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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 137 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 mars 2019

[Enregistrement électronique]

  (1005)  

[Français]

[Traduction]

     Bienvenue au Comité permanent de la justice et des droits de la personne alors que nous poursuivons nos réunions sur les accords de réparation, sur la doctrine Shawcross et sur les discussions entre le Bureau du procureur général et les collègues du gouvernement. Nous accueillons aujourd’hui l’ancien secrétaire principal du premier ministre, M. Gerald Butts.
     Monsieur Butts, c’est un plaisir de vous accueillir au Comité. Merci beaucoup d’être venus nous faire part de vos points de vue sur la question que nous étudions.
    J’invoque le Règlement, monsieur le président.
    Allez-y, monsieur Cooper, pour votre rappel au Règlement.
    Merci, monsieur le président.
     Avant de commencer, compte tenu de la gravité des allégations formulées à l’endroit de M. Butts par l’ancienne procureure générale, et du fait que le dossier a été confié à la GRC ou du moins qu’une demande a été faite pour que la GRC fasse enquête, je crois qu’il est approprié, au vu des circonstances, que M. Butts soit assermenté, conformément au paragraphe 10(3) de la Loi sur le Parlement du Canada, de sorte qu’il réponde aux questions sous serment. Ainsi, s’il devait ne pas dire la vérité au Comité et ne pas donner les réponses que les Canadiens méritent d'entendre, non seulement il pourrait être reconnu coupable d’outrage au Parlement, mais il pourrait aussi faire l’objet d’accusations criminelles pour parjure.
    Cela étant, je reconnais qu'il appartient en fait à la majorité libérale du Comité d’en décider, et j’implore mes collègues d’en face d’appuyer cette motion et de faire ce que doit. Si M. Butts n’a vraiment rien à cacher, il devrait être tout à fait disposé à prêter serment.
    Monsieur Cooper, comme vous le savez, vous ne pouvez pas présenter de motion sur un rappel au Règlement. Toutefois, étant donné l’importance de cette question, je vais quand même permettre le dépôt d’une motion pour que M. Butts prête serment.
     Je rappellerai ce que le greffier nous a dit lors de réunions antérieures où cette question a été soulevée, soit qu'aucun témoin n’a été assermenté à ce comité en 25 ans au moins et que tout témoin, peu importe qui, est tenu de dire la vérité au Comité. C'est l'obligation des témoins, sans quoi, ils risquent d'être déclarés coupables d’outrage au Parlement. Comme M. Cooper l’a souligné, si le Parlement est prêt à renoncer au privilège parlementaire, ce qu’il n’a pas fait depuis la Confédération, tout témoin court le risque d'être accusé d'outrage à son endroit.
     M. Cooper ayant déjà présenté cette motion, et comme nous voulons tous entendre le témoignage du témoin, puis-je proposer de mettre la motion aux voix, monsieur Cooper?
    Oui, monsieur le président.
    Un député: Un vote par appel nominal.
    Vous réclamez un vote par appel nominal, monsieur Barrett?
    Monsieur le greffier, voulez-vous procéder à un vote par appel nominal, s’il vous plaît? Il s’agit de la motion de M. Cooper visant à assermenter le témoin.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
     Monsieur Rankin.
     Dans le même ordre d’idées, j’aimerais faire quelques remarques liminaires.
     Je pense que vous l’avez fait dans d’autres contextes, mais j’aimerais vous demander de rappeler à tous les membres du Comité qu'il faut veiller à ce que les questions soient pertinentes au mandat que vous avez énoncé. Voilà pour commencer.
     Deuxièmement, si le témoin a une déclaration écrite, comme ce fut le cas de Mme Wilson-Raybould, je demanderais que celle-ci soit distribuée pour que nous puissions l’étudier.
     Troisièmement, je vous demanderai de faire preuve de la même courtoisie que celle que vous avez usée dans le cas de Mme Wilson-Raybould, c’est-à-dire de permettre à ce témoin de rester un peu plus longtemps au besoin.
    Merci, monsieur Rankin.
     Premièrement, le témoin a eu l'amabilité de fournir une déclaration écrite. Elle a été photocopiée, et je crois que des exemplaires sont maintenant disponibles en anglais et en français. Elle sera distribuée aux membres du Comité et aux autres personnes présentes à la table.
     En ce qui concerne la deuxième question, je propose... Je pense que nous avons le temps, dans la limite de deux heures, de faire au moins trois tours de table. Nous allons commencer ainsi, puis nous verrons où nous en sommes. Au troisième tour, je demanderai aussi aux membres du Comité s’ils sont disposés à accorder trois minutes à Mme May, à M. Weir et aux autres partis, comme je l’ai déjà fait.
    Quant à votre troisième point, nous passerons d'abord au travers des questions après avoir entendu la déclaration du témoin, mais je vais bien sûr rappeler à tout le monde ce que vous suggérez, monsieur Rankin. Merci beaucoup.
    J’invoque le Règlement, monsieur le président. Je suis conscient que les députés libéraux ont voté contre ma motion qui visait à faire assermenter M. Butts, mais rien n'empêche celui-ci de volontairement prêter serment.
    Merci, monsieur Cooper. Comme je ne sais pas si c’est un rappel au Règlement, nous allons...
    Monsieur Cooper.
     J’invoque le Règlement, monsieur le président. Il devrait avoir la possibilité de le faire.
    Merci, monsieur Cooper.
    Je vais revenir en arrière pour que...
    Vous préféreriez sans doute passer outre cette simple demande consistant à lui donner l’occasion de le faire.
    Comme le greffier l’a indiqué, ce n’est pas une question de rappel au Règlement, car cette décision appartient au Comité. Le Comité a pris une décision et celle-ci ne revient donc pas au témoin.
    J’apprécie vos efforts, comme toujours, monsieur Cooper.
    Monsieur Butts, avant les rappels au Règlement... On vous avait accordé 30 minutes, ce qui est exceptionnel pour le Comité. Je ne voudrais pas que les futurs témoins y voient un précédent, mais nous pensons qu’il est vraiment important que vous puissiez donner votre version des faits.
    Je vais maintenant vous donner la parole, et je vous remercie d’être parmi nous.
    Merci beaucoup.
    Je garantis à tous les membres de ce comité que je vais dire la vérité.
    Merci de me recevoir ici aujourd'hui.
    J'aimerais souligner que nous nous trouvons présentement sur les terres ancestrales du peuple algonquin.
    Je ne suis pas ici pour me quereller avec l'ancienne procureure générale ou pour dire un seul mot négatif à propos d'elle personnellement. Je suis ici pour témoigner que ce qui s'est passé l'automne dernier est en fait très différent de la version des événements que vous avez entendue la semaine dernière. Mon témoignage se fonde sur des communications que j'ai eues directement avec l'ancienne procureure générale et son personnel, sur des notes que j'ai prises pendant des réunions auxquelles j'ai participé personnellement et sur des comptes rendus de personnes qui ont assisté à des réunions auxquelles je n'ai pas participé.
    Je souhaite détailler trois choses importantes.
    Premièrement, tous ceux qui travaillent sur ce dossier savaient que la décision de donner la directive à la DPP d'entamer des négociations en vue de conclure un accord de réparation dans l'affaire SNC-Lavalin revenait à la procureure générale, et à elle seule. Nous savions également que la décision, quelle qu'elle soit, aurait un impact réel sur des milliers de personnes, et nous avons pris notre responsabilité envers ces personnes très au sérieux.
    Deuxièmement, je vais vous fournir des preuves détaillées que le remaniement ministériel de janvier n'avait rien à voir avec SNC-Lavalin.
    Troisièmement, je crois qu'il s'agit d'une histoire de deux personnes qui occupent de hautes fonctions, le premier ministre et l'ancienne procureure générale, qui ont toutes deux fait leur travail au mieux de leurs capacités, tout comme leur personnel respectif. Néanmoins, une rupture entre l'ancienne procureure générale et le premier ministre est survenue. En tant que principal point de contact de l'ancienne ministre de la Justice au sein du CPM, j'en assume la responsabilité.
    Le premier ministre a donné et maintenu une directive claire au CPM et au BCP dans ce dossier. Cette directive visait à s'assurer que les milliers de personnes dont les emplois étaient et, cela vaut la peine de le répéter, sont toujours à risque demeurent au premier rang de nos préoccupations en tout temps. Si quelque chose pouvait être fait pour protéger ces personnes innocentes, nous avions pour directive de travailler avec la fonction publique professionnelle afin de nous assurer que cette option serait dûment prise en considération.
    Il nous a dit de garder à l'esprit en tout temps que la décision de demander à la DPP d'entamer des négociations en vue de la conclusion d'accords de réparation relève de la procureure générale, et d'elle seule. Nous avons mis en oeuvre cette directive fidèlement et avec intégrité.
    J'ai personnellement participé au dossier à quelques reprises seulement, mais il m'incombait de m'assurer que la directive du premier ministre soit suivie par les membres du personnel du CPM. Je n'ai aucun doute qu'ils s'y sont conformés selon les normes les plus strictes.
    Il revenait et revient toujours au procureur général de prendre cette décision. Ce sont toutefois les Canadiens qui devront vivre avec cette décision. Plus précisément, les quelques 9 000 personnes qui pourraient perdre leur emploi, ainsi que les milliers d'autres qui font partie de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. Le coeur du problème, c'est que le premier ministre et son entourage croyaient qu'il s'agissait d'un défi réel et important en matière de politique publique qui méritait une réponse solide et réfléchie.
    À aucun moment, le premier ministre ou un membre du gouvernement n'a ordonné ou demandé à la procureure générale de négocier un accord de réparation. L'ancienne procureure générale l'a confirmé la semaine dernière devant ce comité.
    Alors, de quoi, exactement, le personnel discutait-il avec la ministre? Nous étions d'avis qu'il aurait été approprié pour elle de demander l'avis indépendant d'un éminent juriste canadien ou d'un groupe de juristes. Nous estimions que c'était approprié, d'abord parce que la loi habilitant la procureure générale à adopter des accords de réparation est nouvelle. En fait, c'était la première fois qu'il était possible de conclure un accord de réparation dans le cadre du nouveau régime.
    Deuxièmement, nous estimions qu'un avis externe était approprié en raison des conséquences extraordinaires d'une condamnation. Le fait que l'entreprise en cause emploie un si grand nombre de personnes dans l’ensemble du pays a accru l’importance de cette question pour le public.
    Cela constituait l'intégralité des conseils que nous avons donnés à la procureure générale et nous avons clairement indiqué qu'elle était libre de les suivre ou non.
    Nous avons également précisé que, si la procureure générale acceptait notre proposition et demandait un avis externe, elle était tout aussi libre de rejeter ou d'accepter cet avis. Il ne s'agissait pas de remettre en question la décision, mais de s'assurer que la procureure générale prendrait sa décision en se fondant sur les meilleures considérations possible.
    Nous avions encore à l'esprit la décision récente de la Cour d'appel fédérale qui avait conclu que le gouvernement n'avait pas mené suffisamment de consultations dans le dossier du pipeline TMX. C'était là la teneur des discussions que le CPM a eues avec la procureure générale et le bureau de la procureure générale.
    En bref, tout ce que nous avons demandé à la procureure générale de considérer, c'est un deuxième avis.

  (1010)  

     Je ne suis pas avocat et je ne peux pas donner de conseils juridiques. Mais j'ai une vaste expérience au sein du gouvernement. Lorsque 9 000 emplois sont en jeu, il s'agit d'un problème de politique publique de la plus haute importance. Il était de notre devoir d'examiner de manière exhaustive les options offertes par la loi, et d'être francs avec les gens au moment d'expliquer la décision de la procureure générale, afin de pouvoir démontrer que la décision a été prise avec le plus grand soin, en tenant compte du fait qu'il s'agit de leur gagne-pain.
    Nous avons appris la semaine dernière que la DPP avait pris la décision de ne pas donner suite à un accord de réparation le 4 septembre et que la procureure générale était à l'extérieur du pays jusqu'au 12 septembre. Selon cette version des faits, la procureure générale a pris la décision finale après avoir évalué toutes les questions d'intérêt public en seulement 12 jours.
    Supposons un instant que le 16 septembre, le jour où l'ancienne procureure générale a dit à ce comité qu'elle était parvenue à une décision ferme et définitive, elle aurait fait une annonce publique pour informer les Canadiens de cette décision. Quelle en aurait été la raison? En fait, j'ai découvert, en suivant le témoignage de l'ancienne procureure générale, qu'elle avait pris une décision finale le 16 septembre. Selon ma compréhension, personne au CPM ou au BCP ne le savait non plus à l'époque. En fait, pour autant que je sache, ce n'est pas de cette façon que la loi fonctionne. Selon ma compréhension, qui est informée par la fonction publique et les avocats du CPM, la procureure générale a le pouvoir d'émettre des directives à la DPP jusqu'au moment où un verdict est rendu. D'après ce que j'ai compris, la procureure générale est libre de requérir des avis sur la décision à prendre jusqu'à ce moment-là, et elle est tenue d'apporter un regard neuf sur les nouveaux éléments de preuve. Je crois que l'ancienne procureure générale l'a confirmé lors de sa comparution ici, la semaine dernière. La DPP a réexaminé la question elle-même à la fin septembre, lorsque de nouveaux éléments de preuve ont été présentés par l'entreprise, et la DPP a pris une nouvelle décision le 9 octobre 2018.
    C'est dans cet esprit que Mathieu Bouchard et Elder Marques ont eu une discussion avec l'ancienne procureure générale le 22 novembre 2018. Ils ont discuté d'une note de service préparée par des avocats du ministère de la Justice qui discutait de la possibilité de demander conseil à un éminent juriste. C'était également l'objet de la seule rencontre que le chef de cabinet du premier ministre et moi-même avons eue dans ce dossier avec la chef de cabinet de la procureure générale, et je répondrai avec plaisir aux questions à ce sujet.
    Dans tous les cas, c'était notre hypothèse de travail: la décision n'avait pas été prise, et nous étions libres de formuler des conseils. Après tout, c'était à la procureure générale et à elle seule qu'il incombait de décider, et il incombait à nous tous de fournir des explications. Plus important encore, ce serait une décision qui toucherait des milliers de personnes.
    À la suite de la rencontre du 17 septembre que la procureure générale a eue avec le greffier et le premier ministre, on m'a informé que la prochaine étape dans le dossier serait d'amener le greffier et la sous-ministre de la Justice à rencontrer la ministre. C'est tout ce dont je me souviens de la réunion, et je peux confirmer que je n'y ai pas assisté. Cela m'a semblé être une ligne de conduite prudente et j'ai recommencé à faire ce que je faisais 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 à l'époque: travailler aux négociations de l'ALENA.
    Si la procureure générale avait pris une décision et l'avait communiquée au premier ministre et au greffier, pourquoi y aurait-il eu une prochaine étape? Pourquoi la procureure générale aurait-elle tenu et sollicité des réunions sur un dossier clos?
    De plus, pourquoi la procureure générale n'aurait-elle pas communiqué sa décision finale par écrit au premier ministre? La ministre Wilson-Raybould préférerait toujours communiquer des questions complexes ou importantes par écrit, ce que j'apprécie. J'ai analysé de longues notes de service de l'ancienne ministre sur des sujets aussi divers que la nomination d'une juge à la Cour suprême, le projet du pipeline TMX et le travail du comité du cabinet sur la réconciliation. Pourtant, dans tous nos messages textes et courriels, qui ont commencé à l'été 2013, il n'y a pas une seule mention de ce dossier ou de la conduite de quiconque dans ce dossier avant le remaniement ministériel.
    Si une ministre du Cabinet est mise au courant de quelque chose qu'elle juge inacceptable, je crois qu'à tout le moins, elle a l’obligation d'en informer le premier ministre peu après en avoir pris connaissance.

  (1015)  

    Je me suis entretenu une fois avec l'ancienne procureure générale à propos de ce dossier, le 5 décembre 2018. En trois ans et demi au gouvernement, nous avons eu une brève discussion à ce sujet. Elle a soulevé le sujet à la fin d'un souper de deux heures à l'hôtel Château Laurier. Elle avait demandé la réunion par message texte. Le 26 novembre, elle a écrit: « Salut GB, tu veux discuter? J'ai un certain nombre de choses à soulever... peut-être que toi aussi? Demain, après le Cabinet, peut-être? Merci. Jod. » J'ai répondu: « Bien sûr. Je me rends à Toronto tout de suite après, mais je pourrais retarder de 10 minutes. » Elle m'a répondu: « Heureuse de bavarder une autre fois avec toi si tu te rends à TO. Je pense que cette conversation pourrait durer un peu plus de 10 minutes. » Nous n'avons pas pu, pendant quelques semaines, organiser nos horaires pour nous réunir. C'était une période très occupée. Nous nous préparions au G20, à la nouvelle cérémonie de signature de l’ALENA et à la première rencontre du premier ministre avec le premier ministre Ford.
    La ministre Wilson-Raybould avait sollicité la rencontre. Elle a également soulevé le sujet avec moi. Elle m'a demandé si j'avais une opinion sur le dossier, et j'ai dit que je comprenais que nos bureaux travaillaient ensemble sur des idées. Nous avons parlé brièvement de l'idée de demander conseil à une juge en chef retraitée de la Cour suprême, mais j'ai noté que je n'avais aucune expertise en la matière.
    Je crois que son commentaire référant à « Harper » s'inscrivait dans le contexte de cette discussion. Elle a dit que ce qu'Elder et Mathieu proposaient n'avait jamais été fait auparavant. J'ai dit que, d'après ma compréhension, les accords de réparation sont tout à fait nouveaux au Canada, et que le SPPC lui-même n'était pas très ancien, ayant vu le jour durant les années Harper. Ce n’était pas une remarque partisane, monsieur le président. Ma suggestion était à l'effet qu'il s'agissait d'une discussion d'intérêt public légitime dans les circonstances et que ça aiderait à clarifier les pouvoirs de la procureure générale dans cette affaire et dans toute autre affaire subséquente. Je lui ai suggéré de parler au greffier ou à la fonction publique pour obtenir des conseils plus spécialisés. J'ai dit que c'était sa décision, et je savais que c'était la sienne. Je ne me souviens pas qu'elle m'ait demandé de faire quoi que ce soit ou de parler au personnel au sujet d'un aspect quelconque du dossier. À aucun moment donné, l'ancienne procureure générale ne m'a laissé entendre qu'Elder et Mathieu avaient fait quelque chose d'inapproprié.
    Nous ne nous étions pas vus ainsi depuis longtemps. Nous avions tous les deux été occupés avec des dossiers qui ne concernaient pas l'autre, et la ministre et moi n'avions pas eu l'occasion de faire du rattrapage depuis notre dernier dîner de la fin juillet. J'ai surtout parlé des changements climatiques, de la politique de tarification de la pollution, de la contestation judiciaire en Saskatchewan et de la stratégie au sujet de la réunion des premiers ministres. Je lui ai demandé son avis sur la question des contrats de LAV avec l’Arabie saoudite. Elle avait à l’esprit la directive sur les litiges civils concernant les peuples autochtones et diverses autres questions sans rapport avec le dossier que vous examinez.
    Nous avons quitté cette réunion en amis et collègues, et avons échangé des messages textes personnels quelques heures plus tard. J'ai écrit: « Ravi de t’avoir vue. » Elle a répondu: « Ravie de t’avoir vu aussi. Merci pour la conversation. SVP, salue le PM. Je l'ai entendu parler ma langue dans son discours... Bonne chance à Montréal — nous nous en tenons à notre position/plan, nous serons bons. » Je tiens à préciser qu’elle a mentionné ce dernier point parce que j’avais quitté la réunion pour rencontrer le premier ministre afin d’aller au FMM le soir même, à Montréal.
    Enfin, le mardi 11 décembre, la ministre m'a envoyé pour la dernière fois un texto au sujet de la rencontre du 5 décembre. Il se lisait comme suit: « Salut... quelques trucs. 1. KSA/LAV — j'y ai davantage réfléchi. J'ai quelques idées dont j'aimerais discuter. 2. Re: Directive — j'ai déjà fait la plupart des changements d'Elder avant le Cabinet — cette directive peut-elle être diffusée? Honnêtement pas clair sur le résultat au Cabinet — j'ai entendu dire que le PM veut des changements, mais je suis convaincue d'avoir répondu à toutes les préoccupations. C'est important pour moi, comme vous le savez. » La directive à laquelle elle fait référence est la directive de la procureure générale sur les litiges concernant les peuples autochtones, qui a été publiée juste avant que Mme Wilson-Raybould ne devienne ministre des Anciens Combattants en janvier.
     Comme vous le constaterez, SNC-Lavalin n'est pas du tout mentionnée dans ces échanges.
    J'accepte pleinement que deux personnes puissent vivre le même événement différemment. J'ai cru à l'époque que la ministre partageait mon interprétation de notre dîner, et je ne fais que citer ces messages pour que vous puissiez comprendre pourquoi j'ai été si surpris d'entendre, quelques mois plus tard, que la ministre avait vécu ce dîner comme une pression. Je n'ai pas vu et ne vois pas en quoi notre brève discussion sur ce dossier constituait une pression de quelque nature que ce soit.
    La deuxième et dernière réunion que j'ai eue au sujet du dossier a été avec Jessica Prince, la chef de cabinet de la ministre, et Katie Telford. Il n'y avait aucune urgence à assister à cette réunion. Je me souviens de cette réunion de manière très, très différente de la version qui a été communiquée la semaine dernière.

  (1020)  

     Je me souviens que Mme Prince a dit que la ministre ne voulait pas tenir compte des « facteurs politiques » dans sa décision et qu'elle était préoccupée par l'apparence d'ingérence politique. J'ai dit que c'est bien sûr la décision de la ministre, mais 9 000 personnes ne constituent pas une question politique. À mon avis, il s'agissait d'une véritable question d'intérêt public. J'ai dit que nous devions fournir une justification de l'une ou l'autre façon, et je ne voyais pas en quoi le fait qu'une personne comme Beverley McLachlin donne des conseils à la ministre constituerait une ingérence politique.
    Je tiens également à dire que les commentaires de Mme Telford ont été rapportés ici la semaine dernière de façon hors contexte. Mme Telford disait simplement ce que nous disons tout le temps lorsque des questions juridiques sont soulevées en présence d'avocats: que nous ne sommes pas des avocats et que nous ne pouvons pas débattre du droit. En ce qui concerne la question des articles d'opinion, elle disait simplement que nous ferions de notre mieux pour appuyer la ministre, quelle que soit la décision qu'elle prendrait dans cette affaire.
    Ceci constitue l'entièreté de mes interactions personnelles avec la procureure générale dans ce dossier. Une brève conversation à la fin d'un dîner que j'ai trouvé agréable et une réunion avec son personnel au cours de laquelle j'ai cherché à comprendre sa réticence à recevoir les conseils d'un juriste indépendant.
    Cela m'amène à me poser la question suivante: que constitue exactement une pression?
    Selon le témoignage de l'ancienne ministre, 11 personnes ont établi 20 points de contact avec elle-même, ou avec son bureau sur une période de près de 4 mois. Quatre de ces personnes n'ont jamais rencontré la procureure générale en personne. Dans mon cas au moins, c'est la procureure générale qui a sollicité la réunion. Cela fait deux réunions et deux appels téléphoniques par mois pour la ministre et son bureau sur une question qui pourrait coûter les emplois d'au moins 9 000 Canadiens. La ministre a confirmé la semaine dernière que personne ne lui avait jamais demandé de prendre ou non la décision.
    Vous savez maintenant que le sujet de ces interactions était de savoir si elle prendrait des conseils indépendants et externes sur la question. Nous avons fait ce que ces 9 000 personnes sont en droit d'attendre de la part de leur premier ministre.
    La procureure générale aurait pu écrire ou parler au premier ministre à n'importe quel moment au cours de ce processus pour lui dire que les tentatives de contacter son bureau à ce sujet étaient inappropriées et qu'elles devraient cesser immédiatement. La ministre aurait pu dire aux gens qui l'ont soulevé avec elle qu'ils s'approchaient d'une ligne ou la franchissaient. La ministre aurait pu m'envoyer un texto ou un courriel à n'importe quel moment. Toutefois, les interactions du CPM avec le bureau de la procureure générale n'ont été remises en question par la procureure générale qu'au moment du remaniement ministériel.
    J'aimerais maintenant parler de mon rôle de conseiller pour le remaniement. Le remaniement ministériel de janvier n'avait absolument rien à voir avec SNC-Lavalin. En fait, j'ai passé au moins autant de temps à travailler avec mes collègues pour éviter le remaniement que pour préparer mes conseils relativement à celui-ci.
    Le 12 décembre, le jour de la fête de Noël du caucus, le ministre Brison nous a approchés, moi et Mme Telford, pour nous dire qu'il ne se représentait pas et qu'il allait le dire au premier ministre plus tard dans la journée. Le ministre a dit qu'il n'avait pas à quitter le Cabinet immédiatement, mais qu'il allait l'annoncer à ses électeurs deux ou trois jours plus tard. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour le dissuader, pour qu'il y réfléchisse à Noël et pour donner au moins au premier ministre une chance de l'en dissuader. J’ai dit que cela déclencherait un remaniement ministériel et que le premier ministre était satisfait de l'équipe qu'il avait.
    J'ai immédiatement demandé l’aide de gens qui connaissent bien le ministre Brison pour l'en dissuader, à sa maison en Nouvelle-Écosse et à Ottawa. Nous avons passé les deux semaines suivantes à essayer de le convaincre de rester.
    Ma principale préoccupation politique était notre position dans les Maritimes, plus précisément dans ma province natale, la Nouvelle-Écosse. M. Casey avait annoncé sa retraite et M. Fraser nous avait dit qu'il ne se représenterait plus. Je savais que si le premier ministre choisissait un ministre de la promotion 2015, M. Cuzner et M. Eyking pourraient interpréter cela comme un signal et peut-être ne pas se représenter non plus. Bref, en l'espace de quelques mois, nous serions passés de 11 sièges en Nouvelle-Écosse occupés par des députés forts à 5 sièges à combler.
    Bref, le départ du ministre Brison nous mettrait dans une situation difficile. Personne n'est irremplaçable au gouvernement, mais le ministre Brison était très important pour notre équipe. Ni le premier ministre, ni personne autour de lui ne voulait qu'un remaniement ministériel ait lieu.
    Pourquoi tout cela est-il si important pour ce comité? Si le ministre Brison n'avait pas démissionné, la ministre Wilson-Raybould serait toujours ministre de la Justice aujourd'hui. C'est un fait et les faits ont la peau dure.

  (1025)  

     La sélection du Cabinet est l'une des tâches les plus difficiles pour tout premier ministre. J'ai conseillé 2 premiers ministres sur 13 remaniements. Ils sont tous uniques. Dans ce cas-ci, le premier ministre n'aurait que quelques jours pour prendre en compte toutes ces considérations complexes. Et je peux vous dire avec une certitude absolue que SNC-Lavalin n'en faisait pas partie.
    Le premier ministre nous a demandé de réfléchir à des options pendant les Fêtes, au cas où. Il nous a dit qu'il voulait déplacer le moins de gens possible. Il a dit qu'il avait fait son remaniement ministériel préélectoral au cours de l'été et qu'il voulait minimiser les perturbations. Il nous a rappelé que le Conseil du Trésor est un travail important que peu de gens à l'extérieur d'Ottawa comprennent, mais qu'il est vital pour les fonctions essentielles du gouvernement.
    Nous sommes donc revenus après Noël pour annoncer que le ministre Brison allait effectivement démissionner. Cela nous a laissé deux grands défis. Nous avions besoin d'un ministre de la Nouvelle-Écosse et d'un président du Conseil du Trésor ayant une expérience ministérielle. Aucun Néo-Écossais n'a été ministre dans le passé, sauf M. Regan qui est Président de la Chambre des communes. Tous les signes indiquaient que la ministre Philpott passerait au Conseil du Trésor. Elle en avait été vice-présidente, donc elle possédait l’expérience nécessaire pour accomplir le travail. Le premier ministre était d’accord, mais il s’inquiétait du signal que cela enverrait aux peuples autochtones.
    Pour moi, c'est la partie la plus triste de toute cette histoire. Les peuples autochtones ont reçu exactement le message contraire à celui que le premier ministre voulait communiquer.
    La chose la plus précieuse dans tout gouvernement, c'est le temps du premier ministre. Le premier ministre consacre beaucoup de son temps aux questions autochtones. Beaucoup. Il se soucie profondément de cette relation. Il était préoccupé par le fait que le projet de loi sur les Services à l'enfance et à la famille serait bientôt à l'étude. Il pensait que ce serait l'un des projets de loi les plus importants que le gouvernement allait faire adopter. Il voulait une personne des Services aux Autochtones qui enverrait un signal fort indiquant que le travail se poursuivrait au même rythme et que le dossier aurait la même importance personnelle pour lui. La bonne et peut-être la seule personne qui pouvait faire cela était la ministre Wilson-Raybould.
    Le premier ministre savait qu'il y avait plusieurs avocats compétents et expérimentés au sein du caucus. La liste restreinte pour le ministère de la Justice comprenait plusieurs avocats éminents ayant une bonne formation, dont David Lametti. Le premier ministre a choisi le ministre Lametti parce qu'il est un réputé professeur de droit de l'Université McGill, diplômé de Yale et d'Oxford. Il savait aussi que cela ferait sourciller s'il avait trois ministres gérant de très grands portefeuilles qui représentaient tous des circonscriptions de la ligne de métro du centre-ville de Toronto. C'est dans ce contexte que le premier ministre a pris la décision de déplacer la ministre Wilson-Raybould. Elle n’a rien eu avoir avec le dossier SNC-Lavalin.
    Le plan était donc simple, monsieur le président: Philpott au Conseil du Trésor, Wilson-Raybould aux Services aux Autochtones. Amener Lametti à la Justice, et Jordan dans le nouveau portefeuille des Affaires rurales pour lequel le caucus avait fait pression. C'était un plan simple pour un petit remaniement bien rangé.
    La situation a commencé à changer le week-end du 5 janvier. Le premier ministre s'est entretenu en personne avec la ministre Philpott à son bureau le dimanche 6 janvier. Le premier ministre nous a fait un compte rendu juste après. Il a déclaré que la ministre Philpott était enthousiasmée par le défi, en particulier par les aspects de son nouveau dossier qui touchent le gouvernement numérique. Elle a dit que la ministre Wilson-Raybould était un excellent choix pour les Services aux Autochtones, mais qu'elle craignait qu'elle n'y voie une rétrogradation. La ministre Philpott a ensuite dit au premier ministre qu'elle craignait que la ministre Wilson-Raybould ne se demande si son geste n'était pas lié à la « question de l’APS ».
    C'était la première fois que j'entendais quelqu'un suggérer que ce remaniement ministériel avait un lien quelconque avec le dossier SNC-Lavalin.
    Le premier ministre a assuré à la ministre Philpott que le remaniement n'avait rien à voir avec ce dossier et lui a demandé si elle pouvait l’aider à faire la transition de son ministère à la ministre Wilson-Raybould. Elle a dit qu'elle le ferait.
    Après cette rencontre, j'ai parlé en privé avec le premier ministre. Il était clairement troublé et surpris par ce que la ministre Philpott avait dit. Je lui ai dit qu'il devait tenir compte dans sa réflexion de la possibilité que l’affirmation qu'elle avait faite soit rendue publique, même si elle semblait exagérée. Il m'a répondu qu'il savait que ce n'était pas la raison pour laquelle il la déplaçait et qu'il ne changerait pas d'avis.
    Le 7 janvier 2019, le premier ministre a téléphoné à la ministre de la Justice et procureure générale pour l’informer qu'il procédait à un remaniement ministériel et qu'elle ferait partie de ce remaniement. J'ai assisté à toute la conversation, tout comme Mme Telford.

  (1030)  

     Ce qui suit est tiré d'une note contemporaine que j'ai prise pendant la conversation. J'ai aussi les messages textes que Mme Wilson-Raybould et moi avons échangés par la suite, et je vais les résumer. Nous allions avoir de nombreuses conversations au cours de la semaine suivante, et je suis libre, en vertu du décret, d'en discuter et de répondre aux questions à leur sujet. Je le ferai au meilleur de mes capacités.
    Le premier ministre a commencé l'appel en disant que le départ soudain du ministre Brison nous avait mis dans une « situation difficile ». Il a dit qu'il ne voulait pas remanier le Cabinet, mais qu'il avait besoin de nos « meilleurs joueurs » pour bouger afin de « contribuer ». Il a déclaré que le programme autochtone était vraiment important pour lui et pour le pays, comme la procureure générale le savait bien. Il a dit qu'il ne voulait pas déplacer la ministre Philpott, mais qu'elle était la personne la plus qualifiée pour faire partie du Conseil du Trésor, parce qu'elle en avait été vice-présidente. Il a ensuite dit que cela laisserait un grand vide aux Services aux Autochtones, et qu'il ne voulait pas que les gens pensent qu'il abandonnait une partie du programme. Il a dit qu'il savait à quel point elle « aime être MOJAG », mais qu'elle était l'une de nos meilleures personnes, et qu'en l'affectant aux Services aux Autochtones, il « montrerait aux Canadiens combien nous prenons cela au sérieux ».
     Il y a eu une longue pause au téléphone. La ministre Wilson-Raybould s'est dite « un peu choquée » parce que MOJAG était son « emploi de rêve ». Elle a dit: « Les SA, ce n'est pas le travail de mes rêves. Je ne vais pas mentir à ce sujet. » Le premier ministre a dit: « Je sais que ce n'est pas ton emploi de rêve, mais il est au coeur de la mission de ce gouvernement. » La ministre Wilson-Raybould a dit: « J'ai l'impression qu'on me retire la Justice pour d'autres raisons. » Le premier ministre a simplement répondu qu'il faisait ce remaniement parce qu'il le devait et parce qu'il pensait que c'était la meilleure chose pour le gouvernement et le pays. Il a répété qu'il ne l'aurait pas fait du tout sans le départ du ministre Brison. Il a dit que quand vous perdez un membre de l'équipe, tout le monde doit contribuer. L'appel a pris fin.
    La ministre Wilson-Raybould a alors fait quelque chose à laquelle je ne m'attendais pas. Je n'avais jamais vu quelqu'un le faire en 13 remaniements, pendant de nombreuses années. L'ancienne procureure générale a refusé un portefeuille du Cabinet. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas le faire pour la raison qu'elle avait passé sa vie à s'opposer à la Loi sur les Indiens et qu'elle ne pouvait pas être responsable des programmes administrés sous son autorité. Je dois dire, monsieur le président, que j'aurais dû le savoir et que je m’en serais sans doute rendu compte si nous avions eu plus de temps.
    J'ai entrepris de demander au premier ministre d'envisager des solutions de rechange, mais j'ai aussi dit que je n'avais jamais vu un ministre refuser un ministère. La question évidente est la suivante: pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas laissé la ministre occuper son ancien poste si elle en a refusé un nouveau? Voici ce que je lui ai conseillé: si vous permettez à un ministre d'opposer son veto à un remaniement ministériel en refusant de bouger, vous ne serez bientôt plus en mesure de gérer le Cabinet. Les invitations au Cabinet ne sont pas le fruit d'une prise de décision partagée. Mon conseil était à l'effet que le premier ministre ne devrait pas créer le précédent qu'un ministre du Cabinet pourrait refuser un nouveau poste et demeurer dans une seule position pour toute la vie du gouvernement.
    Au cours des jours suivants, Mme Wilson-Raybould et moi avons parlé et correspondu à plusieurs reprises. Au cours de ces conversations et échanges, j'ai vu que la confiance s'était brisée entre notre bureau et la ministre. J'ai été profondément préoccupé par ce que la ministre a dit. J'ai essayé de contrer ses malentendus par des efforts répétés et honnêtes. En fin de compte, je n'y suis pas arrivé. Et nous voilà ici aujourd'hui.
    Je suis fermement convaincu qu'il ne s'est rien passé ici en dehors des activités normales du gouvernement. Le personnel juridique hautement qualifié du CPM a travaillé en étroite collaboration avec l'équipe juridique du BCP sur tous les aspects du dossier, pour s'assurer que la doctrine Shawcross soit respectée.
    J'ai eu du temps libre pour la première fois depuis longtemps. J'ai utilisé ce temps pour revoir tous mes textes et courriels existants avec Mme Wilson-Raybould depuis notre rencontre du 3 octobre 2013. Une caricature, publiée dans la presse, se veut une représentation des relations entre le personnel du CPM et une ministre. Eh bien, monsieur le président, ce n’était pas ainsi.
    Au cours des cinq années et demie qui ont suivi, j'ai appris à lui faire confiance en tant que précieuse collègue et amie. Nous avons eu de longues discussions approfondies sur des dizaines et des dizaines de questions, tant professionnelles que personnelles. Elle et son mari ont dîné chez moi avec ma femme et nos enfants.

  (1035)  

    À vous, monsieur le président, et aux membres du Comité, je voudrais que vous le sachiez. Je le sais d'après une longue expérience personnelle auprès du premier ministre: si quelque chose d'irrégulier s'était produit et que cette irrégularité lui avait été signalée, le premier ministre, aurait mis un terme à cette situation. Même si l'irrégularité provenait de lui-même. Je regrette profondément que la foi et la confiance de l'ancienne ministre dans les nombreux collègues avec lesquels elle a siégé pendant trois ans et demi se soient tellement érodées. Je prends ma juste part de responsabilité dans cette situation tragique.
     Mais ce qui se passe ici n'est pas juste pour les personnes nommées dans sa déclaration. Ce sont des personnes bonnes et travaillantes qui ont un talent et une intégrité extraordinaires. Elles se soucient beaucoup de leur pays et leurs familles et elles-mêmes ont beaucoup sacrifié pour pouvoir le servir. Je soupçonne qu'elles ont appris, comme moi, les allégations précises de l'ancienne procureure générale à leur encontre pour la première fois la semaine dernière, tout en suivant les travaux de ce comité.
    C'est le plus grand honneur de ma vie professionnelle d'avoir travaillé avec toutes ces personnes, et tant d'autres sur tant de sujets importants, pendant tant d'années. Je n'ai pas d'animosité envers Mme Wilson-Raybould, et je lui souhaite, ainsi qu'à son mari Tim, bonne chance pour l'avenir. J'espère surtout que ce triste épisode pourra être résolu rapidement, de sorte que les personnes qui ont encore le privilège d'occuper temporairement des fonctions publiques élevées puissent poursuivre leur travail essentiel.
    Pour terminer, je tiens à remercier les nombreux amis qui ont communiqué avec moi ces dernières semaines. Votre gentillesse me fait chaud au cœur.
     J'espère que ce que j'ai dit aujourd'hui vous donnera le contexte et la raison de ma démission que je ne pouvais pas vous donner avant maintenant. C'est une chose d'être accusé de quelque chose en première page du journal. C'est une autre chose que d'accuser un ami et un ministre. L'un arrive tout le temps, l'autre ne m'était jamais arrivé auparavant.
    Le premier ministre et moi sommes des amis proches depuis près de 30 ans. C'est bien connu. Si je n'étais pas resté, ses actions ou son inaction envers moi auraient pu servir à l’accuser de me favoriser, de choisir son meilleur ami plutôt qu'un ministre. Je n'ai pas pu permettre que notre amitié joue contre lui, alors la démission était la bonne et nécessaire chose à faire pour le poste, et le premier ministre. Je suis heureux d'avoir l’occasion de faire consigner cela au compte rendu, monsieur le président.
    J’espère que mon témoignage aujourd’hui fournira les informations nécessaires pour permettre aux gens avec qui j’ai travaillé sur des questions cruciales, des changements climatiques à la création d’emplois, en passant par l’aide à sortir de la pauvreté, de réorienter leurs énergies et leurs efforts sur ce travail vital.
    Je vous remercie tous pour votre patience aujourd’hui, et merci à vous tous, quel que soit votre parti, pour vos années de service public dévoué.
    Je suis à votre disposition pour vos questions.

  (1040)  

    Merci beaucoup, monsieur Butts, et merci aussi pour votre service au pays.
    Je vais faire ce que M. Rankin a proposé. Je suis habituellement très flexible dans le contrôle des temps de parole, mais pour ces réunions, je vais me montrer plus strict. Avant chaque tour, je vous rappellerai combien de temps il vous reste, et je le ferai pour absolument tout le monde. Cela veut dire que, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je demanderai au témoin d’être concis dans ses réponses, dans la mesure où il le peut, et je demanderai également aux députés de laisser le témoin terminer ses réponses, à moins qu’il ne prenne vraiment trop de temps, mais j'interviendrai à ce moment-là.
    Quant au thème de la réunion, n’oublions pas que nous parlons de SNC-Lavalin. Je vais vous donner un peu de latitude, mais si je vois que vous n’arrivez pas au but, je vous rappellerai à l'ordre. J’espère que cette mise au point est juste par rapport à ce que M. Rankin m’a demandé de rappeler à tout le monde.
    Ensuite, pour ce qui est des séries de questions, y a-t-il consentement unanime pour avoir trois séries de questions pour ce témoin, plutôt que deux?
    Des députés: D'accord.
    Le président: C’est parfait. Au troisième tour, je redemanderai à tout le monde... Tiens, je vais peut-être même le faire maintenant. Est-ce que tout le monde est d’accord pour qu’à la fin du troisième tour, Mme May et M. Weir puissent poser une question de trois minutes chacun?

[Français]

    Excusez-moi, il y a vous aussi, monsieur Plamondon. Je ne vous avais pas vu.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Ce sera donc neuf minutes à la fin du troisième tour.

[Traduction]

    C’est parfait.
    Est-ce que tout le monde a des copies de la déclaration de M. Butts en anglais et en français?
    Nous allons commencer le premier tour.
    Monsieur Butts?
     Monsieur le président, je tiens simplement à souligner que ma déclaration écrite est plus longue. J’ai fait de mon mieux au micro pour l'élaguer afin de respecter le temps imparti, mais la déclaration écrite est plus détaillée.
    Parfait.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que tous les membres du Comité en ont une copie?
    Une voix: Oui.
    Le président: Parfait.
    Le premier tour sera de six minutes pour les conservateurs, de six minutes pour les libéraux, de six minutes pour le NPD et de six minutes pour les libéraux. Nous allons commencer par Mme Raitt.
    Madame Raitt, vous avez la parole.

  (1045)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Butts.

[Français]

    Je sais que tous les Canadiens regardent attentivement le Comité aujourd'hui.
    Nous allons essayer de trouver des réponses pour vous.

[Traduction]

    Nous allons essayer d’obtenir des réponses pour tous ceux qui sont ici aujourd’hui.
    Merci d’avoir souligné le fait que votre témoignage est en fait plus court que votre déclaration écrite. En revanche, vous avez ajouté quelque chose dans votre témoignage de vive voix qui ne se trouve pas dans ce texte, et nous allons en parler tout de suite.
     C’est au tout début, quand vous parliez de la notion d’avis juridique. Vous avez dit que « le ministère de la Justice était d’avis qu’il serait approprié pour elle d’obtenir des conseils indépendants d’un éminent juriste canadien ou d’un groupe de juristes ». Je suppose que c’est... J’aimerais savoir quand vous avez reçu ce point de vue du ministère de la Justice, car il est très intéressant de savoir que le CPM peut recevoir des avis juridiques du ministère de la Justice.
    Je vais m'efforcer d'être clair.
    La proposition découle d'une note de service du ministère de la Justice, dont vous voudrez sans doute parler plus tard avec la sous-ministre de la Justice. Je crois qu’il s’agissait d’une note de service sur les avis juridiques, madame Raitt.
    Oui, et Jody Wilson-Raybould l’a mentionnée. Mais comment en avez-vous eu possession, monsieur Butts?
    Aucune idée.
    Vous rappelez-vous à peu près de moment où vous l’avez reçue?
    Non.
    Est-il possible que vous l’ayez reçue avant le 17 septembre?
    Je ne crois pas. Non.
    D’accord.
    Je m'en souviens à cause du contexte... Excusez-moi. Désolé.
    Bien sûr.
    Je respecte votre question, madame Raitt. Nous nous connaissons depuis longtemps.
    Je crois que c’était dans le contexte de la réunion du 22 novembre, entre Elder Marques, Mathieu Bouchard et la ministre, je crois.
    À titre de précision, il y a trois types d’avis juridiques dont le personnel du CPM a discuté avec Mme Jody Wilson-Raybould, selon son témoignage, et ils sont passés d’un type d’opinion à un autre, en commençant par un type opinion en septembre et ensuite... Mais je ne vais pas vous poser de question à ce sujet. Je vais vous poser la question suivante.
    Quelqu’un vous a-t-il assisté pour votre témoignage d’aujourd’hui?
    Oui. Des avocats, et certains amis qui n’ont rien à voir avec le gouvernement provincial... pas le « provincial », mais ce gouvernement. Vous êtes habitués à cela, pas moi.
    Je sais.
    En avez-vous discuté avec le premier ministre?
    Non.
    Vous êtes-vous entretenu avec le premier ministre depuis que vous avez remis votre démission?
    Il m’a appelé une fois pour me souhaiter bonne chance.
     Je dirais, madame Raitt, que c’est la période la plus longue que j’ai passée en 30 ans sans parler au premier ministre.
    Très bien.
    Vous avez parlé de textos et d'adresses de courriel. Compte tenu de ce que nous avons constaté dans un autre cadre au sujet du gouvernement et de l’utilisation de téléphones cellulaires personnels, pouvez-vous me dire si les textos avec l’ancienne ministre ont été envoyés d'un téléphone personnel ou d'un téléphone du gouvernement du Canada?
    C’était avec mon téléphone du CPM.
    C’était avec votre téléphone du CPM.
    Oui.
    Vous nous avez dit avoir pris des notes sur le moment, détaillant les conversations que vous aviez eues. À l'évidence, MM. Marques et Bouchard ont en grande partie travaillé sur ce dossier. Vous êtes-vous souvent réuni avec eux?
    Non.
    Nous avons parcouru mon calendrier pendant que je préparais mon témoignage. Je suppose que quelqu’un au bureau a regardé mon calendrier pendant que je préparais ce témoignage. Nous n’avons pu trouver qu’une seule réunion que j’ai eue sur ce dossier, à l’interne.
    D’accord.
    Ce qui me dérange, monsieur Butts, c’est que vous avez dit aujourd’hui que vous demandiez simplement à la ministre d'aller chercher une opinion externe pour déterminer si quelque chose ou autre chose... Je ne sais pas quelle opinion on envisageait.
    Il est intéressant que vous ayez mentionné Beverley McLachlin, dans votre témoignage écrit, comme une personne susceptible de donner des conseils juridiques externes.
    Oui. Je tiens à ce que ce soit clair, madame Raitt, parce que je ne veux pas mettre Mme McLachlin ou qui que ce soit du gouvernement dans une position délicate.
     En aucun cas... C’était dans le contexte de la réunion de Jessica Prince. J’ai dit que ce serait quelqu’un comme Beverley McLachlin.
    Je vois. D’accord.
    Pour revenir à ma question initiale, M. Bouchard et M. Marques, et vous-même, d’après le témoignage de Jody Wilson-Raybould, cherchiez toujours une solution — une « solution » — et non des conseils externes. Il semble que vous ayez déterminé qu’il y avait un problème, que le premier ministre...
    M. Gerald Butts: Oui.
    L'hon. Lisa Raitt: ... avait a déterminé qu’il y avait un problème. Vous avez dit au Cabinet du premier ministre qu’il fallait trouver une solution. Mais vous nous dites aujourd’hui que vous n'étiez pas en quête d'une solution ou d'une mesure; vous vouliez simplement qu’elle adopte une autre opinion. Qui a raison, Jody ou vous?
    Je ne suis pas ici pour pointer des gens du doigt, madame Raitt. Mais je ne pense vraiment pas que j’aurais utilisé ce mot. Vraiment pas. Je ne peux pas être absolument certain.
    S’il y avait un problème qui, à mon avis, devait être réglé, je voulais m’assurer que toutes les options seraient prises en considération. C’est tout.
    Si je peux ajouter quelque chose — et je pense que c’est important, parce que les gens ont fait beaucoup d’insinuations. Je pense qu’ils se sont fondés sur des hypothèses. Je n’ai pas d’opinion bien arrêtée. Honnêtement, je n’envie ni l’ancien procureur général ni le procureur général actuel pour cet appel. Vraiment pas. Je n’ai pas d’opinion bien arrêtée à ce sujet.

  (1050)  

     D’accord.
    Savez-vous, monsieur Butts, que les considérations politiques ne doivent pas faire partie du processus décisionnel du procureur général?
    Tout à fait.
    Dans ce cas, pourquoi le Cabinet du premier ministre avalise-t-il le fait qu'il y ait eu plusieurs échanges, y compris avec le premier ministre lui-même, pour discuter de ces éléments avec l’ancienne procureure générale?
    Je pense qu’il y a une zone grise dans ce que vous jugez comme étant une considération de nature politique, mais je pense que vous faites également allusion aux conversations auxquelles je n’ai pas participé. Je n’ai certainement jamais fait de commentaire de ce genre.
    Donc, le premier ministre ne vous a jamais dit...
    Dernière question.
    Merci.
     Le premier ministre ne vous a jamais dit qu’il avait fait valoir le fait qu’il était député au Québec, et MM. Marques, Bouchard ou Chin ne vous ont jamais dit qu’ils avaient précisé à Mme Wilson-Raybould qu'il y allait y avoir une élection au Québec, qu'il fallait gagner des votes au Québec et se préoccuper du vote québécois?
    Non, et...
    Ils ne vous l’ont jamais dit.
    Non. Honnêtement, ce n’est pas vrai, madame Raitt.
    Qu’est-ce qui n’est pas vrai?
    Désolé, personne ne m’a dit...
    [Inaudible] ... ne vous l’a dit.
    Non, personne ne me l’a dit.
    D’accord, d’accord.
    Puis-je prendre un instant pour répondre à cette question? Je pense que c’est vraiment important.
    Je vous respecte beaucoup, madame Raitt, et nous nous connaissons depuis longtemps — pas très bien, mais nous venons tous les deux de la même région du pays, tout comme Mme May. Nous pourrions faire une partie de tarabish si nous avions un quatrième, autour de cette table, originaire du Cap-Breton.
    Vous savez, nous avons grandi à peu près au même moment au même endroit. Nous savons ce que c’est que de voir une entreprise ou une collectivité s’effondrer. Imaginez ce que ça aurait donné, quand nous étions enfants, si la meilleure explication qu'on nous aurait donnée lors de la fermeture d'une mine de charbon ou d'une aciérie avait été: on y a réfléchi pendant 12 jours à Ottawa? C'est ça qui nous préoccupait. C’est absolument ce qui nous préoccupait. C’était la première fois, que la loi était invoquée et nous voulions simplement nous assurer que toutes les options étaient prises en considération.
    En tant qu’avocate, je respecte le processus décisionnel du procureur général.
    Moi aussi. Absolument.
    Merci beaucoup. J’aime toujours les échanges entre Cap-Bretonnais.
    Nous passons maintenant à un Edmontonien, M. Boissonnault.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Butts, je vous remercie d’être des nôtres.
    Nous avons entendu des Canadiens, et ils ne peuvent s’empêcher de tirer une conclusion négative de votre décision de démissionner de votre poste de secrétaire principal.
    Monsieur Butts, si vous n’avez rien fait de mal, pourquoi avez-vous démissionné?
    Je crois en avoir parlé dans ma déclaration liminaire, monsieur Boissonnault, et j’en ai aussi parlé dans ma déclaration publique. Je pense que j’ai été placé dans une situation où j’ai dû demander à mes collègues de se battre contre un autre collègue au sujet d'accusations formulées par une collègue, et je pense que cela a placé le premier ministre dans une position impossible, compte tenu de la nature de notre amitié.
    Dans votre déclaration à la suite de votre démission, et aujourd’hui, vous avez catégoriquement nié l’accusation selon laquelle vous ou quelqu’un d’autre au CPM avez exercé des pressions sur l’ancienne procureure générale, et pourtant, nous avons entendu son témoignage très clairement au Comité alléguant le contraire. Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire votre version des faits?
    Eh bien, comme je l’ai dit à Mme Raitt, monsieur Boissonnault, je ne suis pas ici pour dénigrer qui que ce soit ou pour laisser entendre que quelqu’un induit délibérément quelqu’un d'autre en erreur. Je crois qu’il est possible de tirer des conclusions différentes à partir de la même expérience. Tout ce que je fais ici, c’est vous représenter, au mieux de mes capacités, la vérité telle que je la vois et les événements tels qu’ils se sont produits. J’ai un peu situé en contexte les messages échangés à l'époque entre l’ancienne procureure générale et moi.
    Je dirai aussi ceci. Ce sont des emplois très importants, mais au bout du compte, nous sommes tous humains. Quand la confiance s’effrite entre des gens, il est facile de jeter un regard différent sur des faits passés.
    Merci.
    Dans votre déclaration, vous avez dit qu’il était important que l’ancienne procureure générale soit en mesure de justifier le fait de ne pas consentir à un accord de réparation à SNC-Lavalin. Selon vous, pourquoi était-il important qu’elle puisse expliquer pourquoi elle ne voulait pas d'un tel accord de réparation?
    Deux ou trois choses. Premièrement, les aspects juridiques, la loi à cet égard, sont très récents. Nous avons pensé que ce serait une étape appropriée pour obtenir l'avis d'un juriste chevronné et éminent qui aurait aidé à étoffer le processus inscrit en droit. C’est tout ce que nous essayons de faire. Personne n’essayait de faire en sorte que la procureure générale prenne une décision ou une autre.

  (1055)  

    Si j’ai bien compris votre témoignage d’aujourd’hui, vous avez parlé avec l’ancienne procureure générale de la nécessité de justifier la décision. C’était le fond de la question.
     Oui, c'est précisément ce qui s'est dit, si je me souviens bien, au moment où nous étions sur le point de sortir de table après avoir parlé pendant deux heures d’une foule d’autres choses. Mais oui, c’est de cela dont il s’agissait.
    C’est utile.
    Mme Wilson-Raybould nous a fait part de son point de vue. Elle a dit qu'il était approprié que ses collègues attirent son attention sur d’importantes considérations stratégiques liées à cette question, comme vous l’avez fait aujourd’hui en parlant des emplois. Pourtant, lorsque cette pression a débordé sur des questions de politique provinciale, elle a jugé que c’était inapproprié.
    Croyez-vous qu’il était approprié d'enchaîner les réunions et de soulever de telles questions?
    Qu’entendez-vous par « de telles questions »?
    Je veux dire que les membres du CPM parlent du fait que la politique provinciale est... qu’il allait y avoir des élections.
    Je ne vais pas porter de jugement sur ce que quelqu’un d’autre a fait, Randy — excusez-moi, monsieur Boissonnault.
    Pensez-vous qu’il était approprié que les gens lui parlent après qu’elle ait dit que sa décision était finale sur cette question?
    Je ne me souviens pas, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, qu'elle ait jamais dit cela. D'après ce que je comprends de la loi — et je vais vous dire ce que j'ai dit à Mme Prince le 18 décembre ou peu importe quand —, je ne suis pas avocat, et je suis toujours très hésitant à discuter en détail de la loi. C'est particulièrement vrai dans mes interactions avec la procureure générale. Je ne sais pas ce que je pourrais dire à ce sujet, monsieur Boissonnault.
    Non, je comprends.
    Lorsque vous étiez secrétaire principal, vous avez dû assister à de nombreuses réunions importantes. J'aimerais savoir si vous avez déjà été témoin de pressions indues sur l'ancienne procureure générale.
    Non.
    Est-ce que vous en auriez parlé au premier ministre si vous aviez vu un collègue exercer des pressions indues sur l'ancienne procureure générale?
    Absolument.
    Je vous en remercie.
    Dans son témoignage, Michael Wernick a dit que, s'il a pu y avoir des pressions, aucune n'a été inappropriée, indue ou, je crois qu'il a dit: illégale. Il a déclaré que les Canadiens ne devraient pas s'inquiéter du respect de la primauté du droit dans notre pays.
    Est-ce que le respect de la primauté du droit au Canada est un souci pour vous?
    Absolument pas.
    Pourquoi?
    Pourquoi? C'est une des choses qu'il est très important de garder à l'esprit. J'ai vu beaucoup de choses au cours des trois dernières années et demie, des relations avec d'autres gouvernements, dans d'autres pays; et, dans beaucoup d'endroits, les institutions gouvernementales sont défaillantes. Elles sont chancelantes et échouent dans des pays qui ressemblent aux nôtres.
    Les Canadiens devraient avoir confiance dans leurs institutions gouvernementales et ils le devraient parce qu'elles fonctionnent. Je fais entièrement confiance au Comité, au Parlement, à l'indépendance du système de justice, au professionnalisme de la fonction publique et aux pouvoirs du Bureau du procureur général, et je tiens à dire que les Canadiens devraient se sentir protégés par les pouvoirs et les conventions régissant les relations entre ces bureaux, et non par la présence de quelqu'un à tel ou tel moment.
    Monsieur Butts, est-ce que, à un moment donné...
    Désolé, monsieur Boissonnault, votre temps est écoulé.
    Monsieur Rankin.
    Merci.
    Bonjour, monsieur Butts. Merci d'être ici.
    J'aimerais vous lire un extrait de la lettre de démission déposée il y a deux jours par Mme Philpott et vous demander si vous êtes d'accord.
    Elle a dit ceci:
Malheureusement, les témoignages indiquant que des politiciens ou des responsables auraient fait pression sur l'ancienne procureure générale du Canada pour qu'elle intervienne dans la poursuite criminelle contre SNC-Lavalin et les preuves de ces agissements ont suscité de graves inquiétudes chez moi...
Deux grands principes sont en jeu: l'indépendance et l'intégrité de notre système de justice... Malheureusement, la façon dont le gouvernement a géré ce dossier et dont il a réagi aux questions soulevées m'a fait perdre confiance en lui...
    Enfin, elle a dit:
Je dois toutefois respecter mes valeurs fondamentales, mes responsabilités en matière d'éthique et mes obligations constitutionnelles.
    Je déduis de votre résumé que vous n'êtes pas du tout d'accord avec ses conclusions.
    Je ne conteste pas du tout sa conclusion au sens où elle a perdu confiance. Je dirais: res ipsa loquitur.
    En passant, je tiens à vous féliciter pour votre retraite, monsieur Rankin. Vous avez toute mon admiration depuis de nombreuses années.
    Bien entendu, j'explique en détail dans ma déclaration préliminaire que je ne suis pas d'accord avec le point de vue de l'ancienne ministre à ce sujet, en effet.

  (1100)  

    D'accord.
    Maintenant, écoutez, je voudrais vous parler de deux événements. Au sujet de votre rencontre du 5 décembre avec Jody Wilson-Raybould — les deux souhaitaient cette réunion —, elle a déclaré qu'elle voulait « parler d'un certain nombre de choses, y compris de SNC et de la pléthore de gens qui me harcelaient, mon personnel et moi ». Est-ce que vous vous rappelez qu'elle a dit cela?
     Non, je ne me rappelle pas.
    Vous n'avez aucun souvenir de cela.
    Le 18 décembre 2018, vous avez parlé de sa chef de cabinet, Jessica Prince, qui vous a rencontré, vous et Katie Telford.
    Selon un texte qui nous a été lu par Mme Wilson-Raybould, dont vous vous souvenez sûrement, elle a dit:
Gerry a rétorqué: “ Jess,
    — c'est Jessica —
il n'y a pas de solution ici qui n'implique pas une certaine ingérence ”.
    Puis elle a dit:
Au moins, ils sont enfin honnêtes quant à ce qu'ils vous demandent de faire! Ne vous souciez pas de l'indépendance du SPPC. Katie se disait: “ Nous ne voulons plus débattre de questions juridiques... ” Et ils ont martelé: “ Nous ne sommes pas avocats, mais il doit y avoir une solution. ”
    Quelle solution pourrait-on envisager en dehors de toute ingérence politique indue?
    Eh bien, je pense que j'en ai parlé en détail dans ma déclaration préliminaire, monsieur Rankin. J'ai un souvenir très différent de cette réunion. Je ne pense pas avoir employé le mot « solution » parce que ce n'est pas celui que j'utiliserais dans ce contexte.
    Ce que je voulais dire essentiellement à Mme Prince, c'est que, si le fait d'obtenir des conseils de quelqu'un comme Beverley McLachlin constitue de l'ingérence politique, vous devez estimer que vous ne pouvez pas discuter de ce dossier.
     Mais, si elle a rejeté cela, s'il est devenu évident à un moment donné que son idée était faite, est-ce que nous n'avons pas raison de penser qu'il y a bien eu « pléthore de gens qui la harcelaient », pour reprendre ses mots? Parce qu'elle a dit aux plus hauts fonctionnaires de votre bureau de s'abstenir, que sa décision était prise.
    Ce n'est pas vraiment à nous de juger si c'était une bonne ou une mauvaise décision. C'est simplement la façon dont cela a été communiqué.
     Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Rankin, j'aimerais faire quelques observations à ce sujet.
    Premièrement, je ne pense pas qu'il lui était possible d'avoir pris sa décision. Selon moi, et les professionnels de la fonction publique m'en avaient informé à l'époque, elle était contrainte de reconsidérer les choses chaque fois que de nouveaux éléments de preuve se présentaient...
    Est-ce qu'il y a eu de nouveaux éléments de preuve? Lesquels? Nous n'avons jamais entendu parler de nouveaux éléments de preuve.
    Il doit y avoir eu... Je ne sais pas, mais il doit y avoir une raison pour que la DPP elle-même [Inaudible].
    Vous pourriez donc considérer que, s'il n'y a pas eu de nouveaux éléments de preuve, il était inapproprié de continuer de faire pression sur elle, puisqu'elle avait fait savoir, comme elle l'a dit si clairement, que, à ce stade, elle avait pris sa décision à titre de procureure générale indépendante?
    Non, je ne le pourrais pas. Je demanderais à des professionnels de me conseiller si cela était contesté.
    Parce que vous avez dit, je crois, dans votre témoignage, que, jusqu'au verdict, il est toujours approprié de parler.
    Oui, c'est ce que je comprends de la loi, selon ce qu'on m'a expliqué.
    Bon, d'accord.
    Deuxième point, monsieur le président, le témoin a parlé d'une conversation avec le premier ministre au sujet du retrait de Mme Wilson-Raybould du Cabinet.
    Je signale à tout le monde que nous ne sommes pas en mesure de... Elle a refusé d'en parler, à juste titre, parce que l'exonération que le gouverneur en conseil lui a accordée ne lui permettait pas d'en parler. Nous n'avons qu'un seul compte rendu de cette réunion tout à fait cruciale.
    Je demande, pour mémoire, que nous convoquions de nouveau le témoin et que nous demandions au gouverneur en conseil de la libérer pour qu'elle puisse parler du reste, sinon nous ne saurons jamais ce qui s'est vraiment passé. Je pense que c'est évident.
    Monsieur Rankin, sauf votre respect, ce n'est pas ainsi que je vois les choses.
    À mon avis, je bénéficie exactement de la même exonération ou de la même liberté, peu importe comment vous l'appelez, que l'ancienne ministre lorsqu'elle est venue ici. Les deux événements que je décris — la conversation que le premier ministre a eue avec l'ancienneministre Philpott et celle qu'il a eue avec l'ancienne ministre Wilson-Raybould — se sont produits successivement le dimanche 6 janvier et le lundi 7 janvier. D'après ce que j'ai compris, la dispense couvrait les événements jusqu'au 14.
    Les députés se souviendront qu'elle n'a pas pu nous parler de ces événements, et on me dit maintenant qu'elle pouvait le faire. Par conséquent, avec tout le respect que je lui dois, nous devons entendre sa version du même événement.
    Merci. C'est noté.
    Votre temps est écoulé, monsieur Rankin.
    Je pense qu'il revient à chaque témoin de déterminer lui-même ce que couvre le décret...
    Oui, j'en ai effectivement parlé avec la conseillère juridique.

  (1105)  

    Je crois qu'elle a parlé de ces événements au Comité, mais nous allons prendre vos commentaires en délibéré.
    Je prends note du commentaire du témoin adressé à M. Rankin. Je pense que tous ceux d'entre nous qui siègent au Comité avec lui depuis quelques années apprécient énormément son intelligence et son intégrité et estiment que ce sera une véritable perte pour la politique, pour Ottawa et pour le Parlement national que vous ne soyez plus ici après les élections.
    Merci.
    Revenons maintenant à M. Boissonnault.
    Monsieur Boissonnault.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Butts, les ministres font face à d'énormes pressions politiques. Je crois que vous y avez fait allusion. Selon l'ancien solliciteur général Wayne Easter, il y a toujours des pressions au gouvernement, et ce que telle personne perçoit comme de la pression, telle autre peut simplement le voir comme... une journée de travail. La ministre Freeland a dit qu'elle avait toujours l'impression que, lorsqu'il y a des questions difficiles, s'il le faut, elle doit s'adresser personnellement au premier ministre pour en discuter. Elle estime que c'est son devoir de le faire. Est-ce que vous avez connaissance de cas où l'ancienne procureure générale aurait soulevé cette question des pressions auprès du premier ministre?
    Pas que je sache. Non.
    Est-ce que vous savez si elle a profité d'occasions qui se seraient offertes de discuter de cette question avec le premier ministre?
    Non.
    Est-ce que l'ancienne procureure générale n’a jamais soulevé directement la question des pressions auprès de vous?
    Non.
    L'ancienne procureure générale nous a dit qu'elle estimait avoir subi des pressions même après avoir demandé...
    Je suis désolé, monsieur Boissonnault, mais nous avons arrêté le chronomètre, car il y a un problème avec l'interprétation.

[Français]

    Un député: Cela ne marche pas.
    Nous allons attendre que l'interprétation marche.

[Traduction]

    Combien de minutes me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous en êtes à 51 secondes, monsieur Boissonnault.

[Français]

    Un député: Elle a repris, maintenant.
    Monsieur Plamondon, pouvez-vous me confirmer que l'interprétation a repris?

[Traduction]

    Monsieur Boissonnault, je suis désolé. Nous allons vous revenir.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Butts, l'ancienne procureure générale nous a dit qu'elle avait subi des pressions même après avoir demandé aux membres du CPM de s'abstenir. Quant à son propre témoignage, elle a dit que, après la réunion du 17 septembre, elle avait accepté d'avoir une autre réunion avec le greffier et son sous-ministre. Puis, le 19 septembre, elle a demandé que SNC envoie une lettre. De plus, ce jour-là, elle s'est adressée au ministre Morneau à ce sujet, et, le 19 septembre et le 26 octobre, sa chef de cabinet a invité le Cabinet du premier ministre et elle-même à discuter.
    Pourquoi est-ce que votre ancien bureau a continué de lui parler après que l'ancienne procureure générale avait fait savoir qu'elle avait pris une décision?
    Comme je l'ai expliqué en détail dans ma déclaration, je ne crois pas que nous savions que la procureure générale avait pris une décision définitive à ce moment-là.
    Qu'est-ce que vous étiez en train d'obtenir, dans ce cas? Obtenir une opinion externe ou plus d'information sur la question?
    Je ne peux parler que des réunions auxquelles j'ai personnellement participé. Dans mon cas, je ne comprends toujours pas pourquoi l'idée d'obtenir l'avis transparent d'un juge de la Cour suprême à ce sujet est un objet de controverse.
    Les électeurs et les Canadiens sont curieux de savoir combien de réunions portent sur un grand dossier gouvernemental. Vous avez dit que ce dossier vous tenait à coeur. Pour ce qui est des 15 000 emplois en Alberta et dans l'Ouest, des milliards de dollars de développement économique, l'idée d'acheter le pipeline TMX aurait été nouvelle et aurait suscité un certain nombre de rencontres entre le Cabinet du premier ministre et le ministère des Finances. Combien de réunions, grosso modo, le Cabinet du premier ministre aurait-il eues avec le cabinet du ministre des Finances au sujet de l'achat du pipeline TMX?
    Il me semble que nous avons eu au moins autant de réunions avec le bureau du premier ministre à ce sujet.
    Combien de réunions? Cinq réunions, 50 réunions, 30 réunions? Combien de réunions ont eu lieu au cours des deux premières semaines sur le projet TMX?
    Concernant l'acquisition du TMX, je ne voudrais pas m'aventurer à deviner...
    M. Randy Boissonnault: Grosso modo.
    M. Gerald Butts: ... mais probablement 100.
    Est-ce que c'est normal pour un dossier de cette importance?
    Pour un dossier de cette importance, c'est sûr.
    M. Randy Boissonnault: D'accord, cela touche donc des milliers d'emplois.
    M. Gerald Butts: Ce serait une semaine dans le cadre de l'ALENA.
    Très bien. Voilà qui est utile.
    Je sais que la procureure générale a une norme de référence différente quand il est question de pressions.
    Monsieur Butts, quand se pose une question de grande importance touchant des milliers de personnes, au sujet de laquelle la procureure générale doit prendre une décision, d'après votre expérience, combien de fois, en général, le Cabinet du premier ministre rencontre-t-il la procureure générale ou son équipe?
    Je dis cela avec beaucoup de reconnaissance pour toutes les personnes concernées. Nous parlons de gens qui entretenaient des relations personnelles et professionnelles de longue date, et je ne cherche à dénigrer personne, parce que je pense qu'il est déjà assez difficile d'amener les gens à contribuer à la vie publique dans ce pays, et toutes les personnes concernées ont beaucoup donné.
     Cette loi était une nouveauté. C'était la première fois qu'on s'en servait, et nous avons donc pensé que le strict minimum à faire pour honorer les gens qui risquaient de perdre leur emploi était de s'assurer que nous avions une bonne raison d'agir et de procéder à partir de là. C'est absolument un strict minimum que d'obtenir les meilleurs conseils possible lorsqu'une décision touche autant de gens. À mon avis, monsieur Boissonnault, il n'y a pas grand-chose d'autre à dire.

  (1110)  

    Dans le même ordre d'idées, prenons l'exemple d'un dossier comme celui de TMX, si on examine les enjeux, si même on s'adresse à la Cour suprême, comme vous y avez fait allusion, pourquoi n'y a-t-il eu que 10 réunions sur quatre mois sur un dossier de cette importance?
     Honnêtement, je ne sais pas.
    Très bien.
    Est-ce qu'il y a eu un effort concerté au sein du CPM pour essayer d'amener l'ancienne procureure générale à changer d'avis au sujet du dossier SNC?
    Non. Absolument pas.
    Absolument pas. Comment pouvons-nous le croire?
    Eh bien, on s'attendrait, si cela s'était produit, à ce que j'en aie été informé, et ce n'est pas le cas. Et je connais très bien les gens en question. Mathieu Bouchard et Elder Marques sont des avocats extraordinairement compétents, à l'excellente réputation, et il est inconcevable pour moi qu'ils se prêtent à ce genre de comportement.
    Je comprends.
    Voici ma dernière question. Nous avons entendu des témoignages et lu des articles dans les médias qui laissent entendre qu'il était inapproprié de soulever la question des élections provinciales. Je sais qu'il y en aura en Alberta, par exemple.
     D'après votre expérience, dans le contexte des affaires intergouvernementales, comment les considérations électorales sont-elles abordées dans de grands dossiers gouvernementaux comme celui-là?
    Permettez-moi de vous donner un exemple contemporain des événements que vous décrivez.
    À l'approche de la fin des négociations de l'ALENA, il est devenu très clair que le règlement que nous allions conclure sur la politique laitière allait avoir une très grande incidence sur les élections au Québec. Cela ne nous a pas empêchés de signer l'ALENA.
    Merci. Cela met fin à la première série de questions.

[Français]

    Nous allons passer au deuxième tour de questions.

[Traduction]

    Les questions de la deuxième série donneront six minutes aux libéraux, six minutes aux conservateurs, six minutes aux libéraux, cinq minutes aux conservateurs et trois minutes au NPD.
    Nous allons commencer par M. Fraser.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Butts, merci beaucoup d'être ici. Je suis heureux de vous voir. Je tiens également à vous remercier de votre travail au service de la population. Je sais que vous avez fait des commentaires sur d'autres personnes qui servent si bien le gouvernement canadien, mais je pense que votre longue carrière dans la fonction publique devrait également être dûment soulignée, et je tiens à vous remercier au nom de nous tous ici.
    Je me demande si vous accepteriez de déposer ici certains des messages textes dont vous avez parlé dans votre déclaration.
    Je crois savoir — et j'ai consulté la conseillère juridique pour avoir accès à tous les documents dont j'avais besoin pour cette présentation et cette conversation — que ce n'est plus à moi d'en décider.
    D'accord.
    J'aimerais revenir sur une question que M. Boissonnault vous a posée tout à l'heure au sujet d'un effort concerté au sein du CPM. Votre réponse était très claire. Je voudrais simplement vous demander si vous n’avez jamais ordonné ou suggéré à un membre du CPM de faire pression sur l'ancienne procureure générale pour qu'elle approuve un accord de réparation?
    Absolument pas, et, comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas vraiment d'opinion sur les décisions que l'ancienne ou l'actuel procureur général devrait prendre, et je suis très heureux de ne pas être à leur place.
    De plus, à votre connaissance, dans le cadre des relations de travail étroites que vous entretenez avec le premier ministre, celui-ci a-t-il jamais ordonné ou suggéré à un membre du Cabinet d'essayer de faire pression sur l'ancienne procureure générale pour qu'elle approuve un accord de réparation ou quoi que ce soit d'autre?
    Absolument pas.
    J'aimerais maintenant parler des deux ou trois réunions dont vous avez parlé dans votre déclaration. La première a eu lieu le 5 décembre, lorsque vous avez dîné avec l'ancienne procureure générale au Château Laurier. Vous avez dit, je crois, que c'est le 26 novembre qu'elle vous avait envoyé un texto...
    Oui.
    ... pour vous dire qu'elle aimerait avoir une conversation avec vous et que cela prendrait plus de 10 minutes, puis, un peu plus tard, vous vous êtes entendus pour aller dîner au Château Laurier.
     Elle nous a dit que c'était une réunion que vous souhaitiez tous les deux. Est-ce que c'est exact ou diriez-vous que c'est elle qui vous a demandé la réunion?
    Eh bien, franchement, je ne suis pas sûr que nos déclarations soient incompatibles. J'ai répondu très rapidement et j'ai toujours aimé rencontrer la ministre Wilson-Raybould. Ce n'est donc pas comme si elle avait dû me traîner au Château Laurier.

  (1115)  

    Vous avez également dit que vous aviez discuté d'un certain nombre de choses, je crois, à cette réunion, et ce qui serait dans l'ordre normal des choses avec une ministre qui était votre amie et qui avait un certain nombre de questions que vous vouliez aborder.
    Vous avez brièvement abordé la question de SNC-Lavalin vers la fin de cette conversation. Est-ce que c'est ainsi que vous vous en souvenez?
    Absolument, oui.
    Et que pouvez-vous nous dire de ce qui a été discuté au sujet de SNC-Lavalin quand cette question a été abordée durant cette réunion?
    J'ai parlé de tout ce dont je me souviens dans ma déclaration préliminaire, monsieur Fraser. Je n'y ai pas pensé un seul instant par la suite. J'ai simplement pensé, je crois, que la ministre voulait connaître mon point de vue.
     Et, durant la conversation, c'est elle qui a abordé la question avec vous?
    En effet.
    M. Rankin a dit tout à l'heure que, dans son témoignage, elle a déclaré qu'il y avait une « pléthore de gens qui me harcelaient, mon personnel et moi », et qu'elle voulait porter cela à votre attention.
    Vous ne vous en souvenez pas. Vous rappelez-vous qu'elle ait dit quoi que ce soit au sujet de gens qui exerceraient des pressions indues sur elle ou qu'elle vous ait parlé de l'impression qu'elle n'était pas traitée correctement dans cette affaire?
    Non, et je crois que j'aurais immédiatement fait quelque chose à ce sujet. Je me rendais à l'aéroport pour rencontrer le premier ministre et assister à la réunion des premiers ministres à Montréal, et j'aurais fait quelque chose à ce sujet.
    Les messages textes de suivi et les communications que vous avez eues avec elle par la suite semblent corroborer le fait que vous avez eu une réunion cordiale; c'était un dîner agréable et...
    Oui.
    ... il n'y a pas eu de discussions difficiles.
    Effectivement.
    La ministre Wilson-Raybould et moi dînions peut-être deux, trois, parfois quatre fois par an, et nous rattrapions le temps perdu sur beaucoup de choses. J'ai beaucoup appris d'elle et j'ai beaucoup de respect pour elle. C'est une série d'événements très malheureux.
    Est-ce qu'il y a eu une séance d'information avec quelqu'un d'autre après la réunion du 5 décembre, de votre point de vue... quoi que ce soit ayant trait aux conversations...
    J'ai peut-être parlé du lendemain à Montréal, que j'avais suggéré ou... En général, j'informe Katie — pardon, Mme Telford — ou peut-être le greffier. Je ne sais pas. Pour être honnête, je ne m'en souviens pas clairement.
    D'accord.
    Vous avez dit que vous n'aimiez pas la loi et qu'il fallait trouver une solution au dossier SNC.
     Vous avez fait un commentaire à ce sujet, mais ce n'est pas ainsi que vous l'avez décrit.
    Non, non. Et je fais appel à la connaissance directe des gens qui ont travaillé avec moi au fil des ans sur des questions très délicates et confidentielles, dont bon nombre d'entre vous autour de cette table, et je vous demande si cela me ressemble d'agir ainsi.
    D'accord, concernant la loi de l'ère Harper dont vous parliez, vous avez dit qu'il avait été question d'un directeur des poursuites pénales à l'époque où Stephen Harper était premier ministre. Voilà le contexte.
    Oui, c'est cela. C'était une référence chronologique, et non politique.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Madame Raitt.
    Monsieur Butts, vous avez dit avoir examiné vos messages textes depuis que vous avez démissionné du CPM. Comment se fait-il que vous aviez encore votre téléphone gouvernemental?
    J'ai pu examiner mes messages textes par l'entremise de mon avocate. Je n'ai pas en ma possession mon téléphone gouvernemental.
    Vous n'avez pas votre téléphone; vous avez donc eu accès au téléphone. C'est bien ce que vous dites?
    Mais c'est ma conseillère juridique qui a obtenu les messages textes, c'est comme cela que je les ai eus. C'est par l'entremise de ma conseillère juridique.
    On a donc fait un examen des enregistrements et on a produit les messages textes pour vous.
    Eh bien, je ne suis pas certain de comprendre votre question, madame Raitt.
    Je vous demande comment, si vous avez laissé votre téléphone quand vous avez quitté le CPM, vous avez quand même eu accès au téléphone pour produire les messages textes aujourd'hui. Vous avez dit que ce n'est pas vous qui y avez eu accès, mais que c'est votre conseillère juridique qui vous les a envoyés...
    C'est vrai.
    ... et je demande qui a ensuite choisi les messages textes que vous deviez recevoir et examiner.
    Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a eu un petit article à ce sujet à la une du Globe and Mail il y a quelques semaines. Quand cet article est sorti, je me suis dit... En fait, ce n'est pas quand l'article est sorti, c'est le lendemain que j'ai reçu une question très précise du Globe and Mail, par l'entremise de mon bureau, au sujet de ma rencontre avec la ministre Wilson-Raybould. Je crois que c'était même assez précis puisqu'on y disait « à l'hôtel Château Laurier ». Mon premier réflexe a alors été de regarder mon téléphone et de voir si je me souvenais aussi nettement que je le pensais.

  (1120)  

    Concernant le remaniement ministériel, vous avez dit que cela n'avait rien à voir avec SNC-Lavalin. Pourquoi alors la sous-ministre de la Justice a-t-elle dit que le premier ministre voulait parler au nouveau procureur général de l'affaire SNC-Lavalin de toute urgence?
    Je n'en ai aucune idée. Il faudrait poser la question à la sous-ministre de la Justice.
    Très bien.
    Pensez-vous que SNC-Lavalin avait droit à un accord de suspension des poursuites pénales?
    Non. Non. Absolument pas.
    Je vais vous lire une partie de la lettre de mandat.
    Est-ce que c'est vous qui avez rédigé les lettres de mandat des ministres?
    Non.
    Est-ce que vous avez contribué à la rédaction des lettres de mandat?
    Je n'en suis pas certain. Je pense que c'est une norme subjective.
    Je les ai probablement lues avant qu'elles soient envoyées, mais je ne crois pas y avoir contribué considérablement.
     Il y a là un élément intéressant à mes yeux: « En votre qualité de procureur général du Canada, vous êtes la première conseillère juridique de l'État et, à ce titre, vous avez la responsabilité de diriger tous les procès au nom du gouvernement fédéral et de préserver la Constitution, la primauté du droit ainsi que le respect de l'indépendance des tribunaux. »
     Cela semble bien être la mission de l'ancienne procureure générale du Canada...
    Je suis d'accord, oui.
    ... et elle s'est acquittée de ses fonctions pendant tout ce temps.
    Je pense que oui. Je n'ai aucune raison de penser le contraire.
    D'accord.
    Vous avez dit il y a une minute, monsieur Butts, qu'Elder Marques et M. Bouchard ont « une excellente réputation » et qu'ils ne se mêleraient pas de certaines questions de politique. Je veux maintenant vous rappeler la chronologie des événements, parce que ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a une certaine cohérence dans le nombre de fois où l'on a tenté de s'adresser directement à la directrice des poursuites pénales, ce qui est tout à fait inacceptable... Le seul lien entre la directrice des poursuites pénales et le gouvernement passe par la procureure générale. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi à ce sujet?
    Je suis d'accord, oui.
    Quand Ben Chin a commencé à négocier au nom de SNC-Lavalin, en expliquant ce qu'il était prêt à accepter, à titre de l'un des chefs qui vous rendaient compte, avez-vous trouvé cela acceptable?
    Je suis désolé. Pourriez-vous répéter?
    Ben Chin, le 6 septembre, a dit que le conseiller juridique de SNC était un ancien juge de la Cour suprême et il a aussi fait savoir que SNC était prête à accepter certaines choses pour obtenir un accord de suspension des poursuites pénales différée. C'est ce qu'a dit Jody Wilson-Raybould. Si c'est le cas, ce comportement est-il acceptable à votre avis?
    Je ne tiens pas à répondre à une question conditionnelle comme celle-là, parce que je ne sais pas s'il l'a fait...
    D'accord, très bien... M. Bouchard et M. Marques ont dit, le 16 septembre...
    ... mais est-ce que je peux dire quelque chose au sujet de votre première...
    J'ai toute une liste de ces gens. Vous pouvez le dire...
    J'imagine.
    D'accord.
    Au sujet de l'idée que quelqu'un aurait tenté d'intervenir directement auprès de la DPP le 12 février, je crois savoir que, à l'occasion d'un commentaire public sur une autre question — à laquelle vous faisiez allusion tout à l'heure, je crois, et dont nous ne devrions pas discuter ici —, la DPP a dit qu'il n'y avait eu aucune ingérence politique dans cette affaire ou dans toute autre affaire.
    C'est exact, mais ce dont je parle, monsieur Butts, ce sont les tentatives d'ordre politique.
     Je vais vous en fournir une autre. Mathieu Bouchard et Elder Marques ont dit, selon Jody Wilson-Raybould, que le procureur de la Couronne voulait négocier une entente, mais que la directrice ne le voulait pas. Comment les membres du personnel du CPM pourraient-ils savoir ce qu'un seul procureur de la Couronne sait ou ne sait pas au sujet d'un accord de suspension des poursuites pénales?
    Je ne sais pas si ces faits sont exacts ou non.
    Très bien.
    Ils ont également dit que la sous-ministre de la Justice pensait qu'elle pourrait inciter le Service des poursuites pénales du Canada à dire qu'il pensait qu'on devrait prendre conseil auprès d'avocats externes. Dans ce cas, le Cabinet du premier ministre, la ministre de la Justice et la sous-ministre de la Justice s'adressent directement à la directrice des poursuites pénales. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ce n'est pas acceptable?
    Je ne crois pas qu'ils aient fait cela.
    Vous ne croyez pas que...
    Qu'ils sont intervenus directement...
    Vous ne croyez pas le témoignage de Jody Wilson-Raybould.
    Ce n'est pas ce que je dis, ce n'est pas ce que je dis.
    Eh bien, c'est son témoignage, et c'est ce que je dis.
    Le 19 septembre, les deux ont de nouveau soulevé l'idée d'une « communication informelle », cette fois avec la directrice des poursuites pénales. En quoi est-il acceptable que le Cabinet du premier ministre suggère une « communication informelle » de la part de la sous-ministre, de la procureure générale ou même d'un membre du personnel de la sous-ministre? En quoi est-ce acceptable quand on sait que la ligne de démarcation entre le Service des poursuites pénales et la politique de ce pays est très claire?
    Effectivement que...

  (1125)  

    C'est la dernière question...
    Est-ce que je peux répondre, monsieur le président?
    Je voulais simplement vous faire savoir que c'est la dernière.
    C'est vrai que la ligne est très claire. J'aimerais revenir à l'essentiel de mon témoignage. Je ne pense pas... Je connais les personnes en question. J'ai travaillé en étroite collaboration avec elles. Je connais un peu le dossier. Cela ne ressemble tout simplement pas à ce qu'elles feraient dans ce cas ou dans d'autres.
    Merci beaucoup.
     Passons maintenant à M. Fraser.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Butts, j'aimerais revenir à ce dont je parlais tout à l'heure et à la réunion du 18 décembre avec Katie Telford et l'ancienne chef de cabinet de l'ancienne procureure générale. Dans quelle mesure serait-il courant que vous ayez une réunion avec un chef de cabinet au sujet d'une affaire importante faisant l'objet de préoccupations à ce moment-là?
    Très courant. Très courant — nous avions des rencontres avec les chefs de cabinet tout le temps, ensemble et séparément.
    D'accord.
    Comment en est-on arrivé à cette réunion? Qui l'a coordonnée?
    Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas... Comme vous le dites, ma réponse à votre première question, monsieur Fraser, c'est que ces réunions étaient très courantes. Cela n'aurait rien eu d'inhabituel. Plus particulièrement à cette période de l'année, Mme Telford et moi faisions de notre mieux pour rencontrer les chefs de cabinet en fin de session pour vérifier le déroulement des affaires et ce genre de choses.
     D'accord.
    Dans son témoignage, l'ancienne procureure générale a déclaré qu'elle avait reçu un message texte de sa chef de cabinet peu après la réunion, indiquant qu'elle était convoquée de toute urgence à la réunion.
    Est-ce que cela décrit bien votre réunion?
    Je ne me souviens pas d'un seul cas où Mme Telford et moi ayons convoqué qui que ce soit de toute urgence, mais, comme je l'ai dit au sujet de mon dîner en compagnie de Mme Wilson-Raybould, les gens peuvent sortir de la même expérience avec des impressions différentes.
    Comme je l'ai dit très souvent, et je suis sûr que vous m'avez parfois entendu le dire au caucus, monsieur Fraser, plus on occupe longtemps ce genre d'emploi, plus les gens nous voient comme ces emplois et non comme des gens. Je pense que cela vient avec la responsabilité d'être conscient de la dynamique du pouvoir entre les gens. J'aime croire — et personne n'est parfait — que Mme Telford et moi en étions très conscients.
    Est-ce que vous estimeriez juste de dire que la teneur principale de la réunion du 18 décembre était de discuter de la possibilité de retenir les services d'un avocat de l'extérieur pour obtenir une opinion sur le bien-fondé d'un accord de suspension des poursuites pénales?
    Je crois que c'est une description juste, mais je n'en suis pas certain. Je sais que la principale question litigieuse dont nous discutions avec la ministre de la Justice et le bureau de la procureure générale à l'époque était la directive sur les litiges civils mettant en cause des Autochtones. Il y avait des préoccupations, à différents endroits, avec différentes personnes et différents ministères, et la plupart des discussions qu'il y a eu, selon mon souvenir, entre notre bureau et le sien à ce moment-là portaient sur ce sujet. Je suis sûr que cela a été abordé également.
    Dans les messages textes de la chef de cabinet de l'ancienne procureure générale, on lit que vous avez dit qu'il n'existait pas de solution sans ingérence.
    Qu'en dites-vous?
    Je pense avoir répondu à cette question tout à l'heure, monsieur Fraser, mais ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Je me souviens effectivement de cette partie de la conversation et je pense que c'est le coeur de la question ici: est-ce que le fait de demander des conseils externes constitue de l'ingérence politique? Je pense que ce n'est pas le cas, quelle que soit la définition raisonnable qu'on en donne.
    Concernant Katie Telford, vous étiez présent à la réunion, et Katie Telford a parlé de prévoir des articles d'opinion. Je sais que vous en avez parlé un peu plus tôt, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre compréhension exacte de ce qui a été dit?
    Oui. Ce n'est pas un outil sophistiqué en politique que de demander à vos partisans de vous appuyer, n'est-ce pas? C'est une pratique courante, qui existe probablement depuis aussi longtemps qu'il y a des articles d'opinion, que de chercher des partisans dans la presse libre quand le gouvernement ou un parti d'opposition prend position.
    J'aimerais revenir un instant à votre déclaration préliminaire. Vous avez dit qu'il semblait y avoir eu une rupture de la relation avec l'ancienne procureure générale. Pourriez-vous nous expliquer comment et quand vous en êtes arrivé à cette conclusion?
    De mon point de vue, durant presque toute la période où nous avons travaillé ensemble, et cela remonte à son investiture et à la campagne électorale — qui, comme vous vous en souviendrez tous, n'a pas été une croisière sur mer calme —, j'ai eu l'impression que Mme Wilson-Raybould et moi pouvions généralement régler les choses.
    Je pense que, dans le contexte du remaniement ministériel, cela est devenu très difficile. Je pense que c'est à ce moment-là que la confiance a été brisée.

  (1130)  

     Merci beaucoup.
    C'est tout pour moi.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons maintenant aux conservateurs.
    Vous avez la parole, madame Raitt.
    J'aimerais présenter une motion, s'il vous plaît, pour que le témoin produise toutes les communications, tous les messages textes, tous les courriels et toutes les notes écrites entre lui, Jody Wilson-Raybould, Mathieu Bouchard, Elder Marques, Katie Telford, David Lametti, Jessica Prince, Ben Chin, Bill Morneau et Justin Trudeau.
    L'avez-vous par écrit, madame Raitt?
    Je l'ai seulement dans mon BlackBerry.
    Puis-je poser une question?
    Pourriez-vous mettre la motion par écrit, permettre à M. Cooper de poser ses questions pendant le temps qu'il vous reste, puis revenir à la motion lorsque tout le monde en aura une copie? Je vous redonnerai le temps de présenter la motion.
     Je vais poser mes questions maintenant, monsieur le président.
    Oh, désolé. Je croyais que M. Cooper posait une question.
    Pas de problème.
    Je poursuis.
    Monsieur Butts, saviez-vous que le 17 septembre, Jody Wilson-Raybould a indiqué qu'elle avait demandé à son personnel de veiller à ce qu'il y ait une chronologie très détaillée de toutes les réunions et conversations au sujet de SNC-Lavalin et des accords de réparation parce qu'elle s'inquiétait de ce qui allait se passer dans les mois à venir? Étiez-vous au courant de cela?
    Je n'étais pas au courant.
    Eh bien, elle l'a fait, et je trouve cela intéressant.
    Nous parlions de ce que le personnel du Cabinet du premier ministre faisait pour essayer d'entrer en rapport avec la directrice des poursuites pénales. Le deuxième type d'avis juridique demandé était différent. Dans ce cas, il s'agissait d'un avis juridique sur la décision de la directrice de ne pas conclure d'accord de réparation.
    Saviez-vous que MM. Elder et Bouchard avaient demandé cela?
    Pour être honnête, madame Raitt, je ne suis même pas certain de comprendre ce que cela signifie.
    Vous êtes avocate, n'est-ce pas?
    Oui.
    Pas moi.
    Ce sont des questions importantes, monsieur Butts. Vous dites ici que vous êtes le lien entre le premier ministre et le Cabinet du premier ministre, dont le personnel a de toute évidence dépassé les bornes. C'est ce qu'a dit Jody Wilson-Raybould dans son témoignage, et c'est mon hypothèse compte tenu des faits qu'elle a présentés.
    Au bout du compte, c'est vous qui êtes responsable de ces questions, et vous êtes redevable au premier ministre.
    C'est exact.
    Je suis également en train de dire que si des limites ont été dépassées, il incombait à la ministre d'en informer quelqu'un. Je me considère comme la personne la plus susceptible d'en avoir été informée, mais je ne l'ai pas été.
    Dans son témoignage, elle a dit qu'elle avait soulevé la question avec vous et vous avait mentionné que ces comportements étaient inappropriés. Votre témoignage montre que vos souvenirs sont différents.
    J'ai dit que je me souviens d'une conversation très différente, en effet.
    Et pas qu'elle vous ait dit qu'il était inapproprié que les gens lui posent continuellement des questions sur la décision qu'elle avait prise?
    Je pense que la question de savoir si elle l'avait prise ou non est discutable.
    Je dirais que si un ministre — n'importe quel ministre, surtout le procureur général — m'avait informé qu'un membre de mon personnel ou n'importe quel autre membre du personnel exerçait des pressions indues sur lui, j'aurais parlé à cette personne.
    Revenons à la note de service adressée à la procureure générale conformément à l'article 13.
    Lorsque la directrice des poursuites pénales détermine qu'il y a une question d'intérêt public au sujet de laquelle elle doit informer le procureur général, elle rédige une note de service à l'intention du procureur général seulement — qui ne s'adresse à personne d'autre — et elle explique exactement pourquoi elle a pris une décision et pourquoi elle est importante.
    Combien de fois avez-vous reçu, au Cabinet du premier ministre, des instructions écrites de la procureure générale sur le suivi qu'elle a fait ou non par suite d'une demande en vertu de l'article 13 présentée par la directrice des poursuites pénales?
    Je ne suis au courant d'aucunes, mais...
    Pourquoi avez-vous dit qu'à votre avis, elle aurait dû fournir des commentaires écrits ou un avis écrit au Cabinet du premier ministre?
    Je n'ai pas dit qu'elle aurait dû fournir des commentaires écrits sur...
    Je crois que c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage, monsieur Butts.
    ... un avis en vertu de l'article 13. Je ne l'ai pas fait.
    Ce que j'ai dit, c'est que si elle avait pris une décision sur une question, elle n'aurait pas eu à divulguer le contenu de l'avis. Elle aurait pu simplement nous informer que son idée était faite et que toute tentative d'aborder le sujet avec elle était inappropriée, et je pense qu'une évaluation juste des événements de l'automne donne à penser que ce n'est pas ce qui s'est produit — que d'autres rencontres ont été accueillies favorablement et sollicitées, et que les conseils étaient également les bienvenus.

  (1135)  

    D'après votre témoignage, lorsque la directrice des poursuites pénales a envoyé une note à la procureure générale faisant état d'une question d'intérêt public, la procureure générale avait l'obligation d'informer le Cabinet du premier ministre de la décision qu'elle avait prise, parce que c'est exactement ce que vous venez de nous dire.
    Non, ce n'est pas exactement ce que je viens de vous dire.
    Ce que je vous ai dit, c'est que si son idée était faite à ce sujet, elle n'avait pas à divulguer quoi que ce soit au sujet du contenu de l'avis. Selon moi, il aurait été inapproprié qu'elle le fasse.
    Toutefois, si les discussions en cours étaient accueillies favorablement et, dans certains cas, étaient sollicitées par la ministre, cela irait à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle son idée était faite. Cela irait également à l'encontre de notre compréhension de la loi et de la façon dont nous avons été informés du fonctionnement de la loi, parce qu'aucun verdict n'avait été rendu dans l'affaire et qu'il était possible que de nouveaux renseignements soient mis au jour. En fait, non seulement cela était possible, mais cela s'est produit dans ce cas-ci, lorsque la directrice des poursuites pénales a rendu une nouvelle décision le 9 octobre.
     Votre temps de parole pour les questions est écoulé. Voulez-vous proposer la motion maintenant?
    Nous en avons une copie par courriel, mais je ne sais pas si les membres du Comité pourraient mettre la main sur une copie écrite. Quelqu'un en a-t-il pris note sur un bout de papier ou quelque chose d'autre qui pourrait être distribué aux membres du Comité?
    Nous allons la lire aux fins du compte rendu. Elle n'est pas si longue. Peut-être que les membres peuvent se passer d'un document écrit.
    Madame Raitt, allez-y.
    Je ne l'ai pas sous les yeux, monsieur le président. Pourriez-vous la lire pour moi? Ce serait bien.
    La motion de Mme Raitt, chers collègues, est la suivante: « Que le témoin produise toutes les communications, tous les messages textes, tous les courriels et toutes les notes écrites entre lui et l'ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould, Mathieu Bouchard, Elder Marques, Katie Telford, David Lametti, Jessica Prince, Ben Chin, Bill Morneau et Justin Trudeau. »
    Est-ce que cela vous convient, madame Raitt, comme motion?
    Je me fie à vous. Oui. Cela semble juste. Ce sont tous les intervenants que je voulais inclure.
    Puis-je faire un commentaire en tant que président?
     En soi, cette motion dépasse la portée de ce que nous faisons. Je pense que vous devriez ajouter à la fin les mots « en ce qui a trait à la poursuite de SNC-Lavalin », parce que cela correspond au mandat. Vous êtes d'accord? Elle serait alors recevable.
    Je veux aussi clarifier quelque chose avec le témoin. Je crois que tout à l'heure, quand M. Fraser a demandé si le témoin pouvait produire certains messages textes, il y avait une raison pour laquelle le témoin estimait ne pas pouvoir le faire, c'est-à-dire qu'il ne fait plus partie du gouvernement et qu'il n'est plus propriétaire de ces messages. Il ne peut pas les produire.
    Est-ce exact, monsieur Butts?
    C'est exact. Ils ne m'appartiennent pas.
    Par conséquent, je pense que les mots « que le témoin produise » ne sont probablement pas appropriés. « Que le Comité demande » est peut-être plus juste.
    Je m'en remets à vous, madame Raitt.
    Eh bien, le témoin indique qu'il ne peut pas les produire lui-même, mais son avocat peut certainement les demander s'il le veut. Toutefois, si vous pensez que c'est plus...
    Écoutez, nous voulons obtenir un résultat à la fin, et le résultat est que nous aimerions avoir des copies de ces documents. Étant donné que le témoin a indiqué qu'il avait ces documents, il serait très utile de les voir.
    Je m'en remets à vous. Si vous pensez qu'il est plus facile pour nous de les demander d'une autre façon que par l'entremise du témoin, cela me convient.
    Permettez-moi de vérifier auprès du greffier.
    Le greffier propose de remplacer les mots « que le témoin » par « que le Bureau du Conseil privé ».
    Cela me semble très bien. Merci.
    Merci beaucoup.
    Je juge la motion recevable.
    Je dois donner la parole à M. Boissonnault, mais madame Raitt, avez-vous quelque chose à ajouter avant?
    Je veux simplement m'assurer que nous prenions connaissance non seulement des messages textes qui peuvent provenir d'un téléphone appartenant au gouvernement, mais aussi de ceux envoyés au moyen de téléphones personnels ou de comptes de courriel personnels. Ce n'est pas une fonction du Bureau du Conseil privé; c'est une fonction du témoin.
    Selon le greffier « dans la mesure où le gouvernement a accès à ces communications » serait le bon libellé. Nous pourrions aussi demander simplement que les documents soient produits, sans préciser par qui.

  (1140)  

    Cela me convient.
    Je pense que nous comprenons tous le concept, et nous trouverons les bons mots si le concept est accepté. Cela va de soi.
    La motion vise à obtenir les messages textes, les courriels et les communications concernant SNC-Lavalin entre les personnes mentionnées, peu importe si elles ont été transmises par un appareil gouvernemental ou personnel.
    Oui. Merci.
    Madame Raitt, voulez-vous parler de votre motion ou voulez-vous que nous passions à la prochaine personne?
    Nous pouvons passer à la prochaine personne. Je pense que la raison pour laquelle nous aimerions avoir des copies papier de ce qui a été dit est évidente.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Boissonnault.
    Monsieur le président, je pense que nous...
    Puis-je dire une chose à Mme Raitt qui pourrait l'éclairer, monsieur le président?
    Bien sûr, monsieur Butts.
    Ce que je peux vous dire, c'est que tous les renseignements que j'ai à ma disposition et qui concernent la correspondance directe avec l'ancien ministre au sujet de la réunion du 5 décembre, je les ai lus intégralement pour le compte rendu. Il n'y a rien que je n'ai pas... en fait, ce n'est pas vrai. Il y a une chose, et c'est un petit détail personnel. C'est que Mme Wilson-Raybould allait rencontrer quelqu'un après notre dîner. Elle m'a dit cela, et je ne suis pas sûr qu'il soit approprié pour moi d'en faire mention ici. Cependant, la totalité de la teneur de ma réunion du 5 décembre avec la ministre Wilson-Raybould est citée dans ma longue déclaration.
    Merci.
    Nous allons revenir à M. Boissonnault au sujet de la motion.
    Monsieur le président, compte tenu de ce que M. Butts vient de dire et de ce qui s'est produit lors du témoignage de Mme Wilson-Raybould, je voterai contre la motion de Mme Raitt. M. Butts a indiqué avoir lu le texte aux fins du compte rendu, et je pense que c'est approprié aux fins de cette étude.
     D'accord. Y a-t-il d'autres commentaires?
    Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.
    Certainement, monsieur Barrett.
    Mais auparavant, je veux m'assurer que personne d'autre n'a levé la main.
    Allez-y, madame Raitt.
    Je veux seulement ajouter une chose.
    Il est important que nous prenions connaissance de tout message texte et de tout courriel échangé entre le témoin et le personnel du Cabinet du premier ministre, parce qu'à l'heure actuelle, il y a une chronologie d'entretiens de deux membres du Cabinet du premier ministre avec son bureau de procureure générale qui, selon Jody Wilson-Raybould, sont tout à fait inappropriés. Le témoin a indiqué qu'il n'était pas au courant de cela, mais qu'il croyait, compte tenu de leur excellente réputation, qu'ils n'auraient pas eu ce genre d'échanges.
    Il est leur patron. J'aimerais voir s'il y a des messages textes associés aux comptes qu'ils doivent lui rendre ou aux directives qu'il leur donne. Je pense que c'est une demande tout à fait raisonnable.
    Merci beaucoup, madame Raitt.
    Y a-t-il d'autres interventions?
    Comme il n'y en a pas, M. Barrett a demandé un vote par appel nominal.
    Allez-y, monsieur le greffier.
    Puis-je vous demander de vérifier auprès du Comité s'il y a une invitation...?
    En fait, je crois que cette motion est une ordonnance de production. Ce n'est pas une invitation, n'est-ce pas?
    Madame Raitt, je vais me tourner vers vous, mais je crois que votre intention est la production de ces documents.
    Oui.
    D'accord.
    Pour que tout le monde comprenne bien, il s'agirait d'une ordonnance de production de ces divers documents par les personnes énumérées relativement à la poursuite contre SNC-Lavalin.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Monsieur Rankin, c'est à vous. Vous avez trois minutes pour ce tour.
    J'aimerais demander à M. Angus de poser une question.
    Monsieur Angus, vous avez la parole.
    La question dont nous sommes saisis par suite du témoignage de Mme Wilson-Raybould concerne une campagne concertée d'ingérence de votre bureau dans l'indépendance du Service des poursuites pénales. Son témoignage nous donne un aperçu de la question. Nous avons MM. Marques et Bouchard qui souhaitaient communiquer officieusement avec la directrice sans passer par elle, ce qu'elle considère comme de l'ingérence politique.
    Ben Chin mentionne que c'est au sujet des élections au Québec, ce qui semble une intervention tout à fait inappropriée de la part de votre bureau. Bill Morneau, après avoir fait l'objet de lobbying, exerce des pressions sur elle, qui lui demande de cesser de le faire.
    Le greffier du Conseil privé a eu de nombreuses conversations avec elle, dont une pendant laquelle elle a dit avoir été menacée à trois reprises, y compris lorsqu'il lui a dit qu'il valait mieux être du côté du premier ministre.
    Le premier ministre a dit, selon son témoignage, qu'il souhaitait qu'elle agisse parce qu'il était le député de Papineau.
    Toujours selon Mme Wilson-Raybould, Katie Telford a mentionné qu'elle ne s'intéressait pas aux aspects juridiques, et elle a dit officiellement que vous n'aimez pas la loi parce qu'il s'agit d'une loi adoptée par Harper, et qu'il était impossible de s'en sortir sans intervention.
    Comment pouvez-vous nous dire alors que c'est une simple question de versions des faits, et non pas une campagne concertée à laquelle vous avez participé pour intervenir et passer outre aux décisions prises par la procureure générale du Canada?

  (1145)  

    Je pense avoir expliqué en détail les raisons pour lesquelles je ne pense pas que ce soit le cas.
    J'étais présent au bureau pendant la période décrite, et absolument aucune démarche n'a été faite pour s'ingérer dans l'indépendance de la justice, mais...
    Toutefois, vous avez bien dit à Jess Prince qu'il serait impossible de s'en sortir sans ingérence.
    Non, je n'ai pas dit cela, et je l'ai expliqué...
    Lorsque Mme Wilson-Raybould a témoigné, elle était très crédible aux yeux des Canadiens. Vous n'avez pas accepté de prêter serment, alors la question est la suivante: a-t-elle tort? A-t-elle inventé cela?
    Je crois avoir expliqué en détail, monsieur Angus, ce qui s'est passé selon moi.
    Vous ne me répondez pas. Vous l'avez peut-être expliqué...
    Je ne vais pas...
    ... mais je ne comprends pas, parce que, comme vous le dites...
    Monsieur Angus, avec tout le respect que je vous dois, je suis...
    En tout respect, soit elle a menti, soit elle n'a pas menti...
    Monsieur Angus, veuillez laisser le témoin terminer sa réponse, puis nous reviendrons à vous.
    Terminez votre réponse, monsieur Butts.
    M. Angus...
    C'est une question de crédibilité.
    C'est une question de faits.
    D'accord.
    Et il y a différents points de vue sur ce qui s'est passé.
    Je vois.
    Je ne suis pas ici pour donner des noms, et vous ne me ferez pas dénigrer...
    Je ne vous demande pas de nommer personne. Je demande s'il y a eu ingérence, parce que les faits, mon ami, comme vous l'avez dit...
    La réponse à cette question est non.
     ... les faits sont très tenaces. Et il ne s'agit pas seulement d'elle. Mme Philpott dit: « J'ai perdu confiance... Je dois respecter mes [...] responsabilités éthiques et mes obligations constitutionnelles » en raison des allégations d'ingérence de votre bureau. Elle ajoute: « Il peut y avoir un coût à agir selon ses principes, mais le coût de leur abandon est plus grand. »
    Est-ce que Mme Philpott a elle aussi des problèmes de compréhension?
     Je suis certainement d'accord avec la dernière affirmation, à savoir qu'il y a un coût à respecter ses principes, tout comme il y a un coût à les abandonner.
    Merci.
    Je pense que dans ce cas, comme je l'ai expliqué en détail, il y a plus d'une façon de voir les choses.
    Merci beaucoup. Cela met fin au deuxième tour.
    Je tiens simplement à souligner que le témoin n'a pas refusé de prêter serment; les membres du Comité ont voté contre son assermentation, comme nous avons voté contre l'assermentation de tout autre témoin lors de ces réunions.
    Nous en sommes maintenant au troisième tour, dans lequel six minutes sont prévues pour les conservateurs, six minutes pour les libéraux, six minutes pour le NPD et six minutes pour les libéraux. Puis, nous avons convenu qu'à la fin de ce tour, les trois représentants des partis politiques qui ne sont pas reconnus à la Chambre des communes — parce qu'il faut 12 sièges pour l'être — auront le droit de poser des questions pendant trois minutes chacun.
    Nous allons commencer par les conservateurs.
    Allez-y, monsieur Berthold.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Butts, dans votre témoignage, vous avez dit clairement que ni le départ de Mme Wilson-Raybould du ministère de la Justice ni l’entrée en fonction du ministre Lametti au sein de ce dernier n’avait quoi que ce soit à voir avec SNC-Lavalin.
    Monsieur le président, j’aimerais demander au témoin pourquoi le gouvernement du Québec a reçu comme indication à plusieurs reprises, dont ici même, à Gatineau, à la fin janvier, une quinzaine de jours après le remaniement, que le dossier SNC-Lavalin était réglé et qu’il y aurait un accord de réparation, que c’était un marché conclu.
    Comment le gouvernement du Québec pouvait-il croire qu’un accord était dans la poche, si tout ce que vous vouliez, quand vous avez fait des communications répétées auprès de l'ancienne ministre de la Justice et procureure générale, c'était de mettre de la pression sur celle-ci pour obtenir un avis externe? Comment est-ce qu’on peut laisser entendre à un autre palier de gouvernement que l’accord de réparation est dans la poche, alors que tout ce que vous vouliez, c’était avoir un avis juridique pour permettre à la procureure générale ou au nouveau procureur général de prendre la bonne décision? Cela ne cadre tout simplement pas avec votre témoignage. Qu'on laisse entendre à un autre gouvernement que, parce qu'il y a eu un remaniement ministériel et qu'on a maintenant un nouveau ministre, il y aura une entente, un accord de réparation, cela ne cadre pas avec ce que vous mentionnez depuis le début.

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant de la situation que vous décrivez. Je ne suis au courant d'aucune communication entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec à ce sujet, certainement pas au moment dont vous parlez — en fait, ce n'est pas vrai. Je sais que l'actuel premier ministre du Québec a soulevé la question personnellement auprès du premier ministre, tout comme l'ancien premier ministre du Québec avant lui. Je ne suis certainement pas au courant de ce dont vous parlez.

  (1150)  

[Français]

    Donc, vous n’êtes pas au courant de communications qui auraient pu avoir lieu à ce moment-là entre des membres du Cabinet, des membres de votre bureau et des gens du gouvernement du Québec signifiant qu’en raison du remaniement ministériel, l’accord de réparation de SNC-Lavalin était dans la poche.

[Traduction]

    Pas à ma connaissance, non.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Butts.
    Je laisse maintenant la parole à M. Cooper.

[Traduction]

    Excellent.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, monsieur Butts. Vous avez dit bien connaître MM. Bouchard et Marques. Serait-il juste de dire que vous leur parliez tous les jours?
    Non. Eh bien, je dirais que pendant quatre des semaines dont il est question ici, j'étais à Washington, alors je ne leur ai certainement pas parlé tous les jours pendant la période en question.
    Mais ils vous informaient?
    De temps à autre, pour toutes sortes de questions, oui.
    Vous étiez donc au courant de leurs activités dans ce dossier, en général?
    En général, oui. Ce que je veux dire, c'est que je leur ai donné des directives générales et qu'ils me faisaient rapport de temps à autre.
    D'accord.
    Vous avez mentionné que le premier ministre vous avait informé immédiatement après la réunion du 17 septembre.
    Désolé, je n'ai pas entendu.
    Je crois vous avoir entendu dire que vous avez été informé immédiatement après la réunion du 17 septembre entre Mme Wilson-Raybould, le greffier et le premier ministre.
    Je n'ai pas dit « immédiatement après », et pour être honnête, je ne me souviens pas si le greffier ou le premier ministre m'a informé au sujet de la réunion.
    Le premier ministre a-t-il demandé une opinion externe à cette réunion?
     Pas que je sache.
    Pas à votre connaissance, mais on sait que le 18 octobre, M. Bouchard a demandé à la chef de cabinet de Jody Wilson-Raybould d'obtenir une opinion externe. La réponse a été non. Le 26 octobre, M. Bouchard a de nouveau demandé une opinion externe à la chef de cabinet de Jody Wilson-Raybould, et la réponse a été non. Le 22 novembre, le Cabinet du premier ministre a appelé Jody Wilson-Raybould, afin qu'elle rencontre MM. Marques et Bouchard. La question d'une opinion externe a été soulevée de nouveau, et encore une fois, Mme Wilson-Raybould a refusé. Puis, le 18 décembre, lors de la rencontre avec Mme Prince et de concert avec Mme Telford, vous avez demandé une opinion externe. C'était plusieurs mois plus tard.
    Qu'est-ce qui vous a fait croire à une autre réponse que non de sa part, qu'elle avait pris sa décision et qu'elle n'allait pas renverser la décision de la directrice des poursuites pénales?
    La question de savoir si elle accepterait un avis externe et celle du renversement de la décision de la DPP sont deux questions distinctes. En fait, monsieur Cooper, je crois que l'écart entre les deux est au coeur du problème.
    Mon point de vue à ce sujet — et il a été éclairé par des avis de professionnels de la fonction publique — était qu'il n'y avait rien de mal à en discuter. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, je n'ai jamais insisté pour que quiconque renverse cette décision. Il est vraiment important que nous établissions cela comme un fait, et c'est...
    Non, mais vous étiez essentiellement...
    Permettez-moi de terminer, monsieur, en tout respect.
    Cela est un fait important, car il s'agit de l'un des rares qui semblent faire l'unanimité. L'ancienne ministre a témoigné la semaine dernière, et c'est certainement ce que j'avais compris.
    Ce que j'ai dit dans ma déclaration au sujet de la rencontre avec Mme Prince, c'est que j'ai cherché à comprendre la réticence de l'ancienne ministre à l'égard de ce dossier et de l'idée de recevoir un avis indépendant. J'ai fait valoir que c'était une question de bonne politique publique.
    Autrement dit, on ne respectait pas son jugement en ce qui a trait à l'examen des faits et des dispositions de la loi dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites pour renverser une décision qui avait déjà été prise par la DPP.
    Veuillez noter que c'était la dernière question. Je vais laisser le témoin répondre.
    Bien sûr, et je suis heureux de répondre, monsieur le président.
    J'aurais dû le dire de façon plus sentie au début, mais je suis heureux d'avoir l'occasion de venir ici et de parler avec mes collègues. La question dont vous êtes saisis est importante, et j'espère que les témoignages que j'ai fournis pourront vous aider dans vos délibérations.
    Au bout du compte, nous n'avions vraiment pas l'impression que quelqu'un faisait quelque chose de mal. Nous avons estimé qu'il s'agissait de discussions honnêtes, et je vous demanderais de délibérer sur cette question. Si c'était mal, et mal de la façon dont on le prétend, pourquoi avons-nous cette discussion maintenant et ne l'avons-nous pas eue à la mi-septembre, en octobre, en novembre ou en décembre?

  (1155)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Ehsassi. Monsieur Ehsassi, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Butts, de comparaître devant notre comité. Votre témoignage est très utile, et particulièrement votre déclaration préliminaire.
    Vous avez étudié en profondeur les décisions qui ont été à l'origine du remaniement ministériel...
    ... ce qui, j'en suis sûr, va me faire beaucoup d'amis, mais j'avais l'obligation de le faire.
    Absolument.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que la première fois que SNC et la question de l'accord de réparation ont été soulevées, c'était lorsque l'ancienne ministre Philpott en a parlé. Est-ce exact?
    Dans le contexte du remaniement ministériel, c'est exact, oui.
    Avant cela, avant que vous ne communiquiez avec l'une ou l'autre des nouvelles personnes nommées, n'y avait-il eu aucune discussion au sujet de l'accord de réparation ou de SNC?
    Aucune dont je me souviens.
    Merci.
    Lorsque le premier ministre a parlé à Mme Wilson-Raybould et l'a informée du remaniement ministériel, a-t-il été question à ce moment-là qu'elle ne faisait pas confiance au premier ministre?
    Non.
    Avant que Mme Wilson-Raybould ne démissionne du Cabinet...
     Voulez-vous dire le jour même?
    Le jour où le premier ministre l'a appelée pour l'informer de son nouveau poste, rien n'indiquait qu'elle ne faisait pas confiance au premier ministre.
    Non.
    Avant que Mme Wilson-Raybould ne démissionne du Cabinet, vous a-t-elle jamais laissé entendre qu'elle ne faisait pas confiance au premier ministre?
    Non.
    Merci.
    Maintenant, si on pouvait revenir à la question de l'avis juridique ou peut-être du recours à un expert, pendant la période que vous avez passée au Cabinet du premier ministre, au cours de ces trois années, y a-t-il eu d'autres cas de nouvelles lois ou de nouveaux régimes juridiques envisagés pour lesquels le Cabinet du premier ministre a décidé d'obtenir un avis juridique?
    Je suis sûr que oui. À mon avis, c'est une procédure normale.
    Je pense que oui.
    Vous avez dit que la première fois que vous avez entendu parler de la nécessité d'obtenir un avis juridique de l'extérieur, c'était dans le cadre de recommandations du ministère de la Justice.
    Je ne suis pas sûr que je... Il y a longtemps que j'ai lu cette note de service, monsieur Ehsassi, alors je ne veux pas être catégorique à ce sujet.
    Je ne sais pas s'il s'agissait d'une recommandation, d'une option ou... Étant donné que nous semblons être pointilleux au sujet des définitions, je ne veux pas dire quelque chose qui est inexact.
    Pourriez-vous nous dire une fois de plus pourquoi vous pensiez que c'était une bonne idée d'obtenir un avis juridique de l'extérieur?
    Bien sûr.
     Je pensais que dans un cas comme celui-là, alors que le gagne-pain d'un grand nombre de personnes était en jeu — et c'était un point de vue partagé —, le gouvernement avait l'obligation de veiller à se prévaloir de tous... que nous devions examiner la question très attentivement, parce que lorsque vous rencontrez les citoyens, vous voulez être en mesure de les regarder en face, qu'il s'agisse des employés de l'entreprise, des retraités, ou de ceux qui participent à la chaîne d'approvisionnement, et leur dire: « Nous avons bien examiné la question. »
    C'est tout ce qui nous motivait. Ce sont les gens en cause.
    Absolument. Je vous en remercie.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez également dit que c'était la semaine dernière, au cours de son témoignage, que vous aviez entendu dire pour la première fois que la procureure générale avait pris position sur cette question le 16 ou le 17 septembre. Est-ce exact?
    C'est exact.

  (1200)  

    Étant donné que vous n'étiez pas au courant de cela, serait-il juste de dire que vous vous attendiez à ce qu'elle consulte d'autres ministères?
    Je veux être très prudent, monsieur Ehsassi, et je pense que Mme Raitt y a fait allusion tout à l'heure. Je n'ai aucune idée de ce qui se trouve dans l'avis en vertu de l'article 13, et je ne devrais pas — ce serait inapproprié pour moi —, mais nous avons pensé qu'une vaste consultation était vraiment appropriée.
    Je suppose que vous connaissez le document « Pour un gouvernement ouvert et responsable ».
    En effet, oui. Les pages 66 et 67, je crois, traitent de ce sujet.
    Vous avez eu l'occasion de lire les divers passages qui seraient pertinents dans ce cas particulier.
    Bien sûr. Oui.
    Dans le premier passage, il est dit que « ... le procureur général peut néanmoins consulter les membres du Cabinet avant d'exercer ses pouvoirs en vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales dans le cadre de toute poursuite judiciaire au criminel, de façon à évaluer pleinement les considérations pertinentes relatives à l'intérêt public... ».
    Qu'est-ce que ce passage vous dit?
    Franchement, cela me dit que rien d'inapproprié ne s'est produit ici.
    Le président: Ce sera la dernière question.
    Dans un autre passage à la même page, il est dit: « Il peut également être nécessaire de tenir des consultations interministérielles puisque les ministères fédéraux sont conjointement chargés de faire respecter les lois fédérales. »
     Êtes-vous d'avis que le dossier de SNC-Lavalin en est un qui nécessite une consultation interministérielle?
    Cela ne fait aucun doute.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Rankin.
    Merci.
    Vous venez de dire à M. Ehsassi que la première fois que vous avez entendu dire que sa décision était finale, c'était la semaine dernière.
     C'est exact. C'est ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire.
    Dans son témoignage, Mme Wilson-Raybould a parlé d'une réunion avec M. Elder Marques et M. Bouchard, le 22 novembre. Elle a dit qu'elle leur avait parlé de la Loi sur le directeur des poursuites pénales et de « l'indépendance de la poursuite comme d'un principe constitutionnel », etc., et qu'ils « ont continué de plaider leur cause... que... nous pourrions engager un éminent juriste ». Elle a ajouté:
Ils étaient venus tâter le terrain et je leur ai dit non. Mon idée était faite et il fallait arrêter cela. C'était assez.
    Je crois comprendre qu'Elder Marques et M. Bouchard travaillent pour vous.
    En fait, ils travaillent pour le premier ministre.
    Ils travaillent pour le Cabinet du premier ministre, dont vous êtes le directeur.
    Oui, moi-même et Katie Telford.
    Ils relèvent de vous, alors ils savaient au moins, semble-t-il, s'il fallait la croire.
     Elle a ensuite dit: « Là-dessus, je vais faire une brève pause » au sujet de « mon état d'esprit », en ajoutant que la décision finale était prise et ainsi de suite.
À mon avis, les communications et les efforts déployés pour me faire changer d'avis sur cette question auraient dû cesser. Divers fonctionnaires m'ont également exhortée à tenir compte de considérations politiques partisanes, ce qui était clairement déplacé à mes yeux. Soit notre système est fondé sur la primauté du droit, l'indépendance des fonctions de poursuite et le respect des personnes chargées d'exercer leur pouvoir et leur pouvoir discrétionnaire, soit il ne l'est pas.
    Elle a donc dit très clairement à votre personnel que sa décision était finale.
     Monsieur Butts, nous sommes ici pour déterminer si une ligne a été franchie...
    Je comprends cela.
    ... si la ligne de démarcation que nous devons maintenir entre la fonction d'un procureur général indépendant et la prise en compte appropriée des facteurs pertinents de politique publique a été franchie. Il semble clair, d'après son témoignage, qu'elle a ressenti subjectivement des pressions inappropriées. Que ce soit vrai, faux, bien ou mal, il n'y a aucun doute que c'est ce qu'elle a ressenti subjectivement, mais objectivement, compte tenu de toutes les interventions, de toutes les fois où elle a dit non, du fait qu'il n'y avait pas de nouveaux éléments de preuve à présenter et du harcèlement dont elle prétendait avoir été victime, comment pouvons-nous faire autrement que de conclure que la ligne a été franchie?
    Eh bien, je pense que 20 communications sur quatre mois, ce n'est pas beaucoup, monsieur Rankin, et je pense que si elle avait eu l'impression à ce moment-là que la ligne avait été franchie, elle aurait dû... elle a disposé de beaucoup d'occasions de le dire clairement et de le dire publiquement.

  (1205)  

    Il ne suffisait donc pas de le dire à vos hauts fonctionnaires. Elle devait aussi s'adresser à quelqu'un d'autre.
    Je ne vais pas commenter ce qui s'est passé lors d'une réunion à laquelle je n'étais pas présent, monsieur Rankin...
    M. Murray Rankin: C'est exact. C'est ce qui...
    M. Gerald Butts: ... mais je crois, comme je l'ai dit dans ma déclaration, que si quelque chose d'aussi mal s'était produit, elle avait à tout le moins l'obligation d'en informer le premier ministre par écrit. Oui, je crois que c'est vrai.
    M. Angus utilisera le reste du temps dont nous disposons.
    Monsieur Angus, vous avez deux minutes et 40 secondes.
    Merci. J'aimerais poursuivre dans la même veine que mon collègue.
    Le 21 septembre, elle a déclaré que cette décision n'était plus la sienne parce que la question avait été portée devant les tribunaux, que plus rien n'était possible. Vous nous dites que ce n'est que la semaine dernière que vous avez pris connaissance du fait que sa décision était prise. Je trouve cela surprenant.
    Le 22 novembre, le premier ministre a demandé à M. Bouchard de tenir une rencontre. Elle lui a dit qu'il fallait que cela s'arrête, mais vous venez tout juste de l'apprendre.
    Le 5 décembre, dit-elle, elle vous a rencontré au Château Laurier. Elle a dit: « Gerry a alors relancé la conversation en disant que nous avions besoin d'une solution... Il a insisté pour que je trouve une solution. » C'est là qu'elle a dit que vous n'aimiez pas la loi parce qu'il s'agissait d'une loi adoptée par Harper.
    Le 7 décembre, elle reçoit une lettre du premier ministre et répond que l'affaire est devant la justice.
    Le 18 décembre, il y a une réunion urgente au cours de laquelle vous avez dit qu'il n'y avait pas de solution sans ingérence et Katie Telford a dit: « Nous ne voulons plus débattre de questions juridiques ».
    Le 19 décembre, M. Wernick l'a pressée de parler à la procureure, et elle a dit qu'à ce moment-là, elle attendait « le couperet », et le couperet est tombé. On l'a mutée. À ce moment-là, elle vous a demandé si ce changement avait quelque chose à voir avec SNC, et vous lui avez demandé si elle remettait en question l'intégrité du premier ministre.
    Comment se fait-il que vous ayez pu diriger un bureau avec autant de gens qui exerçaient des pressions sur la procureure générale et que vous puissiez vous montrer surpris et dire que vous ne sachiez pas ce qui se passait autour de vous? Comment pouvez-vous...
    M. Gerald Butts: Ce n'est pas...
    M. Charlie Angus: ... être crédible pour nous lorsque Mme Wilson-Raybould nous a donné un témoignage aussi clair et cohérent faisant état d'une ingérence aussi flagrante dans une poursuite indépendante?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que je dis, et ce que j'ai dit au début, c'est que j'ai une version très différente des événements, et je dirai que je ne dénigrerai pas une ancienne collègue.
    Je pense que j'ai essayé de l'expliquer en...
    Pour être juste, je tiens à ce que cela figure au compte rendu...
    Laissez-moi finir ma phrase...
    Mais j'ai le droit de demander, parce que...
     Monsieur Angus, votre préambule a duré une minute et demie. Je vais simplement laisser le témoin terminer sa réponse.
    Monsieur Angus...
    A-t-elle dit la vérité, oui ou non? Voilà la question. Il ne s'agit pas de savoir si vous essayez d'être méchant envers elle. Là n'est pas la question.
     Si elle nous a dit la vérité, alors on peut douter de votre témoignage, du témoignage et de la crédibilité du Cabinet du premier ministre. Voilà la question qui se pose aujourd'hui.
    Je crois que tout ce que j'ai dit au Comité aujourd'hui est la vérité, et je crois avoir décrit les événements tels qu'ils se sont déroulés.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons à M. Ehsassi. Monsieur Ehsassi, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'en voudrais de ne pas souligner un troisième passage du document intitulé « Pour un gouvernement ouvert et responsable ».
     Le troisième passage se lit comme suit: « La tenue de consultations formelles peut également être nécessaire pour les dossiers qui ont un grand intérêt public, qui soulèvent des questions d'ordre juridique d'importance nationale ou qui touchent certains domaines spécialisés du droit... »
    Pensez-vous que dans ce cas particulier, il aurait fallu que la procureure générale consulte, peut-être, le ministère des Finances?
    J'ai l'impression que vous me demandez de faire une évaluation technique fondée sur le sens de la loi.
     Je pense que le bon sens veut que vous preniez tous les commentaires de vos collègues, et si vous trouvez qu'ils ne sont pas appropriés, vous leur dites. Si c'en est rendu au point où vous pensez que c'est aussi inapproprié que l'ancienne ministre pense maintenant que ce l'était, alors vous devez informer le public à ce moment-là.
    Merci.
    Lors de son témoignage, Mme Wilson-Raybould nous a dit qu'elle avait d'abord reçu un avis de la DPP concernant SNC le 4 septembre, alors qu'elle se trouvait en Australie. Elle est revenue au Canada huit jours plus tard, le 12 septembre, et le 16 septembre, elle avait pris sa décision.
    Selon vous, est-ce que cela lui donnait assez de temps pour exercer une diligence raisonnable, pour consulter les différents ministères?
    Je crois que j'en ai parlé dans mon témoignage, monsieur Ehsassi. C'est une explication difficile à avaler pour les gens dont les emplois étaient en jeu.
    Absolument.
    Vous nous avez expliqué aujourd'hui que, selon vous, lorsque le directeur des poursuites pénales examine un dossier particulier, chaque fois que de nouveaux éléments de preuve sont mis au jour, il faut porter un regard neuf sur la question.

  (1210)  

    C'est exact. C'est ainsi que je le comprends.
    Je crois comprendre aussi qu'il n'est pas possible d'en venir à une décision finale jusqu'à ce que le processus judiciaire aboutisse à un verdict.
    Êtes-vous préoccupé du fait qu'elle ait pris sa décision finale avant de consulter le premier ministre?
    Beaucoup de choses me préoccupent dans cette affaire, mais je ne suis pas sûr d'adhérer à cette interprétation.
     À mon avis, il incombait aux gens qui voulaient présenter des conseils et des preuves à la procureure générale de le faire, et il lui incombait à elle de les entendre.
    Je ne devrais peut-être pas vous demander ce que vous attendez des autres, mais plutôt comment vous-même voyez cette affaire.
    Avez-vous des regrets à propos de la manière dont elle a été traitée?
    J'aime regarder en avant dans la vie, monsieur Ehsassi. Nous sommes tous humains. Nous faisons tous des erreurs, tout le temps. Examiner les erreurs aide à améliorer sa vie professionnelle et ses relations personnelles.
    Dans ce cas-ci, j'ai examiné de très près au cours des dernières semaines. Je crois fermement qu'il n'est rien arrivé d'inapproprié et qu'aucune allégation en ce sens n'a été faite avant le remaniement ministériel — oui.
    De façon plus générale, il y a d'autres enjeux, mais il y a probablement des endroits, des moments et des tribunes pour les aborder.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que vous correspondiez régulièrement avec Mme Wilson-Raybould. Vous avez manifesté une vive préoccupation au sujet de certains propos de la ministre durant ces...
     Vous voulez dire après le remaniement ministériel?
    Oui.
    Pouvez-vous nous dire aujourd'hui ce que la ministre disait et comment vous en êtes venu à conclure qu'il y avait une rupture dans les communications?
    Oui. Je pense qu'en partie, sa façon de décrire les conversations... il y en a eu au moins quatre ou cinq, et elles étaient longues et personnelles, et elles mettaient en présence deux personnes qui essayaient de régler une question très difficile.
    À un moment donné, la ministre m'a demandé directement si son départ du ministère de la Justice et du poste de procureur général avait quelque chose à voir avec l'affaire SNC-Lavalin, et j'ai répondu non.
    J'ai bien dit... Je lui ai demandé d'un ton surpris si elle mettait en doute l'intégrité du premier ministre. Ce n'était pas une accusation ni une menace; j'étais vraiment surpris qu'une personne avec qui j'avais passé autant de temps et avec laquelle le premier ministre avait passé autant de temps puisse interpréter la demande, le geste, sous un jour aussi sombre, sincèrement.
    Enfin, vous dites que le premier ministre lui a offert le portefeuille des Services aux Autochtones.
    C'est exact.
    Pourquoi était-ce important pour le premier ministre et qu'avait-il en tête lorsqu'il lui a offert ce portefeuille?
    Il s'avère que c'était très semblable à...
    Comme vous le savez tous ici, la division du ministère des Affaires autochtones et du Nord était une recommandation de la commission royale. Lorsque le premier ministre, lors du remaniement ministériel de 2017, au cours de l'été, je crois — je peux me tromper —, a créé le nouveau portefeuille des Services aux Autochtones, j'ai eu l'impression qu'il posait un geste fort en nommant à ce portefeuille la ministre Philpott. Elle avait évidemment un emploi de rêve au ministère de la Santé, mais elle a accepté ce rôle parce que nous étions tous convaincus de l'importance du programme de réconciliation, comme vous le savez bien dans l'entourage du gouvernement. Nous voulions affirmer avec force, le premier ministre voulait affirmer avec force, que ce programme n'allait pas ralentir, et c'est pourquoi il voulait confier ce portefeuille à la ministre Wilson-Raybould.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
    Nous avons maintenant Mme May, M. Plamondon et M. Weir, qui ont chacun trois minutes, puis M. Rankin a fait savoir qu'il voulait présenter une motion. Peut-être pourrons-nous le faire après avoir libéré le témoin.
    Allez-y, madame May.
    Merci, et je vais révéler que je suis amie avec le témoin et que je serais d'accord pour qu'on s'appelle par nos prénoms, si cela vous convient, Gerry.
    Cela me convient.
    Je suis surprise que vous ne mentionniez pas dans votre témoignage deux personnes qui, à mon avis, ont joué un rôle très important dans cette affaire, le greffier du Conseil privé et l'avocat de SNC-Lavalin.
    Comment se fait-il que vous ayez l'air d'oublier que l'intimidation à l'endroit de notre ancienne procureure générale a atteint son point culminant lors de rencontres en tête à tête avec le greffier du Conseil privé, le 19 septembre, et lors de l'appel téléphonique qui a suivi le même jour?
    Sachez que je crois absolument tout ce que nous a dit Jody Wilson-Raybould, sans le moindre doute, alors comment se fait-il que votre témoignage ne fasse pas mention de ses actes à lui, et saviez-vous qu'il allait lui téléphoner chez elle le 19 décembre et lui faire des menaces voilées?
    Non. Je sais que le greffier et la sous-ministre de la Justice comparaîtront plus tard; vous aurez donc l'occasion de leur parler directement.
    Au sujet du greffier du Conseil privé, que j'ai appris à connaître assez bien depuis trois ans et demi, je dirai que je trouve les accusations portées contre lui tout à fait incompatibles avec la personne qu'il est. Michael Wernick a fait d'énormes sacrifices familiaux et personnels pour continuer de servir les Canadiens, et je ne peux tout simplement pas imaginer une situation où il ferait les choses qu'on prétend qu'il a faites. Je trouve cela d'autant moins plausible que je suis censé moi-même avoir fait des choses que je sais n'avoir pas faites.
    Je crois toujours, Gerry, que votre témoignage pourrait être compatible avec celui de Jody Wilson-Raybould dans la mesure où vous avez été extrêmement accaparé par d'autres événements à l'extérieur de la ville pendant quatre semaines et que vous auriez pu oublier des choses, mais je ne trouve pas de contradictions du genre « il a dit, elle a dit ».
    J'en viens maintenant à Frank Iacobucci, qui est décrit comme n'ayant pas froid aux yeux dans la rencontre en tête à tête que l'ancienne procureure générale a eue avec le greffier. Au cours de la même période où SNC-Lavalin exerçait de fortes pressions, le Cabinet du premier ministre retenait les services de M. Iacobucci — qui, bien sûr, est un ancien juge distingué de la Cour suprême — pour s'occuper des consultations avec les Autochtones dans l'affaire de Kinder Morgan.
    Cela vous a-t-il amené à avoir des conversations avec l'avocat de SNC-Lavalin au sujet des menaces de la société de quitter le pays?
     Non, je n'ai jamais eu de conversation avec le juge Iacobucci au sujet de SNC-Lavalin.
    Puis-je alors vous demander si vous avez cherché des preuves indépendantes que des emplois étaient menacés? Tout cela tourne autour de menaces qui pèseraient sur les emplois, mais d'après ses états financiers vérifiés de 2018, SNC-Lavalin a actuellement pour 15 milliards de dollars de commandes en suspens. Sa situation financière est très sûre, avec des revenus bruts de 10 milliards de dollars.
    Y a-t-il des preuves que des emplois allaient être en jeu si on laissait l'affaire aller devant les tribunaux et qu'on laissait le directeur indépendant des poursuites pénales et la procureure générale faire leur travail?
    C'est la dernière question.
    C'est dommage.
    C'est ce que j'ai compris des séances d'information du ministère des Finances, mais je dois dire que cela fait longtemps. Je ne me souviens de rien de précis.

[Français]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Plamondon.

[Traduction]

    Sincèrement, je ne me souviens pas, je suis incapable de citer la moindre étude précise faite à une date précise par une personne en particulier. J'ai été informé à de multiples reprises à ce sujet.
    Merci beaucoup de cette précision.

[Français]

    Monsieur Plamondon, vous avez la parole.
    Je vais vous permettre d'apprécier l'interprétation que nous avons à la Chambre des communes.
    Si je comprends bien, c'est après 12 jours seulement, c'est-à-dire au début de septembre, le 16 septembre, que la ministre a pris la décision de ne pas utiliser cette nouvelle loi sur les accords de poursuite suspendue.
    À quel moment avez-vous eu, au bureau du premier ministre, la certitude qu'elle ne changerait pas d'idée ou, d'abord, qu'elle avait pris cette décision? À quel moment avez-vous été informés qu'elle avait pris la décision de ne pas se servir de la loi, mais bien de laisser aller la poursuite?

  (1220)  

[Traduction]

    C'est un point central de mon témoignage que la procureure générale ne pouvait pas en venir à une décision finale avant qu'un verdict soit rendu, alors je n'ai jamais su, jusqu'à son témoignage de la semaine dernière, qu'elle considérait avoir pris sa décision finale le 16 septembre.

[Français]

    Le 5 décembre, lors de votre dîner, est-ce elle qui a soulevé la question à la fin du repas ou est-ce vous? C'est elle qui a soulevé la question?

[Traduction]

    Oui, c'est exact.

[Français]

    Elle l'a soulevée même si, à ce moment-là, dans sa tête, sa décision définitive était déjà prise depuis le mois de septembre.

[Traduction]

    Je ne sais trop comment l'expliquer, parce que, comme je l'ai dit à quelques reprises, je ne crois pas que ce soit le cas.

[Français]

    Est-ce que les deux ministres démissionnaires ont voté en faveur du projet de loi, il y a un an, qui allait permettre ces fameux accords?

[Traduction]

    Je n'en suis pas certain.

[Français]

    Au Conseil des ministres, il y a sûrement eu des discussions sur ce projet de loi. Était-ce unanime?

[Traduction]

    Je crois, monsieur le président, que c'est hors du sujet, parce que la question a été soumise au Cabinet le printemps dernier. Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus.

[Français]

    J'ai une dernière question.
    Ce projet de loi permet à la ministre ou au ministre en poste d'intervenir et d'aller vers une entente plutôt que vers une poursuite. Jusqu'à quand est-ce que la ou le ministre peut intervenir? Est-il vrai que c'est jusqu'au moment de la décision du juge, jusqu'à ce que le jugement soit rendu, que la ou le ministre peut intervenir pour conclure une entente hors cour? Est-ce bien cela? Donc, c'est encore possible?

[Traduction]

    Oui, je crois que c'est toujours le cas. D'après ce que j'ai compris des séances d'information que j'ai eues à l'époque, une intervention serait toujours possible tant qu'un jugement n'est pas rendu.
    À propos du concept des accords de réparation, il importe de savoir d'où cela vient au départ. Comme il est beaucoup question de compétitivité par ici, on essayait d'harmoniser la politique économique du Canada avec celle de nombreux pays concurrents qui avaient déjà cet instrument à leur disposition.
    Il y a eu un débat rigoureux à ce sujet — comme il y en a toujours eu sur la plupart des sujets —, avec des gens dans les deux camps, mais au bout du compte, le Cabinet a décidé en collégialité qu'il valait la peine d'adopter cette politique dans l'intérêt économique du pays.
    Si je peux ajouter quelque chose au sujet des accords de poursuite suspendue, je pense qu'on les a très mal décrits en disant que c'était des cartes de sortie de prison. En réalité, l'APS est un instrument de réforme approuvé par les tribunaux pour une entreprise qui a commis des actes très graves. Son but — et c'est vraiment important — est de protéger les gens qui n'ont rien à voir avec ces actes contre les torts que pourrait leur causer la loi.

[Français]

    J'ai une dernière petite question...
    Malheureusement, monsieur Plamondon, vous êtes rendu à quatre minutes et demie. Excusez-moi.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Weir.
    Monsieur Weir, en passant, j'ai vérifié et il est vrai que votre question à notre dernière réunion était la première de la FCC à une réunion de comité en 60 années au Parlement canadien, alors c'était tout à fait historique.
    Eh bien, merci encore une fois de m'en avoir donné l'occasion.
    Merci, monsieur Butts, de votre témoignage éloquent et instructif.
    Pour revenir aux accords de poursuite suspendue, Mme Wilson-Raybould nous a dit la semaine dernière qu'il était clair, en vertu de la loi, que SNC-Lavalin n'était pas admissible à un tel accord et que, par conséquent, les efforts déployés en faveur de cette option étaient inappropriés.
    Il est évident, je pense, que vous et bien d'autres personnes avez cru que SNC-Lavalin pouvait y être admissible. Je comprends que vous n'êtes pas avocat, je ne le suis pas non plus, mais je me demande si vous pouvez nous éclairer davantage sur l'admissibilité de l'entreprise à ce type de recours.

  (1225)  

    Je crains, monsieur Weir, de ne pas pouvoir vous éclairer sur cette question juridique.
    D'accord.
    Cela semble pourtant être au cœur de tout malentendu ou désaccord...
    Bien, le coeur de l'affaire, en tout respect — désolé, je ne voulais pas vous interrompre —, c'est que la loi n'est vraiment pas claire parce qu'elle est toute nouvelle, et comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je crois comprendre que c'est le premier cas où elle pourrait être appliquée.
    Aborder ces choses comme s'il s'agissait de questions de droit établi, même si je ne suis pas avocat, encore une fois, c'est un peu à mes yeux mal interpréter l'état de la politique, qui est vraiment nouvelle et qui n'a jamais été appliquée.
    Nous pensions que plus il y aurait de réflexion, de conseils et de démarches et que plus il y aurait de transparence dans le processus décisionnel, mieux ce serait pour nous tous. Nous étions en terrain vierge ici et nous voulions nous assurer de tirer toutes les leçons et toute la sagesse possible et d'aller chercher tous les conseils possibles.
    Merci de tous vos éclaircissements sur le remaniement ministériel de janvier.
    Avec le recul, pensez-vous que c'était une erreur de déplacer Mme Wilson-Raybould?
    Je n'aime pas réinterpréter des événements après coup. Je pense que le gouvernement a été mis dans une position très difficile, que le premier ministre en particulier a été mis dans une position très difficile.
    Je pense qu'il n'y avait pas de malveillance envers qui que ce soit, et surtout pas de malveillance personnelle envers qui que ce soit.
    Le premier ministre a pris, je crois, une décision éclairée au sujet du remaniement ministériel, et si tout le monde dans l'équipe avait fait ce que le premier ministre demandait, nous ne serions pas ici pour en parler aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rankin, seriez-vous d'accord pour que nous libérions le témoin avant de passer à la motion?
    C'est bon.
    D'accord.
    Monsieur Butts...
    Monsieur le président, avant de partir, je tiens à dire que c'était un véritable honneur d'être ici. J'ai beaucoup d'estime pour le travail que vous faites, dans tous les partis, et j'espère que mon témoignage aura contribué à un véritable débat d'intérêt public.
    Je vous remercie tous de votre temps et de votre amitié. Merci.
    À mon tour, je vous remercie beaucoup. Je trouve votre témoignage très utile. Votre point de vue nous éclaire beaucoup dans nos travaux, alors merci beaucoup, monsieur Butts.
    Je suspends la séance une minute pour que tout le monde puisse serrer la main de M. Butts, puis nous reprendrons.

  (1225)  


  (1230)  

    Chers collègues, puis-je demander à tout le monde de regagner sa place?
    M. Rankin a une motion à présenter.
    Merci, monsieur le président.
    Ma motion est simple. Il y a aussi trois raisons qui la motivent et que j'aimerais vous exposer.
    Tout d'abord, la motion propose que le Comité de la justice rappelle l'honorable Jody Wilson-Raybould pour qu'elle témoigne le plus tôt possible.
    J'ai trois raisons de la soumettre, monsieur le président.
    Premièrement, les libéraux ont rejeté plus tôt aujourd'hui nos demandes d'accès à des courriels et à des documents pertinents.
    Deuxièmement, Mme Wilson-Raybould a interprété, à tort ou à raison, que le décret l'autorisant à témoigner lui interdisait d'aborder les événements survenus après son renvoi du poste de procureure générale le 14 janvier 2018.
    La troisième raison, peut-être la plus importante, est qu'il y a une contradiction flagrante dans les témoignages, ce que tous les Canadiens sont à même de constater aujourd'hui. Nous avons dit que les faits sont têtus. Eh bien, aux fins du compte rendu, je crois que Jody Wilson-Raybould et moi-même croyons qu'il faut aller au fond des choses pour le bien des Canadiens.
    Pour ces trois raisons, je pense qu'il est impératif de lui demander de revenir le plus tôt possible.
     Merci beaucoup, monsieur Rankin.
    Qui d’autre souhaite intervenir? Je vois M. Fraser et Mme Raitt.
     Monsieur le président, je comprends ce que dit M. Rankin, comme d’habitude, mais j’aimerais faire quelques observations.
    Tout d’abord, lorsque Mme Wilson-Raybould a comparu devant notre comité, je signale qu’elle a été invitée à déposer les documents dont elle parlait expressément dans son témoignage, et elle a dit qu’elle allait prendre cela en délibéré.
    Non, c’était M. Butts, monsieur le président.
    Non. Je parle des documents qu'elle avait mentionnés dans son témoignage.
    En ce qui concerne les témoins supplémentaires, il y en aura cet après-midi, évidemment, dont les témoignages seront importants.
    Dans la motion qui nous réunit aujourd’hui, il est établi que la prochaine réunion du Comité aura pour objet de discuter des prochaines étapes et de décider de la suite des choses. Je crois qu’il serait bon de procéder de cette façon: entendre les témoins cet après-midi, puis nous réunir de nouveau pour nous pencher sur tous les témoignages entendus et discuter des prochaines étapes. Je n’appuierai pas la motion.
    Merci.
    C’est au tour de M. Cooper, puis de Mme Raitt.
    Mme Raitt peut y aller.
    Monsieur le président, je vais appuyer la motion, et je vais vous dire pourquoi.
    Je suis très troublée par le témoignage de M. Butts en réponse à des questions visant à savoir si, oui ou non, le personnel du Cabinet du premier ministre a bien pris les mesures dont Jody Wilson-Raybould nous a fait part. Il a dit qu’il ne pouvait imaginer aucun des acteurs — M. Marques, M. Bouchard ou le greffier, M. Wernick — en train de faire ces choses, et qu’il trouvait cela très improbable.
    Si c’est le cas, alors Jody Wilson-Raybould n’a pas dit la vérité au Comité et elle doit être contre-interrogée à ce sujet. Si le témoignage de M. Butts implique qu'elle avait tort, alors nous devons la ramener et nous assurer d'obtenir la vérité pour le bien des Canadiens, parce que ce n’est pas le cas à l’heure actuelle. Nous avons deux histoires contradictoires qui dépendent de la crédibilité...
    Je vais garder l’esprit ouvert et j’aimerais la réentendre, parce que le témoin a dit très clairement qu’il ne pouvait pas imaginer, connaissant les personnes en question, qu’elles pourraient un jour prendre les mesures graves dont Jody Wilson-Raybould les a accusées.
    C’est au tour de M. Cooper.
    Merci, monsieur le président.
     J’aimerais simplement répéter qu’à la lumière du témoignage de M. Butts, on voit sur plusieurs points une contradiction directe avec le témoignage de Mme Wilson-Raybould.
    J'avoue que j’ai été un peu frappé de constater que, dans certains cas, M. Butts avait un souvenir très précis des événements, et que dans d'autres, c'était plutôt flou. Il m'a semblé que sa mémoire était un peu sélective. Il m'apparaît presque impossible qu'il ne se souvienne pas que Jody Wilson-Raybould ait dit le 5 décembre:
Vers la fin de la réunion, au Château Laurier, j’ai insisté pour que tout le monde arrête de me parler de SNC, parce que j’avais pris ma décision et que ces intrusions étaient inappropriées.
    M. Butts a dit qu’il ne se rappelait pas s’il avait été informé par le premier ministre ou par le greffier du Conseil privé, mais en tout cas, il a été informé après la réunion du 17 septembre, au sujet de laquelle Jody Wilson-Raybould a dit ce qui suit devant notre comité:
J’ai été très surprise. Ma réponse — et je m’en souviens très bien — a été de poser une question directe au premier ministre, tout en le regardant droit dans les yeux. Je lui ai demandé: « Êtes-vous en train de vous ingérer politiquement dans mon rôle, dans ma décision de procureure générale? Je vous conseille fortement de ne pas le faire. »
    J'ai un peu de mal à imaginer que si cela avait été le cas, ce n’aurait pas été porté à l’attention de M. Butts. Par souci d’équité et au nom de la vérité, quelle qu'elle soit, il est donc absolument essentiel que Mme Wilson-Raybould puisse revenir nous parler et être contre-interrogée. Elle devrait pouvoir parler des sujets qu’elle a clairement et maintes fois jugés pertinents, c’est-à-dire les événements qui se sont produits après son renvoi du poste de procureure générale et pendant qu'elle restait ministre des Anciens Combattants, y compris les échanges qu’elle a eus jusqu'au moment de son renvoi, ceux qu’elle a eus immédiatement après son renvoi et son exposé au Cabinet à la suite de sa démission.

  (1235)  

     Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Rankin.
    Je tiens à dire à M. Fraser en particulier que je comprends son intervention.
    L’objet de notre règle habituelle d'entendre les témoins à huis clos est que nous ne voulons pas que les Canadiens voient en faveur de qui nous penchons. Ce pourrait être embarrassant et ainsi de suite. C’est le but de cette pratique, comme je le comprends. Or, cela ne s'applique pas ici. Nous avons ici une situation où les Canadiens ont entendu pendant quatre heures et demie le témoignage d'une personne que nous voulons simplement convoquer à nouveau. Je ne vois rien d’inconvenant à ce que nous prenions une décision aujourd’hui dans ces circonstances.
    Je demande que la motion soit mise aux voix.
    Absolument. Je veux m’assurer que personne d’autre ne souhaite prendre la parole.
    Je vois une demande de Mme May.
    Chers collègues, sommes-nous d’accord pour que Mme May prenne la parole?
    Des députés: D'accord.
    Je remercie mes collègues de faire preuve de souplesse.
    Si je pouvais voter là-dessus, je demanderais à Jody Wilson-Raybould de revenir pour répondre au témoignage de M. Butts.
    Merci beaucoup, madame May.
    Nous mettons aux voix la motion de M. Rankin.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    Je rappelle à tous que nous avons une autre réunion à 14 heures, et je suis sûr que bon nombre d’entre vous veulent s'y préparer.
    J'invoque le Règlement.
    Monsieur le président, je suis juste curieuse. Pouvez-vous me rappeler comment il se fait que le greffier du Conseil privé et la sous-ministre de la Justice reviennent pour réfuter une deuxième fois le témoignage de Jody Wilson-Raybould? Est-ce qu'ils nous l'ont demandé? Avons-nous voté là-dessus? Pouvez-vous nous rappeler exactement comment ils se retrouvent à l’horaire de l’après-midi pour une deuxième fois?
    Ce serait un excellent contexte pour que les Canadiens comprennent exactement pourquoi Jody Wilson-Raybould n'est pas autorisée à revenir.
    Certainement, madame Raitt. Avec plaisir.
    Une motion a été présentée au Comité voulant qu'à la suite du témoignage de Jody Wilson-Raybould, le Comité se réunisse pour envisager les prochaines étapes. Lors d'une réunion suivante, le Comité a convenu de convoquer M. Wernick, Mme Drouin et M. Butts. La même motion disait qu'une fois ces témoignages terminés, on se réunirait pour envisager les prochaines étapes. C’est là que nous en sommes maintenant.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Raitt.
    Chers collègues, je vous revois tous à 14 heures.
    La séance est levée.
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