l'Île-du-Prince-Édouard. Tout ceci est du déjà vu par rapport à ce que nous devons apprendre et ce sont des documents officiels, de sorte qu'ils sont accessibles. Je crois que vous allez sans doute tenir des audiences, mais vous n'allez pas entendre quoi que ce soit que vous ne pourriez pas retrouver ailleurs.
    Si vous ne présentez pas au cours de ces réunions deux ou trois propositions précises — voici une idée pour ceci, cela; que pensez-vous de ces trois propositions; quels sont les avantages et les inconvénients des principaux systèmes auxquels faisait référence M. Cullen —, je ne crois pas que vous entendrez des choses utiles ou obtiendrez des éléments supplémentaires.
    Je crois qu'il reste encore assez de temps pour entendre M. Tanguay et ensuite M. Wiseman. Je vais suivre cet ordre.
    Je crois qu'il est tout à fait possible que vous appreniez des choses nouvelles et que c'est bien ce qui va se passer. Il s'est fait beaucoup de choses dans le monde de la réforme électorale et de la recherche depuis 2002 ou 2003, lorsque tout ce processus a démarré au palier provincial. Je pense que ceux qui se consacrent à l'élaboration de systèmes électoraux ont tiré des leçons de l'expérience de la Nouvelle-Zélande ainsi que de celle d'autres pays qui ont changé leurs systèmes. Je crois qu'avec la prochaine série de consultations, vous allez obtenir des propositions plus intéressantes et plus solides.
    Je suis optimiste pour ce qui est des commentaires que vous allez recevoir.
    J'ai appris des choses à la suite de votre rapport sur vos électeurs de Saanich—Gulf Islands, qui sont très atypiques. En fait, ils ont élu une députée verte. Y a-t-il un autre endroit au Canada où cela ait été fait? Je ne sais pas ce qu'ils fument là-bas, mais cela dit...
    Un instant, il y a...
    Nous n'aurons pas le temps de savoir ce que vous alliez dire, parce que la période de cinq minutes est écoulée.
    Nous allons maintenant passer à Mme Sahota.
    Je voulais poursuivre sur la question qu'a posée mon collègue M. DeCourcey.
    Monsieur Wiseman, vous n'avez pas eu la possibilité d'y répondre. Je vous rappelle que sa question était à peu près la suivante: si l'on donne davantage de possibilités sur le bulletin de vote et davantage d'options, comment cela va-t-il influencer la participation ou les résultats des élections. Vous n'avez pas eu la possibilité de répondre à cette question et c'est pourquoi je voulais vous la poser.
    Je ne suis pas sûr d'avoir entendu... Vous demandiez si, en offrant toutes ces options, cela pourrait augmenter la participation électorale?
    Oui et aussi, la façon dont cela pourrait influencer les résultats électoraux.
    Eh bien, cela va influencer les résultats électoraux parce que les candidats seront obligés d'effectuer toutes sortes de calculs et d'élaborer toutes sortes de stratégies différentes. Vous n'allez pas dire du mal des autres si vous voulez obtenir leur vote en second choix, par exemple.
    Je pense que cela n'influencera aucunement la participation des électeurs. Je regarde la Nouvelle-Zélande. Entre 1946 et 1996, la participation s'est située, en Nouvelle-Zélande, entre 84 et 98 %, selon le site Web que j'ai consulté. Depuis 1996, il n'y a eu qu'une seule élection pour laquelle la participation ait été supérieure à 80 %. Elle est descendue jusqu'à 74 %.
    C'est pourquoi je ne pense pas vraiment que cela ait un effet sur la participation des électeurs et c'est là-dessus que j'aimerais adopter une position vraiment provocatrice. Je ne m'inquiète pas autant que les autres de la participation des électeurs. M. Tanguay m'a enseigné que la participation électorale diminuait dans les démocraties occidentales depuis les années 1970, de sorte que le Canada n'est pas un cas exceptionnel. Il se pourrait également que la faiblesse de la participation électorale ne fasse que refléter le fait que les gens pensent qu'il importe peu de savoir qui va être élu, que leur qualité de vie, leur bien-être matériel ne changera pas beaucoup.
    Il y a aussi un autre facteur. Il est vrai que les jeunes votent moins que les adultes, mais je dirais que les jeunes participent davantage à la vie politique qu'auparavant, mais que cette participation s'exprime autrement. Ils deviennent membres d'ONG. Ils deviennent membres de Greenpeace. Ils font de la recherche pour le Sierra Club. Ils participent à des débats et les études qu'a faites Élections Canada le démontrent.

  (1605)  

    J'aimerais poser maintenant une autre question.
    Nous avons beaucoup parlé des valeurs canadiennes. J'aimerais vous donner à tous les trois la possibilité d'exprimer... Nous avons une idée de ce que vous préférez, mais si vous pouviez le dire encore une fois, nous dire quel est le système que vous préférez, sans penser aux défauts qu'ont tous les systèmes, et nous dire ce que, d'après vous, le Canada n'acceptera jamais et ce qui ne pourra jamais fonctionner au Canada.
    Je ne pense pas que le système uninominal donne de bons résultats, mais je crois que les Canadiens le préfèrent parce que c'est celui qu'ils connaissent. Les gens préfèrent conserver le système actuel, même s'il est insatisfaisant, plutôt que de faire un saut dans l'inconnu, parce qu'ils ne s'intéressent pas aux systèmes électoraux. Chaque fois que je fais des conférences, non seulement à des groupes de personnes âgées, mais dans ma propre classe, les étudiants me disent, je ne comprends pas vraiment comment cela va fonctionner. Eh bien, je ne comprends pas vraiment comment fonctionne le système de l'impôt sur le revenu, mais je remplis ma déclaration.
    J'aime le système qui était utilisé au Manitoba, peut-être parce que je le connais bien. Dans cette province, Winnipeg était une circonscription plurinominale de 10 députés. Les intérêts de la population qui habite, disons, à Spadina—Fort York, ne sont pas si différents que ceux des personnes qui vivent à côté, à Davenport ou à l'endroit où je vis, University—Rosedale. De la même façon, les intérêts des personnes qui vivent dans Papineau ne sont pas très différents de ceux de leurs voisins de Rosemont—La Petite-Patrie, mais ces intérêts collectifs sont très différents des personnes qui vivent en Abitibi—Témiscamingue ou à Kenora.
    J'estime que le vote préférentiel pourrait se justifier à l'extérieur des grandes villes. Dans les grandes villes, on pourrait avoir une seule circonscription de grande taille, ou dans des villes comme Toronto, Montréal ou Vancouver, peut-être trois ou quatre circonscriptions. Ce système a semblé donner de bons résultats au Manitoba. La seule évaluation que j'ai examinée, celle de Tom Peterson, indiquait que ce dernier pensait que les résultats étaient proportionnels et ne favorisaient aucun parti en particulier. Je dois néanmoins reconnaître qu'à l'époque, il y avait beaucoup d'élections par acclamation dans les régions rurales; c'était une coalition qui était au pouvoir.
    Un autre aspect, que nous ne pouvons pas reproduire maintenant, est que, depuis 1974, le nom des partis figure sur les bulletins de vote. C'est un élément d'importance considérable parce que, lorsque les gens vont voter, ils ne connaissent peut-être pas le nom du candidat, mais si votre nom figure à côté du mot « libéral » et qu'ils savent que Justin Trudeau est un libéral, ils savent ce qu'ils veulent. La plupart des gens apprennent vraiment pour qui ils votent lorsqu'ils se rendent dans le bureau de scrutin.
    J'aime le fait qu'auparavant l'électeur était obligé de s'informer parce que deux candidats pouvaient se présenter et un disait « Je suis le candidat conservateur » et l'autre disait « Non, non, j'ai assisté à une assemblée et c'est moi, le candidat conservateur. » Les gens décident qui sera le candidat conservateur s'ils veulent voter conservateur. À l'heure actuelle, c'est le chef de parti qui a le dernier mot.

[Français]

     Merci.
    Nous passons maintenant à M. Kenney.

[Traduction]

    Merci.
    Je voulais simplement poursuivre au sujet de l'affirmation qu'a faite récemment M. Wiseman lorsqu'il a déclaré que les modifications habituelles des lois électorales n'étaient pas très différentes d'une modification radicale du système. Vous ne trouvez pas que cette comparaison est boiteuse? N'est-il pas un peu hypocrite de dire que les modifications habituelles que chaque législature examine et adopte sans que personne ne propose de tenir un référendum ne sont pas différentes d'un changement radical dans la façon dont nous choisissons nos représentants élus que nous envoyons au Parlement?
    Cela dépend de l'ampleur... Oui, c'est un changement. C'est un changement important. Je suis partisan du gouvernement responsable. C'est la raison pour laquelle vous avez été élu. Au cours de la campagne électorale, je n'ai pas entendu de parti ou de candidat dire que si les électeurs votaient pour lui qu'il tiendrait un référendum au sujet de la réforme électorale. Et j'ai voté pour vous, et je n'ai pas envie de me retrouver encore une fois dans un bureau de scrutin.
    Vous n'avez donc pas lu la déclaration d'orientation du Parti conservateur qui demandait la tenue d'un référendum sur ces questions.
    Je ne l'ai pas entendu mentionné une seule fois pendant la campagne.
    À peu près aussi souvent que le Parti libéral a mentionné sa volonté de changer le système.
    D'accord.
    Merci.
    M. Tanguay a fait allusion à la distinction que l'on fait couramment entre les démocraties majoritaires et les démocraties de consensus. N'est-il pas vrai qu'en général, les démocraties de consensus, tel que les identifient en général les spécialistes, ont tendance à être de petits États relativement homogènes à la différence des démocraties majoritaires, qui ont tendance à avoir une population plus importante et plus diversifiée?

  (1610)  

    Pas tous, non.
    Non, ma question portait sur une tendance. Je n'ai pas posé de questions sur tous les États.
    Je ne...
    Le Benelux et les pays scandinaves, notamment, ont tendance à rechercher le consensus; les États à populations plus nombreuses et les fédérations ont tendance à...
    L'Allemagne.
    Oui, voilà votre exception. Je posais une question au sujet de la règle et non pas au sujet des exceptions.
    La France... non, pas la France.
    C'est peut-être une tendance, oui. Il est vrai que le modèle nordique s'appuie sur une population assez homogène, c'est exact.
    Parfait.
    Vous avez à peu près décrit les démocraties de consensus comme des États bucoliques, où tout le monde était heureux...
    Encore une fois, nous parlons de tendance...
    De tendances, très bien.
    ... ce qu'indique clairement Lijphart.
    Vous avez déclaré que c'était la tendance ou la règle générale. N'est-il pas également vrai que la plupart des démocraties qui sont dysfonctionnelles font partie de la catégorie des démocraties de consensus? À l'heure actuelle, l'Espagne serait un assez bon exemple de ce genre. Je ne sais pas si vous avez déjà visité la Knesset, mais on ne peut pas dire que, dans le système israélien, fondé sur la représentation proportionnelle, le discours politique soit particulièrement courtois.
    C'est de l'histoire ancienne, monsieur Kenney. L'exemple d'Israël ou vous auriez dû prendre celui de la République de Weimar qui a élu Hitler, ce sont là des exemples qui...
    Pour le compte rendu, c'est vous qui avez parlé de cela, monsieur Tanguay.
    ... qui sont cités par ceux qui craignent la réforme électorale, mais ce n'est pas juste. Ce n'est pas exact. Le fait de citer Israël montre que vous n'êtes pas vraiment ouvert à avoir une discussion au sujet de l'intérêt d'une réforme électorale, vous êtes dès le départ opposé à l'idée. Cela est tout à fait clair.
    Je ne suis donc pas sérieux parce que je me pose des questions au sujet des démocraties de consensus qui ne fonctionnent pas de la même façon dont elles devraient, d'après vous, fonctionner...? Très bien...
    Oui.
    ... je vous remercie.
    N'est-il pas vrai qu'il y a eu au Royaume-Uni, il y a quatre ans, je crois, un référendum sur la modification du système électoral?
    Oui, c'est exact.
    Quel en a été le résultat?
    La réforme a été rejetée.
    Quel a été le résultat des référendums qui ont été tenus en Colombie-Britannique, en Ontario et dans l'Î.-P.-É.?
    L'un a réussi, en Colombie-Britannique, comme vous le savez fort bien, même si le 58 %...
    Et le second...?
    Comme je l'ai mentionné dans mes propres remarques, le référendum ontarien a échoué de façon tout à fait spectaculaire, tout comme le second en Colombie-Britannique.
    Et dans l'Î.-P.-É. et en Ontario.
    Et dans l'Île-du-Prince-Édouard.
    Vous pensez donc que ces gens se sont trompés. Vous voulez simplement continuer à en tenir jusqu'à ce qu'ils comprennent.
    Je ne dis pas qu'ils se sont trompés, mais la campagne référendaire, puisque j'y ai participé, n'a pas permis de tenir un débat de bon niveau au sujet du système, au sujet des différentes options, et encore une fois, les prises de position partisanes ont eu tendance à vicier le débat.
    Je vois. Il est donc facile de tromper les électeurs, est-ce bien ce que vous dites?
    Quelquefois, pas toujours.
    Je vois. Vous voulez continuer à organiser des référendums jusqu'à ce que les électeurs comprennent ou jusqu'à ce que tout simplement la nécessité de tenir un référendum disparaisse.
    Monsieur Kenney, je pense que c'est une réforme importante pour la démocratie et c'est pourquoi je continuerai à militer en faveur de la réforme électorale.
    Cette réforme de la démocratie est-elle tellement importante qu'il n'est pas possible d'en discuter démocratiquement en tenant un référendum?
    Comme je l'ai dit, cela est possible, une fois qu'elle aura été mise en place pour la tenue d'élections.
    Après...
    Nous allons maintenant devoir donner la parole à M. Aldag.
    Je vous remercie.
    Un des éléments du mandat de notre comité concerne l'efficacité et la légitimité. Lorsque j'ai fait du porte-à-porte avant les élections, un certain nombre de mes électeurs m'ont effectivement déclaré qu'ils voulaient un changement. Ce changement ne concernait pas nécessairement l'aspect dont nous parlons en ce moment, la réforme électorale, mais ils se posaient des questions au sujet du système en place et il y avait une sorte de cynisme pour ce qui est de savoir s'ils pouvaient faire connaître leur point de vue et si leur vote comptait vraiment. C'est un message qui m'a été répété constamment.
    On m'a toutefois également dit que les gens avaient confiance dans le système actuel. Nous envisageons d'aller de l'avant pour essayer de mettre en oeuvre certains principes, l'efficacité et la légitimité, mais nous tenons compte également de votre commentaire selon lequel il n'existe pas de système parfait; voilà ce qui me préoccupe et j'aimerais avoir vos idées là-dessus. Comment concevoir le changement à apporter?
    Je crois que cette question touche en fait la notion de confiance. Comment aborder le débat sur la réforme électorale en sachant que de nombreux Canadiens souhaitent un changement même s'ils ont confiance dans le système actuel? Comment faire bouger les choses? Comment proposer quelque chose de différent, tout en préservant la confiance? Quels sont les conseils judicieux que vous pourriez nous donner pour que nous puissions réformer cet élément très important de notre démocratie?

  (1615)  

    Je ne dirais pas que je suis en mesure de vous donner des conseils sur la façon de persuader la population qu'elle devrait continuer à avoir confiance. Je pense que la confiance s'établit lorsque les gens voient qu'il y a un processus légitime, qu'il y a un débat libre et ouvert et que personne n'essaie de les manipuler. Il me semble que le système ne pourra acquérir une certaine légitimité qu'après qu'il ait été essayé un certain nombre fois et que les gens aient pu constater qu'il fonctionne, qu'il fonctionne de façon équitable par rapport à leurs attentes et à leurs valeurs. Ils pourront alors constater qu'il fonctionne différemment.
    Les résultats ne seront probablement pas très bons la première fois. Nous avons appris qu'au cours de la première élection en Nouvelle-Zélande, la plupart des partis et des candidats avaient fait des choix qui étaient en fait irrationnels qui allaient à l'encontre de leurs intérêts immédiats parce qu'ils n'avaient pas très bien compris comment le système allait fonctionner. C'est un processus d'adaptation entre les politiques et les électeurs et ils doivent apprendre à travailler ensemble dans un contexte tout à fait différent, composé de contraintes et d'incitatifs institutionnels. Il y aura beaucoup d'incertitude. On se posera des questions sur la légitime et l'efficacité, mais cela est inévitable lorsqu'on introduit une réforme institutionnelle fondamentale. Le mieux est d'adopter un processus ouvert et aussi transparent que possible. Prévoir un vote libre au Parlement sur cette question serait un message en ce sens.
    Les référendums vont soulever des questions complexes parce que tout le monde estime que c'est un sujet important. Il y aura des questions au sujet des résultats auxquelles il sera difficile de répondre. Est-ce qu'une majorité de 50 % dans un référendum serait suffisante? Que se passerait-il si toute la population qui réside à l'est de la rivière des Outaouais votait contre un système électoral différent et si tous ceux qui résident à l'ouest de la rivière des Outaouais votaient en faveur d'un tel système? Cela poserait alors un problème de légitimité.
    C'est la raison pour laquelle nous avons appliqué cette double norme extraordinaire en Colombie-Britannique. Je ne sais pas si c'est la bonne solution, mais il y a la perception qu'une approbation à 50 % ne serait pas suffisante, si l'ensemble de Vancouver voulait une chose et que toutes les régions rurales voulaient autre chose. Ce sont là des problèmes réels.
    Encore une fois, il faut de l'ouverture, de la transparence et utiliser un processus qui permette clairement de prendre en compte tous les points de vue et de les concilier, en acceptant toute une série de compromis, ce qui est inévitable. Personne n'obtiendra tout ce qu'il souhaite avec un tel processus. Ce ne pourrait être un processus dans lequel tous les gens obtiendraient tout ce qu'ils souhaitent, mais il faut un processus qui s'accompagne de compromis qui semblent à tous justes, raisonnables et conformes à ce que la population estime acceptable.
    Est-ce que l'un des deux autres témoins a des idées sur cette question?
    Je pense que le système actuel est très efficace. Il y a une personne qui détient beaucoup de pouvoir, comme l'a fait remarquer un des membres du Comité. Notre système est tout à fait légitime et si nous modifions le système électoral, celui-ci sera toujours probablement efficace et légitime. Il y aura une période de transition. Je crois que les commentaires qu'a faits M. Carty sont très judicieux, vraiment judicieux.
    La question de la confiance touche peut-être davantage des situations où tout d'un coup l'économie est florissante, et les gens ont confiance dans le gouvernement et si ce n'est pas le cas, ils n'ont plus confiance. À l'heure actuelle, la plupart des gens font confiance au gouvernement.
    Nous allons passer à M. Blaikie.
    Je vous remercie.
    Je ne suis pas officiellement membre du Comité et je vais donc prendre quelques libertés et vous demander s'il serait préférable, à votre avis, que le Comité présente un ensemble de principes ou de lignes directrices au sujet de ce que serait un bon système ou si vous estimez qu'il serait préférable que le Comité présente un projet concret de système électoral et qu'il demande ensuite au gouvernement de l'accepter ou de le rejeter. À votre avis, qu'est-ce qui serait préférable du point de vue du processus?
    La dernière fois, nous avons commencé par M. Wiseman. Nous pourrions peut-être commencer par M. Carty et revenir ensuite à ce dernier.
    Si le Comité en arrive à la conclusion qu'il serait souhaitable d'adopter un système électoral particulier, il serait très utile que le Parlement tienne un grand débat — un genre de débat sur les principes qui se fait en deuxième lecture — et décide si c'est vraiment la réforme à effectuer.
    La RPM, si vous la proposez, est un système complexe. Je me souviens que, lorsque l'assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique a élaboré son système de RPM, il a fallu prendre 17 décisions distinctes au sujet des éléments fondamentaux de ce système et il restait des aspects secondaires. Chaque fois qu'une de ces décisions était prise, elle avait des répercussions sur les 17 autres éléments du système de la RPM.
    Je crois donc qu'il serait bon d'avoir un débat préliminaire pour décider si l'on choisit un système uninominal, un système préférentiel ou un système avec compensation, comme le proposait la Commission de réforme du droit ou un système avec VUT, ce qui ferait beaucoup avancer les choses. On pourrait ensuite avoir un débat sur les aspects plus concrets, et c'est là que la discussion sera vive parce qu'il s'agira des intérêts des députés, des intérêts financiers, du financement, de l'enregistrement des associations locales, etc. Tous ces acteurs vont être profondément touchés par les détails, mais il faut d'abord adopter un principe — quel genre de système adopter — avant d'en arriver là.

  (1620)  

    Pour l'essentiel, je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Carty a dit. Il serait préférable d'expliquer les principaux modèles possibles. Cela revient à la question que Mme Sahota a posée plus tôt: qu'est-ce qui n'est pas acceptable au Canada? Eh bien, la RP par liste n'est pas acceptable. Le système israélien n'est pas non plus acceptable, ni celui des Pays-Bas. Tout système qui n'offre aux électeurs qu'un seul choix pour un parti est inacceptable.
    Les options sont très claires: vote préférentiel avec des circonscriptions uninominales, une combinaison du vote préférentiel avec le VUT dans les circonscriptions plus importantes, la représentation proportionnelle mixte ou aucun changement. Je crois que, si vous présentez aux électeurs les principales options et qu'il y a un débat équitable et transparent à ce sujet, cela ne pourrait qu'être utile à votre comité et aussi, au gouvernement.
    J'ai une grande confiance dans les membres du Comité. On vous a donné comme mission de consulter et d'écouter et c'est ce que vous allez faire.
    Vous allez devoir vous réunir. Vous allez devoir vous réunir à huis clos et essayer d'en arriver à un consensus. Si vous y parvenez, je crois que vous devriez le faire savoir au gouvernement et formuler vos recommandations. Elles pourraient proposer un vote libre, un référendum, ou l'adoption d'un système particulier. Il faut faire quelque chose.
    Cela fait 20 ans que l'on parle de modifier le système électoral; rien de concret n'a été fait. On continue à discuter.
    Vous savez tous, évidemment, que la composition du Comité est particulière. Pensez-vous que le Comité devrait être préservé en attendant qu'il puisse examiner le projet de loi que le gouvernement présentera? Autrement, ce projet de loi sera renvoyé à un autre comité de la Chambre et nous savons que ces comités sont composés d'une majorité de membres du gouvernement. À votre avis, serait-il souhaitable, du point de vue de la légitimité du processus, qu'un comité composé comme celui-ci examine le projet de loi, lorsque nous aurons un projet concret ou de confier cet examen à un comité normal de la Chambre?
    Un des grands avantages qu'offre votre comité vient précisément de sa composition ainsi que de ses règles en matière de vote. Je pense que le mieux à faire pour le processus serait de conserver le Comité.
    Si le Comité réussit à faire avancer le débat, alors il devrait être préservé. S'il arrive à une impasse et constate qu'il n'est pas en mesure de recommander quoi que ce soit, alors il faudrait peut-être utiliser un autre mécanisme.
    Monsieur Blaikie, il vous reste environ 15 secondes. Je ne sais pas si vous voulez intervenir.
    Non, c'est très bien. Merci.

[Français]

     Monsieur Deltell, c'est votre tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, messieurs.
    Monsieur Tanguay, tout à l'heure, vous avez dit qu'un gouvernement de coalition serait peut-être mieux pour la démocratie canadienne, parce que cela permettrait aux partis de faire des compromis, et ainsi de suite.
    Au cours des 100 dernières années, il y a eu 28 élections au Canada. Une seule fois, le parti ayant récolté le plus grand nombre de votes s'est retrouvé dans l'opposition. C'était en 1979. Pour la petite histoire, le gouvernement a duré neuf mois. Par contre, il y a uniquement trois gouvernements qui ont obtenu plus de 50 % du vote.
    Donc, cela veut dire que notre système a toujours fonctionné avec des gouvernements majoritaires ou essentiellement majoritaires alors que ces derniers n'avaient pas la majorité absolue. Cependant, ils avaient 100 % du pouvoir, comme vous l'avez dit plus tôt, même s'ils n'avaient pas récolté 100 % des votes ou même moins que 50 %.
    Malgré cela, estimez-vous que notre démocratie s'est quand même bien portée au cours des 100 dernières années?
    Oui, il est évident que notre démocratie a bien fonctionné.
    Selon mon expérience à la Commission du droit du Canada et du référendum en Ontario, je crois que notre système pourrait fonctionner plus efficacement, surtout pour ce qui est de l'inclusion des représentants et des différentes opinions au sein de l'électorat.
    Il ne fait aucun doute que la démocratie canadienne est un succès. Cependant, notre système présente des problèmes ou des failles, si je puis dire. On pourrait y remédier en réformant tout simplement le système électoral afin qu'il soit plus proportionnel. Cela ne veut pas dire pour autant que le Canada fonctionne mal.

  (1625)  

    Pensez-vous qu'il vaille la peine de faire un changement aussi radical que celui-là? Vous avez vous-même dit qu'il était important pour...
    Je conteste l'utilisation du mot « radical », qui a été employé maintes fois ici. Plusieurs pays ont réformé leur système électoral. Ce n'est pas une réforme aussi radicale que cela. En fait, il s'agit d'ajuster la mécanique pour convertir les votes en sièges, c'est tout.
    Le système actuel nous a quand même assez bien servis. Le Canada jouit d'une bonne stabilité politique et d'une économie qui se tient bien. Ultimement, cela va bien, et ce n'est pas moi qui le dis, mais M. Nelson Wiseman. Le 13 mars 2008, il a dit ceci à un comité du Sénat:

[Traduction]

Je pense que le système actuel nous a assez bien servi... Nous avons une bonne stabilité politique et notre économie est dynamique...

[Français]

    Êtes-vous d'accord sur cela?
    Oui, mais il faut se demander pour qui cela fonctionne.
    Cela fonctionne pour les Canadiens, monsieur. On appelle cela la démocratie.
    Cela ne fonctionne pas pour tous les Canadiens. Le fait qu'il y ait un intérêt pour une réforme électorale indique que cela ne fonctionne pas pour tout le monde.
    La base de mes recommandations est qu'un système proportionnel pourrait servir beaucoup plus de personnes, surtout les jeunes et les gens dont les opinions ne sont pas au centre de l'échiquier politique, telles que celles du Parti vert. Il doit y avoir plus de représentants du Parti vert à la Chambre des communes.
    Mon Dieu, on sait pour qui vous allez voter la prochaine fois. Je n'y vois pas de problème, c'est la démocratie qui s'exprime.
    J'estime que le changement proposé au système électoral représente beaucoup plus qu'un mot qu'on ajoute sur un bulletin de vote. C'est beaucoup plus important que cela. Le changement que ce gouvernement nous invite à faire est radical quant à la façon de voter des citoyens.
    Ce n'est pas radical.
    Ah oui?
    Non.
    Ce n'est tellement pas radical, monsieur, que le directeur général des élections demande au moins deux ans pour se préparer.
    Au cours des années, on l'a fait maintes fois au Canada, à l'échelle provinciale...
    Il demande deux ans pour expliquer aux gens comment cela va fonctionner, et vous trouvez que ce n'est pas radical?
    Je vous prie de m'excuser, monsieur Deltell. Nous devrions permettre à M. Tanguay de répondre avant de passer à la question supplémentaire.
    Allez-y, monsieur Tanguay.
    Au Canada, par le passé, on a changé maintes fois le système électoral à l'échelle provinciale, et ce, sans référendum.
    Est-ce qu'on proposait de changer la façon de choisir les députés, comme ces gens le proposent?
    Oui. C'était le système tel que décrit par Nelson Wiseman.
    Cependant, quand on a consulté la population, celle-ci a dit qu'elle n'en voulait pas.
    Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Vous qui êtes de francs partisans de la démocratie, vous ne voulez pas qu'on consulte les gens sur un changement démocratique aussi important — et là, je n'emploie pas le mot « radical », pour vous faire plaisir.
     J'ai déjà répondu à cette question, à maintes reprises.
    Oui.
    Nous allons donc passer à Mme Romanado, qui aura l'honneur de poser la dernière question.
    Vous avez la parole, madame Romanado.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    En fait, monsieur Tanguay, vous n'avez pas eu la possibilité de répondre à ma question précédente au sujet du vote obligatoire. Je voulais simplement vous donner la possibilité de répondre à cette question. Si nous devions choisir cette solution, quel serait le modèle canadien, la carotte ou le bâton?
    Encore une fois, je n'ai pas fait personnellement beaucoup de recherche sur cette question, et je répéterais simplement ce qu'a dit M. Carty. Le système australien utilise un peu le bâton. J'ai du mal à prendre au sérieux la proposition qui consiste à donner aux gens un crédit d'impôt s'ils ont voté. Je crois qu'il faudrait plutôt leur imposer une légère pénalité s'ils ne votent pas. Encore une fois, je crois que c'est le système australien qu'il faut retenir.
    Ma question s'adresse maintenant aux trois témoins. À votre avis, quel est le système électoral qu'il conviendrait de mettre en oeuvre pour qu'il reflète la composition de la société canadienne actuelle? Je crois que c'est M. Tanguay qui a déclaré que nous devrions favoriser la représentation démographique, et le reste. Quel est, d'après vous, le modèle qui refléterait le mieux la composition démographique actuelle du Canada?

  (1630)  

    Ce serait une version du modèle qui est décrit dans le rapport de la Commission du droit du Canada. La solution à retenir serait, d'après moi, une forme de représentation proportionnelle mixte. Encore une fois, cela ne sera pas parfait. Il y aura toujours des défauts dans le système électoral, mais je crois qu'il représenterait, mieux que le système actuel, davantage de secteurs de la société, qu'il produirait un Parlement qui représenterait de façon plus diversifiée les différentes catégories de la société. Dans l'ensemble, je pense que la RPM est le système qui s'impose. Il n'est pas parfait, mais il serait meilleur.
    Plus j'entends parler de la RPM, moins je l'aime. Une des raisons en est que j'ai entendu beaucoup de gens dire que le député local est un élément qui est important pour eux. Mais encore une fois, c'est la raison pour laquelle je crois que c'est le système dont je parle qui paraît le plus attractif. Si vous habitez dans une grande région urbaine, peu importe que le député représente Davenport ou Spadina—Fort York; les problèmes sont les mêmes. Par contre, si vous habitez à l'extérieur de ces villes, c'est un aspect essentiel. Si vous habitez à Dauphin, ou à Salmon Arm, vous voulez savoir qui est votre député. Le problème avec la RPM est qu'il y aura deux catégories de député; un qui s'occupera des passeports, des questions d'immigration et de vétérans et l'autre sera une star qui s'occupera simplement de politique étrangère ou de défense.
    Un autre aspect est que, si vous voulez tenir un référendum, pourquoi celui-ci devrait-il coûter 300 millions de dollars? Pourquoi cela prendrait-il un an et demi ou deux ans? Pourquoi cela prendrait-il autant de temps? La Grèce a décidé de tenir un référendum le 27 juin 2015 et elle a voté le 5 juillet. C'est parce que vous avez adopté des règles coûteuses et très complexes en matière d'élections et de référendums. Personne ne pense que le vote des Grecs n'était pas démocratique.
    Allez-y, monsieur Carty.
    Je ne pense pas qu'il y ait un système qui serait meilleur. Chaque système est différent. Il produira une chambre différente. Il faut donc se demander ce que nous pensons des élections. Que sont-elles et à quoi servent-elles? En partie, elles doivent produire une assemblée représentative, mais il s'agit également d'établir un lien entre les citoyens et le gouvernement. Les élections sont-elles une série d'affrontements individuels ou reflètent-elles des affrontements plus diffus et qu'est-ce que nous en pensons?
    Je disais souvent à mes étudiants quelque chose comme ça: « Qui devrait gagner la coupe Stanley? Est-ce que cela devrait être l'équipe qui a gagné le plus de parties ou celle qui a marqué le plus de buts en sept parties? » Ils me répondaient « L'équipe qui a gagné le plus de parties », et je disais: « Que se passerait-il si nous modifions les règles et que nous jouions sept parties? L'équipe qui a marqué le plus de buts devrait gagner. » Ils me disaient que ce n'était pas juste et je leur demandais pourquoi.
    Cela dépend de la façon dont nous concevons la chose. Nous pensons que les séries de la coupe Stanley consistent à gagner des parties et maintenant, nous considérons que les élections sont des luttes locales. Si vous en gagnez plus que les autres, vous avez gagné. Si nous changeons le système, nous allons changer la façon dont nous concevons les élections et ce qu'elles sont. Nous allons abandonner cette comparaison avec le plus grand nombre de parties et adopter autre chose. Ce ne sera pas un système où l'on compte le total des buts parce que cela serait une pure RP par liste au niveau national comme les Pays-Bas ou Israël, mais ce serait quelque chose entre les deux.
    Il s'agit de savoir comment nous concevons la tâche à accomplir. Il s'agit d'imaginer une nouvelle façon de la concevoir, c'est ce qui vous a été demandé.
    Nous sommes des Canadiens et il est donc tout à fait approprié que nous finissions par le hockey.
    Des voix: Oh, oh!

  (1635)  

[Français]

    Je tiens à remercier les témoins et à souligner qu'ils sont venus comparaître devant nous en cette dernière semaine de juillet.
    Je vous remercie d'avoir participé à cette discussion vive, agréable et franche. Je crois pouvoir dire, au nom de tous les membres du Comité, que nous avons tiré profit de cette discussion.

[Traduction]

    Je vous remercie d'avoir eu avec nous une discussion très animée. Cela nous a permis de préciser les questions qui nous sont soumises. Encore une fois, je vous remercie d'être venus pendant la dernière semaine de juillet.
    J'aimerais rappeler aux membres que notre réunion de demain commence à 9 h 30. Elle ne se tiendra pas ici, mais au 1, rue Wellington.
    Je mentionne pour les membres du comité de direction que nous allons faire une pause de 15 minutes et reprendrons ensuite la séance à huis clos.
    Merci encore aux membres du Comité et aux témoins. Nous nous reverrons pour la plupart demain.
    La séance est levée.
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