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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 093 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 avril 2018

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue au Comité permanent de la défense nationale en ce jeudi pluvieux. J'aimerais commencer la réunion. Je sais qu'il nous manque un témoin, mais je crois que l'un de nos témoins doit partir à 9 h 45, et j'aimerais donc commencer la réunion.
    Aujourd'hui nous accueillons, à titre personnel, Marie-Joëlle Zahar, professeure et directrice de la recherche au Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix à l'Université de Montréal. Nous accueillons également Walter Dorn, professeur au département des études de la défense du Collège militaire royal du Canada, ainsi que Carolyn McAskie, ancienne représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies et Chef de la mission de paix au Burundi.
    Vous pourriez être notre première intervenante, madame Zahar, afin que nous puissions entendre votre exposé.
    Mesdames et messieurs, n'oubliez pas que Mme Zahar doit partir à 9 h 45. Si vous souhaitez lui poser une question, n'attendez pas trop longtemps.
    Madame Zahar, vous avez la parole.
    J'aimerais d'abord vous parler brièvement du contexte de mon exposé.
    De 2013 à 2015, j'ai été affectée aux Nations unies à titre d'experte en médiation. J'ai suivi les négociations d'Alger de très près et j'ai participé à quatre des six rondes de ces négociations. C'est en tenant compte de tout cela que je vous parlerai. Je me concentrerai aussi sur le Mali, mais dans le cadre d'une plus vaste préoccupation à l'égard de la reprise des activités de maintien de la paix du Canada.
    Dans mon exposé, j'aborderai quatre points. J'aimerais présenter un aperçu de la façon dont j'interprète nos antécédents liés au maintien de la paix — pas parce que les membres du Comité ne connaissent pas les faits, mais parce que les interprétations varient, et je crois que c'est important. Je décrirai les environnements de déploiement actuels pour les opérations de maintien de la paix de l'ONU, en me concentrant sur la situation au Mali. J'évaluerai la contribution que le Canada a l'intention d'apporter. Je formulerai également quelques commentaires sur la reprise de nos activités liées au maintien de la paix.
    Permettez-moi de vous parler de nos anciennes contributions au maintien de la paix. Puisque le temps est limité, je tenterai d'être brève. Vous trouverez les détails dans le mémoire que je vous ai remis.
    J'aimerais souligner que nous avons une longue et riche histoire en ce qui concerne le maintien de la paix, et qu'au milieu de la dernière décennie, nous avions participé à plus de 40 missions. Mais même dans ce cas, nous occupions seulement le 55e rang des 108 pays qui fournissaient des troupes à l'ONU.
    Nous avons subi des pertes humaines — 122 victimes, pour être exacte —, mais c'était surtout dans des endroits qui n'étaient pas les plus dangereux, notamment pendant la première crise de Suez et à Chypre, en Bosnie et à Haïti.
    Depuis que le Canada a cessé ses activités de maintien de la paix, les données publiées par le ministère de la Défense nationale indiquent que seulement 22 Canadiens sont actuellement déployés dans quatre missions autorisées par les Nations unies. Les données de l'ONU sont un peu différentes, car l'ONU compte également les officiers du personnel, les policiers et les experts en missions. Selon les données de l'ONU, nous avons 40 personnes dans cinq opérations de maintien de la paix. Ces missions se déroulent à Haïti, au Soudan du Sud, dans la RDC et à Chypre. Il y a également l'ONUST dans le plateau du Golan.
    Tout cela se passe pendant une période où — et je crois qu'il est important d'établir cette comparaison — l'ONU a plus de 110 000 Casques bleus déployés dans 14 missions et où un grand nombre de nos alliés occidentaux, notamment la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et les pays scandinaves, ont tous repris leurs activités de maintien de la paix avec l'ONU il y a deux ans ou presque trois ans.
    Vous savez déjà tout cela, mais permettez-moi de souligner deux choses que je retiens de cette histoire.
    Tout d'abord, nous avons déployé des soldats du maintien de la paix dans divers milieux allant des moins aux plus complexes et dangereux, et nos pertes humaines ne se sont pas nécessairement produites dans les contextes les plus dangereux.
    La deuxième chose que je retiens, c'est que même si notre participation au maintien de la paix reflète des valeurs normatives, c'est également une question de realpolitik. C'est une partie intégrante de la stratégie canadienne visant à contribuer à la paix et à la sécurité internationale au même titre que les déploiements non-onusiens comme en Afghanistan ou, plus récemment, en Lettonie. C'est une partie intégrante de nos efforts pour partager le fardeau de la paix et de la sécurité internationale avec nos alliés, et je crois que nous devons garder cela à l'avant-plan alors que nous envisageons de reprendre nos activités.
    Mon deuxième point concerne les environnements de déploiement actuels. Ils ont changé depuis la dernière participation du Canada à une mission de l'ONU. Les conflits violents sont à la hausse, et nous devons tenir compte d'au moins quatre caractéristiques liées aux conflits violents.
    La première, c'est que ces conflits sont maintenant beaucoup plus régionaux qu'internationaux. En effet, la plupart des guerres d'aujourd'hui ne sont pas des guerres civiles, mais des « guerres civiles internationales », comme le disent les chercheurs. Cela signifie que des États étrangers et des intervenants de l'extérieur jouent un rôle dans la cause, le prolongement ou l'exacerbation des difficultés.

  (0850)  

    Au Mali, des groupes jihadistes transnationaux tels Al-Qaïda et l'État islamique se sont servis des revendications d'intervenants locaux pour lier une insurrection traditionnelle à des luttes idéologiques transnationales plus larges. La création de la force commune du G5 Sahel en juillet 2017 a également contribué à la régionalisation du conflit malien, tel qu'illustré par les récentes attaques terroristes ne ciblant pas seulement des sites sur le territoire malien, mais également, de plus en plus, des pays membres du G5 Sahel comme, tout récemment, le Burkina Faso.
    La deuxième chose sur laquelle il faut se pencher, c'est l'émergence des groupes extrémistes. L'instabilité et les conflits violents sont un terreau fertile pour les mouvements extrémistes. En passant, c'est aussi le théâtre naturel des opérations de paix de l'ONU. En effet, sur les 11 pays les plus affectés par le terrorisme à l'échelle mondiale, 7 reçoivent des opérations de paix onusiennes. Toutefois, il est important de souligner que tous les chercheurs s'entendent sur le fait que la classification des acteurs extrémistes et terroristes continue de poser un défi politique et opérationnel et qu'il s'agit d'un exercice qui est souvent instrumentalisé par des acteurs qui ont des motifs ultérieurs.
    Au Mali, par exemple, il est intéressant de noter que le Mouvement national pour la libération de l'Azawad, le nom que les insurgés donnent à la région Nord du Mali, a été inclus sur des listes de groupes terroristes avec lesquels il a peu en commun, tant sur le plan idéologique que sur le plan des objectifs politiques. L'une des explications potentielles fournies par les experts sur le Mali, c'est que le Mouvement national pour la libération de l'Azawad est l'ennemi politique le plus dangereux du gouvernement malien, parce que sa nature laïque et ses objectifs autonomistes sont susceptibles d'attirer un large appui parmi les communautés du Nord.
    En ce qui concerne les environnements actuels, le troisième point que j'aimerais soulever concerne la multiplication et la fragmentation des acteurs de conflits. Elles n'ont jamais été aussi importantes que dans les conflits contemporains. Par exemple, en Syrie, on compte aujourd'hui environ 3 000 groupes auto-identifiés, qui vont des groupes composés de deux personnes aux forces substantielles plus organisées. Au Mali, la fragmentation des forces antigouvernementales du Nord et leur composition et leur recomposition en alliances et contre-alliances toujours changeantes demeurent l'un des obstacles principaux à une paix durable. Comme Arthur Boutellis, de l'Institut international de la paix, et moi-même l'avons fait valoir dans un rapport publié en juin dernier, cette fragmentation, qui a créé des divisions et des conflits armés entre des clans autrefois alliés, est également le résultat d'une stratégie du gouvernement malien et de certains de ses alliés nordistes qui cherchent à diviser pour mieux régner.
    Le dernier point que j'aimerais soulever au sujet des nouveaux environnements de déploiement concerne l'augmentation des violations aux lois en matière de droit international humanitaire et des droits de la personne. Ce point a été souligné par Antònio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans son rapport sur la protection des civils dans les conflits armés. Je ne citerai pas l'extrait du rapport puisque vous l'avez reçu. Je dirai seulement que le Mali ne fait pas exception à la règle et que l'insécurité persistante d'aujourd'hui, les occasions économiques limitées et le manque d'accès aux services de base dans plusieurs régions du Nord et, de plus en plus, du Centre, continuent d'empêcher le retour volontaire d'un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
    Ainsi, les caractéristiques de ces conflits contemporains compliquent la recherche de la paix. Au Mali, où j'ai eu le privilège de participer au processus de paix à Alger, nous avons conclu un accord de paix qui a été signé à Bamako en juin 2015. Toutefois, cet accord de paix a été obtenu au détriment de la clarté. C'était un accord fondé sur de vastes principes qui laisse beaucoup de choses à régler pendant la mise en oeuvre. Cet accord n'a pas réussi à engendrer la paix et la stabilité. Au contraire, l'insécurité s'est répandue au centre du pays. Ce n'est pas l'endroit approprié pour expliquer les raisons en détail, et aucune partie n'est sans reproche dans cette situation regrettable. Il est important de se demander ce que cette situation signifie pour les efforts de consolidation de la paix dans le pays. J'aimerais suggérer que cela rend le succès de la mission de l'ONU plus important, en raison du risque d'instabilité accru depuis que le Mali est entré, à l'été, dans une période électorale extrêmement importante.
    Deuxièmement, étant donné toutes les forces présentes dans le pays, la mission de l'ONU est la seule opération qui a le mandat précis de non seulement gérer l'instabilité, mais également d'appuyer la résolution pacifique des enjeux sous-jacents.
    De plus, à ce jour, les approches en matière de sécurité utilisées par d'autres intervenants, notamment l'opération française barkhane et la force conjointe du G5 Sahel, ont eu l'effet contraire et envoyé plus de gens chez les groupes terroristes.

  (0855)  

    Dans cette optique, j'aimerais maintenant évaluer les contributions à la MINUSMA que prévoit faire le Canada.
    Le Canada souhaite déployer des hélicoptères afin de fournir une capacité en matière de transport et de logistique et pour fournir une escorte et une protection armées. Le Canada veut également aider aux évacuations médicales et au soutien logistique sur le terrain.
    Cette contribution reflète l'engagement du gouvernement à reprendre ses activités de maintien de la paix de façon à favoriser l'efficacité globale des opérations de maintien de la paix de l'ONU et pour aider à traiter, sinon combler, des lacunes importantes. À ma connaissance, cela reflète également les lacunes et les besoins les plus importants de la MINUSMA.
    La MINUSMA a souligné à de nombreuses reprises que c'est ce dont elle a besoin et c'est ce qu'elle ne peut pas obtenir de la plupart des pays qui envoient des troupes. Les bureaux de terrain de la mission dans le Nord du Mali ont été la cible d'attaques de la part de plusieurs saboteurs du processus de paix. Le nombre élevé de victimes est partiellement attribuable aux difficultés logistiques de traiter les blessures sur place et d'offrir des moyens fiables d'évacuation des blessés vers des endroits où ils seront soignés.
    Une recherche rapide dans les données publiquement accessibles sur le site Web du Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU confirme qu'au moins 143 des 166 victimes de la MINUSMA proviennent des pays contributeurs de troupes dont le personnel est déployé parmi les forces au sol de la mission. Il s'agit surtout de pays du Sud. Ce ne sont pas les troupes occidentales de la MINUSMA.
    Ainsi, je crois que non seulement les Forces canadiennes seraient-elles en mesure d'aider à réduire le nombre de victimes, mais si l'on se fie aux tendances actuelles des intervenants les plus en danger, elles seraient moins ciblées que d'autres contingents.
    Voici quelques réflexions sur le retour du Canada dans les activités de maintien de la paix. Les efforts en matière de maintien de la paix ont changé depuis la dernière fois que le Canada a déployé des Casques bleus. En effet, les théâtres d'opérations sont plus instables, comme je viens de le dire, en raison d'une série de facteurs. Non seulement ces environnements de maintien de la paix sont-ils plus instables, mais en raison de la situation à l'échelle régionale et internationale, s'ils ne sont pas maîtrisés, le risque est aujourd'hui plus grand qu'il l'a été depuis la fin de la guerre froide que l'insécurité déborde les frontières nationales.
    Cela me laisse croire que la reprise des activités de maintien de la paix n'est pas vraiment une question de choix pour le Canada ou pour tout autre pays comme le Canada, c'est-à-dire des pays dont la prospérité et la sécurité dépendent de la paix et de la sécurité internationales. La reprise des activités de maintien de la paix, même si elle comporte des risques, est nécessaire pour empêcher que des zones troublées au Mali ou ailleurs deviennent des plaies béantes et la source d'une instabilité régionale, voire internationale.
    Ainsi, il me semble qu'il incombe à tout pays contributeur de troupes d'évaluer comment il peut à la fois améliorer l'efficacité globale des opérations de paix tout en réduisant le risque encouru par ses troupes. Selon moi, c'est ce que le gouvernement canadien a fait dans ce cas précis en choisissant le type de déploiements qu'il a choisi.

  (0900)  

    Merci beaucoup de votre exposé.
    Je comprends que vous devez partir un peu plus tôt, et je vous ai donc laissé plus de temps. Je crois que les membres du Comité souhaitaient entendre vos propos. Je demanderais aux autres témoins, dans la mesure du possible, de limiter leur exposé à 10 minutes. Je vous en serais reconnaissant. Lorsque vous verrez ceci, vous aurez 30 secondes pour conclure, afin que nous puissions continuer.
    J'aimerais donner la parole à Mme McAskie.
    Bienvenue.
    Comme Marie-Joëlle, j'aimerais vous expliquer le contexte de ma présence ici.
    Je crois que la plupart d'entre vous savent que je suis l'une des rares personnes canadiennes qui ont servi sur le terrain, dans mon cas à titre de représentante spéciale du secrétaire général et chef de la mission de paix des Nations unies au Burundi avec un mandat au titre du chapitre 7, de 2004 à 2006. J'ai mené une mission intégrée exhaustive formée de 5 600 troupes, de 120 policiers et de 1 000 civils.
    Permettez-moi de formuler un commentaire sur votre contexte actuel. Je dois dire que j'ai été désolée de constater que votre étude s'intitule « Le rôle du Canada dans le maintien de la paix ».
    Nous travaillons là-dessus et nous examinons une autre option.
    Comme je l'expliquerai, les jours où nous connaissions bien les activités de maintien de la paix sont depuis longtemps révolus.
    Je suis également désolée de constater que cette étude est limitée, pour le moment — je ne sais pas si ce sera permanent — au Comité permanent de la défense nationale. Je ferais valoir qu'étant donné la nature politique de ces missions, il pourrait être avantageux qu'une telle étude soit menée conjointement par votre Comité et le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    J'accueille très favorablement les plans du gouvernement actuel visant à réintégrer les opérations de l'ONU. Je crois que notre absence a nui à notre réputation. En effet, les missions de paix ont besoin du Canada, et aussi l'OTAN. L'argument qu'il faut choisir entre l'ONU et l'OTAN est un faux argument, à mon avis, car l'un n'exclut pas l'autre. Nous devons toutefois composer avec le fait que l'expérience du Canada dans ce domaine est antérieure aux réformes qui ont caractérisé les 20 dernières années.
    Marie-Joëlle a très bien expliqué comment les conflits ont changé. Je ferais plutôt valoir que l'ONU a changé. Lorsque vous écoutez des témoins dont l'expérience remonte aux années 1990, vous devez également écouter vos témoins de l'ONU qui sont arrivés plus tard et constater les énormes changements apportés par l'ONU ces 10 à 20 dernières années, surtout au début de l'an 2000 avec le rapport Brahimi et la création de missions exhaustives dirigées par un civil et faisant intervenir l'ensemble de tous les autres éléments, qui comprend habituellement le développement et l'aide humanitaire.
    Je me rends compte qu'il n'y a pas de pilier de développement au Mali, mais il y a un vaste programme de développement qui provient des donateurs au Mali. Cela a permis d'établir un lien beaucoup plus solide entre la mission, le secrétaire général et le Conseil de sécurité. J'ai rencontré le général Dallaire avant d'aller au Burundi, et je lui ai montré mon mandat. Il était renversé. Ce qui lui est arrivé au Rwanda ne peut pas se produire à nouveau, ni ce qui est arrivé dans les Balkans.
    J'ai quelques points à faire valoir, mais en raison du temps limité, je ne les expliquerai pas tous en détail.
    Tout d'abord, lorsque vous parlez de l'ONU, il faut définir ce que vous entendez par l'ONU. En effet, l'ONU n'est pas une entité par elle-même, qui agit indépendamment et qui est financée de façon indépendante. N'oubliez pas que vous parlez d'États membres. Chaque échec devient l'échec des États membres.
    Le Canada est absent depuis longtemps et a formulé de nombreuses critiques, mais il n'a pas déployé d'efforts pour régler les problèmes qu'il critique. Les plus âgés d'entre vous se souviennent peut-être de Pogo, le personnage de bande dessinée qui disait: « Nous avons vu l'ennemi; c'est nous. » Nous devons assumer la responsabilité de cette situation.
    Deuxièmement, comme je l'ai mentionné dans mon introduction, ne vous accrochez pas aux activités de maintien de la paix traditionnelles. Il n'existe plus rien de tel depuis la guerre froide, sauf en ce qui concerne l'exercice... Je peux vous donner plus de détails, si vous le souhaitez. De plus, ne confondez pas la notion de missions intégrées de l'ONU — qui comprend notamment le directeur adjoint politique, le commandant de la force opérationnelle, le directeur adjoint du développement et de l'aide humanitaire et le RSSG civil — et l'expérience du Canada en matière de missions intégrées et les approches pangouvernementales adoptées en Afghanistan. Ce n'est pas la même chose. En effet, en Afghanistan, l'armée dirigeait incontestablement les opérations, mais au sein de l'ONU, ce sont les civils et le processus politique qui dirigent ces missions.
    Ensuite, si vous me pardonnez l'expression, il ne faut pas tenir compte des peureux. Bien sûr que c'est dangereux; pour quelle autre raison irions-nous là-bas? C'est une zone de guerre; c'est évident que les armées doivent prendre des précautions. Je suis manifestement touchée pas l'aspect politique et humain des victimes, mais si nous voulons une guerre sans victimes, pourquoi avons-nous 68 000 excellentes troupes très bien formées qui ont une grande expérience? Pourquoi serait-ce important? Laisserons-nous le gros du travail aux autres?
    N'oubliez pas que des civils canadiens qui n'ont aucun soutien de leur gouvernement sont restés aux premières lignes pendant tout ce temps. Lorsque je suis entrée à l'ONU en 1999 à titre de coordonnatrice de l'aide humanitaire, la communauté internationale commençait à se retirer des activités de maintien de la paix. Plus de travailleurs humanitaires que de Casques bleus sont morts aux premières lignes en 1998. Pensez-y.
    Ensuite, il faut comprendre la signification complète de notre propre intérêt. À l'époque du terrorisme transnational, de la santé environnementale et d'enjeux liés aux migrants, notre intérêt national est un intérêt mondial. En effet, ce qui se passe au-delà de nos frontières a une incidence sur notre intérêt national. Nous devons cesser de penser que nos intérêts nationaux sont des idées qui nous procurent un avantage direct.

  (0905)  

     Le Canada est un acteur international; il l'a toujours été. La paix et la sécurité mondiales sont absolument essentielles pour notre sécurité, la santé, l'environnement, l'immigration, le commerce — pour tout. Si nous restons en retrait et que nous laissons ces crises se produire sans intervenir, alors nous en subirons les conséquences. Il y a 200 ans, Alexis de Tocqueville — dont vous devriez lire les écrits — a dit, concernant l'intérêt personnel, que le bien-être commun est en fait une condition préalable à l'ultime bien-être personnel.
    Par ailleurs, il faut investir dans la formation, pas seulement pour les Canadiens, mais pour nos partenaires du tiers monde. Vous avez devant vous la très triste ancienne vice-présidente du Centre Pearson pour le maintien de la paix, que certains de vos prédécesseurs ont abandonné. On ne peut pas le rétablir — il a disparu —, mais on peut trouver une façon de faire renaître quelque chose de ses cendres.
    Je vous recommande fortement d'examiner un institut suédois, l'Académie Folke Bernadotte, qui est indépendante, mais qui collabore étroitement avec le gouvernement, sur le plan financier, mais également avec des ONG. Elle est très respectée. Il existe bon nombre d'autres modèles; je mentionne celui-là. Personnellement, c'est celui que je préfère.
    Permettez-moi de parler également de la question de l'exploitation sexuelle à l'ONU. La situation déplorable de l'ONU à cet égard a fait couler beaucoup d'encre. Eh bien, ce qui s'est passé ces derniers mois a révélé des choses au grand jour. Ce problème ne concerne pas seulement l'ONU; oui, c'est un problème à l'ONU, et cette dernière essaie désespérément de le régler, mais c'est aussi un problème militaire, comme nous le savons bien ici, au Canada. C'est également un problème de violence masculine dans toutes les institutions.
    Hier, j'ai rencontré la personne qui me donne des conseils financiers. Elle quitte une grande banque canadienne parce qu'il s'est produit quelque chose. Je ne vous dirai pas de quelle banque il s'agit, ni ce qui s'est passé.
    C'est une question liée aux droits de la personne, à la protection des civils, et l'ONU a besoin de notre aide. Les États membres ne puniront pas les responsables, même lorsque l'ONU les aura trouvés.
    De plus, il y a l'engagement de mobiliser plus de femmes. Je vous suggère de jeter un coup d'oeil au réseau de paix du fleuve Mano, le mouvement des femmes pour la paix au Libéria et en Sierra Leone, où les femmes ont mis fin à la guerre dans le pays, en fait. Il ne s'agit pas seulement de savoir s'il y a assez de soldates ou de policières ou si une femme participe aux discussions. Non. C'est une question fondamentale qui change la donne. Il est prouvé que leur mobilisation a des effets réels sur le plan de la paix et de la sécurité. Pensez-y bien.
    Je m'excuse d'employer un langage aussi familier, mais j'ai écrit « voyons grand ou bien rentrons chez nous » — mais agissons de façon stratégique. Nous avons parlé de déployer jusqu'à 600 militaires. C'est un bon début. En fait, nous en enverrons d'abord 250. J'ai reçu une lettre en réponse à une question que j'avais envoyée au ministre de la Défense nationale, qui m'informe que le gouvernement était toujours déterminé à en déployer 600. C'était il y a environ un an. Les retards nuisent à notre capacité d'avoir une influence sur la situation. Il nous faut agir maintenant ou nous ne participerons pas aux discussions.
    Je ne parlerai pas du nombre, car j'ai vérifié les données de l'ONU, Marie-Joëlle a fourni des données et puisque le spécialiste des données est ici, il pourra vous dire combien nous en avons et à quel endroit.
    Nous devons adopter une stratégie à long terme, surtout pour l'Afrique.
    Le dernier point concerne la mission au Mali.
    Le Mali est un partenaire important. C'est un bon choix. Oui, c'est un pays dangereux, comme je l'ai dit, mais quel pays n'est pas dangereux? Depuis des années, nous avons un programme de développement auquel jusqu'à 100 millions de dollars sont consacrés par année. Il y a une dizaine de compagnies minières canadiennes au Mali ayant des investissements de 1,5 milliard de dollars. Dans les années 1990, un Canadien qui arrivait à Bamako était accueilli à bras ouverts. Il faut connaître l'histoire et les liens profonds qui existent entre le Mali et le Canada.

  (0910)  

     On peut dire à la population canadienne que « ce sont nos amis », mais nous nous sommes tenus en retrait et nous avons fait fi des signes avant-coureurs ces dernières années. Toutefois, nous ne devons pas abandonner nos amis seulement parce que c'est difficile ou dangereux.
    L'accord de paix qui a été conclu avec les rebelles est toujours respecté, en fait. Les rebelles ne l'ont pas rompu au cours des six ou neuf derniers mois. Le problème, ce sont les criminels et les terroristes.
    Il y a des conditions positives, mais il nous faut également nous assurer que nous avons un programme de développement, car c'est un investissement dans le développement qui coupera l'herbe sous le pied des criminels et des terroristes.
    Si nous voulons contribuer au succès de la mission, nous devons participer aux discussions — aux discussions politiques. Nous ne le faisons pas présentement. Notre contribution, militaire ou financière, doit être assez importante pour que nous puissions nous faire entendre. Autrement, nous ne nous attaquons pas au problème de front.
    Enfin, concernant l'ONU, comme je l'ai dit, notre propre sécurité dépend étroitement du bon fonctionnement du système international fondé sur des règles que les Canadiens ont aidé à construire au cours des 70 dernières années. Si nous ne sommes pas prêts à travailler au sein de ce système, à appuyer ses idéaux, à lui fournir des ressources et à le renforcer devant tous ses défis, alors nous ne pouvons pas blâmer les autres s'il échoue. Pourquoi est-il si difficile de comprendre que nous devons collaborer pour assurer la sécurité du monde, qui est si essentielle à notre propre bien-être?
     Le Canada avait — avait — la réputation d'être un acteur important qui apportait un grand soutien. Est-il de retour? Bien des Canadiens attendent de le savoir.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La parole est à vous, monsieur Dorn.
    Je suis très heureux de faire partie de ce groupe majoritairement féminin.
    Je vous remercie beaucoup de me permettre de donner mon point de vue sur les opérations de maintien de la paix de l'ONU ou, le terme que je préfère, sur les opérations de paix de l'ONU, qui comprend le maintien de la paix.
    Les opérations de paix sont importantes pour moi, en tant que professeur, car elles sont très importantes pour le Canada, pour les personnes qui sont dans les zones de conflits et pour les Nations unies, notre organisation mondiale. Malgré toutes leurs failles, les opérations de l'ONU demeurent l'un des meilleurs moyens de prévenir, de gérer et de résoudre des conflits. J'ai passé 30 ans à les étudier, 20 ans à les enseigner à des officiers et plus de 10 ans à travailler avec les Nations unies, ce qui inclut les missions sur le terrain qui ont été menées au Mali plus tôt cette année. Je demeure persuadé que même dans les pires zones de mission, il y a une paix à maintenir, des gens à protéger et des initiatives à appuyer. Le Canada doit fournir de l'aide et il a beaucoup à apporter.
    En tant que scientifique de formation, je me base sur des données factuelles pour décrire des tendances. Dans le document que j'ai fourni au Comité, vous verrez que le premier graphique indique le nombre de Canadiens en uniforme qui ont été déployés dans des opérations de l'ONU depuis 1950, au moment où un général canadien a dirigé le groupe d'observateurs militaires au Cachemire. Vous remarquerez le grand bond qui a été fait en 1956 lorsque les Nations unies ont déployé, à la suggestion de Lester B. Pearson, la Force d'urgence des Nations unies. Nous avons fait plus que de déployer des observateurs non armés et nous avons déployé des unités armées dans une réelle force de pacification et de maintien de l'ordre internationale. C'est alors que le nombre de Canadiens déployés a augmenté à plus de 1 000. Ensuite, le Canada a contribué à la formation d'une force de maintien de la paix à Chypre, en 1964, et a contribué encore une fois après la guerre du Yom Kippour avec la Force d'urgence des Nations unies II.
    À la fin de la guerre froide, il y a eu une pléthore de nouvelles missions en Somalie, en Bosnie, au Cambodge et au Rwanda. Les déploiements du Canada, forces policières et militaires réunies, ont atteint un sommet, de 3 300 personnes en juillet 1993. L'identité du Canada se fonde en partie sur l'excellent travail des militaires et des diplomates qui ont fait du Canada l'un des plus grands gardiens de la paix de la deuxième moitié du siècle dernier.
    Après 1995, l'ONU n'a pas créé de nouvelles missions pendant quelques années, et il y a ensuite eu un bond au cours du nouveau siècle, mais le Canada a maintenu un nombre réduit d'environ 300 à 500 personnes. La dernière fois que le Canada a déployé des unités armées dans le cadre d'opérations de paix, c'était en Éthiopie et en Érythrée, comme l'a mentionné Carolyn, et en Haïti.
    À l'heure actuelle, le Canada ne fournit pas d'unités et les effectifs déployés ne comprennent que 47 personnes, soit 23 policiers en Haïti et 24 militaires en Haïti, au Congo, à Chypre, au Soudan du Sud et au Moyen-Orient. Les chiffres sont ici.
    Jusqu'en 2006, le Canada a déployé des logisticiens dans le plateau du Golan, en Syrie, mais ils ont été retirés sous les pressions de la campagne en Afghanistan, et le nombre a été réduit de moitié, à environ 150, pour le maintien de la paix, comme le montre le deuxième graphique. Vous remarquerez la baisse du côté gauche du graphique.
    Le nombre a chuté davantage avec le gouvernement actuel. Lorsque le Canada a tenu la Réunion des ministres de la Défense des pays participants aux missions de paix de l'ONU, à Vancouver, le nombre est passé à son niveau le plus bas depuis que Pearson a recommandé la première force de maintien de la paix en 1956, et il a encore chuté en janvier. Il a augmenté légèrement depuis. Actuellement, le gouvernement déploie moins de la moitié du nombre qu'avait déployé le gouvernement précédent en moyenne. Si cela vous intéresse, je mets ces données à jour tous les mois sur mon site Web — walterdorn.net — sur une page intitulée « Tracking the Promises ».
    Le troisième graphique indique le rang qu'occupe le Canada parmi les pays contributeurs de personnel. Il est passé du premier rang, qu'il occupait durant la guerre froide — et au début des années 1990, il s'y est maintenu —, au rang qu'il occupe actuellement, soit le 74e rang.
    À des fins de référence, j'ai également ajouté un quatrième graphique qui indique le nombre de militaires et policiers déployés dans des opérations de maintien de la paix de l'ONU, et vous pouvez constater que tandis que le nombre déployé par le Canada n'a presque jamais été aussi bas, le nombre déployé par l'ONU n'a presque jamais été aussi élevé. En ce moment, le Secrétaire général de l'ONU déploie plus de forces dans des opérations que n'importe quel autre dirigeant dans le monde, dont le président des États-Unis.
    J'ai été détaché auprès de l'ONU au cours de la dernière année, grâce aux fonds d'Affaires mondiales Canada. J'ai travaillé au siège des Nations unies et j'ai effectué des visites techniques dans cinq opérations de paix. Je peux dire avec certitude que l'ONU compte un grand nombre de personnes très compétentes qui font plus que leur devoir et qui se dévouent et qui risquent leur vie pour sauver des gens vulnérables.

  (0915)  

    Je ne peux m'empêcher de rendre hommage aux membres de ma propre équipe. Lors de mon déploiement au Timor-Oriental, en 1999, j'ai perdu un membre de mon équipe, et il y a eu un massacre dans un complexe ecclésiastique où je tenais des séances d'éducation des électeurs. Cette expérience n'a fait que renforcer ma conviction qu'il nous fallait faire fonctionner l'ONU. Après 450 ans de colonialisme et d'occupation, le peuple du Timor-Oriental avait enfin la chance d'obtenir l'indépendance, et cela résultait d'une opération de l'ONU.
    Heureusement, l'ONU s'est immensément améliorée depuis. Nous ne pouvons pas juger des activités de l'ONU à partir des expériences et des tragédies que j'ai vécues en 1999 ou de celles qu'ont vécues les soldats qui ont servi il y a un quart de siècle. Le siège de l'ONU a amélioré son soutien sur le terrain à bien des égards depuis le dernier grand déploiement des Forces canadiennes, soit en Bosnie, en 1994 et en 1995.
    Par exemple, à l'époque, le Bureau des affaires militaires était dirigé par un général canadien, le général Maurice Baril. Il avait une équipe d'environ une demi-douzaine de personnes. Maintenant, le Bureau compte plus de 120 officiers militaires d'environ 70 pays différents. Malheureusement, le Bureau n'inclut pas du personnel canadien présentement.
    Les capacités de l'ONU ont augmenté immensément dans un si grand nombre de secteurs, dont ceux dans lesquels je travaille: technologie, renseignement, doctrine, formation et protection des civils.
     Les capacités du Canada pour les opérations de paix ont diminué contrairement à celles de l'ONU. Compte tenu du fait que peu d'effectifs ont été déployés au cours des deux dernières décennies, les Forces armées canadiennes ont moins d'expérience comparativement aux générations précédentes et elles reçoivent beaucoup moins de formation. La fermeture du Centre Pearson pour le maintien de la paix en 2013 a fait en sorte qu'il n'y a plus d'endroit où les militaires, les policiers et les civils peuvent recevoir une formation ensemble. Bien que le Centre de formation pour le soutien de la paix, ou CFSP, à Kingston, avec son nouvel édifice Paul A. Mayer, fait de l'excellent travail, son programme n'est destiné qu'aux militaires; il est surtout destiné au niveau tactique, et seule une petite partie de son programme porte spécifiquement sur l'ONU.
    Dans un rapport intitulé Unprepared for Peace?, j'ai mis en évidence le déclin de la formation au maintien de la paix plus généralement dans les Forces armées canadiennes. Je suis la seule personne qui donne un cours sur les opérations de paix au niveau du commandement et de l'état-major, et je peux vous dire que le nombre d'activités dans les Forces armées canadiennes représente maintenant moins d'un quart de ce qu'il était en 2005. Il y a moins d'exercices et il n'y a presque pas de jeu de rôles comme soldats de la paix de l'ONU, bien que des efforts sont maintenant déployés pour donner un nouveau souffle au programme des opérations de paix.
    Quelques autres faits percutants m'attristent également. Le Canada cherche à augmenter considérablement le nombre de femmes qui participent aux opérations de paix de l'ONU, mais nous ne donnons pas l'exemple en ne déployant que trois femmes militaires, alors que bon nombre de femmes sont prêtes à être déployées dans des missions et souhaitent l'être.
    Dans mon bureau, des femmes m'ont dit qu'elles essaient depuis des années de participer à des opérations de l'ONU, mais que les occasions ne se présentent tout simplement pas. Il y aura maintenant pour les officiers de la force aérienne et les femmes dans les détachements d'hélicoptères des possibilités intéressantes de déploiement dans le cadre d'opérations de maintien de la paix suite à l'annonce sur le Mali, et j'espère que des possibilités seront offertes aux hommes et aux femmes dans l'armée et la marine également.
    Je pourrais parler du Mali, mais je réserve cela pour les questions, car je suis certain qu'il y en aura à ce sujet. J'ai fait une analyse statistique sur les décès, et j'aimerais à un moment donné parler de la question des enfants soldats au Mali.
    Pour conclure, je dirais qu'il y a tellement de choses à faire pour nous réengager dans les opérations de paix. Nous devons éviter que l'analyse nous paralyse. Cela fait un certain nombre d'années que nous tergiversons, ce qui a causé les problèmes pour l'ONU dans ses déploiements. Je recommande que nous adoptions un modus operandi consistant à pousser sur ce qui avance, c'est-à-dire qu'il nous faut commencer rapidement à travailler à toute une série d'activités afin d'acquérir l'expérience dont nous avons besoin pour trouver les initiatives qui nous permettront de faire des percées.
    J'ai présenté un mémoire qui contient plus de 40 recommandations. Vous pouvez l'utiliser comme large assortiment et voir sur lesquelles vous pourriez choisir d'attirer l'attention.
    Le Canada peut devenir une force vraiment constructive sur la scène internationale en contribuant à apporter la paix dans des régions du monde qui sont déchirées par la guerre. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous pourrons aider à guérir les plaies ouvertes qui causent des hémorragies de problèmes dans le reste du monde. Ce n'est qu'alors que les vagues de réfugiés pourront diminuer, que les maladies pourront être éradiquées et que le terrorisme pourra être éliminé à la source. Ce n'est qu'à ce moment-là que le Canada pourra vraiment dire qu'il est de retour.
    Merci.

  (0920)  

    Merci beaucoup de vos fascinants exposés.
    Nous avons une nouvelle approche qui pourrait s'appliquer au Mali ou à toute autre chose que nous décidons de faire dans l'avenir et nous avons aussi une mission précise dont nous pouvons parler. Il y a donc beaucoup de sujets à aborder.
    C'est le député Spengemann qui aura la première série de sept minutes. Vous avez la parole.
    Monsieur le président, je tiens à remercier les trois témoins de leur présence ici. Je les remercie de leur expertise et de leurs services.
    J'aimerais mettre l'accent sur les facteurs humains qualitatifs des opérations de paix, parce que je crois que les opérations de paix sont l'affaire des gens. J'aimerais surtout poser mes questions à Mme McAskie. J'ai sept minutes; c'est loin d'être suffisant pour me permettre de tirer profit de votre expertise et de vos connaissances, mais je vais essayer de décortiquer certains thèmes.
    Je suis d'accord avec vos commentaires. Vous avez dit que le sujet va bien au-delà de la portée du Comité de la défense et qu'il faut, dans les paramètres de l'étude, faire comprendre à la communauté de la défense qu'elle n'est pas un simple maillon de la chaîne. Elle fait partie d'un tout intégré plus vaste.
    J'aimerais parler tout d'abord de la complexité du sujet. Il en a été question lors de la dernière réunion du Comité, et vous y avez fait allusion. Le sujet est complexe. En fait, vous avez été la première Canadienne à diriger, à titre de représentante spéciale du secrétaire général, une « mission complexe » de l'ONU. C'était explicitement défini comme une mission complexe.
    Pouvez-vous expliquer brièvement au public canadien ce que cela signifie? Qu'est-ce qu'une mission complexe? Quels en sont les éléments?
    Même si le mot est « complexe », la réponse est assez simple. Avant 1999, la présence de l'ONU sur le terrain était assez fragmentaire. Dans de nombreux cas, le commandant de la force menait ses opérations de façon indépendante — pas totalement de façon indépendante, mais de façon indépendante — des autres opérations de l'ONU sur le terrain.
    L'une des grandes tragédies pour Roméo Dallaire était qu'il y avait un directeur politique sur le terrain qui avait un point de vue très déformé, pour le dire ainsi, de la réalité. Le général Dallaire n'avait absolument aucun soutien. Par ailleurs, les opérations de l'ONU en matière d'aide humanitaire et de développement étaient dirigées depuis longtemps par un coordinateur résident de l'ONU qui n'entretenait aucun rapport avec la mission militaire ou le bureau politique.
    L'une des principales recommandations du rapport Brahimi en 2000 était l'idée d'une mission complexe où toutes les opérations de l'ONU se feraient de concert, et la mission reposerait sur des piliers précis dans le cadre d'un plan stratégique qui découlerait du mandat adopté par une résolution du Conseil de sécurité. La résolution du Conseil de sécurité établirait tous les éléments d'une présence de l'ONU sur le terrain.
    L'organe qui s'occupe du développement, dont le financement provient de contributions volontaires, contrairement aux opérations de maintien de la paix et aux activités de l'administration centrale dont le financement provient de contributions fixées — si quelqu'un veut connaître la différence entre les deux, je serai heureuse de l'expliquer — continuait de fonctionner de manière assez indépendante. C'était un peu difficile durant les premières années de la première décennie du siècle de réussir à regrouper à la même table des gens qui s'occupent du développement, des agents politiques et des agents du développement.
    L'organe qui s'occupe de l'aide humanitaire a également eu de la difficulté à cet égard. Les responsables de l'aide humanitaire s'occupaient seuls de leur fonctionnement, comme je l'ai mentionné. Ils étaient déjà sur le terrain au front avant que les opérations de maintien de la paix commencent vraiment à s'intensifier après 2000, et ils étaient très réticents à être vus en compagnie de gardiens de la paix, parce que les gardiens de la paix étaient vus par les divers partis impliqués dans le conflit, même s'ils étaient neutres et venaient de divers pays, comme des gens qui soutenaient le gouvernement national, même si ce n'était pas le cas. Les responsables de l'aide humanitaire étaient donc habitués à devoir négocier pour se frayer un chemin derrière les lignes ennemies pour livrer l'aide humanitaire.
    Bref, c'est une question complexe qui ne sera jamais vraiment totalement réglée.

  (0925)  

    Non. Je crois que c'est...
    Bref, lorsque nous parlons d'une « mission complexe », cela fait tout simplement référence aux piliers établis dans le cadre d'un plan stratégique complet qui a reçu l'aval du Conseil de sécurité.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Pour revenir aux facteurs humains qualitatifs, comme je l'ai mentionné au départ, l'une des choses que j'ai apprises en participant à une mission intégrée de l'ONU, c'est l'importance de la confiance: la confiance entre les gouvernements, la confiance entre les branches militaires et la confiance au sein de la société civile du pays qui reçoit l'aide.
    Pouvez-vous nous parler de son importance? Voici où je veux en venir. Qui sont les gens que nous déployons lors de ces missions? Quels types de compétences possèdent-ils? Je m'intéresse particulièrement aux compétences comportementales et aux compétences humaines instinctives qu'ont certains pour établir une relation de confiance. Il a fallu à mon équipe une bonne partie de l'année pour réussir à convaincre nos homologues du gouvernement auquel nous venions en aide de seulement nous écouter, encore moins de nous parler, et de nous donner un portrait complet des problèmes sur le plan politique.
    Comment pouvons-nous bien le faire? Comment pouvons-nous insister sur l'importance de la confiance et du déploiement de personnes qui sont douées pour établir une relation de confiance?
    Il faut d'abord comprendre que le pays où vous êtes déployé est un pays membre de l'ONU, tout comme le Canada. Vous n'êtes pas là pour l'améliorer; vous êtes là pour soutenir les efforts sur le terrain. Il faut des militaires qui sont également des diplomates et des diplomates qui comprennent les questions militaires. Il faut que toutes ces personnes soient formées ensemble.
    Il y a un excellent cours, mais je ne sais pas s'il est encore offert. Je crois que Walter pourrait le savoir. Après avoir pris ma retraite, j'y ai participé. C'est une formation sur le leadership de l'ONU. Le Canada y a participé. Nous avons financé certaines réunions.
    Le cours est-il encore offert?
    Oui.
    C'est encore offert. Il permet de regrouper des candidats actuels ou futurs à des postes supérieurs dans l'armée, le milieu politique et le développement en vue de le former ensemble pour qu'ils comprennent ce qu'est une mission complexe. Ce programme permet d'apprendre aux militaires les éléments du contrôle civil des forces militaires qu'ils ne comprennent pas et d'apprendre aux politiciens le rôle que peut jouer l'armée.
    Chaque situation est différente, mais vous avez besoin de personnes qui sont sensibles aux conditions sur place. L'un des éléments les plus importants que j'ai répétés tout au long de ma carrière — que cela concerne le développement, l'aide humanitaire, le milieu politique, la consolidation de la paix et le maintien de la paix —, c'est qu'il faut regrouper tous les intervenants pour essayer d'en arriver à une compréhension commune des véritables problèmes.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant. Il me reste environ 30 secondes, et j'aimerais vous entendre sur un aspect précis. L'une des bonnes mesures que les Américains ont prises en Irak, c'était de déployer des officiers de la Réserve pour occuper des postes qui traitaient des questions et des problèmes de gouvernance avec le gouvernement irakien. Il s'agissait de personnes qui possédaient des compétences comportementales et qui comprenaient le facteur humain.
    Est-ce quelque chose que nous devrions envisager comme une manière possible de contribuer encore plus efficacement aux efforts?

  (0930)  

    Que voulez-vous dire par « Réserve »? Parlez-vous des réservistes?
    Je parle des personnes qui étaient dans la réserve de l'armée dans leur pays et qui ont été déployées dans un autre pays, parce qu'elles possédaient un éventail de compétences plus vastes que les militaires.
    Je ne suis pas au fait de la manière dont nous définissons les compétences des réservistes canadiens, mais je crois que nous devrions nous assurer d'avoir des gens qui comprennent la situation sur le terrain et qui ont été formés pour traiter avec la société civile et le gouvernement.
    Merci.
    Je crois que mon temps est écoulé, monsieur le président.
    Merci, monsieur Spengemann.
    La députée Gallant a la parole.
    Merci, monsieur le président.
    La mission au Mali commence vraiment à ressembler énormément à la mission en Afghanistan. Nous avions les talibans là-bas, et nous avons les Touaregs, Al-Qaïda et de nouveaux groupes. Cela m'apparaît davantage comme une opération contre-insurrectionnelle ou contre-terroriste, et il a même été dit que c'était une zone de guerre.
    La différence est évidemment notre mission. En Afghanistan, nous n'avions pas les hélicoptères pour accomplir une telle mission, et cela nous rappelle évidemment l'annulation du contrat d'achat des hélicoptères EH101. Lorsque des commandants militaires ont témoigné la semaine dernière devant le Comité, ils ont même dit qu'en vue de protéger les hélicoptères ils s'appuieraient sur les mêmes règles qu'ils ont utilisées en Afghanistan en ce qui concerne la protection aérienne.
    J'ai vraiment l'impression que la différence entre cette mission et la mission en Afghanistan, c'est que nous étions en Afghanistan, parce qu'un pays membre de l'OTAN a été attaqué par quelqu'un qui a été formé en Afghanistan, et nous ne savons pas si une attaque terroriste a été perpétrée par une personne formée au Mali. C'est présenté sous le couvert du maintien de la paix, parce que c'est plus acceptable aux yeux de la population, ce qui permet évidemment au gouvernement d'éviter d'en débattre.
    Ce qui est vraiment difficile à comprendre, c'est la manière dont cette mission concerne l'intérêt national, même si je reconnais que des sociétés minières canadiennes sont présentes au Mali. L'avantage intangible de la diffusion des valeurs canadiennes du gouvernement ne réussit pas à persuader bon nombre de personnes que le sang versé et l'argent englouti en vaudront la peine.
    Mes questions se fonderont sur notre expérience dans les missions de maintien de la paix. Je répète que c'est ce qui nous préoccupe. Dans les missions de l'ONU, la chaîne de commandement n'a pas été aussi fiable que ce que nous avons connu, par exemple, dans les missions de l'OTAN.
    Ma première question s'adresse à Mme Zahar, et cela concerne son expérience sur le terrain.
    Le Canada a perdu 159 militaires en Afghanistan, dont 132 qui ont été tués par des explosifs. Les troupes ont essuyé des tirs directs, et des militants islamistes ont commis des attentats suicides. Comment qualifieriez-vous le degré de menace et les capacités des groupes terroristes qui attaquent les forces de l'ONU au Mali? Ces groupes prennent pour cible des gardiens de la paix.
    Si vous me le permettez, j'aimerais tout d'abord revenir sur votre comparaison entre le Mali et l'Afghanistan pour dire que la mission au Mali a le potentiel de devenir un autre Afghanistan, mais ce n'est pas encore le cas. Voilà pourquoi je crois qu'il est très important de ne pas seulement lire les manchettes. Le Mali a un gouvernement fonctionnel. Il y a de multiples groupes, y compris des groupes armés dans le nord que nous qualifions de groupes islamistes ou terroristes, qui veulent conclure une entente politique et qui souhaitent que le pays se relève.
    Le pays a de la difficulté à mettre en place son accord de paix, et ces problèmes expliquent en partie pourquoi des groupes comme Al-Qaïda essaient de manipuler les gens qui sont mécontents et de leur en offrir plus.
    Qu'est-ce que ces groupes leur offrent? Ils leur offrent des services de base que le gouvernement du Mali n'a pas encore la capacité d'offrir à toute sa population. Cette situation ne s'applique pas seulement dans le nord, mais c'est en particulier dans le nord. Ces groupes offrent un sentiment de sécurité, parce qu'il n'y a aucune force de l'ordre et que des incursions frontalières sont monnaie courante. En échange, ces groupes demandent aux gens de leur prêter allégeance, puis il y a les préoccupations que vous avez soulevées.
    Autrement dit, je crois que nous avons encore une chance très raisonnable au Mali de renverser la vapeur. Le Mali a déjà eu trois accords de paix auparavant. Ces accords n'ont pas été pleinement mis en oeuvre notamment parce que personne n'avait la vision ou l'intérêt national, pour ainsi dire, pour rester suffisamment longtemps en poste pour voir à la mise en oeuvre des accords. Pour tout dire, divers partenaires internationaux font semblant.
    Pour répondre à votre question, à ma connaissance, les groupes qui sont actuellement actifs au Mali peuvent utiliser des engins explosifs improvisés, mais ils n'ont pas d'équipement de pointe. Autrement dit, ils ne présentent pas le même genre de menace que présente Al-Qaïda en Afghanistan ou que présentaient les talibans en Afghanistan.
    De nombreux petits groupes font leur apparition et essaient de profiter de leur allégeance à Al-Qaïda ou au groupe État islamique pour obtenir des ressources. Ce qui est intéressant au sujet de ces groupes, en particulier au centre du Mali, c'est que nous sommes peut-être en désaccord avec la manière dont ils le font, mais les ressources sont utilisées pour mettre en place une gouvernance et en gros fournir un semblant de justice et des services aux gens. Autrement dit, lorsque le gouvernement n'arrive pas à offrir des services, d'autres font leur apparition pour les offrir, et ces autres groupes sont mis à profit.
    Comme je connais le Mali, voici la meilleure réponse que je peux vous donner à ce titre. Il est primordial d'aider le gouvernement malien à prendre en charge sa gouvernance et à renforcer ses capacités, parce que c'est la seule façon d'empêcher le Mali de devenir un autre Afghanistan.

  (0935)  

    Comment ces insurgés dans le nord qui fournissent des ressources au peuple dans la région sont-ils financés? D'où leur financement pour ce faire provient-il?
    Il y a beaucoup de criminalité et de réseaux transnationaux. La contrebande et les drogues qui sont acheminées en Europe passent par le Mali. Il y a une relation — et une difficulté liée à cette relation — entre la criminalité et les groupes politiques, mais ce sont notamment des gens qui essaient d'acheminer des ressources à un endroit où il n'y a aucune autre ressource.
    À la table de négociation, bon nombre de ces groupes demandent au gouvernement de leur donner le rôle de police frontalière pour que ces groupes aient en fait des emplois stables et que leurs membres tournent le dos à la criminalité. Selon moi, c'est la meilleure indication que ces groupes sont sérieux. Malheureusement, le gouvernement actuel n'a pas accepté cette option, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas là un certain potentiel. C'est possible au pays de faire en sorte que ces groupes tournent le dos à cette myriade de groupes terroristes islamistes qui sont également présents ailleurs.
    Merci.
    Le député Garrison a la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup aux témoins. Je vais tenter de résister à la tentation de témoigner moi-même, et je tiens à rassurer les témoins que le libellé de notre étude ne se veut pas nécessairement le titre de notre étude. La motion peut en fait évoluer en fonction des témoignages que nous entendrons, et je précise que c'est une motion que j'avais proposée il y a un an et demi. Les choses avancent très rapidement.
    J'aimerais surtout poser mes questions à Mme Zahar, parce que je sais qu'elle doit partir bientôt, et j'aimerais revenir sur certains éléments qu'a soulevés Mme Gallant.
    Premièrement, pourquoi une mission de l'ONU est-elle la meilleure façon d'intervenir dans des situations comme au Mali? Quels en sont les avantages par rapport à d'autres efforts, comme la mission contre-insurrectionnelle ou la force G5 Sahel?
     En peu de mots, c'est parce que les missions ne sont pas uniquement militaires. Elles permettent d'établir des liens entre l'insécurité, les problèmes gouvernementaux et les problèmes de développement, et d'agir. C'est aussi parce que même si tout le monde critique l'ONU, y compris les acteurs maliens, quand on les réunit dans une salle et qu'on leur explique la situation, ils se rendent compte que l'ONU n'a pas, outre la paix et la sécurité, le type d'intérêts que d'autres pays ont d'obtenir un résultat particulier au Mali.
    L'Algérie a négocié une entente parce que, pour être franche, les Algériens ne voulaient pas d'une autre insurrection à leur frontière. Lorsqu'ils ont commencé à s'inquiéter de ce qui se passait en Libye, ils voulaient en finir le plus rapidement possible avec le Mali pour pouvoir se concentrer sur la Libye. C'est cette hâte qui explique en partie pourquoi nous avons une entente mal ficelée.
    En d'autres mots, personne à part l'ONU, si elle obtient les appuis et les fonds nécessaires, n'est intéressé et disposé à tenir bon. Les autres pays y trouvent leurs intérêts ou partent. À mon avis, c'est la raison pour laquelle l'ONU demeure la meilleure option. C'est aussi parce que l'ONU est le seul endroit où toutes les parties ayant des intérêts peuvent se réunir pour discuter.
    L'ONU est donc l'endroit où les membres du G5 Sahel ou les Français où tous règlent leurs différends pour arriver à des ententes. Nous avons pu le constater lorsque l'ONU ne voulait pas à l'origine appuyer la force du G5 Sahel; il y a eu des discussions de corridor et on est parvenu à obtenir un appui.
    L'ONU demeure l'endroit où les divers acteurs ayant des intérêts nationaux particuliers peuvent se parler. Il n'y a pas d'autres organisations ou acteurs ayant ce pouvoir rassembleur.

  (0940)  

    Des gens qui ont témoigné devant le Comité et d'autres qui participent aux discussions sur le Mali disent qu'il n'y a pas de paix à maintenir. Vous avez tous semblé dire le contraire.
    Je pense que je vais commencer par Mme Zahar et ensuite laissez les deux autres témoins répondre à leur guise. Y a-t-il une paix à maintenir?
    C'est fragile. Il y a eu des progrès au cours des derniers mois. Ces progrès viennent après deux ans d'une difficile mise en oeuvre du processus de paix, mais il y a des progrès importants depuis les derniers mois.
    Certains problèmes ne viennent pas nécessairement des acteurs politiques du conflit, mais plutôt de l'émergence de nouveaux acteurs, en particulier au centre du Mali. Est-ce une situation d'après-conflit? Non, ce n'est pas le cas, mais aucune des missions de maintien de la paix de l'ONU n'a été déployée en situation d'après-conflit seulement. On se trouve dans une situation hybride lorsque l'ONU déploie des troupes. Pour revenir sur ce que disait Carolyn un peu plus tôt, les déploiements ne seraient pas nécessaires autrement. On envoie des troupes pour répondre à un besoin et parce qu'il existe une possibilité réelle d'un retour à l'insécurité et à une guerre ouverte.
    Madame McAskie, aimeriez-vous répondre?
    Votre question est un très bon exemple de la raison pour laquelle l'expression « maintien de la paix » nous amène dans un piège en quelque sorte. Si on s'y rend uniquement une fois la paix installée, à quoi bon y aller?
    Le concept actuel des opérations de paix consiste à aider à créer un environnement de paix et, aussi longtemps que l'on continue d'appeler l'aile militaire les soldats de la paix, d'amener les soldats de la paix sur le terrain pour assurer la sécurité afin de créer un environnement propice aux discussions de paix et d'assurer la sécurité nécessaire pour permettre aux participants de venir à la table des discussions.
    À l'heure actuelle, il y a une paix fragile à maintenir, mais la situation est passablement trouble en marge. Comme Marie-Joëlle l'a expliqué clairement, c'est le lot malheureusement des conflits actuels.
    Y a-t-il une paix à maintenir? Ce n'est pas la question, à mon avis.
    Monsieur Dorn, aimeriez-vous répondre? Évitez simplement de croiser le regard du président.
    Des députés: Oh, oh!
    Le Mali n'est pas l'Afghanistan. Ce n'est pas une zone de guerre. La MINUSMA n'est pas une mission antiterroriste. Il y a une paix à maintenir. Il y a un processus de paix qui devrait être maintenu. Il y a des enfants soldats qui doivent être secourus.
    Nous avons besoin du genre de compétences que le policier de Toronto a utilisées vendredi dernier et qui servent à désamorcer les tensions dans une situation donnée.
    Merci.
    Madame Zahar, je suis conscient de vos contraintes de temps, et vos témoignages à tous sont fascinants, mais à moins de pouvoir vous convaincre de rester, je...
    J'aimerais rester, mais je froisserais alors vos collègues à Affaires mondiales qui m'attendent.
    Je vais suspendre pendant deux secondes parce que j'aimerais dire au revoir, et nous reprendrons dans environ 60 secondes.

    


    

  (0945)  

    Bon retour.
    Nous avons une dernière question de sept minutes. Je cède la parole au député Robillard.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Madame McAskie, à titre d'ancienne représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies, pouvez-vous me dire de quels types de ressources et de quels niveaux de personnel les Nations unies ont le plus grand besoin de la part du Canada aux fins d'opérations de maintien de la paix?
    C'est soit une question difficile, soit une question assez facile. On pourrait dire que les Nations unies ont besoin de tout, que ce soit au Mali, au quartier général à New York ou ailleurs.
    D'abord, je crois qu'elles ont besoin de forces armées bien formées, comme celles du Canada. Je crois que les Forces armées canadiennes seraient un atout extraordinaire pour les Nations unies. Cela va presque de soi.
    Personnellement, je dirais aussi que les Nations unies ont besoin de la capacité politique et de l'analyse de développement du Canada, étant donné la longue histoire des relations entre le Mali et le Canada. Le Canada a une grande connaissance de l'histoire du Mali et de la situation courante. Je crois qu'on devrait aller chercher ces types de personnes pour offrir leurs services aux Nations unies dans des postes clés, non seulement dans une mission canadienne, mais aussi dans la mission de l'ONU. Je crois que c'est très important pour la mission de l'ONU d'avoir accès aux gens qui ont une grande expérience, une expérience de plusieurs années, et nous l'avons. Ce serait très important.
    J'ajouterais un troisième aspect, que mon collègue Walter Dorn a mentionné lors de son intervention. Il n'y a aucun Canadien dans le Bureau des affaires militaires, dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU, à New York. C'est vraiment une lacune qu'il faudrait combler. Le fait que nous n'ayons personne à cet endroit veut dire que nous n'avons pas l'occasion de contribuer au développement des missions, à la planification à long terme ni à l'appui aux missions sur le terrain. Comme le disait Mme Gallant, cela touche aux questions liées à la chaîne de commandement. En fait, nous ne pouvons pas critiquer les problèmes de la chaîne de commandement si nous n'avons pas de gens dans la chaîne de commandement. Il faut donc qu'il y ait des Canadiens dans la chaîne de commandement. Cela pourrait aussi nous donner un accès à de l'information privilégiée.
    Ce sont les trois aspects sur lesquels j'insisterais.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à l'un d'entre vous.
    Quels types de réformes — administratives, institutionnelles, politiques, financières ou autres — seraient nécessaires afin d'assurer l'efficacité et la réussite des missions de maintien de la paix des Nations unies?

  (0950)  

    Vous m'excuserez, mais je ne vais pas tenter de répondre à cette question. J'ai pris ma retraite des Nations unies en 2008. En fait, je suis un peu ce qui se passe dans les dossiers de l'ONU en discutant avec mes collègues. Cependant, vous allez recevoir un représentant haut placé de l'ONU, et je crois qu'il pourra vous fournir une meilleure mise à jour.
    Tout ce que je peux dire, c'est que le processus de maintien de la paix des Nations unies a évolué de façon rapide et extraordinaire au cours des trois dernières décennies. Les Nations unies sont très conscientes de ce qu'il faut faire, cependant elles manquent d'appui de la part des gouvernements et de ressources.
    Je suis dans l'impossibilité de vous renseigner sur les aspects administratifs ou financiers. Cependant, je peux vous dire qu'il faut toujours plus d'argent, effectivement.
    Je pense que l'ONU a aussi besoin de leaders provenant du Canada, comme Mme McAskie.
    En ce qui a trait aux réformes, il y a un manque de capacités dans plusieurs domaines. Je travaille à la technologie dans les opérations de maintien de la paix, et j'espère que le Canada pourra aider. Il y aura une conférence à Berlin dans trois semaines, et j'espère que le Canada pourra y envoyer un représentant.
    En ce qui a trait au financement, il y a un grand besoin de fonds volontaires pour les pays et pour le déploiement rapide. Il faut que les pays puissent envoyer des troupes après un ou deux mois, et non pas après un an ou deux.
    Étant donné que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies établissant les mandats de maintien de la paix sont bien souvent menées à bien par des organismes autres que les Nations unies, comme l'opération de l'Union africaine en Somalie ou la mission de l'OTAN en Afghanistan, d'autres organisations sont-elles plus efficaces pour accomplir les mandats du Conseil de sécurité dans certaines situations? Si tel est le cas, pourquoi?
    Encore une fois, cela dépend de la situation.
    Je peux vous donner un excellent exemple de mon expérience au Burundi. Rappelez-vous que j'étais là en 2004, à l'époque du lancement de la mission de l'ONU et de la résolution du Conseil de sécurité. Toutefois, le processus avait été démarré par l'ancien président de la Tanzanie, dont le nom m'échappe. Voilà, cela me revient: c'est Julius Nyerere. Je ne sais pas comment j'ai pu l'oublier, parce que c'est l'un de mes héros. C'est lui qui a géré un pays comme la Tanzanie et qui a décidé que la paix était la chose la plus importante. C'est lui qui a reçu des centaines de milliers de réfugiés du Rwanda et du Burundi sur son terrain. C'est lui qui, après avoir passé le pouvoir à son successeur, a commencé le processus de paix pour le Rwanda et le Burundi. Cela a continué pendant 10 ou 15 ans. C'était le groupe régional africain en appui au processus de paix qui a vraiment fait pression sur le Burundi d'une façon dont l'ONU était incapable de le faire.
    D'autres organisations ont donc des rôles à jouer. L'ONU est centrale, mais l'appui des pays de la région est absolument nécessaire. C'est impossible de continuer sans cela.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions de cinq minutes.
    Madame Alleslev, la parole est à vous.
    Merci beaucoup d'être avec nous.
    J'aimerais approfondir un peu certains de vos propos, et comprendre en particulier quelle pourrait être notre contribution, pas seulement dans les missions, mais pour ce qui est des fonctions du personnel?
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet — dans quels domaines, à quel niveau? Que recommanderiez-vous et comment devrions-nous procéder pour y arriver?
    C'est lui l'expert.

  (0955)  

    Ce qui a changé dans les activités de maintien de la paix depuis le début est l'élargissement des mandats, ce qui veut dire qu'il faut une foule de gens qui ont des compétences dans ces domaines. Si on parle d'édification de la nation ou d'une réforme du secteur de la sécurité, il ne faut pas seulement réformer l'armée et la police mais aussi s'occuper des tribunaux. Il faut même s'occuper des agences du renseignement du gouvernement.
    Pour ce faire, on a besoin de compétences spécialisées et c'est là où nos réservistes peuvent être utiles, car ils peuvent contribuer les compétences qu'ils possèdent dans leur emploi. C'est pourquoi il faut offrir de la formation spécialisée pour ces activités, étant donné les mandats très diversifiés que l'ONU accorde.
    Est-ce que cela se passera à New York? Je parle du volet stratégique structurel, pas seulement du déploiement dans des missions précises.
    Nous devons renforcer les Nations unies à New York. On y trouve cinq fois plus d'employés qu'au début des années 1990, l'époque palpitante du DOMP, maintenant le Département de l'appui aux missions, mais il faut faire beaucoup plus.
    Je pense que New York manque de personnel, de ressources et de financement. J'y ai travaillé la dernière année, et les gens adoreraient entreprendre toutes sortes d'initiatives, mais ils n'ont pas le personnel et les ressources pour le faire.
    Qu'est-ce qui empêche le Canada d'y envoyer du personnel?
    Le gouvernement canadien a passé beaucoup de temps à se demander comment contribuer, mais sans agir, sans passer à l'action. Selon moi, quand on commence à faire de petits pas, on découvre ensuite des façons d'en faire de plus grands. Il faut postuler pour obtenir des postes militaires à New York également.
    D'accord. Si je peux maintenant passer à une question un peu plus philosophique, nous avons beaucoup discuté de notre rôle dans le monde et du fait que la stabilité internationale sert notre intérêt également. Est-ce alors notre contribution relative qui sert de mesure? Avons-nous la responsabilité de jouer un rôle sur la scène internationale en fonction de notre poids ou de ce qu'on souhaite? Comment évalueriez-vous cela, en partant d'où on se trouve actuellement?
    Eh bien, il faut se rappeler que je fais partie de la génération de fonctionnaires qui parlaient beaucoup de jouer dans la cour des grands. J'ai passé 40 ans à travailler dans le développement, le maintien de la paix, la consolidation de la paix, l'aide humanitaire, les négociations internationales, les banques de développement international, à l'ONU. Le Canada était toujours un chef de file.
    Nous étions donc en mesure de définir le programme d'action. Nous définissions le programme parce que nous étions présents et nous assumions nos responsabilités.
    Et aujourd'hui...?
    Aujourd'hui, je connais un Canadien très compétent qui a travaillé à temps plein aux Nations unies, et sous l'ancien secrétaire général, Ban Ki-Moon, il s'est fait dire qu'il n'allait pas obtenir le poste de RSSG parce que le Canada ne faisait rien pour qu'il l'obtienne.
    Nous avons raté des occasions de placer des Canadiens compétents dans la mission. Ils ont cessé de nous demander de fournir des chefs militaires et des dirigeants politiques, et nous ne sommes pas à la table des négociations. Si nous ne sommes pas à la table, nous ne pouvons pas influencer les négociations.
    J'ai participé à des négociations jusqu'aux petites heures à l'ONU pendant je ne sais plus combien d'années.
    Pouvez-vous me donner une idée du vide à combler? Remonte-t-on là où nous étions, aux niveaux de 1995? Je suis de la même époque, et c'est l'idée que je me fais de jouer dans la cour des grands. C'est plus que ce que nous faisons aujourd'hui. Comment fait-on pour savoir si le niveau est adéquat?
    C'est une question en partie numérique, mais aussi qualitative et quantitative. Il faut être à la table, mais si vous êtes à la table au comité budgétaire du Programme de développement des Nations unies et que vous êtes le cinquième donateur en importance, ce n'est pas la même chose que d'être le quinzième en importance.
    Nos contributions aux efforts de développement qui n'ont cessé de diminuer, et on ne nous considère plus comme un joueur. Nos diplomates sur le terrain continuent de faire un travail remarquable, mais ils sont limités par le fait qu'ils n'ont pas les ressources pour soutenir leur influence.
    Je ne sais pas comment on réussira à obtenir le vote pour le Conseil de sécurité la prochaine fois. Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de la campagne; je n'en fais pas partie.

  (1000)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au député Yurdiga.
    Merci, monsieur le président.
    Nous vivons des temps troubles. Les choses ont changé avec le temps. Le maintien de la paix n'est plus du maintien de la paix. C'est une activité hybride entre le maintien de la paix et la lutte antiterroriste. C'est un défi.
    Je pense que la formation doit être axée sur la formation. Je m'inquiète beaucoup de pays comme l'Éthiopie, l'Inde et le Pakistan. Je ne suis pas certain que leurs soldats suivent de la formation contre le terrorisme comme nos soldats le font. Nos soldats sont très bien formés et tout le monde est fier de ce nous pouvons faire. Nous jouons dans la cour des grands dans chaque situation.
    Devrions-nous axer davantage nos efforts sur le fait d'offrir de la formation à d'autres pays sur la lutte contre le terrorisme et, à ce sujet, sur l'éthique des opérations militaires? Nous avons participé à des missions de paix par le passé au cours desquelles il est souvent arrivé que des soldats laissent tomber leurs armes et partent.
    J'ai visité les unités indiennes et pakistanaises. J'ai travaillé avec leurs officiers et je pense qu'ils sont très bien. L'Éthiopie a acquis une solide expérience des combats et du maintien de la paix au cours des dernières décennies. À bien des égards, ces pays en savent maintenant plus que le Canada sur le fonctionnement du maintien de la paix.
    Je ne pense pas que les gens qui sont déployés dans les opérations de paix devraient suivre une formation contre le terrorisme. Nous avons fait cette erreur en Somalie. Nous avons déployé notre régiment aéroporté. Notre pays a souffert d'une terrible réputation en raison des mauvaises actions de certains soldats de ce régiment, et nous l'avons démantelé.
    Si vous essayez de combiner la lutte contre le terrorisme et les opérations de paix, vous allez créer des situations où les soldats n'agiront pas de la bonne façon et vont en fait intensifier les tensions au lieu de les désamorcer, et ils vont empirer la situation.
    Merci.
    Le problème que j'ai est que nous avons les soldats français sur le terrain avec le G5 Sahel qui mènent des activités de lutte contre le terrorisme. Il y a un engagement actif sur le terrain. Nous avons maintenant l'ONU sur place. Les rôles sont-ils différents? Que fait l'ONU actuellement sur le terrain? Tout le monde comprend qu'elle est la cible de tous dans le camp adverse. Quel est le rôle de l'ONU à l'heure actuelle?
    Le rôle de l'ONU est de soutenir le processus de paix et de mener toute une gamme d'activités, qui vont de la protection des civils à celle des droits de la personne et des enfants. L'opération Barkhane, dirigée par les Français, est une mission de lutte contre le terrorisme, tout comme le G5 Sahel. Il est important de garder ces missions séparées, car autrement, les groupes terroristes armés pourraient dire qu'il s'agit d'une seule unité, et ils vont attaquer les points vulnérables: ceux qui fournissent de l'aide humanitaire, ceux qui travaillent au développement à l'ONU. Il faut qu'ils voient que des initiatives distinctes sont en cours. Il y a des recoupements, mais il faut que ces missions demeurent séparées. Elles ont très certainement des rôles différents.
    Y a-t-il des communications entre l'ONU et les Français? Il s'agit bien sûr de deux rôles différents, et nous ne voulons pas nuire à leurs opérations. Y a-t-il des communications entre les deux, et prêtons-nous main-forte aux Français?
    Il y a des communications. Les Français ont aussi des soldats qui participent à la MINUSMA, alors ils savent très bien ce qui se passe. Le personnel de la MINUSMA pourrait devoir être secouru par les forces françaises. Elles partagent certaines ressources, et il est essentiel qu'ils communiquent ensemble. Il faut simplement que leurs rôles soient vus comme différents, et ils sont en fait très différents.
    Les frontières du Mali sont très poreuses. Quelle est l'importance de garantir la sécurité des frontières? Est-ce même possible? Des acteurs à l'extérieur du Mali font des incursions au Mali, mènent leurs opérations, puis repartent. Est-il même possible de garantir la sécurité des frontières?
    Il est impossible de garantir totalement la sécurité des frontières, en particulier dans des pays comme le Mali, où on trouve de vastes zones désertiques ouvertes, mais on peut améliorer la situation. En janvier, j'étais au Mali justement pour déterminer si on pouvait utiliser des véhicules aériens sans pilote pour cette mission.

  (1005)  

    J'aimerais simplement ajouter qu'on n'a pas parlé des conséquences de notre façon de gérer l'opération en Libye. Par « nous », j'entends la communauté internationale dans son ensemble.
    Le fait est qu'une part du conflit au Mali a été alimentée par l'arrivée massive d'armes qui étaient soudainement disponibles après que la communauté internationale a déclaré victoire en Libye, avec défilé aérien, et a ensuite refusé d'accepter la proposition de l'ONU que la Libye fasse l'objet d'une mission exhaustive qui aurait pu — même si je ne sais pas, car c'est contrefactuel — prévenir l'immense exode des armes qui a alimenté le conflit dans le nord du Mali.
    Je vais vous donner une autre raison d'agir. Il faut regarder ce que nous faisons et ne faisons pas dans le monde et faire les liens nécessaires. Nous avons fait les choses à moitié en Libye, et nous en subissons les conséquences maintenant. Je parle toujours du même « nous ». Je ne parle pas seulement du Canada, mais nous avons joué un rôle important dans l'opération en Libye. Puis tout s'est arrêté là. C'était terminé et on s'est dit: « On a fait du bon travail. Rentrons maintenant ». Nous en subissons maintenant les conséquences.
    Il y a des liens considérables à faire. Le Mali est le résultat du sous-développement, de la dégradation de l'environnement et de la manipulation des groupes ethniques par les groupes terroristes. C'est très compliqué en ce sens, mais nous pouvons comprendre ce qui se passe. Nous pouvons également regarder en arrière et nous dire que nous n'en avons pas fait suffisamment dans le passé. Le moment est venu d'agir et de régler le problème.
    Avant de passer au député Fisher, j'aimerais mentionner qu'il nous restera du temps pour des questions additionnelles. Au cours des cinq ou six prochaines minutes, attirez mon attention ou celle de la greffière si vous voulez poser une autre question, et je vais m'assurer que chacun a la chance de pouvoir le faire.
    Monsieur Fisher, allez-y.
    Merci beaucoup d'être avec nous.
    La discussion est tout à fait fascinante. Je pense avoir dit pendant la pause que je vous remercie de votre franchise. C'est ce que nous avons besoin d'entendre. Personnellement, je dois dire que certains de vos commentaires m'apprennent beaucoup de choses.
    Ce qui m'intéresse et m'intéressait des groupes de témoins précédents est de savoir en quoi consiste le maintien de la paix aujourd'hui et ce qui a changé.
    Carolyn, vous avez dit que le maintien de la paix a énormément changé et qu'il ne s'agit pas vraiment de maintien de la paix depuis la guerre froide. Je pense à l'évolution du maintien de la paix depuis la guerre froide jusqu'à notre retrait et à aujourd'hui. Vous avez dit certaines choses, et j'espère que je ne vous attribue pas des commentaires qui ont été faits par le précédent témoin, mais...
    Je veux bien qu'on m'en attribue le mérite.
    « Nous n'avons pas le choix; il nous faut nous engager à nouveau. C'est toujours la meilleure façon de procéder. »
    « Nous devons prendre les choses en main. »
    « Nous déployons des troupes parce qu'il y a un besoin. »
    Voilà des commentaires importants qui ont été formulés, je pense, par vous trois.
    Maintenant que nous voyons les changements dans les opérations de maintien de la paix et que nous constatons qu'il ne s'agit peut-être même plus de maintien de la paix, je pense que les Canadiens dans leur ensemble, et peut-être aussi les citoyens du monde entier, ont gardé la même perception qu'à l'époque de la guerre froide, ou du moins qu'avant les années 2000: ils voient toujours les troupes comme des Casques bleus. Ils les voient peut-être comme une force neutre entre deux factions belligérantes.
    Je suis intéressé à connaître vos points de vue à tous les deux sur la façon de transmettre cette information au public pour qu'il voit le changement, la différence, afin que sa perception du maintien de la paix ne soit pas uniquement celle qu'on lui a inculquée depuis son enfance.
    Je pense que vous avez besoin du concours des médias. Ils font toujours appel à des gens qui parlent de ce qui s'est produit il y a 20 ans, et c'est ce qui façonne la perception du public.
    J'ai suivi le dossier dans les médias. En fait, j'ai avec moi l'article que Bob Fowler a publié dans le Globe and Mail il y a deux ou trois semaines. J'ai eu envie de vous l'envoyer et de vous dire que c'était mon mémoire. Il faut que plus de gens comme lui prennent la parole.
    Le public canadien est parfaitement capable de comprendre des questions complexes si on les lui présente. Il n'y a aucune raison pour que vous ne puissiez pas organiser de séances d'information dans vos diverses circonscriptions. Parlez aux gens et parlez aux médias.
    Environics ou une autre entreprise du genre vient de publier un récent sondage d'opinion, une importante étude sur l'attitude des Canadiens au cours des 10 dernières années. Les Canadiens se disent toujours intéressés par la communauté internationale, intéressés par ce qui se produit dans le reste du monde, et ils présument que le Canada jouera son rôle.
    Il revient maintenant au gouvernement et aux Communes dans leur ensemble — soit à tous les partis — de communiquer aux Canadiens que nous devons jouer un rôle plus complexe, car le monde s'est complexifié. Je pense que les Canadiens l'accepteront.

  (1010)  

    Monsieur Dorn, je vais vous donner le temps qui reste, mais vous avez abondé exactement dans le même sens que Carolyn concernant le lien entre l'identité canadienne et les opérations de maintien de la paix. Encore une fois, je m'excuse de paraphraser et de sortir certaines de vos paroles de leur contexte, mais c'est ce que j'ai retenu de l'une de vos déclarations: qu'une partie de notre identité est liée à la vision que les Canadiens ont du maintien de la paix.
    Voulez-vous terminer ce qui vous aviez commencé à dire?
    D'accord.
    Je donne un cours complet sur l'évolution du maintien de la paix. Je vais présenter au Comité une image qui va vous donner une bonne vue d'ensemble de la façon dont vous pouvez percevoir le maintien de la paix dans le contexte des opérations de maintien de la paix dans leur ensemble — le rétablissement de la paix, l'aide humanitaire, la consolidation de la paix, le maintien de la paix et l'imposition de la paix. C'est la doctrine Canada-OTAN qui est bien établie.
    Pour ce qui est de notre identité, oui, nous nous identifions au maintien de la paix. Les sondages le montrent. Le dernier billet de 10 $ portait une image d'une gardienne de la paix coiffée d'un béret bleu sous une bannière portant l'inscription: « Au service de la paix—In the service of peace ». Nous avons nombre d'excellents militaires dans les pays francophones, où nos capacités sont uniques. Notre multiculturalisme nous permet de faire une contribution qui diffère de celle de nos voisins du Sud, une façon de montrer que nous avons une identité distincte dans le monde.
    C'est parfait. Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Bezan.
    Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins — encore une fois, dans le cas de M. Dorn, bien sûr.
    J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit concernant la perception des Canadiens. Leur perception et la réalité des missions de l'ONU aujourd'hui sont deux choses très différentes. On a toujours la vision nostalgique du casque bleu ou du béret bleu dont M. Dorn vient de parler. La réalité des facteurs de risque auxquels ils font face sur le terrain dans une mission comme celle au Mali...
    Je suis d'accord pour dire qu'il ne faut peut-être pas comparer le Mali à l'Afghanistan, mais les Canadiens — surtout nos anciens combattants — se souviennent aussi du Rwanda et de la Somalie, et des difficultés que nous avons connues là-bas. Il y a de l'appréhension sur le terrain à laquelle nous faisons tous face dans nos circonscriptions. Nous n'avons pas toujours le luxe d'être dans une bulle à Ottawa, assis derrière un bureau au gouvernement ou en train de donner un cours à l'université. Nous devons faire face aux électeurs; or, cette mission en particulier et le maintien de la paix en général soulèvent des préoccupations. Le livre de Roméo Dallaire a permis de mieux comprendre la bureaucratie et la paperasserie à l'ONU, qui ne travaille pas nécessairement en collaboration avec une chaîne de commandement digne de ce nom dans le cadre d'une opération militaire.
    D'abord et avant tout, il s'agit d'une mission discrétionnaire, comme toutes les missions, autre qu'une mission de l'OTAN visée par l'article 5. Le général Lewis MacKenzie est venu témoigner mardi et il a parlé du facteur discrétionnaire.
    Madame McAskie, vous venez de mentionner qu'il y a toujours des problèmes au sein de l'ONU, qu'on manque de ressources et de personnel pour honorer le mandat des diverses missions que l'organisation entreprend. Pouvons-nous dire avec certitude aux Canadiens que lorsque nous mettons nos troupes et nos fonctionnaires en danger dans le cadre de ces missions, nous nous assurons que le Canada atténue les menaces et les risques qui les guettent du mieux qu'il peut?
    Je pense que nous pouvons le faire. Les Forces armées canadiennes sont dotées d'une chaîne de commandement. Le chef d'état-major de la défense ne perd jamais le commandement des forces sur le terrain, et il prend toutes les précautions possibles pour s'assurer que les hommes et les femmes en uniforme soient protégés adéquatement.
    Au Mali, le taux de mortalité est moins du tiers de ce que le Canada a connu en Afghanistan. Sur les 10 années en Afghanistan, on courait 1 % de chances par année de mourir. Dans le cas de la mission au Mali dans son ensemble, le taux de mortalité est de 0,3 %, et la plupart de ces décès sont des soldats du Tchad et d'ailleurs en Afrique. Les forces occidentales perdent très peu de membres — neuf, je pense — et dans le lot, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre de personnes qui sont tombées dans le contexte d'attaques malveillantes. C'est donc dire que le risque de pareilles attaques au Mali est assez tolérable.

  (1015)  

    Au Mali, les Canadiens seront stationnés à la base de Gao. Les Allemands s'y trouvent actuellement. Elle a été la cible d'attaques. Quelles sont les statistiques en ce qui concerne cette base en particulier?
    Je suis allé à Gao. J'y étais en janvier et en juillet l'an dernier. Oui, Gao a été la cible d'attaques. J'ignore si elles ont fait des morts. Même lorsque j'y étais en janvier, je pouvais entendre des coups de feu au loin.
    La plupart du temps, la majeure partie des personnes qui se trouvent dans ces villes sont en sécurité, et le super camp à Gao est très bien protégé. Je suis allé dans l'enceinte militaire allemande. Les mesures sont excellentes.
    J'ai documenté l'utilisation de radars pour contrer les RAM — soit les roquettes, l'artillerie et les mortiers — que l'ONU a retenus, j'ai examiné les radars suédois et allemands qu'on utilise, et j'ai documenté des cas dans lesquels des vies ont été sauvées grâce à l'utilisation de la technologie dans le cadre de la mission.
    Madame McAskie, vous avez parlé de ce qui s'était produit en Libye. Vous avez aussi mentionné l'Afghanistan. Après une mission de type OTAN ou une mission de coalition comme celles que nous avons vues en Libye, en Irak ou en Afghanistan, l'ONU aurait-elle dû jouer un plus grand rôle pour faire un suivi, s'assurer de la paix et de la stabilité du pays après que la mission militaire a été partiellement menée à bien? Dans l'affirmative, pourquoi cela ne s'est-il pas produit?
    Tout à fait, mais encore une fois, je reviens au premier point que j'ai soulevé dans mon intervention générale: l'ONU, c'est nous. Y a-t-il un rôle pour l'ONU? Oui, après l'intervention militaire en Libye, on a proposé que soit déployée une mission de paix exhaustive afin de sécuriser la région, et les membres n'étaient pas intéressés. La demande n'a jamais été approuvée par le Conseil de sécurité. Je ne connais pas les détails exacts.
    Comme je l'ai dit, je suis retraitée, ce qui explique pourquoi je peux être directe, comme M. Fisher l'a dit. La retraite est la chose la plus libératrice qui soit.
    Merci pour votre réponse.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Gerretsen.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Dorn, dans une de nos réunions précédentes, nous avons parlé du Centre Pearson pour le maintien de la paix, qui a fermé ses portes en 2013. Pendant mes recherches, j'ai trouvé dans iPolitics un article datant d'avril 2016 selon lequel l'organisation non gouvernementale du nom de CANADEM avait demandé la réouverture du centre de formation. Avez-vous entendu parler de cette organisation? Connaissez-vous sa réputation?
    Bien sûr. Ils sont dirigés par Paul LaRose-Edwards. Ils se trouvent sur la rue Nicholas. Leur financement principal leur vient maintenant du gouvernement britannique. Ils aident à fournir des civils — non seulement du Canada, mais de pays du monde entier — aux organisations internationales pour participer à des missions. CANADEM m'a demandé au moins une dizaine de fois de partir en mission.
    J'ai aussi trouvé un rapport que vous avez rédigé conjointement en février 2016, dans lequel vous formuliez un certain nombre de recommandations. La troisième portait précisément sur l'ouverture d'un nouveau centre de formation aux opérations de la paix pour les civils, les militaires et les policiers. Pouvez-vous nous donner quelques détails sur l'importance de pareil centre?
    À l'heure actuelle, nous n'avons pas d'endroit où les militaires, les policiers et les civils peuvent se réunir pour étudier et suivre de la formation ensemble. Nous avons le Centre de formation pour le soutien de la paix dans votre circonscription, mais il est très important que les militaires soient exposés aux autres composantes des opérations de maintien de la paix et qu'ils apprennent à travailler sous la direction de civils. Contrairement aux missions de l'OTAN, les missions de l'ONU sont dirigées par des civils. Carolyn a dirigé une des opérations antérieures de maintien de la paix. Nous devons pouvoir sensibiliser davantage les militaires au travail avec des civils, y compris des policiers, ainsi que des civils internationaux.
    Nous manquons vraiment de capacités pour offrir de la formation aux niveaux opérationnel et stratégique sur les opérations de maintien de la paix.

  (1020)  

    Lorsque vous dites qu'il nous faut sensibiliser davantage les militaires, la situation est-elle différente de ce qu'elle était il y a quelques décennies?
    Une des recommandations de l'enquête sur la Somalie a été que le Canada devait mieux former ses forces. C'est une des leçons brutales qu'on a tirées du fiasco en Somalie. Le Centre Pearson pour le maintien de la paix et le Centre de formation pour le soutien de la paix ont été créés par suite de cette leçon apprise à la dure, et il me semble que nous avons oublié cette leçon et que nous devons y revenir.
    Avez-vous une idée de ce que coûterait la réouverture d'un centre de formation comme celui-là? Je pense que vous avez donné un chiffre dans cette étude. Est-ce le même? Je pense que vous avez parlé de 10 millions à 20 millions de dollars, si je me souviens bien.
    Je pense que c'est juste, oui.
    Elle coûterait entre 10 millions et 20 millions de dollars.
    Avez-vous une idée de ce que serait l'emplacement idéal pour ce centre?
    Je pense que vous allez aimer la réponse. Kingston est, en fait, un bon endroit parce que...
    Oh, c'est bien.
    Objection, monsieur le président. Il influence le témoin.
    Des députés: Oh, oh!
    ... elle est suffisamment proche d'Ottawa, mais suffisamment loin. Le Centre de formation pour le soutien de la paix s'y trouve déjà. Il y a des installations qui pourraient servir, par exemple à Fort Frontenac. J'y ai enseigné au Collège de commandement et d’état-major de l'armée. Il vous faut être assez près d'un aéroport. Un des problèmes avec le Centre Pearson pour le maintien de la paix à Cornwallis est qu'il fallait presque trois heures pour s'y rendre depuis l'aéroport.
    Les responsables de CANADEM abondent-ils dans le même sens?
    Oui, ils sont aussi favorables à cet emplacement.
    Je veux juste passer à...
    Oui, allez y, madame McAskie.
    Je dirais simplement que je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec Walter sur l'emplacement du centre.
    C'est bon; je n'ai pas besoin de le savoir.
    Des députés: Oh, oh!
    Nous avons quitté Cornwallis pour nous installer à Ottawa parce que nous avions besoin du lien avec la capitale nationale.
    D'accord, merci.
    Pour en revenir aux graphiques que vous avez présentés, vous montrez qu'en 2006, nous avons connu une réduction soudaine de personnel. Pourquoi? Je sais que c'est vraiment facile, car nous pouvons blâmer le premier ministre, Stephen Harper en particulier, mais y a-t-il une raison sous-jacente? Les missions de soutien de la paix et de maintien de la paix ont-elles beaucoup changé ou est-ce notre façon de les mener qui a changé? Sont-elles devenues plus diplomatiques et moins axées sur le « soutien sur le terrain »?
    Non. Les opérations de maintien de la paix de l'ONU sont restées les mêmes. Ce qui a changé a été la participation du Canada en Afghanistan. Lorsque nous sommes allés à Kandahar, nous avions 200 logisticiens au sein de la FNUOD, la Force des Nations unies chargée d'observer le désengagement, sur les hauteurs du Golan en Syrie, et nous avions besoin d'eux pour d'autres opérations.
    D'accord. Merci.
    Vous pouvez poser la dernière question officielle, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bien sûr, je ne suggérerai pas qu'on choisisse Esquimalt comme emplacement pour le centre.
    Je pense qu'un des aspects importants de nos contributions, et que nous avons entendu à maintes reprises, concerne le bilinguisme et le biculturalisme du Canada.
    Tout à fait.
    J'allais poser une question à Mme McAskie concernant l'importance de cet aspect de nos contributions.
    Je pense que je peux vous dire d'emblée que parmi mes civils internationaux au Burundi, les Sénégalais étaient les plus nombreux, suivis des Canadiens. Il s'agissait de Canadiens qui étaient montés dans la hiérarchie onusienne ou qui avaient brigué des postes dans cette mission en particulier.
    Je devrais ajouter que, vu que j'avais été sous-ministre adjointe au gouvernement du Canada avant de rejoindre les Nations unies, je vous dirais que, lorsque j'ai été nommée au Burundi, mes supérieurs à l'ONU ont présumé que le Canada appuierait la mission. Je me suis rendue à plusieurs reprises à Ottawa pour parler aux responsables du ministère de la Défense. J'ai parlé aux fonctionnaires des Affaires mondiales — ou quel que soit le nom qu'il portait à l'époque, j'ai oublié — et à ceux de l'ACDI, où je connaissais des gens personnellement et où j'ai été capable d'expliquer ce qui se passait et de demander de l'aide.
    Je vais vous dire ce que j'ai obtenu: rien du tout. Je n'ai pas eu un seul officier d'état-major. Je n'ai pas eu un sou noir ou la moindre hausse de l'aide au développement, et je n'ai pas obtenu plus de soutien politique sauf pour une visite occasionnelle de la mission la plus proche au Kenya.
    Alors oui, les Canadiens en service sont en demande parce qu'ils sont bilingues, mais ils ne jouissent pas de l'appui de leur gouvernement. J'en suis navrée, mais c'est un fait.
    C'est bien.
    J'ai très peu de temps dans cette série. Je veux vous poser une question concernant le Folke Bernadotte Institute et vous demander pourquoi c'est votre modèle potentiel préféré pour le Canada. Nous songeons à rétablir un centre de formation.
    Je commence toujours mes remarques en disant que je ne suis plus entièrement à jour, ce qui signifie qu'on ne m'invitera probablement plus jamais, mais il existe un certain nombre de modèles, soit d'institutions indépendantes soit d'autres qui travaillent étroitement avec le gouvernement, mais en restant autonomes. L'avantage que, selon moi, le Folke Bernadotte Institute a sur certains autres modèles — y compris, dans une certaine mesure, le nôtre — est qu'il peut compter sur de l'expertise gouvernementale bien plus facilement qu'une organisation indépendante, si bien qu'on retrouvait souvent au sein de l'institut, de ses conseils ou de ses équipes sur le terrain — pas dans tous les cas, mais dans nombre d'entre eux — des membres du personnel détachés de la Défense, des Affaires étrangères ou de la société civile.
    Je ne sais pas si vous savez dans quelle mesure la société civile et le gouvernement travaillent beaucoup plus étroitement dans les pays scandinaves qu'au Canada. Vous pouvez rencontrer le ou la ministre du Développement pour la coopération une journée, et ensuite, il ou elle dirige l'ONG parce que le gouvernement a changé. Avec leur petite population, il y a beaucoup plus de mélanges, et vous constateriez que, dans ce contexte, vous avez accès à des gens ayant une expérience extraordinaire. Ils font bien les choses, en plus.

  (1025)  

    Merci.
    Étant donné que les gens m'ont indiqué qu'ils voulaient des questions, j'ai retenu les députés Spengemann, Bezan, Garrison et Alleslev pour le temps dont nous disposons. Je vais leur accorder quatre minutes chacun, dans cet ordre, mais je veux d'abord y aller d'une courte question de mon cru.
     Je n'ai pas souvent l'occasion de parler; j'écoute. J'ai l'impression que vous êtes tous les trois très favorables à un engagement du Canada au Mali. Le professeur Dorn a tenté de quantifier le degré de risque, parce que c'est une question qui ne manquera pas de revenir. Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, j'aimerais demander à chacun de vous s'il est pour ou contre un engagement du Canada au Mali, et pourquoi vous croyez que cet engagement est important. Si vous pouviez répondre en 60 secondes ou moins, ce serait très apprécié.
    Commençons par vous, Mme McAskie.
     Je suis très favorable à l'idée que le Canada aille au Mali.
    Tout d'abord, je suis favorable au fait que nous participions aux efforts de maintien de la paix, et comme nous devons faire un choix, il est mieux de choisir cela que d'opter pour une sorte de saupoudrage tous azimuts. Nos efforts doivent être suffisamment ciblés pour avoir un impact.
    Le Mali est un partenaire de longue date. Nous sommes l'ami du Mali. Nous devons lui prêter main-forte. Dans le passé, nous l'avons laissé tomber en nous retirant. Les Maliens sont nos amis; ils méritent notre aide.
    Deuxièmement, la progression de la dégradation de l'environnement et la croissance de la pauvreté font en sorte que le Sahel est devenu une région explosive. Nous avons permis que cela se produise, et nous savons que c'est un terreau fertile pour le terrorisme. Au fil des décennies, des études ont pu montrer le lien évident qui existe entre les conflits et le développement anémique, la gouvernance déficiente, la dégradation de l'environnement, la pauvreté, etc. Le Sahel est un cas classique, et la communauté internationale doit unir ses forces pour remédier à la situation de la façon la plus complète possible.
    Il ne s'agit pas seulement de déployer quelques hélicoptères et quelques troupes sur le terrain. Il s'agit de regarder la situation dans son ensemble et de reconnaître l'incidence énorme que cette région aura sur la santé et la sécurité mondiales.
    Merci.
    Monsieur Dorn, pouvez-vous, en tant qu'expert, réitérer votre point de vue quant à la quantification du degré de risque? Je sais que vous en avez parlé dans votre exposé, mais c'est une question importante que les gens n'arrêtent pas de poser, alors pouvez-vous nous donner votre opinion à cet égard?
    Bien sûr. Comme vous nous avez demandé de répondre en 60 secondes, sachez que je suis pour. Je crois que nous devrions faire plus. Nous devrions déployer une force de réaction rapide, et nous sommes en train de chercher un endroit pour le faire. Je crois que le Mali est compatible tant avec nos valeurs qu'avec nos intérêts. Le Mali est une démocratie de longue date qui a eu des problèmes, dont un coup d'État. Nous sommes depuis longtemps engagés dans des partenariats avec ce pays, y compris en matière de formation militaire. Nous y avons des intérêts dans le secteur minier et d'autres intérêts commerciaux. Du reste, comme le disait Carolyn, nous devons désamorcer la menace terroriste dans ce pays.
    Pour ce qui est des risques, il convient de mentionner que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali a fait 166 victimes. La majorité des gens qui ont péri venaient de pays en développement. Environ la moitié sont tombés à l'occasion d'attaques malveillantes, et ces attaques sont celles que nous devrions craindre le plus. La majorité de ces attaques malveillantes ont été perpétrées à l'égard de troupes issues de pays en développement.
    Les deux hélicoptères que les Hollandais et les Allemands ont prêtés au Mali ont eu des accidents. L'écrasement de l'hélicoptère Tigre allemand a tué deux personnes. L'écrasement de l'hélicoptère Apache prêté par la Hollande a fait quatre morts. Ces écrasements étaient des accidents; ils n'ont pas été causés par des attaques malveillantes.
    Selon nos informations, il n'y a pas eu de menace de missiles surface-air jusqu'ici. Ces missiles n'ont pas été utilisés contre des aéronefs et, croisons les doigts, cela n'arrivera pas.

  (1030)  

    Êtes-vous en train de dire que le risque est très faible?
    Je dirais qu'en ce moment, le risque est modéré, mais imprévisible.
    Monsieur Spengemann, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame McAskie, j'aimerais revenir sur la question de la reconstruction après conflit. Je vais prendre un instant pour amener le sujet. Mme Zahar a parlé de cette reconstruction dans le contexte de la situation malienne. J'aimerais faire un parallèle avec la situation irakienne et souligner que l'une des causes de l'émergence du groupe État islamique a été le fait que ces gens ont été en mesure de fournir tout à fait sans contrainte des biens et des services publics, ou ce que la population a ni plus ni moins perçu comme étant des biens et des services publics. En d'autres mots, le groupe remplaçait le gouvernement. Or, le groupe État islamique est un acteur non étatique — et il ne l'a jamais été —, et je me demandais si vous pouviez nous dire quelque chose sur l'importance des travaux de reconstruction après conflit effectués sous la direction des Nations unies, sur leur rythme d'exécution et sur leur planification. Parfois, ces travaux doivent commencer avant que le conflit ne soit terminé.
    Puis, il y a la décision déchirante qu'un État doit prendre concernant le moment où il devrait retirer sa présence militaire et céder la place à un gouvernement naissant ou renaissant. L'administration Obama, d'une façon tout à fait défendable d'un point de vue politique, a décidé de rapatrier ses troupes à la fin de 2011. La situation était stable, mais les gouvernorats décentralisés qui avaient été mis en place n'ont pas été en mesure de fournir les services nécessaires, laissant ainsi le champ libre au groupe État islamique.
     Quelle est l'importance de la reconstruction d'après conflit, et comment pouvons-nous intégrer cet aspect à notre façon de concevoir les opérations de paix?
     Vous avez tout à fait raison de voir la consolidation de la paix comme étant quelque chose dont il faut se soucier dès le début. Mon dernier emploi aux Nations unies était celui de secrétaire générale adjointe et je travaillais à la création de la Commission de consolidation de la paix.
    Selon moi, la consolidation de la paix doit commencer longtemps avant le processus de paix. C'est quelque chose qui se poursuit tout au long des opérations visant à instaurer et à maintenir la paix, ainsi que durant la période post-conflit et la reprise du développement. Dans tout ce que l'on fait, il est important de tenir compte des éléments qui seront déterminants pour assurer la paix à long terme.
    En ce qui concerne l'Irak, il convient de reconnaître que c'était une mission d'une telle ampleur qu'elle dépassait la capacité de la communauté internationale de tenir compte de tous ces éléments. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a eu, dans le passé, de nombreuses situations où les populations coupées des services gouvernementaux ont dû compter sur des groupes locaux — peut-être des groupes rebelles ou des groupes terroristes — pour qu'ils leur fournissent les services de base. C'est ce qui se passe en Palestine et à Gaza, et dans d'autres parties du monde.
    Ce qui importe ici, c'est que les membres de la communauté internationale doivent se réunir autour de la table. C'est ce que la Commission de consolidation de la paix était censée fournir, un endroit où les nations rassemblées allaient pouvoir mettre au point des stratégies pour consolider la paix. Nos deux premiers « clients » ont été le Burundi et la Sierra Leone. Nous avions des stratégies formidables, mais la communauté internationale ne les a pas financées. Puis, à la Sierra Leone, il y a eu la crise de l'Ebola. La stratégie que nous avions concoctée misait entre autres choses sur la reconstruction du secteur de la santé, la reconstruction du secteur de la justice et la reconstruction du secteur de l'éducation. Sauf que cela ne s'est pas concrétisé, et le pays n'a pas été en mesure de faire face à la crise de l'Ebola.
    J'ai une question complémentaire rapide. Dans quelle mesure sommes-nous limités idéologiquement par ce mantra persistant qui veut que nous ne soyons pas là pour contribuer à l'édification du pays? Est-ce toujours un obstacle, ou sommes-nous désormais rendus au point où nous pouvons affirmer que nous allons contribuer à l'édification du pays, mais à condition de le faire de la bonne façon?
    Je ne suis pas au fait de ce qui se dit présentement au Conseil de sécurité en ce qui concerne cet aspect de l'« édification des nations ». Assurément, la tendance a été d'encourager et d'appuyer les intervenants locaux. Même en Afghanistan, l'accent était beaucoup mis sur la nécessité d'appuyer le nouveau gouvernement, et il y avait sans conteste une certaine forme d'édification de la nation.
    Ce que j'ai cru comprendre, c'est que ce terme est tombé en désuétude, mais peut-être pas le concept proprement dit. Ces pays ont besoin d'une aide colossale pour reconstituer leurs structures publiques de base.
    Merci.
    Monsieur Bezan, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McAskie, vous avez dit que nous n'avions rien fait au Mali, mais je croyais que nous étions l'un des principaux fournisseurs d'aide humanitaire, et que notre contribution des derniers temps se chiffrait en dizaines de millions de dollars.
    Non, je n'ai jamais dit que nous n'avions rien fait. J'ai dit que nous n'y étions jamais allés officiellement dans le cadre d'une opération de paix.
    C'est une opération de paix, mais je crois que, de façon générale, le Canada s'est engagé à fournir de l'aide au Mali.
    Oui, nous sommes sur place. Nous avons un programme d'aide au Mali. Nous contribuons sans conteste aux efforts humanitaires. Je suis désolée de vous avoir induit en erreur. C'est une clarification importante, et je vous remercie de l'avoir apportée.

  (1035)  

    D'accord, je me suis dit que la façon de présenter cela... Je voulais m'assurer que vous ayez la chance de donner l'heure juste à ce sujet.
    Monsieur Dorn, vous avez parlé du régiment aéroporté en Somalie et des choses désastreuses qui sont arrivées là-bas. Vous avez plus ou moins dit que nous ne devrions pas confier les efforts de maintien de la paix à des troupes de combat, mais, à ce que je sache en ce qui concerne le régiment aéroporté, il reste encore toute cette question de la méfloquine et du rôle que ce médicament a pu jouer dans la prévalence des épisodes psychotiques mis en cause et dans la tragédie qui a suivi.
    Aussi, quand avons-nous cessé d'entraîner nos effectifs à être des troupes de combat?
    Je crois que nous n'avons jamais empêché nos troupes de combattre.
    Le combat est toujours en tête de liste. Le maintien de la paix, c'est un à-côté, un à-côté qui fait partie de l'entraînement global.
    Ce que nous avons perdu, c'est l'entraînement axé spécifiquement sur le cadre onusien. Nous en faisons beaucoup moins qu'avant, et notre expérience à cet égard a beaucoup diminué.
    Monsieur Dorn, j'ai examiné votre graphique sur l'ampleur de notre participation aux efforts de maintien de la paix. Les chiffres sont relativement stables, mais ils ont diminué par rapport à ce qu'ils étaient dans les années 1980, 1990 et au début des années 2000. Or, depuis que le premier ministre Trudeau a organisé cette réunion sur le maintien de la paix, à Vancouver, les chiffres ont diminué considérablement. Diriez-vous que cela a quelque chose d'embarrassant?
    Personnellement, je trouve que c'est embarrassant. Lorsque je suis à l'administration centrale des Nations unies, j'ai parfois l'impression que je dois m'excuser. Je suis profondément navré, mais lorsque j'étais sur le terrain à parler avec des représentants de l'ONU, l'un d'eux a dit que c'est devenu un peu une blague de dire que les Canadiens arrivent. Nous prenons beaucoup de temps aux représentants de l'ONU. Nous les détournons des emplois où ils essaient de sauver des vies et nous avons envoyé tant de délégations en Afrique. Pourtant, nous n'avons rien déployé jusqu'ici et notre contribution en personnel aux efforts de maintien de la paix est presque à son plus bas niveau historique.
     Dans votre exposé, vous avez parlé de tergiversation et de retard. À l'origine, la promesse était de 600 soldats du maintien de la paix et de 150 agents de police. Puis, l'engagement est passé à 250 intervenants et 6 hélicoptères. Avez-vous une idée de ce qui peut causer cette tergiversation incessante de la part du gouvernement, et des raisons qui font que les choses tardent à se concrétiser et que les chiffres n'arrêtent pas de changer?
    Il faudrait poser la question aux membres du Cabinet.
    Je cherche à savoir si vous avez des éléments de réponse à nous donner. Je n'arrive pas à obtenir quoi que ce soit des députés.
    Eh bien, l'une de mes préoccupations, c'est le fait que notre présence n'est même pas à la hauteur de ce que les gouvernements précédents avaient approuvé à l'égard des missions actuelles. Présentement, nous participons à cinq missions, et nous n'y avons même pas déployé les effectifs que nous aurions pu y déployer. Cela signifie que nous n'acquérons pas d'expérience. J'ai l'impression que différents ordres de gouvernement pourraient être responsables du fait que nous ne déployions pas complètement nos forces sur le terrain.
    Merci.
    Puis-je faire une observation?
    Le président: Il ne reste que quelques secondes. Nous vous écoutons.
    Mme Carolyn McAskie: Ce sera une autre de mes interventions sans détour, monsieur Fisher.
    Ce que j'ai retenu des conversations que j'ai eu au fil des ans avec mes collègues des forces armées et du ministère de la Défense nationale — et je vais vraiment me mettre en situation de vulnérabilité en disant cela —, c'est que l'armée canadienne ne veut pas travailler avec l'ONU. Elle préfère travailler avec l'OTAN. Sauf que lorsqu'elle a quitté l'Afghanistan, elle s'est aperçue que l'OTAN n'était pas nécessairement ce qu'elle était censée être — mais allez savoir — et que son partenaire de prédilection était notre voisin du Sud. D'un point de vue politique, cela n'est rien pour redorer le blason du Canada, surtout par les temps qui courent, mais le message sous-jacent que je retiens, c'est que l'armée n'est pas intéressée. J'ai l'impression que le ministre de la Défense nationale a eu du fil à retordre avec ses généraux qui se traînent les pieds.
    Vous pouvez me citer, mais je ne peux pas vous donner de référence exacte. C'est ma profonde impression, c'est tout, et c'est ce que vous avez demandé.
    Je sais que j'ai dit que vous aviez quatre minutes chacun, mais il ne reste qu'à peu près cinq minutes, alors je vais céder la parole à M. Garrison.
    Si vous pouviez essayer de laisser un peu de temps pour votre collègue, ce serait très apprécié.
    Nous verrons.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Randall Garrison: Encore une fois, ce groupe d'experts nous a fourni une aide précieuse. L'une des choses que j'ai faites en préparation d'aujourd'hui a été de regarder le document Mal préparé pour la paix? Le déclin de la formation canadienne au maintien de la paix (et comment y remédier) qu'a cosigné M. Dorn. Puis-je demander que ce rapport soit déposé auprès du Comité afin d'en faire un élément officiel de nos délibérations?
    La question qui suit s'adresse à vous deux.
    Dans ce rapport, vous affirmez que la perte d'expérience qu'accusent les Forces armées canadiennes dans ce domaine depuis 2005 a un prix élevé. Ensuite, vous continuez à parler un peu de cela, et vous vous demandez quelles sont ces choses d'intérêt national dont nous nous privons en ne participant pas à ces efforts, attendu que c'est de cela que nous parlons ici.

  (1040)  

    Le prix élevé dont je parle est le fait de ne pas être aussi familiarisés que nous pourrions l'être avec ces choses qui concernent les Nations unies. À cause de cela, lorsque nous participons à ces missions, nous n'avons pas toutes les connaissances qu'il nous faut pour travailler et communiquer efficacement au sein de ce système. Nous avons payé le prix fort parce que nous ne sommes plus en mesure de fournir de leadership sur le plan militaire. Dans les années 1990, nous avions six commandants de la Force, et nous n'en avons pas eu d'autres depuis. Nous avons perdu la visibilité internationale que nous avions. Nous payons le prix fort parce que nous voulons former les autres au maintien de la paix alors que nous n'avons pas nous-mêmes l'expérience nécessaire. Nous ne pouvons donc pas prétendre que nous sommes des experts dans le maintien de la paix.
    Le Centre Pearson pour le maintien de la paix est l'institution qui est à l'origine de la fondation de l’Association internationale des Centres de formation en maintien de la paix. Pendant plus d'une décennie, nous étions les leaders de la formation en maintien de la paix, mais nous avons perdu cette place, et cela fait partie du prix fort que nous devons payer pour notre repli.
    Madame McAskie, souhaitez-vous dire quelque chose là-dessus?
    En ce qui concerne le côté plus nébuleux des choses — étant donné que l'influence est très difficile à quantifier —, je crois que nous avons ni plus ni moins perdu notre place à cette table. Officiellement, le gouvernement dira que cela n'est pas vrai, mais ce que mes collègues de l'ONU me disent c'est que les gens de l'ONU sont très déçus. Ils ne savaient pas ce qui était arrivé avec le Canada lors du passage du gouvernement précédent et ils ont accueilli le gouvernement actuel comme étant celui qui allait redresser la situation. Ils attendent toujours la suite.
    Très bien. Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    La dernière question ira à Mme Alleslev.
    Merci beaucoup.
    Vous avez dit que vous aviez un rapport ou un tour d'horizon au sujet des activités de maintien de la paix. Vous serait-il possible de nous en fournir une copie? Nous pourrons ainsi faire des comparaisons entre l'imposition de la paix et la paix proprement dite. Je crois qu'il serait important que nous ayons ce lexique.
    Bien sûr.
    Merci beaucoup.
    Pourquoi est-il important pour le Canada d'avoir une place au sein du Conseil de sécurité de l'ONU? Pourquoi devrions-nous nous soucier d'en avoir une ou pas?
    Il faudrait demander aux gouvernements précédents.
    Depuis le début, nous avons siégé au Conseil de sécurité une fois tous les 10 ans, une fois par décennie, puis nous avons perdu notre place. Le Conseil de sécurité, malgré toutes ses failles... et présentement, il y a une grande faille et c'est la présence des grands vetos. Les vetos sont utilisés. Le conseil n'a pas été en mesure de réformer sa façon de voter. Il est peu probable que les cinq membres permanents renoncent au droit de veto, et ce, même si de très bonnes propositions ont été mises de l'avant pour que des modifications soient apportées afin d'élargir la structure de l'organisation, pour changer la structure de vote, etc. Tant que les titulaires de droit de veto s'accrocheront à ce droit, il est peu probable que les choses changent. Étant donné les relations actuelles avec la Russie, le blocage dans lequel se trouve le Conseil de sécurité présentement est beaucoup plus sérieux qu'il ne l'a jamais été depuis la fin de la guerre froide.
    Cela dit, le Conseil de sécurité est toujours l'endroit où se prennent les grandes décisions concernant la paix et la sécurité dans le monde.
    Merci.
    Si nous étions à cette table, nous pourrions participer à cela, mais, en ce moment, nous sommes dans le corridor.
    Merci beaucoup.
    Votre franc-parler nous permettra de formuler des recommandations efficaces, chose que nous ne pouvons pas faire si nous n'avons pas les faits. Alors, nous vous remercions.
    Comme dernière question, comment devrions-nous appeler cette étude?
    Je vous recommande de trouver un titre qui captera l'esprit de votre thèse — c'est ce que je dis aux étudiants qui rédigent des essais —, puis d'ajouter, en sous-titre, « Le rôle du Canada dans les opérations internationales de paix ».
    Appelez-la « Le Canada est de retour ».
    J'aime bien ce titre-là.
    Je présume que vous avez tous eu accès au rapport du Sénat. Le comité du Sénat a discuté de la même chose, il y a 18 mois.
    C'était en 2016.
    Je leur ai dit à peu près la même chose qu'à vous.
    C'est quand même un moment intéressant pour revenir là-dessus, étant donné que nous avons une nouvelle approche et que nous avons une mission. La conversation s'en trouve modifiée.
    Je tiens à vous remercier, vous et Mme Zahar. Les opinions d'expertes comme vous sont importantes. Elles occupent une grande place dans nos échanges à ce sujet.
    Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé.
    La séance est levée.
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