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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 février 2017

[Enregistrement électronique]

  (1520)  

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs. Bienvenu à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Nous procédons à l'étude de l'accès en matière de justice et nous nous penchons sur les détails de l'aide juridique. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux groupes et un témoin qui intervient à titre individuel. Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins.
    C'est avec plaisir que j'accueille Mitchell Goldberg, le président de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.

[Français]

    Nous recevons aussi Me Stéphanie Valois, qui est membre exécutif.
    C'est un grand plaisir de vous avoir ici.
    À titre personnel, M. Paul Faribault viendra aussi témoigner.
    Bonjour, monsieur Faribault. C'est avec plaisir que nous vous accueillons à ce comité.

[Traduction]

    Intervenant à titre individuel, Me Aneurin Thomas, le directeur exécutif de la Commission du droit de l'Ontario.
    Maître Thomas, nous sommes enchantés de vous avoir parmi nous aussi.
    Nous nous sommes entendus pour donner la parole en premier à l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.
    Maître Goldberg et Maìtre Valois, c'est à vous.
    L'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés —ou l'ACCADR pour simplifier — compte environ 350 membres, des avocats, des juristes et des étudiants en droit, réparis dans l'ensemble du Canada. Elle a des chapitres dans p^lusieurs universités d'un océan à l'autre.
    Nous mettons l'accent sur la protection des réfugiés et les droits humains des migrants. Depuis notre création, nous sommes très actifs aux tribunaux et dans les efforts de défense auprès du gouvernement.
    Je veux insister sur la différence grave et énorme dans les tarifs de l'aide juridique pour les réfugiés entre l'Ontario et le Québec. Maître Valois parlera de la situation au Québec. Je vais m'en tenir à celle en Ontario.
    L'idée générale dans tout cela, c'est que l'immense différence dans les tarifs de l'aide juridique entre le Québec et l'Ontario a des répercussions énormes sur la qualité de la représentation. Je crois que le tarif imposé aux revendicateurs du statut de réfugié au Québec correspond au tiers de ce qu'il est en Ontario. Nous vous résumerons l'incidence que cela a eu.
    Aide juridique Ontario, par exemple, a un fonds pour les causes types qui a servi à financer les causes créant un précédent. L'argent de ce fonds des causes types de l'aide juridique a été utilisé pour financer bien des grandes contestations constitutionnelles dans le domaine du droit de l'immigration et des réfugiés. Ce mécanisme a été absolument indispensable, car il nous a permis de participer à des cas complexes comme des cas où des avocats travaillant aux tarifs de l'aide juridique ne pouvaient possiblement espérer préparer une constestation réussie, des cas nécessitant des affidavits d'experts et un volume de recherche impressionnant.
    Par exemple, il y a ce qu'on connaît comme étant le « cas des médecins » dans le cadre duquel nous avons contesté les compressions draconiennes effectuées par le govuernement précédent dans les soins de santé pour les réfugiés et les revendicateurs du statut de réfugié. Cette contestation réussie a été financée en grande partie par le fonds des cas types d'Aide juridique Ontario.
    Le Bureau du droit des réfugiés, en particulier, dont le siège social est à Toronto ... Comme Montréalais, c'est douloureux pour moi de devoir dire quelque chose de positif à propos de Toronto, mais je surmonterai mon...
    Je comprends tout à fait.
    Des voix: Oh, oh!
    Monsieur le président, vous comprendrez également, et j'espère que Me Valois ne rapporte à personne à Montréal ce que je dis, mais il faut dire que c'est le Bureau du droit des réfugiés de Toronto qui établit la norme. Il doit composer avec des luttes et des limites budgétaires, lui aussi, mais il est l'épine dorsale de chaque grande intervention juridique, que ce soit à la Cour suprême, à la Cour fédérale ou à la Cour fédérale d'appel.
    Il a joué un rôle essentiel en fournissant conseils et expertise ayant permis à mon groupe et à d'autres groupes de mener avec succès des contestations constitutionnelles qui ont eu une incidence sur la vie de milliers de revendicateurs du statut de réfugié, des milliers de personnes vulnérables. Il a aussi permis d'établir des normes plus efficaces et cohérentes pour appliquer le droit des réfugiés au Canada. Nous pouvons donner beaucoup d'exemples si vous avez des questions à ce sujet.
    Le juge en chef de la Cour fédérale m'a autorisé à vous dire aujourd'hui que la Cour fédérale a aussi constaté une incidence importante sur les tarifs différentiels de l'aide juridique. Nous en avons discuté avec le juge en chef et quand je dis « nous », je veux dire le Barreau du Québec, car je siège aussi au comité de l'immigration du Barreau du Québec. Nous avons discuté de l'incidence avec le juge en chef.
    Au fil des années, je peux vous assurer que bien des juges de la Cour fédérale ont dit à beaucoup d'entre nous qu'ils constatent une grande différence dans la qualité de la représentation qui est attribuable dans une large mesure, selon nous tous, au fait que les avocats québécois s'efforcent de travailler à des tarifs considérablement inférieurs à ceux que reçoivent nos collègues ontariens.
    On dit qu'on en a pour son argent, et dans une optique objective, le juge en chef m'a parlé d'une étude menée par un universitaire de l'Université de Toronto indiquant que la proportion des cas admis est beaucoup moins élevée au Québec. Par « proportion des cas admis », j'entends le fait de devoir demander à la Cour fédérale l'autorisation de tenir une audience quand ont veut en appeler d'une décision concernant un réfugié. Au cours des années, nous avons pu documenter le fait que le taux de réussite au Québec est inférieur, et de beuacoup, à celui en Ontario.
    Je cède maintenant la parole à ma collègue, Me Stéphanie Valois.

  (1525)  

[Français]

    J'aimerais souligner au Comité que l'aide juridique est une donnée essentielle et importante en droit des réfugiés. C'est un domaine de droit très particulier. Les demandeurs d'asile ont souvent droit à l'aide juridique, pour des raisons que vous pouvez clairement imaginer. En arrivant au pays, ils n'ont pas d'argent pour payer les services d'un avocat.
    La très grande majorité des avocats que nous représentons acceptent de prendre des dossiers provenant de l'aide juridique, parce qu'ils veulent faire du droit des réfugiés et que c'est le domaine qui les intéresse.
    Il faut comprendre quel genre de clients nous avons dans nos bureaux. Il est facile de parler du droit des réfugiés, mais il faut savoir que les droits qu'il faut défendre, quand une personne se présente dans nos bureaux, sont des droits essentiels, par exemple le droit à la vie, le droit de ne pas être violé, le droit de vivre correctement.
    La réalité de l'avocat en droit des réfugiés, c'est qu'il doit présenter le dossier de son client dans les 15 jours suivant l'arrivée de ce dernier. Il doit ensuite présenter le dossier à un commissaire dans le cadre d'une audience, lequel va décider du sort de la personne en cause dans les 30 à 60 jours. C'est extrêmement rapide et le travail doit être fait avec une grande compétence.
    Nous devons établir un lien de confiance avec nos clients, parce qu'ils doivent tout nous raconter, dont des choses extrêmement difficiles à exprimer. Nous devons prendre le temps d'établir un lien de confiance avec nos clients et de connaître la réalité du pays d'où ils viennent.
    Quand nous présentons un dossier à la CISR, il faut savoir ce qui se passe dans le pays de notre client. Si nous représentons, par exemple, un client du Yémen, pays dont la situation change constamment, il faut se mettre au courant. Il faut connaître les différentes tribus et prendre le temps de connaître le client et sa réalité, ainsi que le droit, bien sûr.
    Toute cette réalité ne s'accorde pas avec un travail au volume, mais c'est ce que nous sommes obligés de faire, malheureusement, pour pouvoir survivre et payer notre hypothèque. En même temps, je ne pense pas que nous devrions avoir à faire face à une telle réalité. Les avocats ne devraient pas avoir à choisir de ne pas représenter des demandeurs d'asile parce qu'ils ne peuvent pas être payés adéquatement pour leur travail.
    Partout au Canada, le droit d'asile est un droit fédéral. Ce droit est administré par le gouvernement fédéral, et non par les gouvernements provinciaux. Or, il y a des inégalités d'une province à l'autre. Certaines provinces n'offrent pas d'aide juridique, et les trois principales provinces, c'est-à-dire l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec, présentent de très grandes variations de tarifs.
    Quand il y a des dossiers difficiles ou importants qui arrivent, un client peut avoir de la difficulté à trouver un avocat qui va accepter de le représenter. On peut être tenté de lui demander de déménager en Ontario pour y trouver un avocat. Pour nous, c'est extrêmement difficile de dire cela, parce que les avocats du Québec sont compétents dans ce domaine, mais nous ne pouvons pas tout faire. Il n'est pas question ici de bénévolat, mais d'un travail qui est extrêmement important.
    Je suis disposée à répondre aux questions, si nécessaire.
    Merci beaucoup. C'était très informatif.
    Nous allons maintenant passer à vous, monsieur Faribault.
    Merci aux membres du Comité de m'avoir invité.
    Je vais me présenter sommairement. J'ai travaillé pendant 37 ans comme avocat permanent de l'aide juridique, donc comme salarié. J'ai pratiqué dans la région de Joliette et dans la région de l'Estrie, donc essentiellement au Québec.
    Environ la moitié de ma pratique a porté sur le droit social, environ le tiers sur le droit de la famille et le reste sur le droit civil général. J'ai aussi travaillé souvent avec des groupes communautaires de défense des droits sociaux et de protection du consommateur.
    De plus, j'ai été président de la Fédération des avocates et avocats de l'aide juridique du Québec. À ce titre, en plus de négocier les conventions collectives des avocats de l'aide juridique, j'ai été impliqué dans des coalitions visant à défendre le réseau de l'aide juridique face à des menaces et à des coupes. J'ai également réclamé des hausses des seuils d'admissibilité. Pendant de nombreuses années, ces seuils ont été très bas au Québec et ils n'ont pas augmenté. Il y a à peu près un an, ils ont été augmentés pour rejoindre le niveau du salaire minimum. C'est donc encore minimal.
    J'aimerais prendre quelques instants pour vous parler de l'aide juridique au Québec. Vous avez entendu mes collègues parler d'un des volets de l'aide juridique au Québec. Lorsque le régime de l'aide juridique a été instauré au Québec, le choix a été d'avoir des avocats permanents un peu partout sur le territoire et de garantir que le client admissible pouvait choisir d'être représenté par un de ces avocats permanents ou par un avocat de pratique privée. Dans ce dernier cas, l'avocat acceptait d'être rémunéré aux tarifs de l'aide juridique, qui sont très bas quand on les compare avec ceux de l'Ontario. Quand on compare le Québec avec l'Ontario, il faut aussi dire que, avec à peu près la moitié du budget ontarien, le régime québécois traite à peu près le double de demandes. À ce compte, évidemment, il y a un prix à payer par rapport aux choix qui ont été faits. Je trouve important de mettre cela en perspective.
    L'idée derrière le fait d'avoir des avocats permanents, c'était d'acquérir une expertise dans ce qu'on appelait, au moment où cela a commencé, le droit de la pauvreté. De fait, on reconnaissait qu'il y avait des besoins juridiques propres aux personnes pauvres et démunies et qu'il fallait acquérir une expertise dans ces problèmes et ces approches. Effectivement, ce sont les caractéristiques générales du réseau de l'aide juridique québécois.
    Quel bilan peut-on en faire, maintenant? Le régime québécois est généralement considéré par les observateurs canadiens comme étant un régime qui a une bonne couverture, comparativement à celui de plusieurs autres provinces. Il est en quelque sorte considéré comme efficace, alors qu'il opère à un coût raisonnable.
    Il faut également noter que l'idée de la concurrence entre les avocats permanents et les avocats privés a permis de ralentir un peu la bureaucratisation de la permanence, bien que cela ne l'ait pas complètement éliminée. De fait, si le client peut aller au bureau de pratique privée d'en face plutôt qu'au vôtre, vous avez intérêt à fournir de bons services.
    Ce qu'il faut aussi constater, c'est que les administrateurs du régime de l'aide juridique québécois ont malheureusement évalué le travail des avocats uniquement en fonction du volume de dossiers qui était traité. On a donc favorisé une pratique de masse, plutôt que les contestations de principe ainsi que les cas plus lourds et plus difficiles.

  (1530)  

    Le système n'est pas très amical pour les avocats qui veulent faire ce genre de travail. Néanmoins, dans l'ensemble, le bilan est quand même positif et il y a peut-être de quoi inspirer les autres provinces à cet égard.
    J'ai voulu aussi vous faire part de quelques constatations tirées de mon expérience personnelle et qui représentent, selon moi, les idéaux que devraient avoir les systèmes d'aide juridique du Canada.
    La première constatation est que le droit n'est pas neutre. Aux étudiants en droit à l'université, on dit que c'est l'émanation de la justice immanente, et ainsi de suite. Or, la réalité des choses est tout autre. Cela reflète aussi le rapport de forces dans la société. Quand vous êtes pauvre et vulnérable, les lois ne sont pas faites pour vous. Les avocats qui représentent les personnes pauvres doivent aller au-delà du travail normal d'un avocat, selon moi. Il faut convaincre le juge de voir le droit d'une nouvelle façon et de changer la jurisprudence. Il faut de l'imagination et ce que j'appelle la capacité d'indignation, c'est-à-dire que lorsqu'on est face à une situation inacceptable, il faut trouver un moyen de soulever cela devant le tribunal et de convaincre le juge. Cela marche parfois, mais pas toujours. Cependant, il faut le faire, et relever ce genre de défi doit être un des rôles de l'aide juridique.
    La deuxième constatation est que, lorsqu'on est pauvre, on vit essentiellement une absence de pouvoir sur sa propre vie. En effet, les autres décident toujours pour soi, en fin de compte. Il faut donc que les avocats qui s'occupent de dossiers d'aide juridique apprennent à travailler avec les gens plutôt que pour les gens. Les avocats ont souvent tendance à vouloir rassurer les gens en leur disant qu'ils vont s'occuper de tout, mais cela ne favorise pas la prise de contrôle de sa destinée. Il faut être conscient de cela.
    Finalement, les dossiers individuels, les procès et même les causes dont la solution fait jurisprudence, tout cela fait avancer un peu les choses. Cependant, ce qui fait vraiment avancer les choses, c'est le travail que les avocats et les réseaux d'aide juridique font avec les groupes communautaires sur le plan des revendications pour que des changements nous amènent à une société plus juste et plus équitable.
    Je vous remercie. Nous aurons probablement l'occasion d'en discuter lorsque vous poserez vos questions.

  (1535)  

    Merci beaucoup, monsieur Faribault.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Thomas.
    Monsieur Thomas, c'est à vous.
    En mon nom et en celui de la Commission du droit de l'Ontario, je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de prendre la parole à propos de cette question importante. Question de contexte, la Commission du droit de l'Ontario est un organisme ontarien indépendant qui oeuvre à faire progresser la réforme du droit et à promouvoir l'accès à la justice. Certains d'entre vous peuvent avoir entendu parler de l'organisation précédente, la Commission de réforme du droit de l'Ontario. L'équivalent fédéral qui s'en rapprocherait le plus serait la Commission de la réforme du droit du Canada.
    Je suis le directeur exécutif de l'organisation. Dans une vie antérieure, j'ai rédigé des politiques à Aide juridique Ontario pendant longtemps; j'interviens donc dans une perspective de réforme du droit et de fournisseur de services.
    En guise d'Introduction, j'aimerais adopter les mémoires soumis par d'autres organisations, comme l'Association du Barreau canadien, au sujet de la nécessité de mieux financer l'aide juridique et de faciliter l'accès à la justice, de la nécessité d'établir des repères nationaux pour mesurer l'évolution de ce financement et enfin de faire de l'accès à la justice une priorité nationale importante.
    En fait, je ne veux pas aborder ces questions. D'autres témoins l'ont fait de façon assez réfléchie, et je n'ai rien à ajouter à leurs propos. Je peux répondre à des questions en la matière, mais ce n'est pas ce dont je veux parler. Je veux attirer votre attention sur ce qui, à mon avis, constitue les composantes supplémentaires, les autres pièces, de ce qui serait une stratégie globale en matière d'aide juridique ou d'une stratégie nationale d'accès en matière de justice. J'estime que le financement, les repères et l'aide juridique comme priorité nationale importante sont certes des composantes nécessaires, mais insuffisantes, d'une stratégie nationale. Je pense aussi que le comité ne devrait pas perdre de vue cinq ou six choses s'il envisage de recommander ou de mettre au point une stratégie du genre.
    Premièrement, je crois qu'il faudrait reconnaître, dans une stratégie nationale, qu'il y a une crise nationale dans le domaine de l'accès à la justice et que cette crise a bien des facettes. Il y a une crise dans le domaine du droit criminel, du droit de la famille et du droit en lien avec la pauvreté et dans le système de justice civil. Il y a bien des points communs au chapitre des besoins et services juridiques et des programmes d'aide juridique dans ces domaines, mais ils ne sont pas tous les mêmes. Il importe qu'une stratégie nationale regroupe les repères nationaux, par exemple, en reconnaissant que les priorités locales et les services locaux doivent être définis à l'échelle locale, régionale ou provinciale. Elle doit concilier la perspective nationale et la perspective régionale ou provinciale.
    Deuxièmement, je suis d'avis qu'il importe de mieux reconnaître le fait qu'au cours des dernières années, l'élaboration de politiques sur l'accès à la justice et l'aide juridique a beaucoup progressé. En fait, en ce qui concerne le droit civil ou de la famille, nous avons presque un plan directeur ou un plan. Il s'agit, bien entendu, du rapport de 2013 du comité canadien d'action, le rapport Cromwell, dans lequel bien de bonnes idées et recommandations sur la façon de régler la crise de l'accès à la justice du côté du droit civil et de la famille sont énoncées. Je ne pense pas que le rapport en question est complet ou parfait, mais c'est un bon départ. Je vous mets en garde contre toute recommandation de refaire le travail qui a déjà été fait. Nous avançons à grand pas dans la définition de ce qui pourrait faire partie de cette stratégie nationale et je suis d'avis que nous ne devons pas consacrer temps et ressources pour refaire le travail réfléchi auquel ont participé beaucoup d'intervenants.
    Troisièmement, outre le rapport Cromwell et d'autres initiatives, nous avons presque dégagé un consensus national sur ce que les éléments de l'aide juridique devraient être et sur les services qui devraient être offerts pour que le programme d'aide juridique soit sain et bien efficace. On en parle parfois comme étant les services de base, les services essentiels ou les services fondamentaux. Il y a diverses façons de décrire le concept, mais il englobe vraiment certains éléments et domaines du droit différents. Il y a le droit criminel, le droit de la famille, le droit de la protection de l'enfant, le droit en lien avec la pauvreté et le droit de l'immigration et des réfugiés. On reconnaît que l'aide juridique devrait cibler les populations à faible revenu. On reconnaît aussi que les services et priorités en matière d'aide juridique doivent tenir compte des besoins des groupes vulnérables, qu'il s'agisse de groupes racialisés, de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie ou de peuples autochtones. Il est de notoriété publique que les programmes et priorités en matière d'aide juridique doivent s'adresser aux clients les plus vulnérables.

  (1540)  

    Quand on parle de voeux pieux pour l'aide juridique et l'accès à la justice, il s'agit vraiment de voeux pieux. On parle de la constellation de services et de priorités qui intéressent les gens. La question du financement soulève certes des débats dans la sphère de l'aide juridique et dans celle de l'accès à la justice, mais il y a aussi des débats sur la question à savoir s'il faut privilégier le droit criminel par rapport au droit de la famille, le droit en lien avec la pauvreté par rapport au droit criminel. On ne s'obstine pas sur les objectifs généraux d'un système vraiment efficace. Des choix difficiles s'imposent entre ces divers systèmes.
    À titre d'information, je vous dirai que les limites d'un bon programme d'aide juridique font aussi, je pense, l'objet d'un consensus. À ma connaissance, personne ne laisse entendre que l'aide juridique devrait s'occuper de litiges en assurances, par exemple, ou que les ressources de l'aide juridique devraient être utilisées pour financer un voisin qui poursuit son voisin dans le cadre d'une quelconque poursuite au civil. Il y a un genre de consensus sur l'idée que les services à offrir devraient être ceux que j'ai énumérés.
    J'ajouterai qu'il s'agit d'un consensus assez international dans le monde anglo-américain. Le discours est semblable en Angleterre, aux États-Unis, en Ausralie e en Nouvelle-Zélande. Ces services correspondent vraiment aux services d'aide juridique et aux objectifs de l'accès à la justice dont les gens parlent dans ces instances aussi.
    Le quatrième point que je veux soulever auprès de vous peut sembler évident, mais il vaut la peine de le répéter, car je pense qu'il est d'une importance cruciale. Toute stratégie nationale en matière d'aide juridique devrait reconnaître que ce sont les besoins du client qui sous-tendent le système, et non les besoins institutionnels ou les intérêts professionnels des avocats ou des fournisseurs de services. C'est essentiel. Le monde de l'aide juridique et de l'accès à la justice en débat depuis un certain temps déjà. Il faut que les besoins du client soient la pierre de touche en fonction de laquelle nous établissons toutes les priorités du programme, notamment les services et le financement. Il ne s'agit pas d'Un moyern de subsistance pour les avocats. Il ne s'agit pas de garantir que les gens s'enrichissent en faisant ce travail. C'est à propos de la façon dont nous utilisons les deniers publics pour voir à ce que les clients soient adéquatement servis.
    Cela étant dit, à ma connaissance, les intérêts des avocats et des clients, la plupart du temps ou très souvent, se recoupent. Il y a concordance parfaite entre les intérêts d'un avocat, d'une clinique ou d'un juge qui veut bien faire son travail et un bon programme d'aide juridique. Ce n'est pas toujours le cas, par contre. En cas de conflit entre les intérêts professionnels du barreau et les intérêts du client, une stratégie nationale devrait, selon moi, prioriser les intérêts du client et l'indiquer de façon explicite.
    Cinquièmement, je veux souligner le fait que toute stratégie nationale en matière d'aide juridique devrait reconnaître que le gouvernement fédéral joue un rôle assez important dans l'accès à la justice et l'aide juridique. Pour donner un exemple évident, nous connaissons notre droit criminel et la compétence partagée. Les provinces administrent le volet justice, mais d'importantes loi —notamment le Code criminel et la législation sur les stupéfiants— relèvent de la compétence fédérale, un exemple évident d'une sphère où le gouvernement fédéral a un rôle et un mandat. Le droit de l'immigration et des réfugiés en est un autre, tout comme les questions concenrant les Autochtones, un autre domaine très importants des programmes d'aide juridique. Le gouvernement fédéral intervient manifestement à cet égard.
    C'est aussi vrai dans le droit de la famille, même si ce n'est pas aussi connu. La Loi sur le divorce relève de la compétence fédérale. Les lignes directrices sur les pensions alimentaires et les tribunaux unifiés de la famille sont des portes d'entrée importantes aux initiatives, aux programmes et aux services en matière de justice, pue timporte le nom que vous leur donnez, qui sont de compétence fédérale, mais qui ont des répercussions considérables pour les programmes provinciaux d'aide juridique.
    Enfin, dans le domaine du droit en lien avec la pauvreté, automatiquement, on pense aux services provinciaux — le logement, par exemple, ou le travail des propriétaires et locataires, mais, ce qui est moins connu, c'est qu'il y a des tribunaux fédéraux très importants concernant le soutien au revenu, dont le Régime de pensions du Canada et l'assurance-emploi. Les avocats du droit en lien avec la pauvreté interviennent beaucoup à ce chapitre. Encore ici, il y a congruence directe d'un programme fédéral et de l'accès à la justice.
    En outre, comme un interventnat l'a déjà souligné devant ce comité à propos de la santé mentale et de la toxicomanie, il y a une stratégie nationale de la santé mentale. Comme on vous l'a dit à maintes reprises, cette stratégie a des répercussions très importantes sur l'aide juridique à l'échelle provinciale. Le rôle fédéral est important, les provinces ne sont pas les seuls acteurs.

  (1545)  

    Mon sixième point n'est pas souvent soulevé dans les conversations à propos de l'accès à la justice ou dans l'univers de l'aide juridique. Je l'aborde ici dans ma perspective de la réforme du droit. À mon avis, toute stratégie nationale en matière d'aide juridique, stratégie sur l'accès à la justice ou stratégie provinciale, d'ailleurs, doit prendre en compte les questions concernant l'offre et la demande de services d'aide juridique. Quand on parle de financement, d'insuffisance des services, de repères ou de gains d'efficience, on parle habituellement de l'offre d'aide juridique. Si nous étions économistes, et non avocats, nous serions ravis de vous voir envisager une augmentation de l'offre. Puis, nous vous demanderions si vous abordé la question de la demande. Comment pouvons-nous réduire la demande de services dans un premier temps de sorte que vous cessiez de vous préoccuper de rendre les services encore plus efficaces et de vous efforcer de presser chaque dollar pour en sortir encore plus de services? Quand vous parlez de réduire la demande au titre des services d'aide juridique et de faciliter l'accès à la justice, vous parlez de réforme du droit ou de changements à apporter aux pratiques qui font progresser les objectifs relatifs à l'accès à la justice, mais vous le faites différemment.
    Je vais vous donner deux exemples, l'un fédéral et l'autre provincial. Le premier est évident et concerne la libération sous caution. La réforme du cautionnement est au programme partout au pays. Il est de notoriété publique qu'il existe, au Canada, des problèmes systémiques d'octroi de libération sous caution. Il suffit, pour s'en convaincre, de songer au grand nombre de personnes détenues en préventive et aux problèmes systémiques de libération conditionnelle dans le cas des groupes racialisés et des membres des communautés autochtones.
    Ce qui est moins connu, c'est à quel point la politique sur la libération sous caution sous-tend les coûts de l'aide juridique. Je vais vous donner un exemple classique, mais tellement vrai. Je vais parler d'un exemple en Ontario, car c'est celui que je connais le mieux, mais je crois que la situation est généralement la même partout au pays. Le critère pour obtenir un certificat d'aide juridique en Ontario, le type de service le plus dispendieux à Aide juridique Ontario et en droit criminel, est le risque de perte de liberté. Il va sans dire que si votre mise en liberté sous caution est refusée et que vous détenu en préventive, vous avez, par définition, perdu votre liberté et vous répondez au critère pour avoir droit au service le plus dispendieux. C'est un exemple clair d'une politique en matière de libération sous caution qui sous-tend directement les coûts de l'aide juridique. Si on s'efforçait de voir à ce que la détention provisoire se fasse plus rigoureusement et plus équitablement, cela aurait un effet bénéfique sur les coûts de l'aide juridique. Les ressources économisées dans ce volet du droit, ce service, pourraient être réinvesties dans d'autres volets du programme.
    Voici un deuxièrme exemple en rapport avec la libération sous caution. Je pense que le comité en a déjà entendu parler. Il s'agit des conditions de libération sous caution. Ici encore, la recherche et l'expérience, documentées par notamment l'Association canadienne des libertés civiles et la Société John Howard, nous montrent l'incidence très grave de ces conditions. Aui plan de l'aide juridique et à celui de la prestatiton des services et de la demande de services, cela veut dire que même si une personne en libération sous caution est libre et n'est pas détenue en préventive, la libération sous caution peut être assortie de bien des conditions, dont beaucoup sont controversées, comme vous n'êtes assurément pas sans savoir. À mon avis, , beaucoup de ces conditions sont inutiles. Quand une personne est libérée sous réserve de certaines conditions, il est souvent facile d'enfreindre ces conditions. Une personne qui brise ces conditons est ramenée en détention et soudainement, elle n'est plus accusée d'un simple assaut ou un méfait — qui, dans ce régime, est considéré moins grave—, mais plutôt de défaut de se conformer à telle condition ou à telle condition. C'est passible d'une accusation d'Outrage au tribunal, ce qui est plus grave. Cela ramène la personne au seuil de la perte de liberté et ainsi de suite.
    Il y a un exemple de famille et j'espère qu'un intervenant me posera une question à ce sujet, car je manque de temps.
    S'agissant d'une stratégie nationale. je tiens enfin à vous signaler que je vous recommande fortement de parler certes du financement, des repères, des services, des gains d'efficience et de la demande, mais aussi de l'importance de garantir la prestation de services de grande qualité. D'autres instances en ont discuté en long et en large. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, notamment, les autorités fédérales et provinciales et les fournisseurs de services mettent vraiment l'accent sur l'amélioration de la qualité de la pratique du droit afin de vous offrir de meilleurs services. Il est à espérer que cela permettra aussi d'en accroître l'efficacité.

  (1550)  

    Vous entendrez souvent dire que la qualité va de pair avec une meilleure rémunération des avocats. Ce n'est toutefois qu'une partie de la solution. Il existe d'autres moyens qui nécessitent un investissement moins important. La formation, les groupes témoins, les évaluations par les pairs, le mentorat et d'autres mesures de soutien non juridique sont autant d'éléments d'une stratégie réfléchie et globale d'assurance de la qualité que je vous recommande d'inclure à vos travaux.
    Ce sont là mes propositions. Je vous remercie beaucoup.
    Merci beaucoup, Me Thomas, et je remercie également tous les témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.

[Français]

    Je veux simplement vous dire, chers témoins, qu'il est absolument parfait de répondre aux questions dans la langue de votre choix. Nous avons tous accès à l'interprétation simultanée. N'hésitez donc pas à répondre en français, même si la question est en anglais.

[Traduction]

    Nous commencerons par vous, monsieur Nicholson.
    Je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Maître Thomas, je vais commencer par vous.
    Vous avez dit que nous devrions orienter notre étude sur les personnes à faible revenu. Ne pensez-vous pas que cela est un peu compliqué compte tenu de certains des seuils établis? Vous voyez ce que je veux dire? Oui, je comprends que vous venez en aide aux personnes qui gagnent moins de 12 000 ou 18 000 $, ou aux familles... En réalité, cependant, beaucoup de personnes à faible revenu ne répondent pas à ces conditions. Elles gagnent un peu plus du seuil, mais elles sont pourtant...
    Oui, c'est tout à fait vrai.
    En général — je parle encore une fois de l'Ontario —, il existe différents seuils d'admissibilité financière pour différents services. Les services les plus chers, c'est-à-dire les services de certificats, sont offerts aux personnes les plus démunies. Pour avoir accès à un avocat de service, le seuil d'admissibilité financière est plus élevé. Enfin, certains services sont offerts à tout le monde, comme l'éducation juridique.
    Selon moi, un programme d'aide juridique bien pensé doit offrir quelques services destinés à tout le monde. La participation au programme d'éducation juridique, par exemple, n'est pas assujettie à une évaluation des moyens financiers. En revanche, pour avoir accès à un avocat de service, le seuil peut-être beaucoup plus généreux.
    Pour ce qui est des services plus coûteux, ou des besoins juridiques les plus complexes, je pense qu'il conviendrait de cibler les personnes les plus pauvres.
    Vous avez soulevé un point très important en disant qu'il fallait mettre l'accent sur les besoins des clients qui se retrouvent pris dans le système, que ce soit le système pénal ou civil ou notre système pour les réfugiés. Vous dites que la question n'est pas de savoir si les avocats arrivent à gagner leur vie, mais n'est-ce pas là un élément constitutif de tout bon système d'aide juridique? Vous avez entendu des collègues nous dire qu'ils gagnaient le tiers de ce que touchent les avocats de l'Ontario pour des services similaires et que parfois, ils ne pouvaient offrir à leur client la meilleure représentation qui soit. Les avocats n'ont pas vraiment le choix, mais à un moment donné, ils doivent se préoccuper de leurs finances.

  (1555)  

    J'ai deux choses à dire à ce sujet. Premièrement, les avocats devraient avoir droit à des honoraires ou à un tarif corrects pour les services d'aide juridique qu'ils offrent. Deuxièmement, la responsabilité première d'un programme d'aide juridique est d'utiliser les ressources de la manière la plus efficace et la plus efficiente qui soit. Le rôle du programme n'est pas d'assurer la prospérité du Barreau. Il a toutefois le mandat de s'assurer qu'il existe un bassin suffisant d'avocats pour faire le travail.
    Mais les deux vont parfois de pair. Si vous ne payez pas bien les avocats, ils n'auront pas envie de s'engager dans les dossiers.
    La plupart du temps, ces deux facteurs vont ensemble, mais ce n'est pas toujours le cas. C'est ce que j'essaie de vous démontrer.
    Un autre point intéressant que vous avez soulevé concerne la libération sous caution; selon vous, cette procédure doit être exécutée de manière plus réfléchie. J'y reviendrai dans un instant.
    Il me semble que si une personne appréhendée est obligée de présenter une demande d'aide juridique et de s'engager dans un long processus pour obtenir les services d'un avocat de l'aide juridique, elle sera alors détenue plus longtemps qu'elle ne l'aurait été autrement. Ce n'est peut-être plus la procédure courante en Ontario, mais je me souviens que, lorsque j'étais avocat de service... Nous étions sur place dès l'arrivée des personnes et, si la couronne n'imposait pas beaucoup de conditions, nous pouvions la prendre en charge immédiatement. Cependant, si cette personne était par la suite obligée de présenter une demande pour avoir un avocat capable de faire une recherche plus pointue, elle était alors en détention d'une certaine manière. N'est-ce pas là une partie du problème?
    Exact, c'est tout à fait vrai. La question de la mise en liberté sous caution est complexe. Avant même l'audience sur la libération sous caution, il y a beaucoup de possibilités quant au sort de l'accusé. Il peut être remis en liberté sur avis de comparution. Les policiers ne sont évidemment pas obligés d'emmener une personne au tribunal. Il existe une foule de moyens permettant de réduire la demande ou d'alléger les conditions de libération sous caution, avant même l'audience. L'analyse de la réforme du cautionnement en cours porte sur les étapes qui précèdent la tenue de l'audience et vise à réduire le nombre de personnes qui seront maintenues en détention provisoire au moment voulu.
    Vous soulevez un point très intéressant que nous avons d'ailleurs déjà entendu. Don Piragoff, du ministère de la Justice, a dit la même chose au sujet des conditions de libération sous caution; selon lui, nous criminalisons une activité qui est autrement légale. En l'absence de ces conditions, il est tout à fait légal être à l'extérieur de chez-soi après 20 heures, il est légal de boire de l'alcool au Canada, même si vous avez un problème de consommation. En criminalisant ces activités, nous paralysons le système et tout le reste.
    Maître Valois, en ce qui concerne les avocats qui traitent les demandes d'asile au Québec, vous avez dit — et je pense que Me Goldberg a dit la même chose — que leur taux de rémunération est trois fois inférieur à celui pratiqué en Ontario. Quel est l'argument du gouvernement provincial? On suppose qu'il veut s'assurer que le système de protection des réfugiés fonctionne bien. C'est dans l'intérêt de tous. Il me semble que le tarif devrait être une composante essentielle du système. Appliquer un tarif équivalant au tiers du salaire pose certainement un problème pour le système, en plus de le ralentir et de le rendre moins efficace.

[Français]

    Au Québec, l'aide juridique est négociée entre le Barreau, qui représente les avocats, et le ministère de la Justice, qui détient l'enveloppe budgétaire. L'entente sur le tarif convenu parvient à échéance en septembre, je crois, et doit être renégociée.
    Je vous dirais que des pressions sont exercées sur le Barreau du Québec depuis quelques années, et de façon très active depuis le changement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ce qui a vraiment rendu notre situation encore plus difficile. Le Barreau convient que les tarifs sont ridicules, que cela n'a pas de sens. En même temps, il nous soumet à des obligations déontologiques que nous devons respecter, peu importe le montant qui nous est versé.
    Ces pressions ont été exercées, mais nous ne sommes pas encore parvenus à l'équité; nous ne sommes même pas proches de l'équité. La question qui pose problème, c'est qu'au Québec, nous sommes payés selon le mandat, à l'acte, alors qu'en Ontario, les avocats sont davantage payés à l'heure. C'est donc vraiment une philosophie tout à fait différente. Cependant, si on calcule le nombre moyen d'heures que représente une demande d'asile, c'est sûr que la comparaison ne tient pas.

  (1600)  

[Traduction]

    Maître Faribault a fait la même remarque. Si vous êtes rémunérés en fonction du volume de cas, il me semble que cela se répercute inévitablement sur la qualité du service, la recherche, le temps et l'énergie que vous consacrez à chaque cas.
    Maître Goldberg, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui. Monsieur Nicholson, je suis très content que vous ayez soulevé la question de la détention et du coût que représente l'absence de représentation juridique adéquate pour le système. C'est exactement ce qui se passe au sein du système de détermination du statut de réfugié ou du système d'immigration, parce que des gens sont détenus pour cette raison. À Montréal, les avocats de l'aide juridique sont payés 200 $ pour l'ensemble de la procédure; cela comprend aller rencontrer leurs clients qui sont généralement détenus à Laval — les avocats doivent se rendre à Laval pour les rencontrer — puis revenir à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour l'audience de révision des motifs de détention et la préparation du dossier. Il n'est pas surprenant que les avocats soient très peu nombreux. Il est extrêmement difficile de trouver un avocat compétent à Montréal qui acceptera de faire ce travail pour 200 $.
    C'est ce qui explique pourquoi de nombreuses personnes restent plus longtemps en détention, alors qu'elles auraient pu être mises en liberté si elles avaient été représentées comme il se doit. Cela a un prix pour le gouvernement fédéral puisque la détention relève de sa compétence. C'est un coût énorme parce que la détention coûte extrêmement cher. En Ontario, vous avez des tarifs garantis pour les avocats du secteur privé et vous avez également le Bureau du droit des réfugiés qui consacre des ressources considérables. Des avocats sont présents au centre de détention de l'immigration où ils recueillent des renseignements sur les personnes en détention et réagissent promptement pour leur fournir une excellente représentation.
    Je peux donner un exemple qui a servi à fixer la norme, parce que ces bureaux disposent de beaucoup de ressources. Des enfants sont placés en détention. C'est une véritable honte d'en arriver là au Canada. Dans la majorité des cas, voici comment les choses se passent. Les enfants nés au Canada ne sont pas officiellement détenus, tandis que leurs parents ainsi que les nourrissons sont placés en détention. Les jeunes n'ont alors nulle part ailleurs où aller. Ils sont donc considérés comme des invités. Or, l'intérêt supérieurde ces enfants n'était même pas pris en compte jusqu'à de qu'Aide juridique Ontario et le Bureau du droit des réfugiés contestent en cour la décision qui affirmait que l'intérêt supérieur d'un enfant considéré officiellement comme un invité ne peut être pris en compte. La Cour fédérale a été saisie de l'affaire et les avocats ont négocié avec le bureau du ministre de l'Immigration. Cette cause a créé un précédent qui s'applique partout au Canada. Aujourd'hui, l'intérêt supérieur des enfants canadiens doit être pris en compte dans le processus décisionnel. Cet exemple illustre bien qu'un bureau dispose de suffisamment de ressources et applique des tarifs justes, il peut avoir une influence considérable à la grandeur du pays.
    Le temps est écoulé, je pense, mais j'aimerais faire un dernier commentaire, si vous le permettez.
    C'est incroyable de verser seulement 200 $ pour le traitement d'une demande d'asile. Pour le compte rendu, j'aimerais préciser qu'en Ontario, il y a 35 ans, nous étions payés 200 $ pour traiter le cas d'une personne coupable d'une infraction punissable par procédure sommaire.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous allons passer à M. Boissonnault.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chers collègues.
    Merci aux témoins entendus aujourd'hui.
    Je vais passer directement aux questions.
    Maître Valois, Maître Goldberg, quel est le pourcentage, à l'échelle internationale, de vos clients réfugiés qui sont de la communauté LGBTQ, grosso modo?
     Nos clients à nous?
    Oui. Est-ce 10 %, 15 %, 30 %?
    C'est environ 15 %.
    De quels coins du monde proviennent-ils?
    J'ai beaucoup de clients africains.
    Africains?
    Oui, de l'Afrique du Nord et de l'Afrique centrale.

[Traduction]

    D'accord. Monsieur Thomas, je vous pose la même question. Parmi les personnes les plus marginalisées que vous représentez, quel est le pourcentage approximatif de membres de la communauté LGBTQ et d'Autochtones?
    Je ne connais pas la réponse pour les personnes LGBTQ. Quant au pourcentage de clients autochtones, je pense que cela dépend du domaine du droit. En droit pénal, ils représentent environ 15 à 20 % de la clientèle. Dans le domaine de la protection de l'enfant, le pourcentage de cas traités par le programme d'aide juridique — corrigez-moi si je fais erreur — varie entre 20 et 30 % de l'ensemble des cas, ce qui est très élevé.

  (1605)  

    Je vais commencer par Me Thomas, puis je reviendrai à Me Goldberg et à Me Valois. Y a-t-il une différence entre les chances de succès d'une personne représentée par un avocat de l'aide juridique et celles d'une personne qui ne peut être représentée par un avocat? Ces chiffres existent-ils? Quel est le taux de succès des plaignants?
    À ma connaissance, il n'y a pas eu de recherche sur ce sujet au Canada, ce qui ne veut pas dire que les gens n'ont pas d'opinion à cet égard. À mon avis, il est absolument indispensable et essentiel d'avoir un avocat ou une forme de représentation juridique, que ce soit un avocat-conseil ou un avocat du secteur privé ou n'importe qui d'autre, pour être en mesure de faire valoir vos droits. Même si vous êtes reconnu coupable en droit pénal, vous avez quand même des droits importants sur le plan de la procédure, du processus et de la Charte. Vous avez besoin d'un avocat pour vous représenter.
    Une étude américaine examine justement la différence entre les clients qui se représentent eux-mêmes et ceux qui sont représentés par un avocat. Je ne l'ai pas sous la main, mais je peux la faire parvenir aux membres du comité. Je vais la retrouver.
    Ce serait fantastique.
    Maître Valois et Maître Goldberg, en ce qui concerne les immigrants et les réfugiés, avez-vous une idée des taux de réussite des personnes qui sont représentées et de celles qui ne le sont pas?

[Français]

    En fait, M. Sean Rehaag, de Toronto, a mené une recherche à ce sujet. Je n'ai pas les pourcentages exacts auxquels il est arrivé, mais il conclut que la différence du taux de succès est considérable entre les cas de gens qui ne sont pas représentés et de ceux qui le sont. Je vous dirais en plus que, en ce qui concerne les demandeurs d'asile, ceux qui ne sont pas représentés ne savent pas comment soumettre leur dossier, ils ne savent pas quelle preuve présenter. Pour le tribunal, cela entraîne une perte de temps incroyable.
    Ils ne savent pas ce qu'ils ne savent pas.
    Il y a vraiment beaucoup de délais. Je crois que ce n'est vraiment pas efficace. Les agents du tribunal perdent énormément de temps auprès des demandeurs d'asile non représentés. Ils doivent leur expliquer la procédure, ils doivent faire des copies. Cela devient un peu compliqué.

[Traduction]

    Étant issu du milieu de la consultation en gestion et ayant une formation en économie, je m'intéresse, Me Thomas, à ce que vous avez dit au sujet de l'offre et de la demande. Dans votre milieu et dans celui des immigrants et des réfugiés, quel pourcentage de la demande arrivez-vous à traiter avec les ressources dont vous disposez? Quel serait le nombre total de cas que vous pourriez traiter si vous receviez tout le financement dont vous avez besoin? Quel pourcentage de cas êtes-vous en mesure de traiter avec les fonds dont vous disposez actuellement?
    Je ne crois pas être en mesure de répondre à cette question. Il y a déjà un bon moment que je ne travaille plus pour Aide juridique Ontario. Je connais cependant des gens qui peuvent répondre à cette question.
    Il serait utile que nous ayons une idée de l'ampleur du problème. Si nous essayons de hausser la barre à 50 %, mais que cela ne réduit la demande que de 2 %, à quoi cela servirait-il alors? Par contre, si nous pouvons faire un bond de 20 % tout en réduisant considérablement la demande, en plus de régler d'autres problèmes liés à la demande que vous avez mentionnés en parlant de la réforme du droit, alors ça m'intéresse.
    Quelle est la situation du côté des immigrants et des demandeurs d'asile?

[Français]

    Quelle est la somme totale des demandes, et quel pourcentage de gens est-on en mesure d'aider grâce aux montants dont nous disposons, surtout en ce qui concerne le Québec?
    Pour le moment, toutes les personnes qui réclament un mandat d'aide juridique pour des demandes de base peuvent être représentées, mais le système est arrivé à saturation. C'est que les demandes d'asile sont à la hausse. Il nous arrive beaucoup de gens, particulièrement depuis le début de 2017. Les avocats sont épuisés, aussi. Les jeunes avocats ne choisissent pas nécessairement de travailler au sein du système d'aide juridique. Je crois que nous en sommes à un point critique en ce moment.
    Seriez-vous disposés à appuyer l'ajout de certains pays à la liste de ceux qui répondent aux conditions du processus accéléré de la Section de la protection des réfugiés? Si oui, quels pays suggéreriez-vous?
    Pour ce qui est du processus accéléré, nous avions auparavant un système dans le cadre duquel tous les revendicateurs pouvaient être considérés. Nous examinions les dossiers afin de déterminer si les probabilités de réussite étaient importantes. À l'heure actuelle, on ne fait cela que pour trois pays, et même là, il y a des problèmes. Me Valois pourrait vous en parler davantage. Très peu de dossiers sont sélectionnés, à l'heure actuelle.
    Je pense que la CISR est tout à fait consciente qu'il est possible de faire beaucoup mieux, pour ce qui est de l'efficacité.

  (1610)  

[Traduction]

    Je suis à court de temps, mais dans le cadre d'une prochaine réponse, ne pourriez-vous pas nous dire ce que nous devons faire pour mieux coordonner l'ensemble des intervenants au sein du système. Si vous avez des recommandations de suivi à formuler au sujet des pays potentiels ou sur les améliorations à apporter au processus, je pense que cela pourrait nous guider dans nos travaux.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Boissonnault.
    Maître Thomas, je vous saurais gré de bien vouloir nous faire parvenir les données dont vous avez parlé, au moment qui vous conviendra. Merci beaucoup.
    Maître MacGregor, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais commencer par vous, Me Goldberg, si vous le permettez.
    Au début de cette étape de notre étude sur l'accès à la justice, nous avons rencontré des représentants du ministère de la Justice qui nous ont donné des renseignements techniques ainsi qu'un aperçu de leur plan. Leurs témoignages, que j'ai relus, contiennent des données factuelles et des chiffres. Depuis 2001, le programme fédéral d'aide juridique a versé une contribution annuelle de 11,5 millions de dollars à six provinces pour la prestation de services d'aide juridique aux immigrants et aux demandeurs d'asile.
    Comme nous sommes maintenant en 2017, j'aimerais connaître votre avis sur ce chiffre et savoir comment il se compare au nombre de demandes reçues depuis cette époque.
    Les demandes ont grandement fluctué et comme Me Valois l'a déjà dit, nous avons constaté une forte augmentation ces derniers temps en raison de divers événements. Nous anticipons une hausse du nombre de demandeurs d'asile, notamment en raison de ce qui se passe aux États-Unis en ce moment.
    En Ontario, on s'est vivement inquiété de ne pas recevoir suffisamment de fonds pour traiter le nombre accru de demandeurs d'asile. Une façon de rendre le système considérablement plus efficient serait d'augmenter le personnel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, tant à la Section de la protection des réfugiés qu'à la Section d'appel des réfugiés. Il est inacceptable que des gens soient obligés d'attendre un an avant d'obtenir une réponse à la Section d'appel. Quant à la Section de la protection des réfugiés, elle reporte un nombre croissant de cas. Dans ce contexte, une part de plus en plus grande du budget va aux avocats qui doivent préparer l'audience. Lorsque celle-ci est reportée, il faut ensuite revenir à la case départ et se préparer à nouveau. C'est particulièrement le cas en Ontario où les avocats sont rémunérés à l'heure. Le grand nombre de reports paralyse le système.
    Pour que le système soit efficient et efficace, il faut que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dispose de suffisament de ressources. Cela générerait d'énormes économies pour les provinces, sous la forme d'une réduction du nombre d'assistés sociaux, et pour le gouvernement fédéral — comme je viens de le mentionner —, sous la forme d'une réduction du nombre de personnes en détention, de même que dans de nombreux autres domaines. Ce n'est pas très sorcier d'arriver à réduire les coûts dans l'ensemble du système.
    Cela me rappelle également un témoignage que nous avons entendu récemment, celui de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Dans son mémoire, cette clinique fait remarquer qu'elle compte parmi sa clientèle un grand nombre d'immigrantes et de réfugiées victimes de violence conjugale et dont le statut d'immigrante et le soutien du revenu sont souvent liés au maintien de leur relation avec leur conjoint agresseur. Il existe donc un lien entre le droit de l'immigration et des réfugiés et le droit de la famille; de plus, la portion civile de l'aide juridique dépend évidemment du transfert canadien en matière de programmes sociaux. Il est donc intéressant de constater que les deux domaines ont leurs propres difficultés.
    J'ai également remarqué que l'Association des avocats et avocates en droit des réfugiés, que vous représentez, fait partie des signataires qui exhortent le gouvernement fédéral, plus précisément le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté à suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis.
    Vous avez vigoureusement soutenu que, dans la foulée des récents décrets présidentiels, les États-Unis ne pouvaient plus être considérés comme un pays sûr pour les réfugiés. Nous avons avons vu des réfugiés parcourir à pied plusieurs kilomètres, par un temps glacial, pour essayer d'entrer au Canada.
    Nous avons fait le tour de la situation du système d'aide juridique. Selon vous, existe-t-il un lien entre la capacité actuelle du Canada de traiter un volume accru de demandes et la décision prise par le gouvernement fédéral? Croyez-vous que le gouvernement fédéral a compris que nous ne serons pas en mesure de traiter plus de cas que nous en acceptons actuellement?

  (1615)  

    Je pourrais vous dire que le nombre de demandeurs d'asile a déjà été beaucoup plus élevé dans le passé qu'il ne l'est depuis quelques années. Je ne sais pas si cela dépasse le cadre de votre étude, mais je pense qu'il est important de dire que, oui, le Canada peut faire beaucoup plus. Il s'agit seulement de mettre les ressources en place. Il est tout à fait vrai que notre groupe et d'autres groupes de défense des droits de la personne ont prié instamment le gouvernement fédéral à suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis parce ce pays n'est plus un pays sûr. Nous avons reçu hier un rapport rédigé par des professeurs et des étudiants en droit de la Harvard Law School qui abonde dans le même sens  — vous avez peut-être lu un article à ce sujet dans le Toronto Star. Nous avons présenté ces éléments de preuve au ministre de l'Immigration et nous espérons sincèrement qu'il jugera bon d'y donner suite. Cela revêt une importance vitale pour des milliers de personnes qui risquent d'en subir les conséquences.
    D'accord, merci.
    Je pense que cela fait environ six minutes.
    Merci, monsieur MacGregor. Vous avez atteint les six minutes.
    Comme nous le savons, le ministre a le devoir, en vertu de la loi, de la revoir de façon continue. Je suis certain qu'il examinera le document que vous avez fourni.
    Madame Khalid.
    Merci, monsieur le président.
    Pour donner suite à la question de M. MacGregor, Me Goldberg, quelle est la différence entre un demandeur d'asile et un demandeur du statut de réfugié, et comment cela affecte-t-il l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Il n'y a aucune différence. Les États-Unis utilisent habituellement le terme asylum seeker. En français, nous disons « demandeur d'asile ».
    Merci.
    Maître Thomas, vous avez livré un témoignage très convaincant sur les défis auxquels nous sommes confrontés et sur le fait que le financement n'est pas toujours la solution, mais plutôt la mise en oeuvre d'un processus adéquat. Vous aviez commencé à parler un peu du droit de la famille. Y a-t-il des conséquences liées au genre — et je crois qu'il y en a — dues au financement moindre du droit familial par rapport au droit criminel? Avez-vous des observations à ce sujet?
    Oui, bien sûr.
    C'est un truisme dans le milieu de l'aide juridique que les services criminels ont tendance à être offerts aux hommes — et pour préciser davantage, aux jeunes hommes. Ce n'est pas toujours le cas, mais toutes proportions gardées, c'est le groupe de la société qui a tendance à commettre le plus de crimes, et qui est donc le plus admissible à l'aide juridique. Par ailleurs, la clientèle du droit de la famille est habituellement constituée de femmes, le plus souvent de femmes plus âgées, généralement avec des enfants. Un fort pourcentage de notre clientèle est constitué de victimes de violence conjugale. Par conséquent, il y a iniquité entre les genres.
    On pourrait observer le phénomène du point de vue des genres et ce serait justifié. Cependant, il faudrait également considérer que beaucoup d'autres services d'aide juridique en droit civil, des services de droit des pauvres, sont le plus souvent utilisés par les femmes — pour des problèmes entre propriétaires et locataires, d'aide sociale et d'autres choses du genre. Mais je parle de l'Ontario, où il y a non seulement un programme criminel, mais également un bon programme en droit familial et un programme étendu en droit des pauvres. Dans les provinces où l'on se concentre principalement sur les services de nature criminelle, avec un peu d'aide à l'enfance et peut-être un peu de droit familial, l'équilibre entre les genres est bien différent. Je pense que c'est une question justifiée sur des choses que l'on doit garder à l'esprit quand vient le temps d'établir des priorités en matière de politiques.
    Merci.
    Vous avez parlé d'une stratégie nationale et de possibles recommandations sur la façon d'offrir une aide juridique adéquate dans tout le pays. Nous savons que différentes provinces sont confrontées à différents défis. Quels points de référence recommanderiez-vous, ou quel point de départ peut-être, pour une stratégie nationale d'aide juridique, si elle devait être conçue?
    À mon avis, l'Association du Barreau canadien a signé des mémoires très sérieux sur ce que ces points de repère devraient être. Je n'ai pas grand-chose à y ajouter.
    Je pense que tout exercice visant à établir des points de repère devrait se fonder sur une proposition raisonnable. Il ne faut pas mettre la barre trop haute sous peine d'être déçu dans l'avenir.
    Certains des points de repère que je vous recommanderais sont assez simples, comme par exemple le pourcentage de la population de chaque province admissible à l'aide juridique. C'est une mesure importante de l'envergure des services d'aide juridique. Le pourcentage de clients qui pourraient se représenter eux-mêmes, particulièrement devant les tribunaux pour la famille, constitue une autre mesure importante de l'accès à la justice. Le nombre d'avocats qui participent au programme d'aide juridique constitue une autre mesure de la santé et de la viabilité du programme d'aide juridique, particulièrement dans un programme qui dépend lourdement du barreau privé.
    Je pense que ce sont là des mesures sensées qui constituent un bon point de départ. Ce sont des données qui peuvent être mesurées relativement facilement et qui peuvent servir de base dans l'avenir.

  (1620)  

    Merci.
     Croyez-vous que des organisations autorégulées comme le Barreau du Haut-Canada, dans votre cas, ont un rôle à jouer? Je sais qu'elles contribuent quelque peu à l'accès à la justice et à l'aide juridique, mais ont-elles un rôle plus important à jouer? Par exemple, en ce qui a trait aux diplômés en droit, les organisations autorégulées pourraient-elles user de moyens créatifs pour faire d'une pierre deux coups, comme placer les diplômés en droit tout en offrant de l'aide juridique à ceux qui en ont besoin?
    Ce n'est pas vraiment mon domaine. Je vais vous donner mes observations sur l'Ontario. Le Barreau du Haut-Canada prend son mandat d'accès à la justice très au sérieux. Il prend les mandats de formation et de formation professionnelle continue très au sérieux également. Il y a, vous le savez sûrement, des débats autour de l'étendue des programmes pour stagiaires et des programmes de pratique du droit, ce genre de choses. Je crois que le Barreau et la profession réglementée doivent s'assurer qu'il y ait un nombre suffisant de jeunes avocats qui se dirigent vers les domaines du droit de l'aide juridique, ce qui, du point de vue de la planification, constitue une réelle préoccupation. Il n'y a tout simplement pas assez d'avocats qui se dirigent vers notre type de travail par les temps qui courent.
    Vous avez assez de temps pour une brève question, madame Khalid.
    Est-ce qu'une politique ou une approche particulière pourrait inciter les jeunes avocats à se diriger vers ce domaine du droit?
    Oui, il y a des programmes d'aide au remboursement des prêts. Les dettes constituent un problème important. Cela empêche souvent les jeunes avocats fraîchement sortis de l'école de droit avec de lourdes dettes de se diriger vers des emplois qui ne paient pas aussi bien, comme le travail d'intérêt publique.
    Il existe des façons de promouvoir les stages ailleurs que dans les grands cabinets, tout comme il y a des façons de promouvoir des stages dans les régions rurales et éloignées de la province. Il y a des façons de favoriser les stages en droit criminel, en droit familial et en droit des réfugiés. Certaines politiques peuvent être adoptées pour promouvoir le développement d'un barreau qui ferait du travail d'intérêt public, et je pense que certaines étapes devraient être franchies à cet effet.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous avons terminé notre premier tour. Je pense que nous allons maintenant prendre des questions courtes, et je vais me diriger vers les membres du comité qui ont des questions. Je demanderais aux membres du comité d'exprimer leurs questions rapidement, et je demanderais aux témoins de donner des réponses plus courtes dans la mesure du possible, afin que nous puissions entendre les questions de tout le monde.
    Je sais, monsieur Grewal, que vous aviez une question.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue au comité, en passant. C'est un plaisir de vous recevoir ici.
    C'est un plaisir d'être ici. Merci infiniment.
    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'ai pratiqué le droit pendant environ un an sur Bay Street dans le domaine des fusions et acquisitions d'entreprises, mais je n'avais pas fait mon droit pour ce genre de pratique. J'avais fait mon droit parce que je sentais que ça me donnerait la chance de redresser certains torts que je voyais dans la société. Je suis titulaire d'un diplôme Juris Doctor/MBA. Le coût de ces études a été élevé, alors je me suis retrouvé à Bay Street avant d'être élu à la Chambre.
    Ce que je préfère de mon travail de député est de pouvoir aider les gens. À mon bureau de circonscription, nous avons bloqué sept déportations, et nous travaillons sur la huitième.
    De la même façon, je dirais que ce qui me déçoit le plus dans ce travail est lorsque je suis incapable d'aider quelqu'un à cause du système, et parfois, à cause des mauvais conseils juridiques que la personne a reçus.
    Ma question s'adresse à l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés. Est-ce que vous conservez des données sur votre taux de réussite? Est-ce que vous dialoguez avec les bureaux des députés? Disposez-vous de ressources qui pourraient aider à alléger le nombre de vos dossiers? Je travaille sur un dossier avec votre association en ce moment dans ma région. Je voudrais recueillir vos observations à ce sujet et tenter de voir de quelle façon nous pourrions établir un partenariat dans tout le pays — nous avons 338 bureaux — afin d'aider à résoudre certains de vos problèmes.

  (1625)  

    Merci de cette question.
    De la part de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, je suis heureux de vous dire que nous étions les plaignants, soit l'une des parties et pas seulement un intervenant. Je suis ravi de dire que nous avons un taux de réussite de 100 %. L'un de nos dossiers était celui du médecin que j'ai mentionné plus tôt. Lorsque le gouvernement précédent a décidé de sabrer dans les soins de santé pour les demandeurs du statut de réfugié, la Cour fédérale a conclu que c'était un traitement cruel et inhabituel, que des vies étaient en danger et que le gouvernement infligeait intentionnellement des souffrances à un groupe vulnérable. C'étaient là les conclusions du juge Mactavish de la Cour fédérale. C'était notre dossier, de concert avec nos partenaires, Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés.
     Dans l'autre dossier, nous avons contesté la constitutionnalité de la politique des pays d'origine désignés du gouvernement précédent, qui introduisait une discrimination sur la base du pays d'origine. Cette loi est encore en vigueur dans les faits. Nous espérons vraiment que le gouvernement l'abrogera. Nous avons eu des signes encourageants de la part du ministre de l'Immigration selon lesquels elle allait être supprimée. Dans ce dossier, la Cour fédérale a statué que le fait d'interdire une demande d'appel sur la base du pays d'origine constituait une violation de la Charte et était discriminatoire.
    Pour répondre à votre deuxième question, oui, beaucoup d'entre nous travaillons avec nos députés dans des dossiers particuliers. Je suis ravi de dire que depuis la dernière élection, cela a été un succès. Auparavant, c'était une démarche qui ne nous aidait pas, mais cela fonctionne maintenant dans de nombreux dossiers éloquents dans tout le Canada. En tant qu'association, nous avons été en étroit contact, comme je l'ai mentionné, avec l'ancien ministre de l'Immigration, M. McCallum et avec M. Hussen, l'actuel ministre de l'Immigration, de même qu'avec de nombreux députés. Nous allons rencontrer nombre d'entre vous, députés, la semaine prochaine alors que plusieurs d'entre nous viendrons à Ottawa. Nous avons également rencontré le ministre de la Sécurité publique, M. Goodale. Nous avons énormément apprécié cette occasion de dialoguer, de partager de l'information et de travailler ensemble afin d'améliorer le processus de détermination et la protection des réfugiés dans tout le Canada.
    Merci.
    Avez-vous une autre question?
    Oui, si le comité le permet.
    Maître Thomas, est-ce qu'il y a un modèle que le Canada peut observer en ce qui a trait au financement de l'aide juridique? Est-ce qu'un autre pays s'en tire mieux que nous?
    En premier lieu, je recommanderais l'Ontario. Dans le monde entier, le programme d'aide juridique de l'Ontario est très bien considéré. Il n'est pas parfait. Il est bon parce qu'il offre une gamme exhaustive de services: droit criminel, droit familial et droit des pauvres. C'est exceptionnel d'offrir une telle panoplie de services. Cela repose sur un modèle mixte, avec des avocats en pratique privée d'un côté, des avocats salariés et des cliniques. Voici une autre pratique exemplaire.
    En termes généraux, les limites de l'Ontario se situent sur le plan de l'admissibilité financière. Jusqu'à récemment, les seuils d'admissibilité financière en Ontario étaient inférieurs à la moitié du seuil de faible revenu. Mais de bien des façons, l'Ontario représente un exemple à suivre.
    D'autres territoires qui possèdent de bons programmes d'aide juridique incluent certains États de l'Australie. Le Royaume-Uni a longtemps été considérée comme ayant la Cadillac des modèles d'aide juridique. Elle était très généreusement financée, bien mieux que tout ce qu'on peut voir au Canada, aux États-Unis ou ailleurs.
    Aucun territoire n'est parfait. Certains territoires ont de très bons éléments, et si on choisissait entre ces différents éléments, on aurait quelque chose de très complet et de réussi.
    Merci.
    Est-ce qu'il y a d'autres questions?
    Monsieur MacGregor.
    Merci, monsieur le président.
    Maître Thomas, merci d'avoir présenté de façon si détaillée les points que vous aimeriez voir inclus dans une stratégie nationale d'accès à la justice. Je pense que votre témoignage sera très utile au comité quand viendra le temps de rédiger son rapport et de formuler ses recommandations. Et bien sûr, vous avez mentionné quelques rapports que nos analystes utiliseront certainement.
    Je voudrais me concentrer spécifiquement sur le domaine du droit de la famille, du droit civil. Nous avons reçu beaucoup de témoignages à ce comité, beaucoup de présentations sur les problèmes causés par le fait que l'argent se trouve inclus dans le lot du Transfert social canadien. D'un palier de gouvernement à l'autre, on se pointe du doigt et on se demande si le programme est financé ou pas.
    En gardant à l'esprit que le projet de ce comité est de formuler des recommandations au gouvernement fédéral, je voudrais entendre votre façon d'envisager cette réforme. Nous avons entendu la préoccupation que les provinces pourraient ne pas apprécier que le gouvernement fédéral se mêle d'enjeux qui sont de compétence provinciale, mais il y a un modèle. Nous avons le Transfert canadien en matière de santé, qui permet aux provinces d'avoir compétence en matière de santé, mais celles-ci doivent satisfaire à plusieurs conditions pour toucher l'argent du fédéral. Est-ce que cela pourrait servir de modèle?

  (1630)  

    Oui, je crois que cela serait sensé.
    Ceci dit, il est important de s'assurer que l'on établisse des priorités sur les plans local, régional ou provincial également. Tout comme d'autres témoins, je suis tout à fait en faveur de l'idée d'établir des priorités et des points de repère nationaux, mais il faut laisser beaucoup de place à l'interprétation locale et à l'établissement de priorités locales, parce qu'il y a beaucoup de besoins non comblés.
    Franchement, je ne crois pas que le ministère de la Justice du gouvernement fédéral, malgré tout son savoir-faire, ait la capacité d'aller dans la campagne saskatchewannaise et de dire: « Vous devriez fonctionner de cette façon », ou au centre-ville de Toronto en disant: « Il faut que vous offriez ceci ». Je pense qu'il y a un avantage réel à ce que des décideurs locaux établissent des priorités locales dans un cadre national ou, pour ainsi dire, dans une aspiration nationale.
    Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

[Français]

    En fait, il serait probablement plus facile et intéressant de pouvoir faire le suivi de l'argent. Des transferts se font du côté de l'immigration, mais il est un peu difficile de savoir ce qu'il advient de ces montants et à quoi ils sont destinés. Il pourrait donc y avoir une certaine base de demandes au fédéral, et celle-ci serait liée à du financement.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Cooper.
    Merci, monsieur le président.
    Pour faire suite à la question que M. MacGregor avait pour Me Thomas, nous avons entendu beaucoup de témoignages sur le fait qu'il y a une brèche énorme dans la plupart des provinces en fait de couverture d'aide juridique pour les affaires relevant du droit de la famille.
    Vous avez parlé de normes nationales. M. MacGregor a soulevé le problème du Transfert social canadien et des fonds bloqués. Vous avez fait référence au rapport Cromwell. Vous avez fait remarquer que c'était là un examen assez exhaustif du droit de la famille et de l'aide juridique, avec des étapes concrètes pouvant être franchies, mais vous avez dit qu'il n'était pas nécessairement complet. Vous n'avez pas élaboré sur ce qui manquait. Peut-être pourriez-vous élaborer sur ce qu'il y aurait à ajouter au rapport Cromwell et sur tout autre point spécifique que nous pourrions apporter, nous ou le gouvernement fédéral, pour faire disparaître ces failles.
    Le rapport Cromwell est excellent quant au droit familial et civil.
    Mais il ne traite pas en détail des problèmes liés au droit des pauvres. Les défenseurs du droit des pauvres disent que le rapport Cromwell est excellent dans le cadre de son mandat, mais il ne traite pas d'importants problèmes liés au droit des pauvres.
    Une autre observation: Cromwell ne parle pas beaucoup des services ruraux ou en régions éloignées, ce qui constitue un problème important dans un pays comme le Canada.
    Ce ne sont pas là des critiques fondamentales du rapport Cromwell. Nous aurions seulement aimé que ce rapport aille un peu plus loin pour traiter de ces autres problèmes.
    En ce qui a trait à la façon dont le gouvernement fédéral ou une stratégie fédérale pourrait aborder le droit des pauvres, par exemple, je crois que le rapport Cromwell constitue un bon point de départ, et que le processus de Cromwell est un bon point de départ. Il y a beaucoup de gens dans ce pays qui pratiquent dans le domaine du droit des pauvres, qui en savent beaucoup sur le droit des pauvres, qui sont conscients des besoins et qui pourraient contribuer à l'élaboration d'une stratégie.
    Du point de vue de l'accès à la justice, je dirais simplement, à propos du moment choisi, que le rétablissement du Programme de contestation judiciaire est positif, car il constitue une autre façon d'accéder à la justice, nommément au moyen de causes types de litige, plutôt qu'en reproduisant indéfiniment les mêmes services.
    Est-ce que d'autres membres ont des questions?
    J'ai une courte question pour quiconque de notre table ronde connaîtrait le système australien. Me Thomas y a fait référence.
    En ce qui a trait à l'entente avec l'état fédéral en vigueur en Australie et au protocole d'entente, est-ce que c'est un modèle sur lequel on devrait se pencher au Canada, où il y a également partage des compétences et un financement mixte?

  (1635)  

    Oui. Comme il a été dit pendant ce comité, je crois, nous en sommes au début de l'histoire de cette entente, alors il faudra voir ce qu'il en adviendra. À première vue, cela me semble un bon modèle. Cela semble être un bon point de départ.
    Merci beaucoup.
    Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre?
    Monsieur McKinnon.
    J'ai une question pour Me Faribault, qui possède une longue expérience de l'aide juridique du Québec.
    C'est connu, le Québec a sa propre tradition de droit civil. Je me demande si cela pose des défis particuliers en ce qui a trait à l'aide juridique et au financement de l'aide juridique.
    Je ne comprends pas votre question. Je ne l'ai pas entendue.

[Français]

    Il a demandé si le fait que la tradition juridique du Québec soit une tradition de droit civil occasionnait des problèmes particuliers quant à l'aide juridique et au financement de cette dernière.

[Traduction]

    Pas vraiment, en ce sens que le droit des pauvres est régi par une législation plus spécifique, qui ne touche pas le Code civil ou la tradition civile française. Le Code civil s'intéresse aux contrats, et la plupart des personnes pauvres ne font pas de contrats compliqués, ni rien du genre.
    C'est dans les affaires de droit de la famille que le Code civil du Québec intervient et qu'il est utilisé sur une base quotidienne, plutôt que la Loi sur le divorce qui est généralement appliquée dans le reste du Canada. Ça relève du fédéral. On mélange souvent ces deux choses.
    Merci.
    Merci.
    Je voudrais remercier tous nos témoins de la journée. Vous nous avez livré des témoignages convaincants et très intéressants.

[Français]

    Votre présence a été fort appréciée.

[Traduction]

    J'aimerais également remercier les membres du comité ainsi que M. Grewal de s'être joint à nous.
    La séance est levée.
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