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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 109 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 4 juin 2018

[Énregistrement électronique]

  (1005)  

[Traduction]

     Bonjour. Bienvenue à la 109e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Aujourd’hui, pour la suite de notre étude du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant certaines modifications corrélatives, nous sommes heureux d’être accompagnés de Marc Mayrand, l’ancien directeur général des élections.
    Merci d’être parmi nous, monsieur Mayrand. Nous vous avons convoqué au début de notre étude, et nous sommes heureux de vous revoir. J’espère que vous profitez de votre retraite.
    Cette séance devrait être amusante pour vous. Nous avons hâte d’entendre vos observations. Je suis sûr qu'elles seront très utiles.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis heureux d'être ici...
    Un moment, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Vous invoquez le Règlement, monsieur Bittle?
    Brève question sur les travaux du Comité. Je sais qu’il y aura peut-être cinq heures de votes ce soir. Les témoins de cet après-midi pourraient-ils être avisés et leur comparution pourrait-elle être reportée à plus tard dans la semaine? Nous leur éviterions de rester ici pendant des heures.
    Des observations?
    Évidemment, il serait agréable d’entendre les témoins. Si, en fait, nous sommes contraints de rogner sur leur temps de parole, il serait logique que nous les convoquions à un autre moment.
    Si c’est le cas, nous allons fixer une nouvelle date.
    Je suis désolé, monsieur Mayrand.

[Français]

    Allons-y.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis vraiment heureux de me retrouver devant ce comité, qui a fait partie de ma vie professionnelle pendant près de 10 ans. Je suis ici aujourd'hui à titre personnel; les points de vue ou les observations que je pourrais faire dans le cadre de cette comparution n'expriment donc que mon point de vue personnel et n'engagent en rien Élections Canada.
    Le projet de loi C-76, à mon avis, réussit une modernisation importante des services aux électeurs. Il rend le système électoral plus accessible et plus inclusif et il améliore l'équité de notre régime.

[Traduction]

     Vous ne vous étonnerez donc pas que j’appuie fermement le projet de loi C-76 qui a été éclairé par les réflexions des électeurs, l’expérience des élections de 2015 ainsi que l’expérience des responsables sur le terrain, des candidats et des partis, qui ont contribué à mon rapport de 2016. Celui-ci proposait des recommandations et il a lui-même fait l'objet d'un examen et de trois rapports du Comité. Ce que je veux dire, c’est qu’une grande partie du projet de loi a déjà fait l’objet d’une étude approfondie et a reçu l’appui général du Comité.
     J’ai entendu dire qu’il y avait de nouveaux enjeux, des enjeux qui sont apparus ou qui sont devenus plus lourds depuis ces diverses études. Le régime applicable aux tiers est maintenant perçu comme étant trop exposé à l’influence étrangère et quelque peu injuste dans le contexte des élections à date fixe. L’influence ou l’ingérence étrangère dans les élections nationales dans certains pays donnent à penser que le Canada doit être proactif. Les médias sociaux et la technologie apportent une grande valeur au discours public et à l’engagement citoyen, mais comme vous le savez tous, nous constatons, de plus en plus, qu’ils peuvent être utilisés pour pratiquer la désinformation, manipuler l’opinion et miner la confiance dans nos institutions.
    Il y a quelques questions clés sur lesquelles je voudrais attirer l’attention du Comité. Le premier est le régime de protection de la vie privée. Le projet de loi C-76 propose d’exiger des partis politiques qu’ils établissent et fassent respecter une politique de protection des renseignements personnels comme condition préalable à leur enregistrement. C’est un progrès, mais minime, compte tenu de notre contexte. Il n’établit pas de normes claires qui seraient conformes aux principes universels de la protection des renseignements personnels. Il ne prévoit aucune surveillance indépendante, aucun mécanisme efficace pour assurer la conformité.
    Une approche possible consisterait à établir clairement que les parties doivent respecter les principes de la LPRPDE; se soumettre à un examen indépendant, soit par le commissaire à la protection de la vie privée, soit par un vérificateur indépendant; prévoir des recours appropriés en cas de non-respect des principes.
    Le régime applicable aux tiers prévoit également une réforme importante, probablement la plus importante qui figure dans le projet de loi C-76. Il élargit le régime pour y assujettir non seulement la publicité, mais aussi les activités partisanes ainsi que les dépenses en sondages électoraux, en fixant une limite de 350 000 $ pendant la période électorale et de 700 000 $ pendant la période préélectorale, à l’exclusion, dans ce cas, de la publicité thématique. Il exige des tiers le dépôt de trois rapports. Je n'en vois pas la nécessité. Cela semble être beaucoup plus que ce qu’on exige des candidats ou de tous les autres, qui participent au processus électoral. Ils doivent avoir un compte bancaire distinct pour payer leurs dépenses. Il leur est interdit d’utiliser des fonds étrangers et ils sont assujettis à des dispositions contre les collusions, qui permettraient de contourner les limites de dépenses. Leurs rapports doivent être vérifiés et le vérificateur doit certifier qu’aucun fonds étranger n’a été utilisé.
    Ce que le projet de loi C-76 ne fait pas, c’est d’imposer une restriction efficace au mélange des fonds. L’argent étranger peut être blanchi par diverses entités canadiennes pour qu’il ait l’air canadien. C'est là aussi un problème, à mon avis. Il n’y a pas de limite à la source ou au montant des contributions, sauf qu’elles ne peuvent pas provenir d’entités étrangères, bien sûr.

  (1010)  

    Dans le contexte du projet de loi C-76, il serait difficile de trouver une solution à ces problèmes. La conception d’un nouveau système exigerait que nous mettions en place un système de contributions analogue à ce qui existe pour d’autres entités politiques, mais il y aurait de nombreux défis à relever pour satisfaire au critère de la Charte. Compte tenu de la situation actuelle, je ne suis pas certain que cela puisse se faire efficacement, mais qui sait? Je fais simplement part de ce point de vue au Comité.
    L’influence étrangère est une autre question qui est abordée dans le projet de loi C-76, qui interdit les contributions d’étrangers. Il est interdit aux tiers étrangers de dépenser pour de la publicité ou des activités partisanes, y compris des sondages électoraux, pendant les périodes préélectorale et électorale. Il interdit aux étrangers la vente de services de publicité électorale, et bon nombre des nouvelles dispositions génériques s’appliqueraient évidemment aux étrangers.
    Ce que le projet de loi C-76 ne fait pas, c’est empêcher le contournement des interdictions, surtout en ce qui a trait aux mouvements de fonds vers des entités canadiennes. Une approche possible consisterait à ajouter à la loi une disposition anticollusion solide. Au-delà de cela, nous devrions envisager, je crois, une approche internationale coordonnée pour limiter ou empêcher l’ingérence d’étrangers dans les élections nationales.
    Le dernier enjeu émergent que je veux aborder devant le Comité aujourd’hui est celui des médias sociaux et de la technologie. À mon avis, le projet de loi C-76 ne fait pas grand-chose pour réprimer les abus de ce côté, peut-être parce que les questions sont beaucoup plus vastes que le domaine électoral et qu'il serait préférable de les aborder en ayant recours à d'autres lois. De plus, il s’agit d’un enjeu vraiment émergent que peu de pays ont réussi à réglementer jusqu'à maintenant. À cela s’ajoute le fait que les médias sociaux et la technologie ne connaissent aucune frontière, ce qui aggrave les difficultés de la réglementation.
    Le projet de loi C-76 n’empêche pas la désinformation, la propagande ou la promotion artificielle de pseudo-info par des trolls et des robots. Le Comité devrait peut-être étudier la question ou au moins la tirer au clair. Une approche possible consisterait à créer un répertoire de toute la publicité numérique liée à une élection. Veillez à ce que les propriétaires de plateformes soient responsables de l’utilisation illégale de leurs plateformes et — à mon avis, c’est très important — chargez une organisation de sensibiliser le public à la façon d’évaluer la fiabilité de l’information diffusée sur le Web ou sur diverses plateformes. Plus les Canadiens sont au courant de la question et des pièges de la désinformation, mieux ils savent déceler les pièges et exercer leur jugement pendant la campagne électorale.
    Enfin, j’ai quelques autres considérations à aborder. Elles ne sont peut-être pas très importantes, mais je voudrais les porter à l’attention du Comité.
    La première est le recours à un répondant. Le projet de loi C-76 réintroduit ce recours dans notre système électoral. Pour ma part, j’aurais voulu que ces dispositions soient étendues au personnel des foyers pour personnes âgées et des établissements de soins de longue durée. Je suis frappé par l'affaire d’Etobicoke: une infirmière, qui est au service des résidants d'un établissement de soins de longue durée, par bonne volonté, a servi de répondante pour des électeurs qui étaient présents et qui avaient des pièces d’identité ou des documents insuffisants ou imparfaits. L'affaire a été portée devant les tribunaux. Tous les juges ayant entendu cette cause, qui a été portée devant la Cour suprême, ont conclu qu’il n’y avait aucune marge de manoeuvre. Comme l’infirmière ne résidait pas dans la même section de vote que les résidants des établissements de soins de longue durée, les bulletins de vote ont été annulés, mais il n’y avait aucun doute quant à l’admissibilité de ces électeurs.
     Je vous soumets la question. Les risques de fraude dans ces établissements fermés, confinés, sont très limités. Il est facile de retracer toutes les personnes. Le pire, c’est qu’Élections Canada se rend dans ces établissements de soins de longue durée pour vérifier qui y habite pendant les périodes électorales. C’est incroyable que deux semaines plus tard, on ne puisse pas reconnaître ces gens. Je vous laisse y réfléchir.

  (1015)  

     Il y a un autre problème dont je ne suis pas sûr que ce soit un oubli, car je crois que le Comité était d’accord sur l’idée d’accorder une rémunération aux agents officiels des candidats. Les agents officiels de qualité sont difficiles à trouver et à garder. Ils portent le gros du fardeau que la loi impose en matière de rapports et de suivi des dépenses, et je suis convaincu que ces gens — qui consacrent un nombre exceptionnel d’heures, surtout comme bénévoles par les temps qui courent, bien au-delà de 36 jours et, en fait, parfois par intermittence pendant facilement un an — bénéficieraient grandement d’une modeste rémunération pour le service qu’ils offrent, car ils apportent une énorme contribution aux candidats, et aussi à l’intégrité de notre système. Je le répète, je croyais que le Comité s’était entendu sur cette question. J'ai fait cette proposition en 2016, et je la réitère puisque j’en ai l’occasion.
    Il n’y a rien non plus dans le projet de loi sur le débat des chefs. Je ne dis pas que des dispositions à ce sujet devraient faire partie du projet de loi à ce stade-ci, mais le temps presse si nous voulons établir un cadre indépendant pour 2019.
    En guise de conclusion, je tiens à dire que les points que j’ai soulevés ce matin ne devraient pas être perçus comme un moyen de minimiser l’importance du projet de loi C-76. C'est une bonne mesure législative qui est tout à fait ancrée dans les valeurs fondamentales qui appuient la tenue d’élections libres et équitables. Comme tout projet de loi, il est susceptible d’être amélioré grâce au travail des parlementaires. J’espère cependant que le meilleur ne deviendra pas l’ennemi du bien, comme on dit, dans la quête d’améliorations.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Mayrand.
    Monsieur Simms, vous pouvez commencer.

[Traduction]

    Monsieur Mayrand, je suis heureux de vous revoir. C’est toujours un plaisir. J’ai toujours apprécié vos témoignages à l’époque, comme aujourd’hui.
    J’ai une brève question au sujet de votre dernier point. Je n'ai pas perdu cela de vue, et je me souviens que vous avez déjà dit la même chose au sujet de l’agent officiel. Proposez-vous quelque chose de semblable à ce que nous faisons avec les vérificateurs, c’est-à-dire le receveur général...
    Oui. Ce serait le même modèle que celui de la rémunération offerte aux vérificateurs. Il appartient au Comité de fixer le montant, qui peut varier selon le type de travail ou de rapport.
    D’accord, je voulais simplement tirer la question au clair.
    Je veux revenir au début, et cela veut dire à l’époque où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Nous avons eu tous les deux un échange au sujet de la Loi sur l’intégrité des élections il y a quelque temps. Vous avez parlé de la nécessité de « satisfaire aux critères de la Charte », et nous craignions à l’époque que, dans bien des cas, les modifications apportées par la Loi sur l’intégrité des élections ne fassent en sorte que beaucoup d'électeurs soient vulnérables au moment d'exercer leur droit, par exemple avec la carte d’information de l’électeur.
    Qu’est-ce qui était particulièrement grave pour vous? Quel élément vous préoccupait le plus lorsque la Loi sur l’intégrité des élections a été mise en place?

  (1020)  

    Je l’ai dit haut et fort à l’époque. Je craignais que cette loi ne prive des électeurs légitimes de leur droit de vote sans justification suffisante.
    Je m’en souviens très bien, et je suis content que vous l’ayez dit, car la justification semblait faire défaut à l’époque. Nous avons demandé alors: « Pourquoi créons-nous une solution à un problème qui n’existe pas? »
    Cela dit, la question de la fraude électorale a été soulevée non seulement au Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Que pensez-vous de la fraude électorale au Canada? La situation empire-t-elle? Est-ce que le problème existe? Est-ce un problème? Que devrions-nous faire à ce sujet?
    Il y a très peu de preuves — en fait, aucune — d’abus systémique ou de fraude électorale dans notre système. À ma connaissance, c’est vrai aux niveaux fédéral et provincial. Il y a eu beaucoup de discussions aux États-Unis depuis les dernières élections. De plus, les preuves à l’appui de toute allégation de fraude systémique étaient notoirement insuffisantes.
    Il y a eu quelques cas, et Élections Canada avait des contrôles en place avant, pendant et après les élections pour vérifier tout vote douteux. Encore une fois, ces cas reflètent rarement des activités frauduleuses et, lorsqu’ils le font, ils sont renvoyés au commissaire et, après enquête, ils donnent rarement lieu à des accusations.
     Merci, monsieur.
     Par ailleurs, vous avez parlé du recours à un répondant et de sa réintroduction à ce niveau. Malgré ce que vous avez dit au sujet des maisons de retraite, ce qui me semble être un bon point, le recours à un répondant est certainement quelque chose que certaines personnes doivent considérer comme suspect. Certains se disent que cette disposition rend possibles de nombreux abus. Vous n’êtes pas d’accord.
    Tout d’abord, cette disposition est rarement utilisée. Au bout du compte, c’est une soupape de sécurité pour ceux qui se trouvent dans des conditions extrêmes et qui ne peuvent pas établir correctement leur identité ou leur qualité d’électeur. Deuxièmement, la procédure se déroule très publiquement et ouvertement devant les responsables, qui prennent des notes détaillées sur ce qui se passe pour qu’on puisse par la suite vérifier les faits au besoin. Cela se fait également en présence d’observateurs de candidats, qui peuvent contester la procédure et porter à l’attention d’Élections Canada des questions qui les préoccupent au sujet de la légitimité de la procédure.
    Encore une fois, je ne suis pas sûr que les risques, qui sont minimes, selon moi, soient assez importants pour qu'on refuse à un électeur légitime le droit de voter. C’est une autre question liée à la Charte.
    Merci.
     Vous avez également parlé avec passion de l’influence de l’argent étranger et affirmé que le projet de loi est un pas dans la bonne direction, tout en estimant qu’il y a encore du travail à faire à cet égard. De toute évidence, vous avez souligné qu'il est très difficile de suivre le parcours des contributions, et vous avez notamment dit qu'il fallait des dispositions solides pour lutter contre la collusion. Vouliez-vous alors parler des fonds étrangers?
    Le projet de loi contient une disposition anticollusion concernant les limites de dépenses, mais il n’y a rien au sujet des mouvements de fonds. Ce que je crains, c’est qu’on ne puisse blanchir de l’argent, d’une certaine façon, pour lui donner une couleur canadienne. Au bout du compte, on ne sait pas si c’est vraiment de l’argent canadien ou s’il s’agit, au départ, de fonds étrangers. Il devrait y avoir une disposition qui interdit clairement de faire indirectement ce qu'on ne peut faire directement. Cela aiderait le commissaire dans les cas où la question pourrait être soulevée.

  (1025)  

    Très rapidement, à propos des médias sociaux, vous avez parlé de charger une organisation de s'assurer de la fiabilité des médias sociaux. Pensez-vous qu’Élections Canada puisse faire quelque chose à cet égard, ou est-ce une tâche trop lourde?
    L'organisme pourrait le faire dans le contexte des élections, c’est certain. Il pourrait y avoir d’autres organisations, qui sont également bien placées pour le faire dans un contexte plus large.
    Les problèmes des médias sociaux ne sont pas seulement liés aux élections, bien sûr, et c’est pourquoi je suggère... C’est peut-être Élections Canada, dans le contexte des élections, qui pourrait s'occuper un peu de cette question dans sa campagne d'information sur les modalités des élections et l'endroit où les électeurs doivent voter. Élections Canada pourrait aussi les informer des moyens d'évaluer la fiabilité des données ou de l’information qui leur est transmise.

[Français]

     Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Richards.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
     Merci d’avoir accepté de comparaître, monsieur. Cela me rappelle beaucoup de bons souvenirs.
    Est-ce exact?
    Des voix: Oh, oh!
    Je voudrais vous poser une question sur ce que votre successeur a qualifié d’« inhabituel », c’est-à-dire l’idée d’élaborer un plan de mise en oeuvre avant que la loi ne soit adoptée à la Chambre des communes ou au Parlement. Qu'en pensez-vous? Cela vous paraîtrait-il également sortir de l'ordinaire?
    Nous préférons toujours nous appuyer sur la loi finale, bien sûr, mais dans certains contextes... Cela n'a rien de nouveau. Dès qu’un projet de loi est déposé, Élections Canada en fait une analyse très détaillée, se présente devant le Comité et propose surtout des changements de nature technique pour s’assurer que les nouvelles dispositions sont applicables. Les gens d'Élections Canada commencent également à examiner ce que cela signifie pour l'organisme, les électeurs, les candidats et les partis. Nous devons réfléchir à la façon dont les manuels seront modifiés. Ce travail commence très tôt, dès le dépôt du projet de loi, mais...
     Il est évidemment compréhensible que, chaque fois qu’une loi touche une organisation, celle-ci l’examine pour voir comment cela va se passer si elle est adoptée.
    Exactement, oui.
    Je suppose, cependant, que le fait d’aller au-delà de l’examen et de la définition des orientations à prendre pourrait constituer un comportement un peu inhabituel. Quelle a été votre expérience à cet égard par le passé? Jusqu’où êtes-vous allé?
    Nous nous en tenons aux certitudes à mesure qu'elles prennent forme dans le projet de loi.
    Nous avons toujours été très prudents, et je suis sûr qu’Élections Canada continue de l'être, lorsqu’il s’agit de dépenser des fonds publics pour quelque chose qui n’est pas encore dans la loi. Cela fait partie de la gestion du risque dans notre métier. Il nous faut tout de même être prêts à mettre en oeuvre la loi, la volonté du Parlement. Parfois, nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous y prendre, mais nous faisons tout le travail préparatoire possible.
    Oui, et j'imagine qu'en l'occurrence le fait que le gouvernement ait pris tant de temps n'a fait que compliquer la situation. Il me semble que vous aviez même prévenu que ce projet de loi serait nécessaire plus tôt. Bien sûr, votre successeur en a fait autant, et c’est donc clairement un facteur qui joue ici.
    Je suppose que la prochaine question que je veux vous poser en relève. Vous avez parlé un peu du financement étranger tout en signalant que ce projet de loi ne règle pas vraiment le problème dans son ensemble. Vous avez parlé du mélange des fonds. Vous avez parlé de collusion. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet.
    Mais avant, j’aimerais que vous me disiez quelque chose. Vous avez dit très honnêtement qu’à votre avis, certains aspects pourtant nécessaires ne seraient probablement pas possibles en raison de la date tardive où nous en sommes face aux prochaines élections. Je me pose la question. Il est manifeste que vous aviez également ces préoccupations lorsque vous étiez le directeur général. Avez-vous exhorté le gouvernement à examiner et à régler ces aspects à l'époque? Dans l'affirmative, pourquoi pensez-vous que cela n’a pas été fait?

  (1030)  

    En ce qui concerne les fonds étrangers dans notre système, nous avions un régime en place depuis très longtemps, et la question n’avait pas vraiment été soulevée. Comme je l’ai mentionné dans mes remarques, c’est un problème qui a pris de l'envergure depuis les dernières élections. Ce que je voulais dire, c’est que le projet de loi tente de régler le problème. Si ce qui préoccupe, c'est le mélange ou la source des fonds, il faudrait probablement envisager un régime de contributions analogue à ce qui existe pour les entités politiques, mais je pense qu’il faudrait poser de sérieuses questions. Compte tenu des droits constitutionnels des tiers, peut-on imposer les mêmes contrôles aux sources et les mêmes montants ou limites?
    Je crains que nous n’ayons plus le temps de régler cette question avant la prochaine élection générale. Je suis désolé de le dire, mais si c’est vraiment une préoccupation, je ne sais pas comment on pourrait s’y prendre pour que les intentions soient respectées et qu’il n’y ait pas d’effets secondaires négatifs pouvant aboutir à toutes sortes de litiges devant les tribunaux. C’est pourquoi je demeure réservé à ce sujet.
    C'est compris.
    Cela dit, il est toujours sage pour nous de savoir ce qui serait idéal et si c’est possible ou non. Si ce n’est pas possible maintenant parce que le gouvernement a attendu si longtemps, nous pourrions peut-être nous y pencher à l’avenir.
    Qu’en pensez-vous? J’ai l’impression que c’est là que vous voulez en venir, mais je vais vous poser une question très précise. De toute évidence, dans le cas des partis politiques, seuls les particuliers peuvent faire des dons, de sorte que les étrangers ne peuvent pas faire des dons à un candidat ou à un parti politique dans notre système. Or, ce n’est pas la même chose pour ces tiers. Les entités étrangères peuvent en fait leur faire des dons, même en quantité illimitée. Pensez-vous que c’est un aspect qu’il faudrait chercher à harmoniser? Autrement dit, ne faudrait-il pas empêcher que ces groupes de tiers reçoivent un financement étranger afin qu'ils soient traités de la même façon que les autres entités du système politique et des partis politiques? Il y a aussi l’idée des limites aux contributions à des fins politiques. Qu’en pensez-vous?
     Il y a divers aspects.
    Le projet de loi C-76 interdit les contributions étrangères. Le problème, c’est que les entités tierces reçoivent des fonds de diverses sources, et ces sources perdent leur caractère au fur et à mesure qu’elles sont mélangées dans les recettes générales du tiers. C’est un aspect. Le projet de loi C-76 interdit les contributions, mais il ne règle pas la question du mélange.
    Personnellement, je suis d’avis que si des tiers, particulièrement dans le contexte d’une courte période électorale et préélectorale, veulent mener des campagnes politiques, ils devraient être régis par les mêmes principes que les autres participants au système. Il s’agit de reconnaître que les tierces parties sont distinctes, qu’elles ont un but autre que celui de se faire élire — il n'en est rien —, mais si elles veulent tout de même participer à la campagne, très bien, mais elles devraient être assujetties à un régime qui limite leur influence proportionnellement au message qu’elles veulent transmettre.
    Merci beaucoup.

[Français]

     C'est maintenant le tour de M. Cullen,

[Traduction]

mon partenaire aux yeux rouges.

[Français]

    Vous avez un bon français, monsieur le président.
    Bien sûr.

[Traduction]

    Monsieur Mayrand, c’est vraiment un plaisir de vous revoir.
    Je vais commencer par reprendre le fil de ce que nous disions. D’après votre estimation, et il semble que bien d’autres se rangeraient à votre avis, il est peut-être trop tard dans le processus pour faire quelque chose qui vaille au sujet des contributions des tiers et de l’influence étrangère. Je trouve cela déplorable, car je pense que les Canadiens et notre système politique sont peut-être un peu naïfs au sujet des intérêts de groupes externes, d’autres gouvernements et de l'influence qu'ils essaient d'exercer sur nos élections.
    Êtes-vous d’accord avec cette appréciation, selon laquelle les Canadiens auparavant...? Il se peut que le Brexit et l’élection de Trump aient changé notre optique un peu, mais...

  (1035)  

    Parlez-vous de l’influence étrangère?
    Oui, de l’influence étrangère.
    À mon avis, il y a eu de très... preuves, s'il en est, de cela au Canada.
    Cela dit, je pense qu’il serait sage d’être proactif et de ne pas attendre à ce que quelque chose se produise. Je pense que le projet de loi C-76 proposait des mesures très valables, mais, comme je l’ai mentionné, il y a toute la question des médias sociaux et de la capacité de suivre les fonds qui circulent dans le système.
    Pour être suffisamment proactif, pour essayer d’être à la hauteur d'une éventuelle menace...
    La menace serait de taille. Je dirais que, lors des élections aux États-Unis, auxquelles certains d’entre nous avons assisté en qualité d’observateurs, de multiples enquêtes ont permis d'établir que l’influence de gouvernements étrangers, en particulier de la Russie, a été profonde. Nous ne le savons pas, mais elle a même pu avoir une incidence sur le choix du président. Reste à savoir, mais au moins la question est là, et je pense qu'elle est valable. Convenez-vous que l’influence étrangère aux élections américaines était réelle, que...
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous ne devrions tolérer aucune influence ou ingérence étrangère.
    Le projet de loi C-76 va-t-il assez loin pour que nous puissions nous rendre aux prochaines élections en sachant que de telles circonstances ne risquent pas de se produire au Canada sur le plan de la désinformation ou du montant d’argent qui peut passer par les organisations canadiennes qui participent à nos élections?
    Comme je l’ai dit, je pense que cela s’est fait principalement par l'usage à mauvais escient des médias sociaux et des médias électroniques. Dans ce contexte, je ne suis pas sûr que le projet de loi C-76 fasse une différence, franchement.
    Je pense que les enjeux vont au-delà du processus électoral.
    Le processus en fait partie, et c'est certainement un élément clé.
    Oui, tout à fait, mais je parle de l’expérience au pays, lorsque nous avons eu des problèmes avec les appels automatisés. C’était tellement facile de masquer le fournisseur. Ces activités sont organisées aux quatre coins du monde, alors les retracer, les suivre et aller à la source, c'est un défi de taille pour tout organisme d’application de la loi.
     Comme j’aime les exemples concrets, considérons cet aspect un instant. Supposons que quelqu’un mette sur pied un système d’appels automatisés pour diffuser de la désinformation et envoyer les électeurs aux mauvais bureaux de vote. Le projet de loi C-76 en fait-il assez pour empêcher que cette menace se reproduise?
    Le projet de loi C-31 s'en est déjà occupé. Celui-ci l'améliore en exigeant que ceux qui font ces appels tiennent une liste des appels qu’ils font et la transmettent au CRTC. Il y a une amélioration...
    Permettez-moi de parler de la protection de la vie privée. Je pense à votre témoignage, et il me semble que c’est l’aspect sur lequel vous avez été le plus clair en ce qui concerne les lacunes du projet de loi.
     Pour ce qui est de l’application des lois fondamentales en matière de protection de la vie privée aux partis politiques, vous avez dit que ce projet de loi n’établit pas de normes appropriées, que la surveillance fait défaut — je paraphrase —, et que les pénalités sont tout à fait symboliques. Pourquoi est-ce si important? Beaucoup de Canadiens se demandent pourquoi il est important que les partis ne soient pas assujettis aux lois sur la protection de la vie privée. Tout ce que le projet de loi C-76 exige, c’est qu'ils affichent leurs politiques sur le Web, c’est tout. Cela ne change rien au libellé fondamental...
    Je dois le trouver.
    Oui, il faut le trouver.
    M. Marc Mayrand: J’ai essayé en fin de semaine. C’est pourquoi je dis...
    M. Nathan Cullen: Je suis sûr que les Canadiens consulteront les sites Web des partis pour trouver leurs énoncés de politique sur la protection de la vie privée. Qu'avons-nous laissé passer au juste en négligeant d’assujettir les partis à des lois appropriées en matière de protection de la vie privée?
    Je pense que c'est un fait bien connu que les partis... Nous sommes à l’ère des données. Les données sont essentielles aux partis politiques pour recenser et mobiliser leurs partisans, voire amener des électeurs neutres à adopter leurs points de vue. Les données sont essentielles. Nous ne savons pas exactement comment elles sont recueillies ou utilisées. Nous ne savons pas exactement comment les renseignements sont communiqués. Nous ne sommes pas certains de l’exactitude de ces données. De plus, les Canadiens n'ont pas vraiment moyen de vérifier les renseignements personnels qui sont transmis sur eux. Il y a...

  (1040)  

    Pourquoi est-ce un problème?
    J’aimerais savoir si je suis considéré comme un partisan ou un adversaire, ou dans quelle catégorie je me trouve et quel genre d’information on possède à mon sujet, et d’où provient cette information si elle ne vient pas de moi.
    De plus, si quelqu’un utilise vos renseignements à mauvais escient et les vend, par exemple, ce qui est encore permis en vertu de la loi et qui le serait encore si le projet de loi devenait loi dans son libellé actuel...
    Oui. J’espère que ce sera avec le consentement de la personne. Sinon, je pense que c’est...
    Vous dites « j’espère ». L’espoir est une chose merveilleuse. Le projet de loi C-76 oblige-t-il les partis à obtenir le consentement des électeurs avant de vendre leurs données?
    Il faudrait que je vérifie, mais probablement pas.
    Laissez-moi répondre à ma propre question: non.
    Dans le cas d’une entité privée, d’une banque ou d’une association à laquelle vous appartenez et qui possède vos renseignements personnels, en vertu des lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels, il faudrait tout d’abord divulguer les renseignements qui vous concernent comme citoyen. Ils devraient aussi vous informer s’ils ont déjà cherché à vendre vos renseignements. Les partis politiques s'inscrivent dans une catégorie spéciale.
    Il n’y a pas de règles à cet égard. Il n’y a rien là.
    Merci beaucoup.
    Madame Tassi.
    Bonjour. Je vous remercie de votre présence ici aujourd’hui. Nous apprécions vraiment votre expertise et votre témoignage.
     Permettez-moi de commencer par ceci. Dans l’ensemble, que pensez-vous de ce projet de loi? Que pensez-vous du projet de loi C-76?
    Comme je l’ai dit plus tôt, c’est un bon projet de loi. Je pense qu’il mérite d’être examiné par le Parlement et qu'il devrait être adopté sous réserve de quelques améliorations. Je pense qu'il fera une véritable différence pour les électeurs.
    Pourquoi dites-vous cela?
    Parce que c’est beaucoup plus inclusif et accessible. Il rend le système beaucoup plus inclusif pour les électeurs et les candidats. Je songe aux personnes handicapées, qui bénéficieraient grandement de ce projet de loi. Je songe aux jeunes, qui en bénéficieraient énormément eux aussi.
     Il permettrait à Élections Canada d’agir plus énergiquement pour moderniser les services afin d’éviter les files d’attente aux bureaux de scrutin et mieux servir les électeurs. Et surtout, il améliorera l’intégrité de notre système.
     Pour toutes ces raisons, j’appuie fermement le projet de loi. J’ai signalé quelques points qui, à mon avis, pourraient être améliorés.
     D’accord, j’aimerais approfondir certains aspects que vous venez de soulever. En ce qui concerne les jeunes, comment pensez-vous que ce projet de loi encouragera les jeunes?
    De diverses façons. Tout d’abord, il y a le mandat d’éducation d’Élections Canada, qui est élargi pour ancrer la participation civique, particulièrement chez les jeunes.
    Il y a l’inscription préalable des jeunes de 16 à 18 ans, ce qui devrait faire une réelle différence au fil du temps, car, comme on vous l’a déjà dit, les jeunes de 18 à 24 ans représentent le segment qui affiche le taux d’inscription le plus faible parmi tous les groupes démographiques, tous les groupes d’âge. L’inscription préalable permettrait à Élections Canada de les faire participer plus tôt, lorsque nous saurons où ils se trouvent, et de les joindre lorsqu’ils atteindront l’âge de voter.
    L’autre disposition vise à faciliter le recrutement des jeunes pour qu’ils puissent travailler dans les bureaux de scrutin. Je m’en réjouis énormément.
    Ce sont de petites mesures qui, individuellement, au fil du temps, si on s'y prend comme il faut, devraient améliorer la participation des jeunes à l’éducation civique sur notre démocratie.
    Je suis très heureuse d’entendre que vous appuyez cette mesure. Je travaille avec les jeunes depuis plus de 20 ans, et je pense que leur participation est extrêmement importante.
    Certaines préoccupations ont été soulevées au sujet de la protection des renseignements personnels en ce qui concerne l’inscription précoce des jeunes. Avez-vous des préoccupations à cet égard en ce qui concerne le projet de loi C-76?

  (1045)  

    À ce que je sache, cette information ne doit être communiquée à personne. C’est dans le registre d’Élections Canada. Elle est protégée avec des pare-feu. Elle est bien protégée, et Élections Canada est toujours sur le qui-vive face aux menaces à la sécurité et aux TI et prend les mesures de protection les plus avancées qui soient.
    Je n’ai vu aucune disposition dans le projet de loi qui permettrait la divulgation des renseignements contenus dans ce registre.
    Merci. D'autant plus que l'inscription est volontaire.
    Vous avez aussi parlé des personnes handicapées. C’est un autre secteur qui me tient à coeur. Selon vous, comment ce projet de loi encouragera-t-il les personnes handicapées à voter en leur facilitant l'accès?
    Il y a plus de souplesse pour ce qui est de choisir l’endroit où ils peuvent voter, s’assurer qu'il est accessible. Il y a aussi des dispositions dans la loi qui permettent d’introduire la technologie pour servir les électeurs handicapés et éliminer les obstacles. Lorsque j’étais à Élections Canada, nous travaillions en étroite collaboration avec divers groupes de personnes handicapées. Un comité se réunissait régulièrement pour discuter de certains défis et de la façon dont nous pouvions utiliser la technologie. Il importe de comprendre qu’ils examinaient une technologie adaptée à chaque situation particulière. Ils ne songeaient pas à des technologies génériques qu’ils n’utilisent jamais, qu’ils ne connaissent pas, comme les machines à voter qui existent dans certains bureaux de vote, qui sont rarement utilisées parce qu’ils ne savent pas comment elles fonctionnent.
    Grâce à ce dialogue permanent avec ces groupes, je suis persuadé que le projet de loi entraînera de grands progrès en ce qui a trait au recours à la technologie pour mieux servir les électeurs.
    Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l’élargissement de la définition de « déficience » pour qu’elle aille au-delà de l’incapacité physique?
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    C’est un autre changement bienvenu. Je pense que nous l'avions déjà proposé en 2016. Il évite une distinction qui est parfois assez difficile à faire en réalité.
    Je tiens également à souligner que les candidats bénéficieront eux aussi de ces dispositions. Ils auront un taux de remboursement plus élevé, une mesure importante qui, à mon avis, incite les candidats et les partis à communiquer avec les électeurs handicapés au moyen des outils qu’ils utilisent pour comprendre les communications. Ce sont des mesures importantes et c’est justement de quoi je parle quand je dis que cela rend le système plus inclusif.
    Très bien.
    En ce qui concerne les cartes d’information de l’électeur, vous avez dit qu’à votre avis, il n’y a absolument aucun problème en ce qui a trait aux cartes utilisées pour voter frauduleusement.
    Je pense quant à moi aux personnes âgées et aux étudiants, car ce sont probablement les deux groupes qui utilisent la carte le plus. D'après votre expérience, pouvez-vous nous dire comment ces groupes et d’autres comptent sur la carte, comment les électeurs croient pouvoir s’en servir comme pièce d’identité, et nous parler des conséquences de la Loi sur l'intégrité des élections qui ne reconnaît plus la carte comme pièce d’identité?
     Il y a quelques éléments.
    Nous avons un régime d’identification intéressant au Canada. Les lois fédérales nous obligent à présenter une pièce d’identité et une preuve d’adresse, mais nous n’avons pas de carte nationale. C’est assez frappant. Nous n’avons pas de carte nationale qui réponde à toutes les exigences d’identification. Cela nous oblige à adopter un système assez complexe avec, je crois, 32 pièces d’identité différentes, voire même davantage, qui doivent être acceptées.
    À ce moment-là, en 2014, compte tenu de ce que nous savions au sujet des jeunes et des aînés, mais aussi, je dois dire, des Autochtones vivant dans les réserves, nous pensions que ces groupes avaient des défis particuliers à relever pour prouver qui ils étaient et où ils vivaient. Nous avons mené des projets pilotes dans le cadre d’élections partielles et aussi dans le cadre de l'élection générale. Nous avons autorisé l’utilisation de la carte d'information de l'électeur dans des circonstances très précises, comme dans les résidences pour étudiants, où il est peu probable qu’ils aient un document établissant leur lieu de résidence. S’ils ont un permis de conduire — ce n’est souvent pas le cas —, il porte probablement l’adresse de l’endroit où ils vivent avec leurs parents.
    Nous l’avons utilisé pour les étudiants et pour les personnes âgées. De nos jours, les personnes âgées n’ont souvent pas accès à leurs documents personnels. Bon nombre d’entre elles ne reçoivent pas de factures à leur nom, alors il n’y a pas d’adresse; c’est la même chose pour les Autochtones. Dans ces cas, qui étaient tous des environnements fermés, j’ai permis l’utilisation de la carte d'information de l'électeur, la CIE, et cela a été un succès, un véritable succès. Cela a permis à des gens de voter alors qu’ils n’auraient pas pu le faire autrement. Cela leur a aussi permis de voter de façon indépendante, ce qui est important, et de voter rapidement.

  (1050)  

    Merci beaucoup.

[Français]

     Nous passons maintenant à M. Nater.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mayrand, de vous joindre à nous aujourd’hui. C’est toujours un plaisir d’entendre vos remarques et de bénéficier de vos lumières sur cette question. Pardonnez-moi si j'aborde des sujets différents, mais je veux essayer d’en couvrir le plus possible dans les cinq minutes qui me sont allouées.
     Je veux commencer par l’idée de l’influence étrangère et les soupçons d'amalgame des fonds, de blanchiment d’argent. Pourriez-vous me confirmer une chose? Ce que vous voyez ici, c’est que lorsqu’une organisation, une tierce partie, peut recevoir un total de 100 000 $ de financement, 50 000 $ de contributions canadiennes et 50 000 $ de contributions étrangères, il est possible que cette organisation puisse utiliser ces 50 000 $ de fonds étrangers pour financer ses activités en dehors d’une période électorale, libérant ainsi les 50 000 $ restants pour des fins électorales.
    Est-ce là que vous voyez un problème et un possible blanchiment d’argent?
    Non, excusez-moi, il y aurait blanchiment dans le cas où une entité étrangère fournirait des fonds à une entité canadienne et que celle-ci en profiterait pour établir une filiale, par exemple, ou une entité secondaire, disons, et pour lui fournir des fonds issus de ses recettes générales actuelles, de sorte que la nature étrangère des fonds disparaît. À ce moment-là, on peut soutenir que c’est de l’argent canadien. Je pense que cela devrait être interdit par la loi. Le projet de loi devrait contenir une disposition anti-collusion ou anti-blanchiment.
    En ce qui concerne l'amalgame, au bout du compte, je comprends ce que vous voulez dire. À mon avis, la seule solution serait d’établir un régime de contributions. C’est la seule façon de faire. Encore une fois, si des tiers veulent influencer une campagne à un niveau financier important, ils devraient être assujettis à un régime de contribution, veillant à ce que les fonds qu’ils utilisent proviennent des Canadiens.
    Il est donc concevable qu’ils soient divulgués en ligne, comme nous le faisons pour les dons de plus de 200 $.
    Absolument, oui.
    Nous avons parlé un peu des vérifications qu’il faudrait effectuer auprès de ces organisations. Tout cela se ferait après une élection, de sorte que toute contestation, toute indiscrétion, serait probablement repérée après l'élection. Voyez-vous des problèmes quant à la façon dont cela pourrait fonctionner dans la réalité vis-à-vis du moment où ces atteintes pourraient se produire et la façon dont elles sont détectées?
     Ce n’est pas différent de ce qui existe pour les candidats ou les partis à cet égard. Les vérifications ont toujours lieu après le fait, alors je ne sais pas comment nous pouvons y remédier, si ce n’est que nous nous dirigeons vers un système où les contributions sont divulguées en temps réel. La technologie le permet probablement. Je ne suis pas sûr que ce soit possible. Il faudrait qu'Élections Canada réponde à cette question, mais c’est faisable, et vous pourriez vérifier le montant et les sources de contribution en temps réel, avec une adresse. C'est faisable.
    Merci.
    J’aimerais changer de sujet et parler de l’idée que vous avez mentionnée d’avoir peut-être un répertoire d'archivage des publicités numériques. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet. Je suppose que si un candidat achetait de la publicité sur Facebook, ou si un parti achetait de la publicité en ligne, cela ferait déjà partie du compte des dépenses du rapport de campagne électorale
    Envisagez-vous d’aller plus loin et d’avoir quelque chose qui englobe les tiers, les personnes ou ceux qui ne participent pas directement au processus électoral lui-même, mais qui auraient quand même un impact sur ce processus? Est-ce que...?

  (1055)  

    Il y a un peu de cela, mais cela va plus loin. Il s’agit en fait pour n’importe quel citoyen de pouvoir observer le genre de publicité qui se fait, qui est ciblé, quels sont les messages et s’ils sont cohérents ou non.
    De plus, c’est une façon de déterminer s’il s’agit de publicités légitimes ou non. C’est une autre question qui pourrait être illustrée par ce genre de répertoire d'archivage.
    Actuellement...
    D’après ce que je comprends, Facebook envisage quelque chose de ce genre, mais je me demande pourquoi nous n’aurions pas un répertoire national qui regrouperait toutes les publicités sur toutes les plateformes, plutôt que d’avoir à compter sur le Globe and Mail qui cherche probablement à faire le suivi de ces publicités. Il me semble qu’il est de plus en plus complexe de faire le suivi des publicités concernant le bien public, c’est-à-dire les élections.
    Je vous remercie.
    Très brièvement, parce que je sais que mon temps de parole est presque écoulé. La publicité traditionnelle, que ce soit dans la presse écrite ou à la télévision, est assujettie à un certain nombre de règles différentes, avec, par exemple, le Bureau de la concurrence qui exige un certain degré de vérité dans la publicité. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de régime aussi strict ou exécutoire pour les publicités en ligne, si vous voulez. Suggérez-vous que nous devrions peut-être appliquer la même chose...
    C’est quelque chose que nous devrions explorer.
    Fait intéressant, les médias sociaux semblent être totalement exemptés des règles générales qui régissent le discours public et pourtant ils sont un discours public. Certains diront que ce n’est pas tellement public, mais à mon avis, c’est un discours public. Quoi qu’il en soit, cela va bien au-delà des élections. Cela pourrait leur donner un avantage injuste par rapport aux médias traditionnels de temps à autre et je pense que vous, les parlementaires, en avez entendu parler.
    D’accord.
    Merci beaucoup.
    Notre dernier intervenant est M. Bittle.
    Merci beaucoup.
    J’aimerais revenir sur les médias sociaux. J’ai vu les effets négatifs de la désinformation et de son retour. J’ai appris le terme « embrigadement », qui fait intervenir un grand nombre de personnes — des trolls — qui se rassemblent et attaquent.
    Y a-t-il un pays qui, à votre avis, a réussi à légiférer dans ce domaine ou à maîtriser les médias sociaux dans le contexte d’une élection?
    C’est vraiment un problème émergent. Je pense que tout le monde l’examine. Il y a maintenant suffisamment de preuves d’ingérence, surtout étrangère, mais aussi d’autres types d’ingérence, pour que cela devienne un sujet de préoccupation pour de nombreux gouvernements dans le monde.
    Comme vous le savez tous, les États-Unis se penchent sur la question. Je ne sais pas s’ils ont déjà pris de nouveaux règlements. Je pense qu’on a beaucoup mis l’accent sur Facebook, pour n’en nommer qu’un, mais encore une fois, il semble y avoir une réticence générale et certainement une prudence — peut-être pas une réticence, mais une grande prudence — à l’égard de l’instauration d’un régime de réglementation. Pourtant, je pense que la confiance dans notre démocratie dépend d’une bonne réglementation en cette matière, parce que ces plateformes doivent être tenues responsables de ce qui s'y passe.
     Merci.
     Vous avez parlé du recours à un répondant et je m’intéresse à cette modification concernant les infirmières dans un établissement de soins de longue durée. Y a-t-il d’autres types de créneaux de recours à un répondant — peut-être que le terme « créneau » n’est pas le bon — ou de particularités de ce genre pour lesquelles vous recommanderiez une exemption semblable à celle-là?
    Je pense notamment aux foyers pour personnes âgées et aux établissements de soins de longue durée. C’est peut-être possible — je n’en suis pas sûr — dans le cas des étudiants qui vivent en résidence. Ils devraient être bien servis par la CIE maintenant, si elle est adoptée. Pour les Autochtones qui vivent dans les réserves, il est probable... C’est un véritable problème pour les habitants de ces régions de prouver qui ils sont et où ils vivent et pourtant ils votent surtout dans leur réserve, alors nous savons où ils vivent.

  (1100)  

    Merci.
     En ce qui concerne la LPRPDE, je sais que les gens la considèrent comme une norme que les partis politiques devraient viser. Avez-vous fait une analyse pour déterminer si les principes de cette loi s’appliqueraient bien aux partis politiques? C’est un type d’organisation différent. Je vais vous donner un exemple. Pour ce qui est de la possibilité pour une personne d’accéder à ses propres renseignements, cela peut sembler logique, mais dans le domaine de la politique, si des milliers de personnes d’un autre parti nous appellent et que nous n’avons pas nécessairement de grandes organisations, cela pourrait ne pas être efficace.
    Je comprends cette préoccupation. C’est pourquoi, je suppose... Une amélioration serait certainement d’avoir au moins une vérification indépendante, une certification annuelle indépendante, afin de mettre en place une bonne politique qui respecte la norme. Je crois comprendre que c’est une mesure qui est largement utilisée dans le secteur privé et qui, dans un sens, répondrait à certaines des préoccupations que vous soulevez.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui. Vos sages conseils sont toujours très utiles.
    Merci.
    Nous allons suspendre la séance pendant que nous changeons de témoins.

    


    

    Bonjour. Bienvenue à la 109e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
     Nous accueillons aujourd’hui Michael Pal, professeur adjoint et directeur, Groupe du droit public, Faculté de droit, Université d’Ottawa, et Andrea Furlong, directrice exécutive, Conseil des Canadiens.
     Je cède maintenant la parole à M. Pal pour sa déclaration préliminaire. Il sera suivi de Mme Furlong.
     Merci beaucoup d’être venus. C’est un plaisir de vous avoir parmi nous.
     Merci beaucoup aux membres du Comité de m’accueillir. Je vous remercie de m’avoir invité à parler de ces questions importantes.
    Je suis professeur de droit constitutionnel et de droit électoral à l’Université d’Ottawa, tout près d'ici. Je vais me concentrer sur ce que je crois être quatre ou cinq des éléments clés du projet de loi. Il compte 349 pages, si j’ai bien compté, alors je serai heureux de discuter de questions autres que celles que j’ai soulevées dans mon exposé initial.
    Le premier, dont M. Mayrand a parlé, concerne les limites de dépenses préélectorales. À compter du 30 juin d’une année électorale, il y aura un plafond de dépenses, en tenant compte de l’inflation, d’environ 1,5 million de dollars pour les partis politiques et 1 million de dollars pour les tiers. Je pense qu’il s’agit d’une modification extrêmement importante et attendue depuis longtemps à la Loi électorale. Nous avons vu des tiers et des partis politiques de tous les horizons politiques — je pense que c’est une question non partisane — utiliser l’une des grandes lacunes de la Loi électorale.
    Les dépenses pendant la campagne électorale sont réglementées de façon très stricte. La Cour suprême du Canada a jugé que c’était constitutionnel dans l’affaire Harper. La lacune évidente était que les règles de dépenses n’étaient pas appliquées pendant la période préélectorale, de sorte qu’on pouvait simplement dépenser des millions de dollars, sans réglementation ni limite, avant le début de la campagne officielle. Les tiers font cela de plus en plus au Canada, surtout depuis les élections de 2011, tout comme les partis politiques. Il est donc extrêmement important d’imposer une limite préélectorale.
    En fait, j’aurais aimé que la période préélectorale soit encore plus longue. Je sais qu’il y a des préoccupations d’ordre constitutionnel. L’affaire Harper portait sur les limites de dépenses pendant la campagne électorale. On pousse un peu plus loin les limites du cadre constitutionnel en imposant des restrictions de dépenses pendant la période préélectorale. Le projet de loi tente de régler ce problème en faisant en sorte qu’elle ne commence que le 30 juin, au contraire de ce qui se passe dans d'autres autorités législatives; en changeant la définition de « publicité électorale » pour l’appeler « publicité partisane » afin qu’elle englobe moins de publicité; enfin en ayant des limites de dépenses assez généreuses, je dirais, pour ce qui est du montant total de dépenses autorisées pendant la période préélectorale. Toutes ces dispositions de la Loi visant à essayer de gérer le risque constitutionnel me semblent logiques, mais je pense que, compte tenu de l’exemple des États-Unis et des données que nous avons au sujet des dépenses des tiers et des partis politiques lors des récentes élections canadiennes, le projet de loi aurait pu être encore plus énergique en définissant une période préélectorale plus longue. Je pense qu’il est tout à fait nécessaire d’avoir, pendant la période préélectorale, des limites de dépenses comme celles que le projet de loi a mises en place.
    Je dois dire que cela s’appliquerait également à certaines activités autres que la simple publicité, ce qui est important étant donné que les tiers font maintenant beaucoup de choses que les partis politiques auraient traditionnellement faites dans le passé. Il y a eu de très nombreuses preuves aux États-Unis, au cours d’un certain nombre de cycles électoraux récents, d'équivalents américains des tiers incitant les gens à voter, organisant des activités de campagne, organisant des envois de messages — toutes sortes de choses traditionnellement faites par les partis. Je pense que c’est un élément important du projet de loi C-76.
    Le deuxième aspect du projet de loi dont j’aimerais parler est la disposition sur le vote des non-résidents. Auparavant, vous perdiez votre droit de vote si vous viviez à l’étranger pendant cinq ans ou plus. Le projet de loi éliminerait cette restriction. Je pense aussi que c’est un changement qui aurait dû être apporté il y a longtemps et que c’est vraiment positif pour plus d’un million de citoyens canadiens qui souhaitent exercer leur droit de vote. Même parmi les Canadiens qui sont à l’étranger depuis moins de cinq ans, un faible pourcentage a voté. Je pense que cela encouragera les partis et les citoyens à participer davantage au processus électoral et j’espère que cela fera augmenter le taux de participation électorale.
    Le Comité a connaissance d’une affaire portée devant la Cour suprême, Frank c. Canada. Nous attendons de savoir ce que la Cour suprême dira au sujet de la constitutionnalité de la limite de cinq ans. Même si le tribunal décide que c’est constitutionnel, le Parlement a toujours le pouvoir de décider de se débarrasser ou non de la règle. Une autre caractéristique du projet de loi C-76 que j’applaudis est l’élargissement du droit de vote aux non-résidents qui sont à l’étranger pendant plus de cinq ans.
    Un aspect du projet de loi que je critique un peu plus est la protection des renseignements personnels des électeurs. J’ai écouté attentivement les commentaires de M. Mayrand. Comme vous le savez, le projet de loi exige que les partis aient simplement des politiques et qu’ils s’attaquent à certains problèmes particuliers de ces politiques. Les partis politiques ont déjà des politiques sur la protection de la vie privée.

  (1105)  

     J’aimerais que les dispositions soient élargies de façon à ce que les partis soient obligés de suivre des règles précises, de ne pas seulement avoir une politique sur une question, mais aussi de respecter certaines normes, ce que font généralement les secteurs public et privé. Les partis politiques sont l’une des seules exceptions à la LPRPDE et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je pense que c’est une anomalie qui doit être corrigée, parce que les partis, comme vous le savez bien, recueillent, utilisent et analysent maintenant d’énormes quantités de données personnelles confidentielles.
    Lors de la première série de questions, quelqu'un a demandé comment on pourrait adapter cela aux partis politiques. Je pense que les gens devraient avoir le droit d’être avisés s’il y a violation des règles. Ils devraient avoir le droit de savoir quels renseignements un parti détient à leur sujet.
     De plus, dans des circonstances très limitées, je ne pense pas que les partis politiques devraient être autorisés à vendre les données qu’ils recueillent. Nous voulons faciliter le lien entre les citoyens et les partis. C’est quelque chose que nous ne voulons pas interrompre, mais une partie de la confiance repose sur le fait que les électeurs croient que leurs données seront utilisées pour le processus politique, sans but lucratif.
    En avant-dernier lieu, il y a une nouvelle infraction prévue dans le projet de loi visant à empêcher les plateformes de médias sociaux ou de publicité en général de vendre des espaces publicitaires à des entités étrangères. Je pense que c’est une mesure très positive. J’aimerais attirer l’attention du Comité sur les règles actuelles de la Loi électorale qui sont imposées aux télédiffuseurs. Ils ne peuvent pas exiger davantage que le taux le plus bas qui soit pour un parti politique qui cherche à faire de la publicité. Dans les faits, cela signifie que les partis politiques ont le droit d’avoir du temps de publicité à un taux raisonnable, mais cela signifie également que le même taux doit être facturé à tous les partis politiques.
     Il y a désormais beaucoup de publicité politique sur Facebook. Il n’y a rien dans la Loi électorale actuelle ou dans le projet de loi C-76 qui empêcherait Facebook, par ce que cette entreprise appelle son « système d’enchères publicitaires », d’imposer des taux différents à différents partis politiques. La règle actuelle pour les diffuseurs figure dans la Loi électorale pour une bonne raison. Il n’y a aucune raison de principe pour laquelle cela ne devrait pas s’appliquer aussi aux annonceurs des médias sociaux, qui peuvent avoir des intérêts commerciaux lorsqu’ils prennent des décisions au sujet de leurs algorithmes.
    Je conclurai en disant que l’un des autres aspects très positifs du projet de loi, qui n’a pas reçu suffisamment d’attention, à mon avis, est le remboursement de 90 % des frais de garde d’enfants des candidats. C’est une mesure importante et assez pratique pour essayer d’encourager un éventail plus diversifié de candidats à se lancer dans le processus politique.
    Voilà pour les remarques préliminaires. J’ai hâte de répondre à vos questions sur ces sujets ou sur les autres aspects du projet de loi.
    Merci beaucoup.

  (1110)  

    Merci beaucoup.
    Madame Furlong.
    Bonjour. Merci d'avoir invité le Conseil des Canadiens, et moi-même, sa directrice exécutive, à témoigner devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre sur le projet de loi C-76.
    À l'heure actuelle, nous nous préparons à comparaître en justice pour défendre le droit constitutionnel qu'ont tous les Canadiens en âge de voter de participer au scrutin fédéral de l'année prochaine.
     Dans ce projet de loi, nous nous inquiétons particulièrement des dispositions qui visent à révoquer les modifications que le gouvernement précédent a apportées à la Loi électorale du Canada en adoptant ce qu'il a appelé la Loi sur l'intégrité des élections. Ces modifications restreignaient la capacité du directeur général des élections de communiquer avec les Canadiens au sujet du processus électoral et de leur droit de vote. Elles retiraient au directeur général des élections la capacité de permettre aux électeurs de présenter leur carte d'information de l'électeur comme preuve d'adresse de résidence et d'identité. Elles réduisaient l'indépendance et la responsabilité du commissaire aux élections fédérales. Enfin, elles empêchaient les électeurs qui n'avaient pas les moyens de s'identifier de recourir à un répondant pour obtenir un bulletin de vote.
    Pour contester la Loi sur l'intégrité des élections, le Conseil des Canadiens s'est allié à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants pour présenter un recours en vertu de la Charte non seulement dans le but de faire abroger les éléments problématiques de la Loi, mais pour défendre le droit le plus fondamental qu'offre un système démocratique: le droit de vote. Nous avons intenté ce recours en vertu de la Charte, parce que la Loi sur l'intégrité des élections empêche des étudiants, les personnes sans abri, des aînés, des Autochtones et d'autres gens qui ont de la peine à prouver leur identité et leur adresse de résidence à obtenir un bulletin de vote. Nous présenterons ce recours à la Cour supérieure de l'Ontario en octobre 2018. Nous avons choisi cette date, car le Bureau du directeur général des élections a demandé un délai de six mois avant l'élection fédérale de 2019 pour effectuer les changements nécessaires si la Cour accorde notre demande. Nous espérons que les dispositions du projet de loi C-76 régleront ce problème dès maintenant afin que nous n'ayons plus besoin d'aller en cour.
    Notre cause poursuivra son cours jusqu'à ce que ce projet de loi reçoive la sanction royale. Nous avons recueilli de nombreuses opinions d'experts. Nous avons entre autres celle de Harry Neufeld, l'ancien directeur général des élections de la Colombie-Britannique, qui affirme que la Loi sur l'intégrité des élections restreint l'accès au scrutin, car elle alourdit le fardeau administratif des électeurs qui n'ont pas les documents requis pour prouver leur adresse courante. Il ajoute que cette loi rend le processus de recours à un répondant intimidant pour les participants. De plus, ce processus est difficile à comprendre, et son administration alourdit considérablement la tâche des fonctionnaires électoraux.
    Ces modifications retirent aussi au directeur général des élections son pouvoir discrétionnaire de permettre l’utilisation de la carte d’identification de l’électeur comme forme légitime de preuve de résidence. Élections Canada décrit ce problème de la façon suivante:
Le régime d'identification représente un défi d'accessibilité pour certains électeurs qui ont de la difficulté à fournir une preuve de leur lieu de résidence. Une des grandes difficultés est qu'aucune pièce d'identité délivrée par le gouvernement du Canada ne réunit les trois éléments que la Loi exige: photo, nom et adresse de l'électeur.
    La difficulté qu’ont des électeurs à prouver leur lieu de résidence nuit à certains groupes de façon disproportionnée. Comme l'indique Élections Canada, il s'agit d'Autochtones, d'électeurs qui vivent dans des réserves des Premières Nations, de ceux qui vivent dans des établissements de soins de longue durée, ce qui comprend les personnes âgées, les jeunes, comme des étudiants, les sans-abri, aussi connus sous le nom d’électeurs sans-abri ainsi que les électeurs qui viennent de déménager ou qui ont de la difficulté à prouver leur lieu de résidence.
    En promulguant la Loi sur l'intégrité des élections, le gouvernement Harper a expliqué qu'il visait à éviter la fraude et à protéger l'intégrité de notre système électoral. Cependant, les résultats de toutes les études menées sur cette question ont démontré que les allégations de fraude électorale en personne n’ont aucun fondement et servent de prétexte aux mesures visant à empêcher les électeurs insatisfaits de voter. En fait, les préoccupations du public au sujet de la fraude électorale, comme nous l’avons vu à la suite du scandale des appels automatisés de 2011, portaient sur les efforts organisés visant à dissuader les gens de voter, et non sur les personnes qui cherchent à voter frauduleusement.
    Les groupes que j’ai mentionnés et qui ont des difficultés disproportionnées à prouver leur identité et leur lieu de résidence sont des électeurs qui se soucient profondément d’une foule de questions d’intérêt public, en particulier celles qui touchent leur vie quotidienne et qui deviennent souvent des enjeux électoraux importants. Ils auraient des opinions bien arrêtées sur ce que le gouvernement devrait faire pour régler les problèmes auxquels ils sont confrontés, et ils sont enthousiastes à l’idée de participer au scrutin.

  (1115)  

    La Constitution garantit le droit de vote à tous les Canadiens. Malheureusement, des dizaines de milliers d’électeurs inscrits à la liste électorale se heurtent aux exigences de la Loi sur l’identification des électeurs qui les empêchent d'exercer leur droit de vote démocratique.
    En résumé, le Conseil des Canadiens appuie fermement les dispositions du projet de loi C-76, qui annuleront les réformes antidémocratiques du gouvernement précédent, qui élargiront le mandat du directeur général des élections pour y inclure des campagnes de sensibilisation du public, qui rétabliront l'autorisation d’utiliser la carte d’information de l’électeur comme pièce d’identité aux bureaux de scrutin, qui élimineront les modifications interdisant à un électeur de répondre d’un autre électeur et qui accorderont plus d'indépendance au commissaire aux élections fédérales.
    Merci.
    Merci à vous deux d'être venus témoigner devant nous.
    Nous allons passer à quelques rondes de questions. Nous commencerons par M. Simms.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos invités de s'être joints à nous aujourd'hui. Je suis vraiment heureux que vous nous aidiez à étudier le projet de loi C-76.
    Madame Furlong, est-ce que l'essentiel du projet de loi C-76, c’est-à-dire tout ce qu’il vise et tout ce qu’il devrait accomplir, correspond à ce qui sera présenté à la Cour supérieure de l’Ontario à l'automne 2018?

  (1120)  

    Oui, c'est cela. Nous nous préoccupons surtout de l'échéancier.
    Comme vous le savez, le projet de loi C-33 a été bloqué, et nous avons maintenant le projet de loi C-76. Nous avons soigneusement choisi l'échéancier, parce que nous désirons que notre requête s'applique à la prochaine élection fédérale; il faudra donc laisser à Élections Canada le temps d'apporter les changements nécessaires. On nous a dit qu'il lui faudrait au moins six mois, alors nous poursuivrons ce recours au Tribunal jusqu'à ce que le projet de loi reçoive la sanction royale.
    Pour répondre à votre question, oui, cela correspond.
    Très bien. Je reviendrai peut-être à vous dans une seconde.
    Monsieur Pal, je voudrais m'adresser à vous d'abord.
    Un des résultats de ce projet de loi... Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il décrit très clairement la période préélectorale et les activités qui la précèdent. Pouvez-vous me dire quels en seront les principaux avantages?
    Vous parlez des principaux avantages de la période préélectorale?
    Je veux dire de l'entrée en vigueur du projet de loi C-76.
    Nous parlons beaucoup des problèmes et de la façon de les régler, mais à l’échelle mondiale, le Canada a l’un des meilleurs systèmes de financement des campagnes électorales au monde. Si nous regardons particulièrement au sud de chez nous, nous constatons aux États-Unis un système de financement des campagnes électorales défaillant. D'énormes sommes d'argent confèrent à certains candidats une influence démesurée. Le Canada a une approche égalitaire. La Cour suprême l'a affirmé dans l’arrêt Harper, et cette approche se reflète dans la Loi électorale.
    Cependant, si les candidats dépensent d’énormes sommes d’argent pendant la période préélectorale, comment notre modèle pourrait-il demeurer égalitaire? Si l'on limite les dépenses pendant la période électorale, il faut également limiter celles de la période préélectorale.
    À mon avis, ce projet de loi renforce les valeurs égalitaires que reflète la Loi électorale et que la Cour suprême a déclarées légitimes dans sa décision sur l'affaire Harper. Ce projet de loi établit une approche égalitaire en veillant à ce que pendant la période préélectorale, les groupes politiques les plus fortunés ne dominent pas la scène. Il garantit aux électeurs canadiens moyens, aux citoyens, aux particuliers, une meilleure occasion de s'exprimer de manière à ce que leur voix ne se perde pas dans le brouhaha des groupes politiques qui disposent d'un plus grand nombre de ressources.
    La période préélectorale a l'avantage, parmi tant d'autres, bien sûr, d'établir un certain degré de transparence.
    J’aimerais aussi aborder la question des tierces parties, qui elle aussi est très importante, comme vous l'avez souligné. En ce qui concerne l’élément de transparence, à savoir qui participe à quelle campagne et qui diffuse un message considéré comme venant d'une tierce partie, dans quelle mesure ces renseignements amélioreront-ils la situation?
    Dans quelle mesure cela va-t-il améliorer la transparence...? Je pense que cela contribuera grandement à l’améliorer. Cette période commence seulement le 30 juin. C’est la période dont nous parlons. Nous avons commencé à voir beaucoup de publicité provenant de tiers pendant cette période non réglementée. Ces messages disparaissaient dès le lancement de la campagne, lorsque les limites aux dépenses et les exigences de la Loi en matière de transparence sur l'inscription et sur la divulgation des détails sur le fonctionnement de ces groupes entraient en vigueur. Nous avons maintenant plus de transparence pendant la période qui précède immédiatement le lancement de la campagne.
    Ce projet de loi ajoutera une période pré-préélectorale. Avant le 30 juin, la publicité n’est pas encore réglementée et il y a très peu d’exigences en matière de transparence, ou même aucune imposée aux tiers, selon le nombre... Il ne garantira pas la transparence tout au long de l’année, mais il l’améliorera juste avant la campagne électorale qui est, selon la plupart des électeurs, la période qu'ils jugent la plus importante. Qui essaie de les influencer en diffusant une annonce particulière? Combien d’argent dépense-t-on? En outre, d’où leur est venu cet argent? La Loi contient des règles sévères sur la divulgation des dons.
    Ce projet de loi améliore beaucoup la transparence pendant une période très particulière.
    Je comprends. Le mécanisme d’arrêt et de lancement était manifestement très relâché. Il n’était pas réglementé du tout. Il était difficile de savoir qui faisait quoi jusqu’à ce qu'on donne le coup d'envoi, si je puis m’exprimer ainsi, jusqu’à ce qu'on déclenche les élections. Merci beaucoup.
    Madame Furlong, j’ai toujours aimé la carte d’information de l’électeur, comme on l’appelle techniquement. J’aime l’appeler « carte d’identification de l’électeur », ce qui vous indique de quel côté je penche. Je trouve qu'on devrait l'utiliser comme pièce d’identité. Je vous dirai franchement que, comme vous et d’autres l'avez souligné, il s’agit en fait de la seule pièce d’identité nationale disponible.
     J’ai cité à maintes reprises les nombreux aînés qui affichent cette carte sur la porte de leur réfrigérateur ou sur leur mur, car pour eux elle représente leur droit de vote, une invitation à exercer leur devoir de citoyen canadien. Malheureusement, en arrivant au bureau de vote, ils ont découvert qu'elle ne leur servait pas à prouver leur identité. Ils en étaient abasourdis.
    J’aimerais que vous expliquiez un aspect de la question que je connais très mal, celui des Premières Nations. Je n’avais pas de réserve à l’époque, mais j'en ai maintenant. Dans le cadre de votre travail, comment avez-vous vu cette carte d’information de l’électeur devenir une véritable pièce d’identité pour aider les Premières Nations?

  (1125)  

    Je crois que j'ai aussi laissé paraître mon penchant personnel pendant mon allocution en l'appelant une fois la « carte d'identification de l'électeur ».
    Nous avons tous commis cette bévue.
    Il est difficile de confirmer l’identité et le lieu de résidence d’une personne qui partage un logement avec d'autres — surtout dans le cas des groupes que j’ai mentionnés tout à l'heure —, qui n’a pas son nom sur une facture de services publics ou sur un bail et qui n’est pas titulaire d’un permis de conduire. Les règles sur le recours à un répondant sont très sévères. Si la liste du bureau de scrutin contient 250 électeurs et que le répondant habite de l’autre côté de la rue, même s'il est votre voisin, il ne peut pas répondre de vous parce que son nom ne figure pas à la liste de votre bureau de scrutin.
    La carte d’information de l’électeur est une pièce d’identité. Il faut présenter deux éléments, n’est-ce pas? Les gens auraient pu utiliser ces cartes frauduleusement, mais comme il faut présenter une deuxième pièce d’identité, Élections Canada sait que la personne qui vient voter est bien celle qu’elle prétend être. Les étudiants déménagent beaucoup. Bien que le lieu de résidence de leurs parents soit considéré comme le leur et que leur permis de conduire l'indique aussi, s’ils vivent dans une autre province pour étudier, il leur est très difficile de prouver leur lieu de résidence.
    Merci, madame Furlong.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il ne vous en reste plus.
    Des voix: Ah, ah!
    Certaines personnes m'ont déjà dit que j'ai de la peine à m'arrêter. Bon. D'accord.
    Monsieur Richards.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'adresser à vous en premier, madame Furlong. Je voudrais quelques renseignements sur le contexte de votre organisme. D'où lui vient son financement? Recevez-vous des fonds de l'étranger?
    Notre organisme est le Conseil des Canadiens, le plus grand groupe de justice sociale pour les citoyens au pays. Nos donateurs sont des particuliers.
    Dans le cas de nos campagnes, nous participons à un programme international sur l'eau qui s'intitule Projet Planète bleue. Nous recevons du financement de fondations pour ce projet.
    S'agit-il aussi de fondations de l'étranger, ou sont-elles toutes canadiennes?
    Elles peuvent être basées à l'étranger, donc aux États-Unis.
    Vous nous avez dit que vous effectuez aussi du travail dans le cadre des élections. Pourriez-vous nous donner une idée du travail de défense des causes que vous effectuez pendant les élections?
    Notre organisme est non partisan. Nous concentrons notre travail sur les soins de santé publique, sur le droit à l'eau potable et sur les changements climatiques. Pendant les campagnes électorales, nous examinons ce que disent tous les partis politiques sur ces enjeux. Nous examinons ce qu'ils font pour promouvoir ces enjeux et ce que contient leur plateforme à leur sujet. Ensuite, nous récoltons ces renseignements et les diffusons aux électeurs pour éclairer leur décision.
    Nous ne disons pas aux gens comment voter. Je le répète, notre organisme est non partisan, ce qui est très important, puisque nous faisons partie de la société civile. Nous tenons à renseigner les gens au sujet des enjeux qui nous sont importants du point de vue de la justice sociale; nous leur indiquons ce que font les différents partis face à ces enjeux.
    Donc, vous analysez les enjeux et vous déterminez quels partis politiques expriment les pensées et les points de vue de votre organisme sur ces enjeux. Vous n'exhortez pas nécessairement les électeurs à voter d'une façon ou d'une autre, mais vous leur fournissez de l'information sur les partis politiques et sur le degré dans lequel ils soutiennent vos intérêts, c'est cela?
    Oui.
    Comment diffusez-vous ces renseignements? Faites-vous de la promotion d'une manière ou d'une autre? L'envoyez-vous simplement à vos membres par la poste? Comment distribuez-vous ou communiquez-vous cette information?
    Nous la distribuons à nos membres par les médias sociaux. Nous l'affichons à notre site Web, nous l'envoyons aux adresses courriel de nos listes internes, de toutes ces façons-là.

  (1130)  

    Je comprends.
    Pendant la dernière campagne électorale, votre organisme était-il inscrit parmi les tierces parties?
    Je crois bien que oui. Je suis assez nouvelle dans cet organisme, et je n'ai assumé la fonction de directrice exécutive qu'en février dernier, mais je pense bien que oui.
    Pendant les campagnes électorales précédentes, sauriez-vous si...
    Je suppose que oui, mais ce n'est qu'une hypothèse de ma part. Je ne suis pas sûre du tout.
    Bien sûr. Cela dépend du travail qu'effectue votre organisme. Il est bien évident que vous le considérez comme étant lié aux élections, alors vous pensez que votre groupe était inscrit comme tierce partie.
    Je suppose que oui.
    Très bien.
    Vous nous avez dit que vous recevez quelques fonds de l'étranger, surtout pour les aspects internationaux de votre travail. Sauriez-vous ce que fait votre organisme pour séparer ces fonds de ceux que vous utilisez pour le travail que vous effectuez pendant les campagnes électorales tenues au Canada?
    Le Projet Planète bleue est inscrit sous forme d'entité distincte du Conseil des Canadiens. Nous agissons les uns pour les autres à titre d'organismes tiers. Le projet a son propre conseil d'administration. Ses activités s'exercent aux États-Unis, où il est inscrit comme organisme caritatif.
    Les dirigeants de votre organisme ont-ils délibérément choisi de n'utiliser que des fonds venant de donateurs canadiens pour la défense des causes pendant les campagnes électorales tenues au Canada? Ou est-ce une sorte de hasard?
    C'est ainsi que nous faisons les choses.
    Donc, vous n'avez pas de politique qui vous oblige à n'utiliser que des fonds canadiens. C'est tout simplement ainsi que les choses se passent dans votre organisme.
    Non, c'est plutôt lié à l'accès au financement des fondations. Les fondations américaines désirent donner leurs fonds à un organisme caritatif inscrit en vertu de l'alinéa 501c)(3).
    Je serais très curieux de savoir ce que vous pensez des fonds venant de l'étranger. Évidemment que les partis politiques et les candidats canadiens n'ont pas le droit d'accepter les fonds de donateurs étrangers. Personnellement, j'approuve cette règle. Je suppose que vous êtes d'accord avec moi.
    Que pensez-vous des groupes tiers qui utilisent des fonds étrangers pour faire défendre nos intérêts ou pour participer à des activités dans le cadre de nos campagnes électorales? Trouvez-vous cela souhaitable, ou pensez-vous que nous devrions décourager cela?
    Honnêtement, j’ignore si je suis en mesure de répondre à cette question aujourd’hui. Nous sommes plutôt ici pour parler des éléments relatifs à l’affaire judiciaire.
    D’accord. Pourrais-je vous demander si quelqu’un au sein de l’organisation serait peut-être en mesure, je suppose, de nous fournir cette information? Pouvez-vous essayer de fournir au Comité l’avis de l’organisation à cet égard?
     D’accord.
    Ce pourrait être par écrit ou autrement. Merci.
    Je crois qu’il me reste peu de temps; toutefois, je me tournerai peut-être vers vous, monsieur Pal, pour le temps qu’il me reste. Vous avez souligné quelques aspects du projet de loi qui vous plaisent et un autre, celui de la protection de la vie privée, qui ne vous plaît pas autant. Je sais que vous n’avez pas eu beaucoup de temps dans votre déclaration préliminaire. Y a-t-il d’autres aspects? Évidemment, notre principal objectif ici est d’essayer de déterminer quels amendements pourraient être apportés à cette mesure.
    Y a-t-il d’autres aspects du projet de loi qui vous préoccupent et avez-vous des suggestions quant à la façon dont on pourrait les améliorer?
    Il y a un autre aspect, qui peut sembler mineur, mais nous avons peu de temps. Le libellé juridique standard de la loi vise principalement à prévenir la collusion entre des tiers, ou entre un tiers et un parti politique, dans le but de contourner les règles existantes. La collusion est une norme juridique élevée et elle est difficile à prouver. La législation fournie par la Federal Election Commission aux États-Unis et la loi ontarienne qui est entrée en vigueur en 2017 utilisent ce qu’on appelle une norme de coordination. En fait, celle-ci établit certaines activités qui sont permises en fonction de ce qui peut se produire entre un parti politique et un tiers et les activités qui ne sont pas permises.
    L’une de mes préoccupations quant au projet de loi C-76 est qu’il parle de l’échange de renseignements entre un tiers et un parti politique. Les autres régimes législatifs donnent beaucoup de détails à cet égard. En tant que parti politique, vous voudrez peut-être dire que vous organisez un événement à un endroit et à un moment donnés pour discuter de cette question. Il s’agit d’un partage d’information, mais ce n’est pas ce que nous entendons habituellement par collusion. Dans le cas, disons, d’une personne qui travaille pour un parti politique et qui va ensuite travailler pour un tiers — et cela arrive parfois — qu’est-ce que cela implique?
    D’autres régimes juridiques donnent beaucoup plus de détails sur la norme en matière de collusion ou de coordination, et c’est donc un domaine où on pourrait en faire davantage. À part cela, il faudrait préciser ce que signifie l’échange de renseignements en vertu de la loi ou envisager d’adopter une norme relative à la coordination plutôt qu’à la collusion, parce que c’est plus facile à prouver et que cela clarifie peut-être davantage les choses pour les partis politiques, les candidats et les tiers.

  (1135)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Cullen.
    C’est intéressant. Donc, à l’heure actuelle, avec le projet de loi C-76, la mesure pour prouver qu’un tiers utilise essentiellement son influence pour avoir un impact sur une élection relève d’une norme qui porte sur la collusion plutôt que sur la coordination?
    Les tiers sont soumis à une limite de dépenses; or, on pourrait tenter de la contourner en la divisant en deux, trois ou dix.
    Oui.
    Par conséquent, tous seraient, en théorie, assujettis aux mêmes limites. Cela est perçu comme étant de la collusion.
    Si je suis un milliardaire russe et que je verse 500 000 $ à 20 groupes différents, ils peuvent coordonner leurs efforts sur une question qui me tient à coeur ou tenter d’élire quelqu’un que je veux faire élire. Est-ce une solution de rechange au projet de loi C-76...? Est-ce une échappatoire dans le projet de loi?
    Vous pouvez sortir le milliardaire russe du scénario. On peut simplement avoir de l’argent canadien...
    C’est plus intéressant de cette façon. Prenons un autre scénario; peu importe.
    Je ne dirais pas que c’est une question qui relève du projet de loi C-76. C’est que la Loi électorale utilise cette norme relative à la collusion. Il y a d’autres mécanismes pour essayer d’obtenir des accords de conformité et ce genre de choses, mais il n’y a pas beaucoup de poursuites et de condamnations pour ces infractions et il existe peu d’accords de conformité.
    Mais le projet de loi C-76 pourrait faire quelque chose à cet égard.
    Il pourrait faire quelque chose en agissant...
    C’est ma question. Le gouvernement a qualifié cette mesure de changement générationnel de nos lois électorales. Si nous apportons un changement générationnel, réglons les problèmes qui existent, en particulier les menaces croissantes ou nouvelles qui sont apparues comme nous l’avons vu dans le cadre du Brexit et des élections aux États-Unis, et ainsi de suite. Si les gens agissent ainsi, est-ce que vous préconisez l’adoption d’une norme qui nous permettrait d’intenter des poursuites? Un tel changement vaudrait-il la peine?
    Je pense qu’une norme de coordination offrirait plus de clarté et qu’elle serait probablement plus facile à prouver sur le plan juridique. Ce serait donc utile. Le problème, c’est que si vous avez un acteur étranger hors-la-loi, il y a une foule d’autres nouvelles infractions dans la loi qui s’attaquent à l’ingérence étrangère, ce qui me semble très positif. Il est difficile d’imaginer que le milliardaire russe puisse être tenu responsable en vertu des lois canadiennes.
    Non, mais les groupes qu’ils utilisent doivent être tenus responsables.
    D’accord.
    Le milliardaire qui cherche à créer des problèmes ne va pas se présenter aux bureaux d’Élections Canada pour dire: « Oh, en passant, je vais dépenser 10 millions de dollars lors des prochaines élections pour faire élire ce parti. »
    Ma deuxième question porte sur le type d’échange d’information. Ce serait une chose si le groupe de Mme Furlong recueillait des données sur un million de Canadiens et les communiquait à un parti plutôt qu’à l’un des groupes de sa section disant: « Il y a un débat sur l’eau ce soir à Kingston. Nous vous prions d’y assister. » Les deux partagent de l’information. L’un a une incidence considérable, puisqu’on donne ce genre de source riche en données à un parti plutôt qu’à une autre, tandis que l’autre lance une invitation à une tribune publique.
    Y a-t-il une distinction à faire dans ce projet de loi avant qu’il ne soit adopté par le Parlement, non pour casser la noix avec une masse, mais aussi pour être en mesure de faire ce que nous essayons de faire?
     La collusion est déjà illégale, alors cela ne fait que l’ajouter à la période préélectorale, tout en incorporant d’autres règles sur l’ingérence étrangère. Le projet de loi C-76 ne transforme pas ce qui existe déjà.
    Toutefois, il faut être très précis si on adopte une norme de coordination.
    Il faudrait préciser.
    D’accord, parce que si vous utilisez une plateforme, vous voulez pouvoir inviter les intervenants, n’est-ce pas?
    Voici ce qui est frustrant pour nous à titre de parlementaires. Nous avons quatre jours pour étudier cette mesure et un autre jour pour amender un projet de loi omnibus de 350 pages sur des questions très nuancées qui sont extrêmement importantes. Mes propos sont-ils juste, à savoir que ces mesures sont importantes et possiblement subtiles?
    La loi électorale est-elle subtile et importante? Je suis tout à fait d’accord. Je m’en occupe tous les jours, alors j’ai un parti pris.
    Des députés: Oh, oh!
    Vous êtes un expert de la Charte.
    Je m’interroge au sujet des limites à la liberté d’expression prévues dans le projet de loi. La liberté d’expression est limitée. Cela survivra-t-il à une contestation fondée sur la Charte? Quelqu’un contestera soit les limites préélectorales imposées, soit celles imposées aux tiers. Par discours, j’entends des activités.

  (1140)  

    C’est une question très intéressante.
    À titre d’avocat de droit constitutionnel, je voudrais voir la preuve. J’aimerais voir le compte rendu. Il reste à voir ce qui pourrait être contesté.
    J’ai dit dans ma déclaration préliminaire que j’aurais été à l’aise sur le plan constitutionnel avec le fait que le projet de loi soit encore plus agressif, qu’il prévoie une période préélectorale plus longue et plus de restrictions. Je pense que notre monde est différent de ce qu’il était lorsque l’affaire Harper a été tranchée. Les élections à date fixe ont vraiment transformé le jeu plus radicalement, je crois, que bien des gens le pensent.
    Si vous êtes un tiers et que vous avez 5 millions de dollars à dépenser, vous ne voulez pas les gaspiller. Si vous n’êtes pas certain du moment où les élections seront déclenchées, vous craignez que, si vous prévoyez les dépenser à un certain moment, ce ne soit pas pertinent. Avec des élections à date fixe, vous pouvez planifier cela bien à l’avance.
    Les nouvelles technologies ont transformé les choses. Il est beaucoup plus facile de rejoindre les gens sur Facebook et sur d’autres plateformes de médias sociaux. Il y a un risque d’ingérence étrangère et, compte tenu de la façon dont les tiers parties dépensent l’argent, il y a donc toute une série de facteurs différents qui, à mon avis, indiquent que les règles préélectorales existent pour une raison et, par conséquent, il pourrait s’agir d’une limite légitime.
    Si vous voulez entrer dans les détails, pensez-vous que Facebook et toutes ces plateformes de médias sociaux devraient être assujetties aux mêmes règles que les télédiffuseurs en matière de tarification et d’accès équitable à leur plateforme?
    Je ne suis pas un expert en droit des télécommunications. Le fait d’être un radiodiffuseur a des répercussions plus vastes, mais en ce qui concerne la façon dont les radiodiffuseurs sont traités à des fins électorales, oui.
    D’accord.
    Il y a d’autres choses qui viennent avec cela relativement aux licences et au contenu canadien et je ne tente donc pas de suggérer quoi que ce soit à cet égard. Toutefois, sur la question spécifique de la publicité électorale, oui, ces plateformes devraient être traitées comme des radiodiffuseurs.
    Madame Furlong, je ne sais pas, en fait, mais je crois ou j’imagine que votre organisation veut une plus grande diversité dans la politique, pour ce qui est des personnes qui nous représentent.
    Permettez-moi d’être plus précis. À l’heure actuelle, 75 % des députés sont des hommes. Le Conseil des Canadiens est-il d’accord avec cette proportion?
    Probablement pas.
    Probablement pas.
    Au début de la session, le gouvernement a rejeté un projet de loi qui aurait encouragé les partis à faire preuve d’une plus grande diversité. Il n’y a rien dans ce projet de loi à cet égard et, en fait, le gouvernement a décidé de protéger tous les députés en place, ce qui, si les prochaines élections leur sont favorables, garantirait que la proportion de 75/25 demeure le même après le scrutin de 2019.
    Que devrions-nous faire à ce sujet?
     Je pense que cela ressemble beaucoup à ce que j’ai déjà dit au sujet de qui peut participer et qui a... C’est une question d’accessibilité. Comme on l’a mentionné au sujet de la garde d’enfants, nous devons examiner ce qui donne aux gens la possibilité de participer, qu’il s’agisse de la garde d’enfants pour améliorer l’accessibilité ou la façon dont nous interagissons avec les gens pour devenir membres de groupes politiques ou même pour participer à notre système électoral. À l’heure actuelle, c’est aux gens de le faire, mais je crois que c’est au gouvernement qu’il incombe de faire en sorte que ces gens puissent participer.
    M. Nathan Cullen: C’est notre responsabilité...
    Mme Andrea Furlong: C’est la responsabilité des gens qui ont le privilège — vous, moi — de créer ces possibilités et non pas de se tourner vers ces gens et de leur dire: « Eh bien, c’est à vous que revient le fardeau, alors vous devez faire en sorte que cela se concrétise. » Chaque fois que nous évaluons quelque chose, c’est ainsi que nous devons voir les choses: qui porte le fardeau?
     Si le fardeau est imposé à des gens qui ont déjà de la difficulté à participer, que ce soit pour devenir membre d’un parti politique et se présenter aux élections ou pour avoir le droit de voter, le fait d’avoir cette optique de justice sociale rend les choses beaucoup plus claires. Dans le cas d’une personne sans domicile qui éprouve des difficultés dans sa vie quotidienne, les politiques dont nous parlons lors d’une élection donnée ont une grande incidence sur elle. Dire à cette personne qu’elle doit identifier son lieu de résidence et prouver son identité, de toutes ces façons contraignantes, est un fardeau extraordinaire pour les personnes âgées ou les étudiants. Ce sont les gens dont vous parlez, j’imagine, quand vous voulez voir une plus grande diversité au Parlement.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Sahota.
    Ma première question s’adresse à vous, madame Furlong. Certaines questions que nous avons posées il y a quelque temps donnaient presque l’impression que l’objectif de votre organisation est en quelque sorte sinistre et que vous prenez de l’argent étranger pour ces causes sinistres. Je voulais simplement réitérer que vous ne prenez pas d’argent des gouvernements ou des sociétés. Est-ce exact?

  (1145)  

    C’est exact. En principe, depuis nos débuts il y a plus de 30 ans, nous n’en avons jamais accepté.
    De plus, le principal objectif de votre organisation, en ce qui concerne les élections, est de mobiliser plus de gens pour qu’ils votent et d’assurer que plus de gens ont accès aux bureaux de vote et qu’ils peuvent participer au processus électoral, n’est-ce pas?
    C’est exact.
    À cet égard, nous avons parlé un peu plus de la façon dont les cartes d’information de l’électeur peuvent accroître l’accessibilité, mais j’aimerais parler un peu plus du volet éducation, parce que je sais que c’est l’un des éléments qui a aussi suscité des inquiétudes de la part de votre organisation. Vous vous battez actuellement devant les tribunaux contre la Loi sur l'intégrité des élections que le gouvernement Harper avait adoptée.
     Je suis désolé que vous ayez à le faire, mais aux yeux du gouvernement il s’agit de la loi du Canada que nous devrons respecter jusqu’à ce que cette nouvelle loi soit adoptée. J’espère que ce sera bientôt pour que vous n’ayez pas à procéder. En quoi cette mesure législative améliorera-t-elle la capacité du directeur général des élections d’éduquer la population? En quoi cela cadre-t-il avec le mandat de l’organisation?
    Je pense que le fait de s’intéresser aux étudiants ou aux jeunes en général en est un très bon exemple. Ce que nous savons, mis à part la hausse observée lors des dernières élections, c’est que, en général, les jeunes votent moins souvent. Ce que nous savons au sujet de l’éducation, c’est qu’elle favoriserait un électorat vraiment fort.
    Lorsque les jeunes s’apprêtent à voter pour la première fois, il faut les encourager à le faire. Il faut leur apprendre les tenants et aboutissants du processus, afin qu’ils exercent leur droit de vote pour le reste de leur vie. Le projet de loi C-76 leur permettrait, ainsi qu’aux personnes qui n’ont pas participé au système, d’obtenir des renseignements sur les changements. Il était très décourageant de voir que la loi actuelle empêche le directeur général des élections de faire ces choses pour vraiment promouvoir une démocratie dynamique au Canada. C’est ce que nous voulons promouvoir avec le projet de loi C-76.
     Pourquoi pensez-vous que le directeur général des élections est le mieux placé pour faire ce travail... ou Élections Canada, pas seulement le directeur général des élections, mais le ministère lui-même?
    C’est peut-être parce que je travaille pour un organisme non partisan, mais je pense que c’est extrêmement important.
     Nous avons besoin de ces organismes de la société civile et du gouvernement qui sont non partisans et qui cherchent à inviter les gens à participer au processus, non pas pour leur dire qu’ils doivent voter, mais pour les inviter à voter et à participer au processus démocratique. Cela est à la base de notre processus constitutionnel, ce droit démocratique de voter, et c’est la raison pour laquelle cela devrait se faire là-bas.
    Dans votre exposé, vous avez dit que l’ancienne Loi sur l'intégrité des élections avait été adoptée en raison de préoccupations liées à la fraude et c’est pourquoi il a fallu agir et adopter ces mesures. Vous avez dit que de nombreuses études avaient soulevé la préoccupation, non que les gens se rendaient aux bureaux de scrutin pour voter frauduleusement, mais plutôt que nombre de facteurs nuisaient aux gens et les empêchaient de voter, comme les appels automatisés.
    Monsieur Pal, je sais que vous avez également écrit un article au sujet des appels automatisés. Quels genres de mesures et de dispositions pouvons-nous prendre pour éviter que de telles situations se produisent, et cela s’est effectivement produit, comme nous l’avons entendu dire, dans la circonscription de Guelph, à cause des conservateurs...? Que pouvons-nous faire? Cette question s’adresse à vous deux.
    Il y a déjà dans la loi des dispositions concernant les appels automatisés. Je pense que les dispositions du projet de loi C-76 qui traitent de l’ingérence étrangère et de l’influence indue sur les élections canadiennes contribueront à réduire les possibilités d’ingérence étrangère.
     La loi essaie toujours de rattraper les nouvelles technologies. Les appels automatisés étaient possiblement la nouveauté lors des élections de 2011. Cela est toujours un problème, mais je ne suis pas sûr que nous devrions nécessairement concentrer toute notre énergie là-dessus. Je pense que les efforts potentiels de répression des électeurs, surtout de la part d’entités étrangères sur les plateformes de médias sociaux, sont inquiétants. J’assiste à beaucoup d’événements dans divers pays au sujet des nouvelles pratiques électorales et l’une des choses importantes dont j’entends souvent parler est l’utilisation de WhatsApp pour les campagnes.
    WhatsApp est un système de messagerie directe complètement chiffré, ce qui empêche les gouvernements de voir ce qui se passe. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens aiment ce logiciel, mais cela signifie aussi qu’il est très difficile de réglementer la publicité politique ou les lois sur le financement des campagnes électorales si les gens utilisent des groupes de masse WhatsApp pour diffuser de la désinformation, par exemple, ou des renseignements inexacts au sujet d’un bureau de scrutin, ou pour empêcher les électeurs de voter.
    Je dirais que c’est sur Facebook, WhatsApp et les nouvelles plateformes que nous verrons les problèmes que nous devrons résoudre en vue du scrutin de 2019 et au-delà.

  (1150)  

    D’accord. Merci.
    Madame Furlong, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Dans notre contestation constitutionnelle, nous avons présenté un affidavit du professeur Joshua Douglas, de la faculté de droit de l’Université du Kentucky. Il nous informe, en fait, que la fraude n'est pas un phénomène dont nous sommes conscients individuellement... C’est plutôt la dissuasion des électeurs, l'influence négative externe et la façon dont les gens sont empêchés de voter qui est le véritable problème que nous devons examiner. Je fournirai ses documents au Comité à ce sujet.
    Merci.
    D’accord. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Reid.
    Il me semble évident que si vous voulez nous fournir ces documents, vous devriez le faire le plus tôt possible. Le gouvernement a fixé au Comité un délai très rigoureux pour se pencher sur ces questions. Si vous pouvez nous les faire parvenir cette semaine plutôt que la semaine prochaine, nous aurons de meilleures chances de les voir, d’autant plus que nous ne pouvons pas accepter les témoignages et les faire circuler parmi les membres à moins qu’ils n'aient été traduits dans les deux langues officielles, ce qui impose un délai supplémentaire. C’est juste un conseil que je vous donne.
    Merci.
     Monsieur Pal, nous sommes heureux de vous revoir. Vous êtes déjà venu parler de la délimitation des circonscriptions électorales et de la réforme électorale, et vous voilà de nouveau pour parler de ce sujet-ci. Votre témoignage est toujours très intéressant et stimulant.
    Je ne sais pas si vous êtes d’accord avec moi, mais parfois, plus j'y pense, plus je finis par me laisser convaincre. Je vais donc vous demander de commencer par ce qui n’est pas ma question centrale. Un certain nombre de personnes, y compris vous-même, ont fait valoir à maintes reprises que bien que la vente de données par les partis soit autorisée, elle ne devrait pas l’être. Je suppose qu’il s’agit essentiellement d’une conséquence accidentelle du fait que les règles normales d'utilisation des données ne s’appliquent pas aux partis; c’est-à-dire que ce n’est pas quelque chose qui a été mis là spécifiquement. C’est purement fortuit.
    Je vous vois hocher la tête. Vous essayez peut-être simplement de comprendre ma question, mais voici ce que je veux savoir. Le danger est-il vraiment que les partis vendent les données? Après tout, en tant que parti, vous devez révéler vos sources de revenus, ce qui signifie que la vente secrète de données est très improbable.
     N’est-il pas probable ou plus inquiétant que les partis vont partager les données avec quelqu’un d’autre et, surtout, qu’ils vont les partager avec quelqu’un qui leur fournira un service quelconque, mais qui manipulera les données d’une façon ou d’une autre? Ce sera, par exemple, pour découvrir, au cours d'une campagne, que le moment est bien choisi pour cibler les gens qui s’intéressent particulièrement à la question X plutôt qu’à la question Y, quelle que soit la méthode utilisée par les partis. C'est un moyen d’obtenir des données nuancées sur les individus. Cela ne semble-t-il pas être le plus grand risque?
    Je dois dire que lorsque j’ai lu le projet de loi C-76, j'ai trouvé surprenant que les partis soient tenus de publier leur politique sur la vente de données. Je crois avoir lu beaucoup de choses sur ce que font les partis politiques, et je ne pense pas qu'on était très conscients de l'existence de la vente des données.
    Cela me semble vraiment important en ce sens que les partis ont maintenant beaucoup d’information sur les électeurs. Nous vivons dans un monde où ces données ont une valeur monétaire réelle. Je prends très au sérieux l’argument selon lequel nous voulons faciliter et encourager des bons rapports entre les partis politiques et les particuliers, de sorte que les règles en matière de protection des renseignements personnels contenues dans le projet de loi C-76 — ou qui pourraient s’appliquer à l’avenir — peuvent être très différentes de celles du secteur public en général ou du secteur privé. Je pense que c’est approprié. Le compromis est donc que les partis doivent utiliser ces données à des fins politiques. Une partie des règles d’enregistrement prévoit que le parti doit prouver qu’il se livre à des activités politiques et qu’il n’est pas une entité commerciale qui fait semblant d’être un parti politique. Il y a une jurisprudence à ce sujet.
     J’estime que la question pourrait être plus vaste que ce que vous proposez. Il m’est venu à l’esprit que les partis — les membres du Comité le savent peut-être mieux que moi — vendent peut-être des données à leurs sections provinciales ou locales faute de pouvoir faire une contribution non pécuniaire, ce qui peut être le cas lorsqu’on donne un ensemble de données. La vente de données pourrait être le moyen de se conformer aux règles provinciales. Il s’agirait d’une exception étroite où, à mon avis, ce serait tout à fait approprié, mais la vente à une entité privée de ce qui est recueilli à des fins de politique publique me dérange encore.

  (1155)  

    Très bien.
    J’aimerais vous poser une question à ce sujet. Vous avez dit que nous vivons dans un « monde différent » en ce qui concerne la publicité et son potentiel de persuasion. Pour cette raison, vous étiez enthousiaste — peut-être que le mot « enthousiaste » n’est pas le bon — ou vous acceptiez que des restrictions soient imposées à la liberté d’expression. Essentiellement, je pense que votre argument est que pour mieux protéger notre droit de vote en vertu de l’article 3, nous devons imposer des restrictions au droit de s’exprimer librement en vertu de l’article 2.
    Tout d’abord, je me demande dans quelle mesure ces restrictions ont une signification dans un monde où on peut simplement, par l’entremise de choses comme WhatsApp, communiquer d’une façon qui n’est pas... Il est difficile de savoir ce qui s’est passé, de savoir dans quelle mesure cela s’est produit et combien d’argent est dépensé à cette fin. Cela pose un problème fondamental de mise en oeuvre.
    Je veux aussi poser la question suivante. Il me semble que le vrai secret des nouveaux médias, c’est que vous pouvez cibler votre message de façon à ce qu’au lieu de vous le communiquer, mais aussi, de le communiquer accidentellement à tous ceux qui regardent le Super Bowl — c’est l’ancien modèle, n’est-ce pas? — Maintenant, ce message vous est transmis, et cela coûte relativement peu cher. Je me demande donc dans quelle mesure ces restrictions atteindront vraiment leur but.
     La publicité à la télévision et à la radio est très réglementée. Beaucoup de règles qui sont censées s’appliquer aux médias sociaux doivent être mises à jour, mais elles sont certainement appliquées insuffisamment à cause du microciblage, comme vous l’avez suggéré. Pendant le Super Bowl, tout le monde sait que la publicité a été faite. Il est presque impossible de savoir si un parti politique ou un groupe d’intérêt me cible simplement parce qu’il connaît mes préférences en tant qu'électeur ou consommateur.
    Ce que je retiens de tout cela, cependant, c’est qu’il ne faut pas baisser les bras et dire: « Arrêtons de réglementer la publicité parce qu’il y a de nouvelles voies. » Nous devons nous assurer que toutes les voies sont réglementées de manière à uniformiser les règles du jeu. Une suggestion pratique que j’ai essayé de faire dans le cadre de ce débat est que nous devrions peut-être envisager un plafond de dépenses distinct pour les médias sociaux, parce que c’est moins cher que la publicité télévisée traditionnelle. Comme M. Mayrand l’a dit, ce sont de nouvelles technologies. C’est un nouveau défi. Il est difficile de pointer du doigt une administration qui a bien fait les choses.
    Ce serait une façon d’essayer de s’adapter au fait que les publicités dans les médias sociaux sont beaucoup moins chères, mais ce n’est peut-être pas toujours le cas, n’est-ce pas? Je pense que l'examen du fonctionnement du système de vente aux enchères de publicités sur Facebook aux États-Unis a révélé des écarts importants dans le montant d’argent dépensé pour les campagnes, en fonction des personnes ciblées et du contenu de la publicité, parce que la plateforme peut avoir intérêt à retenir votre attention, ce qui favorise certains types de contenu.
    Il y a beaucoup de variables dans le prix d’une publicité que nous ne devrions pas présumer constantes. Nous ne savons pas toujours que la publicité sur Facebook en politique est beaucoup moins chère que la publicité à la télévision, par exemple. Le coût d’une publicité imprimée dans le Globe and Mail a considérablement diminué au cours des dernières années.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Tassi pour notre dernière intervention.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pal, je vais vous poser mes deux premières questions. Si j'en ai le temps, j’adresserai le reste de mes questions à Mme Furlong.
    Vous avez parlé des limites de dépenses pour la période préélectorale. Vous en étiez satisfait. Vous avez ensuite parlé de la période antérieure. Je me demande si vous pourriez, compte tenu de votre expertise dans le domaine du droit constitutionnel, nous donner une idée de ce qui constituerait, selon vous, une période préélectorale suffisante. Vous suggérez qu'elle devrait être élargie. Pourriez-vous nous donner un chiffre pour la durée?

  (1200)  

    Vous m’avez mis sur la sellette.
    Oui.
    Comme je l’ai dit, vous voulez toujours voir le dossier. La loi ontarienne, à laquelle j’ai participé à titre de conseiller juridique, impose une limite de six mois. Mon opinion strictement personnelle est que six mois est une durée justifiable. Le problème, c’est qu’il y a eu, en Colombie-Britannique, des jugements qui ont invalidé les limites des dépenses provinciales préélectorales, en partie parce que ces limites s’appliquaient pendant la session de l’Assemblée législative.
    D’accord.
    Vous le savez mieux que moi, mais il me semble très clair que le 30 juin, la Chambre ne siège habituellement pas, et il faut donc adopter une approche prudente pour éviter les critiques qui ont été faites au sujet de la loi de la Colombie-Britannique. Que dirait la Cour suprême du Canada d’une restriction de six mois ou d’un an? Je pense que s’il y avait une restriction pour chaque année civile, ce serait considéré comme draconien, mais qu'on pourrait certainement envisager six mois ou un an avant les élections, dans le cas d’élections à date fixe.
    Vous augmentez le risque constitutionnel. Il n’y a aucun moyen de savoir comment la Cour suprême traitera cette question tant que nous n’aurons pas de dossier, tant que nous n’aurons pas de causes, mais le 30 juin est certainement moins que ce que l’Ontario a fait, par exemple, et moins que le Royaume-Uni, c’est-à-dire environ un an.
    Il a été question d’accroître le nombre de femmes en politique, ce que nous appuyons sans réserve. Je suis heureuse que deux femmes siègent à ce comité, qui est important. En fait, le ministre responsable du dossier dont nous parlons est une femme qui a donné naissance à un enfant et qui est de retour à la Chambre, ce qui est absolument fantastique.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné au départ l’importance du remboursement de 90 % des frais de garde d’enfants. Il y a de nombreuses façons d’accroître la participation des femmes. J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’importance de ce que contient ce projet de loi, c’est-à-dire la capacité des candidats d’utiliser leurs fonds personnels pour payer non seulement les frais de garde d’enfants, mais aussi les coûts liés au handicap d’un candidat ou aux soins d’une personne handicapée. Aujourd’hui, la valeur des coûts admissibles a augmenté, 90 % contre 60 % auparavant.
    Le remboursement à 90 % est très important comparativement à d’autres remboursements. Vous avez parlé des 60 % prévus dans la loi. Je ne pense pas que ce sera transformateur au départ. Il y a beaucoup d’inégalités dans la société, et une disposition de la Loi électorale ne peut pas changer cela, mais elle offre certainement un incitatif très positif pour que plus de femmes se présentent et pour essayer de réduire les obstacles pour ceux qui ont des problèmes d’accessibilité.
    Dans la mesure où la Loi électorale peut régler ces problèmes, un remboursement de 90 % me semble être une solution très pratique qui, selon moi, encouragera vraiment les candidats à se présenter. Il y a des facteurs plus généraux, Comme nous le disent les ouvrages de science politique qui expliquent pourquoi les gens peuvent hésiter à se porter candidats, il y a des facteurs plus généraux que cela n'éliminera pas, mais je pense que c’est vraiment positif. J’espère que cela aura un effet très important sur les candidats aux prochaines élections.
     Pensez-vous que ce sera le cas?
    C’est difficile à prévoir. Je pense que oui, certainement dans certaines circonstances. Il faudra voir quels seront les chiffres. Comme je l’ai dit, il y a d’autres facteurs — la façon dont la Chambre mène ses travaux et un éventail plus large de considérations — mais j’espère que ce sera le cas.
    Merci.
    Mon temps est-il écoulé, monsieur le président?
    Oui.
    Merci beaucoup. C’est très intéressant.
    Nous allons suspendre la séance pendant que de nouveaux témoins s’installent. Merci beaucoup d’être venus.

    


    

  (1205)  

    Bienvenue à la 109séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Nous avons le plaisir d'accueillir le dernier groupe de témoins qui comprend James Hicks, coordonnateur national du Conseil des Canadiens avec déficiences, Réal Lavergne, président du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, et Ryan O’Connor, avocat et directeur de Fiers de l’Ontario.
    Merci à vous tous de vous être mis à notre disposition aujourd’hui. Nous allons commencer par M. Hicks, qui sera suivi de M. Lavergne et de M. O’Connor, pour les déclarations préliminaires.
    Allez-y, monsieur Hicks.
     Bonjour. Je m’appelle James Hicks. Je représente le Conseil des Canadiens avec déficiences.
    Je vais vous lire ce que le premier ministre a dit:
... Je m’attends à ce que [à titre de ministre des Institutions démocratiques, vous présentiez] des options pour créer un poste de commissaire indépendant chargé d’organiser les débats des chefs des partis politiques lors des futures campagnes électorales fédérales, avec le mandat d’améliorer les connaissances des Canadiens et des Canadiennes en ce qui concerne les partis, leurs chefs et leurs positions stratégiques.
    J’en parle parce qu'il est extrêmement difficile pour les personnes handicapées de participer aux débats. Nous avons déjà parlé à un comité à ce sujet. Je vais expliquer certaines des raisons pour lesquelles c’est difficile pour ces personnes et certaines des choses qui doivent être faites.
    Le Conseil des Canadiens avec déficiences est une organisation nationale de défense des droits des personnes handicapées qui travaille pour un Canada accessible et inclusif. Le CCD se réjouit que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre mène une étude sur la nomination d’un commissaire indépendant et l’obtention d’information sur les débats télévisés des chefs pendant les campagnes électorales fédérales. Les débats des chefs sont un élément important des élections, car ils donnent à l’électorat l’occasion d’observer les chefs de parti qui se disputent la fonction de chef du gouvernement fédéral du Canada.
    Ce qui nous intéresse dans ce dossier, c’est que le processus électoral comporte depuis trop longtemps des obstacles qui ont empêché la pleine participation des personnes handicapées. Depuis les années 1980, le CCD préconise la réforme du processus électoral afin qu’il soit accessible aux personnes handicapées. Par exemple, le CCD s’est intéressé à l’affaire Hughes c. Élections Canada, en 2010, qui a mené Élections Canada à éliminer les obstacles à la participation des personnes handicapées au processus électoral. De plus, le CCD fait partie du groupe consultatif d’Élections Canada sur les questions relatives aux personnes handicapées.
    Quels sont les problèmes? Le projet de loi comprend un certain nombre d’améliorations importantes à la Loi électorale du Canada qui aideront les électeurs ayant divers handicaps à participer plus pleinement au processus électoral.
     Il s’agit notamment de créer un incitatif financier pour les partis politiques et les candidats afin de répondre aux besoins des électeurs handicapés et de faciliter leur participation au processus démocratique grâce au remboursement des dépenses liées aux mesures d’adaptation; de porter le taux de remboursement à 90 % pour les catégories de dépenses susmentionnées et de les exempter des limites de dépenses électorales; de permettre au directeur général des élections d’autoriser l’utilisation de la carte d’information de l’électeur comme pièce d’identité; de permettre le recours à un répondant comme moyen de confirmer l'identité et la résidence; de faciliter la tâche aux Canadiens pour demander et obtenir un bulletin de vote spécial; de réduire les temps d’attente aux bureaux de vote ordinaires et par anticipation en rationalisant les procédures d’admission; et de porter à 12 heures par jour les heures de vote par anticipation.
     Il s’agit également de mieux desservir les collectivités éloignées, isolées ou à faible densité en élargissant l’utilisation des bureaux de vote mobiles; d'élargir l’option du vote à domicile aux personnes ayant des handicaps de tous les types; de permettre aux électeurs handicapés qui votent par bulletin spécial dans un bureau de scrutin de compter sur les mêmes personnes pour obtenir de l’aide qu'au bureau de scrutin, alors que c'est actuellement limité à un directeur des élections au bureau de scrutin; de faciliter la présentation d’une demande de certificat de transfert pour les électeurs handicapés; d'établir un registre des futurs électeurs dans lequel les citoyens canadiens âgés de 14 à 17 ans peuvent consentir à être inclus; d'éliminer les restrictions relatives aux activités d’éducation et d’information du public menées par le directeur général des élections; et de limiter les périodes électorales à un maximum de 50 jours.
    Pour les Canadiens handicapés, les débats des chefs font obstacle à une participation pleine et égale. Ce n’est pas seulement pour les débats des chefs, mais nous mettons l’accent là-dessus. Chaque fois que des politiciens se réunissent publiquement pour discuter et présenter leurs idées, il y a rarement des mesures de soutien pour que les personnes handicapées puissent participer.
    Une gamme complète de mesures d’adaptation pour les personnes handicapées est nécessaire pour rendre les débats des chefs pleinement accessibles. Pour que le Comité comprenne mieux ce à quoi nous faisons référence, nous donnons des exemples, soit l’interprétation de la LSA et de la LSQ pour que les Canadiens sourds puissent recevoir l’information dans leur langue maternelle; la narration audio des principaux éléments visuels du débat afin que les personnes ayant une déficience visuelle soient conscientes de la communication non verbale qui a lieu pendant un débat; l’utilisation d’un langage clair pour que les personnes ayant une déficience psychosociale puissent suivre la discussion; et le sous-titrage codé afin que les malentendants aient accès à l’information du débat.

  (1210)  

     Des mesures d'adaptation, en matière d'accessibilité, seraient instaurées, en tout lieu et sur toutes les plateformes, pour veiller à ce que les citoyens handicapés du public ainsi que d'éventuels candidats handicapés participent aux débats.
    Pendant les débats, la question de l'invalidité serait abordée en profondeur. Lorsque des questions seraient présentées à la Chambre, les réponses devraient porter notamment sur les personnes handicapées. Par exemple, si l'on débattait de questions portant sur la violence contre les femmes, les réponses aborderaient sérieusement les préoccupations des femmes et des filles handicapées ainsi que des femmes et des filles sourdes et malentendantes.
    Pour vous donner une idée du problème, je souligne que le taux, de violence et d'agression sexuelle contre les femmes et les filles sourdes et handicapées, est presque trois fois plus élevé que dans le cas de la majorité des femmes. Nous savons déjà que la question de la sexualité et des femmes constitue un problème au Canada. À mon avis, il est important de souligner que le problème est plus grave encore dans le cas des personnes handicapées, qui peuvent se retrouver dans une position de très grande vulnérabilité.
    Lorsqu'une question portant sur le logement serait posée, l'on mentionnerait l'utilisation de la conception universelle, grâce à laquelle les personnes handicapées ont accès à ces logements au même titre que tout autre citoyen. Les dernières nouvelles qui nous parviennent des directives du ministre Duclos sur le logement constituent un excellent exemple. Selon ces directives, on opte pour le pourcentage normalisé de logements accessibles. Cependant, nous savons que les logements de conception universelle peuvent être modifiés très rapidement au besoin. Ainsi, on élimine la nécessité d'une liste de personnes handicapées devant attendre 10 ou 15 ans pour obtenir un logement. Si leur nom se trouve en haut de la liste, elles obtiennent immédiatement les logements qui se libèrent.
    Nous devons tenir compte d'un ensemble de choses. Ce ne sont que des exemples. Il serait ensuite possible d'examiner ce qui se passe dans les débats s'il n'y a personne pour orienter la discussion et si l'on ignore comment procéder.
    J'ai fait une présentation lors de la réunion de tous les partis il y a environ deux ans et il est devenu évident, lors de la discussion, qu'il ne sera pas possible de rendre tous les débats et toutes les comparutions accessibles, parce que les politiciens n'ont pas d'argent pour cela. Ainsi, il revient au gouvernement d'envisager une intervention pour adopter des dispositions autorisant des dépenses supplémentaires, qui ne font pas partie des sommes déjà allouées, lorsqu'il est véritablement question des problèmes d'accessibilité.
    Je ne veux pas trop entrer dans les détails, puisque je ne suis pas le seul témoin ici aujourd'hui, mais je dirai qu'il existe des façons de faire. Le Conseil des Canadiens avec déficiences — le CCD — collaborera volontiers avec le gouvernement pour trouver des solutions; il travaillera aussi avec les partis politiques pour les aider à trouver de l'information leur indiquant comment procéder.
    En ce qui concerne la norme qui a été établie, le CCD rappelle au Comité que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été ratifiée par le Canada, prévoit, à l'article 29, le respect des droits politiques des personnes handicapées, y compris la promotion d'un environnement dans lequel les personnes handicapées peuvent participer pleinement à la conduite des affaires publiques. L'article 29, qui porte sur la participation à la vie politique et publique, se lit comme suit:
Les États Parties garantissent aux personnes handicapées la jouissance des droits politiques et la possibilité de les exercer sur la base de l'égalité avec les autres, et s'engagent:
    a) À faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l'égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu'elles aient le droit et la possibilité de voter et d'être élues, et pour cela les États Parties, entre autres mesures:
        i. Veillent à ce que les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser;

  (1215)  

ii. Protègent le droit qu'ont les personnes handicapées de voter à bulletin secret et sans intimidation aux élections et référendums publics, de se présenter aux élections et d'exercer effectivement un mandat électif ainsi que d'exercer toutes fonctions publiques à tous les niveaux de l'État, et facilitent, s'il y a lieu, le recours aux technologies d'assistance et aux nouvelles technologies;
iii. Garantissent la libre expression de la volonté des personnes handicapées en tant qu'électeurs et à cette fin si nécessaire, et à leur demande, les autorisent à se faire assister d'une personne de leur choix pour voter;
b) À promouvoir activement un environnement dans lequel les personnes handicapées peuvent effectivement et pleinement participer à la conduite des affaires publiques, sans discrimination et sur la base de l'égalité avec les autres, et à encourager leur participation aux affaires publiques, notamment par le biais:
i. De leur participation aux organisations non gouvernementales et associations qui s'intéressent à la vie publique et politique du pays, et de leur participation aux activités et à l'administration des partis politiques;
ii. De la constitution d'organisations de personnes handicapées pour les représenter aux niveaux international, national, régional et local et de l'adhésion à ces organisations.
    De plus...

  (1220)  

    Nous allons manquer de temps. Avez-vous bientôt fini?
    D'accord.
    Très bien. Vous pourrez mentionner cela dès que l'on vous posera une question. Ne répondez pas à la question; finissez simplement votre discours.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: C'est maintenant au tour de M. Lavergne de prononcer sa déclaration préliminaire.
    Merci de m'avoir invité. J'aperçois des gens que je connais dans la salle. Je suis heureux d'être ici.
    J'ai pensé vous distribuer mes notes d'allocution, mais je crois comprendre que si elles ne sont pas traduites, vous ne les aurez pas avant un certain temps. J'aimerais toutefois souligner un passage qui se trouve à la page 5. J'ai énuméré quelques éléments contenant des observations sur la manière dont le projet de loi pourrait être modifié sans difficulté, si vous avez l'intention de procéder à des amendements.
    Je sais que vous êtes occupés. Vous avez devant vous un document de 350 pages. J'espère que cela vous facilitera la tâche. Je me ferai un plaisir d'envoyer le document par courriel à quiconque souhaite le recevoir. Vous n'avez qu'à communiquer avec moi et je vous enverrai le lien vers le fichier qui se trouve sur Google Documents.
    Vous savez ce qu'est le Mouvement pour la représentation équitable au Canada. Je ne vais pas décrire en détail cette campagne dont je suis le président, mais puisque j'agis ici à titre de représentant, j'aimerais aborder principalement les questions relatives aux tiers et vous faire part de quelques réflexions portant sur des éléments nouveaux. Je crois que vous jugerez la chose utile.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais prendre acte d'un certain nombre de choses ayant trait à notre question générale, à savoir l'égalité des chances dans le processus électoral. J'aimerais tout d'abord souligner l'importance du projet de loi — comme vous le connaissez bien, je n'entrerai pas dans les détails —, qui permettra d'assurer un meilleur accès pour plusieurs tranches très précises de la population, y compris pour les personnes handicapées.
    Mes collègues ne me pardonneraient pas d'omettre la remarque suivante: je dois prendre acte du fait — nous devons tous en prendre acte — que le projet de loi ne permet pas de veiller à ce que chaque vote ait le même poids, peu importe le lieu de résidence et la personne pour qui l'on vote. La seule façon d'y arriver serait d'instaurer la représentation proportionnelle, ce dont ne traite pas cette loi. Je lance cette remarque, mais je n'insisterai pas là-dessus. Je sais que ce n'est pas ce que vous désirez entendre aujourd'hui.
    J'aimerais parler des questions concernant les tiers en abordant cinq points. Tout d'abord, il s'agit de se demander si le projet de loi C-76 est suffisamment contraignant à l'endroit des tiers. Il est important de rappeler ce qui, pour le Mouvement pour la représentation équitable au Canada et pour beaucoup d'autres personnes, je crois, n'est pas assez strict; il ne s'agit pas du seuil des dépenses des tiers, qui est plutôt élevé. Cela ne me gêne pas. De toute façon, nous ne pouvons pas dépenser autant d'argent, pas même une fraction du montant autorisé; ce n'est donc pas un problème pour nous. Cependant, je constate qu'on n'impose pas de restriction à l'égard des contributions données à des tiers. Ainsi, dans ce système, des personnes motivées par des intérêts financiers peuvent acheminer de grandes sommes d'argent à des tiers. Si elles le souhaitent, elles peuvent créer de nouveaux tiers et exercer de cette manière une influence démesurée sur les résultats des élections.
    J'attire votre attention sur la loi électorale de la Colombie-Britannique, qui offre un très bon exemple de restrictions en matière de tiers. Je connais bien cette loi, parce que nous travaillons sur le référendum dans la province. Les contributions aux tiers sont limitées — à un maximum de 1 200 $ par personne — de la même manière que le sont les contributions aux partis politiques. Je crois qu'il y a aussi des restrictions portant sur les dons des sociétés et des syndicats. Voilà qui, selon moi, mérite que l'on s'y penche. Je ne sais pas si vous avez le temps d'y jeter un coup d'oeil. En tout cas, j'aimerais que vous envisagiez cette question et que vous veilliez à vous en occuper plus tard.
     En qualité de représentant d'un tiers, je me pose la question suivante: le projet de loi est-il trop strict? J'ai quatre arguments à énoncer. Après avoir étudié très attentivement le projet de loi, je puis dire que, en regard de deux de ces arguments, il n'est pas trop strict. Cependant, il n'est pas très clair. Je ne voudrais pas que nous, au Mouvement pour la représentation équitable au Canada, passions des heures à discuter de la question de savoir si cela s'applique ou non à notre campagne. J'ai donc quelques suggestions à faire pour clarifier le tout, à supposer que je saisisse bien quelle est l'intention.
    Tout d'abord, en ce qui concerne la période préélectorale, les tiers doivent s'inscrire s'ils dépensent plus de 500 $ dans des activités partisanes, de la publicité partisane et des sondages électoraux. Laissons de côté les sondages électoraux; nous n'en faisons pas beaucoup, quoique nous devrions peut-être y songer. Selon les définitions énoncées ici, nous faisons effectivement des activités partisanes et de la publicité partisane. Nous sommes un organisme multipartite et nous nous penchons exclusivement sur les enjeux. Le projet de loi semble exclure la publicité axée sur les enjeux.
    Jusqu'ici, tout va bien. Or, il n'est pas dit clairement si nous pouvons nommer les partis et les candidats et énoncer la position qu'ils ont adoptée lorsque nous fournissons de l'information au sujet des enjeux.

  (1225)  

     Est-ce alors de la publicité partisane ou s'agit-il simplement d'informer l'électeur? Selon moi, il s'agit seulement d'informer l'électeur. Aussi, je pense que le projet de loi vise à permettre de nommer les personnes, pourvu que cela ait trait à l'enjeu en question. Voilà qui doit être clarifié, au moyen par exemple d'un libellé très simple où, lorsque l'on fait mention d'un « enjeu », on ajoute « dans un contexte autre que la discussion d'un enjeu ». Si vous discutez d'un enjeu de manière précise, vous pouvez nommer les gens et décrire leur position sans problème. Il faut énoncer clairement ce qu'il en est. Voilà pour le premier argument.
    Pour ce qui est de la « période électorale », les règles sont plus strictes. On dit que, même lorsqu'il est question d'enjeux, si on fait la promotion d'un candidat ou d'un parti ou si, au contraire, on s'y oppose, cela est considéré comme de la publicité électorale. D'accord. Je pense que c'est tout à fait logique.
    En l'occurrence, ce qui nous préoccupe — je crois que cela pourrait être utile; nous avons eu ce problème avec les élections en Ontario, où il existe des dispositions semblables —, c'est le cas d'une brochure générale qui ne prend parti ni pour ni contre un parti ou un candidat, mais qui fait la promotion de la représentation proportionnelle. La brochure porte manifestement sur un enjeu sans qu'il y ait de promotion ou d'opposition. Selon l'esprit du projet de loi, ce n'est pas de la publicité électorale, mais bien la défense d'une position de manière générale.
     Au Canada, pour chaque enjeu ou presque, on trouvera un organisme de défense des droits qui travaille sur la question. S'attend-on à ce que tous les organismes de défense des droits du pays, quel que soit l'enjeu sur lequel ils travaillent, déclarent leur appui ou leur opposition? Je ne crois pas. Si vous pouviez être clair à ce sujet, vous feriez oeuvre utile. Je propose que, dans les articles indiquant « ne sont pas considérés » — il y en a cinq en ce moment —, vous ajoutiez un article faisant référence à la défense d'une position sur un enjeu sans qu'il y ait promotion ni opposition. Voilà ma suggestion. Rendons les choses plus claires. Tout sera plus simple pour tout le monde.
    Le troisième argument a trait au seuil de 500 $ à partir duquel un tiers doit s'inscrire. C'est à l'échelle nationale. Si on dépense plus de 500 $, on doit s'inscrire. Si on dépense plus de 500 $ en publicité électorale, on doit s'inscrire. Tout dépend de ce que vous considérez comme de la publicité électorale, d'où les deux points que j'ai soulevés et qu'il importe de clarifier.
     Voici où je veux en venir. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, on discute actuellement du projet de loi 38 qui porte sur le référendum. Le seuil à partir duquel un tiers doit s'inscrire est fixé à 500 $. La population de cette province est, à peu près, l'équivalent de celle d'une circonscription ailleurs au pays. À l'échelle du pays en entier, le seuil serait donc aussi de 500 $? À mon avis, c'est beaucoup trop bas. Le seuil devrait être décuplé pour atteindre 5 000 $ à tout le moins. Songez que le fait de devoir s'inscrire constitue un fardeau énorme pour un tiers. Nous devons embaucher un agent financier, ce qui coûte cher. Chose certaine, cela coûtera plus de 500 $; il faudra multiplier ce chiffre plusieurs fois.
     Ainsi, en nous forçant à nous inscrire à partir du seuil des 500 $, vous nous écartez du processus. Il faut se montrer juste, à mon avis. Le seuil devra être relevé. Voilà qui mérite réflexion.
    Enfin, il y a les nouveaux articles portant sur la collusion. Il existe déjà un ou plusieurs articles dans la Loi électorale du Canada au sujet de la collusion. La logique est évidente. Si des tiers collaborent avec un parti politique pour les aider à contourner les limites des dépenses électorales, c'est contraire à la loi. C'est de la collusion.
     La Loi électorale du Canada, dans sa forme actuelle, est on ne peut plus claire. On n'a pas le droit de contourner les limites de dépenses. En tant que tiers, on n'a pas le droit de faire des contributions en nature. Si on détient un espace commercial, on ne peut le prêter pour l'organisation d'une fête. C'est évident. Voilà qui fait déjà partie de la Loi électorale du Canada. Cependant, pour un organisme de défense des droits comme le nôtre, il y a nécessité de travailler avec les politiciens. Sinon, il n'y aura jamais de réforme électorale au pays.

  (1230)  

     Si nous ne sommes pas autorisés à parler aux politiciens pour savoir ce qu'ils sont disposés à faire s'ils sont élus... Sont-ils prêts à faire preuve de leadership en matière de représentation proportionnelle? Si c'est le cas, nous pourrions envisager de les appuyer. Nous devons leur parler, tout comme les politiciens doivent parler aux électeurs. Ils sont prêts à dire aux électeurs ce qu'ils sont disposés à faire et ce qu'ils ne veulent pas faire. Pour leur part, les électeurs sont prêts à s'opposer à eux. Il doit aussi y avoir ce genre de dialogue avec les tiers, sans que l'on contourne les limites de dépenses électorales.
    À l'instar de mes collègues du Mouvement pour la représentation équitable au Canada, je crois que les nouveaux articles sur la collusion vont trop loin. On devrait tout simplement les supprimer. Ils ne sont pas nécessaires. Ils empêchent les tiers de faire ce qu'ils doivent faire, à savoir participer au processus politique et discuter avec les politiciens afin d'envisager des alliances pour la poursuite de leur programme de réforme.
    Merci beaucoup. Vous avez les notes. Comme je l'ai dit, si vous en avez besoin plus rapidement, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Il y a un résumé ainsi que des propositions d'amendements. Les définitions dont j'ai parlé se trouvent à la fin. Je crois que vous jugerez cela utile.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. O'Connor de prendre la parole.
     Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de m’avoir invité ici aujourd’hui.
    Je m’appelle Ryan O’Connor. Je suis l’avocat et le directeur d'Ontario Proud, un tiers publicitaire enregistré dans la province de l’Ontario pour les élections provinciales en cours. Ontario Proud est un groupe de défense des intérêts politiques axé sur les médias sociaux. C'est un organisme sans but lucratif qui milite en faveur d'un gouvernement éthique et responsable, de l’équité fiscale, de la liberté personnelle et de la culture ontarienne. Parti d'une simple page Facebook en février 2016, il a maintenant plus de 400 000 abonnés sur le Web. Des millions de personnes en Ontario et partout au Canada consultent notre contenu en ligne, à tel point que la page Facebook d'Ontario Proud est l’une des plus populaires et des plus engagées au Canada et la plus populaire et la plus engagée de la province de l’Ontario.
    Ontario Proud est enregistré comme annonceur politique tiers en Ontario depuis le 9 novembre de l’année dernière. Dès le premier jour où la Loi provinciale sur le financement des élections a rendu l'enregistrement obligatoire. On a fait de la publicité à la télévision, mais on a surtout privilégié les tribunes non traditionnelles pour la publicité politique, y compris YouTube, Facebook et Instagram, de manière à toucher le plus grand nombre le plus efficacement possible, tout en respectant les exigences très strictes de ladite Loi en matière de dépenses et de divulgation. On reçoit l’appui de donateurs de toute la province. Et conformément à la loi, on n’accepte aucune contribution provenant de l’extérieur de l’Ontario pour les dépenses de publicité.
    La loi sur la procédure électorale et le financement des campagnes électorales est sans doute l’une des plus importantes qu'ait promulguée le Parlement. Elle régit l’exercice de notre droit constitutionnel à un vote libre et équitable et les modalités de participation au processus électoral. Étant donné son importance, tout changement envisagé dans la conduite des élections canadiennes doit faire l'objet d'un examen approfondi par le Parlement. Cela vaut, tout particulièrement, pour le projet de loi C-76 tel que proposé. Le Comité, la Chambre et le Sénat doivent se garder d'en favoriser l’adoption à la va-vite avant que la Chambre n’ajourne ses travaux pour l’été sans en avoir soigneusement évalué les graves imperfections. Ces imperfections, s'il n'y est pas remédié, feront que le projet de loi aura l’effet contraire à l'effet recherché et contribuera à étouffer le discours politique, à décourager les tierces parties de participer à la défense des droits et, chose plus alarmante encore peut-être, à les amener à ignorer complètement les exigences de la loi.
    Mes commentaires porteront principalement sur deux problèmes. Premièrement, les dispositions pesantes réglementant l’enregistrement, les coûts de conformité et les plafonds de dépenses, en dehors des élections, imposés aux tiers sont probablement inconstitutionnelles. Deuxièmement, les tentatives de limiter le financement étranger des groupes de pression politiques n’auront aucune incidence mesurable sur l’influence étrangère par rapport à ce qu'elle a pu être par le passé.
    Sur le problème de la constitutionnalité, le projet de loi, tel qu’il est proposé, imposera pour la première fois des plafonds de dépenses et des exigences en matière d’enregistrement et de divulgation des renseignements sur les donateurs aux tiers en dehors des périodes électorales et pour une période préélectorale précise qui commence le 30 juin d’une année d’élection à date fixe. Le projet de loi va plus loin que la plupart des régimes au pays dans la mesure où il ne réglementera pas seulement les dépenses publicitaires des tiers; il réglementera également les « dépenses liées aux activités partisanes » et les « dépenses liées aux sondages électoraux ». Le texte précise que les premières concernent les activités visant à organiser des rassemblements, à démarcher les électeurs et à les encourager à voter.
    De plus, le projet de loi vise à élargir le rôle du gouvernement en matière de surveillance de la publicité électorale, des activités partisanes et des dépenses liées aux sondages avant même la période préélectorale en exigeant que les tiers, une fois, inscrits auprès d’Élections Canada, après avoir engagé des dépenses, produisent un rapport provisoire si le tiers a reçu des contributions ou engagé des dépenses pour des activités réglementées de 10 000 $ ou plus entre le moment de l’élection précédente et le moment de l’inscription.
    L'affaire vedette de la Cour suprême du Canada, que bien des membres du Comité connaissent, j’en suis sûr, est l’affaire Harper c. Canada, en 2004. Dans cette affaire, la majorité des juges ont conclu que, même si les plafonds de dépenses des tiers prévus actuellement dans la Loi électorale du Canada contrevenaient à l’alinéa 2b) de la Charte, relatif à la liberté d’expression, ils étaient justifiés, en vertu de l’article 1 de la Charte, comme étant raisonnables. Cependant, il est essentiel de noter que les plafonds de dépenses, qui demeurent dans la loi mais qui sont indexés à l’inflation, ne s’appliquent que pendant la période électorale et ne s’appliquent qu’aux dépenses de publicité. Dans l’affaire Harper c. Canada, la majorité des juges de la Cour suprême ont conclu que, la période durant laquelle ces plafonds s’appliquaient étant limitée et proportionnelle à l’objectif de promotion de l’équité électorale, cela ne portait qu'une atteinte minimale au droit à la liberté d’expression. En s’opposant à la position de la minorité, dans ce cas, selon laquelle les plafonds de dépenses avaient pour effet, pour citer la décision, « d’empêcher les citoyens de communiquer efficacement leurs opinions sur les enjeux pendant une campagne électorale », la majorité a dit que cela ne tient pas compte du fait que « aucune restriction ne s'applique à la publicité faite par les tiers avant le début de la période électorale ».
    Plus récemment, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu dans une affaire de 2012, le Reference re Election Act (renvoi relatif à la loi électorale), que les restrictions proposées concernant les dépenses publicitaires des tiers pendant une période de 40 jours précédant la période électorale violaient le droit à la liberté d’expression garanti par la Charte et n’étaient pas justifiées en vertu de l’article 1 de la Charte. Dans cette décision, la Cour a notamment justifié en partie le fait que le gouvernement de la Colombie-Britannique n’avait présenté aucune preuve que les restrictions relatives à la défense des droits par des tiers avaient l’avantage d’assurer l’équité électorale en dehors d’une période où les électeurs allaient voter.

  (1235)  

    En Ontario, une coalition de syndicats vient de lancer une contestation constitutionnelle des restrictions de dépenses imposées aux tiers par la Loi sur le financement des élections. Avec tout le respect que je vous dois, je dirais que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, un recours en inconstitutionnalité est inévitable.
    Lorsque des organisations qui participent régulièrement au débat politique au Canada se voient imposer de lourdes exigences réglementaires comme celles proposées dans la loi, elles peuvent tout simplement refuser de s'y soumettre. Et cela de deux façons. Soit en ne tenant pas compte de la loi — ce qui, de toute façon, est impossible à contrôler à l’ère des campagnes numériques — comme le font actuellement de nombreux tiers en Ontario, soit en ne participant tout simplement pas au débat démocratique. Le Parlement ne devrait pas accorder la priorité à l’expression politique des candidats et des partis aux dépens des citoyens ordinaires.
     Les parlementaires doivent également tenir compte de l’incidence du projet de loi C-76 sur la défense des droits. Tout syndicat qui défend publiquement la législation du travail en dehors d’une période préélectorale devra maintenant rendre compte de ses dépenses à Élections Canada. Un groupe de défense de l’environnement, qui voudrait organiser un rassemblement lié au développement forestier devrait faire de même. De même, un petit groupe de défense des citoyens, qui milite en faveur d’une réduction des impôts cessera tout simplement de participer au débat public sur les enjeux, tant pendant la période préélectorale que pendant la période électorale, parce qu’il craint de contrevenir à la loi ou qu’il n’a pas les moyens de se prévaloir des importantes lois de conformité auxquelles M. Lavergne a fait allusion. Ce n’est pas l’intention du projet de loi, mais c’est son effet, et son effet est inconstitutionnel.
    J’aimerais maintenant parler brièvement des échappatoires financières étrangères, qui existent dans notre loi actuelle sur le financement électoral. L’influence étrangère dans les élections préoccupe les démocraties occidentales depuis une demi-décennie, et c'est sans doute peu dire. On cite souvent l'exemple des dernières élections présidentielles aux États-Unis. Les élections au Canada ne sont pas à l’abri de l’influence étrangère. Des groupes financés à l’étranger se sont vantés de financer des campagnes de tiers contre des parlementaires, pas plus tard que lors des élections fédérales de 2015. Les sénateurs, notamment la sénatrice Frum, encouragent le Parlement à éliminer les échappatoires, qui permettent l’influence financière étrangère dans nos élections.
    Le projet de loi dont vous êtes saisis empêche les entités étrangères de financer des tiers pour leurs activités publicitaires ou partisanes; mais cela ne concerne que la période préélectorale et la période électorale. Il n’interdit pas expressément le soutien financier de tiers en dehors de ces périodes. Il serait encore légal pour des fondations, des gouvernements, des sociétés et des syndicats étrangers de soutenir financièrement des tiers.
     En outre, il permettrait aux tierces parties de se soustraire complètement aux exigences de la loi en matière de divulgation si elles décidaient tout simplement de ne pas s’inscrire pendant une période électorale. Si les membres du Comité veulent vraiment s’attaquer au problème de la participation étrangère à la politique canadienne, il serait bon de supprimer complètement cette échappatoire et soit d’interdire ou de restreindre fortement la participation étrangère à notre système électoral en tout temps, et pas seulement entre le 30 juin et le jour des élections.
    Le gouvernement qui a proposé ce projet de loi aime se présenter comme le parti de la Charte. S’il veut vraiment être à la hauteur de ses ambitions, il doit appuyer la modification du projet de loi, limiter toute exigence de dépenses par des tiers à la période électorale et défendre le droit à la liberté d’expression au lieu de causer sa suppression.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Simms pour le premier tour.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités de s’être joints à nous. Je vais commencer par la personne que j’ai déjà rencontrée à maintes reprises.
     Monsieur Lavergne, je suis heureux de vous revoir. J’espère que tout va bien. Je tiens à vous remercier de votre participation aujourd’hui, car je sais que c’est grâce au débat, quel que soit le problème, sur nos élections.
    Vous avez parlé de clarifier, dans bien des cas, la façon dont vous communiquez. Dans votre cas, il s’agit de nommer les partis ou les candidats ou de savoir qui vous appuyez en particulier et comment cela se reflète dans cette loi particulière. Je voudrais dire qu'il faudrait préciser aussi quels sont les gens pour lesquels vous ne voulez pas voter, parce qu’en suivant la procédure démocratique, on tend bien souvent, je suppose, à éliminer des options avant d’en arriver à celle pour laquelle on vote. De plus, pour ce qui est de promouvoir un parti en particulier ou la position qu’il adopte, je comprends ça également.
    La seule chose qui me pose problème, c’est l’enregistrement d’une tierce partie. Vous avez dit que vous préféreriez que le montant passe de 500 $ à, disons, 5 000 $. Je veux vous donner un exemple pour vous expliquer pourquoi je ne suis pas sûr d’être d’accord. Si vous prenez une province comme la mienne, qui compte sept députés au total, s’il y avait un groupe de pression pour, disons, la séparation de l’île — qui dérive vers l’Union européenne — ils pourraient en fait organiser une campagne importante, mais c'est très ciblé. Je crains seulement que si vous aviez un plus grand nombre au départ, cela n’éliminerait pas les campagnes locales qui pourraient faire une différence. Ils n’auront pas à être enregistrés comme tiers. Je vais vous laisser répondre.

  (1240)  

     Ce que j'en dis, c’est que normalement, lorsqu’il y a ce genre de restrictions, il y en a au niveau de la circonscription et aussi au niveau national. Vous n’auriez pas une limite de 5 000 $ si elle était axée sur une seule circonscription. Ce pourrait être 500 $ pour une circonscription ou 1 000 $. Je pense que cela aiderait à régler ce problème.
    Je m’inquiète davantage de l’aspect régional, comme je l’ai dit, pour les petites provinces pour les problèmes particuliers qui surgissent. On tend à avoir des problèmes différents dans des endroits différents. C’est la seule chose qui me préoccupe. Je vais m’arrêter ici, mais je comprends ce que vous dites.
    Monsieur Hicks, la problématique des personnes handicapées est très présente dans le texte. Je peux honnêtement dire, en tant que député d’une région rurale, qu’il semble — en fait, cela ne semble pas seulement être un problème; c’en est un — que les problèmes sont amplifiés pour beaucoup de personnes handicapées. Parce que les distances à parcourir sont plus grandes. Je ne veux pas dire — comprenez-moi bien — que les handicapés qui vivent en milieu urbain n'ont pas de problème, mais c’est devenu tout un défi pour nous. Pour ce qui est du droit de vote, il est tellement facile pour beaucoup de gens d’abandonner et de dire: « Bah, ça ne vaut pas la peine. » Dans ma circonscription, ça arrive souvent en raison des distances à parcourir, et encore plus dans le cas des personnes handicapées.
    Maintenant, c’est du point de vue de l’électeur. En supposant que le projet de loi soit adopté, qu’est-ce qui, selon vous, se fait attendre depuis longtemps, doit être accentué et présenté au public une fois le projet de loi adopté?
    Désolé, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris ce que vous demandiez.
    Ce que je demande, c’est que dans le projet de loi C-76, quelle partie des dispositions sur les personnes handicapées, l’accès au vote, est essentielle pour vous?
    Je ne crois pas qu’il y ait grand-chose ici qui traite de l’accès. Cela fait partie du problème. Si l'on se demande, en général, ce qu'il faudrait faire en ce qui concerne l’accès et ce que le projet de loi aurait dû inclure, je dirais qu'on souhaiterait qu’il précise qu'il ne faut pas plafonner les dépenses pour des choses comme les différentes activités politiques qui facilitent la participation des gens au domaine public — qu’il s’agisse de débats ou de quoi que ce soit d’autre —, le fait de ne pas inclure les mesures de soutien pour les personnes handicapées dans ce montant permettrait aux parties de ne pas utiliser cet argent et de s'en servir pour d’autres choses.
    Si je peux me permettre, ayant été candidat à cinq élections maintenant, je crois qu’une chose qui sera efficace, c’est que le recours à un répondant va devenir... Beaucoup de personnes handicapées n’ont pas les pièces d’identité nécessaires pour voter. C’était une expérience pour nous, en tant que militants, surtout dans les régions rurales... et la réintroduction du mécanisme du répondant sera très bénéfique.
    Permettez-moi de revenir un instant aux candidats. C’est une chose de voter, mais c’en est une autre de se présenter. Il est également avantageux pour les personnes handicapées de se présenter aux élections.
     Pour les gens qui font campagne, il y a des dispositions ici concernant le remboursement de leurs dépenses électorales, qui les aident. Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

  (1245)  

    Si je comprends bien, vous parlez des personnes handicapées qui se présentent et des mesures de soutien dont elles auraient besoin pour aller de l’avant.
    Oui.
     Je pense qu'il faut bien comprendre ce que la signature de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées identifie dans les activités politiques et autres, et s'assurer que le Canada respecte ces lignes directrices. Ces lignes directrices sont très, très claires. Le Canada a signé cette convention, alors il n’y a aucune raison pour qu’il n’utilise pas ces lignes directrices sur l’activité politique et la façon dont les personnes handicapées peuvent participer à l’activité politique. Je vous renvoie à ce document. Examinez-le.
    C’est ce que je vais faire. Merci.
    Servez-vous de cela comme guide pour gérer ces choses.
    Merci, monsieur Hicks.
    Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter à la fin de votre exposé que vous n’avez pas eu l’occasion d’ajouter?
    Non, je pense que ça va. J’aurais probablement simplement insisté sur le fait que si les parties continuent de devoir dépenser de l’argent pour assurer l’accessibilité et de leur propre poche, elles n'accepteront pas ça, et cela va hausser la barre pour ce qui est du montant qu’ils dépensent. S’il y avait un fonds disponible pour les acteurs politiques qui organisent un événement public — ou qui participent à des événements publics avec d'autres acteurs politiques —, ils pourraient avoir accès à des fonds qui pourraient les aider à assurer l’accessibilité pour les personnes handicapées.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Richards.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai beaucoup de questions, mais on verra ce qu'on peut faire. Je commencerai par M. Lavergne, du Mouvement pour la représentation équitable au Canada.
    Répondez très rapidement à cette première question, si vous le pouvez, parce que j’ai pas mal de choses à aborder. Si j’ai bien compris ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire, vous préconisez des plafonds de contribution pour les tiers. Vous préconisez que ce soient les mêmes que pour les partis politiques? C'était ça votre idée?
    Pas exactement. Je faisais remarquer que c’est ainsi qu’on a procédé en Colombie-Britannique. Il faut trouver un moyen d’arriver à un chiffre. Je n’ai pas vraiment d’opinion bien arrêtée à ce sujet. On ne cherche certainement pas à avoir plus que les partis politiques.
    D’accord, alors vous préconisiez des plafonds de contribution et vous avez mentionné la Colombie-Britannique. Vous dites que les plafonds devraient être égaux ou inférieurs à ce qu’ils sont pour les partis politiques, est-ce bien ce que j’ai entendu?
    Sans y avoir beaucoup réfléchi... Je vois que Ryan veut intervenir à ce sujet. Je vais lui laisser la parole, s’il veut ajouter quelque chose.
    Bien sûr. Soyez très bref si vous avez quelque chose à ajouter.
    Merci de m’avoir cédé la parole, monsieur Lavergne. Je vous en suis reconnaissant.
    Très brièvement sur cette question, je pense qu’il y aurait des problèmes constitutionnels à empêcher, par exemple, un syndicat, qui défend des intérêts politiques — franchement, tout le temps — au nom de ses membres, de contribuer à un tiers lorsqu’il est lui-même un tiers. Ce serait extrêmement problématique du point de vue constitutionnel. Cela revient à les empêcher de participer au débat politique.
    D'accord, c'est donc le contrepoint de ce que disait M. Lavergne.
    Concernant le financement étranger de groupes tiers, permettez-moi de vous demander, tout d'abord, si le Mouvement pour la représentation équitable au Canada reçoit des fonds de l'étranger?
    Absolument pas.
    Très bien.
    Quelle serait votre position concernant la restriction ou l'interdiction du financement étranger de groupes tiers qui participent à des élections? Que pensez-vous de cela?
    Au-delà de ce qui est déjà prévu au projet de loi...?
    Le projet de loi interdit certes l'acceptation de contributions durant l'élection...
    Durant la période préélectorale.
    ... mais pas durant la période précédant le 30 juin, c'est-à-dire pendant la quasi-totalité du cycle électoral. Ce n'est pas interdit. À votre avis, devrions-nous carrément interdire cette pratique ou en faire simplement mention, comme c'est actuellement le cas?
    Là encore, je n'ai pas d'opinion bien arrêtée à ce sujet. J'aurais tendance à penser que le projet de loi est restrictif. Selon l'interprétation que j'en fais, cette pratique est interdite durant la période préélectorale et durant la période électorale.
    La période préélectorale débute le 30 juin et se termine le jour du déclenchement de l'élection, il n'y a pas d'interdiction pour la période qui précède.
    Exact.

  (1250)  

    De toute évidence, cela veut dire que si une personne souhaite faire une contribution en fonds étrangers, elle doit s'assurer de la faire au plus tard le 29 juin. Tout le monde sait que les élections ont lieu à date fixe, je pense donc que ces dispositions n'empêchent rien.
    Quoi qu'il en soit, comme vous n'avez pas vraiment réfléchi à la question, nous allons poursuivre. Vous avez dit que votre groupe diffuse de la publicité. Vous voulez savoir si vous pouvez nommer des partis politiques ou si c'est interdit.
    Je vais imaginer un scénario et vous me direz si vous pensez que cela devrait être permis ou non. Par exemple, une organisation dit que le candidat X fait la promotion de l'enjeu Y. Or, il se trouve que cet enjeu Y correspond presque mot pour mot au message diffusé par un parti politique. Les deux messages portent donc sur un même thème. Ils vont dans le même sens. En fait, l'organisation n'est pas directement contre ou pour un parti ou un candidat en particulier, mais en réalité, en les nommant et en alignant son message sur celui du parti, elle désavantagera manifestement la personne nommée ou le candidat du parti nommé, au profit de l'autre entité.
    Selon vous, est-il souhaitable que notre projet de loi, ou n'importe quelle loi, vise à prévenir ce genre de situations?
    Oui, et c'est ce qu'il fait. Par exemple, pendant la période électorale, toute activité électorale qui porte sur un enjeu et nomme un candidat ou un parti, fait sa promotion ou s'y oppose est considérée comme de la publicité électorale. Il y a donc des restrictions à cet égard. Vous devez vous enregistrer si vos dépenses publicitaires dépassent 500 $.
    J'ai bien compris cela, mais je pensais que vous étiez contre. C'est pourquoi j'ai imaginé ce scénario.
    Ce que je disais, c'est que durant la période préélectorale, les dispositions sont très claires et différentes. Elles précisent que la publicité portant sur un enjeu ne sera pas prise en compte. Vous devez alors vous demander si, dans votre publicité portant sur un enjeu — ce qui dans votre cas serait la représentation proportionnelle —, vous dites que le parti X est favorable à la représentation proportionnelle, est-ce que cela devient de la publicité partisane tout à coup? Le projet de loi semble dire que ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas tout à fait clair. Je ne voudrais pas que nous ayons un débat à ce sujet après coup.
    Bien sûr. Je comprends maintenant où vous voulez en venir. Vous signalez une incohérence entre la période électorale et la période préélectorale. Nous allons évidemment devoir nous pencher là-dessus et apporter une modification. Quoi que nous décidions de faire, nous devons proposer un amendement pour clarifier ce point. C'est ce que vous voulez dire.
    Si c'est intentionnel, il faut que vous le disiez clairement. Et si ce ne l'est pas, il faut aussi le dire clairement. Pour le moment, ce n'est pas clair.
    J'ai compris. Comme nous mettons les bouchées doubles pour l'étude de ce projet de loi, c'est un point qui aurait pu nous échapper. Je vous remercie de l'avoir porté à notre attention. Nous devons y réfléchir pour voir quel amendement nous pourrons apporter. Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à M. O'Connor, qui représente Ontario Proud.
    L'Ontario a apporté des changements à son régime des tiers partis. L'adoption de mesures anticollusion en est un exemple. Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'expérience de l'élection qui a lieu en Ontario, ou est-ce encore trop tôt pour le dire? Si vous pensez qu'il est trop tôt pour le dire, nous recommanderiez-vous de prendre tout le temps nécessaire pour entendre d'autres groupes qui, comme vous, sont engagés dans cette élection, ainsi que des représentants d'Ontario Élections, pour nous assurer que nous tirons des leçons de cette expérience?
    J'espère que ma question est claire. J'ai simplement essayé de tout mettre ensemble parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Nous sommes préoccupés de constater qu'Élections Ontario n'applique pas les dispositions anticollusion prévues à la Loi sur le financement des élections de l'Ontario. J'ai moi-même relevé plusieurs cas de collusion entre des tiers non enregistrés et des partis politiques ou simplement avec des groupes partisans tiers qui ne se sont jamais donné la peine de s'enregistrer et qui, pourtant, font la promotion d'enjeux et de la publicité pour un tiers parti, tout en dépassant le plafond des dépenses établi dans la Loi, ce qui les obligerait à être enregistrés. Un de ces groupes semble agir de concert avec un tiers parti enregistré. Il faut vraiment que le Comité et le Parlement examinent ces dispositions anticollusion pour s'assurer que non seulement elles existent, mais qu'elles sont applicables et appliquées.
    Le projet de loi à l'étude dissiperait-il vos craintes et, dans la négative, quels correctifs devons-nous apporter?
    Le problème, c'est que ces dispositions doivent être applicables. C'est très bien d'avoir une disposition interdisant toute collusion entre un parti et un ou plusieurs tiers, mais elle doit être exécutoire.
    En Ontario, il y a des actuellement des tiers partis qui ne s'enregistrent pas. Certains d'entre eux agissent de concert avec un tiers parti enregistré et ils le font ouvertement parce que le mécanisme de surveillance de la conformité d'Élections Canada est réactif et non proactif. Élections Ontario n'interviendra que si une plainte est déposée.
    Plusieurs plaintes ont été déposées, mais elles ne seront pas traitées avant le jour du vote, jeudi. Le processus électoral pourrait donc avoir été entaché par une activité de collusion déloyale. Si cela est démontré, Élections Canada devra être très proactif et il doit avoir le pouvoir d'intervenir.
    Je ne peux exagérer l'importance des dispositions anticollusion. Elles pourraient certes être améliorées dans ce projet de loi, mais les parlementaires doivent se garder d'agir dans la précipitation. La collusion posera un problème. Dès que vous imposez un plafond de dépenses à un tiers parti, il y a des risques que ce groupe se disloque et agisse de concert avec des personnes aux idées et aux intérêts similaires; si nous n'appliquons pas les dispositions anticollusion, cela ne sert à rien de plafonner les dépenses. Il est vraiment important que les parlementaires se penchent sur cette question et je pense qu'ils devraient y consacrer beaucoup plus de temps.

  (1255)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Stetski, vous êtes notre dernier intervenant.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous, monsieur Lavergne. Je tiens à vous féliciter pour la qualité des gens qui travaillent pour votre mouvement dans ma circonscription de Kootenay—Columbia. Ils font un excellent travail. Je vous remercie aussi d'avoir mentionné la représentation proportionnelle, qui demeure en tête de nos priorités.
    Vous avez dit que votre document propose un certain nombre d'amendements. Pourriez-vous nous juste nous mentionner les deux plus importants, étant donné que j'ai aussi des questions à poser aux autres témoins?
    Les plus faciles à mettre en oeuvre seraient de préciser clairement ce qu'on entend par publicité électorale et par publicité partisane.
    Si vous voulez, je vous laisserai ce document avant de partir afin que vous puissiez en prendre connaissance et le faire circuler.
    Ce serait fantastique.
    Monsieur O'Connor, vous avez dit que vous cherchez à éliminer certaines échappatoires ayant trait à l'influence étrangère et au financement de tiers partis. Pouvez-vous nous donner des exemples de lois qui font justement cela, à votre avis?
    Je n'ai pas d'exemples précis à vous donner. Je pense que l'expérience varie d'un pays à l'autre.
    Une solution simple que je vous proposerais, d'après ma lecture du projet de loi, consisterait à étendre l'interdiction relative au financement étranger des élections à toutes les périodes. Pour vous donner un exemple, les dispositions législatives relatives aux dépenses publicitaires de tiers créent, en fait, une période entre l'élection précédente et la date d'enregistrement du tiers pendant la période préélectorale au cours de laquelle il doit déclarer les dépenses engagées ou les contributions reçues s'élevant à 10 000 $.
    Nous savons que le Parlement a le pouvoir de réglementer cela. Il est certes très important que le Parlement agisse et je pense qu'une solution simple — sans mentionner l'expérience des autres pays — consiste à étendre l'interdiction relative au financement étranger par des tiers partis ou quiconque participe au processus réglementé en vertu de ce projet de loi, à la période comprise entre la dernière élection jusqu'à la période préélectorale.
    Merci.
    Monsieur Hicks, merci d'être venu nous rencontrer au nom des Canadiens ayant une déficience. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je sais que cette question intéresse vivement tout le monde autour de la table.
    Les débats posent une difficulté particulière. En 2015, dans ma circonscription de Kootenay—Columbia, 12 débats ont eu lieu dans des collectivités et 3 dans des écoles. Pouvez-vous nous recommander des moyens pratiques pour aider les personnes ayant une déficience à participer aux débats. On parle de petites collectivités rurales. Les débats ont lieu dans des salles communautaires et des gymnases. J'aimerais vraiment savoir ce que nous pouvons faire pour mieux aider ces personnes.
    Il y a plusieurs mesures que vous pourriez prendre. Nous venons de terminer une série de consultations à travers le pays pour demander aux Canadiens ce qu'ils souhaiteraient voir dans la loi en matière d'accessibilité. Nous avons eu recours à des services de sous-titrage en temps réel afin que les gens puissent suivre les échanges à l'écran. Ce service est disponible dans des endroits éloignés. Nous l'avons utilisé à Whitehorse et à Yellowknife et à d'autres endroits où l'accès à ce genre de systèmes est plus limité.
    Le plus important, c'est de déterminer, en collaboration avec les partis, quelles mesures de soutien sont requises. Il y a plusieurs possibilités, selon l'audience qui assiste aux débats. Par exemple, nous n'utilisons pas toujours les services de sous-titrage en temps réel. Nous demandons à l'avance aux gens de nous préciser leurs besoins. Vous pourriez adopter une approche similaire. Il suffit de diffuser un avis de convocation à la réunion et de demander aux gens qui souhaitent y participer s'ils ont des besoins spéciaux. Cela vous évitera de dépenser de l'argent pour des services qui ne seront pas utilisés.
    C'est ce que nous faisons. Nous finissons parfois par dépenser de l'argent que nous n'aurions pas dû dépenser parce que nous n'organisons jamais d'événements sans un service d'interprétation en langue des signes, comme ASL et LSQ... Ce n'est pas tout le monde qui utilise la LSQ, la langue québécoise des signes, mais nous offrons ce service au cas où quelqu'un en aurait besoin. En tant qu'organisation représentant les personnes handicapées, ce service est nécessaire.
    Vous pourriez probablement trouver d'autres solutions avant la tenue d'un événement et demander aux personnes qui ont des besoins spéciaux de vous en informer à l'avance. Il ne vous sera probablement pas nécessaire d'offrir un soutien à chaque fois, mais vous pourriez demander aux personnes qui ont des besoins spéciaux de vous faire savoir de quoi elles ont besoin.
    Par ailleurs, vous devez vous assurer que le coût de ces mesures de soutien ne soit pas compris dans le montant total. Ces services sont assez chers et la facture peut grimper rapidement. C'est pourquoi nous recommandons que ces dépenses ne fassent pas partie du montant général que les partis sont autorisés à dépenser. Vous devez prévoir une disposition précisant que le coût de ces mesures ne sera pas compris dans le montant total qu'ils sont autorisés à dépenser.

  (1300)  

    Voulez-vous dire qu'il faudrait mettre un montant à la disposition des candidats et des partis ou par le biais d'Élections Canada, pour élargir l'accès aux débats?
    C'est une bonne question. Je n'ai pas de réponse pour l'instant. J'aimerais y réfléchir. Comme je siège au comité d'Élections Canada, je pourrais demander à mes collègues ce qu'ils en pensent et quelle serait, selon eux, la meilleure façon de procéder.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Je remercie nos témoins. Vos témoignages ont été très intéressants et utiles. Vous nous avez apporté un nouvel éclairage et de nouveaux points de vue et nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
    Je signale à mes collègues du Comité que j'ai pris la liberté de modifier la liste des témoins, puisque certaines personnes veulent être entendues, d'autres ne peuvent venir... J'aimerais vous demander votre avis sur deux de ces personnes. D'abord, le commissaire aux élections aimerait venir témoigner ou présenter un mémoire. Je pense que ce serait une très bonne idée. Êtes-vous d'accord? Ensuite, nous avons reçu une demande d'Angela Nagy, qui a été DGE, puis agente financière du Parti vert fédéral de Kelowna durant l'élection de 2015.
    Très bien, nous allons donc les ajouter à la liste.
    Ce matin, nous nous sommes mis d'accord pour modifier la date de comparution des témoins que nous n'avons pu entendre cet après-midi, si le vote dure tout l'après-midi.
    Monsieur le greffier, y a-t-il autre chose?
    Avez-vous une idée où nous en sommes pour l'ordre du jour de demain?
    Je n'ai pas encore tous les détails. Il y a des gens au bureau qui reçoivent les confirmations à mesure qu'elles arrivent. Je ne peux vous donner une réponse définitive, mais j'ai bon espoir que nous aurons un groupe de témoins pour les deux réunions de demain.
    Pourriez-vous nous en aviser avant la fin des nos travaux aujourd'hui?
    Assurément. Nous allons diffuser un avis de convocation pour la séance du matin et celle de l'après-midi d'ici la fin de la journée de travail.
    Je vous remercie.
    Très bien. Merci.
    La séance est levée.
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