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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 073 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Bonjour, tout le monde.
     Bienvenue à la 73e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 27 septembre 2017, nous étudions le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'autres lois en conséquence.
    J'ai appris que le député Cullen voudrait maintenant présenter une motion.
    Merci, monsieur le président.
    Notre comité a un mandat à remplir, et je suis certain que tout le monde le connaît bien. Il est énoncé au sous-alinéa 108(3)h)(vi). Je suis également convaincu que nous pourrions tous le citer de mémoire sans faire d'erreur, mais je vais vous le lire, tout simplement pour que mes collègues se souviennent du mandat du comité permanent:
de concert avec d’autres comités, l’étude de tout projet de loi ou règlement fédéral ou de toute disposition du Règlement qui a une incidence sur l’accès à l’information ou la protection des renseignements personnels des Canadiens ou sur les normes en matière d’éthique des titulaires de charge publique;
     Voilà de quoi notre comité a été chargé, et il convient donc de le faire ici. Certains auront remarqué que j'ai demandé au premier ministre de nous faire part de ses réflexions sur le sujet, pendant la période de questions, mais la période de questions n'est peut-être pas toujours le meilleur endroit où nous pouvons discuter, à la Chambre ou au Parlement. Ça l'est davantage ici, évidemment. Nous sommes un comité.
    Je présente donc la motion qui suit, et je suis curieux de connaître les commentaires de mes collègues à ce propos:
Que, conformément à l'article 108(3)h)(vi) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur la Loi sur les conflits d'intérêts et sur ses implications pour les titulaires d'une charge publique; que la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique soit invitée à discuter des recommandations présentées en 2013...

    — lesquelles ont si souvent été citées —
... dans le contexte de l'examen quinquennal de la Loi; que le ministre des Finances soit invité à expliquer les décisions qu'il a prises conformément à la Loi sur les conflits d'intérêts; et que cette étude commence dès que possible.
    Voilà la motion que je propose. Je tiens à agir de façon très prudente et dans le respect de nos témoins d'aujourd'hui. Je ne m'attends pas à ce que le débat soit très long, je voulais tout simplement déposer cette motion, entendre les commentaires de mes collègues et faire adopter ma motion.
    Je suis prêt à entendre tous les intervenants.
    M. Kent sera le premier.
    Je suis bien sûr d'accord avec l'intention de la motion de M. Cullen, mais je sais également que, même si nous devons agir conformément au paragraphe 108)3) du Règlement, au moment de sa création par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le mandat a été assorti d'une condition qui concerne la commissaire au conflit d'intérêts et à l'éthique. Si le conflit d'intérêts concerne un membre de la Chambre des communes, un membre précis, comme c'est de toute évidence le cas ici, selon moi, il doit faire l'objet d'une étude par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.
     Je crois que nous pourrions certainement convoquer la commissaire pour tenir un débat général, et nous pourrions bien sûr entreprendre une étude de cette loi. Toutefois, je crains que, si nous voulons discuter des déclarations que le premier ministre et le ministre des Finances ont faites en citant la commissaire — et nous aimerions certainement savoir si elle est d'accord avec la façon dont ils ont qualifié ses conseils, recommandations, et renseignements —, je crois que nous devrons nous en remettre au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

  (1535)  

    Nous avons tenu compte de cet aspect, Peter, tout simplement pour savoir à quel endroit il était le plus indiqué de le faire. Selon les conseils que nous avons reçus, même si cela pourrait se faire devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, comme la loi le prévoit parfois, le paragraphe 108(3) du Règlement nous donne au bout du compte, au regard des « normes en matière d'éthique des titulaires de charge publique », le pouvoir d'entreprendre un examen.
    Ce que nous essayons de faire, c'est, comme ma grand-mère disait, de ne « jamais gaspiller une bonne crise ». Si quelque chose va de travers, la pire chose à faire est de ne pas tirer de leçon de ce qui s'est passé. Nous voyons la façon dont on se sert de la commissaire à l'éthique... Elle est dans une situation bien inconfortable, parfois, monsieur le président, comme vous le savez, puisque lorsque les députés discutent avec elle, la conservation est par défaut d'ordre privé, ce qui nous permet de dire les choses. J'ai discuté avec elle en privé, et j'aimerais le faire en public. Je crois que cela aiderait tout le monde.
    Si nous ne tirons aucune leçon de tout cela, le problème sera que l'on envoie un message selon lequel les dispositions de la loi font en sorte que, par exemple, si je suis propriétaire d'une entreprise, mais que j'en fais une entreprise à numéro, je n'ai plus l'obligation éthique de le déclarer. Je n'ai plus les mêmes obligations relativement aux conflits d'intérêts, qui tiennent au code, une chose différente. Pourtant, le Comité a la responsabilité, en vertu du paragraphe 108(3), d'étudier, dans des moments comme ceux-là, et ce moment se présente en ce moment même, « les normes en matière d'éthique des titulaires de charge publique ».
    Je comprends que l'on puisse se demander s'il convient de le faire devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre ou devant notre comité. Nous comprenons assez clairement le paragraphe 108(3). Il parle des « normes en matière d'éthique des titulaires de charge publique », et nous pouvons donc étudier la question ici. La commissaire à l'éthique serait à coup sûr la première des témoins que nous voudrions convoquer.
    Monsieur Erskine-Smith.
    Je ne crois pas que quiconque, d'un côté ou de l'autre, hésite à convoquer à un moment donné la commissaire à l'éthique. Ce qui me préoccupe, c'est le temps que les témoins d'aujourd'hui ont à nous consacrer.
     Monsieur Cullen, vous avez dit que cet enjeu était devenu politique, pour la Chambre. C'est une chose que de discuter d'un règlement, mais s'il s'agit de politiser encore davantage la situation personnelle du ministre des Finances, et de le faire de façon parfois incroyablement injuste, à mon avis, je redoute que nous ne ferions que reproduire ici ce qui se fait pendant la période de questions à la Chambre.
    J'estime qu'il est approprié de convoquer la commissaire à l'éthique. Je ne crois pas qu'il soit nécessairement approprié de le faire maintenant, étant donné que nous avons une étude à poursuivre, et c'est pourquoi je propose que nous mettions la motion aux voix.
    Monsieur Erskine-Smith, ce n'est pas à moi de décider de passer au vote si le débat n'est pas terminé. Et le débat n'est pas terminé. Laissons-le se poursuivre. Nous passerons au vote lorsque le débat aura pris fin.
    C'est très bien.
    Monsieur le président, je l'ai déjà dit, je sais que nous recevons aujourd'hui des témoins très compétents et importants, pour discuter du projet de loi C-58. C'est le mécanisme dont nous disposons. Comme je l'ai dit dès le départ, je ne veux pas m'attarder sur cette question.
    De nombreux Canadiens nous posent des questions et font état de leur frustration, car ils veulent savoir ce que le règlement prévoit exactement et comment l'interprétation de ce règlement s'applique dans la vraie vie à nous, les titulaires de charge publique.
    Nous avons ici affaire à une situation qui, je crois, illustre certains des problèmes liés à la loi. Nous avons présenté une motion au Parlement. Je ne sais pas si les personnes ici présentes en ont parlé, mais, lorsque mes collègues en ont parlé, ils n'ont eu droit, de la part des députés d'en face, qu'à un discours où il était question de tout, sauf d'éthique, du code d'éthique et de déontologie.
     Nous avons essayé d'en débattre devant le Parlement. Nous avons essayé d'en débattre pendant la période de questions, en posant des questions simples et directes sur la divulgation, la propriété, les conflits d'intérêts. Je crois que l'on peut en toute équité affirmer que nous n'avons reçu aucune réponse. J'ai vu le ministre des Finances sur les ondes de la CBC, hier soir, qui répondait aux questions des médias. Il s'agissait de questions très directes; on ne lui a pas vomi dessus, on ne lui a pas demandé par exemple s'il avait vendu ses parts. Là encore, il n'a pas répondu.
    Si les comités ne sont pas le lieu d'une dénonciation, si le Parlement n'est pas le lieu d'une dénonciation et si les médias ne sont pas le lieu d'une réfutation, où faut-il alors aller? Le gouvernement ne peut quand même pas dire, dans les lettres de mandat qu'il remet aux ministres, que ces derniers doivent adopter un comportement qui « résiste à l'examen du public »... Je crois que c'est l'engagement que l'on demande de prendre à chacun des ministres de la Couronne. Mais le contraire a déjà été vrai. Le public n'a pas accès à toute l'information; nous ne pouvons pas savoir quelles règles d'éthique ont été transgressées. Nous ne pouvons pas non plus savoir qu'en disant tout simplement « la commissaire à l'éthique me l'a conseillé », alors que la commissaire à l'éthique ne nous a pas dit de quelle façon elle procède lorsqu'un député la rencontre et lui dit « Voici mes arrangements financiers »...
    J'ai des questions pertinentes, et je crois que tous les députés sont susceptibles d'avoir des questions pertinentes à lui poser, pour savoir comment elle gère les conflits d'intérêts. Par exemple, que fait-on lorsque la personne qui sert de rempart en matière de conflit d'éthique est son propre chef de cabinet, qu'on a soi-même embauché? N'y a-t-il pas ici une dynamique et une tension, quand une personne que vous avez embauchée est maintenant chargée de vous dire « non, non et non » sans vous donner d'explications?
    De telles choses, dont nous pensons que la Loi sur l'éthique contiendrait des dispositions légitimes propres à nous orienter, et dans le code de déontologie des députés, ajouterais-je, que l'on peut exploiter de façon toute simple, posant un geste assez courant... En fait, il n'est pas courant pour la plupart des gens de la classe moyenne, mais il est très courant dans le milieu des affaires. Il consiste à ouvrir un compte à numéro... Tout d'un coup, il n'y a plus rien à ce sujet dans notre code déontologique. Eh bien, c'est mauvais.
    Je crois que si le ministre des Finances désire — et je crois qu'il le désire sincèrement — se concentrer sur sa tâche, la gestion, l'administration et la réglementation du secteur financier — dans lequel il a des actifs, soit dit en passant, mais peu importe —, la meilleure façon pour lui de le faire, selon mon expérience, c'est de mettre les choses au clair, de le faire de son propre gré et de tout nous dire. S'il affirme qu'il n'y a pas là de conflit d'intérêts, il ne devrait pas avoir de problème à tirer les choses au clair, à faire preuve de transparence, ce dont il est aussi question dans sa lettre de mandat.
    Nous avons constaté qu'il fait l'inverse, pendant les débats à la Chambre, pendant la période de questions et dans ses échanges avec les médias. C'est pourquoi nous nous adressons au Comité, puisqu'un comité est un lieu de discussion, que nous convoquons des gens et que nous leur posons des questions.
     Je comprends ce qui préoccupe Nathaniel pour ce qui est de politiser la chose, mais le fait de voter contre la motion, de dire que nous n'avons pas la curiosité d'entendre la commissaire à l'éthique, que nous n'avons pas la curiosité d'entendre le ministre des Finances, est en soi un acte politique. Cela revient à dire que ces choses ne sont pas importantes, alors qu'elles le sont clairement pour tous ceux qui nous regardent.
    Si quelqu'un veut proposer un amendement pour faire avancer les choses, si quelqu'un connaît le moyen de résoudre le problème, j'aimerais qu'il le dise. Mais se contenter de s'opposer aux tentatives visant à corriger les failles dans la loi, toutefois... Il serait difficile d'en arriver à une autre conclusion que celle-ci: le gouvernement n'a pas le désir sincère de vider la question.

  (1540)  

    Monsieur Kent, allez-y.
    Eh bien, nonobstant la condition qui figure dans les documents, je serais certainement d'accord pour que l'on convoque la commissaire et que l'on entame une étude sur les failles qu'elle a relevées en 2013, et qui de toute évidence existent encore — nombre de ces failles n'avaient pas jusqu'ici été exploitées — et, du moins, que l'on commence à en discuter en comité, même si au bout du compte il se peut que ce soit devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre que des questions précises doivent être posées à des personnes précises.
    Nous serions favorables à la motion, si les gens sont intéressés à en discuter et si la préoccupation, advenant que le Comité convoque le ministre des Finances, comme le disait Nathaniel, a trait à une politisation de la question. Si cela ne suscite aucun intérêt — j'ai entendu Nathaniel le penser; je ne sais pas si ses collègues sont de son avis, mais je crois que c'est probable —, le fait de convoquer...
    Ils ne sont pas toujours d'accord avec moi.
    Est-ce vrai? J'avais entendu dire le contraire.
    Si le Comité était intéressé, tout simplement, à entreprendre une étude sur les préoccupations qui ont été soulevées à propos du code proprement dit, nous allons bien sûr reporter la motion sans demander la mise aux voix. Nous pouvons discuter en coulisse de la façon dont nous pourrions nous y prendre, si mes collègues sont d'accord.
    Vous retirez votre motion?
    Oui, je la retire, parce que je me soucie du temps et que, si les gens sont prêts et ouverts au dialogue, c'est certainement ce que nous allons faire, et nous trouverons un autre moyen d'arriver à nos fins. Nous pensions que c'était la façon la plus simple.
    Je présente mes excuses aux témoins.
    Le greffier vient de me dire que nous avons deux options: nous pouvons reporter le débat, ce qui exigerait 50 % des voix plus une ou retirer la motion, ce qui exigerait un consentement unanime.
    Que préférez-vous, monsieur Cullen?
    Je la retirerais, à la condition et en sachant que nous sommes tous d'accord sur le fait que nous devons trouver une façon d'amener la commissaire à l'éthique...
    Donc, le débat est reporté?
    Oui. La seule chose qui me préoccupe, si je retire la motion... Est-ce que cela m'empêchera de la soumettre de nouveau?
    Vous allez devoir la soumettre de nouveau.
    La soumettre de nouveau, ça n'est pas un problème. Nous n'aurions qu'à présenter un avis de motion.
    Vous êtes prêt à la retirer?
    Oui, je suis d'accord.
    Nous devons obtenir un consentement unanime pour qu'il puisse retirer sa motion. Est-ce que nous l'avons?
    Des députés: C'est d'accord.
    (La motion est retirée.)
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Merci aussi aux témoins de nous avoir permis de régler quelques affaires. Officiellement, la séance est ouverte.
    Nous accueillons Drew McArthur, du Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique, et Nick Taylor-Vaisey de l'Association canadienne des journalistes. C'est bien cela?

  (1545)  

    Nous accueillons Katie Gibbs, directrice exécutive, et Kathleen Walsh, directrice des politiques, de l'organisme Evidence for Democracy.
    Nous avons un petit problème de temps. Nous commençons à 15 h 45 alors que nous devions commencer à 15 h 30.
     J'aimerais savoir si les témoins seront d'accord pour rester un peu plus longtemps que ce qui leur avait été demandé au départ, à savoir jusqu'à 16 h 30?
    D'accord. Nous essaierons de prolonger la séance de 10 minutes. Cela devrait nous laisser assez de temps. Tout dépend de la direction que prendra le débat.
    Nous devons aller voter.
    Oui, et nous recevons aussi un deuxième groupe de témoins, ce qui complique un peu les choses.
    Nous devrions nous en sortir. Nous allons nous accorder cinq minutes de plus, si cela convient à tout le monde, et c'est parce que nous recevons des témoins.
    Drew McArthur, vous êtes le premier sur ma liste. Vous avez la parole, Drew.
    J'aimerais parler des modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur l'accès à l'information sous l'angle de la Colombie-Britannique. Je crois que je vais d'abord parler du champ d'application de la loi, de l'accès ouvert et transparent à l'information, idéalement, de façon que le public puisse s'intéresser au débat. Toutefois, nous estimons que la plus grande partie de la loi s'attache aux exceptions à l'accès, et je trouve un peu ironique que le gros de cette loi concerne des exceptions plutôt que l'accès, l'ouverture et la transparence.
    Dans cette perspective, c'est la même chose en Colombie-Britannique, mais, en ce qui concerne le droit à l'information et la présentation de demande, d'information, le projet de loi C-58 proposé semble exiger que l'auteur d'une demande de communication énonce le sujet précis de la demande, le type de document demandé ainsi que la période visée par la demande.
    La commissaire fédérale est d'avis que les exigences déjà prévues dans la loi sont suffisantes. Selon la loi de la Colombie-Britannique, une personne qui présente une demande de communication doit le faire par écrit, fournir suffisamment de détails pour qu'un employé d'expérience puisse retrouver l'information et adresser sa demande à l'organisme public qui, à son avis, possède cette information. Autrement dit, l'obligation d'aider est inscrite dans les lois, en Colombie-Britannique, et il est impossible de refuser d'aider un demandeur. Il nous faut l'aider à obtenir les documents qu'il cherche. Dans certains cas, si la demande n'est pas adressée au ministère compétent, elle sera transférée au ministère concerné; on ne répondra pas qu'aucun document pertinent n'a été trouvé.
     Le projet de loi C-58 prévoit le refus d'une demande de communication en permettant aux institutions de ne pas donner suite à une demande si cette dernière n'est pas assez détaillée, si le document a déjà été communiqué à la personne qui en fait la demande ou que celle-ci peut y avoir accès par d'autres moyens ou encore dans le cas où les documents seraient trop volumineux et que cela entraverait le fonctionnement de l'institution. La commissaire fédérale y trouve également matière à préoccupations étant donné que, à son avis, ces dispositions sont par trop générales.
    En Colombie-Britannique, les organismes publics doivent s'adresser à mon bureau pour obtenir l'autorisation de ne pas donner suite à une demande; dans de tels cas, nous procédons à un examen. Les organismes publics ont l'obligation d'aider le demandeur et, conformément à cette obligation, ils doivent lui demander plus d'information sur les documents qu'ils recherchent, et ce, dans le but de l'aider. Ils ne peuvent cependant pas lui demander pour quelle raison il veut obtenir ces documents.
    Les organismes publics peuvent exiger des droits pour répondre à une demande, sauf lorsque cette demande concerne les renseignements personnels du demandeur. Cela ajoute à l'obligation d'aider de l'organisme public, puisque ces droits permettent jusqu'à un certain point le recouvrement des coûts, de manière générale, mais pas tous, dans le cas des demandes qui pourraient autrement sembler entraver le fonctionnement de l'organisme; toutefois, ce n'est pas parce qu'elles pourraient sembler entraver le fonctionnement de l'organisme que cet organisme n'a pas à y répondre. Il arrive assez souvent que notre bureau reçoive des plaintes touchant le barême des droits qu'un organisme public voudrait exiger, et ces droits sont souvent en cause lorsque quelqu'un demande accès à certains documents.
     Quant à ce qui concerne l'application de la loi au Cabinet du premier ministre, au Parlement et aux tribunaux, le problème, c'est que le projet de loi C-58 ne s'applique pas à ces instances. Il prévoit bien sûr dans le mandat de ces entités la divulgation proactive de certains documents, mais dans des délais plus longs que pour les demandes de communication ordinaires. Le commissariat n'a aucun droit de regard sur le type d'information que ces entités devront divulguer de manière proactive, et une institution peut refuser de donner suite à une demande si elle a déjà divulgué l'information demandée.
    En Colombie-Britannique, la loi s'applique au Cabinet du premier ministre, aux ministres et aux documents du Cabinet, mais pas aux documents des tribunaux. L'accès aux documents détenus par ces ministères n'est pas illimité. Il y a des exceptions, et elles sont clairement énoncées dans notre loi.
    Par exemple, notre loi interdit à un organisme public de divulguer de l'information qui lèverait la voile sur la teneur des débats du conseil exécutif ou de l'un de ses comités, y compris des conseils, des recommandations, des considérations stratégiques, des projets de loi ou des projets de règlement qui sont présentés ou préparés en vue d'être présentés au conseil exécutif ou à l'un de ses comités.
    Le gouvernement reçoit tous les ans de nombreuses demandes d'accès aux documents détenus par ces entités gouvernementales, et ces documents sont essentiels au regard de la responsabilité et de l'objectif de la loi sur l'accès à l'information.
    Le projet de loi C-58 propose d'insérer dans la loi le passage suivant: « … d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions. » On propose d'insérer ce passage dans l'article sur l'objet de la loi. Et si c'est là l'objet, l'accès devrait être étendu aux entités où ces décisions sont prises.

  (1550)  

     En ce qui a trait au pouvoir de rendre des ordonnances, il est proposé de confier aux tribunaux la révision de novo des ordonnances de la commissaire à l'information en autorisant la présentation d'autres informations ou d'autres faits après une enquête de la commissaire à l'information. La loi de la Colombie-Britannique nous donne tous les pouvoirs de rendre des ordonnances, et ces ordonnances peuvent être enregistrées auprès de la Cour suprême. Les ordonnances sont émises par les arbitres, au terme d'une enquête et d'un processus de médiation. Il s'agit de procédés distincts. Il n'y a pas de chevauchement.
    Dans la plupart des cas, même si elles le peuvent, les parties ne demandent pas de contrôle judiciaire de nos ordonnances ou d'une décision de mon bureau. En Colombie-Britannique, à quelques rares exceptions près, par exemple lorsqu'un organisme public demande que certains documents soient protégés par le secret professionnel, les tribunaux ont déterminé que la norme à appliquer quand il leur faut examiner mes décisions, c'est celle du caractère raisonnable. Ils examinent toutes nos décisions et ordonnances en fonction du caractère raisonnable.
    Si la Colombie-Britannique adoptait le projet de loi C-58, rien n'inciterait plus les organismes publics à collaborer concrètement avec notre commissariat pendant une enquête ou à l'étape de la médiation. Quelque 95 à 99 % de nos enquêtes se règlent à l'étape de la médiation, et nous n'avons que rarement à recourir à des ordonnances. Ce processus est bien plus efficace, tant pour le demandeur que pour l'organisme public.
    Parmi nos autres sujets de préoccupation, il y a la période de transition. Certaines dispositions du projet de loi qui ont trait aux plaintes présentées au Bureau du commissaire à l'information ou au pouvoir d'enquêter du commissaire n'entreront pas en vigueur avant un an. Elles ne s'appliqueront donc qu'aux plaintes reçues après la date d'entrée en vigueur. En Colombie-Britannique, la loi a été modifiée en 2011 et elle est entrée en vigueur immédiatement après avoir obtenu la sanction royale. On dissipait ainsi toute incertitude que pouvaient avoir les demandeurs et le gouvernement quant aux exigences de communication selon les nouvelles conditions.
    J'aimerais dire quelques mots au sujet de la gestion de l'information. Aujourd'hui, le gouvernement affirme recevoir des demandes d'information qui pourraient viser des dizaines de milliers de pages. Il ne peut pas refuser de donner suite à ces demandes au motif de ce volume. En fait, nous les avons encouragés à communiquer les documents de façon progressive. Je note toutefois que, si les systèmes d'information conçus par les différents ministères pour gérer leurs activités avaient été pensés en fonction des exigences relatives à l'accès à l'information et à la transparence dans leur travail, l'effort exigé pour répondre à ces demandes serait bien plus léger et simple si les systèmes d'information avaient déjà prévu que ces renseignements pourraient devoir être communiqués.
    Cela n'a aucune utilité aujourd'hui, mais puisque nous concevons nos systèmes d'information pour l'avenir, il ne faut plus penser à protéger les renseignements personnels en visant d'abord et avant tout leur protection; il faut viser la transparence et la communication des documents aux personnes qui ont un motif valide de les demander en privilégiant l'accès.
    Je m'arrête ici.
    Merci.
    Merci, monsieur McArthur.
    Nous donnons maintenant la parole à Nick Taylor-Vaisey, pour 10 minutes, encore une fois.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le Comité d'avoir invité l'ACJ aujourd'hui.
    Je m'appelle Nick Taylor-Vaisey. Je suis le président de l'Association canadienne des journalistes. Je suis là aujourd'hui à ce titre, et je ne parle pas au nom de mon employeur, c'est-à-dire Rogers Communications et le magazine Maclean's.
    Aujourd'hui, je m'adresse à vous depuis Toronto, mais notre comité national comporte des représentants de presque toutes les régions du Canada. L'ACJ est une association qui est vraiment présente à l'échelle nationale et qui regroupe des journalistes actifs de partout au pays oeuvrant dans tous les types de médias.
    Avant de vous présenter mes réflexions sur la façon dont le Comité pourrait améliorer proactivement la réforme de l'accès à l'information présentée sous la forme du projet de loi C-58, je voudrais vous parler pendant seulement quelques secondes de l'ACJ.
    L'association a été fondée en 1978 sous le nom du Centre pour le journalisme d'enquête, organisme sans but lucratif qui encourageait et appuyait le journalisme d'enquête. Au fil des ans, nous avons élargi notre mandat, et nous offrons maintenant un perfectionnement professionnel de grande qualité, principalement à l'occasion de notre congrès national annuel, ainsi qu'un dynamique service de défense des journalistes.
    Nous comptons parmi nos membres certains des journalistes d'enquête les plus acharnés au pays, des journalistes qui ont lu les lois sur l'accès à l'information en long et en large et qui s'en servent activement pour étayer leurs articles. Ils servent l'intérêt public en dénichant les renseignements dont leurs lecteurs ont besoin pour être des citoyens informés.
    Comme vous le savez, parce qu'on le voit tous les jours, un excellent journalisme transforme les politiques publiques et améliore la vie des gens. Une loi efficace sur l'accès à l'information permet aux journalistes et, par extension, au grand public d'être mieux informés et fondamentalement, sert le droit de savoir du public.
    Le Comité est bien conscient de la nécessité de réformer l'accès à l'information. Vous avez étudié cette question de façon exhaustive et avez adressé des recommandations importantes et nécessaires au gouvernement. Vous vous penchez maintenant sur un projet de loi que le gouvernement a appelé « la réforme la plus complète de l'accès à l'information depuis une génération ».
    Bien entendu, la commissaire à l'information est d'un autre avis. Elle a affirmé que le projet de loi C-58 « entraînerait une régression des droits existants ». Heather Scoffield, de la Presse canadienne, vous a dit plus tôt cette semaine que son bureau d'Ottawa, l'un des plus actifs au Canada pour ce qui est d'avoir recours à la loi — les journalistes comme moi sont habituellement très jaloux du travail du bureau de la PC —, est « alarmé » de « voir que le gouvernement a d'autres moyens de nous refuser l'accès à l'information ».
    L'ACJ espère que le Comité s'affairera à modifier plusieurs aspects préjudiciables du projet de loi C-58.
    Le premier élément, c'est le fait que le gouvernement a promis d'augmenter le nombre de bureaux, y compris les cabinets des ministres, qui étaient assujettis à la loi. Le projet de loi C-58 soumet plutôt les cabinets des ministres à une divulgation proactive accrue. Vous auriez bien du mal à trouver un journaliste qui ne célèbre pas une divulgation proactive accrue. Le problème tient au fait que le gouvernement détermine ce qui est divulgué proactivement, et une solide loi sur l'accès à l'information fait pencher cette balance du pouvoir vers le public. L'ACJ exhorte le gouvernement à tenir sa promesse électorale et à soumettre les cabinets de ministres au droit à l'accès.
    Le deuxième élément, c'est que le projet de loi C-58 permettrait aux ministères de refuser de donner suite à des demandes jugées « vexatoires » ou « entachées de mauvaise foi ». La commissaire à l'information et le Comité ont tous deux recommandé au gouvernement d'ajouter au projet de loi une disposition relative à la « mauvaise foi ». Toutefois, la disposition proposée pourrait exclure des demandes qui ne comprennent pas certains critères étroitement définis, soit le sujet précis sur lequel porte la demande, le type de document demandé ou la période visée.
    Pendant que les journalistes font leur travail — notre travail —, ils n'ont pas toujours tous ces renseignements à leur disposition. Le fait de rejeter les demandes auxquelles il ne manque que certains détails au motif qu'elles sont vexatoires ou entachées de mauvaise foi est une exagération inutile. L'ACJ — tout comme la commissaire à l'information — exhorte le Comité à retirer ces éléments de l'article 6 du projet de loi C-58.
    Le troisième élément, c'est que le projet de loi ne confère pas au commissaire à l'information des pouvoirs efficaces pour rendre des ordonnances. Techniquement, il prévoit le pouvoir de rendre des ordonnances, mais la commissaire à l'information a critiqué le manque de mordant de cet élément du projet de loi C-58. Elle a également proposé une approche différente qui permettrait de lui conférer de véritables pouvoirs d'application, et l'ACJ appuie ces recommandations. Bien entendu, M. McArthur vient tout juste de donner des détails au sujet de cet élément particulier du projet de loi.
    Enfin, le projet de loi C-58 est un pas en arrière relativement aux droits d'accès. Au début de son mandat, le gouvernement a pris la décision de renoncer à tous les droits, sauf les droits de demande obligatoires de 5 $. Le projet de loi C-58 rétablit ces droits et prévoit seulement que le montant « peut être fixé par règlement ». Les droits agissent comme un obstacle à l'accès, et l'ACJ croit que le gouvernement devrait suivre sa directive provisoire de 2016.
    En fin de compte, les journalistes espèrent qu'il s'agira d'une loi sur l'accès à l'information qui marquera un changement de culture au sein du gouvernement, tant chez les acteurs politiques et que dans la fonction publique en général. Le projet de loi C-58 ne donnera pas ce résultat. Il ajoute de nouvelles contraintes au droit à l'accès et, à part une plus grande divulgation proactive gérée par le gouvernement, n'instaurera pas une culture d'ouverture par défaut. Les journalistes passeront plus de temps à clarifier des demandes ou à interjeter appel de décisions, souvent sans qu'il y ait de voie clairement tracée vers un règlement, et parfois à grands coûts.

  (1555)  

    Les coordonnateurs de l'accès à l'information, qui sont souvent pris entre les journalistes et les citoyens qui veulent de l'information et les responsables du gouvernement qui ne veulent pas la donner, continueront d'occuper l'un des postes les moins enviables de la fonction publique.
    Merci du temps que vous m'accordez. Une fois que les témoins auront terminé leur déclaration, je serai heureux, bien sûr, de répondre à vos questions.

  (1600)  

    Merci, monsieur Taylor-Vaisey.
    Le prochain témoin, qui représentera Evidence for Democracy, est Katie Gibbs, je crois... ou bien est-ce Kathleen Walsh?
    Kathleen, allez-y, pour 10 minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, d'accueillir Evidence for Democracy aujourd'hui.
    Nous sommes ravies de comparaître afin de discuter du projet de loi C-58, et nous sommes heureuses de constater que la Loi sur l'accès à l'information fait l'objet d'une modernisation pour la première fois depuis longtemps... et, en fait, pour la première fois de ma vie.
    Evidence for Democracy est une organisation sans but lucratif non partisane qui fait la promotion de l'utilisation transparente des données probantes dans le processus décisionnel gouvernemental. Les intervenants d'E for D travaillent avec des parlementaires, des fonctionnaires, des scientifiques et des membres du public afin de s'assurer que les meilleures données probantes et scientifiques accessibles sont intégrées dans les politiques, selon une méthode qui est transparente et ouverte.
    Les données probantes et les faits solides soutendent notre processus démocratique. Lorsque les Canadiens n'ont pas accès aux données scientifiques et probantes créées et utilisées par le gouvernement, nous ne pouvons pas tenir efficacement nos gouvernements responsables, et notre démocratie en souffre. Comme vous êtes nombreux à le savoir, l'information scientifique n'a pas toujours été accessible au gouvernement. Lorsque les scientifiques sont muselés, ne peuvent pas s'adresser aux médias ou craignent pour leur emploi s'ils parlent de leur recherche, notre démocratie est grandement affectée.
    Le gouvernement actuel et de nombreux autres députés ont travaillé dur au cours des deux dernières années afin de s'assurer que les données scientifiques gouvernementales peuvent être communiquées ouvertement aux médias et au public. Nous sommes heureux de voir ces avancées positives; toutefois, il ne s'agit que d'une partie de la capacité d'accéder à l'information gouvernementale. L'entreprise ambitieuse qu'est la modernisation de la Loi sur l'accès à l'information en est certainement une autre partie. La revitalisation de cette loi s'imposait depuis longtemps, et il s'agit d'une occasion de vraiment la moderniser, d'améliorer la responsabilité et d'accroître la confiance entre le gouvernement et le public canadien.
    Nous sommes d'avis que le projet de loi C-58 comporte de graves lacunes sous sa forme actuelle; toutefois, nous reconnaissons la possibilité de la modifier et de la renforcer. Nos recommandations sont semblables à celles des autres témoins qui ont comparu aujourd'hui. Selon nous, il faut se concentrer sur la divulgation proactive, le refus des demandes et la capacité du commissaire à l'information de rendre des ordonnances concernant la communication de documents.
    Concernant la divulgation proactive, la décision de rendre les lettres de mandat ministériel ouvertes par défaut a été une mesure louable prise par le gouvernement. Nous sommes heureux de la voir enchâssée dans le projet de loi C-58 et avons hâte à la normalisation de cette pratique. Ces lettres de mandat nous ont aidés, en tant que défenseurs et chercheurs, à comprendre les priorités du gouvernement et les changements qu'il souhaite apporter. Il s'agit d'une mesure positive; cependant, elle ne va pas tout à fait assez loin.
    Comme bien des organisations, Evidence for Democracy croyait que la réforme de l'accès à l'information présentée par le Parti libéral dans son programme électorale incluait l'assujettissement des cabinets des ministres et du Cabinet du premier ministre à la loi. Nous sommes déçus que cela ne fasse pas partie du projet de loi C-58 et craignons que le régime actuel de divulgation proactive — même s'il est louable — n'ait pas une portée suffisante.
    Nous sommes profondément préoccupés par la possibilité que la divulgation proactive de l'information ne soit pas supervisée par le commissaire à l'information. Nous considérons que le rôle de cette personne est incroyablement important et nous ne voulons pas voir des parties de la loi sur l'accès à l'information échapper à la surveillance du commissariat. Il est impératif que la divulgation proactive soit du ressort du commissaire à l'information.
    De plus, les délais doivent être plus courts en ce qui concerne les cas de divulgation prévus dans le projet de loi, et on devrait encore permettre aux personnes de présenter des demandes d'accès à l'information.
    Nous appuyons les recommandations du Comité, surtout la recommandation  23, selon laquelle les renseignements purement factuels et généraux et ceux contenus dans un document concernant une décision prise par le Cabinet ou l'un de ses comités dans un appel interjeté au titre de la loi devraient également être divulgués.
    De surcroît, les cabinets des ministres et le Cabinet du premier ministre doivent être tenus de répondre aux demandes d'accès à l'information. La divulgation proactive n'est pas suffisante à elle seule; le droit à l'accès devrait être étendu à ces cabinets.
    Sur ce, je vais céder la parole à Katie Gibbs, ma collègue.
    En ce qui concerne les modifications apportées à l'article 6 par le projet de loi, sous sa forme actuelle, nous sommes préoccupés au sujet des demandes qui pourraient être jugées vexatoires et être refusées. Nous ne croyons pas que les ministères ou les organismes gouvernementaux devraient pouvoir déterminer qu'une demande est vexatoire et la refuser. Nous pensons que seul le commissaire à l'information devrait pouvoir prendre ces décisions.
    Nous croyons qu'il devrait y avoir des moyens pour le commissaire à l'information de dire que quelque chose est vexatoire, mais nous pensons que des précisions très claires doivent être ajoutées dans le projet de loi relativement à la signification exacte du terme « vexatoire ». Actuellement, il est très subjectif.
    De plus, le projet de loi exige que les demandeurs donnent des renseignements très précis, comme le sujet, le type de document et la période visée. Même si cela peut sembler simple, ce peut être très difficile pour des groupes de la société civile. Des ONG comme la nôtre, et certainement les membres du public, ne disposent souvent pas de ces renseignements très précis avant de soumettre une demande. Ces changements rendent vraiment la tâche plus difficile au public qui souhaite accéder à l'information. Nous estimons que cette disposition affaiblit de façon marquée notre loi sur l'accès à l'information et qu'elle procure vraiment aux gouvernements un mécanisme leur permettant de contourner l'intention des lois, s'ils choisissent de le faire.
    La dernière question qui nous préoccupe concerne le pouvoir conféré au commissaire à l'information dans l'article 36, qui permet à cette personne d'ordonner à une institution gouvernementale de revoir sa décision de refuser l'accès ou de communiquer un document. En théorie, nous pensons tout à fait qu'il s'agit d'un changement positif, mais nous avons des préoccupations au sujet du choix du moment où peut s'enclencher ce processus ainsi que des ressources requises au sein du Commissariat à l'information pour remplir ce mandat.
    Nous rappelons au Comité que le milieu scientifique attend toujours de recevoir un rapport de la commissaire à l'information sur le musellement des scientifiques fédéraux. Cette enquête a commencé en mars 2013, et nous attendons encore le rapport. Cela fait quatre ans et demi, et nous n'avons toujours pas la réponse. Manifestement, je pense que nous pouvons tous nous entendre pour dire que c'est inacceptable.
    Dans le scénario que nous envisageons en conséquence de ces changements, une personne présenterait une demande aux ministères pertinents. Par la suite, sa demande serait rejetée, processus qui, nous le présumons, prendrait quelques semaines, si ce n'est la période de 30 jours en entier. Le demandeur porterait ensuite plainte auprès du commissaire à l'information. Nous supposons que le commissaire aurait ensuite besoin d'un certain temps pour examiner l'affaire. Disons qu'il oblige le gouvernement à produire le document; le gouvernement dispose ensuite de 30 jours, encore une fois, pour le produire.
    Ainsi, en réalité, même dans le meilleur des cas, il pourrait s'écouler des mois avant que l'on obtienne les documents. Encore une fois, c'est en supposant que le commissaire à l'information aurait la capacité d'examiner le cas immédiatement, mais, étant donné que le commissariat manque déjà de ressources, il semble probable qu'il y aurait un retard important dans le processus, compte tenu de sa capacité d'examiner le cas. Nous voulons formuler l'argument selon lequel, afin de remplir convenablement tout nouveau mandat conféré au commissaire à l'information, le commissariat aura besoin d'un ajout important de ressources.
    Par ailleurs, encore une fois, nous appuyons ce nouveau mandat qui permettrait au commissaire à l'information de rendre des ordonnances concernant la communication de documents, mais nous craignons que le projet de loi ne confère pas vraiment au commissariat le pouvoir nécessaire pour faire ce travail efficacement. Actuellement, on n'arrive pas à déterminer clairement quel genre de recours pourrait être intenté si l'institution refusait tout simplement d'obéir à une ordonnance du commissaire à l'information.
    Ainsi, nous sommes d'avis que le projet de loi doit faire l'objet d'un travail et d'amendements importants, mais nous sommes très heureux de constater que la loi sera examinée dans un an, puis, encore une fois, dans cinq ans. Nous pensons qu'une revitalisation et un renouvellement réguliers d'une loi si cruciale à notre démocratie sont essentiels. Tout comme les pratiques relatives aux données et le gouvernement, nos lois en matière d'accès à l'information devraient évoluer, elles aussi.

  (1605)  

    Nous avons hâte de voir ce que le Comité fera du projet de loi et de prendre connaissance des articles.
    Merci du temps que vous nous accordez.
    Merci.
    Je veux seulement porter à l'attention du Comité le fait que, si nous procédons à des périodes de questions de sept minutes, nous ne pourrons probablement permettre qu'à trois intervenants de poser des questions avant que le temps ne soit écoulé. Je propose que nous passions à des périodes de cinq minutes par intervenant pour la première série de questions.
    Est-ce équitable? Nous entendons-nous là-dessus?
    Des députés: D'accord.
    Le président: D'accord, nous allons procéder à des périodes de questions de cinq minutes, en commençant par Mme Fortier.
    Merci. Je vais poser mes questions plus rapidement.
    Bonjour, tout le monde, et merci infiniment de votre présence aujourd'hui. Il est très important pour le Comité d'entendre votre témoignage. Une diversité de points de vue ont été exposés au cours des dernières séances; ces points de vue et le vôtre ont tous contribué à une discussion complète. Merci.
    Je voudrais commencer par me faire une bonne idée de la mesure dans laquelle cette loi est désuète. Je pense que si nous comprenons l'absence d'activités dans ce dossier au cours de la dernière décennie, surtout compte tenu de la numérisation des documents et de la grande quantité d'information, cela nous permettra de mieux comprendre le projet de loi.
    Je voudrais commencer par vous, monsieur McArthur. Comme le temps dont je dispose est limité, je poserai quelques courtes questions.
    Quand votre loi a-t-elle été promulguée en Colombie-Britannique?

  (1610)  

    C'était en 1996, je crois.
    À quand remonte la dernière fois qu'elle a été examinée et modifiée?
    Je crois que la dernière fois, c'était en 2011.
    Et avant cela?
    Je ne m'en souviens pas.
    Était-ce la première fois qu'elle faisait l'objet d'un examen, ou bien...
    Non, il y a eu des révisions constantes.
    Constantes, alors je soupçonne que vous souscrivez à l'opinion selon laquelle ces mises à jour périodiques ont contribué à actualiser et à moderniser la loi.
    Oui.
    Je pourrais préciser que l'une des choses qui distinguent la Colombie-Britannique, c'est le fait que nous avons établi une disposition relative à la localisation des données, qui a causé beaucoup de problèmes logistiques et entraîné des mises à jour législatives subséquentes des exceptions à cette règle. Toutefois, des modifications ont également été apportées à la loi à d'autres chapitres.
    Merci de nous avoir fait part de cette information.
    Maintenant, je voudrais m'adresser à Evidence for Democracy.
    Je dois vous féliciter pour le travail que vous faites et que vous avez fait au cours des dernières années afin de défendre un processus décisionnel fondé sur des données probantes, chose que j'appuie fermement.
    Ma première question est assez simple, mais pas trop longue, alors nous allons commencer par cela. En quoi l'accès à l'information appuie-t-il votre travail pour ce qui est de tenir les gouvernements responsables?
    J'ai un exemple très concret.
    Nous avons abordé le musellement des scientifiques qui a posé problème pendant un certain nombre d'années. Vers 2013, nous voulions procéder à une étude qui portait sur les politiques de communication applicables aux scientifiques du gouvernement et comparer les politiques de divers ministères. Nous avons joint beaucoup de gens au sein du gouvernement, tenté de trouver ces politiques en ligne. Nous n'avons pas pu nous procurer les politiques par ces moyens, alors nous avons fini par devoir les obtenir au moyen de nombreuses demandes d'accès à l'information.
    Nous avons été en mesure d'obtenir les politiques par ce mécanisme, et cela nous a permis de produire un rapport très complet comparant les politiques de différents ministères et de formuler un certain nombre de recommandations. Ce rapport a été un élément assez fondamental pour ce qui est d'aborder ce problème et d'offrir des solutions.
    Il nous a également donné une base de référence utile concernant les problèmes de communication auxquels font face les scientifiques. Espérons que cela nous aidera à mener, plus tard, des études semblables qui nous permettront de voir en quoi les choses ont changé.
    Souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
    Mme Kathleen Walsh: Non.
    Mme Mona Fortier: Vous avez mentionné une situation où un gouvernement ne communiquait pas l'information que vous souhaitiez obtenir ou que vous attendez encore, ou bien vous croyiez qu'il faisait fi intentionnellement de votre demande.
    Croyez-vous que le pouvoir conféré par la loi à la commissaire de rendre des ordonnances concernant la communication de documents aurait un effet dissuasif relativement à l'adoption d'un tel comportement malicieux?
    Selon moi, sous sa forme actuelle, non.
    Comme l'a mentionné M. McArthur, je pense que ce serait mieux si la commissaire à l'information était investie du pouvoir de rendre des ordonnances. De plus, je pense que, si le Commissariat à l'information pouvait publier les enquêtes de la commissaire, il s'agirait d'un élément dissuasif supplémentaire.
    Enfin, d'après mon interprétation de votre déclaration, vous voudriez que les termes « vexatoires » et « malicieux » soient définis de façon plus concrète.
    Comment feriez-vous cela? Voilà ce que je tente de comprendre.
    C'est une bonne question.
    Je pense que notre collègue ici présent en aurait pour le moment une meilleure idée. Selon moi, les cas où on ne devrait pas donner suite à des demandes sont très rares. Ce devrait être une chose très, très rare.
    Ma préoccupation à l'égard d'un terme qui est subjectif et vaste tient au fait qu'il pourrait très facilement être utilisé par les gouvernements. C'est vexatoire pour qui? Je m'inquiète de la possibilité que, dans la situation actuelle, il puisse très facilement être utilisé par les gouvernements pour ne pas communiquer l'information.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    C'est pile à l'heure. Merci, madame Fortier.
    Le prochain intervenant est M. Kent, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous de comparaître aujourd'hui. D'après chacun de vos exposés, il est évident que vous avez affirmé très clairement votre accord général avec la commissaire, qui qualifie le projet de loi C-58 de régression, ainsi que votre appui à l'égard de tout amendement requis pour élaborer le genre de projet de loi complet que vous avez tous recommandé.
    Je voudrais faire quelques comparaisons. Je vais commencer par vous, monsieur Taylor-Vaisey. Laissez-moi simplement dire que je me souviens avec plaisir des premiers moments de l'ancêtre de l'ACJ, dans les années 1970. Quelle a été l'expérience de vos membres au moment de traiter avec le commissariat de la Colombie-Britannique par rapport au commissariat fédéral?

  (1615)  

    Je ne pense pas avoir de réponse complète à cette question. En tant qu'organisation, nous ne nous concentrons pas sur la région de la Colombie-Britannique. De temps à autre, nous avons des préoccupations à l'égard de la circulation de l'information dans la province, mais nous nous concentrons en grande partie sur les lois fédérales.
    Je vois. Merci.
    Je me demandais si je pouvais demander à Mmes Walsh et Gibbs si elles ont une expérience avec tout commissaire à l'information provincial.
    Mon expérience à l'échelon provincial est limitée, mais nous avons une certaine expérience avec la Colombie-Britannique. La seule différence tenait au calendrier. L'expérience était semblable. Il y avait un peu d'arriéré et de retard, mais je dirais que c'était comparable à ce qu'on retrouve à l'échelon fédéral.
    Monsieur McArthur, vous parliez des droits d'accès. Nous avons accueilli des témoins qui ont affirmé que, parfois, la collecte de droits est contre-productive ou n'est pas vraiment très importante. Quel genre de recettes recueillez-vous annuellement sous forme de droits?
    Je ne touche aucune recette. Elles sont versées au gouvernement.
    Des députés: Ah, ah!
    Bien sûr.
    Il n'y a aucun droit d'accès, mais il y en a au-delà d'un certain nombre de pages ou d'un certain nombre d'heures. Habituellement, s'il s'agit d'une recherche dépassant cinq heures, des droits peuvent être imposés. On ne peut pas refuser une demande en se fondant sur les droits, et le gouvernement doit confirmer auprès du demandeur qu'il veut procéder en fonction d'un devis. C'est à ce moment-là que de nombreuses personnes se présentent à notre bureau pour dire qu'elles pensent que ces droits pourraient être excessifs. Nous recevons des plaintes à ce sujet. Je n'ai pas le nombre de plaintes.
    Vous avez mentionné les avantages de recourir à la médiation plutôt que de rendre des ordonnances. Je suis certain qu'il n'y a pas de moyenne stricte, mais y a-t-il un certain genre de période moyenne consacrée aux pourparlers dans le cadre de la médiation? Y a-t-il un stade auquel vous décidez enfin qu'une ordonnance doit être rendue?
    Non. Ce n'est habituellement pas une question de temps, quoique, si un organisme public ne répondait pas à une demande d'accès dans le délai prévu par la loi, nous pourrions recevoir une plainte. Nous enquêterions ensuite sur cette plainte afin de déterminer si le ministère ou l'organisme ont répondu ou non dans un délai particulier.
    À notre bureau, le traitement d'une plainte dépend de deux choses. Il dépend des parties à la plainte, mais chacune se voit accorder un certain délai pour fournir les renseignements dans le cadre du processus de médiation. Nous veillons à ce que les deux parties aient la possibilité d'examiner les documents présentés par l'autre. À partir de ce moment-là, un enquêteur formule une recommandation. Les deux parties peuvent ensuite demander un examen. Comme je l'ai dit, ce n'est peut-être que dans 0 à 5 % des cas qu'on se rend jusqu'à la demande d'examen, et qu'un processus d'arbitrage distinct ou une ordonnance en découlent. L'ordonnance contraindra l'organisme public à divulguer les documents en question, ou à ne pas les divulguer, si nous sommes d'accord avec lui. Ce sera l'un ou l'autre.
    L'appel est-il interjeté devant vous?
    Oui. La demande d'examen arrive à mon bureau. Il y a un troisième et dernier palier d'appel, soit les tribunaux, si l'une des deux parties rejette notre ordonnance. Nos ordonnances peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire.
    Est-ce que cela arrive fréquemment ou seulement occasionnellement?
    Au cours des 19 dernières années, nous avons rendu 1 094 ordonnances. Je ne connais pas le nombre total de celles qui ont fait l'objet d'un contrôle judiciaire, mais je suppose que c'est aux alentours, disons, des 20 %.
    Merci.
    Merci, monsieur Kent.
    Le prochain intervenant est M. Cullen, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vais tenter d'aller rapidement.
    Je parcourais les dossiers récents de votre bureau, monsieur McArthur. Vous avez reçu environ 20 000 demandes sur une période de cinq ans. Seulement 20 d'entre elles ont fait l'objet d'un appel devant le commissaire, après que la demande a été présentée. Il y a eu une plainte déposée par un membre du public, et votre équipe est intervenue.
    Je regardais une enquête récente — je ne sais pas si elle avait été menée par l'organisation de M. Nick Taylor-Vaisey ou par une autre — visant à coter toutes les provinces et le gouvernement fédéral. Vous avez obtenu un B. Vous n'avez pas obtenu le A que quatre autres provinces ont reçu, mais quatre ont obtenu un B, et deux, un C, et trois ont malheureusement reçu un D. Le perdant, dans cette histoire, c'était le gouvernement fédéral, qui a obtenu un F, et il s'agissait de la pire note.
    Je me pose des questions au sujet de la condition relative à l'obligation de prêter assistance. J'ai une demande d'accès à l'information qui a été présentée à Finances Canada par un Canadien demandant de l'information concernant le dessaisissement des biens du ministre des Finances. Les responsables ont répondu ce qui suit par écrit: « Je dois vous informer qu'après une recherche approfondie, il n'existe au ministère des Finances du Canada aucun document concernant cette demande. »
    Dans ce cas, l'obligation de prêter assistance s'applique-t-elle au moment où l'agent découvre ensuite l'existence des dossiers, puis aide le demandeur à trouver où ils sont? Parce que c'est là que cela s'arrête. C'est le cul-de-sac, à l'échelon fédéral.
    À l'échelon provincial, si une personne écrit au ministère des Finances et que les dossiers ne s'y trouvent pas, mais qu'ils se trouvent plutôt au ministère de l'Éthique ou à un autre ministère, l'obligation de prêter assistance contraindrait-elle l'agent en question à aider cette personne à se rendre à l'endroit où se trouvent les dossiers?

  (1620)  

    L'un des avantages liés au système de la Colombie-Britannique — je dirais —, c'est que le traitement des demandes d'accès à l'information est effectué par l'intermédiaire d'un groupe central. Il se trouve qu'il est situé au ministère des Services aux citoyens, actuellement. Il était au ministère des Finances, auparavant. Ce groupe connaît habituellement très bien l'endroit où les dossiers vont être conservés. Ses membres effectuent l'appel. Ils reçoivent la demande d'accès à l'information, et ils téléphonent au ministère concerné.
    À l'échelle fédérale, cela va directement au ministère. Le ministère dit: « D'accord, nous ne l'avons pas. »
    Si cela se produit en Colombie-Britannique et que le ministère dit qu'il n'y a pas de demande et que la personne n'est pas d'accord avec cela, elle peut se présenter à mon bureau. Nous allons déterminer si oui ou non le gouvernement a fait une recherche adéquate.
    Nous souhaitons tous que quiconque au gouvernement et tous ceux qui travaillent dans le domaine de la politique fassent preuve de bonnes intentions.
    J'ai présenté une demande d'AIPRP au sujet du naufrage du Nathan E. Stewart. Vous vous rappellerez que le remorqueur a échoué près de Bella Bella. C'est la réponse que j'ai obtenue. C'est le rapport de situation du commandement unifié, qui, soit dit en passant, est un document accessible au public, mais ma demande d'AIPRP portait sur les questions suivantes: Que s'est-il passé? À quel moment cela s'est-il produit? Qui était présent? Qui ne l'était pas? Je peux trouver ces renseignements, mais ma demande d'AIPRP l'a prouvé, il y a des centaines de pages à cet égard.
    J'ai une question pour M. Taylor-Vaisey.
    Est-il juste de dire qu'un accès retardé est un accès refusé? Si un gouvernement ne veut tout simplement pas que quelque chose soit révélé, que ce soit embarrassant ou coûteux, d'une certaine manière, est-ce que le fait de simplement laisser le processus suivre son cours... Nous avons entendu parler de quatre années d'attente après des scientifiques muselés, et deux années depuis que le présent gouvernement est entré au pouvoir...
    S'agit-il d'une autre forme d'accès retardé? La transparence retardée est-elle de la transparence refusée? Ces déclarations sont-elles justes?
    Est-ce que le projet de loi C-58, tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, empire ou améliore les choses?
    Je pense que ces déclarations sont justes. Comme vous le savez, si nous nous mettons à la place des journalistes, ils relatent toujours des histoires qui remontent à longtemps, pourvu qu'elles soient dignes de mention et qu'elles intéressent le public. Nous sommes patients. Nous attendons ces demandes aussi longtemps qu'il est possible, compte tenu des ressources de nos salles de nouvelles, qui, comme tout le monde ici le sait, diminuent de façon générale. Il y a une limite de temps pour tout.
    Si un gouvernement perd le pouvoir et qu'un autre accède au pouvoir, et que, trois ans plus tard, une réponse à une demande d'accès à l'information comporte des renseignements d'une grande importance pour l'intérêt public au sujet des actions du dernier gouvernement, nous allons tout de même relater l'histoire, mais, bien sûr, il aurait été bon que nous puissions en faire part trois ans plus tôt.
    Pendant que le gouvernement est toujours au pouvoir.
    J'ai une question pour nos collègues ici présents. Je m'intéresse à cette notion... Vous avez relevé des lacunes dans le projet de loi tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle. D'abord, je ne sais pas si vous avez lu les recommandations que la commissaire à l'information a formulées à l'intention du Comité quant aux façons de régler la question... l'accès au CPM... Vous les avez. De façon générale, êtes-vous d'accord avec ce qu'elle a recommandé au Comité?
    D'accord, on me fait signe que oui.
    Vous avez dit que l'un des points positifs tient au fait que les lettres de mandat sont publiques. Je suis en train de lire la lettre de mandat de M. Brison, qui a parrainé le projet de loi, l'un des rares témoins qui l'appuient pleinement. À la fin, on peut lire dans sa lettre de mandat: « [...] que le commissaire à l'information soit habilité à ordonner la communication de renseignements gouvernementaux et que la Loi s'applique de façon appropriée au Cabinet du premier ministre et aux cabinets des ministres [...] »
    Dans sa lettre de mandat, qui va maintenant être rendue publique par défaut, et c'est une bonne chose... Ils ne suivent pas... Il est tout de même ironique que ce qui sera rendu public est un exemple de ce qu'ils ne suivent tout simplement pas dans l'élaboration de leur propre projet de loi C-58.
    Ma question est la même pour vous. Le projet de loi C-58 nous fait-il progresser? Nous fait-il régresser tel qu'il est rédigé? Y a-t-il un ou deux principaux amendements que nous pourrions y apporter pour lui donner une chance d'améliorer l'accès à l'information pour les Canadiens?

  (1625)  

    En fait, nous manquons de temps, mais je vais vous laisser répondre rapidement.
    M. Nathan Cullen: Oh, le préambule était trop long.
    Vous avez parlé de délais. Je pense que cela nous fait certainement reculer. La même chose s'applique tant sur le plan du journalisme que sur le plan de la défense des droits: la rapidité est essentielle. C'est un changement majeur que nous aimerions voir.
    Encore une fois, en ce qui concerne les exigences prévues à l'article 6 en ce qui concerne la précision de la demande, nous aimerions les voir changer également.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président, de votre indulgence.
    Merci, monsieur Cullen.
    La dernière question va à M. Erskine-Smith. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vais commencer par vous, monsieur McArthur.
    Pour revenir à l'article 6, le libellé que vous avez mentionné et qui existe dans la loi en Colombie-Britannique est de nature plus générale. Il n'est pas aussi facile de rejeter une demande en se fondant sur une interprétation stricte de la règle.
    J'ai vu dans votre mémoire que vous êtes peut-être également d'accord avec Mme Walsh et Mme Gibbs pour dire que nous devrions retirer l'article 6.
    Serait-ce juste?
    Ce serait juste.
    En ce qui concerne la loi en Colombie-Britannique, vous avez parlé de l'examen du caractère raisonnable. Il s'agit d'un contrôle judiciaire du caractère raisonnable. Certains autres contrôles judiciaires sont de novo .
    La commissaire à l'information a soulevé certaines préoccupations au sujet de la capacité d'exercer le pouvoir de rendre des ordonnances, qui devrait être conféré par le projet de loi C-58. Je pense qu'il s'agit du paragraphe 59.01, qui énonce explicitement que le commissaire peut déposer une copie certifiée conforme d'une ordonnance.
    Pensez-vous que la commissaire fédérale devrait avoir le même pouvoir?
    Je le pense, en effet.
    Avoir la capacité de produire une copie certifiée conforme au tribunal en fait une ordonnance exécutoire. Il y a toujours un élément à examiner pour un organisme public ou une partie requérante, une possibilité de contrôle judiciaire. Toutefois, le fait d'avoir une ordonnance exécutoire est un élément essentiel du pouvoir de rendre des ordonnances.
    Publiez-vous les ordonnances?
    Oui.
    Y a-t-il un document d'habilitation pour le faire ou le faites-vous simplement conformément à la pratique?
    Je ne connais pas la réponse à cette question. Nous le faisons depuis aussi longtemps que je travaille et depuis aussi longtemps que je me souvienne.
    D'accord, je m'adresse à Evidence for Democracy, également, concernant la notion de divulgation proactive et de surveillance. La commissaire à l'information a recommandé que nous supprimions l'article 91 proposé. Cela empêcherait la commissaire à l'information d'avoir le pouvoir de surveiller la divulgation proactive.
    Je me demande à quoi cela peut ressembler. Comment l'examen de la divulgation proactive se présente-t-il pour elle?
    Il y a certains délais. Pour les lettres de mandat, il n'y a pas de délai, d'après ce que je peux voir, mais pour les autres documents d'information, le délai peut varier de 30 à 120 jours, selon le contenu des documents d'information.
    Est-ce une question de respect des échéanciers? Est-ce que cela dépend du fait qu'il y a des éléments caviardés? Comment pouvons-nous donner à la commissaire à l'information les pouvoirs nécessaires en matière de divulgation proactive?
    C'est une excellente question.
    Je pense que les délais font certainement partie de la réponse. Toutefois, sans surveillance, nous craignons que certains documents ne soient jamais divulgués de manière proactive. Nous ne le saurions pas, et nous ne pourrions possiblement jamais le découvrir.
    À quoi ressemblerait la surveillance? Je vais devoir y réfléchir et vous revenir avec la réponse, mais je pense que les délais en font certainement partie, tout comme le contenu de ce qui est réellement rendu public.
    Quels délais recommandez-vous de changer? Serait-il question d'imposer un délai, disons pour...
    Les lettres de mandat. Ce serait utile.
    Il semble que, à l'heure actuelle, c'est assez immédiat. Un délai à l'égard des lettres de mandat serait plutôt utile. Aussi, ce serait bien de réduire le délai de 120 jours, si c'est possible, selon le contenu, bien sûr.
    En ce qui concerne les demandes vexatoires et entachées de mauvaise foi en Colombie-Britannique, vous avez dit que les ministères devaient présenter une demande au bureau du commissaire pour que les demandes ne soient pas prises en compte, vous n'avez donc pas de règle à propos des demandes vexatoires.
    Oui, nous en avons.
    Quels sont les autres facteurs qui sont pris en considération lorsqu'on convient qu'un ministère ne devrait pas répondre à une demande?
    Au fil des ans, nous avons établi une jurisprudence à partir de nos ordonnances quant à la façon de déterminer ce qu'est une demande « frivole » et « vexatoire ». Il y a très peu de cas où cela se produit.
    Si une demande est frivole et vexatoire, vous pouvez dire à un ministère qu'il n'a pas à y répondre.
    Y a-t-il d'autres cas où vous diriez au ministère qu'il n'a pas à répondre à la demande ou est-ce seulement lorsque c'est vexatoire et frivole?
    Non, en vertu de la loi, il y a de nombreuses autres raisons pour lesquelles l'accès est...
    Les exceptions et...
    Exactement.
    Outre les exceptions, j'imagine qu'il y a les demandes légitimes conformément à la loi, mais c'est...
    Eh bien, s'il s'agit d'une information protégée par le secret professionnel de l'avocat.
    D'accord, très bien.

  (1630)  

    La liste est longue.
    Je vais revenir au point de vue de M. McArthur et poser la question à Evidence for Democracy. Vous avez fait part de préoccupations au sujet des demandes vexatoires et entachées de mauvaise foi. Il me semble que la meilleure façon n'est pas de tenter de le définir par la loi, mais plutôt de permettre aux ordonnances de la commissaire de créer une jurisprudence au fil du temps. Nous le faisons avec les procédures civiles. Cela semble se faire en Colombie-Britannique lorsqu'il est question de l'accès à l'information.
    Qu'avez-vous à dire à cet égard?
    Notre préoccupation ne réside pas tant dans le fait que ce soit inclus. Elle concerne plutôt la personne qui prend la décision. Ce qui nous préoccupe c'est que, de la manière dont c'est libellé, ce sont en fait les ministères et les organismes qui peuvent en décider, alors que nous pensons que ces demandes devraient être transmises à la commissaire à l'information, qui serait alors en mesure de prendre la décision.
    Voulez-vous dire même lorsqu'il est question du pouvoir de rendre des ordonnances, où la commissaire peut statuer que le ministère a jugé, à tort, que la demande était vexatoire et frivole? Cela ne me semble pas...
    Je le pense tout de même. Je crois que ce serait plus rapide de procéder ainsi que de refuser la demande et de devoir reprendre le processus.
    D'accord.
    La dernière question que j'ai à poser concerne l'obligation de prêter assistance. La loi fédérale comporte une obligation de prêter assistance. Vous pourriez peut-être me montrer l'article en question dans la loi, et je pourrais comparer...
    Je pense qu'il s'agit de l'article 6 dans la loi de la Colombie-Britannique.
    Excellent. Je vais comparer les libellés et déterminer si la vôtre est plus contraignante.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à tous d'avoir été si rapides.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être venus, particulièrement notre collègue de la Colombie-Britannique d'avoir fait tout ce chemin pour être présent.
    Nous allons faire une courte pause afin de permettre à nos prochains témoins de s'installer.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous allons reprendre la séance.
    J'aimerais accueillir Daniel Therrien, Julia Barss et Sue Lajoie du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
    M. Therrien a demandé d'avoir quelques minutes de plus pour son exposé. Je pense que ça va. J'aimerais avoir votre consentement. Merci.
    Allez-y, monsieur le commissaire à la protection de la vie privée.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité,

[Traduction]

merci de m'avoir invité à m'exprimer au sujet du projet de loi C-58.
    Tout d’abord, j’aimerais dire que nous sommes favorables à l’engagement du gouvernement à l'égard d'un gouvernement ouvert. Nous considérons cet examen de la Loi sur l'accès à l’information comme étant le bienvenu. Il s'imposait depuis longtemps. Il est essentiel que le public ait accès à davantage d'information gouvernementale pour favoriser la transparence, la responsabilité et la confiance.
    Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a fait la promotion de la transparence à de très nombreuses reprises. Par exemple, dans le cadre de la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et aussi dans notre mémoire au Secrétariat du Conseil du Trésor sur la revitalisation de l'accès à l’information, nous avons exprimé un soutien envers le gouvernement ouvert, notamment pour ce qui est de permettre à des citoyens informés de participer pleinement au débat démocratique. Toutefois, la communauté internationale reconnaît que les objectifs d'un gouvernement ouvert peuvent et devraient être réalisés uniquement de concert avec l’adoption de mesures de protection de la vie privée appropriées. Son acceptabilité sociale repose sur la confiance que l'on ne portera pas indûment atteinte à la vie privée.
    L'environnement en ligne exige l’application de techniques de désidentification rigoureuses et leur validation par des spécialistes avant la communication de renseignements. Le Commissariat et Statistique Canada peuvent jouer un rôle de premier plan en limitant le plus possible la communication involontaire de renseignements personnels par le gouvernement au cours de la mise en oeuvre d'initiatives de données ouvertes.

[Français]

    Nous sommes convaincus que l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels sont des objectifs parallèles compatibles. La Cour suprême du Canada considère depuis longtemps la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, ou LPRP, comme un « code homogène » de droits en matière d'information dont l'objectif combiné consiste à atteindre un juste équilibre entre l'accès à l'information et la protection de la vie privée.
    La Cour a de plus reconnu que l'exception relative à l'accès aux renseignements personnels, dans la Loi sur l'accès à l'information, est obligatoire et qu'« il ne faut pas donner une “interprétation étroite“ à l'exception des renseignements personnels en conférant à l'accès à l'information primauté sur la protection des renseignements personnels ».
    Dans nos déclarations antérieures sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information, nous avons insisté sur l'importance de maintenir cet équilibre. Nous nous sommes prononcés en faveur du maintien de l'exception relative à l'intérêt public dans la Loi sur l'accès à l'information qui permet la divulgation de renseignements personnels seulement dans les cas où l'intérêt public l'emporte clairement sur une demande de protection de la vie privée.
    Nous avions aussi recommandé que la définition de « renseignement personnel » demeure telle quelle. À ces deux égards, nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-58 conserve ces deux concepts.
    Nous avons aussi recommandé au Parlement d'attendre l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de son interaction avec la Loi sur l'accès à l'information avant de modifier les pouvoirs dévolus au commissaire à l'information quant à la divulgation des renseignements personnels.

[Traduction]

    Néanmoins, le projet de loi C-58confère au commissaire à l'information le pouvoir de rendre des ordonnances, notamment en ce qui concerne la communication de renseignements personnels. Or, ce pouvoir perturberait considérablement et manifestement l'équilibre atteint dans la législation actuelle. Nous reconnaissons que le projet de loi C-58 prévoit certaines mesures pour rétablir l'équilibre, principalement par le biais des exigences de notification et des recours judiciaires contre des ordonnances formelles prises par le Commissariat à l’information. Mais cela est nettement insuffisant pour maintenir l’équilibre requis. Même en l’absence d'une ordonnance officielle, d'autres interventions auraient des répercussions sur la vie privée, par exemple les recommandations formulées par le Commissariat à l’information ou les décisions des institutions de communiquer des renseignements personnels afin d'éviter ces ordonnances. En pareil cas, je ne serais pas avisé et je n'aurais pas la possibilité d'intervenir, même si le Commissariat à l’information et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pourraient avoir des divergences d'opinion sur des questions juridiques importantes touchant l'équilibre entre les droits.
    Par exemple, il est possible que nous ne nous entendions pas sur le niveau de risque de réidentification des données anonymisées ou sur les métadonnées. Il s'agit pourtant d'un facteur crucial pour déterminer s'il s'agit de renseignements personnels qui ne devraient pas être communiqués. Les commissaires pourraient aussi avoir des divergences de vues quant à savoir s'il s'agit de renseignements personnels auxquels le public a accès et si l'intérêt public l'emporte manifestement sur une éventuelle atteinte à la vie privée, particulièrement à la lumière du nouvel objectif énoncé dans le projet de loi C-58. Cette clause préoccupe la commissaire à l’information. Pour ma part, je la trouve utile.

  (1640)  

    En réponse au projet de loi à l'étude, la commissaire à l’information a récemment contesté l’obligation proposée de consulter le commissaire à la protection de la vie privée. Selon elle, la consultation n'est pas nécessaire, car son organisation interprète depuis des années les dispositions pertinentes. Cette prise de position est très malheureuse et manifestement inappropriée puisque la Cour suprême du Canada a reconnu, et je cite, le « rôle crucial » de notre organisme dans la protection de la vie privée.
    Il est vrai que le Commissariat à l'information a une grande expérience dans l’interprétation de l’exception relative aux renseignements personnels, mais il a acquis cette expérience en tant que défenseur du droit d'accès. Le fait de faire peu ou pas de cas de l’opinion des autres intervenants qui ont un rôle sur le plan juridique pour assurer l’équilibre entre l'accès à l’information et d'autres droits montre bien qu'à titre de législateurs, il vous faut reconnaître dans le projet de loi C-58 le rôle de notre organisme en tant que défenseur du droit à la vie privée et étendre ce rôle à toutes les situations où la vie privée doit être protégée. La nature quasi constitutionnelle du droit à la vie privée est une autre raison d'inscrire ce rôle dans le projet de loi qui se trouve devant vous aujourd'hui.
    Je propose deux solutions législatives pour rétablir l'équilibre entre l'accès à l’information et la protection de la vie privée dans le projet de loi C-58.
    Premièrement, le projet de loi devrait rendre obligatoire la notification et la consultation du CPVP dans tous les cas où des renseignements personnels risquent vraiment d'être communiqués sans le consentement des intéressés et non seulement lorsqu'une ordonnance formelle est sur le point d'être rendue. II ne s'agirait pas ici, en pratique, de consulter le Commissariat dans tous les cas. Bien que l’obligation de notifier et de consulter le CPVP serait la règle, cette obligation, pour des raisons d'efficacité dans l’utilisation des ressources, ne s'appliquerait pas aux situations où le Commissariat à l’information et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada arriveraient à une entente selon laquelle, en raison d'un risque moindre, la consultation ne serait pas nécessaire. Ce genre d'entente favoriserait la collaboration entre les deux organismes afin d'assurer un équilibre optimal entre ces deux droits fondamentaux.
    Deuxièmement, je recommande que le projet de loi C-58 autorise le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à intenter des poursuites dans tous les cas où les renseignements personnels sont exposés à des risques importants, et non seulement à ceux où une ordonnance a été émise. Encore une fois, ce droit d'intenter des poursuites ne serait pas exercé dans tous les cas en pratique, mais seulement pour ceux où la protection du droit à la vie privée devient nécessaire et pour développer une jurisprudence qui guiderait les deux commissaires, les ministères et les citoyens sur le droit applicable.
    Afin d'apporter davantage de précision à mes solutions proposées, j'ai tenté de traduire celles-ci dans l'optique d'une rédaction législative. Je pense que vous avez les documents devant vous à l'heure actuelle.
    Monsieur le président et membres du Comité, avec votre permission, j'aimerais prendre quelques minutes de plus pour expliquer — je pense que c'est essentiel — pour quelle raison le projet de loi perturbe l'équilibre actuel entre l'accès à l'information et la protection de la vie privée.
    L'équilibre actuel maintenu par la Cour suprême du Canada dans plusieurs jugements est fondé sur un certain nombre de facteurs, y compris, avant tout, les dispositions de fond de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, notamment la définition de « renseignement personnel », le fait que l'exception liée aux renseignements personnels dans la loi sur l'accès est obligatoire plutôt que discrétionnaire et le libellé de l'exception relative à l'intérêt public, laquelle exige que l'intérêt public et les motifs de la divulgation « l'emportent clairement » sur l'atteinte à la vie privée pour que l'on puisse s'en prévaloir.
    Par conséquent, la Cour suprême a statué que, dans le cadre actuel de la loi, les deux lois, ensemble, visent à protéger à la fois la vie privée et les droits d'accès et à permettre d'établir un équilibre délicat entre les deux. La Cour a même ajouté que, à l'heure actuelle, la protection de la vie privée l'emporte sur le droit à l'accès.
    L'autre aspect concerne le rôle des deux commissaires actuels, l'un défend l'accès et l'autre joue un rôle essentiel au chapitre de la protection de la vie privée, les deux sont des ombudsmans qui peuvent seulement formuler des recommandations et non des ordonnances, et le rôle des chefs ministériels qui, en fin de compte, auront le pouvoir discrétionnaire de décider des exceptions en général, particulièrement lorsque l'intérêt public et la divulgation l'emportent clairement sur la protection de la vie privée.
     Il est important de comprendre que, même si le projet de loi C-58 maintient certains de ces facteurs, qui sont indispensables à la Cour suprême si elle veut préserver cet équilibre, il en change d'autres, notamment le rôle de la commissaire à l'information et du commissaire à la protection de la vie privée et leur pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires. Le fait de modifier l'équilibre entre les rôles des deux commissaires et des chefs ministériels pourrait bien avoir une incidence sur l'interprétation des dispositions de fond. Donner au Commissariat à l'information le pouvoir de rendre ces ordonnances pourrait signifier qu'il lui incombera de déterminer ce qui l'emporte entre la divulgation dans l'intérêt public et la protection de la vie privée.

  (1645)  

    Le problème n'est pas que le Commissariat à l'information est fondamentalement injuste ni qu'il n'a pas les connaissances nécessaires — il est vrai qu'il a de l'expérience —, mais plutôt qu'il défend les intérêts d'un seul côté de la balance. Quelqu'un doit parler pour l'autre côté, particulièrement lorsque le rapport spécial de la commissaire à l'information au sujet du projet de loi énonce clairement qu'il est inutile et inapproprié de tenir compte de l'autre côté.
    Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'interviendra que rarement selon le projet de loi C-58, même s'il joue un rôle central selon la Cour suprême. Le projet de loi prévoit que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ne sera avisé que dans les cas d'ordonnances officielles, et ce n'est que dans ces cas que nous serons en mesure de voir un recours judiciaire. Pourtant, la protection de la vie privée pourrait être à risque non seulement dans les cas où le Commissariat à l'information du Canada rend des ordonnances officielles, mais aussi dans d'autres situations. Les ministères sont beaucoup plus susceptibles de se conformer à l'interprétation du Commissariat à l'information, sachant que, en définitive, il a le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires. Comme les représentants du gouvernement l'ont reconnu devant votre comité la semaine dernière, ce n'est que dans de très rares cas que les ministères vont utiliser leurs ressources pour contester les ordonnances du Commissariat à l'information.
    Dans le même ordre d'idées, lorsque le Commissariat à l'information formule une recommandation en vertu d'un nouveau régime, ou même lorsqu'il y a des discussions entre le Commissariat à l'information et les ministères dans le cadre d'une enquête au sujet d'une plainte, les ministères sont beaucoup plus susceptibles de se conformer à l'opinion du Commissariat à l'information, sachant que, en définitive, il peut ordonner au ministère d'adhérer à son interprétation de la loi.
    Finalement, le projet de loi C-58 crée une incitation à accorder la prééminence à l'accès plutôt qu'à la protection de la vie privée, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour suprême. Je suis profondément préoccupé par cela et j'ai suggéré quelques solutions simples pour combler ce manque d'équilibre.
    Merci de m'avoir écouté, je suis impatient de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le commissaire.
    Allons-y pour une série de questions de sept minutes avec le député Erskine-Smith.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur le commissaire.
    Je veux m'assurer de bien comprendre la préoccupation concernant le risque que des renseignements personnels soient divulgués. L'article 19 de la loi actuelle prévoit que le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels, mais le paragraphe 19(2) autorise la divulgation dans certains cas lorsque l'individu y consent. Il n'y a pas de problème ici, d'après ce que je comprends. L'information est accessible au public.
    L'alinéa 19(2)c) renvoie au fait que la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. C'est dans ce cas-là que vous demandez qu'en plus de la commissaire à l'information, chaque ministère vous consulte pour chaque demande d'accès à l'information, pourvu qu'il soit question de divulgation.
    En ce qui concerne la consultation par les ministères, ma requête ne concerne pas toutes les demandes d'accès à l'information.
    Non, mais seulement celles qui renvoient à l'alinéa 19(2)c).
    Et même pas toutes les demandes qui appartiennent à ce groupe.
    Seulement celles visées par...
    Seulement celles qui mènent à une plainte auprès de la commissaire à l'information, soit environ 300 cas par année.
    C'est la partie que je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi ne serions-nous pas préoccupés par les ministères si nous sommes préoccupés... Cela concerne précisément la protection de la vie privée, non pas l'accès à l'information. Pourquoi serais-je préoccupé par le fait que la commissaire à l'information ordonne la divulgation de renseignements personnels, mais pas par le fait que le ministère divulgue des renseignements? S'il est question de renseignements personnels dans les deux cas, je devrais être tout aussi préoccupé.
    Je suis préoccupé, mais moins en ce qui concerne les ministères, en grande partie parce que les dispositions de fond de la loi établissent que cet équilibre, que l'intérêt public l'emporte clairement sur la protection de la vie privée ou non, est une évaluation qui se fait à la discrétion d'un ministère. Dans la loi actuelle, c'est le responsable de l'institution qui décide en bout de ligne, même si j'aimerais pouvoir revoir cet aspect et que nous n'avons pas vu de problème majeur. La combinaison du pouvoir discrétionnaire des responsables de l'institution et de la jurisprudence de la Cour suprême, selon laquelle on ne doit pas attribuer à la protection de la vie privée une interprétation limitée qui lie les responsables de l'institution fait en sorte que la formule pourrait être améliorée, mais elle permet de protéger adéquatement la vie privée.
    Grâce au projet de loi, la commissaire à l'information sera en mesure de rendre une ordonnance à un ministère au sujet d'une exception à cette obligation de protection des renseignements personnels, y compris des dispositions qui vont permettre d'atteindre un équilibre entre l'intérêt public et la protection de la vie privée. Quel est l'avantage net de permettre à la commissaire à l'information de rendre des ordonnances au sujet des exceptions si les responsables ministériels conservent, du moins en théorie, un pouvoir discrétionnaire? Ce n'est pas très clair pour moi.

  (1650)  

    C'est une bonne question.
    Pour que tout le monde comprenne bien, je pense que l'article auquel vous faites référence... De la façon dont fonctionne la loi, l'alinéa 19(2)c) interagit avec l'article 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En ce qui concerne l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels — corrigez-moi si j'ai tort — mais vous parlez du sous-alinéa 8(2)m)(i)?
    Oui.
    Il me semble que cela devrait être clairement précisé.
    Vous soulevez un bon point. La commissaire à l'information, investie du pouvoir de rendre des ordonnances, n'a la capacité d'appliquer la divulgation que lorsqu'elle croit que le ministère a rendu une décision inadéquate de refuser de divulguer des renseignements conformément à la loi. Mais l'alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme vous l'avez dit, indique précisément « à toute autre fin dans les cas où, de l'avis du responsable de l'institution ». On ne sait pas clairement qui a le pouvoir lorsqu'il y a un litige entre le responsable de l'institution et la commissaire à l'information.
    Si je devais régler la question, je pense que je m'en tiendrais au responsable de l'institution, puisque c'est ce que dit la loi, mais j'imagine que c'est la clarté qui vous préoccupe.
    Nous aimerions faire partie de cette discussion, et donc être consultés et être en mesure d'intenter des poursuites à cet égard et non pas de faire cela 10 000 fois par année, à jamais, jusqu'à ce que la jurisprudence règle la question, ce qui ne tardera pas trop.
    Toutefois, pour que cela se produise... Oui, cela pourrait se produire grâce à l'initiative d'un ministère, mais vous avez entendu la semaine dernière que les poursuites du gouvernement seront très rares. Je crois que la Cour suprême a reconnu un rôle pour l'institution dont je suis responsable. Je crois qu'il est raisonnable de demander de participer à la conversation et d'être en mesure de soulever ces questions devant les tribunaux lorsque la protection de la vie privée est menacée.
    Est-ce que la demande se limite au sous-alinéa 8(2)m)(i)?
    C'est lorsque s'appliquent les exceptions de l'article 19.
    Alors tout ce qu'il y a dans l'article 8 concernant la protection de la vie privée...
    Je conviens que lorsque la personne concernée donne son consentement, nous n'intenterons jamais de poursuites.
    La question de savoir si les renseignements sont accessibles au public pourrait également entraîner certaines différences relativement à l'utilisation. C'est en partie ce qui est accessible au public et en partie la façon d'établir un équilibre entre l'intérêt public et les atteintes à la vie privée.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Une minute.
    Eh bien, sur ce, je voudrais simplement dire que je peux comprendre cela en ce qui concerne le sous-alinéa 8(2)m)(i), qui prévoit que le responsable de l'institution a plus de pouvoir, mais, pour être franc, pour ce qui est du reste de l'article 8, je ne vois pas de différence entre la divulgation appuyée des faits de la commissaire à l'information et celle d'un ministère lorsque des renseignements personnels sont en jeu.
    Pour être franc, si vous voulez qu'on vous consulte sur l'ensemble de l'article 8, je crois que vous devrez expliquer la raison pour laquelle il existe une différence entre la commissaire à l'information et le ministère.
    Je suis désolé, je n'ai peut-être pas été clair.
    Il existe des exceptions...
    L'article 19...
    Les exceptions pour lesquelles j'aimerais avoir le droit d'être consulté et d'intervenir devant les tribunaux sont essentiellement les suivantes: d'abord, ce qui est accessible au public par rapport à ce que sont les renseignements personnels, et, ensuite, l'équilibre entre l'intérêt public et l'atteinte à la vie privée.
    Et c'est propre au sous-alinéa 8(2)m)(i).
    D'accord, merci beaucoup.
    Merci, monsieur Erskine-Smith.
    Nous avons ensuite M. Gourde, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Therrien, d'être ici cet après-midi.
    Nous convenons tous du fait que la protection de la vie privée est vraiment importante. Par contre, il pourrait y avoir certains cas d'exception où un titulaire d'une charge publique pourrait être en contradiction avec des dispositions de certaines lois. Un titulaire d'une charge publique peut influer sur des lois ou des orientations majeures pour notre pays. Il pourrait aussi favoriser, par inadvertance, sa vie privée et ses affaires personnelles.
    La frontière est très mince. En fait, on a plus ou moins l'information nécessaire pour savoir si cette personne contrevient à certaines lois ou, parfois, on n'a pas nécessairement les réponses auxquelles on pourrait s'attendre de cette personne.

  (1655)  

     Il est vrai que l'identité de fonctionnaires ou d'autres personnes peut parfois devoir être protégée et que, dans d'autres cas, il est déraisonnable de la protéger.
    Je conçois qu'il puisse y avoir des différences d'opinion, et les circonstances sont importantes. Je vais vous parler de la disposition du projet de loi C-58 qui énonce l'objet de la loi, parce que je crois que c'est important en ce qui concerne la question que vous posez. L'objet de la loi est modifié pour dire que celle-ci a pour objet « d'accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l'État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions ».
    Alors, il y aura des cas où des renseignements, touchant une position politique ou un sujet x émanant de la fonction publique, seront diffusés, ce qui est tout à fait d'intérêt public. Est-ce qu'il est nécessaire d'identifier les individus qui ont mené à cette politique? Je crois que le nouvel objet de la loi est utile pour répondre à cette question. Il s'agit d'un outil qui n'existait pas auparavant.
    Est-ce que le fait de connaître l'identité du fonctionnaire, dans l'exemple que vous donnez, accroît la responsabilité et la transparence des institutions de l'État? Peut-être que oui, peut-être que non.
    Est-ce que cela favorise un débat démocratique? Peut-être que oui, peut-être que non.
    L'objet de la loi est très utile ici pour justement répondre à ces questions. Parfois, le débat public pourra être complet, tout à fait démocratique, sans qu'il soit nécessaire d'identifier les individus visés. Parfois, ce sera tout à fait pertinent de connaître les individus visés pour juger du bien-fondé du point de vue de l'un ou de l'autre, dans le but d'avoir un débat démocratique ouvert et informé.
    C'est pour cette raison que l'accès à l'information est vraiment très important afin que toute personne qui en fait la demande puisse savoir si un titulaire d'une charge publique est en conflit d'intérêts ou pas, n'est-ce pas?
    Oui, tout à fait.
    Dans la mouture de cette loi qui nous est présentée, est-ce qu'un titulaire de charge publique peut se cacher derrière la loi pour ne pas divulguer certains renseignements personnels suivant la Loi sur la protection des renseignements personnels dans la vie privée?
    Cette tendance est possible, mais la disposition relative à l'objet de la loi éclaire tout le monde, y compris les fonctionnaires, les politiciens, le commissaire à l'information et les tribunaux de façon à arriver à un meilleur résultat quant à ces questions.
    Serait-il possible que quelqu'un veuille un jour tester cela et que la question se rende devant les tribunaux?
    Tout à fait.
    D'accord, c'est donc possible.
    Cela étant dit, la protection de la vie privée revêt une grande importance pour tous les Canadiens et la démocratie en général. Cependant, en ce qui a trait à l'accès à l'information, de nouvelles politiques seront élaborées à l'avenir auxquelles les Canadiens ont droit.
    Les dispositions de ce projet de loi qui soustraient le bureau du premier ministre et ceux des ministres à l'accès vont-elles créer une zone d'ombre qui va nuire à l'accès à l'information?
    À ce sujet, j'avais recommandé, dans le cadre de la réforme possible de la Loi sur la protection des renseignements personnels, que les bureaux des ministres et celui du premier ministre soient assujettis à l'accès, de la même façon que les autres ministères. Je crois que ce principe s'applique aussi à l'accès à l'information. Il serait certainement souhaitable que le bureau du premier ministre et les bureaux des ministres soient assujettis aux dispositions de la loi et du mécanisme d'accès prévu par la Loi sur l'accès à l'information.
    Si ce n'est pas le cas, notre démocratie sera-t-elle touchée à long terme? En fait, si nous n'avons pas de réponses à la Chambre des communes ni de réponses concernant l'accès à l'information dans les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, qu'aurons-nous comme recours?
     Je n'ai pas analysé à fond les conséquences que pourrait avoir un manque d'information suivant le principe de la divulgation proactive. C'est pourquoi je ne peux savoir quel en serait le résultat relativement à l'exercice de la démocratie. Ce n'est évidemment pas une situation parfaite et il y aurait même des améliorations à apporter.
    Je vous ramène encore une fois à la disposition concernant l'objet de la loi. Ce que je trouve très utile, dans cette disposition, c'est que l'objet de la loi concerne les objectifs dont je vous ai fait part, soit la transparence, la responsabilité et la démocratie. Un lien a été établi entre deux mécanismes, soit les demandes formelles d'accès à l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et la divulgation proactive.
    De plus, le mécanisme formel d'accès à l'information est très important, mais ce n'est pas une fin en soi. En effet, il s'agit d'un but pour arriver à la vraie fin, soit celle d'améliorer la transparence, la responsabilité et la démocratie. Il existe d'autres moyens pour y arriver, comme la divulgation proactive.
    Finalement, est-il souhaitable que le bureau du premier ministre et les bureaux des ministres fassent l'objet d'un mécanisme formel? Oui, c'est souhaitable. Toutefois, l'outil permettant de faire une demande d'accès en vertu du mécanisme formel d'accès à l'information n'est pas le seul qui amènerait notre pays à réaliser les objectifs plus larges que sont la responsabilité, la transparence et la vie démocratique. La divulgation proactive peut aussi être un moyen légitime pour y arriver.

  (1700)  

    Merci.
    Merci, monsieur Gourde.

[Traduction]

    Nous avons ensuite M. Weir. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Le gouvernement a été élu en promettant d'assujettir le Cabinet du premier ministre au droit d'accès à l'information et ensuite les bureaux d'autres ministres du Cabinet. Je me demande si vous pourriez nous dire s'il existe un motif de protection de la vie privée de ne pas le faire ou si vous pensez qu'il serait faisable d'administrer l'accès à l'information dans ces bureaux, moyennant les mesures de protection de la vie privée appropriées.
    Il n'existe aucun motif de protection de la vie privée de ne pas étendre l'application du mécanisme officiel aux bureaux des ministres et au Cabinet du premier ministre. Ils pourraient être assujettis à cette loi, comme nombre d'autres ministères le seraient.
    Je crois qu'il s'agit d'un point important à consigner au compte rendu.
    Un deuxième aspect du projet de loi C-58 qui est très préoccupant, c'est qu'il donnerait au gouvernement de nouveaux motifs pour rejeter des demandes d'accès à l'information. Particulièrement, il conférerait le pouvoir de décider qu'une demande est frivole ou vexatoire. L'argument que nous avons entendu au Parlement en faveur de cette disposition était l'exemple d'un ex-époux qui demande l'adresse et les heures de travail d'une ancienne épouse. À mon avis, il est évident que ces renseignements devraient déjà être protégés à titre de renseignements personnels, et on n'a pas vraiment besoin de donner aux agents d'information le pouvoir de déterminer que la demande elle-même est frivole ou vexatoire, mais je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.
    C'est un autre aspect lié à la Loi sur l'accès à l'information qui représente un moyen pour atteindre un objectif élargi. Sur ce point, je comprends que ma collègue la commissaire à l'information a cherché à obtenir des dispositions qui lui permettent de refuser d'enquêter sur des plaintes si elles sont de nature vexatoire ou frivole. Elle n'a pas affirmé, à mon avis, dans son rapport spécial, qu'elle s'opposait à d'autres limites d'accès figurant aux articles 6 ou 6.1 du projet de loi C-58, y compris le besoin pour les plaignants ou les demandeurs de préciser d'une certaine manière l'information qu'ils cherchent à obtenir. La commissaire à l'information elle-même est en faveur du concept de demande « frivole et vexatoire », mais pas des autres limites.
    En tant que collègue et commissaire, je dois établir un équilibre entre le désir de réagir de manière positive aux plaintes sous le régime de la loi que j'applique, la Loi sur la protection des renseignements personnels, pour ce qui est des renseignements personnels, et je dois le faire d'une manière efficace, je peux donc constater le besoin du concept de demande « frivole et vexatoire » comme motif pour refuser d'enquêter sur certaines plaintes. En outre, je crois qu'il serait logique d'accorder cela également aux ministères, du moment, comme le prévoit le projet de loi, que le commissaire pertinent examine la décision. Je ne m'oppose donc pas à la notion du concept de demande « frivole et vexatoire ».
    Les autres limites sont nouvelles, et je ne m'y oppose pas en principe, vu que certaines demandes pourraient être tellement volumineuses qu'elles nuiraient au bon fonctionnement d'un ministère. À mon avis, la question revient à l'objectif et au but de la loi. Elle est liée à la transparence et à la responsabilisation au moment de répondre ou non à une demande pour un certain nombre de raisons. Je ne m'oppose pas au concept de limites, mais la formulation des limites mérite qu'on l'examine très attentivement.

  (1705)  

    Certainement. Je me pose simplement la question suivante: si un des buts est de protéger les renseignements personnels des gens, est-ce que la meilleure façon de le faire, c'est de donner des pouvoirs aux fonctionnaires afin qu'ils puissent remettre en question la motivation de la demande ou d'avoir cette exception relativement aux renseignements personnels et de permettre à votre commissariat de défendre la protection de la vie privée au cours du processus?
    Tout d'abord, je ne m'oppose pas à ce qu'on donne ce type de pouvoir aux ministères, pourvu que le commissaire approprié et, au final, les tribunaux effectuent un examen approfondi.
    Une des préoccupations qui touchent l'accès au système de renseignements, c'est la durée que cela prend parfois. Je crois que l'accès rapide à l'information devrait être le but que nous nous fixons. Vu qu'on doit vous consulter de manière appropriée, de même que votre Commissariat, connaissez-vous des façons d'accélérer le processus?
    La divulgation proactive est une façon, mais il faut faire attention à la façon dont c'est fait. Tous les tribunaux, la commissaire à l'information et mon Commissariat, ont la responsabilité d'examiner nos processus et de s'assurer qu'ils sont le plus efficaces possible. Cela fait également partie de la solution. La commissaire à l'information et le CPVP n'ont presque plus de ressources. Nous avons besoin de ressources suffisantes pour nous assurer de remplir nos mandats rigoureusement et rapidement. Cela fait également partie de la solution.
    Supposons que votre Commissariat et celui de la commissaire à l'information recevaient les ressources adéquates, serait-il réaliste de réduire la durée de réponse aux demandes d'accès à l'information?
    Si vous voulez dire que la durée serait réduite à une certaine période, comme 30 jours, non, mais si vous voulez dire une période réduite par rapport à la durée actuelle, qui est des mois et parfois au-delà d'une année, absolument.
    Oui, c'est cet aspect qui est inquiétant, à mon avis. Ce sont toutes ces demandes de prolongation et ce type de choses. Je ne crois pas que quiconque se plaint de la durée initiale de 30 jours.
    Une chose que j'ajouterais qui va dans le sens du refus de s'occuper de certaines demandes ou d'exiger des demandeurs qu'ils fournissent certains renseignements, c'est d'être plus explicite en donnant aux commissaires le pouvoir de gérer leurs charges de travail au moyen de mécanismes comme la médiation; cela les aiderait également.
    La réalité est que nous avons un volume important de dossiers. Nous voulons nous en occuper en faisant de notre mieux. Certains de ces dossiers nécessitent un examen exhaustif et approfondi; d'autres moins. Il serait utile de donner plus de pouvoir aux commissaires afin qu'ils puissent gérer les charges de travail d'une manière juste et équitable, mais également efficace.
    Le temps est écoulé. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant M. Picard pour sept minutes.

  (1710)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Therrien, cela me fait plaisir de vous revoir.
    Étudions le problème sous un autre angle. On s'inquiète de la manière dont le gouvernement transmet l'information à la population. Plaçons-nous du point de vue de la population qui reçoit l'information et qui a entre les mains une information qui pourrait éventuellement porter préjudice à une tierce partie en raison de la nature de l'information ou d'un élément qui pourrait avoir trait à un certain aspect de la vie privée d'une autre personne.
    Quels sont les recours de la personne qui reçoit l'information ou de celle à qui l'information a porté préjudice, compte tenu du fait que l'on demande d'être de plus en plus transparent et d'ouvrir les vannes?
    Ma réponse comportera deux éléments.
    D'une part, en vertu du mécanisme que j'appelle le mécanisme formel d'accès, c'est-à-dire des demandes d'accès à l'information faites au ministère, il y a certaines dispositions dans la Loi sur l'accès à l'information et dans la Loi sur la protection des renseignements personnels qui visent à protéger certaines tierces personnes, en particulier celles ayant des intérêts commerciaux, mais pas d'autres.
    Ainsi, si la personne A fait une demande d'accès à l'information qui traite, entre autres, de renseignements concernant la personne B, le ministère doit normalement refuser de divulguer les renseignements qui portent sur la personne B. Je suis préoccupé par l'incidence que peuvent avoir des ordonnances de la commissaire à l'information dans de tels cas. Normalement, les renseignements concernant la personne B devraient être protégés, mais cette dernière n'a pas de recours si la mauvaise décision est prise dans le cadre de la loi actuelle, sauf s'il s'agit de certaines tierces personnes, dont celles ayant des intérêts commerciaux.
    Est-ce que ce danger justifie un peu plus la pertinence de s'adresser à votre bureau?
    Oui, mais ma recommandation est très limitée. Elle cible les cas où une plainte est déposée auprès du Commissariat à l'information du Canada. En fait, si je ne vais pas plus loin, c'est en partie parce que je n'ai pas les ressources nécessaires pour étudier d'autres dossiers.
    D'autre part, dans le contexte d’une politique de gouvernement ouverte, la population recevra dorénavant les renseignements — et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir — suivant un processus de divulgation proactive ou encore par suite de la mise à la disposition du public de renseignements issus du gouvernement. Ce ne sera pas nécessairement au moyen d’un mécanisme formel d’accès à l’information, qui est rarement utilisé en fait.
    C'est en partie pour cette raison que je considère cela comme tout à fait louable, mais il y a un risque pour des individus à cet égard. Entre autres, le gouvernement peut penser rendre publics, pour les besoins de l'intérêt public, certains renseignements anonymisés, mais il est possible que ces renseignements soient en fait personnels. C'est pour cela que j'aimerais jouer un rôle plus actif et que Statistique Canada joue aussi un rôle pour veiller à ce que la divulgation effectuée de cette façon ne mette pas en danger des tiers.
    Merci.
    Vous m'excuserez de faire une comparaison un peu boiteuse. Lorsqu'on fait une enquête criminelle et qu'un mandat de perquisition a été lancé, il faut être extrêmement précis quant à ce qu'on demande — il n'est pas permis de faire un voyage de pêche, par exemple. C'est clair, entendu et accepté. Or, lorsqu'une demande d'information est à ce point élargie, du moins à ce qu'il me semble, peut-on demander pratiquement tout ce qu'on veut, et le fait de demander l'information n'aura pas de répercussions, si je compare à une enquête criminelle?
    Je fais ici allusion aux commentaires de certains organismes et journalistes qui ont comparu devant le Comité. Ils nous ont assurés que cela ne concerne pas des voyages de pêche, mais qu'il n'y a aucune limite à ce qu'on peut demander, bien qu'on veuille savoir l'objet de la demande. On ne peut pas demander à un individu affirmant qu'il ne s'agit pas d'un voyage de pêche pourquoi il veut avoir accès à une information donnée. Si une information considérée comme étant publique est accessible à tout le monde, il n'y a pas de limite à l'information qu'on peut demander. Je pourrais demander d'avoir accès à une base de données du gouvernement du Canada et il n'y aurait pas de limite. Il n'y a pas plus beau voyage de pêche que cela, à mes yeux.
    Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Il peut y avoir de l'abus des deux côtés. Un demandeur peut déposer une demande extrêmement large qui, pour reprendre votre expression, est une partie de pêche et qui exige du gouvernement qu'il affecte des ressources pour répondre à cette demande.
    Selon les témoins qui ont comparu plus tôt, les gens du public peuvent avoir de la difficulté à définir les paramètres de leurs demandes. C'est tout à fait vrai. Sur le plan conceptuel, je ne vois pas de problème à ce qu'on demande aux individus de préciser leurs demandes, dans la mesure où c'est possible pour eux de le faire, ce qui n'est pas toujours le cas. Il faut qu'il y ait de la bonne foi des deux côtés. Le commissaire doit aussi faire un examen pour juger si les gens ont agi de bonne foi en définissant la portée de leurs demandes et la réponse du gouvernement.

  (1715)  

    Est-il possible pour un ministère d'évaluer également le bien-fondé d'une demande et de décider ensuite qu'elle est vexatoire ou ridicule, au lieu d'avoir absolument juste la décision...
    Cela ne me pose pas de problème. Je présume de la bonne foi des ministères. Il est vrai que certaines demandes peuvent être vexatoires. Les ministères pourraient abuser de ce pouvoir. C'est pour cela que le commissaire à l'information doit examiner les cas de ce genre. Je ne vois pas de problème à ce qu'on donne un tel pouvoir, en première instance, aux ministères.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci.
    Nous avons une dernière question de la part de M. Kent. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous et à votre personnel, monsieur le commissaire, de témoigner ici devant nous aujourd'hui.
    J'aimerais parler de votre désaccord avec la commissaire à l'information concernant les consultations; le désaccord persiste même si vous constatez une amélioration du projet de loi C-58 pour ce qui est de renforcer la relation.
    Par le passé ou jusqu'à présent, avez-vous rencontré souvent votre homologue pour discuter de certaines de ces questions, de vos inquiétudes et de ses inquiétudes?
    Nous avons une bonne relation. Les discussions portent rarement sur...
    Des choses précises.
    ... l'interprétation de la protection de la vie privée, les renseignements personnels et ainsi de suite parce que ces questions sont soulevées dans le contexte de dossiers précis, et la pratique n'est pas très axée sur les consultations relativement à ces questions, en partie pour des raisons de confidentialité des enquêtes. À propos de ce point en particulier, les consultations n'ont pas été fréquentes.
    Quant à d'autres questions, par exemple, nous venons de signer une résolution conjointe avec des commissaires provinciaux sur le secret professionnel de l'avocat dans le contexte des demandes d'accès, alors nous sommes souvent d'accord sur certains points. Quant à la tension entre l'accès et la protection de la vie privée, c'est moins évident.
    Vous est-il arrivé que des institutions, des ministères ou des fonctionnaires de ces ministères, ou même des ministres et des titulaires d'une charge publique vous fassent part de leurs inquiétudes concernant des demandes d'information auxquelles ils prévoient répondre et pour lesquelles ils avaient des préoccupations relativement à la protection de la vie privée?
    Ils le font très peu souvent, mais ils le font. Je crois que le point, c'est qu'ils n'ont pas à faire cela. Lorsque des gens présentent des demandes d'accès à l'information qui touchent des renseignements personnels, il incombe aux ministères d'évaluer quoi faire avec les renseignements personnels, et les ministères ne sont pas du tout obligés de nous consulter. Comme ils veulent faire le bon choix, dans certains cas, très peu souvent, ils nous consultent.
    Un des avantages, je dirais, de mon amendement, qui prévoit des ententes entre le bureau de la commissaire à l'information et le mien, serait d'améliorer la collaboration parce que je crois qu'elle est nécessaire et utile. Il y a une sphère où nos mandats se chevauchent. Nous devons nous parler, et un des avantages de l'amendement que je vous recommande serait que, dans certains cas, il faudrait une consultation.

  (1720)  

    Comme vous l'avez expliqué et l'avez affirmé dans vos commentaires, il s'agit d'une raison pour enchâsser la nature constitutionnelle de la protection de la vie privée dans la loi elle-même, dans les amendements du projet de loi C-58.
    Au final, il y a des cas où il peut y avoir de la tension ou une opposition entre deux droits quasi constitutionnels. C'est normal dans une démocratie. Ce n'est pas le seul cas. Il ne s'agit pas d'une chose personnelle.
    Ce que je veux dire, c'est que, s'il y a de la tension entre deux droits quasi constitutionnels importants, la loi ne devrait pas dépendre de la bonne volonté d'une partie pour qu'elle consulte l'autre. La loi devrait prévoir des consultations afin que l'on puisse s'assurer d'obtenir le bon résultat.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Therrien, d'être venu encore une fois aujourd'hui.
    Nous avons des affaires du Comité qui prendront environ cinq minutes. Nous allons suspendre brièvement la séance et nous occuper de ces affaires dans deux minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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