Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 079 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons poursuivre nos travaux relativement à l'ordre de renvoi du mardi 3 octobre 2017 concernant le projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et le Code criminel.
    Ce matin, nous allons entendre trois témoins. Nous allons leur demander de présenter un bref exposé avant de passer à l'habituelle période de questions.
    Les témoins proviennent de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité, du Control Arms Secretariat et de l'organisme Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient.
    Depuis New York, nous allons entendre le témoignage d'Anna Macdonald, directrice du Control Arms Secretariat.
    Je vous cède la parole pour que vous puissiez présenter vos observations.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Le Traité sur le commerce des armes est un document extraordinaire. Il aura fallu 10 ans de campagne et 6 années de travaux à l'ONU pour aboutir à ce traité qui nous donne les moyens de contrôler le commerce des armes et d'éviter la dévastation provoquée chaque jour par la pauvreté, les conflits et les violations des droits de la personne dus à l'utilisation des armes. Partout dans le monde, la persistance de conflits cycliques et la violence armée portée à des niveaux extrêmes empêche le développement, contribue à l'augmentation des violations des droits de la personne et exacerbe la pauvreté.
    Avant le Traité sur le commerce des armes, il n'existait au niveau mondial aucun traité permettant de réglementer le commerce des armes classiques et très peu de mesures permettant d'éviter qu'un trop grand nombre d'armes fassent l'objet d'un commerce illicite. Par conséquent, le TCA constitue un important outil humanitaire qui permet de relever les défis que pose la livraison mal réglementée des armes dans les zones de conflit et les secteurs les moins développés du monde.
    Je suis directrice de la Control Arms Coalition qui réunit des centaines d'organisations non gouvernementales provenant de toutes les régions du monde et émanant de nombreux secteurs différents tels que les droits de la personne, la réduction de la pauvreté, la réduction des conflits, les spécialistes en armement, les réseaux sur la santé, la jeunesse et le genre, les réseaux de survivants, les réseaux de parlementaires et de juristes.
    La Control Arms Coalition produit des recherches et des analyses fondées sur des données factuelles, effectue des activités de vulgarisation auprès du public et des gouvernements qui la soutiennent, crée des capacités et développe les compétences tant au sein des gouvernements que de la société civile et facilite le dialogue politique. Nous mettons l'accent sur le soutien et la formation dans les pays du Sud et sur la surveillance de la mise en oeuvre du Traité sur le commerce des armes.
    L'absence du Canada aux travaux liés au Traité sur le commerce des armes depuis quelques années est apparue comme une exception étrange et nous sommes très encouragés par l'engagement du gouvernement actuel à signer le traité dans un avenir proche. C'est l'occasion extraordinaire pour le Canada de reprendre son rôle de leader dans le domaine du désarmement et de la paix, rôle pour lequel il s'est autrefois rendu célèbre, par exemple lorsqu'il avait pris la tête du débat qui a mené à l'adoption de la Convention d'Ottawa et par la suite à l'adoption du Traité d'interdiction des mines antipersonnel signé à Ottawa, en 1997.
    Le processus actuel en vue de la signature du traité offre également une excellente occasion de moderniser la législation canadienne sur le contrôle des exportations afin de hausser les normes en matière de transparence et de reddition de comptes en s'appuyant fermement sur le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire. Nous accueillons favorablement certaines mesures positives du projet de loi C-47 telles que l'inclusion du courtage et l'extension des contrôles extraterritoriaux concernant les courtiers. Cependant, nous partageons les préoccupations de nos partenaires canadiens quant aux failles que contient la loi, lacunes que je vous invite à réexaminer. Je vais passer en revue les aspects les plus importants et les plus pertinents du Traité sur le commerce des armes.
    Premièrement, l'objectif du traité est de réduire la souffrance humaine. L'objet et le but de l'article 1 du TCA visent essentiellement à réduire la souffrance humaine. Ce but doit demeurer au centre de tous les efforts visant à universaliser et mettre en oeuvre le traité. C'est un outil conçu expressément en vue de réduire la souffrance humaine résultant de la violence armée et des conflits armés, et pas seulement les décès et blessures directs causés par des armes, mais également les traumatismes, les déplacements de population, l'appauvrissement économique, la torture et l'oppression. C'est pourquoi il faut orienter la loi canadienne vers cet objectif de réduction de la souffrance humaine.
    Deuxièmement, l'article premier se donne aussi pour but d'instituer les normes communes les plus strictes possible, ce qui signifie que le traité ne devrait tolérer aucune exemption ni exception. L'exclusion continue des exportations vers les États-Unis est une omission de taille, puisqu'elle représente plus de 50 % des exportations d'armes canadiennes. Le Canada ira à l'encontre des normes communes en excluant un grand importateur et exportateur d'armes qui ne rejoindra fort probablement pas les autres États parties dans un avenir proche. Par ailleurs, l'article 2 souligne que le traité s'applique à toutes les exportations concernées, tandis que l'article 5 demande à chaque État partie d'appliquer de façon cohérente, objective et non discriminatoire les dispositions du Traité sur le commerce des armes. À notre connaissance, aucun autre pays ne prévoit, au moment de la signature ou de la ratification du Traité sur le commerce des armes exempter de l'application de sa loi un destinataire particulier de ces exportations. Il serait à la fois inhabituel et contraire aux principes centraux du traité d'accepter une telle exemption. De par sa nature même, le Traité sur le commerce des armes a une portée mondiale. C'est le premier traité à réglementer le commerce des armes classiques et il vise par conséquent à obtenir l'adhésion universelle aux normes communes les plus élevées.
    Troisièmement, les interdictions absolues et l'évaluation des risques revêtent une grande importance. Les articles 6 et 7 qui portent sur les interdictions et les évaluations des risques constituent le coeur même du traité. Ces articles précisent très clairement et sans ambiguïté qu'un État « ne doit pas » autoriser un transfert d'armes s'il sait que ces armes serviront à commettre des crimes de guerre, à violer des conventions internationales auxquelles l'État exportateur est partie, ou lorsque l'évaluation des risques révèle un risque prépondérant. Le projet de loi canadien qui permettra au ministre des Affaires étrangères de simplement prendre ces risques en compte, établit un seuil beaucoup plus bas. À notre avis, cela ne permettrait pas au Canada de respecter son engagement de se conformer au TCA.
    Par ailleurs, j'aimerais vous inviter à envisager de mettre en place les structures parlementaires appropriées pour renforcer la surveillance et la transparence. Nous avons noté, dans les divers pays du monde, une corrélation étroite entre la volonté manifestée par les parlementaires et la rapidité de la signature et de la ratification du traité, ainsi que de son application. Au Royaume-Uni, par exemple, le comité sur le contrôle des exportations d'armes fait office de mécanisme supplémentaire de surveillance regroupant des représentants de tous les partis. Ce comité exige que les ministres rendent des comptes et recueille les témoignages de divers experts.
    Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur l'inclusion dans l'article 7 d'une formulation spécifique concernant les actes graves de violence fondée sur le sexe demandant que les risques d'une telle violence soient pris en compte dans l'évaluation de l'autorisation. C'est le premier traité à inclure dans ses dispositions opérationnelles une formulation expresse se référant aux actes graves de violence fondée sur le sexe. J'encourage le gouvernement canadien à explorer toutes les avenues possibles en vue de s'assurer de mettre en oeuvre cet aspect novateur du traité.
    En conclusion, les deux lacunes les plus importantes du projet de loi, que je vous encourage à réexaminer, sont premièrement que le projet de loi C-47 ne couvre pas les exportations d'armes à destination des États-Unis, excluant ainsi de l'application du traité un important pourcentage d'exportations et, deuxièmement, l'absence de limites législatives au pouvoir discrétionnaire du ministre des Affaires étrangères.
     La Control Arms Coalition appuie l'universalisation et la mise en oeuvre du Traité sur le commerce des armes et nous sommes convaincus que ce traité peut avoir une incidence positive sur les droits humanitaires et humains. Nous vous prions instamment de saisir cette occasion de redonner au Canada son rôle de leader dans le secteur du désarmement et de la promotion de la paix et d'appliquer les normes les plus strictes possible en matière de contrôle du commerce des armes.
    Merci.

  (1110)  

    Merci beaucoup, madame Macdonald.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Cianfarani qui représente l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour et merci de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui.
    J'aimerais profiter des quelques prochaines minutes pour vous faire part du point de vue de mon industrie au sujet du Traité des Nations unies sur le commerce des armes et sur l'importance de relever la barre à l'échelle internationale par l'adoption d'une norme uniforme afin de réduire la prolifération des armes.
    L'Association canadienne des industries de défense et de sécurité est la voix nationale de plus de 800 entreprises canadiennes des secteurs de la défense et de la sécurité qui offrent des biens, des services et des technologies de classe mondiale fabriqués partout au Canada et recherchés dans le monde entier. Nos entreprises membres contribuent à l'emploi de plus de 63 000 Canadiens partout au pays et offrent des salaires 60 % plus élevés que la moyenne du secteur manufacturier, en plus de générer 10 milliards de dollars en recettes annuelles.
    Si l'on se réfère au plus récent rapport État de l'industrie canadienne de la défense, paru en 2014, on remarque que les segments importants de notre industrie en matière de recettes comprennent la fabrication, les structures et composantes d'aéronefs et les activités d'entretien, de réparation et de révision qui représentent 31 % des recettes; les véhicules de combat et leur entretien, réparation et révision et autres biens et services de défense — 28 %; le commandement, le contrôle, les communications, l'informatique, le renseignement, la surveillance et la reconnaissance, le C4ISR, y compris l'avionique et les systèmes de simulation et autres produits électroniques — 25 %; la fabrication de navire, les structures, éléments et entretien, réparation et remise en état — 9 %; les armes à feu, munitions, missiles, fusées et autres armes — 4 %; le soutien des troupes — 2 %; les services de formation au combat et le personnel de la défense — 1 %.
    Nos membres sont fiers d'offrir des biens, des services et des technologies en défense et en sécurité aux Forces armées canadiennes, à la Garde côtière et aux fournisseurs de services de sécurité afin de garder les Canadiens en sécurité, jour après jour. La statistique la plus importante pour le présent débat est toutefois la suivante: 60 % des revenus de notre secteur proviennent des exportations. Cela signifie que les technologies, les produits et les services innovateurs de nos membres sont recherchés par les gouvernements partout sur la planète. Le fait que les entreprises canadiennes soient très compétitives dans les marchés étrangers hautement réglementés et protégés laisse entendre que notre industrie est innovatrice et productive. En d'autres mots, les Canadiens devraient être fiers de notre industrie. Nous devons reconnaître que les exportations en défense sont essentielles pour maintenir les capacités industrielles de pointe, une main-d'oeuvre compétente et qualifiée, et une base technologique avancée au pays.
    Avant de parler du Traité des Nations unies sur le commerce des armes, j'aimerais souligner que le régime canadien actuel de contrôle des exportations, auquel nos membres adhèrent chaque jour, est très solide et rigoureux. Le régime canadien de contrôle des exportations en matière de défense comprend trois processus d'approbation et séries de réglementations indépendants: la Liste des pays désignés pour les armes automatiques, le Programme des marchandises contrôlées et la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Plusieurs ministères fédéraux participent également à la mise en oeuvre du régime, notamment Affaires mondiales Canada, Services publics et Approvisionnement Canada, la Défense nationale et Justice Canada. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'étudier ces documents en profondeur, je vous signale que je les ai avec moi ici aujourd'hui.
    La ratification par le Canada du Traité des Nations unies sur le commerce des armes améliorera encore davantage notre solide régime d'exportation et relèvera la barre à l'échelle internationale pour les autres pays dont le processus de contrôle des exportations ne répond pas aux normes très élevées du Canada. Le traité ajoute des obstacles aux pays qui exportent des armes de petit calibre et de l'équipement militaire afin de s'assurer que les armes ne sont pas réacheminées à de tierces parties ou mal utilisées par les réels destinataires. Il réglemente aussi les pratiques de courtage qui consistent à exporter des armes d'un pays tiers à un autre. C'est pourquoi l'AICDS a demandé au gouvernement, l'an dernier, de ratifier le Traité sur le commerce des armes.
    Au Canada, le gouvernement établit des paramètres, des règles et des réglementations fermes pour les exportations de matériel de défense et nos membres les appliquent. En ce qui concerne la nouvelle réglementation sur les exportations de matériel de défense devant être adoptée à la suite de la ratification du TCA par le Canada, nous demandons seulement au gouvernement de continuer à fournir aux entreprises, en temps opportun, un cadre prévisible pour leur permettre de continuer à fonctionner normalement. L'industrie a besoin d'un processus qui permet aux entreprises de saisir équitablement les opportunités du marché tout en se sentant épaulées par leur gouvernement.
    Il est important que le gouvernement communique rapidement et aussi clairement que possible son niveau de confort face à l'exportation d'un produit précis vers un pays et utilisateur final particulier. Les entreprises ne veulent pas consacrer d'importantes ressources à tenter de saisir des possibilités de vente si le gouvernement leur refuse la permission de concrétiser ces ventes. La licence d'exportation est l'étape finale du processus, et non pas la première.

  (1115)  

    En conclusion, l'AICDS appuie entièrement la ratification par le Canada du Traité des Nations unies sur le commerce des armes. Tous nos alliés sont déjà signataires de ce traité et le Canada devrait l'être également. Les Canadiens qui travaillent dans les entreprises de défense et de sécurité se soucient du monde dans lequel ils vivent et se sentent concernés par ce qui s'y passe. Ils sont fiers de ce qu'ils font, de ce qu'ils fabriquent et de ce qu'ils vendent. Ils partagent les mêmes valeurs de base que nous tous.
    Je tiens à remercier le Comité d'avoir donné à notre industrie la possibilité de se présenter devant vous aujourd'hui pour transmettre ce message. Je suis prête à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Woodley qui représente les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient.
    Je m'appelle Thomas Woodley et je suis président des Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient.
    Tout d'abord, je remercie le Comité de me donner l'occasion de venir vous parler ce matin. Je reconnais que c'est un privilège d'être ici. Je m'attends à un débat franc et honnête sur le Canada et sur le rôle que joue notre pays dans la triste réalité du commerce international des armes de nos jours.
    La mission de CJPMO est de donner aux Canadiens de tous horizons les moyens de promouvoir la justice, le développement et la paix au Moyen-Orient. Notre organisation réunit une dizaine de groupes militants de toutes les régions du pays. Au fil des années, environ 125 000 Canadiens ont participé à nos activités et nos campagnes. Consciente du rôle dévastateur que jouent les armes au Moyen-Orient depuis de nombreuses années, mon organisation déploie de plus en plus d'efforts en vue de limiter la circulation des armes dans cette région du monde.
    Les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient se sont réjouis lorsque l'Assemblée générale des Nations unies a ouvert, en 2012, un débat concret sur le commerce international des armes, puis au moment de l'adoption du TCA en 2013 et de son entrée en vigueur en 2014. Toutefois, notre joie de voir adopter le Traité sur le commerce des armes par la majorité de la communauté internationale a été ternie par la réticence du gouvernement canadien à envisager de signer le traité pendant de nombreuses années.
    Il est important de noter qu'au moment même où le traité donnait l'espoir d'une plus grande transparence et de voir appliquer des normes plus strictes à la circulation des armes dans le monde, le Canada négociait un de ses plus importants contrats de vente d'armes avec l'Arabie saoudite, un pays qui viole régulièrement les droits de la personne. Comme vous le savez, ce contrat de vente d'armes fait régulièrement la manchette depuis deux ou trois ans, les deux gouvernements qui se sont succédé inventant toutes sortes de justifications pour cette vente, malgré le fait que l'Arabie saoudite se classe régulièrement parmi les pires pays coupables de violations des droits de la personne.
    En fait, un sondage réalisé il y a tout juste deux mois au Canada, en septembre, par Nanos Research, pour le compte du Globe and Mail, a révélé que 64 % des Canadiens s'opposent totalement ou en partie à la décision du gouvernement canadien de vendre des véhicules blindés légers au gouvernement saoudien. Bien que l'approbation de cette vente soit contraire au bon sens, comme l'ont montré les résultats du sondage, les contrôles existants des exportations depuis le Canada, tels qu'ils se présentent dans la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la LLEI, ne sont pas parvenus à empêcher cette vente. Il y a visiblement beaucoup à dire au sujet de cette vente, mais il est clair que, pour une forte majorité de Canadiens, les dispositions actuelles de la LLEI ont failli à leur tâche d'empêcher cette vente.
    Nous espérions fortement que le nouveau gouvernement signerait le traité afin de pallier les insuffisances qui touchent depuis longtemps les contrôles canadiens en matière d'exportation d'armes. Néanmoins, dès le dépôt du projet de loi C-47, il était clair que les dispositions de la loi s'opposaient à de nombreux objectifs fondamentaux du TCA, soit par omission, soit par exclusion, soit par report dans les règlements, de manière intentionnelle ou non.
    Le Comité a déjà entendu de nombreux témoins, et je crois qu'il y a d'importants points à souligner dans les témoignages que le Comité a déjà recueillis. Je vais me pencher sur trois de ces points.
    Le premier est la nécessité d'imposer au ministre une obligation juridiquement contraignante dans le projet de loi C-47. Un témoin pour le gouvernement a admis ce qui suit:
L'article 7 du TCA exige que chaque État partie prenne en compte un certain nombre de risques spécifiques à l'égard des marchandises dont l'exportation est proposée, avant d'autoriser cette exportation... L'élément critique était la nécessité d'imposer au ministre une obligation juridiquement contraignante de prendre en compte les critères d'évaluation du TCA, avant d'autoriser la délivrance d'une licence d'exportation.
    Tout d'abord, nous devons préciser clairement que le Traité sur le commerce des armes impose l'interdiction stricte de certaines exportations d'armes, à la suite de l'évaluation objective des risques, et que la simple obligation de prendre cette évaluation en compte ne satisfait pas aux obligations qui incombent au Canada en vertu du traité.
    Le même témoin est allé jusqu'à dire que « le règlement veillerait en grande partie à l'application des exigences » du traité. Mon organisation proteste vigoureusement contre une telle conclusion. La mise en oeuvre de cette obligation par l'intermédiaire d'un règlement s'avère peut-être être la façon la plus facile et la plus souple de l'appliquer, mais cela crée un vide juridique flagrant qui pourrait mener à l'approbation de ventes d'armes présentant un risque élevé. En fait, c'est précisément ce type d'échappatoire qui a permis l'approbation d'un contrat de vente d'armes d'une valeur de 15 milliards de dollars à l'Arabie saoudite en vertu du règlement existant relevant de la LLEI, contre le jugement plus avisé du public canadien.
    C'est pourquoi, mon organisation appuie le témoignage présenté par plusieurs autres personnes devant votre comité, assurant que pour respecter pleinement le Traité sur le commerce des armes, le projet de loi C-47 doit contraindre le ministre des Affaires étrangères à barrer la route aux exportations qui comportent un risque prépondérant de contribuer à miner la paix et la sécurité internationales ou à commettre ou faciliter la commission de violations graves du droit international.
    Nous recommandons que le projet de loi C-47 prenne modèle sur le traité pour établir un seuil minimum obligatoire en matière d'approbation des exportations. Selon moi, par exemple, la question de savoir si le Canada devrait approuver des ventes d'armes ne devrait même pas se poser si les armes en question risquent d'être utilisées pour commettre des violations des droits de la personne. Si une souplesse supplémentaire est nécessaire, selon les témoins du gouvernement, pour s'adapter aux nouvelles menaces et aux nouvelles normes internationales, il suffirait d'adopter d'autres règlements pour répondre à ce besoin au-delà du seuil minimum demandé par le TCA et codifié dans le projet de loi C-47.

  (1120)  

    Quant à l'obligation de rendre compte des ventes d'armes aux États-Unis telle que proposée par le projet de loi C-47 pour la mise en oeuvre du traité, un témoin du gouvernement a suggéré que l'adhésion au traité ne devrait pas obliger le Canada à faire le compte rendu de ses ventes d'armes aux États-Unis. Pourtant, le texte même du Traité sur le commerce des armes suggère le contraire. L'article premier du TCA insiste sur l'application des normes internationales communes les plus strictes possible dans les ventes d'armes, alors que l'entente existante entre le Canada et les États-Unis ne comporte aucune norme stricte, ni aucune norme commune.
    L'article 2 du TCA énonce clairement que le traité s'applique à toutes les exportations d'armes des États parties. Le fait d'exempter les exportations d'armes canadiennes vers les États-Unis va précisément à l'encontre de cette obligation.
    Enfin, l'article 5 du traité demande son application de façon cohérente, objective et non discriminatoire. Le traitement distinct et moins rigoureux des exportations d'armes canadiennes à destination des États-Unis ne répond clairement pas à cette exigence de cohérence du Traité sur le commerce des armes.
    Le témoin du gouvernement a affirmé que le Traité ne précise pas de quelle manière les États Parties devraient organiser leurs systèmes de contrôle des exportations. Cela n'est vrai que dans la mesure où les systèmes en question ne vont pas à l'encontre des obligations qui incombent au pays en vertu du Traité sur le commerce des armes. Cependant, l'entente du gouvernement avec les États-Unis dans le cadre de l'Accord sur le partage de la production de défense ne respecte visiblement pas l'obligation du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes.
    Je terminerai en disant que nous devrions nous efforcer, au moment d'examiner le projet de loi C-47, de faire la part des choses entre nos principes éthiques et les emplois canadiens. Je soupçonne qu'en privé, de nombreux membres du Comité sont aussi mal à l'aise que moi face au contrat de vente d'armes d'une valeur de 15 milliards de dollars à l'Arabie saoudite. Cependant, puisque les promoteurs de cette vente d'armes la présentent comme un choix entre des risques relatifs d'une part et la préservation d'emplois canadiens d'autre part, la question prend l'allure d'un dossier sensible sur le plan politique. Il n'est pas surprenant que des représentants élus des gouvernements successifs voient dans cette alternative une forme d'autoflagellation politique.
    C'est pourquoi je recommande que dans son application du traité, le Canada adopte des dispositions qui permettent aux législateurs d'éviter ce type de cercle vicieux. Dès le départ, le contrat de vente d'armes à l'Arabie saoudite a peut-être été présenté, à la suite du rôle joué par la Corporation commerciale canadienne, comme un compromis qui mettrait en jeu des emplois canadiens bien payés dans le secteur de la défense à London, en Ontario.
    Une fois que le Canada aura ratifié le Traité sur le commerce des armes, la question éthique devrait être examinée bien plus tôt dans le processus de vente, longtemps avant qu'il soit question de compromis pour sauver des emplois au Canada.
    Naturellement, une obligation juridiquement contraignante pour le ministre, comme l'exige le traité, permettrait d'éviter de nombreux contrats contestables sur le plan moral, avant même qu'ils soient envisagés, mais en outre, les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient recommandent que les législateurs envisagent d'autres façons de séparer les enjeux et d'examiner dès le départ les considérations éthiques du contrat avant que l'on diffuse publiquement les retombées économiques potentielles du contrat. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il faudra peut-être réviser le rôle que semble jouer couramment la Corporation commerciale canadienne.
    Les discussions que je viens de rapporter mettent en relief les grandes préoccupations que suscite pour nous le projet de loi. Les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient recommandent aux membres du Comité de prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, d'un document publié par un groupe d'ONG canadiennes, parmi lesquelles figure notre propre organisation, CJPMO, intitulé Le projet de loi C-47 et la ratification du Traité sur le commerce des armes par le Canada — Les inquiétudes et les recommandations de la société civile.
    Ce document paru officiellement le 16 octobre est le fruit d'un débat qui a réuni de nombreuses ONG canadiennes de premier plan, dont CJPMO. Il passe en revue un certain nombre de préoccupations qui vont au-delà de l'exposé que je vous ai présenté aujourd'hui.
    Je crois que le Canada a la possibilité d'éviter des misères et des souffrances inutiles dans de nombreuses régions du monde provoquées par des ventes d'armes mal avisées ou illicites. Mon organisation et moi-même prions instamment votre comité de proposer les amendements nécessaires pour faire en sorte que le Canada respecte l'esprit et la lettre du Traité sur le commerce des armes une fois qu'il aura procédé à sa ratification.
    Je vous remercie de votre attention. Vos commentaires seront les bienvenus.

  (1125)  

    Merci, monsieur Woodley.
    Je remercie tous nos témoins.
    Nous allons maintenant passer directement aux questions.
    Monsieur Genuis, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Je vais peut-être commencer par quelques simples observations. Je remarque que l'utilité du contrôle parlementaire a encore été vantée. Je note que notre caucus a appuyé, au début de la présente session, une motion préconisant la création d'un sous-comité de notre comité qui serait chargé d'examiner les questions concernant le contrôle des armes, évidemment dans le cadre d'un processus parlementaire.
    Je crois qu'il était reconnu que nous disposions déjà d'un système de contrôle solide qui faisait place à une certaine discrétion politique, mais qui reposait sur une structure très solide. On a aussi souligné l'utilité pour la société civile ainsi que pour l'industrie de fabrication des armements de disposer de bonnes informations au préalable, afin que le processus puisse garantir un degré de certitude.
    Mes questions s'adressent de façon générale à Mme Cianfarani.
    Tout d'abord, j'aimerais vous demander quelles seraient les incidences de ce projet de loi sur les filiales. Par exemple, devrions-nous prendre conscience des conséquences particulières que le projet de loi pourrait avoir sur les filiales canadiennes des grandes sociétés américaines?
    Ces filiales sont déjà tenues de respecter les exigences canadiennes en matière de licence d'exportation. Le Traité sur le commerce des armes de l'ONU représentera la quatrième série de règles et de réglementations. Les biens et services en provenance des États-Unis font l'objet de licences d'exportation des États-Unis, mais elles sont également contrôlées au moment de leur mise en oeuvre dans des plateformes canadiennes, en vertu du régime des exportations canadiennes à destination de l'étranger. À leur entrée et à leur sortie du pays, les biens et services sont soumis aux lois et licences visant les exportations canadiennes, ainsi qu'à celles du pays destinataire.
    Les protections existent déjà et j'en suis très satisfait. Le projet de loi entraînera-t-il d'autres fardeaux supplémentaires pour ce type d'activités en particulier?
    Tout d'abord, il faudra attendre de voir le règlement. C'est difficile pour nous de juger quelles en seront les conséquences. Nous prévoyons cependant, en raison des exigences supplémentaires imposées aux courtiers, que les entreprises devront vraisemblablement respecter des structures supplémentaires de gouvernance, identifier leurs agents et obtenir des licences pour ces agents des tierces parties. Cette structure ou ces principes de gouvernance et ces règles supplémentaires amèneront sans doute les entreprises à mettre en place des processus supplémentaires afin de respecter la loi.
    À la base, nous savons que les processus supplémentaires entraînent des coûts économiques additionnels, pour le meilleur ou pour le pire. Le système en place actuellement est déjà strict, mais, d'après vous, les nouvelles exigences concernant le courtage entraîneront des coûts et la mise en place de processus supplémentaires qui toucheront ces filiales.
    Oui, absolument.
    Par ailleurs, on ignore jusqu'à un certain point comment se présentera exactement la nouvelle réglementation. Divers intervenants nous ont dit que le gouvernement s'était réservé une assez grande latitude vis-à-vis de ce qu'il souhaite révéler au sujet du règlement.

  (1130)  

    Oui, en effet, mais nous espérons entretenir un certain dialogue avec le gouvernement au moment de la mise en place du règlement. Il nous a déjà consultés dans le cadre du présent processus législatif et nous espérons aussi pouvoir fournir notre point de vue pendant la phase réglementaire, et c'est la raison pour laquelle nous pouvons nous préparer dès maintenant.
    Le sort réservé aux propriétaires canadiens d'armes à feu est une des préoccupations qui ont été soulevées. Le préambule du projet de loi contient une certaine formulation destinée à rassurer les membres de ce groupe, mais le texte du projet de loi lui-même ne contient aucune disposition permettant de les assurer qu'ils ne feront pas, par exemple, l'objet d'une collecte de données qui reviendrait dans les faits à créer de façon déguisée, un nouveau registre des armes d'épaule. Certains témoins ont proposé, comme nous en avons déjà parlé, la possibilité d'amender le texte du projet de loi pour qu'il s'oppose très clairement à ce type d'évolution. Madame Cianfarani, pensez-vous qu'un tel type d'amendement serait acceptable pour les personnes que vous représentez?
    Nous ignorons si un tel amendement serait utile pour les propriétaires indépendants d'armes à feu, parce que nous ne représentons pas ces personnes. En revanche, nous ne voyons pas pour le moment l'utilité d'apporter un tel amendement à la loi.
    C'est intéressant, parce que c'est un sujet qui est revenu à plusieurs reprises. Certaines personnes n'ont pas de problème avec ce type d'assurance, mais se demandent si un tel amendement serait nécessaire. Il est intéressant de noter que les propriétaires d'armes à feu souhaiteraient obtenir ce type d'assurance.
    Je vais utiliser le temps qu'il me reste pour poser des questions à d'autres témoins. Bien entendu, on peut accepter candidement ce que dit le gouvernement, à savoir que le but n'est pas de viser les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois, ni d'accroître les formalités administratives, ni de collecter un plus grand nombre de données. Voyez-vous un inconvénient à ce que l'on ajoute ce type d'éclaircissement dans le corps même de la loi et pas seulement dans le préambule?
    Je pense que ce ne serait pas utile. Le Traité sur le commerce des armes porte sur le transfert international des armes et des munitions entre des pays et des territoires qui importent, exportent et accueillent de telles marchandises en transit. Le traité ne porte pas sur les armes d'usage personnel. Je pense donc qu'une telle formulation ne serait pas nécessaire.
    De mon côté, j'estime que je ne suis pas un expert sur le sujet que vous avez soulevé.
    Très bien.
    Monsieur Levitt, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup pour vos témoignages.
    Madame Macdonald, je vais peut-être commencer par vous. Je vais explorer un peu plus en profondeur les questions liées au genre que vous avez soulevées, et leur incidence sur les femmes et les jeunes filles. Je ne veux pas mettre les mots dans votre bouche, mais vous avez dit que le projet de loi que nous examinons ne tient pas suffisamment compte de ces questions par rapport au Traité sur le commerce des armes. L'article 7(4) du traité se lit comme suit:
Lors de son évaluation, l'État Partie exportateur tient compte du risque que des armes classiques visées à l'article 2(1) ou des biens visés aux articles 3 ou 4 puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou en faciliter la commission.
    La semaine dernière, M. Butcher de l'organisme Oxfam nous a dit que ces articles auraient force contraignante une fois que nous aurons signé le document, peu importe la formulation précise du règlement ou de la loi. Une étape supplémentaire est-elle nécessaire ou estimez-vous au contraire que cela serait suffisant? En tout cas, c'est ce que l'on nous a assuré.
    Oui, je partage le point de vue de mon collègue d'Oxfam et je pense que ces articles seront juridiquement contraignants une fois que nous aurons ratifié le traité. Dans ma déclaration, je voulais simplement souligner cet aspect important du traité, car c'est le premier traité à mentionner expressément la violence fondée sur le sexe.
    Pour moi, la mention de ce type de violence est une victoire. J'encourage tout simplement le Canada à tirer parti de cette disposition du traité. Étant donné le lien étroit qui existe entre cette disposition et la volonté du gouvernement canadien de réduire la violence fondée sur le sexe dans le monde, cela vous donne un outil supplémentaire pour poursuivre cette politique.
    Absolument. Pouvez-vous nous parler un peu plus, d'après votre perspective, du commerce illicite des armes et de son impact particulier sur les femmes et les jeunes filles? Pouvez-vous nous donner un peu plus d'information à ce sujet?

  (1135)  

    Ce type de violence est particulièrement lié à l'utilisation d'armes de petit calibre et d'armes légères qui, comme vous le savez, sont incluses dans le traité que nous étudions. Le but ultime du Traité sur le commerce des armes est de réduire le nombre d'armes illicites en circulation en commençant par réglementer le commerce licite. Le traité a vu le jour notamment en raison des efforts déployés par l'ONU et de nombreux pays afin de s'attaquer au commerce illicite, par exemple par l'intermédiaire du programme d'action des Nations unies en vue de combattre le commerce illicite des armes; cependant, la plupart des armes, 99 % d'entre elles, commencent à être distribuées dans le cadre d'un commerce licite.
    Il y a une énorme zone grise entre le commerce licite et le commerce illicite. À moins de réglementer et de contrôler efficacement le commerce licite, il n'existe véritablement aucun moyen réel d'empêcher la circulation d'un grand nombre d'armes commercialisées de manière illicite. Un des objectifs du TCA consiste, ultimement, s'il est appliqué effectivement par un grand nombre de pays, à réduire la quantité d'armes qui font l'objet de commerce illicite, ce qui contribuera également à réduire la violence fondée sur le sexe et la violence contre les femmes et les enfants.
    Il est important de mentionner la violence fondée sur le sexe car celle-ci, évidemment, peut se manifester sous la forme d'une violence ciblant expressément les femmes et les jeunes filles en raison de leur sexe. Cette violence peut aussi viser des hommes et des jeunes garçons en raison de leur sexe. Nous encourageons les gouvernements à élaborer des lignes directrices pour la mise en oeuvre du traité. En effet, nous agissons afin de soutenir les gouvernements pour les aider à élaborer des lignes directrices et des indicateurs qui peuvent s'avérer utiles au moment de procéder à une évaluation des risques dans le cadre d'une demande de transfert d'armes en vue de déterminer le risque de violence fondée sur le sexe et de contribuer ainsi à appuyer les fonctionnaires et à les aider à prendre la décision adéquate. Une telle documentation pourrait comprendre diverses informations publiques sur les droits de la personne et le droit humanitaire, ainsi que d'autres rapports spécialisés concernant une destination particulière.
    Merci.
    Madame Cianfarani, j'aimerais rester dans le même domaine. Je pense que Mme Macdonald a vraiment mis le doigt sur le problème. Notre gouvernement a fait de la protection des femmes et des jeunes filles une priorité et notre politique étrangère féministe abonde également dans ce sens.
    Pouvez-vous, vous aussi, commenter l'impact de cette entente en vous plaçant dans l'optique d'une analyse fondée sur le sexe?
    Dans ma tête de dirigeante d'une association de l'industrie, je dirai tout simplement que la portée que nous voulons donner aux instruments de politique étrangère relativement aux questions liées au genre relève de la responsabilité des représentants élus du gouvernement du Canada. Et si je vous réponds en tant que femme — c'est d'ailleurs peut-être la raison pour laquelle vous me poser la question —, j'accorde beaucoup d'importance, en tant que Canadienne, à l'application des contrôles des exportations comme instrument de politique étrangère, et dans ce cas particulier, en vue de réduire la violence fondée sur le sexe et ciblant particulièrement les femmes et les jeunes filles.
    Merci.
    Je pense que je vais continuer à vous poser quelques autres questions.
    L'objectif de ce traité est d'éliminer le commerce international illégal des armes et d'établir des normes visant à prévenir les violations des droits de la personne causées par la prolifération des armes illégales dans les zones de conflit du monde. L'accessibilité des armes, en particulier les armes de petit calibre, alimente les conflits dans le monde entier et contribue à des violations des droits de la personne.
    Pouvez-vous nous donner votre point de vue à ce sujet et nous dire pourquoi, selon vous, la réglementation du commerce international des armes et l'élimination du commerce illicite des armes sont si importantes? Quels sont les défis qu'entrevoit votre association?
    Encore une fois, je pense que nous devons nous assurer de bien comprendre que le contrôle des exportations, les sanctions, les embargos sur les armes, les gels d'actifs, les restrictions financières et les autres mesures de ce type sont des instruments de politique étrangère que le gouvernement peut appliquer à sa discrétion. Dans le cas du contrôle des exportations, il s'agit de réglementer une marchandise particulière qui est utilisée dans des circonstances particulières, dans le cas d'un pays particulier.
    Comme je l'ai mentionné, notre industrie respecte déjà trois régimes de contrôle des exportations qui régissent la circulation des biens et services sur le marché réglementé. Le Traité des Nations unies sur le commerce des armes ajoutera une législation supplémentaire par laquelle le ministre des Affaires étrangères sera tenu de respecter les critères pris en considération dans la vente d'armes, contrôle qui s'exerce au niveau gouvernemental, et une réglementation supplémentaire sur le courtage qui s'appliquera à toute l'industrie.

  (1140)  

    Merci, monsieur Levitt.
    J'ai utilisé tout mon temps?
    Oui, j'en suis désolé.

[Français]

    Madame Laverdière, vous avez la parole.
    Je remercie beaucoup les trois témoins de leur présence.
    Madame Cianfarani, je pense que nous sommes vraiment d'accord sur l'essentiel, y compris sur la nécessité d'avoir un processus transparent et prédictible.
    J'aimerais adresser un commentaire à Mme Macdonald. À deux reprises, que ce soit en comité ou à la Chambre des communes, j'ai suggéré que le Canada se dote d'un comité qui puisse se pencher de façon récurrente sur le dossier des exportations d'armes. Malheureusement, cela n'a pas fonctionné, mais je vais certainement essayer une troisième fois et nous vous tiendrons au courant à ce moment-là.
    Le projet de loi tel qu'il a été présenté ne prévoit pas d'obligation légale pour la ministre de refuser certains permis d'exportation. Selon moi, cela place la ministre, qui doit prendre la décision, dans une position plus difficile en raison de toutes sortes de pressions politiques nationales et internationales qui peuvent s'exercer. En revanche, si la ministre avait un instrument légal qui lui permettrait de dire à certains partenaires du Canada que, légalement, elle ne peut pas accorder ce permis d'exportation, il me semble que cela la protégerait.
    Qu'en pensez-vous?
    Ma question s'adresse à M. Woodley et à Mme Macdonald.

[Traduction]

    J'aimerais souligner que les militants comme nous qui font la promotion des droits de la personne ne sont certainement pas contre le commerce et ne veulent d'aucune manière s'opposer à la productivité et à la prospérité de l'industrie canadienne. Par rapport à ce que vous avez dit, je pense que le fait de mettre les droits de la personne au coeur de notre plateforme politique et de notre stratégie ne signifie pas que nous voulons couper toutes les communications et tous les échanges commerciaux avec certains pays au régime particulier. Nous voulons plutôt exercer de saines pressions sur ces régimes, sur ce commerce, afin que les gouvernements concernés évoluent dans la direction où nous souhaitons les voir progresser en matière de respect des droits de la personne. En inscrivant ces obligations précises dans le projet de loi C-47 lui-même, nous libérons en quelque sorte le processus afin qu'il puisse produire les résultats que nous attendons, à savoir hausser la barre dans le domaine des droits de la personne, que ce soit en Arabie saoudite ou dans un autre pays. Cela ne veut pas dire que nous voulons cesser tout commerce avec certains pays. Nous voulons simplement hausser la barre et affirmer que nous n'avons pas le choix d'agir autrement, car nous avons pris cet engagement en matière de protection des droits de la personne.
    Je vais laisser d'autres présenter leurs commentaires, mais voilà ce que je voulais dire.
    J'aimerais ajouter que je suis tout à fait d'accord avec l'idée selon laquelle il serait préférable pour le ministre qu'il y ait des limites légales claires. Je tiens également à souligner que dans notre interprétation du traité, les articles 6 et 7 sont parfaitement limpides à ce sujet. Ils disent clairement que le gouvernement ne doit en aucun cas autoriser un transfert d'armes si les critères ultérieurs ne sont pas respectés.
    À l'article 6, on peut lire que s'il est au courant de l'utilisation de ces armes pour commettre des crimes contre l'humanité ou des violations des conventions internationales, le gouvernement ne doit autoriser aucun transfert.
    À l'article 7, si, à l'issue de l'évaluation des risques, il estime qu'il existe un risque prépondérant d'utilisation de ces armes pour commettre des violations des droits de l'homme ou du droit humanitaire ou pour commettre des violences fondées sur le sexe, le gouvernement ne doit pas en autoriser l'exportation.
    C'est une obligation légale parfaitement claire et sans ambiguïté pour laquelle il n'existe aucune marge discrétionnaire. Il ne s'agit pas d'un cas où vous évaluez les risques et avez le droit de décider d'autoriser ou non l'exportation; si un tel risque existe, vous interdisez l'exportation.
    À notre avis, il doit y avoir de telles limites légales, soit l'obligation juridique imposée au ministre. À vrai dire, c'est précisément ce qui existe dans les autres pays qui ont, à ce jour, ratifié le traité ou y ont accédé. Si vous analysez la législation des pays d'Europe, d'Afrique, d'Amérique latine et d'autres pays qui ont ratifié le traité, vous constaterez qu'il existe des obligations juridiques claires imposées à leurs ministres. Nous estimons que la situation doit être la même au Canada.

  (1145)  

[Français]

    En fait, ce qui m'inquiète un peu, c'est que les autres pays ont inscrit une obligation légale dans leur loi. Le Canada ne le fait pas, ce qui va à l'encontre de l'esprit et de la lettre du Traité. Dans la même mesure, le Canada fait une énorme exception pour les États-Unis, ce qui va aussi à l'encontre de l'esprit et de la lettre du Traité. Je suis inquiète. Je me demande si le Canada n'est pas en train d'affaiblir le Traité à cause d'une loi de mise en oeuvre du Traité si faible.

[Traduction]

    Ma conviction est que nous ne donnons pas l'exemple aux autres. D'autres témoins ont affirmé que nous montrions l'exemple à suivre, mais je ne partage pas cet avis. Je considère le projet de loi C-47 comme une sorte d'application édulcorée, assortie de processus incomplets pour effectivement mettre en relief les intentions du TCA. J'y vois un projet de loi boiteux, et je pense réellement qu'il a besoin de profondes modifications pour l'amener au niveau normatif que vise expressément le TCA.
    Nous allons passer à M. Saini, s'il vous plaît.
    Madame Cianfarani, j'aimerais commencer par vous.
    Nous avons entendu dire que ce traité établira une nouvelle norme mondiale pour les importations et les exportations d'armes. Je suis convaincu que dans l'exercice de vos fonctions, vous devez faire face à différents régimes d'exportation et d'importation, et que vous tenez à vous assurer que les entreprises légitimes jouissent d'une entière confiance lorsqu'elles travaillent dans d'autres pays.
    J'assimile votre organisation à l'Association des industries aérospatiales et de défense de l'Europe. Si vous vous penchez sur ce que cette association a tenté de faire en tant qu'organisme, vous constaterez qu'elle a cherché à rehausser le niveau pour pouvoir dire que la responsabilité d'entreprise, dans bien des cas, confère un avantage concurrentiel, que ses industries s'efforcent d'uniformiser les règles du jeu et qu'un TCA régissant le commerce légal des armes classiques est une étape importante dans l'uniformisation des règles du jeu.
    La question que je tiens à vous poser a trait à ce que signifie ce type de norme mondiale pour votre aptitude à faire des affaires dans d'autres pays du monde.
    Comme vous pouvez facilement l'imaginer, il est très important d'uniformiser les règles du jeu, à défaut de jouir d'un avantage concurrentiel, lorsque de telles occasions nous sont offertes.
    Nous sommes convaincus qu'étant donné que le TCA des Nations unies cherche effectivement à rehausser la barre à l'échelle mondiale, cela signifie qu'aucun autre pays où il y a des signataires de ce traité ne pâtira d'un inconvénient pour ce qui est de faciliter l'exportation et/ou l'importation de produits et de services de défense de manière plus rapide ou plus fluide que nous le pouvons au Canada. Cela ne fait qu'uniformiser les règles du jeu, ce qui revêt une importance cruciale compte tenu du fait que le marché est géré avec autant de rigueur d'un pays à l'autre.
    Permettez-moi de vous lire une citation, qui est ce que le secrétaire aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, M. William Hague, a déclaré à l'approche de l'aboutissement des négociations du TCA en 2013. Voici ce qu'il a dit à propos de ce traité:
Il ne stigmatisera pas le commerce légitime des armes. En revanche, il le protégera, en créant des engagements mondiaux sur les contrôles nationaux d'exportation des armes et une ligne de référence pour des contrôles rigoureux qui garantiront que les pays peuvent défendre leurs citoyens sans compromettre le développement humain.
    J'ai deux questions à ce sujet. Êtes-vous d'accord avec une telle évaluation, à savoir que ce traité ne compromettra pas vraiment le commerce intérieur d'un pays? En fait, conférera-t-il une certaine légitimité à une industrie qui est parfois incomprise ou l'on ne comprend pas toujours parfaitement ce que font certaines sociétés?
    Je ne crois pas que l'industrie telle qu'elle est au Canada soit d'aucune façon illégitime ou illicite. Depuis des années maintenant, cette industrie est rigoureusement réglementée, comme je l'ai souligné, en vertu de trois régimes distincts de contrôle des exportations. Comme le Comité en est conscient, le TCA des Nations unies n'en ajoutera que deux, de sorte que nous en sommes à 26 normes mondiales sur 28 pour la réglementation internationale des armes.
    À mon avis, le Canada a tout lieu d'être fier de sa position actuelle. Je pense que cela rehaussera le niveau de normalisation ici au Canada, mais aussi, et cela est encore plus important, dans d'autres pays qui se livrent au courtage de produits et de services de défense selon des normes qui sont inférieures à celles que nous avons ici au Canada.

  (1150)  

    Pour en revenir à mon point initial, je parlais de l'Association des industries aérospatiales et de défense de l'Europe. Celle-ci est d'avis que l'accession au TCA est une étape indispensable pour rehausser sa visibilité et sa responsabilité sociale, sans compter que cela lui conférera une certaine légitimité et créera un cadre où elle sera mieux comprise, sans parler de l'uniformisation des règles du jeu à l'échelle mondiale.
    D'après ce que je sais de votre industrie, il me semble que l'idée est pratiquement la même. Vous voulez ratifier le TCA afin d'uniformiser les règles du jeu, non pas que votre industrie soit illégitime, mais plus au sens où quand vous faites affaire avec des partenaires mondiaux et avec le commerce mondial, les pays qui négocient des accords avec le Canada comprendront mieux ce que nous faisons précisément.
    C'est incontestablement la raison pour laquelle nous avons instamment prié le gouvernement d'accéder au TCA des Nations unies. Nous avions le sentiment que le Canada fonctionnait déjà selon des normes très strictes. Cela ne fera que solidifier les normes que nous respectons déjà. Cela équivaut à une déclaration mondiale sur notre position en tant que Canadiens et, dans cette industrie, sur l'importance du rôle que jouent les règlements dans la responsabilité sociale organisationnelle.
    Me reste-t-il du temps?
    Je vous accorde une question de plus.
    Il s'agit d'une question très importante. Or, vous savez que je ne pose pas de longues questions. Dois-je la poser?
    Bien entendu.
    Merci.
    J'ai une question de plus, qui est relativement courte. Un des objectifs que vise ce traité est d'empêcher le détournement des armes. Si vous pouviez nous brosser un tableau plus exact de vos industries, quels dispositifs particuliers avez-vous actuellement en place pour lutter contre ce phénomène et en quoi pensez-vous que l'adoption fructueuse de ce traité à l'échelle mondiale empêchera la propagation ou le détournement des armes?
    Aujourd'hui, les importations et les exportations d'armes sont régies par trois programmes: le programme des marchandises contrôlées, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, et la Liste des pays désignés (armes automatiques). Effectivement, en tant que Canadien, lorsque vous exportez des armes, vous êtes régi par les régimes qui réglementent à qui vous vendez vos produits et services.
    Ce que le TCA des Nations unies fera, c'est d'examiner les tierces parties qui agissent à titre de mandataires ou de courtiers, ce qui est cette couche supplémentaire de circulation des marchandises et des services entre les pays, d'un pays à l'autre, par un mandataire ou une tierce partie. Ces activités supplémentaires ciblent largement la circulation ou le détournement des produits et des services de défense entre les États nations et entre les organisations et les personnes.
    Je vous remercie infiniment.
    Merci, monsieur Saini.
    Monsieur Sidhu, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les trois de vos témoignages de ce matin. Je crois que les plus lourdes pressions s'exercent sur Mme Cianfarani.
    J'aime à croire que je suis une femme très convoitée.
    Vous avez mentionné qu'il s'agit d'une industrie d'une valeur de 10 milliards de dollars et que nous avons 650 équipementiers qui produisent des armes à feu. Je pense qu'il est louable de protéger l'être humain contre les souffrances, mais à un autre palier, je m'interroge sur le type de mécanisme que votre association a en place pour éviter que ces armes ne tombent entre les mauvaises mains.
    Nous constatons autour du monde qu'au moins une fois par semaine, il y a une fusillade de masse. Que faire pour empêcher ce phénomène? Qu'en pensez-vous?
    Les obligations qui nous échoient en vertu des règlements débutent et prennent fin à la conclusion de nos contrats. Effectivement, nous sommes régis en vertu de ces règlements à partir du moment où nous concluons un contrat avec une tierce partie ou un État nation jusqu'au moment où nous signons ce contrat avec la tierce partie en question.

  (1155)  

    D'accord.
    J'aimerais également souligner que j'ignore si dans votre prélude, vos faits sont corroborés ou non.
    Nous sommes 63 000 Canadiens, avec environ 800 entreprises — ISDE dira plutôt que ce nombre est de 650 —, et 4 % de notre secteur traite des armes légères, des armes à feu et des munitions. La grande majorité de notre industrie fabrique des composants et des pièces d'aéronefs, en plus d'assurer l'entretien, la réparation et la révision des cellules d'avion.
    Vous avez mentionné l'absence du Canada du TCA. Aujourd'hui que le Canada a l'intention de ratifier le TCA, quel type d'impact pensez-vous que cela aura sur votre industrie, puisque c'est le segment canadien de cet ensemble?
    Eh bien une fois de plus, cela ajoutera d'autres activités à nos entreprises pour qu'elles puissent réglementer, assurer le suivi et l'enregistrement des armes, et vraisemblablement d'autres structures de gouvernance au titre de l'activité qui consiste à assurer le courtage au sein de nos entreprises.
    Pouvez-vous songer à d'autres pays qui ont bénéficié de leur accession au TCA?
    Je ne me suis livrée à aucune étude sur d'autres pays et sur leurs comportements au sujet du TCA des Nations unies et si oui ou non cela a modifié leurs comportements.
    À mon avis, c'est une étude qui doit être confiée à Affaires mondiales Canada au sujet de la position du Canada et d'autres pays.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre au sein du Comité qui aimerait parler de cette question?
    Monsieur Woodley?
    À propos de la question préalable de M. Saini, alors que je m'adressais aux députés au sujet des ventes d'armes à l'Arabie saoudite, beaucoup, comme je l'ai dit il y a quelques instants, ont éprouvé des inquiétudes à ce sujet, tout en refusant de dénoncer publiquement cette transaction. Une des excuses invoquées est que si le Canada ne vend pas ces armes à l'Arabie saoudite, quelqu'un d'autre le fera à sa place.
    Pour ce qui est d'uniformiser les règles du jeu, si nous réussissons à obtenir que tous les pays signent le TCA, nous n'aurons plus une situation du type, « Voilà une affaire que nous manquons, car si nous ne signons pas ce contrat, les Russes ou les Allemands ou les Italiens le feront à notre place », ou quelque chose de ce genre.
    À mon avis, il est important que tous les pays appliquent honnêtement le TCA, de manière à ce que les États voyous n'aient pas l'option de s'adresser à un autre pays qui leur vendra ces armes. À mon avis, cela harmonise les règles du jeu de manière cruciale, à condition que tout le monde applique ce traité avec honnêteté, conformément aux intentions du traité proprement dit.
    Merci, monsieur Saini.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que le TCA a déjà eu un certain impact, comme l'attestent les décisions sur les transferts d'armes que les gouvernements prennent dans le monde entier. Auparavant, il n'y avait pas de réglementation mondiale du commerce des armes classiques. Nous avions un système disparate de règlements en vertu duquel certains pays exerçaient des contrôles très stricts sur les exportations, d'autres des contrôles assez laxistes et d'autres encore, pas de contrôles du tout.
    L'un des résultats positifs que nous avons déjà constatés avec les 92 États parties qui ont signé le traité et avec la quarantaine d'autres pays signataires, est que les gouvernements s'évertuent à mettre en place des contrôles des exportations et des importations et également du transport des armes à travers leurs territoires, ce qui est une mesure importante visant à réduire le détournement dont parlait un intervenant préalable. Le détournement des armes est manifestement un problème colossal, en particulier dans le domaine des armes légères et des armes de petit calibre, mais pas uniquement sur ce plan, mais aussi sur le plan du commerce illicite.
    Lorsque nous avons analysé certains pays, par exemple à propos de ce que Thomas vient tout juste de dire à l'égard des exportations d'armes vers l'Arabie saoudite, nous avons constaté que certains pays ont mis un terme à leurs exportations d'armes vers l'Arabie saoudite et les membres associés de la coalition à cause des atrocités sur le plan humanitaire qui sont commises actuellement au Yémen. D'autres ont imposé des restrictions supplémentaires à leurs mécanismes d'autorisation afin de réduire le nombre d'armes qui partent à destination de l'Arabie saoudite en raison du conflit et de la situation qui règne au Yémen. Effectivement, nous commençons à constater certains changements dans le comportement des États, à la fois sur le plan des décisions qu'ils prennent, et aussi dans le monde entier, grâce au phénomène important de l'établissement de systèmes là où il n'y en avait pas au préalable.
    Merci, madame Macdonald.
    Nous allons maintenant passer à M. O'Toole, s'il vous plaît.
    Je vous remercie infiniment, monsieur le président.
    Je remercie également tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Je vais mettre à profit le peu de temps qui m'est accordé pour poser certaines questions à Mme Cianfarani.
    Enchanté de vous voir. Nous avons servi ensemble dans l'armée. Vous avez fait une transition très réussie.
    Combien de personnes travaillent pour les industries aérospatiale, de la défense et de la sécurité, au Canada?

  (1200)  

    Il y en a 63 000 si vous tenez compte du segment militaire de l'industrie aérospatiale.
    C'est sans doute l'une des industries en tête de liste pour ce qui est de l'emploi d'anciens combattants des Forces armées canadiennes.
    Cela vous paraît-il juste?
    Incontestablement, beaucoup d'anciens combattants sont à la recherche d'un emploi dans ce secteur. Cela est monnaie courante. Ils connaissent fort bien les produits et les services que nous produisons.
    Cela va de tout, depuis le droit à la sécurité jusqu'aux simulateurs de vol et ainsi de suite. Tout ce qui relève de ce secteur?
    Effectivement.
    Je vais citer le témoignage de M. Gilmour et de M. Arbeiter, du ministère, qui ont déclaré que le projet de loi C-47 était une tentative « d'universaliser des pratiques exemplaires ». Pratiquement toutes les parties ont admis que le Canada a depuis les années 1950 les meilleures pratiques exemplaires du monde.
    Vous avez mentionné que nous sommes déjà en accord avec 26 des 28 éléments du TCA. J'ose affirmer que ce chiffre est plutôt de 27, étant donné que nous avons des politiques officialisées depuis les années 1980 et que ces politiques vont bientôt acquérir force de loi.
    Juridiquement contraignantes, c'est exact.
    Le seul domaine où il y ait d'importants changements concerne le courtage.
    À votre connaissance, l'industrie canadienne a-t-elle éprouvé des problèmes à l'égard des contrôles des exportations par les courtiers sur le marché intérieur?
    Pas que je sache.
    Comme je l'ai mentionné, les règlements aujourd'hui vont d'une seule société à un état final. Si ces entreprises emploient des courtiers dans le cadre de leurs transactions, j'aurais entendu parler des activités qui se déroulent entre l'entreprise et ce courtier qui agit à la manière d'un consultant pour l'entreprise. Il est peu probable que j'aie entendu parler de problèmes découlant de ce qui pourrait être perçu comme des difficultés de courtage.
    J'ai entendu certains témoins aujourd'hui parler de détournement. Incontestablement, à l'échelle internationale, on s'inquiète que des courtiers internationaux détournent certaines armes du cadre prévu des exportations. Certes, cela se produit à l'extérieur du territoire canadien. Nous pouvons en effet réglementer le courtage au Canada, mais pas les détournements d'armes ailleurs.
    C'est exact. Ce projet de loi continuera d'en faire une considération extraterritoriale.
    D'accord.
    Des filiales en propriété exclusive d'entreprises aérospatiales ou de défense ont-elles déclaré que le renforcement de la réglementation et de la paperasserie des activités de courtage au Canada risquait de rendre ces filiales moins concurrentielles dans leurs activités internationales?
    Avant toute chose, je dirais que la plupart des entreprises évoluent à grande échelle dans le secteur. Nous ne parlons pas ici de petites entreprises. Celles-ci exportent généralement des produits dans les chaînes logistiques mondiales, les plus grandes entreprises qui ont de très vastes unités de contrôle des exportations dans leur propre organisation. Ce sont celles qui emploient généralement des mandataires ou des tierces parties, et qui ont déjà une forme quelconque de structure et de gouvernance organisationnelle pour ce qui est des régimes de contrôle des exportations, lesquels sont très importants à ce stade. Même si certaines ont affirmé qu'elles prévoyaient la mise en place d'autres processus, et sans doute un plus grand volume de paperasserie, on ne peut pas dire qu'il y ait eu un niveau d'inquiétude excessif suscité par l'alourdissement du fardeau résultant de ce projet de loi. Nous n'avons pas encore vu la...
    Cela viendra peut-être avec les règlements.
    C'est exact. Nous n'avons pas encore vu la réglementation, de sorte que nous réserverons notre jugement tant que nous n'aurons pas pu évaluer les conséquences que la réglementation aura sur les entreprises.
    J'ai une dernière question, car je dispose d'un temps limité.
    Sous bien des rapports, vous pourriez affirmer que les industries aérospatiales, de défense et de sécurité sont créées ou appuyées par notre régime de CETI, par les avantages relatifs à la technologie industrielle, par nos propres approvisionnements en matière de défense. Pourriez-vous nous parler un peu de cette question et du nombre de filiales des plus grands protagonistes mondiaux en tant que fruit de notre régime intérieur de CETI?

  (1205)  

    Je dirais que notre industrie est en quelque sorte le fruit d'une ou deux choses. La première est que les entreprises qui vendent au Canada, sur notre marché national, sont tenues d'injecter 1 $ pour 1 $ dans l'économie canadienne. Au fil des ans, de nombreuses filiales étrangères ont établi leur empreinte ici même au Canada. Nous avons constaté cela très récemment avec la coentreprise issue du programme d'avions de recherche et sauvetage à voilure fixe créée avec Airbus et PAL Aerospace, par exemple. Il y a quantité d'autres exemples: Lockheed Martin Canada, Boeing au Canada, etc. C'est ce qui entraîne ce type de mécanisme par lequel nous motivons les entreprises à établir leur empreinte et à faire des affaires au Canada.
    L'inverse vaut également en ce sens que le régime d'exportations dont nous tirons près de 60 % de nos revenus est absolument indispensable à la croissance des entreprises canadiennes ici même au Canada. Ce sont les entreprises qui engrangent ces revenus, qui les réinvestissent dans leurs opérations canadiennes et qui fournissent les produits et les services de la génération suivante à nos forces nationales, à la fois les Forces canadiennes et la Garde côtière, ce qui nous maintient à la fine pointe de la technologie et à l'avant-scène de la sécurité nationale. Cela fonctionne dans les deux sens.
    Je vous remercie, monsieur O'Toole.
    Les dernières questions s'adressent à Mme Vandenbeld, s'il vous plaît.
    Je vous remercie tous infiniment de ces témoignages éminemment instructifs.
    J'aimerais revenir sur la question des contrôles des activités de courtage, madame Cianfarani. Le Comité a entendu un grand nombre de témoignages. Alors que nous étions à Washington, nous nous sommes également entretenus avec le Département d'État et lui avons posé des questions sur les contrôles des activités de courtage. L'un des éléments que j'ai retenus est que le Département d'État collabore avec Affaires mondiales Canada pour imposer, au cours des 18 prochains mois, un resserrement des contrôles des activités de courtage car en fait, ce ministère effectue des contrôles en prévision d'une éventuelle ratification du Traité sur le commerce des armes.
    Est-ce quelque chose dont vous avez connaissance, les types de contrôles que les Américains ont en place, et l'intégration entre les industries que nous avons dans les deux pays?
    J'ignore les nuances des contrôles qu'ils ont en place, même si je connais les régimes en place aux États-Unis. Les entreprises canadiennes y sont assujetties lorsqu'elles réexportent en dehors des États-Unis, les États-Unis étant l'un de nos principaux marchés d'écoulement. Lorsque nous exportons des produits aux États-Unis, et que nos composants ou technologies font partie intégrante de leurs plateformes, qui sont ensuite réexportées, nous sommes dès lors assujettis aux régimes de contrôle des exportations des États-Unis, qui sont au nombre de quatre: la Loi sur le contrôle des exportations d'armes, le Règlement sur le trafic international des armes des États-Unis, connu également sous le sigle ITAR, la Liste de contrôle du commerce des États-Unis et le Règlement sur l'administration des exportations des États-Unis. Ces quatre régimes proprement dits respectent déjà la norme du TCA des Nations unies sur les activités de courtage. Par nature, les États-Unis fonctionnent déjà selon la même plateforme de réglementation, ou le même niveau de réglementation, que le TCA des Nations unies. C'est pourquoi nous pouvons en déduire que les contrôles des activités de courtage en place en vertu de ces quatre régimes, auxquels les Canadiens sont déjà assujettis, seront de par leur nature même importés au Canada, étant donné que les échanges entre le Canada et les États-Unis sont, à mon avis, parmi les plus dynamiques entre deux pays.
    Je vous remercie.
    M. Butcher d'Oxfam a également déclaré que le Traité sur le commerce des armes n'est guère explicite quant aux dispositions prises entre les pays, à la condition qu'ils respectent les objectifs du traité. Il a cité comme exemple le Luxembourg et la Belgique et les types de dispositions que ces pays ont adoptées.
    Une fois que le Canada accédera au traité, l'arrangement que le Canada a pris avec les États-Unis suffira-t-il à votre avis à assurer la conformité avec le Traité sur le commerce des armes?
    Oui. Le Traité sur le commerce des armes n'impose pas d'autres directives entre les pays. Comme nous l'avons mentionné, lorsque le Canada exporte des produits en dehors des États-Unis, il est alors assujetti aux régimes de contrôle des exportations des États-Unis en place.
    Je pense qu'il importe au plus haut point de comprendre que le Canada et les États-Unis entretiennent l'une des relations de partage ou des relations industrielles communes de défense les plus exceptionnelles au monde. Cela est en quelque sorte codifié dans deux ententes, l'Accord sur le partage de la production de défense (DPSA) et l'Accord sur le partage du développement industriel pour la défense (DDSA). Grâce à ces deux accords, le Canada et les États-Unis ont ce qu'il est convenu d'appeler une base industrielle commune que symbolise notre relation au sein du NORAD. Il n'y a pas deux autres pays qui partagent des technologies, des produits et une base industrielle commune, comme le Canada et les États-Unis aujourd'hui, et j'ajouterais que nous devons mûrement réfléchir à cette relation éminemment spéciale que nous entretenons avec les États-Unis.

  (1210)  

    Très bien, je vous remercie.
    J'aimerais maintenant m'adresser à Mme Macdonald.
    À propos des divers éléments dont nous avons entendu parler, ne serait-ce que pour éclaircir les choses, bon nombre des Parlements de type Westminster, et M. Butcher a été fort explicite au sujet du Royaume-Uni, et nous avons également entendu parler de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, bon nombre des démocraties de type Westminster enchâssent un certain nombre de ces éléments dans la réglementation ou la politique, par opposition expressément au libellé du projet de loi. Peu importe la façon dont un pays choisit de procéder, que ce soit par voie de réglementation ou de législation, cela est juridiquement contraignant. Dès lors que nous accédons au traité, l'accord devient juridiquement contraignant pour le Canada. Il existe en fait une forte dose de souplesse quant à la façon dont les pays procèdent.
    Pour ce qui est du langage, je sais qu'à l'article 7, il y a un certain nombre d'endroits, par exemple à la rubrique 1, où l'on peut lire « en tenant compte de tout élément utile ». La rubrique 2 affirme que l'exportateur doit « également envisager si des mesures pourraient être adoptées », et puis même à l'article consacré à la violence fondée sur le sexe, on peut lire que l'exportateur « doit tenir compte du risque ».
    Étant donné que le langage du traité proprement dit et le libellé du projet de loi sont très semblables et compte tenu de la partie du traité que vous avez citée au paragraphe 3, à savoir que l'État partie exportateur « ne doit pas autoriser l'exportation », s'il ne respecte pas ces critères, le Canada sera doté d'une législation juridiquement contraignante que nous devrons respecter. Est-ce bien exact?
    Oui, vous avez parfaitement raison. Vous devrez vous y conformer, et je pense que l'article 7 est sans ambiguïté quant au langage utilisé. Lorsqu'un certain seuil est atteint, le transfert ne doit pas être autorisé.
    Il y a, comme vous l'avez fait remarquer, un mécanisme d'atténuation, qui permet à un pays exportateur ou à un pays qui octroie une licence d'exportation d'engager un dialogue avec un pays importateur au sujet des mesures d'atténuation qui pourraient, théoriquement, être... Par exemple, si vous cherchez à exporter des armes dans un pays qui suscite de vives inquiétudes sur le plan des droits de l'homme, vous devez alors amorcer un dialogue avec ce pays au sujet des mesures visant à atténuer les préoccupations suscitées par les droits de l'homme et peut-être, parler à nouveau d'exportation à une date postérieure à celle où les normes auront été améliorées ou modifiées. Mais effectivement, je pense que le langage est clair.
    J'ajouterais à votre argument antérieur sur la relation avec les États-Unis et les exemptions qui s'y rattachent, qu'à mon avis, il serait contraire au TCA d'autoriser l'exclusion suivie des États-Unis de la législation en raison du langage parfaitement clair qui traite de la norme internationale commune la plus stricte possible, étant donné que l'objet de ce traité est en fait d'essayer de mondialiser, d'universaliser les mêmes normes et les mêmes processus décisionnels pour tous les pays.
    Je ne pense pas que cela compromette les relations avec les pays. Je pense, comme mon collègue d'Oxfam l'a fait observer, que si vous examinez le cas de l'Union européenne, il y a des relations manifestement étroites entre de nombreux pays membres de l'Union européenne à l'égard du commerce, alors qu'ils ont des régimes de pratiques plus souples que pour les autorisations, même s'ils sont toujours assujettis à ces processus. Ils n'en sont pas exclus. Il n'y a pas d'exemption accordée par le pays A au pays B pour ce qui est des autorisations d'armes, aussi je ne vois aucune raison pour laquelle le Canada devrait continuer d'accorder une exemption aux États-Unis. À vrai dire, cela me semble contraire aux obligations de l'article 2 et de l'article 5 du traité.
    Si je vous comprends bien, nous parlons du maintien des accords existants...
    C'est effectivement le cas.
    ... des arrangements. Nous ne parlons pas d'exemptions. Nous parlons d'arrangements en place et nous collaborerons avec les Américains en vue de les améliorer.
    Je sais qu'il ne me reste que quelques secondes, mais c'est dans votre intérêt.
    L'objet de ce traité, comme vous l'avez si bien dit, madame Macdonald, est d'atténuer les souffrances humaines. L'intention qui se cache derrière ce traité n'a rien à voir avec la possession nationale licite d'armes à feu pour les sports ou la chasse. Il s'agit en fait des femmes du Congo dont j'ai parlé plus tôt, qui sont violées sous la menace d'une arme, et il faut tout mettre en oeuvre pour que ce genre de violence ne se produise plus dans les situations de conflit dans le monde entier. Je ne m'attends pas vraiment à une réponse de votre part, car je vois le président qui me fait signe, mais en l'espace de quelques secondes, pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

  (1215)  

    Oui, je suis entièrement d'accord. L'objectif est de réduire les souffrances humaines, mais c'est également d'assurer la circulation internationale des armes et d'atténuer la situation actuelle où nous sommes littéralement submergés par un flux d'armes mal réglementées ou non réglementées dans le monde.
    Je vous remercie de tout cela, chers collègues.
    Je tiens à remercier les témoins, Mme Cianfarani, M. Woodley, et Mme Macdonald. Nous apprécions beaucoup vos témoignages. Ceux-ci sont fort utiles. Nous avons dépassé le délai, alors je vous remercie d'avoir fait cela. J'ai pensé qu'il était important de consacrer un certain temps à parler de ces questions.
    À nouveau, au nom du Comité, je vous remercie infiniment de vos exposés.
    Chers collègues, nous allons maintenant observer une pause et poursuivre nos travaux à huis clos pendant environ une demi-heure au sujet de deux questions. C'est tout le temps que cela devrait prendre.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU