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Merci, monsieur le président.
J'ai le plaisir de vous présenter nos rapports d'audit qui ont été déposés à la Chambre des communes la semaine dernière.
Je vais d'abord vous parler de notre audit sur les efforts déployés pour mettre fin aux comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes.
En août 2015, le chef d'état-major de la Défense nationale a lancé l'opération Honour. Il s'agit d'une opération militaire fondée sur une approche descendante, couvrant l'ensemble de l'organisation, pour éliminer les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. Il a informé tous les membres des Forces que la haute direction et lui-même comptaient faire évoluer la culture de l'organisation et mettre fin aux comportements sexuels inappropriés.
Nous avons constaté que l'opération Honour avait sensibilisé les militaires au problème des comportements sexuels inappropriés. Avant la mise en oeuvre de cette opération, le nombre de plaintes en 2015 était d'environ 40; par la suite, en 2017, ce nombre est passé à environ 300. Les Forces ont considéré que cette augmentation signifiait que les membres avaient bon espoir que l'organisation allait prendre des mesures efficaces pour mettre fin aux comportements sexuels inappropriés.
[Traduction]
Cependant, nous avons constaté que certains membres ne se sentaient pas toujours en sécurité ou appuyés. Par exemple, le devoir de signaler tous les comportements sexuels inappropriés a fait augmenter le nombre d'incidents signalés par un tiers, même si la victime n'était pas prête à rapporter l'incident à ce moment. De plus, la police militaire devait mener une première enquête sur tous les incidents signalés, même si la victime aurait préféré régler le problème de façon informelle. Ces obligations ont fait en sorte que certaines victimes ont préféré ne pas dénoncer les incidents qu'elles avaient subis.
Selon des données recueillies par Statistique Canada en 2016, beaucoup d'incidents de comportement sexuel inapproprié n'étaient pas signalés dans les Forces armées canadiennes. Vers le milieu de 2018, les forces ont reconnu que les comportements sexuels inappropriés restaient un problème grave et qu'elles devaient axer les efforts sur le soutien aux victimes et solliciter des avis externes indépendants.
Passons maintenant à notre deuxième audit, consacré lui aussi à la Défense nationale. Il a examiné si le ministère avait géré les risques liés à la flotte d'avions de chasse du Canada de manière à respecter les engagements pris auprès du NORAD et de l'OTAN, en attendant l'entrée en service d'une flotte de remplacement.
En 2016, le gouvernement du Canada a demandé à la Défense nationale d'avoir chaque jour un nombre suffisant d'appareils de combat disponibles pour répondre au niveau d'alerte le plus élevé du NORAD et honorer en même temps l'engagement du Canada envers l'OTAN. Pour répondre à cette demande, la Défense nationale devait augmenter de 23 % le nombre d'avions de chasse disponibles pour ses opérations. Cette nouvelle exigence opérationnelle est arrivée à un moment où l'Aviation royale canadienne était confrontée à une pénurie croissante de pilotes et de techniciens formés et expérimentés.
Pour satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle, le gouvernement s'est consacré à augmenter le nombre d'aéronefs. Il a d'abord prévu acheter 18 nouveaux chasseurs Super Hornet, même si l'analyse de la Défense nationale indiquait que ce plan aggraverait la pénurie de personnel et n'aiderait pas l'Aviation royale canadienne à satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle.
[Français]
Le gouvernement continue de miser sur l'achat d'autres avions. Il prévoit désormais acheter à l'Australie des avions de chasse d'occasion pour combler les besoins jusqu'en 2032, lorsque la flotte de remplacement devrait être opérationnelle, selon les prévisions actuelles. Les avions australiens ont environ 30 ans et présentent les mêmes limites opérationnelles que les CF-18 qui défendent actuellement le Canada.
La Défense nationale prévoit consacrer près de 3 milliards de dollars pour prolonger la durée de vie de la flotte actuelle ainsi que pour acheter, exploiter et entretenir des appareils pour un usage provisoire. Toutefois, sans un plan pour surmonter les grands obstacles auxquels elle fait face, soit la pénurie de pilotes d'expérience et le déclin de la capacité de combat de ses avions, les dépenses prévues ne seront pas suffisantes pour avoir chaque jour le nombre d'appareils disponibles pour répondre au niveau d'alerte le plus élevé du NORAD et honorer en même temps l'engagement du Canada envers l'OTAN. Tant que la Défense nationale n'établira pas comment et quand elle va régler la pénurie de pilotes et améliorer la capacité de combat de ses avions, le fait d'avoir plus d'avions ne réglera pas ses problèmes.
Regardons maintenant les résultats de notre audit de la sécurité matérielle dans les missions diplomatiques canadiennes à l'étranger.
Dans l'ensemble, nous avons constaté qu'Affaires mondiales Canada n'avait pas pris de mesures suffisantes en réponse à l'évolution des menaces à la sécurité dans ses missions à l'étranger. Le ministère avait relevé de nombreuses failles de sécurité importantes qui devaient être corrigées immédiatement dans bon nombre de ses missions. Dans plusieurs cas, il était au courant de ces vulnérabilités depuis des années, mais les mesures recommandées pour y remédier n'avaient pas toutes été mises en oeuvre, y compris l'amélioration de la vidéosurveillance et des systèmes d'alarme, ainsi que l'installation de barrières pour restreindre l'accès des véhicules aux entrées des missions.
[Traduction]
Nous avons constaté que la plupart des projets d'immobilisations menés par Affaires mondiales Canada pour renforcer la sécurité étaient en retard d'au moins trois ans, principalement à cause de lacunes dans la gestion et le suivi.
Comme les évaluations de la sécurité étaient manquantes ou incomplètes pour certaines missions, Affaires mondiales Canada ne disposait pas de l'information nécessaire pour prioriser ses investissements en fonction des besoins les plus pressants. Pourtant, le ministère est responsable de la sécurité du personnel déployé dans les missions à l'étranger. Bien des missions ont un besoin urgent de mises à niveau de sécurité.
Le prochain audit dont je vais vous parler portait aussi sur des biens immobiliers que le gouvernement conserve au nom des Canadiens et Canadiennes — il s'agit des lieux historiques nationaux et des édifices du patrimoine.
La conservation des biens patrimoniaux fédéraux pose problème depuis longtemps, et nous avons noté peu d'améliorations depuis notre premier audit réalisé en 2003.
Nous avons constaté que Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et la Défense nationale soit ne connaissaient pas le nombre d'édifices patrimoniaux qu'ils possédaient, soit ne connaissaient pas l'état de ces édifices. Cela signifie que l'information communiquée par ces organisations au Parlement et à la population canadienne était inexacte ou incomplète.
Nous avons aussi constaté que les décisions liées à la conservation étaient faites en fonction des ressources disponibles et des besoins opérationnels, plutôt qu'en fonction de la valeur patrimoniale des biens. Les fonds requis pour conserver les édifices patrimoniaux n'étaient pas toujours disponibles.
[Français]
Les besoins ont dépassé les efforts sur le plan de la conservation des biens patrimoniaux fédéraux, mais ceux-ci continuent de se multiplier. Comme l'attribution d'une désignation patrimoniale ne s'accompagne pas de fonds supplémentaires pour assurer la conservation des propriétés, un plus grand nombre d'édifices risquent de se retrouver dans un état de délabrement et pourraient finir par disparaître de l'histoire du pays.
Dans l'audit suivant, nous avons examiné comment le Service correctionnel du Canada supervisait les délinquants libérés dans la collectivité. Le nombre de délinquants libérés sous surveillance dans la collectivité a augmenté de près de 20 % entre 2013 et 2018, et le Service prévoit que ce chiffre continuera d'augmenter.
Le Service n'a essentiellement plus de places pour loger des délinquants dans des établissements résidentiels communautaires. Par conséquent, avant d'obtenir une place dans la collectivité, les délinquants dont la libération conditionnelle avait été approuvée en 2018 ont dû attendre deux fois plus longtemps qu'ils ne l'auraient fait quatre ans plus tôt.
[Traduction]
En dépit du nombre de dossiers en attente et de recherches montrant qu'une libération progressive, sous surveillance, des délinquants augmente les chances d'une réinsertion sociale réussie, le Service correctionnel du Canada n'avait pas de plan à long terme pour faire face à la pénurie de places d'hébergement. L'audit a aussi révélé que le Service correctionnel du Canada n'avait pas encadré ou géré adéquatement les délinquants libérés sous surveillance dans la collectivité. Nous avons constaté que les agents de libération conditionnelle n'avaient pas rencontré 19 des 50 délinquants de notre échantillon aussi souvent qu'ils auraient dû le faire. Nous avons aussi constaté que les agents de libération conditionnelle ne recevaient pas toujours l'information dont ils avaient besoin pour appuyer efficacement les délinquants sous surveillance dans la collectivité, y compris les dossiers de santé qu'ils utilisent pour préparer les plans de libération.
Selon nous, Service correctionnel Canada doit faire plus pour surveiller et encadrer les délinquants dans la collectivité, et il doit dresser un plan qui lui permettra d'avoir dans la collectivité les places d'hébergement dont les délinquants ont besoin, là où ils en ont besoin et au moment où ils en ont besoin.
[Français]
Passons maintenant à notre audit des efforts déployés par le gouvernement pour faire en sorte que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens aient accès à des services Internet fiables et de haute qualité. De nombreux examens de l'accès aux services Internet à large bande au Canada ont recommandé que le gouvernement fédéral élabore une stratégie nationale pour les services à large bande, mais le gouvernement a accepté de le faire il y a seulement quelques semaines, à la fin octobre, après la conclusion de notre audit.
En l'absence de financement suffisant, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a hésité à établir une stratégie pour satisfaire les besoins de connectivité des régions rurales et éloignées du pays. Cela veut dire que près de 3,7 millions de Canadiennes et de Canadiens ont moins facilement accès à d'importants services en ligne, comme des programmes d'études, des services bancaires ou des services de soins de santé, et ils ne savent pas quand cet accès pourra être amélioré.
En 2016, le ministère a lancé un programme de financement de 500 millions de dollars sur cinq ans qui visait à connecter 300 collectivités rurales et éloignées du Canada à des services Internet à haute vitesse. Toutefois, en raison de plusieurs faiblesses touchant la conception de ce programme, les deniers publics dépensés n'ont pas permis d'en arriver à une expansion maximale de l'infrastructure à large bande.
[Traduction]
La difficulté d'améliorer l'accès à Internet pour les 3,7 millions de Canadiens et Canadiennes qui habitent dans des régions rurales et éloignées a été exacerbée par la façon dont Innovation, Sciences et Développement économique Canada a géré le spectre des radiofréquences. Nous avons constaté que les petits fournisseurs de services Internet n'ont pas eu suffisamment accès aux fréquences du spectre de qualité supérieure pour pouvoir déployer des services à large bande dans les régions rurales et éloignées. Par exemple, le ministère a mis aux enchères des licences de spectre couvrant des régions géographiques trop vastes pour que les petits fournisseurs de services Internet puissent y participer. De plus, le marché secondaire des portions du spectre non utilisées comportait des lacunes, notamment le peu d'incitatifs pour les titulaires de licences d'offrir en sous-licences les portions du spectre qu'ils n'utilisent pas dans les régions rurales et éloignées.
J'en viens maintenant au dernier des audits de performance de cette livraison de l'automne. Cet audit visant à déterminer si l'Agence du revenu du Canada avait appliqué de manière uniforme les règles de l'impôt dans l'exécution de ses activités d'observation.
Nous avons constaté que l'Agence du revenu n'avait pas appliqué les règles de manière uniforme au moment de vérifier ou d'examiner les dossiers de contribuables, même si la Charte des droits du contribuable lui impose d'appliquer les règles de la même façon à des contribuables dans des situations semblables. Plusieurs raisons sous-tendaient ce manque d'uniformité, y compris le jugement du personnel de l'agence menant les activités d'observation, la région où le dossier avait fait l'objet d'une nouvelle cotisation et la catégorie à laquelle appartenait le contribuable — par exemple, s'il s'agissait d'une petite entreprise ou d'une grande société commerciale.
Les contribuables d'une région ont attendu en moyenne sept mois de plus que ceux dans une autre région avant que l'agence ne termine une vérification. Dans une région, l'agence a mis plus de 40 semaines pour traiter les demandes de redressement des contribuables, tandis que dans une autre région, la même activité n'a pris que 12 semaines.
[Français]
En ce qui concerne le poids financier des activités d'observation de l'Agence, nous avons constaté qu'elle ne connaissait pas tous les résultats des activités qu'elle entreprenait pour faire en sorte que tous les contribuables paient leur juste part d'impôt. Ses calculs des revenus additionnels générés par les activités d'observation, en plus des cotisations d'impôt initiales, étaient incomplets. Le chiffre établi par l'Agence ne tenait pas compte du montant qu'elle avait radié comme étant irrécouvrable. Cela veut dire que le montant présenté par l'Agence au Parlement au titre des revenus additionnels attribuables au financement supplémentaire qu'elle avait reçu pour ses activités d'observation n'était qu'une estimation, et que l'amélioration correspondante des résultats financiers du gouvernement était donc nettement moins importante que ne l'avait estimé l'Agence.
[Traduction]
Les rapports incluent aussi des copies des rapports d'audit de sociétés d'État que nous avons terminés depuis le printemps. Ces rapports ont déjà été rendus publics par les sociétés d'État qui les ont reçus.
Nous avons audité la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le Conseil des arts du Canada et la Corporation de développement des investissements du Canada. Nous avons signalé un défaut grave relatif aux nominations au conseil d'administration à deux de ces sociétés: la Société canadienne d'hypothèques et de logement et la Corporation de développement des investissements du Canada.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration liminaire. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
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Pour conclure, je dirais que nous arrivons à l'étape de la comparution des ministères. À partir de la semaine prochaine, nous entendrons les responsables de divers ministères.
Comme vous le savez, le Comité s'est centré sur le problème de données, qui a été soulevé aujourd'hui. Mme Mendès et d'autres — comme M. Kelly — ont clairement exprimé notre frustration à cet égard.
Dans le cadre de l'étude de ces rapports, nous avons relevé certains éléments particulièrement préoccupants, notamment l'exemple du deuxième rapport, donné par Mme Mendès.
Je vais citer votre rapport au sujet de la conservation des biens patrimoniaux fédéraux:
Étant donné que nous n’avons pas pu nous appuyer sur l’information contenue dans les bases de données des organisations auditées, nous n’avons pas été en mesure d’obtenir un aperçu fidèle de l’état des édifices patrimoniaux et des lieux historiques nationaux appartenant au gouvernement fédéral.
Ensuite, vous dites que les bases de données de Parcs Canada et de Pêches et Océans Canada « ne contenaient pas de renseignements à jour sur l’état de leurs édifices patrimoniaux ». Ces deux ministères n'avaient même pas de renseignements exacts sur le nombre d'édifices patrimoniaux qu'ils possédaient.
Il va sans dire que cette constatation est assez troublante, surtout lorsqu'on sait que des vérifications ont été faites en 2003 et 2007.
À la page 7, vous dites ceci au sujet de Parcs Canada:
[...] sa base de données ne répertoriait pas tous les édifices patrimoniaux à sa charge. Ainsi, nous avons constaté que sa base de données ne recensait que 186 édifices patrimoniaux. L’Agence a mis plus de quatre semaines avant de nous remettre une liste de ses 504 édifices patrimoniaux qui, selon elle, était complète.
Y a-t-il une quelconque méthode que vous pouvez utiliser ou que le Comité peut utiliser pour bien faire les choses? Pouvons-nous intégrer un petit encadré à nos rapports pour attirer l'attention sur les données? Est-ce qu'on pourrait faire quelque chose de plus?
Tous les rapports parlent de la compilation des données, des données inexactes, de l'analyse des données et l'impossibilité de les utiliser parce qu'on ne sait pas comment les trouver. Y a-t-il une façon de lancer un coup de semonce pour dire: « Vous savez que nous arrivons. Vous savez que nous voulons voir des méthodes d'accès améliorées et une meilleure conservation des données. »
Est-ce qu'on peut en faire plus?
Monsieur Goulet, voulez-vous faire un commentaire?