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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 avril 2017

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bienvenue à tous. Nous allons commencer. Il s'agit de la 55e réunion du Comité. Nous poursuivons notre étude du projet de loi  C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.
    Nous recevons aujourd'hui, à titre personnel, Mel Cappe, professeur à l'École de politique publique et de gouvernance de l'Université de Toronto et Munir Sheikh, ancien statisticien en chef du Canada. Nous recevons également Paul G. Thomas, professeur émérite en études politiques à l'Université du Manitoba, par téléconférence. Enfin, nous recevons Ian McKinnon, président du Conseil national de la statistique.
    Bienvenue à tous.
    Nous allons commencer par M. Cappe.
    Vous disposez d'au plus 10 minutes. Ce serait bien si c'était un peu moins que cela.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur le projet de loi C-36.

[Traduction]

    J'ai témoigné devant le Comité le 27 août 2010 au sujet du questionnaire détaillé de recensement. J'ai relu mon témoignage et je voulais réitérer ce que j'avais dit à ce moment-là; je vais donc me citer moi-même et peut-être vous ennuyer avec cela.
    Je tiens tout d'abord à dire que j'ai toujours été impartial. J'ai été président de l'Institut de recherche en politiques publiques pendant cinq ans et — je me cite — « [...] j'ai passé plus de 30 ans au service du Canada, au cours des mandats de sept premiers ministres. J'ai été greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet de M. Chrétien. Mais n'allez pas croire que je suis partisan » — n'oubliez pas que je parlais au gouvernement précédent — « puisque c'est à Brian Mulroney que je dois ma première nomination par décret à un poste de sous-ministre et puisque j'ai terminé ma carrière dans la fonction publique en servant loyalement le premier ministre Harper [...] »
    Dans cet esprit d'une fonction publique impartiale, mon objectif aujourd'hui est d'aider le Comité à traiter des objectifs du gouvernement de même que ceux de l'opposition. Je crois qu'on peut atteindre tous ces objectifs. Même si le gouvernement de l'époque représente aujourd'hui l'opposition, mes propos s'appliquent toujours.
    Mon premier point est donc que je suis impartial; mon deuxième point est que la statistique est un bien public. Je me cite encore: « C'est un terme technique, mais il convient bien. [Elles] sont utilisées par une vaste gamme de personnes en chair et en os, par exemple dans les banques, les organismes caritatifs et les directions de la santé publique. » L'État peut recueillir et analyser les statistiques à un moindre coût plutôt que de demander à chacun de recueillir les siennes. L'utilisation des statistiques par une personne n'empêche pas que d'autres puissent les utiliser, et c'est pour cela que les statistiques constituent un bien public.
    Mon autre point, c'est que la Loi sur la statistique devrait réduire l'emploi de la coercition, qui, je crois, était un problème en 2010. Il faut réduire l'intrusion et accroître le plus possible la confidentialité des données.
    Ce que je voulais dire lors de mon témoignage précédent, c'est qu'on peut « éliminer les peines d'emprisonnement », mais aussi « réviser le questionnaire pour éliminer autant que possible les questions indiscrètes » et « prévoir des peines plus sévères, comme le propose le Conseil national de la statistique, en cas de divulgation de renseignements personnels. » Ainsi, le caractère secret des données transmises à Statistique Canada est fondamental et important. « Selon moi, quiconque communique des données du recensement sans en avoir le droit devrait se voir infliger une amende sérieuse. »
    Ensuite, je crois qu'on pourrait améliorer la gouvernance de Statistique Canada. Le principe de haut niveau vise à — et je cite — « [...] garantir l'intégrité de l'organisme qui s'occupe des statistiques. Je pense que, compte tenu de ce qui s'est passé [en 2010] [...], il y a lieu de se poser de sérieuses questions à ce sujet. [...], le comité devrait prendre le temps de se pencher sur les Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies. »
    «  J'ai été surpris de découvrir l'existence de ces principes. » Or, en 2010, on s'est interrogé « [...] sur la responsabilité des méthodes employées pour recueillir des données. Plusieurs principes de l'ONU concernent l'indépendance des responsables, l'intégrité méthodologique et le rôle du pouvoir politique. »
    En 2010, j'avais dit ceci au Comité: « Vous pourriez envisager de modifier la Loi sur la statistique pour qu'elle précise que le statisticien en chef, dont le poste est prévu dans la Loi sur la statistique et fait l'objet d'une nomination par le gouverneur en conseil, est l'unique responsable des choix méthodologiques et techniques. Je ne dis pas que cela résoudrait tous les problèmes, mais ce serait un élément de solution. »
    Toutefois, je pense aussi — je le pensais à l'époque et je le pense toujours aujourd'hui — que la politique joue un rôle légitime en matière de statistique... la politique, oui, mais pas la partisanerie. Statistique Canada est un organisme du gouvernement qui relève du ministre et:
[...] le choix des questions dans le recensement répond souvent à des impératifs politiques. Pourtant, il ne fait aucun doute dans mon esprit que le statisticien en chef devrait être le seul responsable des choix méthodologiques dans l'appareil de l'État. Il devrait avoir l'obligation d'informer publiquement le président d'un comité parlementaire ou une autre personne de son point de vue sur les questions méthodologiques. J'invite le comité à ne pas se laisser entraîner dans les manoeuvres partisanes lorsqu'il est question d'une institution importante pour la gestion des affaires de l'État.
    Ces commentaires de 2010 sont tout aussi pertinents aujourd'hui, et je les défends toujours. C'est dans cette optique que j'ai examiné le projet de loi C-36, et je tiens à soulever quatre points.
    Premièrement, la statistique ne doit pas être une question partisane. Tous les partis doivent se soucier de l'efficacité de l'organisme et de l'intégrité de nos institutions. Le projet de loi ne me semble pas particulièrement partisan. Il confirme l'indépendance de l'organisme.
    Deuxièmement, les statistiques sont en effet un bien public, et il est tout à fait approprié pour l'État de les recueillir et de les analyser; j'appuie donc les objectifs du projet de loi. Il confirme la légitimité des fonctions de collecte et d'analyse de l'organisme.
    Troisièmement, en réduisant la coercition et les sanctions relatives à la violation de la Loi en éliminant les peines d'emprisonnement, le projet de loi répond à mes objectifs et aussi aux objectifs légitimes du Comité, à mon avis.
    Finalement, la modification des structures de gouvernance de l'organisme me semble appropriée. La création d'un conseil en vertu de la loi et la législation de l'indépendance et des responsabilités du statisticien en chef relatives à la méthodologie sont pertinentes.
    Je dirais seulement qu'on fait un compromis ici, monsieur le président, entre l'indépendance de l'organisme et le besoin d'une orientation accrue de la part du gouvernement, lorsque l'organisme du gouvernement est déjà établi. Plus on accorde d'indépendance à l'organisme, plus l'expression de la relation dans la loi doit être officielle. Par conséquent, je crois que c'est une très bonne idée de moderniser la Loi sur la statistique. Bien que j'aie des idées arrêtées sur d'autres parties du projet de loi qui traitent de l'indépendance et des directives, j'attendrai vos questions pour les aborder.

  (0855)  

[Français]

     Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie d'avoir été bref.
    Nous allons maintenant entendre M. Sheikh. Allez-y, monsieur.
    Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'inviter à exprimer mes idées sur le projet de loi C-36. Je suis heureux de témoigner à nouveau devant vous. La dernière fois, c'était il y a près de sept ans, à la suite de ma démission à titre de statisticien en chef.
    Je crois qu'il serait utile que j'établisse le contexte associé à mes commentaires sur le projet de loi C-36 et aux changements que je propose d'apporter à la Loi sur la statistique. Un organe statistique officiel doit avoir toute la confiance des utilisateurs de ses données. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement et l'organe statistique officiel ont chacun leur rôle à jouer.
    Pour sa part, l'organisme doit viser l'excellence dans la production et la diffusion des données. Je peux vous dire, selon mon expérience, que c'est ce qu'il a toujours tenté de faire. Le gouvernement, quant à lui, doit trouver les mécanismes appropriés pour rendre l'organe statistique officiel responsable devant les citoyens du pays, tout en veillant à ce que l'organisme soit suffisamment indépendant pour éviter l'ingérence politique, tant en apparence que dans les faits.
    Il est important d'éviter l'ingérence politique, parce que le rôle de Statistique Canada consiste en la production de faits et non en l'élaboration de politiques, dans le cadre de laquelle les décisions politiques sont chose courante. L'ingérence politique peut fragiliser la confiance que doivent avoir les citoyens à l'égard de l'organisme officiel qui produit les données, ce qui rendrait toutes les données officielles suspectes aux yeux des utilisateurs.
    En ce qui a trait au projet de loi C-36, je tiens tout d'abord à féliciter le gouvernement d'avoir fixé l'objectif d'accroître l'indépendance de Statistique Canada et d'avoir présenté une loi à cet effet. Je vais maintenant vous faire part de mes commentaires. En fait — et je m'en excuse auprès du Comité —, j'aurai plus de questions que de réponses.
    La Loi sur la statistique actuelle comporte des lacunes, puisqu'elle confère au ministre responsable de Statistique Canada le pouvoir de prendre des décisions statistiques techniques. Le projet de loi C-36 remet à juste titre une partie de ce pouvoir entre les mains du statisticien en chef. Je suis heureux de voir que le gouvernement a proposé cette importante modification dans le paragraphe 4(5) proposé.
    Toutefois, le projet de loi ne s'arrête pas là. Il permet au ministre de donner des directives publiques au statisticien en chef lorsqu'il n'est pas d'accord avec lui sur ces questions. Ces dispositions se trouvent aux paragraphes 4.1(1) et 4.2(1) proposés. Je comprends tout à fait que cette mesure vise à assurer la reddition de comptes; toutefois, elle soulève un certain nombre de questions. Permettez-moi d'en aborder deux.
    Si l'on juge que le statisticien en chef a pris des décisions statistiques inappropriées et que le ministre doit intervenir, comment le gouvernement peut-il permettre à ce statisticien en chef de rester en poste pendant cinq ans? Ensuite, comme Statistique Canada est un organisme statistique national et non un organisme fédéral, selon ce que je comprends, qu'arrivera-t-il si un ministre ordonne l'annulation d'une enquête qui revêt une importance critique pour une province, par exemple?

  (0900)  

    Comme je viens de le dire, on propose aussi dans le projet de loi d'établir un mandat fixe de cinq ans pour le statisticien en chef. Je suppose que l'objectif de ce mandat est de permettre au statisticien en chef de résister à la pression politique.
    Toutefois, je tiens à dire que je n'ai jamais été témoin d'un tel problème depuis les débuts de Statistique Canada, mais cela pourrait bien sûr se produire dans l'avenir. Je sais toutefois que le premier ministre apporte des changements dans les rangs de la haute fonction publique pour jumeler les meilleures personnes aux postes de sous-ministres. Cette prérogative du premier ministre comprend le poste de statisticien en chef. Il y a lieu de se demander s'il vaut la peine de sacrifier un avantage connu associé au pouvoir du premier ministre pour obtenir un autre avantage possible, mais très peu probable.
    Un autre changement important proposé est la mise sur pied du conseil consultatif de la statistique. Ses membres seraient nommés par l'entremise d'un décret et fourniraient des conseils au ministre et au statisticien en chef sur les questions relatives à la « qualité générale du système statistique national ». Cela soulève également certaines questions. Pourquoi le ministre a-t-il besoin des conseils de l'extérieur alors qu'il peut demander l'avis du statisticien en chef? Qu'arrivera-t-il si le ministre et le statisticien en chef ont des points de vue divergents au sujet des conseils obtenus, surtout dans le contexte du mandat de cinq ans du statisticien en chef? Risque-t-on de voir le gouvernement nommer les membres du conseil selon certaines motivations? Je souligne que si l'on met en oeuvre un tel conseil, il sera primordial de commencer du bon pied dès le début.
    Je vais maintenant vous parler de la façon dont les choses auraient pu se passer si la loi avait été mise en oeuvre en 2010 au moment de l'annulation du questionnaire détaillé du recensement. Il y avait deux problèmes à l'époque. Premièrement, le caractère inapproprié de l'annulation du recensement, qui réduisait grandement la qualité des données, comme je l'avais fait valoir dans ma lettre de démission. Deuxièmement, la nature des déclarations du ministre en réponse à la critique justifiée à l'égard du gouvernement parce qu'il avait pris une très mauvaise décision. Ces déclarations ont mené à la démission du statisticien en chef.
    En ce qui a trait au premier problème, soit l'annulation du questionnaire détaillé du recensement, je n'ai rien trouvé dans le projet de loi C-36 qui donne à penser que les choses se seraient passées différemment en 2010. On aurait quand même annulé le recensement. Je tiens à souligner que je présume que l'article 21 de la Loi sur la statistique a préséance sur l'article 22. Si ce n'est pas le cas, je crois qu'il faudrait le préciser dans la loi.
    Cela soulève une autre question. Étant donné ce que nous avons vécu en 2010 — et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous sommes réunis ici aujourd'hui —, ne faut-il pas éviter à tout prix de répéter l'erreur? En ce qui a trait à la nature des déclarations du ministre qui ont mené à la démission du statisticien en chef, je comprends tout à fait qu'il soit impossible d'empêcher un ministre de dire de telles choses.
    Merci.
    Nous vous remercions de votre déclaration préliminaire. Nous allons maintenant entendre Paul Thomas, qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Merci beaucoup. Merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité pour vous présenter mes points de vue concernant le projet de loi C-36.
    Je siège au Conseil national de la statistique depuis 1996, mais les commentaires que je vous présenterai aujourd'hui sont mes opinions personnelles.
    J'ai préparé et soumis un mémoire au Comité, et je crois comprendre qu'il a été traduit et distribué aux membres du Comité. J'utiliserai donc mon bref temps de parole ce matin pour souligner certaines recommandations que je formule dans ce document, mais je n'aurai pas le temps d'expliquer en détail pourquoi je propose ces recommandations. Si le temps nous le permet et si cela vous intéresse, je serai ravi de vous donner de plus amples explications à ce sujet au cours de la période de questions.
    Permettez-moi de dire d'entrée de jeu que je crois que le projet de loi C-36 représente une première étape importante et utile en vue de moderniser la Loi sur la statistique. En particulier, le projet de loi C-36 offre un cadre de gouvernance moins détaillé et moins contraignant pour Statistique Canada. Ce cadre de gouvernance plus flexible signifie que le statisticien en chef et l'organisme dans son ensemble seront plus indépendants et plus autonomes pour prendre des décisions éclairées, impartiales et professionnelles en ce qui concerne les programmes statistiques, la méthodologie utilisée et les manières d'interpréter les données recueillies.
    À mon avis, le projet de loi précise également que Statistique Canada a l'obligation de continuer de rendre des comptes au gouvernement, au Parlement et à la population. Par le passé, ces questions étaient grandement régies par des pratiques et des conventions de longue date. Certaines de ces conventions et de ces pratiques seront maintenant codifiées par ce projet de loi. Par conséquent, je ne recommande pas d'adopter le projet de loi, mais je crois que certains éléments dans le projet de loi pourraient être améliorés, et je vais très rapidement les passer en revue.
    Dans le document d'information sur le projet de loi et les interventions du ministre, le gouvernement affirme que le contenu du projet de loi est conforme aux Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies. Je crois qu'il serait en fait préférable d'ajouter un préambule au projet de loi pour indiquer que les modifications se fondent sur ces principes. Un tel préambule jouerait un rôle à la fois contextuel et constructif dans l'interprétation de la Loi. Il confirmerait l'esprit de la loi et contribuerait à dissiper toute ambiguïté, le cas échéant. Il jetterait les bases pour l'élaboration au sein de Statistique Canada d'une culture d'indépendance, d'impartialité et d'objectivité dans la production et la publication de statistiques officielles. Il fournirait aussi une certaine base pour les négociations et les discussions entre le statisticien en chef et les fonctionnaires lorsque des problèmes relatifs à l'indépendance surviennent.
    Le deuxième point que j'aimerais faire valoir est que le projet de loi présume d'une séparation stratégique des pouvoirs. Autrement dit, la politique demeure la prérogative du gouvernement et du parlement, tandis que les aspects opérationnels et techniques sont censés être du ressort du statisticien en chef et des autres spécialistes de Statistique Canada.
    Comme les deux précédents intervenants l'ont déjà mentionné, je crois que le projet de loi doit expliquer plus clairement les circonstances dans lesquelles le ministre responsable peut affirmer qu'un aspect technique et opérationnel est d'une telle importance que cela devient une question d'intérêt national, ce qui permet au ministre de donner des directives à Statistique Canada. Selon moi, dans une telle circonstance, une disposition devrait obliger le dépôt de telles directives devant le Parlement, et ces directives devraient être assujetties à une période de 60 jours d'avis et de commentaires pour que nous puissions débattre du caractère approprié de l'ingérence du gouvernement dans les opérations de l'organisme.
    Le projet de loi donne également le pouvoir au ministre d'émettre des directives d'orientation de nature plus générale que le statisticien en chef et Statistique Canada sont tenus de respecter. Dans un tel cas, je crois qu'il serait mieux que le ministre n'émette pas ces directives seulement de son propre chef; il devrait plutôt obtenir au préalable l'approbation du Cabinet. Je recommande d'inclure une procédure à cet effet.

  (0905)  

    Mon autre recommandation concernant cette politique d'orientation générale est qu'une telle politique ne devrait pas se traduire par une modification indirecte et profonde de la Loi sur la statistique. La modification de la Loi sur la statistique relève du Parlement.
    J'aimerais maintenant parler du poste de statisticien en chef qui joue, selon moi, un rôle crucial dans tout cela; c'est la personne qui nous permet d'avoir un système statistique national de grande qualité. Je crois qu'il faut amender les dispositions du projet de loi C-36 de manière à permettre à un comité consultatif composé de trois personnes éminentes possédant les connaissances nécessaires pour mener les activités de recrutement et examiner les candidatures et les nominations au poste de statisticien en chef. Ce comité proposerait ensuite un candidat et deux autres candidats potentiels au premier ministre avant qu'il en fasse la recommandation au Cabinet.
    Si le premier ministre n'est pas d'accord avec les propositions, il pourrait nommer le candidat de son choix, mais il serait tenu d'expliquer les raisons qui justifient son refus des candidats proposés par le comité.
    Passons maintenant au Conseil consultatif canadien de la statistique dont le projet de loi prévoit la création. Je crois que le rôle de ce nouveau conseil est vraiment très ambigu et que cela pourrait créer des problèmes.
    Je crois que deux questions doivent être posées pour obtenir des précisions à cet égard. Premièrement, le gouvernement comprend-il que le conseil joue principalement un rôle de représentation ou présume-t-il que le nouveau conseil jouera un rôle de gouvernance, qu'il sera les yeux et les oreilles du ministre et qu'il surveillera le rendement de Statistique Canada?
    Deuxièmement, étant donné qu'ils sont nommés par le gouverneur en conseil, les membres du conseil se verront-ils davantage comme des représentants du gouvernement que des gardiens de l'intérêt à long terme du système statistique national?
    Que se passera-t-il lorsqu'un désaccord surviendra entre le conseil et le statisticien en chef au sujet du conseil à donner au ministre? Je n'ai ni lu ni entendu le ministre se prononcer clairement à ce chapitre. Il serait souhaitable d'avoir plus de précisions.
    En ce qui concerne ces précisions, je propose d'amender le paragraphe 8.1(2) du projet de loi concernant le nouveau Conseil consultatif canadien de la statistique de manière à en augmenter le nombre de membres. Il pourrait être composé de 20 à 25 membres, y compris un président nommé par le gouverneur en conseil, pour refléter le large éventail de domaines d'intérêt qui se trouvent dans les programmes statistiques de Statistique Canada. Le recrutement devrait se faire à partir d'un processus d'application et de nomination ouvert.
    En guise de conclusion, j'aimerais faire valoir un dernier point. Une loi qui distribue les pouvoirs et établit des structures et des procédures est le point de départ pour arriver à un équilibre adéquat entre l'indépendance et la reddition de comptes pour Statistique Canada. Cependant, il est primordial de nommer à Statistique Canada un statisticien en chef et d'autres dirigeants intègres qui s'engagent à renforcer une culture commune déjà forte à Statistique Canada axée sur les valeurs et les principes liés à un système statistique national de grande qualité.
    Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre à vos questions.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Ian McKinnon, président du Conseil national de la statistique. Vous avez 10 minutes.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité. Permettez-moi tout d'abord de présenter brièvement le Conseil national de la statistique.
    Le Conseil national de la statistique a été créé il y a 30 ans pour conseiller le statisticien en chef sur des questions touchant le système canadien de la statistique. Il vient s'ajouter au travail plus ciblé des conseils consultatifs sectoriels et des groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux.
    Je crois fermement que nous avons été très utiles; nous avons exercé des pressions sur Statistique Canada, par exemple, pour examiner de nouveaux secteurs pour la collecte de données, trouver des manières de réduire le fardeau imposé aux répondants et faciliter l'accès aux données de Statistique Canada aux utilisateurs.
    Avec la controverse qui a entouré le recensement de 2011 et l'Enquête nationale auprès des ménages, le Conseil a également commencé à se pencher plus concrètement sur les enjeux qui peuvent nuire au maintien de la qualité de l'ensemble du système statistique canadien et même à prendre la parole à ce sujet.
    Le projet de loi C-36 est important parce qu'il vise précisément à traiter de certaines questions qui ont été soulevées à l'époque.
    Nous croyons qu'il est fondamentalement important pour notre système statistique de le faire correctement. Si nous n'avons pas confiance en la qualité de l'information produite par un organisme statistique, nous ne pouvons pas l'utiliser pleinement. Cette information doit être pertinente, précise, actuelle et facilement accessible.
    Dans le même ordre d'idées, les Canadiens doivent avoir pleinement confiance en l'organisme statistique pour accepter de lui fournir librement leurs renseignements. C'est l'autre aspect. En nous fondant sur l'expérience canadienne et l'expérience d'autres pays semblables, nous comprenons que la confiance dépend de plusieurs aspects liés aux opérations et au mandat de l'organisme.
    Le bureau de la statistique doit en particulier avoir un fonctionnement transparent et offrir de solides garanties qu'il fera preuve d'indépendance dans l'exercice de son jugement professionnel.
    Les personnes qui fournissent leurs renseignements au bureau de la statistique doivent avoir confiance. Elles doivent comprendre les raisons pour lesquelles l'organisme collecte cette information et la manière dont il décide de l'information qu'il collecte, et il faut par-dessus tout que l'organisme s'engage à réduire le fardeau pour les répondants et garantisse que les renseignements fournis demeurent confidentiels.
    Un organisme statistique acquiert sa crédibilité et son acceptabilité sociale, pour le dire ainsi, lorsqu'il est en mesure d'incarner ces caractéristiques.
    J'aimerais maintenant parler du projet de loi et vous présenter la réponse du Conseil par rapport à l'orientation du projet de loi.
    Premièrement, le projet de loi supprime la possibilité d'imposer comme peine une peine d'emprisonnement aux personnes qui refusent de répondre à des enquêtes obligatoires. Le Conseil a publiquement recommandé l'élimination de la menace d'une peine d'emprisonnement lorsque cet enjeu a été soulevé au cours des discussions sur le recensement en 2010, et nous continuons de le faire.
    Par ailleurs, en ce qui concerne le deuxième sujet, soit la confidentialité, c'est un enjeu central pour le Conseil, parce que c'est essentiel pour préserver la confiance du public. Si la confiance du public est minée, cela nuit à la communication de renseignements. Même si nous considérons comme trop sévère la peine que peuvent encourir les personnes qui refusent de répondre à une enquête obligatoire, le Conseil recommande également d'examiner les peines pour la révélation non autorisée de données par des employés ou des chercheurs désignés pour nous assurer qu'elles sont suffisamment dissuasives. À cet égard, je me fais entièrement l'écho des points qu'a présentés plus tôt M. Cappe.
    Cependant, le maintien de la confidentialité ne se résume pas simplement à avoir en place des peines adéquates. Cela concerne également des questions comme la sécurité des systèmes informatiques et les procédures de protection des données. Le Comité a déjà entendu des commentaires concernant le renforcement de la sécurité des systèmes informatiques et des changements à Services partagés Canada.
    Le Conseil ne possède pas l'expertise pour juger de la sécurité des systèmes informatiques. Cependant, nous sommes d'avis que les pratiques essentielles qui veillent à la protection des renseignements personnels découlent en partie de la culture organisationnelle. Notre expérience nous permet d'affirmer que la confidentialité est une valeur profondément enracinée dans la culture de Statistique Canada.
    En ce qui a trait à la confidentialité et à la disposition autorisant la divulgation des recensements après 92 ans, le Conseil est d'accord que les avantages pour les historiens et les généalogistes l'emportent largement sur les risques que ce changement influe sur la volonté des gens de répondre au recensement. Nous n'avons tout simplement pas constaté que cet aspect préoccupait grandement la population.
    Pour ce qui est du renforcement de l'indépendance du statisticien en chef et de Statistique Canada, de nombreuses modifications apportées à la Loi correspondent aux recommandations du Conseil national de la statistique.
    Le Conseil convient que d'accorder un mandat fixe et potentiellement renouvelable à titre inamovible au statisticien en chef accroît l'indépendance.

  (0915)  

    À l'instar de certains commentaires faits par d'anciens statisticiens en chef lors de précédentes réunions, nous sommes d'accord que la recherche doit être exhaustive et énergique lorsque vient le temps de nommer une nouvelle personne à ce poste. Cela rejoint encore une fois les commentaires qu'ont faits aujourd'hui MM. Thomas et Cappe. Par ailleurs, à l'instar de M. Thomas, nous proposons d'avoir recours à un conseil supérieur pour arrêter notre choix.
    Il est essentiel d'arriver à trouver l'équilibre entre l'indépendance et la reddition de comptes. Le Conseil est d'avis que les questions, comme la méthodologie appropriée et d'autres aspects liés au jugement professionnel, doivent relever de Statistique Canada et du statisticien en chef. À l'inverse, Statistique Canada et surtout le statisticien en chef devraient avoir le contrôle sur les activités de l'organisme, sous réserve des règles en matière de finances, de personnel et d'administration qui régissent généralement les organismes fédéraux. Le titulaire du poste doit être responsable de proposer les programmes statistiques de l'organisme, sous réserve des directives écrites données par le ministre sur les sujets et les priorités.
    À mon avis, l'importance de la transparence et des directives écrites est essentielle, parce que cela signifie qu'il n'y a pas nécessairement un prix à payer, mais cela indique clairement qui est responsable. La transparence peut contribuer à nous assurer du maintien de cet équilibre. Le rapport annuel que présente le statisticien en chef au ministre est un élément qui lui permet de rendre publiques les directives données par le ministre.
    Le dernier élément pour arriver à un équilibre entre l'indépendance et la reddition de comptes est la création du Conseil consultatif canadien de la statistique. Le mandat de cet organisme est considérablement différent de celui de l'actuel Conseil national de la statistique, ce qui témoigne de la nouvelle position du statisticien en chef et de Statistique Canada.
    Le Conseil consultatif canadien de la statistique peut présenter dans son rapport public annuel un point de vue plus indépendant sur les enjeux et les défis du système statistique canadien. Même s'il ne s'agit pas d'un conseil pour surveiller les activités de Statistique Canada, il peut améliorer la transparence et la compréhension générale des pressions concurrentes dans le système statistique. Il peut également fournir au gouvernement un point de vue externe sur les enjeux opérationnels et professionnels au sein de Statistique Canada.
    Comme vous l'avez également entendu plus tôt aujourd'hui, la nomination des membres de ce conseil est très importante en raison de ce nouveau rôle, qui est différent de celui du Conseil national de la statistique. Il est important de bien comprendre la manière dont les membres sont nommés, et il est aussi primordial que les membres sentent qu'ils peuvent agir de manière indépendante. Même si nous sommes immensément fiers du travail du Conseil national de la statistique et de ce qu'il a accompli au fil des ans en ce qui a trait à la mobilisation des intervenants, à la consultation continue des professionnels et aux relations avec les utilisateurs actuels et potentiels de données, tous ces éléments font de plus en plus partie des valeurs directrices de Statistique Canada.
    Le conseil consultatif assume un nouveau rôle que l'actuel Conseil de la statistique aurait à vrai dire de la difficulté à assumer, et la création d'un nouvel organisme est, à mon avis, un élément essentiel de ce que promet le projet de loi en vue de réussir à traduire son libellé en des changements efficaces pour le système statistique canadien.
    Je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.

  (0920)  

    Je remercie énormément tous les témoins de leur exposé.
    Passons maintenant aux séries de questions.
    Monsieur Arya, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci et bienvenue à tous nos distingués invités qui témoignent devant le Comité.
    Monsieur Sheikh, un grand nombre de Canadiens ont applaudi votre décision de démissionner par principe. Maintenant que le nouveau recensement a été déployé, qu'en pensez-vous? Je pense non seulement aux résultats, mais aussi à sa mise en oeuvre et à son exécution.
     Je crois que le retour du recensement est une très bonne chose, et je suis très satisfait de la qualité des données qu'il produit. J'espère que nous le conserverons encore longtemps.
    Merci.
    Monsieur McKinnon, vous avez mentionné que la manière dont les membres sont nommés est importante. Actuellement, comment les membres de votre Conseil sur la statistique sont-ils nommés? Je n'en connais pas les membres. Combien en avez-vous?
    Nous avons 40 membres; de ce nombre, je dirais qu'environ 35 sont très actifs. Les membres sont parfois nommés sur recommandation des membres du Conseil ou ils sont nommés par le statisticien en chef. Ils sont également un échantillon représentatif des utilisateurs de données.
    Vous dites qu'ils sont un échantillon représentatif. Toutes les provinces et tous les territoires sont-ils représentés?
    Oui. Nous essayons d'avoir des représentants de toutes les régions. Malheureusement, nous n'avons pas actuellement un représentant de chaque province. Nous nous efforçons de maintenir un équilibre entre les diverses régions. Nos membres sont, par exemple, des universitaires, des ONG, de grands utilisateurs et des associations commerciales. C'est le...
    Que me répondez-vous si je vous dis que le Conseil compte plus d'universitaires que d'utilisateurs finaux?
    Les universitaires qui siègent au Conseil ont tendance à être de très grands utilisateurs, mais je dirais qu'en fait plus de la moitié des membres du Conseil ne sont pas actuellement des universitaires. Notre Conseil compte également d'anciens cadres supérieurs à la retraite. Nous sommes très conscients que ce conseil ne doit pas tout simplement devenir un moyen par lequel des universitaires mettent de l'avant leur projet de recherche favori, pour le dire ainsi. Nous faisons preuve d'un très solide sens de l'éthique pour éviter que cela survienne.
    Comment le secteur privé y est-il représenté?
    Nous avons souvent comme membre un économiste principal de l'une des banques. Certaines industries ont tendance à être de grandes utilisatrices de données. Des groupes comme l'Institut C.D. Howe sont également membres du Conseil. Même si cet organisme n'est pas considéré comme faisant directement partie du secteur privé, il s'intéresse aux enjeux qu'il considère comme importants.
    Le statisticien en chef vous demande-t-il des conseils?
    Je crois que l'exercice a été très utile. Les statisticiens en chef nous ont souvent demandé de leur faire part de nos commentaires sur des enjeux qu'ils examinaient.
    Qui plus est, cela nous force généralement à consulter nos groupes respectifs dans le domaine pour avoir des réponses. Nous discutons donc au cours de plusieurs réunions des renseignements additionnels que nous aurons récoltés dans les divers domaines.
    Nous avons aussi tendance à ne pas tenir de votes. Cela se veut une occasion pour le statisticien en chef d'entendre une vaste gamme de discussions qui lui donnent un accès direct à ces points de vue externes.

  (0925)  

    Vous avez mentionné que le Conseil ne tient pas de votes. Comment arrivez-vous à un consensus?
    Nous prenons souvent des décisions par consensus. Étant donné que notre rôle est de fournir une gamme de points de vue et de nous assurer que Statistique Canada comprennent les diverses demandes et préoccupations des utilisateurs, cela se limite souvent tout simplement à cela. Nous dirons rarement au statisticien en chef: « Nous croyons officiellement que vous devriez faire x ou réaliser cette enquête. » Par contre, nous pouvons exercer des pressions.
    Je vais vous donner un exemple. Le Conseil de la statistique, en particulier le regretté Paul Bernard de l'Université de Montréal, a exercé durant des années des pressions énormes pour rendre plus accessibles les données physiques dans les Centres de données de recherche et réduire les coûts pour que l'accès à de nombreux jeux de données bien établis soit gratuit en vue d'en accroître l'utilisation. Voilà un exemple de la manière dont nous avons exercé des pressions encore et encore. Nous n'avons pas adopté une résolution officielle, mais nous nous sommes assurés de le présenter encore au...
    Vous avez mentionné qu'une vaste gamme de points de vue sont présentés. Cela signifie-t-il aussi qu'un rapport dissident est permis?
    Absolument. À l'occasion, le statisticien en chef demandera de former un comité sur un sujet en particulier. Ce comité consultera l'ensemble des membres du Conseil et formulera souvent par écrit un conseil au statisticien en chef. Cependant, lorsque les avis sont partagés, nous nous assurons de le refléter.
    Vous avez aussi mentionné un peu plus tôt que les membres actuels choisissent les nouveaux membres. Comment cela fonctionne-t-il?
    Non. Les membres ne les choisissent pas. Tous les membres sont nommés par le statisticien en chef. Statistique Canada, les membres actuels et d'autres personnes qui entretiennent des relations depuis longtemps avec Statistique Canada ont tendance à former un groupe qui formulera des recommandations à ce chapitre.
    Par exemple, nous avons pratiquement toujours eu au moins un membre des médias ou de la presse. Il y a une poignée de journalistes qui sont bien connus au pays et qui analysent les données. Vous devez piger dans ce bassin lorsque vous essayez d'en choisir un.
    Merci, monsieur McKinnon.
    Monsieur Sheikh, que pensez-vous du processus proposé dans le projet de loi en ce qui concerne la nomination du nouveau statisticien en chef? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
     Je vois en gros que le projet de loi propose un mandat fixe de cinq ans pour le statisticien en chef. Il n'y a pas vraiment beaucoup de détails concernant le processus de sélection du statisticien en chef.
    Ce que j'essayais de faire valoir, c'était que le projet de loi soulève de nombreuses questions en modifiant l'équilibre relativement à la reddition de comptes, à l'ingérence politique et au professionnalisme. Je crois que certaines questions sont très importantes. J'espère qu'une personne réfléchira à ces questions, parce que je n'ai pas les réponses à ces questions.
    Voici l'une des questions que j'ai soulevées. Si nous faisons confiance au greffier du Conseil privé pour conseiller le premier ministre quant à la nomination des bonnes personnes aux postes de sous-ministres et que nous avons confiance que cette personne fera un effort pour éviter toute ingérence politique, compte tenu de cette confiance, avons-nous vraiment besoin d'un mandat fixe? Lorsque je regarde la longue histoire de Statistique Canada, j'ai l'impression que le système actuel de nomination par le premier ministre, qui s'appuie sur les recommandations du greffier, a très bien fonctionné. Dans les cas où il y a une incompatibilité entre l'emploi et le titulaire, nous avons une certaine latitude pour remédier à la situation.
    Par exemple, présumons que nous avons un brillant fonctionnaire qui ferait un excellent statisticien en chef, comparativement à la personne en poste qui accomplit un travail raisonnable, mais dont le mandat est de cinq ans.

  (0930)  

    Merci.
     Devrions-nous laisser tomber cette occasion? La question que je vous pose est...
    Je vais devoir vous interrompre, parce que le temps est largement écoulé.
    Monsieur Dreeshen, vous avez sept minutes.
    Je m'excuse.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à nos invités. J'ai déjà enseigné les mathématiques, et je suis persuadé que certains de mes anciens élèves ont collaboré avec Statistique Canada. Je suis donc extrêmement ravi de l'excellent travail qui est fait. Nous avons demandé aux nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité de nous faire part de leurs suggestions. Vous avez évidemment donné des détails concernant un grand nombre d'aspects que nous pouvons examiner.
    Parmi ces éléments, nous nous sommes bien entendu penchés sur la nomination du statisticien en chef.
    Paul, je crois vous avoir entendu parler dans votre exposé d'un comité consultatif composé de trois personnes éminentes qui proposeraient des candidats pour occuper le poste de statisticien en chef. Si le premier ministre n'est pas d'accord avec les propositions, il n'aurait qu'à expliquer pourquoi il a choisi une autre personne.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Qui aviez-vous exactement en tête?
    Nous devons nous rappeler que Statistique Canada est ce que nous appelons un organisme créé par une loi; c'est différent d'un ministère. Nous nous attendons à ce que le dirigeant de Statistique Canada incarne l'expertise et le système de valeurs qui sont nécessaires dans un système statistique national. Par conséquent, je ne crois pas que nous devrions voir cela comme une autre banale nomination faite par le premier ministre à partir d'un bassin de sous-ministres. Le statisticien en chef doit posséder des connaissances spécialisées. Je recommande donc de mettre sur pied un processus de nomination personnalisé. Le nouveau gouvernement de Trudeau a un processus de nomination en ligne concernant les nominations par décret, mais son fonctionnement ou les critères ne sont pas vraiment expliqués.
    Dans le cas présent, je crois que nous devrions avoir un processus de nomination particulier, où trois personnes éminentes possédant les connaissances et l'expertise nécessaires s'occuperaient des activités de recrutement et de la proposition d'une personne au premier ministre, qui recommanderait le candidat. Ensuite, comme Mel Cappe l'a mentionné, si pour des raisons politiques ou d'autres raisons le premier ministre décide qu'il ne peut accepter aucun des candidats proposés par le comité, il a le droit de le faire, mais il devra répondre de sa décision. Nous plaçons ultimement la responsabilité là où elle doit être, soit dans les mains du premier ministre.
    Selon ce qui a été suggéré, les trois personnes qui formeraient ce comité pourraient être choisies parmi les personnes suivantes: le greffier du Conseil privé, le statisticien en chef du Canada, le gouverneur de la Banque du Canada, le président du Conseil national de la statistique, le président de la Société statistique du Canada, le président des Instituts de recherche en santé du Canada, le président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ou le président du Conseil de recherches en sciences humaines.
    Y a-t-il d'autres organismes ou conseils que nous devrions ajouter, selon vous, à ce groupe de personnes éminentes qui seraient en mesure de contribuer au processus décisionnel?
    Cette liste n'est pas piquée des vers. Je crois que c'est la liste d'Ivan Fellegi, et je crois que c'est une très bonne liste. Je ne suis pas certain, mais nous pourrions ajouter à la liste un ancien statisticien en chef d'une province ou une personne qui possède des connaissances très spécialisées. La statistique est devenue une sphère très technique, et nous voulons le meilleur système statistique possible. Ce n'est pas tout d'avoir des personnes qui ont eu de brillantes carrières dans d'autres domaines. Nous avons besoin à ce comité de personnes possédant une certaine expertise qui s'occuperont de l'évaluation initiale des candidats au poste.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sheikh, si nous ajoutons à cela cette proposition — que le gouverneur en conseil doit consulter les chefs de tous les partis reconnus à la Chambre des communes relativement à la nomination d'un statisticien en chef à partir de la liste de candidats qui a été décrite —, croyez-vous que cela contribuerait à nous assurer que le statisticien en chef jouit de l'appui du Parlement?

  (0935)  

     Je le crois, mais permettez-moi de mentionner un autre aspect qui est important en ce qui a trait à tout sous-ministre d'un ministère ou au statisticien en chef. L'administration d'un organisme de 5 000 ou de 6 000 personnes n'est pas une mince affaire. Donc, en plus d'avoir une expertise en statistique, le titulaire doit également avoir la capacité d'administrer un très gros organisme et ses enjeux très complexes.
    Monsieur Sheikh, il y a un autre aspect au sujet duquel vous pourriez aussi nous fournir des précisions. Certains ont lancé des idées concernant les définitions de « recensement de la population » et de « recensement agricole ». Des modifications ont été envisagées en vue d'empêcher les tribunaux d'affirmer, comme ils l'ont déjà fait, qu'à moins d'avis contraire dans la Loi, le recensement doit, par définition, être envoyé à tous les ménages. Je crois que c'était une partie du problème, que les tribunaux avaient été saisis de la question et que c'était la raison pour laquelle la situation avait ainsi progressé.
    Pouvez-vous nous donner une idée du libellé que vous utiliseriez pour « recensement de la population » et « recensement agricole » pour avoir une transition sans heurts et éviter de nous inquiéter que les tribunaux l'interprètent différemment?
     Je ne pense pas être en mesure de vous donner une définition, parce que je n'ai pas vraiment réfléchi à la question.
    Je crois que le système actuel fonctionne très bien. Nous pouvons examiner en profondeur l'ancien recensement. Nous pouvons modifier l'apparence du recensement, puis le faire approuver par le Cabinet. Je crois que ce système fonctionne vraiment.
    À mon avis, le problème n'est pas vraiment la définition d'un recensement. Je crois que le problème est qu'il y a actuellement un conflit dans la Loi sur la statistique entre les articles 21 et 22, et il faut éviter ce conflit. L'article 22 énumère une liste de sujets pour lesquels le statisticien en chef pourrait prendre la majorité, voire la totalité, des décisions en vertu du projet de loi C-36. L'article 21 dit très explicitement que les questions à poser lors d'un recensement sont du ressort du gouvernement.
    Selon moi, le gros problème est de déterminer lequel de ces deux articles a préséance sur l'autre en vertu du projet de loi C-36, et le projet de loi ne traite aucunement de la question.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Brian Masse. Vous avez sept minutes.
    Merci aux témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    La confiance est l'un des aspects les plus intéressants qui ont été soulevés concernant la situation actuelle. La confiance est nécessaire non seulement pour les personnes qui veulent compiler les renseignements conformément aux questions que nous posons, mais aussi pour les utilisateurs. Il est important de souligner que bon nombre d'utilisateurs paient pour obtenir ces renseignements. Le recensement n'est pas qu'une dépense. J'aimerais expliquer aux gens qui ne connaissent pas bien le dossier que c'est un produit qui génère en fait des revenus considérables. Le gouvernement a la capacité unique de tout quantifier; voilà pourquoi les gouvernements font des recensements depuis l'Empire romain.
    Notre système actuel cherche à restaurer cette confiance. Pourrons-nous y parvenir avec le projet de loi sous sa forme actuelle et sans amendement? C'est ce que je me demande, et j'aimerais vous entendre à ce sujet. Si le projet de loi ne fait l'objet d'aucun amendement, sous sa forme actuelle, réussira-t-il à restaurer entièrement la confiance nécessaire pour recueillir le plus efficacement possible des données facilement compréhensibles par le personnel qui collecte l'information et les personnes qui utilisent l'information pour des produits et des services qui entraînent vraiment des dépenses ayant des conséquences au sein de notre société civile et des secteurs privé et public?
    Monsieur McKinnon, vous pouvez y aller en premier.
    Cela comporte au moins deux aspects. Une modification à la loi ne peut pas, à elle seule, restaurer une confiance ébranlée ou résoudre le problème. En revanche, la mise en place de mesures législatives appropriées est l'une des pierres angulaires pour accroître la transparence, sensibiliser davantage les gens à des questions, les aider à mieux comprendre ce qui s'est passé et établir une structure qui assure la confidentialité, la compétence, l'intégrité professionnelle, etc.
    Pour de nombreux Canadiens, la confiance est quelque chose qui s'établit avec le temps; elle peut être brisée rapidement. S'il y a un aspect positif qui peut se dégager des querelles survenues en 2011 au sujet du recensement et de l'Enquête nationale auprès des ménages, c'est que les utilisateurs finaux — ceux qui construisent des réseaux de transport en commun, qui choisissent l'emplacement des écoles et qui aident les gens à repérer les nouveaux marchés pour pouvoir lancer leurs entreprises — se sont tous prononcés sur l'importance de ces enquêtes. Un des résultats, c'est que les taux de réponse en 2016 étaient plus rapides et, en fait, meilleurs que ceux obtenus précédemment.
    Je m'abstiens de dire que cela résout le problème. Il s'agit plutôt d'une des pierres angulaires qui nécessitent des mesures concrètes et une meilleure compréhension.

  (0940)  

    Avant le problème du recensement de 2010, en ma qualité de statisticien en chef, chaque fois que je rencontrais mes homologues étrangers, on me disait sans cesse que Statistique Canada était le meilleur organisme de statistique au monde. Bien entendu, cette réputation a été entachée à la suite de ce qui s'est passé en 2010.
    Donc, voici la question que je vous pose, monsieur: si le projet de loi C-36 avait force de loi à l'époque, aurait-on pu éviter une telle situation? Je dirais que non, mais vous pourriez en arriver à une réponse différente. Je crois que la réponse est non en raison du problème que j'ai mentionné en ce qui concerne les articles 21 et 22 de la Loi sur la statistique.
    Alors, vous croyez que le projet de loi doit être modifié. Je pense que tout le monde ici propose des amendements.
    Le projet de loi a besoin d'amendements assez importants. Personne n'en disconvient, mais, à mon avis, on n'a probablement pas songé aux défis...
    Bien sûr. J'abonde dans le même sens. Ce qui m'intéresse, c'est comment améliorer le produit au bout du compte, et nous n'aurons pas beaucoup d'occasions de le faire. Il faudra plusieurs années, voire une décennie, avant que cela s'impose à nouveau.
    Monsieur Cappe.
    Je crois que vous posez la bonne question. Par contre, ce qu'il faut se demander, c'est ceci: quel est le rôle de la loi là-dedans? On ne peut pas régler le problème avec la loi. C'est certes un outil crucial, et le projet de loi constitue une amélioration.
    Peut-on améliorer le projet de loi? Probablement, mais je ne crois pas avoir entendu, jusqu'ici, des suggestions d'améliorations de la part des gens autour de la table. M. Thomas a proposé l'idée d'établir un processus de nomination différent, ce qui me paraît possible, mais on n'a pas besoin d'intégrer cela dans la loi. Selon moi, la loi n'a pas à forcer le gouvernement à mener une consultation pour la nomination d'un nouveau statisticien en chef.
    Pour ce qui est de la compétence du statisticien en chef,avec tout le respect que je dois à Munir — nous avons fréquenté l'université ensemble —, la nomination de M. Sheikh au poste de statisticien en chef était inattendue, mais il a fait de l'excellent travail.
    Je cherchais surtout à connaître votre opinion sur le projet de loi et la question de savoir si, dans le contexte actuel, la confiance était là.
    Je sais.
    Je vais céder la parole à M. Thomas pour connaître son avis avant que mon temps soit écoulé.
    C'est cela, parce que je suis en désaccord.
    Non, vous parlez d'autres choses personnelles qui ne m'intéressent pas vraiment, et je préfère utiliser le peu de temps dont je dispose pour m'entretenir avec M. Thomas.
    Je fais une distinction sur le plan de la confiance. Il y a d'abord la confiance externe à l'égard de Statistique Canada et de ses produits, c'est-à-dire la confiance des principaux utilisateurs, des organisations qui en dépendent, mais aussi des Canadiens en général. Les incidents de 2011 ont un peu entaché l'image et la réputation de Statistique Canada dans le monde extérieur, et il faudra du temps pour rétablir le tout, mais la plupart des Canadiens ne sont pas très bien informés sur le rôle de Statistique Canada.
    Toutefois, il y a un autre niveau de confiance, et c'est à l'interne. Dans le passé, nous comptions sur des règles tacites et des ententes officieuses sur la relation entre le gouvernement et Statistique Canada, entre le ministre et le statisticien en chef. Là encore, les incidents de 2011 ont nui à la confiance. Le projet de loi permettra de codifier et d'officialiser ces règles.
    La confiance est un phénomène insaisissable. Elle s'installe au prix d'efforts laborieux, après beaucoup de temps, mais elle peut s'éroder rapidement et elle est difficile à rétablir. Nous aurons maintenant une nouvelle série de relations de travail plus officielles, et je crois que c'est ce qui s'impose à ce stade-ci au XXIe siècle.
     Merci beaucoup.
    La parole est à M. Baylis. Vous avez sept minutes.
    Je vais commencer par une série de questions sur le conseil consultatif. Tout d'abord, monsieur Sheikh, dans sa forme actuelle, le conseil consultatif s'est-il avéré utile lorsque vous étiez statisticien en chef?

  (0945)  

    Je l'ai trouvé extrêmement utile. En fait, quelle que soit la voie que nous décidions de suivre, lorsqu'il fallait apporter des changements importants, mon approche consistait à en faire part au conseil et à entendre son avis avant de prendre mes décisions, mais ensuite, je retournais au conseil pour expliquer pourquoi nous avions agi de telle ou telle façon.
    Donc, c'était comme un banc d'essai.
    En effet, et je dois dire que j'ai obtenu de très bons conseils.
    On m'a dit que c'était un mandat très étroit, avec un intérêt précis. Ai-je raison de croire que votre conseil consultatif avait une portée et une vision très étroites? Il était surtout composé d'universitaires et de gens ayant des intérêts personnels très précis.
    Non. Nous voulions nous assurer de créer des comités consultatifs dans les domaines d'expertise des membres du Conseil national de la statistique. Ainsi, le Conseil national de la statistique servirait à combler les lacunes à ce niveau, et la nomination des membres reposait là-dessus. En passant, c'est le ministre qui envoyait les lettres de nomination.
    D'accord.
    On s'interroge sur la possibilité de porter le nombre de membres de 40 à 10. Appuyez-vous ce changement? Qu'en pensez-vous?
    Je crois que 40, c'est beaucoup trop; par contre, 10, c'est peut-être trop peu. Il faut donc quelque chose entre les deux. Il est difficile de choisir un chiffre. Un peu plus de 10, voilà ce qui serait utile.
    Monsieur Thomas, vous avez proposé quelques chiffres et quelques idées en ce qui a trait au conseil consultatif. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
    Oui, je parlerai brièvement de mon passage au Conseil national de la statistique. La première fois que j'ai été nommé, j'ai reçu une lettre officielle de la part du ministre m'informant de ma nomination au Conseil. Lorsque mon mandat a été renouvelé, j'ai reçu une lettre du statisticien en chef. Il y avait donc, me semble-t-il, un va-et-vient entre le bureau du ministre et le statisticien en chef. Il serait bon d'adopter une approche cohérente en matière de nomination.
    Comme je l'ai dit, il y a une incertitude sur la question de savoir si ce nouvel organisme assumera un rôle de représentation. Autrement dit, ce groupe représentera-t-il la diversité régionale, linguistique, professionnelle du Canada et une foule d'autres considérations, ou s'agira-t-il plutôt d'une sorte d'organisme de gouvernance chargé de surveiller les activités de Statistique Canada?
    Quel rôle devrait-il jouer, selon vous et d'après votre expérience?
    Ce serait vraiment dommage s'il n'y avait pas un plus grand organisme doté d'une certaine fonction de représentation. Selon moi, prétendre que ces options sont mutuellement exclusives est une fausse dichotomie. Il est possible d'avoir une sorte de modèle hybride. Mais cela signifie, je le répète, qu'il faudrait entre 20 et 25 membres. Comme Munir Sheikh et les autres statisticiens en chef l'ont souligné, il existe tout un éventail de comités qui offrent des conseils à Statistique Canada, notamment les comités consultatifs provinciaux-territoriaux de la statistique.
    Par conséquent, l'entité actuelle n'a pas apporté une perspective institutionnelle. Ce n'était pas une organisation proprement dite. On nous encourageait — nous, les membres à titre personnel — à laisser de côté notre identité institutionnelle et à nous demander ce qui est dans l'intérêt supérieur du système statistique national?
    Il serait utile, par exemple, d'avoir un représentant du Nord, en provenance de l'un des trois territoires — ou peut-être même plusieurs représentants.
    Ce n'était donc pas nécessairement une représentation régionale fixe... n'empêche que cela aurait été intéressant. En tout cas, l'organisme n'était pas tenu de représenter tout le monde. Vous avez mentionné qu'il y a d'autres conseils consultatifs à vocation régionale. Est-ce exact?
    Oui, et il y a aussi des comités spécialisés qui ont une sorte de mandat fonctionnel. De quoi l'industrie minière a-t-elle besoin, ou qu'en est-il des industries primaires en général? Il y a toute une gamme de comités de ce genre. Ce n'est pas comme si le statisticien en chef et son équipe de direction ne recevaient pas d'avis sur les divers segments de la société canadienne.
    Cet organisme pourrait, en fait, jouer un rôle global. Comme M. Sheikh l'a dit, il pourrait venir lancer des idées, et on pourrait quand même recevoir d'autres idées en provenance de différents secteurs et de différentes régions du pays.
    Certains membres de l'actuel Conseil national de la statistique n'utilisent pas beaucoup de données statistiques. Ce sont des gens comme moi. Ils s'occupent surtout des processus et de l'administration. Ce genre de personnes sont également utiles, car le statisticien en chef travaille avec le Cabinet du premier ministre, le Conseil du Trésor, les comités parlementaires, etc.
     Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à M. McKinnon et l'inviter à nous faire part de ses réflexions sur la composition du Conseil et les modifications qui sont proposées. Certains ont fait état d'un manque de transparence. Vous pourriez peut-être aborder cette question.

  (0950)  

    Tout d'abord, je crois que la composition optimale du groupe proposé dépend, en grande partie, du mandat qu'on veut lui conférer. J'ai été heureux d'entendre Munir Sheikh dire que nous étions un groupe consultatif et que nous avons essayé très fort, comme Paul l'a dit, de laisser nos titres professionnels de côté pour représenter des sujets régionaux dans l'ensemble du pays.
    Pour moi, la question essentielle n'est pas de savoir à quoi ressemble un groupe consultatif idéal avant de l'avoir défini. Par conséquent, il faut vraiment déterminer quelle fonction le groupe devrait assumer et comment il pourrait accroître l'indépendance, la transparence et tout le reste, sans oublier la fonction de reddition de comptes. Dans la mesure où le groupe agit selon une série de freins et de contrepoids pour assurer l'indépendance et le professionnalisme, il ne devrait pas avoir la même composition que celle de notre groupe actuel. On devrait permettre d'importants chevauchements sur le plan de la composition.
    Il faut des domaines d'expertise précis, comme c'est déjà le cas au sein du Conseil, mais puisqu'il y aura un changement de mandat, le Conseil devra également en tenir compte. Voilà pourquoi je suis d'avis que le processus de recrutement et de nomination devrait être plus public, transparent et conforme aux critères habituels utilisés pour ce genre d'organisme.
    Merci beaucoup.
    Nous allons céder la parole à M. Lobb. Vous avez cinq minutes.
    Merci à vous tous de votre présence. Nous avons reçu d'excellents témoins lors de nos deux dernières séances; il n'y a aucun doute là-dessus. Nous sommes ravis d'avoir ce genre de rétroaction.
    Ma première question s'adresse à M. McKinnon. Vous êtes président. Je regrette d'être arrivé en retard, mais je suis venu pour vous entendre. Pouvez-vous nous dire comment, le cas échéant, le ministre ou le ministère vous a consulté au sujet du projet de loi?
    Oui. Cela s'est fait en plusieurs étapes. Dès que le gouvernement a annoncé son intention d'accroître l'indépendance de Statistique Canada, le statisticien en chef nous a demandé de commencer à lui donner des conseils pour qu'il puisse les transmettre au ministre. Nous avons mis sur pied un groupe de travail. M. Thomas en était membre, ainsi que d'autres personnes ayant beaucoup d'expérience auprès de ce genre d'organisations ou en matière de changements.
    Nous avons préparé des documents, que nous avons remis au secrétaire parlementaire du ministre, puis nous avons organisé des réunions avec lui pour ensuite consulter de nouveau les membres du Conseil en général; nous avons répété ces étapes au fur à mesure que le processus a évolué. Nous nous sommes réunis après le dépôt du projet de loi. Nous avons tenu des discussions au sein du même groupe de travail afin de fournir des avis au statisticien en chef.
    Selon vous, et selon le Conseil, la plupart de vos commentaires se sont-ils retrouvés parmi les amendements, ou y en a-t-il d'autres qui n'ont pas encore fait leur chemin?
    En fait, avant les détails du projet de loi ne soient rendus publics, nous avions déjà présenté des propositions, et nous voyons que certaines dispositions du projet de loi tiennent compte de nos conseils. Nous ne sommes pas des spécialistes en rédaction législative, comme vous pouvez vous en douter, ce qui fait que nous nous sommes concentrés sur les principes et les objectifs. En tout cas, nous pouvons voir bon nombre d'entre eux dans le projet de loi et les amendements. Il y a des domaines d'intérêt précis, comme celui de M. Thomas, et certaines de ces personnes ont fait des suggestions qui se sont également retrouvées dans nos notes de service.
    Tout ce que vous avez dit, j'en prends note avec grand respect, aucun doute là-dessus. Or, je reviens sans cesse au constat suivant: la situation a évolué depuis 2011, et je crois que nous sommes, dans l'ensemble, plus prêts à accueillir des changements. Je crois sincèrement que l'un des principaux piliers de l'indépendance repose sur ce qui se passe en coulisse, c'est-à-dire les systèmes informatiques et les centres de données; c'est ce qui fait vraiment de Statistique Canada une entité d'envergure mondiale. Il est insensé de recueillir toutes ces précieuses données pour ensuite faire face à une panne de serveurs au moment où l'on s'apprête à les publier.
    Selon le Conseil, ou d'après vous — et j'entends par là les autres invités aussi —, quel rôle devons-nous jouer? Faut-il donner au statisticien en chef plus de latitude pour lui permettre de prendre les décisions qu'il estiment nécessaires afin d'améliorer et de renforcer le rendement de nos centres de données? De quoi s'agit-il? Je pose la question parce que je doute vraiment que Statistique Canada puisse être autonome si l'on continue de lui mettre des bâtons dans les roues, et je fais allusion à Services partagés Canada.

  (0955)  

    Le Conseil national de la statistique ne s'occupe pas des questions dites opérationnelles au sein de l'organisme. Si nous repérons des problèmes, par exemple, sur le plan de la prestation ou du processus, nous dénonçons la situation. Franchement, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne possédons pas l'expertise nécessaire pour bien juger du cas approprié.
    Par contre, dès que le gouvernement a annoncé son intention d'apporter des changements pour accroître l'indépendance de Statistique Canada, une des mesures prises par le groupe de travail dont je suis membre, c'était de demander l'opinion des anciens chefs d'autres bureaux de statistique semblables en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ils nous ont dit que, selon eux, un élément important de leur indépendance tenait à la mainmise sur leur structure informatique, et nous avons fait passer le message.
    Je le répète, nous n'avons ni les ressources ni l'expérience pour juger de ce genre de situations, mais nous ne manquons pas de les signaler.
    Très bien.
    Monsieur Cappe, vous pouvez répondre très brièvement.
    Je ne vais pas vous donner une réponse simple. J'ai été sous-ministre de trois ministères. Lorsque j'occupais les fonctions de sous-ministre de l'Environnement, nous utilisions le superordinateur à Montréal pour les prévisions météorologiques. Nous avions nos propres employés. Ils font maintenant partie de cette infrastructure qu'est Services partagés Canada.
    Cela peut fonctionner. Il y a des avantages à avoir ce genre de structure globale d'achat et de contrôle à l'échelle du gouvernement.
    Cependant, il y a aussi des désavantages. Nous savons que la GRC et Statistique Canada affirment vouloir reprendre les rênes. Selon moi, il est trop tôt pour le dire, mais cela peut présenter des avantages.
    Merci.
    Monsieur Sheehan, vous avez de cinq minutes.
    Merci beaucoup. Ma première question s'adresse à M. Sheikh.
    J'avais cru comprendre qu'un des facteurs importants ayant mené à votre démission était l'ingérence du gouvernement dans les affaires liées à la statistique pour faire croire que vous, à titre de statisticien en chef à l'époque, souscriviez à la décision. J'aimerais tout simplement savoir si cette affirmation est juste.
    Par ailleurs, je voudrais parler du projet de loi C-36. Si cette mesure législative avait été adoptée à l'époque, comment cela aurait-il changé le cours des choses, étant donné la disposition sur la transparence et le pouvoir direct? Cela aurait-il empêché la perception selon laquelle vous vous rangiez du côté de la décision du gouvernement? Enfin, vous sentiriez-vous plus à l'aise de rester à votre poste de statisticien en chef, sachant qu'il appartenait au gouvernement, et non pas à vous, de rendre compte de la décision?
     Lors de mon témoignage devant le Comité il y a sept ans, j'ai dit que j'avais deux objectifs: fournir au gouvernement les conseils les plus judicieux et mettre en oeuvre tout ce que le gouvernement décide de faire.
    Je crois qu'il est assez évident aujourd'hui que nous avions conseillé au gouvernement de maintenir le formulaire détaillé du recensement. Toujours est-il que le gouvernement a refusé notre conseil. Il préférait l'Enquête nationale auprès des ménages. La réaction de Statistique Canada a été de dire: « C'est vous le patron. Nous ferons ce que vous voulez. » Nous avons fait de notre mieux en administrant l'enquête.
    Or, lorsque le ministre s'est mis à blâmer Statistique Canada en lui reprochant d'avoir recommandé l'enquête et en disant que le statisticien en chef avait personnellement donné ce conseil, il m'est devenu très difficile de continuer à occuper ce poste, surtout parce que le ministre avait tenu de tels propos à plusieurs reprises.
    J'ai fait de mon mieux pour l'encourager à ne plus agir ainsi, mais en vain. J'ai fini par me dire: « Je ne peux plus travailler dans une telle situation parce que cela donne l'impression que nous avons donné de mauvais conseils au gouvernement. » C'était la seule façon de faire comprendre que nous n'avions pas fourni ce conseil.
    Si le projet de loi  C-36 faisait partie de la Loi sur la statistique à l'époque... j'en ai déjà parlé dans mon exposé, et j'ai dit que je ne pense pas que les choses se seraient passées différemment. J'aurais quand même démissionné, et le ministre aurait tenu les mêmes propos. Nous serions probablement ici aujourd'hui, à parler du projet de loi C-36, mais cela n'aurait rien changé.

  (1000)  

     Merci beaucoup.
    Je sais que les gens de ma circonscription, Sault Ste. Marie, sont très heureux que le formulaire détaillé du recensement soit de retour. Les dernières données qui ont été diffusées revêtent une grande importance pour une collectivité comme la nôtre parce qu'elles n'avaient pas été recueillies la fois précédente. Cela permet à l'agence de développement économique de notre ville de faire des prévisions et de planifier l'avenir. Je crois que le conseil que vous aviez donné à l'époque était tout à fait justifié parce qu'il est très bien accueilli de nos jours. Je vous remercie du travail que vous avez accompli dans le cadre de vos anciennes fonctions.
    Ma prochaine question s'adresse aux représentants des universités de Toronto et du Manitoba. À ma connaissance, dans bon nombre des pays dotés de systèmes statistiques indépendants, la décision de rendre une enquête obligatoire continue d'être traitée comme un règlement en raison de ses répercussions politiques. Autrement dit, ces pays continuent de s'assurer que le gouvernement dispose de certains pouvoirs pour décider de ce qui est obligatoire et de ce qui ne l'est pas. Toutefois, les statisticiens qui sont venus nous parler avant vous, MM. Smith et Fellegi, semblaient être d'avis que le gouvernement ne devrait avoir aucun mot à dire là-dedans, peu importe les circonstances, parce que la décision de rendre une enquête obligatoire ou volontaire est strictement une question de méthodologie.
    En tant qu'experts à part entière dans le domaine de la politique et de l'administration publique, croyez-vous raisonnable que le gouvernement, dans une démocratie parlementaire modelée sur Westminster, continue d'exercer en quelque sorte le pouvoir de donner des directives lorsqu'il s'agit de décisions qui mettent en cause l'État, le pouvoir ou la coercition?
    Je peux répondre en premier, si vous voulez.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que notre système de gouvernement responsable repose sur l'obligation du premier ministre et des ministres de la Couronne d'expliquer et de défendre ce qu'ils ont fait publiquement et de rendre des comptes — au final, par l'entremise d'élections —, devant la Chambre des communes et même, j'ose dire, devant le Sénat. On ne peut pas s'attendre à ce que les ministres soient complètement indifférents à la portée et aux types de questions posées dans un recensement, à leur caractère importun et à la gamme de renseignements demandés. Je crois que le Cabinet a un rôle définitif à jouer.
    Comme je l'ai proposé dans mon mémoire, en ce qui concerne le projet de paragraphe 4.1(1), qui autorise le ministre à intervenir relativement à une question opérationnelle et technique, on a clairement fait savoir que le statisticien en chef devrait être autorisé à soulever publiquement des objections à cet égard et qu'un tel acte ne devrait pas empêcher le renouvellement de son mandat.
    Bien entendu, à votre retour au travail le lundi, vos relations avec le ministre et le gouvernement seront un peu tendues. Cela ne fait aucun doute. Il s'agit d'une mesure de dernier recours, que l'on prend après de longues négociations. Le but est de reconnaître qu'il n'y a pas de ligne de démarcation précise entre la politique et les opérations. La distinction est floue. Aux yeux du ministre, les dossiers dont est saisi le statisticien en chef pourraient paraître techniques car, dans l'esprit du ministre, il s'agit d'une question de politique délicate dont il a beaucoup entendu parler dans le cadre de ses interactions. J'estime qu'il y a moyen de renforcer les mesures de protection pour que la situation de 2011 ne se répète pas.
    Merci beaucoup.
    Le temps est écoulé.
    Je, je...
    Je vais utiliser mon temps de parole.
    C'est comme vous voulez.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur Nuttall.
    Je voulais simplement répondre à M. Sheehan que le ministre des Finances vient de demander à Statistique Canada de mener une enquête sur le logement. Il n'a pas ordonné que ce soit obligatoire.
    Il est concevable que le gouvernement veuille une enquête universelle, semblable à un recensement, et qu'il souhaite la rendre obligatoire. Je ne peux pas imaginer ce que cela pourrait bien être, mais je ne pense pas que ce soit...
    Je comprends l'argument de M. Fellegi. Oui, c'est une question de méthodologie. Quelle est la bonne façon de mener l'enquête? Toutefois, nous ne devrions pas obliger le gouvernement à interdire de rendre cela obligatoire.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous me permettez, j'aimerais revenir sur certaines questions que j'ai posées précédemment au ministre et aux membres du comité au sujet du processus de nomination du nouveau conseil consultatif. Je crois que nous avons discuté quelque peu du nombre adéquat de personnes au sein du Conseil ainsi que de la façon de procéder.
    Est-il suffisant d'avoir 10 membres? Y a-t-il une différence?

  (1005)  

    Selon moi, il est plutôt intéressant de se poser la question suivante: quel mandat veut-on attribuer à cette entité?
    Un comité consultatif chargé de questions méthodologiques, ce n'est pas la même chose qu'un comité représentatif. S'il s'agit d'un comité représentatif, alors oui, nous voulons que ce soit un groupe plus large, comme M. Baylis l'a expliqué tout à l'heure. J'ignore quel genre de comité vous voulez créer.
    Par ailleurs, ce n'est pas le seul comité consultatif. On pourrait avoir un comité complémentaire qui s'occupe de questions méthodologiques. On compte déjà tous ces autres groupes consultatifs qui sont chargés de fournir des conseils sur des enquêtes précises. Il n'y a pas de bonne réponse.
    Donc, c'est le résultat escompté qui déterminera le nombre de membres.
    Oui.
    La question qui se pose alors est ceci: si on devait rétablir le processus de nomination par le Cabinet, ne craint-on pas que cet organisme devienne un refuge de partisans? Cela nous ramène presque à la question initiale, qui est de savoir de quel type de comité il s'agit, etc.
    Je fais confiance au système parce que, bien franchement, un tel comportement partisan n'est pas sans conséquence politique. Alors, on ne laissera pas passer une chose pareille. Voilà à quel point je fais confiance au processus.
    Les autres sont-ils du même avis?
    Je pourrais peut-être vous donner une perspective. J'ai présidé, à deux reprises, des conseils d'administration de sociétés d'État au Manitoba; j'avais été nommé par différents gouvernements, et il s'agissait de postes qualifiés de non partisans. Certains de mes collègues qui siégeaient à ces conseils d'administration venaient du milieu politique, mais ils possédaient l'expertise nécessaire. Ce n'est pas parce qu'une personne était, dans un passé lointain, peut-être d'allégeance libérale, néo-démocrate ou conservatrice qu'elle devrait être automatiquement disqualifiée. Encore une fois, cela rejoint la question de savoir quel est le but de cet organisme. Un petit groupe de 10 personnes enverrait, selon moi, le message que nous voulons nous occuper de la gouvernance. Nous sommes là pour surveiller le statisticien en chef; nous sommes invités à franchir la ligne au-delà de l'élaboration de politiques au sein de Statistique Canada et à nous intéresser au processus budgétaire, à la dotation en personnel ou à des questions opérationnelles. Ce serait, à mon avis, dangereux. Il ne s'agit pas ici d'un conseil d'administration d'une société d'État ou d'une société privée, ni d'une entreprise commerciale. C'est une tout autre entité. L'organisme serait là pour servir l'intérêt du public. Voilà pourquoi j'estime qu'il faut plus de 10 représentants.
    C'est parfait. Merci, monsieur le président.
    Nous allons maintenant entendre M. Longfield. Vous avez cinq minutes.
    Merci pour les questions posées par les députés d'en face.
    Je suis d'accord avec M. Lobb: nous avons eu droit à des témoignages exceptionnels au cours des deux dernières séances. Je vous remercie tous de vos exposés non partisans sur un sujet difficile.
    En 2010-2011, lorsque j'étais président de la Chambre de commerce de Guelph, je suivais les statistiques sur le travail. J'ai été très déçu, et c'est le moins qu'on puisse dire, lorsque le formulaire détaillé a été retiré. J'ai découvert que je n'étais pas le seul. Je regardais la situation du point de vue des entreprises, mais les organismes sans but lucratif m'ont vraiment surpris: ils comptaient tellement sur les données du recensement. Lorsque nous avons rétabli le formulaire détaillé, les intervenants du milieu voulaient tous venir me serrer dans leurs bras, et je n'ai rien contre cela.
    Ces organismes étudiaient l'itinérance et les questions liées à la réduction de la pauvreté. Lorsque nos collectivités font part de ces enjeux au gouvernement, pourriez-vous expliquer comment la gouvernance entre en ligne de compte? Qu'est-ce qui motive la décision de mener telle ou telle enquête et de procéder par voie réglementaire? Comme M. Dreeshen l'a dit, nous avons le recensement de la population et celui de l'agriculture, mais quelles autres mesures obligatoires pourrions-nous prendre pour lutter contre l'itinérance et réduire la pauvreté au sein de nos collectivités par l'entremise de Statistique Canada?
    Je vais me lancer en premier. Vous avez soulevé une question d'importance capitale, et j'ai essayé de souligner tout à l'heure que ce qui compte, c'est le système canadien de la statistique. Le recensement est essentiel parce que c'est le fondement et le point de référence pour évaluer tout le reste. La raison pour laquelle les changements, l'indépendance et la confiance sont des éléments si importants, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de déterminer si nous devons mener une enquête ou modifier une question dans le recensement; il faut aussi déterminer la source des dossiers administratifs. Les provinces vont-elles...? Lorsqu'on examine des questions comme l'itinérance, on a besoin de données sociales, notamment des données sur l'éducation et la santé, pour constituer un répertoire de renseignements fiables pouvant être recueillis surtout au moyen de dossiers administratifs. Voilà, selon moi, le véritable enjeu.

  (1010)  

    Le projet de loi en tient-il compte?
    Je ne crois pas qu'on puisse imposer cela par voie législative. Il faut renforcer le message selon lequel il s'agit d'un système et d'un organisme fiables à qui nous pouvons confier nos données en toute confiance.
    S'il n'y a pas de confiance... J'ai deux exemples concernant le service à la clientèle, et nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce sujet lors de la dernière séance. En mars 2014, la main-d'oeuvre de Guelph est passée de 82 000 à 92 000 travailleurs en un mois. Elle a soudain augmenté de 10 000 personnes. Ce chiffre n'a jamais été rectifié. D'ailleurs, je m'en suis toujours méfié. Le processus de correction est donc un problème.
    Dans le même ordre d'idées, un des employeurs de notre région doit soumettre les données du recensement pour chacun de ses 26 emplacements, au lieu de regrouper le tout et de répondre au questionnaire une seule fois. Il lui faut un jour et demi pour préparer les renseignements. Cet employeur voudrait qu'on remédie à la situation.
    Dans les deux cas, comment les corrections seraient-elles apportées par Statistique Canada dans le système actuel, et la nouvelle loi permettrait-elle d'améliorer cet aspect?
    Monsieur Cappe, comme je suis un diplômé de l'Université du Manitoba, je dois peut-être commencer par vous.
    Vous voulez dire M. Thomas.
    Pardon.
    Monsieur Thomas.
    Ici, en plein milieu du pays, au centre du Canada...
    Absolument.
    ... avec des hivers à vous glacer le sang et des moustiques aux piqûres mortelles... nous avons de tout.
    Ils retournent les coups.
    C’est une importante observation qui se rapporte au rôle du Conseil national de la statistique. Je suis l’un de ses deux membres provenant du Manitoba. L’organisme statistique du Manitoba et Statistique Canada ont eu quelques conflits à propos de la question de savoir si le dénombrement de la population est incomplet. C’est une question qui importe et qui peut, par exemple, priver une province de millions de dollars de paiements de péréquation.
    Les représentants du Manitoba se sont adressés à moi et m’ont dit qu’ils souhaitaient entendre mon point de vue et me communiquer le leur. Il s’avère que des désaccords existaient sur le plan méthodologique, mais cela démontre à quel point il est utile d’avoir, dans une province donnée, accès à un personnage qui est un peu reconnaissable dans ce domaine et qui a des contacts à Statistique Canada, sans être à son emploi.
    C’est le genre de suggestion que je formulerais pour expliquer la raison pour laquelle 10 personnes ne suffisent pas.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Blaney, qui dispose de deux minutes.
    Pour reprendre les propos du député précédent, je vous indique qu’avant de travailler ici, je dirigeais un organisme à but non lucratif et que la valeur de l’information était inestimable. Lorsque nous avons cessé d’y avoir accès, cela a représenté une énorme perte.
    Messieurs Sheikh et McKinnon, pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, le gouvernement refuse l’idée d’ajouter un préambule qui cadre avec la déclaration de la Commission statistique des Nations unies?
    J’ignore pourquoi le gouvernement est réfractaire à cette idée, mais, en ma qualité d’ancien statisticien en chef, je trouve les principes extrêmement valables. Par exemple, le projet de loi C-36 indique très clairement le travail dont le statisticien en chef doit s’acquitter, et je dirais qu’il le fait en résumant les principes en une phrase unique. Voilà une raison possible.
    Je ne sais pas vraiment quelle valeur supplémentaire vous obtiendriez en ajoutant ces principes. À mon avis, ils sont déjà là.
    Mais ils changeraient eux aussi.
    Ils changeraient eux aussi. Donc, en les ajoutant à la mesure législative, on créerait l’obligation de la modifier dans l’éventualité d’un changement aux principes.
    De plus, je tiens à mentionner que le Canada joue un énorme rôle au sein des Nations unies. En tant que représentant de Statistique Canada, j’ai été en mesure de jouer ce rôle. À de nombreuses reprises, nous avons en fait montré la voie aux Nations unies à plusieurs égards. L’intégration des principes des Nations unies dans la loi me préoccupe un peu, étant donné que le travail de Statistique Canada peut être supérieur à celui de n’importe quelle autre organisation. Cela est un peu problématique selon moi.
    Dans sa forme actuelle, le projet de loi offre une certaine souplesse. J’estime donc que le document que nous avons devant nous est tout à fait satisfaisant.

  (1015)  

    Le Conseil national de la statistique n’est pas chargé d’appuyer ou non la Charte des Nations unies. Nous sommes bien au courant de son existence, et nous considérons qu’il s’agit d’une merveilleuse série de lignes directrices. Au cours de nos discussions, nous avons toujours soutenu que les actions du Canada, quelles qu’elles soient, devraient être en harmonie avec ces lignes directrices.
    En ce qui concerne les responsables de la rédaction législative, je ne peux pas, en toute franchise, vous donner mon avis quant aux raisons pour lesquelles ils auraient inclus ou non les lignes directrices dans la loi.
    Merci.
    Il faut que nous poursuivions. Nous disposons de suffisamment de temps pour mener une demi-série de questions. Par conséquent, nous allons donner de nouveau la parole à M. Baylis.
    Merci, monsieur le président.
    Vous quatre, ainsi que MM. Fellegi et Smith — c’est-à-dire les personnes qui ont témoigné à propos de la nécessité de veiller à faire la distinction entre les problèmes de méthodologie statistique et la gouvernance politique — nous avez communiqué un message très uniforme.
    Cela m’a rappelé le vieil adage selon lequel il y a de petits mensonges, de gros mensonges et des statistiques. J’imagine que vous souhaitez vous en remettre à nous pour les petits et gros mensonges, et que vous désirez vous occuper des statistiques. J’aimerais examiner cet enjeu.

[Français]

     Nous allons commencer avec M. Cappe.
    Lors de votre témoignage, vous avez mentionné qu'il était nécessaire de clarifier ce point de vue.
    Personnellement, je ne pense pas que ce soit possible de clarifier cela.
     Par contre, il serait possible de faire face à cette tension et d'essayer de trouver un équilibre entre les deux. À mon avis, c'est une étape et, comme on le disait, on ne va pas changer la loi.
    M. Fellegi avait demandé qu'on écrive que les décisions méthodologiques sont prises par le statisticien.
    Je pense que c'est assez clair maintenant. Par contre, si c'est nécessaire de l'ajouter, je n'y ai pas objection.
    Cependant, je pense que le gouvernement devrait avoir le pouvoir de prendre des décisions vraiment politiques.

[Traduction]

    Monsieur Sheikh, vous avez déclaré ne pas être certain que la mesure législative aurait réglé le problème qui vous a forcé à donner votre démission. M. Fellegi a mentionné la nécessité de préciser dans le libellé que les décisions méthodologiques devraient relever exclusivement du statisticien en chef. Je crois que vos paroles disaient que les décisions statistiques de nature technique devraient relever du statisticien en chef. Est-ce une disposition que vous souhaiteriez voir insérer dans la mesure législative?
    Comme Mel l’a indiqué, il me paraît vraiment difficile de définir ces conditions dans une mesure législative.
    M. Fellegi, par exemple, a utilisé les termes « décisions méthodologiques ».
    Je ne me préoccuperais pas d'employer ces mots. Je ne crois pas que cela contribuerait à régler le problème dont vous parlez. Selon moi, le problème est le suivant : j’estime que le projet de loi indique tout à fait correctement au statisticien en chef ce qu’il doit faire, mais il l’avise également que le gouvernement pourrait lui donner une directive. Mon souci était que, lorsque le gouvernement donne une directive — et il devrait être en mesure de le faire —, il faudrait que les circonstances soient vraiment exceptionnelles.
    Vous avez dit plus tôt, au cours de votre témoignage, qu’il ne conviendrait pas que le ministre prenne des décisions concernant des questions statistiques.
    Il ne convient pas que le gouvernement s’occupe de ces questions.
    Je le comprends, mais comment pouvons-nous prévenir cela?
    En même temps, je comprends à quel point il peut être difficile de codifier cela dans une loi. La façon indirecte que je suggère d’utiliser pour atteindre cet objectif consiste à renforcer l’article qui indique que le gouvernement peut donner une directive, en précisant que cela peut être fait seulement « dans des circonstances exceptionnelles ». M. Thomas a suggéré que la directive soit déposée au Parlement. Je crois que, selon la nature de l’enjeu, la discussion que les parlementaires auront leur permettra de déterminer s’il s’agit ou non d’une question statistique. C’est une chose très difficile à définir.
    Si c’est une question statistique, la première chose que nous devrions faire est de nous assurer qu’elle relèvera du statisticien en chef.
    Oui.
    D’une manière ou d’une autre, nous devons trouver cet équilibre, comme M. Cappe l’a déclaré, afin de nous assurer que les décisions de nature statistique sont prises par le statisticien en chef.
    Je m’efforce de résoudre ce problème indirectement. Selon moi, le plus grave problème en ce moment est que l’article 22 de la loi énumère les domaines dans lesquels le statisticien peut prendre des décisions. En revanche, l’article 21 indique que les questions du recensement sont déterminées par le Cabinet.

  (1020)  

    Vous avez mentionné le…
    Si vous modifiez la loi afin qu’elle indique que l’article 21 est assujetti à l’article 22, cela réglera un énorme problème, à mon avis.
    Nous assujettirions le paragraphe 21 à l’article 22?
    Oui.
    D’accord, nous reviendrons là-dessus.
    Je vais maintenant m’adresser à M. Thomas. Je crois que vous aviez des idées précises concernant la façon dont nous pourrions régler la question préoccupante de savoir comment distinguer les décisions politiques des décisions statistiques. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
    Oui, j’ai affirmé qu’il n’y avait pas de ligne de démarcation claire entre les politiques, les opérations, les méthodologies, etc. Ce que vous désirez éviter, c’est de permettre aux ministres de gagner sur les deux tableaux, c’est-à-dire en leur accordant ce que j’appellerais la « responsabilité discrétionnaire » qui leur permettrait d’intervenir quand bon leur semble et d’obtenir ce qu’ils veulent à l’aide de directives données à l’heure du souper, comme je les décrivais quand je présidais les conseils d’administration des sociétés d’État.
    Les directives données au statisticien en chef devraient être rendues publiques à un moment ou à un autre, mais seulement après un long processus de négociation. Puis, lorsque le ministre, ou le gouvernement, décide d'infirmer les décisions du statisticien en chef — et je crois que cette décision devrait être prise par le Cabinet —, cette décision est rendue publique, et le ministre peut s’en vanter et avouer la raison pour laquelle il a jugé que c’était la meilleure chose à faire dans l’intérêt national. On peut présumer que des membres de l’opposition, qui sont sceptiques, voire hostiles, poseront des questions difficiles pour savoir pourquoi c’était le cas.
    J’irais même jusqu’à dire qu’on devrait permettre au statisticien en chef de mentionner publiquement les raisons pour lesquelles il s’élève contre une directive liée à des questions opérationnelles.
    Disons que comparativement à M. Fellegi, qui souhaitait que des dispositions du projet de loi tracent des lignes de démarcation très claires… peut-être en assujettissant l’article 21 à l’article 22, comme M. Sheikh l’a suggéré, vous proposez de verser de la mélasse dans le système, afin qu’il soit nécessaire de franchir les étapes du processus si une tentative est entreprise. Ainsi, nous serons en mesure de faire la lumière sur cette décision. Cela pourrait avoir un effet dissuasif sur un ministre qui tente de gagner sur les deux tableaux en modifiant les méthodes statistiques pour faire des gains politiques.
    Oui. Il n’y a pas de moyen infaillible d’empêcher un ministre de tenter de prendre des mesures soit pour des raisons politiques, soit parce que son jugement diffère de celui du statisticien en chef
    Soyons clairs. Comme vous l’avez indiqué, si nous avons embauché un statisticien en chef, c’est parce que nous ne nous attendons pas à ce que les compétences en statistique d’un ministre dépassent celles du statisticien en chef et de son conseil de la statistique.
    Nous ne nous attendons pas à cela du tout, mais vous pourriez soutenir que le statisticien en chef et les réseaux consultatifs qui ont été mis sur pied ont un point de vue étroit à propos de certaines de ces questions. Le ministre et le gouvernement apportent un point de vue plus général, à savoir ce que les statistiques signifient à l’échelle nationale ou régionale pour différents segments de la société canadienne. Il se peut qu’ils tiennent compte d’un éventail de considérations beaucoup plus vaste que le statisticien en chef et, en fin de compte, ils devraient avoir le droit de le faire. À un moment donné, nous devons faire confiance aux politiciens et espérer qu’ils feront ce qui s’impose.
    Merci.
    Je vois, monsieur McKinnon, que vous êtes impatient d’intervenir. Toutefois, soyez très bref s’il vous plaît.
    J'ai deux arguments à faire valoir.
    Premièrement, il est très difficile d’adopter une position très ferme à cet égard. Prenons l’exemple du fardeau de réponse au sens technique. Un ministre pourrait dire à un statisticien en chef que les 15 activités distinctes représentent un énorme fardeau. C’est aussi un enjeu méthodologique fondamental en ce qui a trait à la façon dont vous recueillez les données, et c’est un excellent exemple de la façon dont ces questions s’imbriquent.
    Merci.
    Monsieur Dreeshen, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup.
    J'ai eu le plaisir de me rendre en Belgique pour le forum Blue Sky 3; quelle belle occasion de constater la valeur de l'analyse de données et de l'innovation et leur importance dans le monde! Bien sûr, il y a différentes façons dont les divers acteurs internationaux évaluent l'information. Bien sûr, nos universités jouent un rôle central dans l'utilisation de ces données pour la formation, puis pour aller plus loin. C'est un aspect fondamental.
    J'aimerais poser une question, et M. Sheikh pourra peut-être nous faire part de ses réflexions sur le sujet: quels sont les outils statistiques qui ont été utilisés pour établir une corrélation entre les données du questionnaire détaillé du recensement et les résultats obtenus à l'aide de la version longue de l'enquête? Ces données ont été consignées dans deux formats différents, mais c'est un peu comme pour les 60 000 Canadiens qui se sont déclarés de religion jedi. Il doit y avoir une analyse et une façon de réinterpréter les données.

  (1025)  

    Je peux vous donner un exemple de comparaison qui peut se faire entre les données de l'enquête et celles du recensement. En 2011, certaines questions figurant dans le questionnaire court du recensement étaient les mêmes qui celles qui figuraient dans le questionnaire détaillé et la version longue de l'enquête nationale. Si l'on analyse et compare les réponses à ce petit nombre de questions, on a une assez bonne idée de la qualité de l'enquête. Le recensement, c'est le recensement, et tout le monde doit y répondre.
    Je vais vous donner un exemple d'une région en particulier. Dans la région métropolitaine de Toronto, il y a des centaines d'unités qui y ont répondu. J'ai analysé beaucoup d'indicateurs, mais prenons les appartements et le nombre d'immeubles à logements qui existent dans les divers quartiers de Toronto. Le ratio entre les réponses au questionnaire abrégé du recensement et les réponses à l'enquête était de 0,25 à 3, ce qui donne une idée de la marge d'erreur de l'enquête.
    Il y a des façons de comparer ces résultats, et en fait, Statistique Canada les compare constamment. Nous menons beaucoup d'enquêtes volontaires, que nous analysons à la lumière des données du recensement et que nous adaptons en conséquence.
    C'est l'un des arguments que j'essaie de faire valoir. La statistique est un outil. On l'utilise pour travailler, on prend les meilleures données possibles, puis on s'organise à partir de là. Je sais que pour ce qui est des enquêtes sur l'itinérance, par exemple, il y a des gens qui disent qu'ils n'ont peut-être pas eu accès à des données, mais les gens se sont débrouillés, et cela a généré bien des succès.
    Pour ce qui est du questionnaire détaillé du recensement, lorsque des agriculteurs le reçoivent, ils ont l'impression d'avoir perdu à la courte paille. On les relance constamment pour leur demander pourquoi ils n'ont pas encore répondu, pourquoi ils n'ont pas encore fait ceci ou cela. Avant, on leur disait « vous irez en prison » s'ils transportaient leur propre grain de l'autre côté de la frontière.
    Si c'est le genre de situation qui se pose, tout dépend du moment où les questionnaires arrivent. Bien souvent, quand ils sont envoyés, les gens sont occupés sur leurs tracteurs. Ils ont beau avoir un téléphone et être connectés de toutes sortes de façons, je sais que c'est l'une des raisons pour lesquelles les agriculteurs réclament un peu de lest. Bien sûr, dans votre cas, vous vous direz: « J'ai déjà toute l'information qu'ils demandent de toute façon. Ils veulent maintenant que je recommence à zéro et que je remplisse encore une fois tous ces formulaires. » Oui, c'est important, mais encore une fois, il y a différentes façons de les analyser.
    J'aimerais également parler des questions qu'on trouve dans le recensement. Quand une question vient du gouvernement, de n'importe quel gouvernement, elle peut être formulée en fonction du type de réponse qu'on veut obtenir. Il peut n'y avoir aucune question sur toutes les taxes sur le carbone qu'on paie en ce moment parce que le gouvernement veut parler d'autre chose. Il peut vouloir parler des technologies vertes et de leur avenir, sans pour autant vouloir parler de la technologie du charbon épuré ou de ce genre de choses parce qu'elles ne font pas partie de l'orientation stratégique du gouvernement.
    Au sein de votre conseil, comment traitez-vous ce genre de chose, faites-vous la part des choses entre les préférences politiques et les préférences des gens du secteur des ressources naturelles et vous demandez-vous comment présenter l'information compte tenu de tout cela? Osez-vous dire aux ministres ou à tous ceux qui prennent des décisions que vous connaissez la différence et que vous connaissez la situation?
    Premièrement, j'aimerais faire la distinction entre le recensement, qui a une très longue histoire... Franchement, les organismes de statistique sont des organisations très conservatrices. S'ils ont le choix entre la possibilité de modifier une question en fonction de l'évolution des circonstances et celle de reposer la même question une deuxième fois pour assurer la comparabilité au fil du temps, ils opteront toujours pour la comparabilité, ou presque. Le recensement se fonde sur une vaste consultation très bien structurée des divers intervenants, tant de ceux qui fournissent l'information que des utilisateurs.
    Pour ce qui est des diverses enquêtes individuelles, elles sont assez élaborées. Si nous menons une enquête sur la consommation d'énergie, une grande partie de l'information prendra la forme de données administratives expliquant de quoi il s'agit. Dans ce cas-ci, il y a beaucoup...
    Voici où la politique — et non la méthodologie — intervient. Si le gouvernement au pouvoir détermine qu'il doit s'attaquer à un enjeu important, qu'il s'agisse des prix du logement, de la dette des ménages canadiens, de l'itinérance ou du rôle des ONG, il peut dire: « Voici notre intérêt politique. Préparez une enquête sur le sujet, et vous recevrez le financement nécessaire. » Je le sais puisque je viens de Statistique Canada. La demande viendrait habituellement d'un ministère, il y aurait de vastes consultations, puis l'enquête serait lancée. Je pense que c'est un bon exemple de la différence que peuvent faire les grands intérêts politiques d'un gouvernement. Le statisticien en chef peut dire « voici comment recueillir de l'information sur ce sujet », et le gouvernement déterminerait... Pour sa part, le gouvernement dirait: « Voici quels sont nos intérêts politiques. »

  (1030)  

    Avez-vous d'autres observations à faire à ce sujet?
    Une voix: C'est la même chose.
    M. Earl Dreeshen: J'ai une dernière question à poser. Est-il important d'annuler le caractère obligatoire de la participation de StatCan à l'initiative de Services partagés Canada et cela permettrait-il de maintenir ou de rétablir le contrôle de la gestion sur les TI à StatCan, y compris pour le budget de matériel des TI? Est-il important que StatCan ait cette marge de manoeuvre?
    Comme je l'ai mentionné à M. Lobb, je pense qu'il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Il y a des avantages à faire affaire avec Services partagés Canada. Il y a aussi des désavantages à cela. Je sais qu'à l'époque où j'administrais des ministères, quand j'étais sous-ministre de Développement des ressources humaines, comme on l'appelait à l'époque, qui correspond aujourd'hui à EDSC, toute l'informatique du Régime de pensions du Canada et de la Commission de l'assurance-emploi se faisait à l'interne. Franchement, nous aurons bénéficié du fait qu'un gestionnaire externe s'occupe de ce travail pour nous, parce que nous avons fini par annuler un contrat de 750 millions de dollars parce que l'entrepreneur ne livrait pas la marchandise. Nous aurions pu avoir de meilleurs résultats si la chose avait été confiée à une organisation gouvernementale centralisée. J'ai donc vu les deux: des cas où il est préférable que ces activités relèvent du ministère et d'autres où il est préférable que le gouvernement essaie de gérer les choses de façon centralisée.
    Merci beaucoup.
     Madame Blaney, vous avez sept minutes.
    Merci. Encore une fois, je vous remercie infiniment de votre temps.
    L'une de mes questions porte sur la nature de la collecte d'information selon deux méthodologies différentes.
    Pour utiliser un exemple concret, dans le contexte du projet de loi C-36, les comparaisons établies entre les données issues du recensement obligatoire et les données tirées d'un questionnaire détaillé volontaire seront-elles fiables d'un point de vue statistique?
    Je pense que StatCan a établi très clairement dans l'un de ses communiqués, qui figure sur son site Web, que ce sont deux choses totalement différentes et qu'on ne peut pas en comparer les résultats.
    Je mentionnerais simplement que j'ai des étudiants qui ont écrit des articles sur le sujet, et que l'année 2011 est une anomalie en soi.
    De plus, pour revenir à une chose que disait M. Sheehan, le caractère volontaire de l'ENM est tel qu'aucune donnée n'a été publiée sur les petites régions et les sous-populations particulières, parce les données à ce sujet n'étaient pas assez fiables.
    Merci.
    Monsieur Thomas, pouvons-nous parler un peu plus de votre proposition concernant le processus de nomination du statisticien en chef? Pourquoi est-il important que le gouvernement suive un processus fondé sur la collaboration et la transparence?
    J'essaie de faire valoir le fait que le poste de statisticien en chef diffère à mon avis de ceux de toute la brochette de sous-ministres. Cette personne doit faire partie du groupe des sous-ministres, rencontrer régulièrement le greffier du conseil privé et participer aux discussions sur les besoins statistiques des divers ministères et organismes gouvernementaux. Dans d'autres pays — et comme Ian McKinnon l'a mentionné, nous avons parlé avec des gens du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande —, il y a un processus de nomination séparé.
    Je pense qu'il devrait y avoir un processus de nomination plus personnalisé, vraiment adapté au poste de statisticien en chef. Il y a même eu un projet de loi d'initiative parlementaire pour que cette personne devienne un autre agent ou mandataire du Parlement. C'est une idée épouvantable, une très mauvaise idée, mais compte tenu du statut de Statistique Canada qui est un organisme créé par une loi, il doit jouir d'une plus grande indépendance, impartialité et autonomie qu'un autre organisme de l'appareil gouvernemental de décision centralisée. Je crois donc qu'il faudrait modifier le processus de nomination.
    Il sera toutefois difficile pour un premier ministre, quel que soit le parti au pouvoir, de renoncer à sa prérogative de nomination, donc je dis simplement que nous aurions besoin d'un mécanisme de consultation différent qui permettrait tout de même de conserver le droit du premier ministre de sélectionner le candidat en bout de ligne.
    Quelqu'un a mentionné un peu plus tôt la possibilité de tenir des consultations préalables auprès des chefs de tous les partis reconnus à la Chambre des communes. C'est une possibilité, mais cela ralentirait le processus, alors qu'il y a déjà un retard important dans les nominations par décret. Un poste aussi sensible que celui de statisticien en chef ne devrait pas être détenu très longtemps de façon probatoire.
    Je pense qu'il y aurait moyen de permettre un meilleur examen des antécédents de la personne afin d'attester des qualifications de la personne nommée. Il est essentiel de trouver la bonne personne, comme je l'ai déjà dit.

  (1035)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur McKinnon, je reviens à vous.
    L'externalisation des responsabilités de collecte de données à un organisme extérieur à Statistique Canada, dans ce cas-ci à Services partagés Canada, prête-t-il le flanc à un plus grand risque d'atteinte à la confidentialité des données? Je ne parle pas de pare-feux et de piratage ici. Je me demande en fait si d'autres organismes ou ministères pourraient utiliser les données recueillies par Services partagés Canada au nom de Statistique Canada à d'autres fins que celles prévues au moment de la collecte.
    Premièrement, dans bien des cas, la collecte elle-même continuera d'être effectuée par Statistique Canada, d'après ce que j'ai compris, donc ce serait plutôt le traitement des données qui serait externalisé. Je suis réticent à répondre à cette question, parce que je n'ai pas vraiment l'expertise technique nécessaire, comme le Conseil estime lui-même ne pas avoir l'expertise nécessaire pour exercer un jugement aussi pointu.
    Comme je l'ai déjà dit, outre la technologie utilisée — littéralement les outils physiques — la culture institutionnelle est fondamentale. Nous savons que la confidentialité est une valeur profondément ancrée dans la culture institutionnelle de Statistique Canada. Je ne peux pas vous dire ce qu'il en est de Services partagés. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas cette culture ou qu'ils ne l'acquerront pas, c'est simplement que je ne le sais pas.
    Je vous remercie infiniment.
    C'est toutes les questions que j'avais, donc s'il me reste du temps, je serai ravie de le laisser à quelqu'un d'autre.
    Merci.
    Pour les cinq dernières minutes, nous entendrons M. Jowhari.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous.
    J'aimerais revenir un peu au questionnaire détaillé du recensement et aborder deux choses. Premièrement, devrait-il être obligatoire ou non? Deuxièmement, la portée du questionnaire détaillé du recensement devrait-elle être définie ou non dans la loi? Avant votre comparution devant le Comité, d'autres témoins ont dit qu'ils accueillaient tous favorablement le questionnaire détaillé du recensement et le fait qu'il nous donne accès à un plus grand nombre de données, mais qu'ils considéraient comme une faille du projet de loi qu'il ne le rende pas obligatoire. De même, quelques témoins estiment problématique que sa portée ne soit pas définie dans la loi.
    J'aimerais faire un tour de table et vous entendre tous environ 45 secondes.
    Je vais commencer par M. Sheikh, pour que vous me disiez quels problèmes se poseraient s'il n'était pas obligatoire, parce que selon le libellé actuel du projet de loi, il ne serait pas obligatoire, et j'aimerais comprendre quels sont les enjeux.
    La Loi sur la statistique est absolument claire sur la question, alors que le projet de loi C-36 n'en souffle mot.
    Ma proposition serait d'assujettir l'article 21 à l'article 22, ce qui résoudrait le problème, d'après moi. Cela résoudrait le problème parce que l'article 4 confie les décisions méthodologiques au statisticien en chef et que cela s'applique à tous les éléments de l'article 22. Donc si l'article 21 était assujetti à l'article 22, le statisticien en chef pourrait préparer le questionnaire détaillé du recensement et ce serait lui qui déciderait de son caractère volontaire ou obligatoire. Bien sûr, il serait obligatoire.
    Cependant, pour des raisons de responsabilité, il faut que le gouvernement du Canada ait le dernier mot, et tant que l'article 21 s'applique, le gouvernement du Canada a le pouvoir de l'approuver, de rejeter l'avis du statisticien en chef et de lui envoyer une directive pour lui dire: « Pour les raisons suivantes, nous n'accepterons pas votre recommandation. » Selon moi, cette modification toute simple résoudrait le problème.
    Parfait.
    La portée du questionnaire devrait-elle être prescrite par la loi?
    Non, je pense qu'on doit avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour poser les meilleures questions.
    Monsieur Thomas, pouvons-nous vous demander de répondre le prochain?
    Eh bien, sur la question de savoir si la loi devrait prescrire la portée du recensement, je pense que nous essayons d'éviter d'adopter une loi prescriptive trop détaillée, afin de laisser de l'autonomie au statisticien en chef, tout en rétablissant la relation entre l'organisme et le gouvernement. Il est intéressant que la décision prise en 2011 ait suscité un tel tollé au pays. Elle s'est attiré les protestations tant d'organisations publiques que privées, ce qui laisse entendre que ce genre de décision a une saveur politique et qu'il serait plus avisé d'en confier la responsabilité à des ministres élus et redevables, ainsi qu'au gouvernement.

  (1040)  

    Excellent.
    Allez-y, monsieur McKinnon.
    Je suis fortement d'accord avec M. Thomas. Je crois qu'il serait une erreur d'essayer d'en définir la portée dans la loi. Par contre, je suis sensible aux préoccupations exprimées lors des audiences précédentes du Comité, selon lesquelles le gouvernement pourrait exiger que le questionnaire de recensement soit extrêmement bref et que tout le reste prenne la forme d'enquêtes.
    Des voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Ian McKinnon: Centralement.
    Je veux dire par là qu'il devrait en assumer la responsabilité beaucoup plus publiquement. Je ne suis pas sûr de l'effet législatif que cela aurait, puisque je ne suis pas avocat. Je serais porté à dire que sa portée serait à peu près la même, mais ce serait une erreur que d'essayer de la prescrire par loi. J'utiliserai l'exemple du recensement agricole. Statistique Canada sait très bien que c'est un processus fastidieux, mais il déploie tous les efforts pour le mener. Il y a des technologies émergentes, notamment en télédétection, qui pourraient nous permettre de relever ce genre de données directement pour le recensement.
    Et que pensez-vous du caractère obligatoire?
    À ce sujet, je crois que le recensement doit être obligatoire pour l'établissement de données de référence, pour de strictes raisons méthodologiques, et parce que toutes nos enquêtes volontaires se fondent sur ces données de référence...
    Croyez-vous, monsieur Sheikh, qu'il serait possible de nous en assurer en assujettissant l'article 21 à l'article 22 plutôt qu'en rendant ce questionnaire obligatoire dans le projet de loi? Je pose seulement la question...
    Permettez-moi de faire une précision. À mon avis, cela pourrait fonctionner parce que le statisticien en chef, si je comprends bien le projet de loi, a l'option de rendre une chose volontaire ou obligatoire dans la mesure où il en informe le ministre. Donc je ne peux pas imaginer qu'un futur statisticien en chef voudrait rendre le questionnaire détaillé du recensement volontaire. Le ministre pourrait le faire, mais pas le...
    Monsieur Cappe.
    Obligatoire, oui; la portée dans la loi, non.
    Merci.
    Je remercie chaleureusement tous nos témoins; vous nous avez fourni beaucoup d'information qui nous donne matière à réflexion.
    Avant que nous nous quittions, j'aimerais régler une petite question d'ordre administratif. Le 11, la semaine prochaine, nous entendrons trois autres témoins, peut-être quatre; nous sommes en train d'essayer d'organiser la comparution d'un quatrième. Le 13, comme vous le savez, ce sera la veille du Vendredi saint, et ce sera un jour de séance régulière du Comité pour nous. Nous repoussons la comparution du ministre de 8 h 45 à 9 h 45. Il sera donc parmi nous de 9 h 45 à 10 h 45. Pendant la première heure, nous parlerons de notre voyage à Washington D.C., parce que nous n'aurons pas l'occasion de nous revoir avant de partir. Nous devons vraiment nous entendre sur la liste de témoins et le reste. Ensuite, nous serons à Washington, après quoi nous serons de retour le 4 pour l'étude article par article. J'ai oublié de vous dire que vous avez jusqu'au 20 avril pour nous soumettre vos amendements au projet de loi C-36; c'est très important. Nous laissons le 9 ouvert, au cas où nous aurions besoin de plus de temps pour l'étude article par article. Sinon, nous pourrons devancer d'autres travaux et nous y attaquer ce jour-là.
    J'aimerais dire au revoir à notre témoin, M. Thomas. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Thomas.
    Merci.
    La séance est levée.
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