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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 avril 2016

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    J'ai le plaisir d'accueillir notre premier témoin pour notre premier rapport de comité. Nous nous réjouissons de pouvoir compter sur son expertise, non seulement pour cette étude en particulier mais pour le travail de notre comité en général.
    Cela dit, j'aimerais vous présenter Evelyn Puxley, d'Affaires mondiales Canada. Evelyn est directrice de la Direction des relations avec l'Asie du Sud-Est et l'Océanie.
    Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Je vous propose de commencer.

[Français]

    Je suis vraiment ravie d'être parmi vous pour cette séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Je suis heureuse d'avoir l'occasion, aujourd'hui, de vous parler de la situation des Rohingyas au Myanmar.
    Ma déclaration liminaire devrait être très courte, et ensuite, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    On peut affirmer que, depuis 2010 et le départ de l'ancien gouvernement du Myanmar, ce pays et, à vrai dire, l'ensemble de la région vivent une transformation radicale. Le remplacement d'une dictature militaire par une jeune démocratie s'est déroulé de façon remarquable et a abouti, en novembre dernier, à l'élection d'un gouvernement LND majoritaire, la LND étant le parti d'Aung San Suu Kyi, citoyenne canadienne honoraire et lauréate du prix Nobel de la paix. C'est la première fois depuis 50 ans, très exactement depuis 1962, qu'un civil est élu président du Myanmar.
    Le Myanmar reste cependant confronté à d'énormes défis, notamment celui que posent les groupes armés non signataires du cessez-le-feu. Le gouvernement précédent avait en effet essayé de signer un cessez-le-feu avec tous les groupes armés, mais n'a réussi à le faire qu'avec un certain nombre d'entre eux, certainement pas avec tous. Étant donné l'intérêt que le Comité porte à la situation des minorités ethniques et religieuses, notamment à celle des Rohingyas, je dirai que, pour le Canada, la situation dans ce pays demeure très préoccupante.
    Avec votre permission, monsieur le président, je vais maintenant vous parler plus précisément de la question des Rohingyas.
    Comme vous le savez, les Rohingyas forment une minorité ethnique de confession musulmane qui vit dans l'État de Rakhine, aussi appelé État d'Arakan, où la majorité de la population est bouddhiste et appartient à la communauté ethnique rakhine.
    Cet État du Myanmar est l'un des plus pauvres. Dans la grande majorité des cas, le gouvernement birman ne reconnaît pas officiellement la citoyenneté birmane des Rohingyas, une position qui recueille malheureusement l'adhésion de la plupart des Birmans. Les Ronhingyas sont largement perçus comme des migrants économiques du Bangladesh, même si beaucoup vivent dans le pays, avec leur famille, depuis des générations. Par conséquent, la majorité est apatride. En réalité, selon le coordonnateur résident des Nations unies à Rakhine, les Rohingyas représentent le plus grand groupe d'apatrides au monde. De plus, le gouvernement birman impose d'importantes restrictions à l'exercice de leurs droits humains universels, et ils sont victimes de discrimination raciale généralisée de la part de la population.
    Entre juin et octobre 2012, les tensions qui couvaient depuis longtemps entre les bouddhistes rakhines et les Rohingyas ont entraîné des violences intercommunautaires, si bien que des centaines de milliers de Rohingyas ont été forcés de fuir leur foyer. Quelque 140 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur des frontières et, à l'heure actuelle, 120 000 musulmans demeurent dans des camps de personnes déplacées dans tout l'État de Rakhine.
    C'est à l'extrême nord, près de la frontière avec le Bangladesh, que se trouve la majorité des Rohingyas et, même s'ils ne vivent pas dans des camps, ils n'en sont pas moins isolés et fortement limités dans leurs déplacements. Par conséquent, il leur est très difficile de trouver un emploi et de subvenir aux besoins de leur famille. Bien souvent, cette situation les empêche même d'aller à l'école et d'avoir accès à des soins de santé.
    Permettez-moi de mentionner en passant qu'on a appris cette semaine qu'un groupe de musulmans avaient péri noyés lorsque le bateau dans lequel ils avaient pris place pour aller se faire soigner a chaviré. Cela vous donne une idée des difficultés que rencontrent ces gens-là.
    Il convient également de signaler que, même si les élections de novembre dernier ont été qualifiées de libres et équitables dans l'ensemble, la plupart des Rohingyas ont été privés de leur droit de vote. Bon nombre d'entre eux avaient été en mesure de voter lors des élections précédentes, mais à la suite des protestations de moines bouddhistes, surtout en 2015, et d'autres nationalistes, ce droit a été retiré à la plupart d'entre eux.
    La situation particulièrement difficile qui prévaut à Rakhine a contraint de nombreux Rohingyas à envisager l'exil. Certains ont fui vers le Bangladesh voisin, où ils vivent dans des camps de réfugiés officiels et officieux. D'autres ont décidé d'entreprendre un dangereux voyage par bateau pour se rendre en Malaisie et en Thaïlande. Il en a beaucoup été question dans les médias l'an dernier. Cette année, le nombre de ces traversées a beaucoup diminué, en raison des mesures de répression imposées par le gouvernement thaïlandais, mais il y a encore des centaines de personnes qui vont continuer à aller chercher ailleurs un avenir meilleur.

  (1310)  

    À l'époque de ces migrations, l'an dernier, le Canada a travaillé en étroite collaboration avec les gouvernements de pays ayant des vues similaires, afin de venir en aide à ces migrants, mais il est évident que ces problèmes sont toujours d'actualité.
    Le gouvernement précédent, dirigé par l'ancien président Thein Sein, a tenté dans une certaine mesure de régler la question des Rohingyas, mais sans grand succès. Il a essayé de mettre en oeuvre un processus pilote de vérification de la citoyenneté. Il a aussi préparé un plan d'action pour l'État de Rakhine, afin de s'attaquer à un éventail plus large de questions politiques, de sécurité et de développement.
    Mais un volet très controversé de ce plan prévoyait la réinstallation de personnes dans de nouvelles communautés. Le plan maintenait aussi certaines restrictions à la liberté de mouvement des Rohingyas, avec pour effet de limiter encore davantage la possibilité pour ceux-ci de trouver des moyens de subsistance et d'accéder à des services d'éducation ou à des soins médicaux.
    La deuxième partie de ma déclaration s'intitule « La démocratie n'aidera peut-être pas à résoudre les problèmes ». J'ai eu l'occasion d'échanger quelques mots sur le sujet avec des membres du Comité, juste avant le début de la réunion.
    Force est de reconnaître qu'il ne sera pas nécessairement plus facile d'améliorer la situation dans l'État de Rakhine avec le nouveau gouvernement d'Aung San Suu Kyi qui, après tout, n'est au pouvoir que depuis trois semaines.
    Le gouvernement précédent avait désigné un ex-général, du groupe ethnique bamar, c'est-à-dire birman, au poste de ministre en chef de l'État de Rakhine, de 2014 à 2015. On aurait pu penser que c'était une décision négative, mais en fait, parce que c'était un militaire, il a pu faire des choses que d'autres gouverneurs n'auraient peut-être pas pu faire, étant donné que la junte militaire contrôlait encore de nombreux aspects de la vie au Myanmar. Il est parvenu à mettre fin à la violence généralisée et à améliorer légèrement les conditions de vie dans toutes les communautés. En fait, je pense qu'au cours des 18 derniers mois, la situation s'est améliorée dans l'État de Rakhine.
    Toutefois, l'élection générale de novembre dernier, qui a amené Aung San Suu Kyi au pouvoir, s'est aussi traduite par la victoire du Parti national d'Arakan — Arakan étant l'autre nom de l'État de Rakine —, qui est formé de nationalistes bouddhistes de Rakhine et qui contrôle donc une majorité des sièges à l'assemblée législative régionale de Rakhine. Jusqu'à présent, ce parti ne semble pas prêt à collaborer avec le parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie qui est actuellement au pouvoir, et il a même boycotté l'assemblée législative régionale lorsque la LND a annoncé son intention de désigner l'un des siens comme ministre en chef pour l'État de Rakhine. Seul le temps dira si les deux partis parviendront à collaborer pour améliorer la situation sur le terrain.
    Il convient également de signaler que le gouvernement birman a déclaré à plusieurs reprises que la situation à Rakhine n'est qu'un des nombreux problèmes de minorités ethniques auxquels il est confronté. L'histoire contemporaine du Myanmar a presque continuellement été marquée par un conflit ethnique ou un autre. Il existe aussi des situations difficiles ailleurs, qui méritent notre attention, par exemple dans l'État de Kachin ou dans la région de Kokang.
    Comme je l'ai indiqué au début, il faut bien admettre que le gouvernement nouvellement élu d'Aung San Suu Kyi, le premier gouvernement démocratique depuis plus de 50 ans, est inexpérimenté et qu'il lui sera très difficile de gérer un appareil bureaucratique vaste et complexe. Il doit aussi faire face à des préjugés bien enracinés contre les Rohingyas. Il lui faudra du temps pour régler ce problème — du temps et, j'ajouterai, du soutien de gouvernements comme le nôtre.
    Cela m'amène à la dernière partie de ma déclaration, qui s'intitule « Quelles mesures le Canada prend-t-il? ».
    Jusqu'en 2013, le Canada n'avait pas de représentation diplomatique au Myanmar même, de sorte que nous suivions l'évolution de la situation depuis Bangkok. L'ouverture officielle d'une ambassade, en août 2014, nous a permis non seulement de comprendre beaucoup mieux la situation sur le terrain mais aussi de contribuer plus efficacement au développement du pays.
    Les représentants de notre ambassade rencontrent régulièrement des membres du gouvernement birman, des Nations unies, d'ONG et d'ambassades étrangères, à des fins de consultation et pour des échanges de vues sur la situation à Rakhine. Dans leurs discussions avec de hauts responsables birmans, les représentants canadiens, dont notre ambassadeur, font connaître régulièrement les préoccupations du Canada concernant les droits de la personne. Ils se sont également rendus dans des camps de personnes déplacées ainsi que dans des villages musulmans et bouddhistes dans l'État de Rakhine. En fait, des représentants de l'ambassade canadienne se sont rendus dans l'État de Rakhine à cinq reprises depuis son ouverture, en août 2014. À cela s'ajoute la tenue de réunions régulières avec des représentants rohingyas, des politiciens de Rakhine ainsi que des chefs ethniques et religieux.

  (1315)  

    Comme vous le savez, le ministre des Affaires étrangères, M. Dion, s'est rendu au Myanmar du 6 au 8 avril. La question des droits de la personne était l'objectif essentiel de sa visite. Il en a discuté avec Aung San Suu Kyi et avec le président, entre autres. Il a également rencontré des représentants des groupes de défense des droits de la personne avec lesquels nous collaborons depuis l'ouverture de l'ambassade et qui militent activement en faveur de la liberté de religion, du pluralisme, de la liberté de conscience, du dialogue interconfessionnel, des droits des GLBT, et de l'éducation civique et politique.
    Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Equality Myanmar a coordonné la contestation juridique de quatre lois religieuses qui ont été adoptées juste avant les élections de novembre et qui étaient considérées particulièrement préjudiciables à la communauté rohingya et à d'autres communautés musulmanes du Myanmar. PEN Myanmar fait la promotion de la liberté d'expression dans les langues autres que le bamar, qui est la langue birmane. Beaucoup de cinéastes qui contribuent au Festival international du film sur les droits de la personne, parrainé par notre ambassade, appartiennent à des minorités ethniques et s'emploient à rendre compte de la violence contre les musulmans et à parler des conflits interethniques. Je veux parler ici des musulmans établis partout au Myanmar, et plus particulièrement dans l'État de Rakhine.
    En 2015, le Canada a versé 6,4 millions de dollars en aide humanitaire, dont une partie s'adressait aux Rohingyas de l'État de Rakhine et aux victimes des inondations. Le Canada poursuit également ses efforts pour améliorer la situation des Rohingyas au Bangladesh, par l'entremise de notre haut-commissariat à Dacca.

[Français]

     En conclusion, je dois dire que, malgré les progrès importants de ces six dernières années au Myanmar, il reste encore beaucoup à faire. Notre ambassade à Rangoun continuera de surveiller la situation et de travailler avec ses partenaires internationaux et birmans pour promouvoir la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit dans ce pays.
    Nous continuerons à défendre les droits de tous les citoyens et résidants du Myanmar, y compris ceux des Rohingyas et d'autres minorités. Le passé récent nous permet d'envisager l'avenir avec optimisme et nous avons bon espoir qu'au fil du temps, à mesure que la démocratie et la société civile birmanes se développeront, nos efforts contribueront à créer une société plus inclusive pour les Birmans.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis prête à répondre à vos questions.

  (1320)  

[Traduction]

    Je vous remercie de votre déclaration liminaire. Vous avez soulevé un certain nombre de questions, et nous allons passer directement aux questions.
    M. Sweet est le premier nom sur ma liste.
    Je vous remercie vivement de votre déclaration, madame Puxley, car elle nous donne un bon aperçu de la situation en Birmanie, notamment en ce qui concerne les Rohingyas.
    Je m'intéresse plus particulièrement à l'étude réalisée en janvier 2015 par Human Rights Watch, qui jette un nouvel éclairage sur plusieurs points. Les choses ont-elles changé depuis? Le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Myanmar s'est rendu dans le pays en juillet 2014 et a observé que « malgré certains progrès, la situation des droits de l'homme au Myanmar reste très préoccupante, notamment celle des Rohingyas ». Le président birman de l'époque n'a pas tenu la promesse qu'il avait faite au président américain, Barack Obama, d'autoriser l'ouverture officielle d'un bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
    Monsieur le président, je ne pense pas qu'un bureau officiel du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme ait été établi au Myanmar, mais, comme je l'ai dit, le nouveau gouvernement n'est en place que depuis trois semaines. Le gouvernement précédent était très réticent à l'idée, car il estimait que la communauté internationale s'intéressait trop à la situation des droits de la personne au Myanmar. Des problèmes s'étaient posés avec des ONG internationales, qui semblaient se préoccuper exclusivement des Rohingyas, au détriment de toutes les autres minorités — ethniques et religieuses — de tous les États du Myanmar, pas seulement celui de Rakhine. C'était devenu un problème.
    Comme je l'ai dit avant le début de la réunion, la situation était très tendue en 2012, à cause des violences qui étaient survenues dans l'État de Rakhine. Il a fallu énormément d'efforts de la part du gouvernement birman de l'époque, ainsi que des ONG présentes dans le pays et des organisations onusiennes, pour ramener le calme. Il faut dire que, depuis 2012, l'État de Rakhine n'a pas connu une telle vague de violence.
    Ce que nous avons observé en 2015 était, de façon générale, la manifestation d'un sentiment anti-musulman dans le pays, pendant la période qui a précédé les élections de novembre 2015. Dans une certaine mesure, la question de l'appartenance à la confession musulmane et plus particulièrement la situation des Rohingyas de l'État de Rakhine sont devenus des enjeux tellement politisés que la communauté internationale s'est immédiatement imaginée que les quatre lois sur la religion que j'ai mentionnées tout à l'heure allaient surtout porter préjudice aux musulmans, y compris bien entendu les Rohingyas.
    D'aucuns pensaient que ces lois ne seraient pas adoptées et que, si elles l'étaient, elles seraient tellement édulcorées qu'elles auraient peu d'impact. C'est donc à la surprise de toute la communauté internationale que ces quatre lois ont obtenu la sanction du Parlement. La dynamique de la campagne électorale y était probablement favorable. C'est très regrettable, car désormais, le dispositif législatif de ce pays comprend des lois très préjudiciables à la communauté musulmane. Reste à savoir si elles seront mises en oeuvre. Encore une fois, le nouveau gouvernement n'est au pouvoir que depuis trois semaines.
    Comme je l'ai dit, ce sont là des questions que le ministre Dion n'a pas manqué d'aborder avec Aung San Suu Kyi et le président, lors de sa visite à Yangon et à Naypyitaw il y a deux semaines.
    Je suis ravi de l'entendre, car je voulais justement vous demander de quoi ils avaient discuté, dans le contexte qui nous intéresse. J'espère qu'ils ont parlé de la Constitution et des 25 % de sièges qui sont réservés aux militaires. La situation ne va jamais s'améliorer vraiment si on ne s'attaque pas à ces questions fondamentales qui sont à la fois la source et la justification d'un préjudice qui perdure, notamment contre les Rohingyas. À cet égard, j'espère que nous exerçons suffisamment de pressions, compte tenu des investissements que nous avons consentis, pour que ces questions soient réglées en priorité. J'ignore toutefois si le nouveau gouvernement a la majorité requise pour modifier la Constitution.
    Pour terminer, je voudrais poser une question au sujet de la libération d'un certain nombre d'enfants soldats. Je suppose que c'est une bonne chose. Y avait-il des Rohingyas parmi ces enfants? Le Canada va-t-il utiliser une partie des investissements qu'il a consentis pour se faire le défenseur d'un programme de réinsertion de ces enfants soldats? Il ne sera pas facile de les réinsérer dans une culture dont ils ne connaissent que la violence.

  (1325)  

    Monsieur le président, j'ignore s'il y avait des Rohingyas parmi les enfants soldats qui ont été libérés. Je vais me renseigner auprès de notre ambassade et je vous ferai parvenir la réponse.
    S'agissant de la constitution birmane, il est vrai qu'elle garantit aux militaires 25 % des sièges au Parlement. Je vous ferai cependant remarquer que ce n'est pas inhabituel en Asie du Sud-Est. En revanche, ce qui est tout à fait inhabituel et qui justifie l'optimisme prudent que j'ai affiché à la fin de ma déclaration liminaire, c'est que l'ancien gouvernement dirigé par Thein Sein —Thein Sein était un ancien général — avait pris un certain nombre de mesures dans le sens de la démocratie. C'est tout à fait inhabituel et très encourageant. Il avait autorisé des élections en novembre dernier, et il avait pris les mesures nécessaires pour que le transfert du pouvoir au nouveau gouvernement d'Aung San Suu Kyi se fasse de façon aussi pacifique que possible. C'est une première dans l'histoire contemporaine du Myanmar et, à vrai dire, de l'ensemble de la région, où un certain nombre de pays sont tentés de choisir une voie exclusivement militaire.
    La modification de la Constitution est, comme vous le savez, un exercice très délicat pour beaucoup de pays, y compris le Myanmar. Aung San Suu Kyi a compris combien il était important de collaborer étroitement avec les militaires pendant la période qui s'est écoulée entre les élections de novembre et l'assermentation de son nouveau gouvernement, début avril. Il faut que ces discussions continuent, car même si tout le monde finit par s'entendre sur la nécessité de modifier la Constitution, c'est sans doute un objectif encore trop ambitieux sur le plan politique. Il ne faut pas oublier qu'une démocratie qui garantit aux militaires 25 % des sièges au Parlement n'est qu'une démocratie embryonnaire, et non une démocratie à part entière.
    Pour terminer, j'aimerais dire, au sujet des interventions du ministre Dion quand il était là-bas, qu'il a affirmé son appui catégorique à la transition démocratique du Myanmar et à la décentralisation du pays, et qu'il s'est engagé à fournir à ce pays de la documentation sur les systèmes fédéraux susceptibles de l'aider à respecter les droits des minorités ethniques et religieuses et de renforcer la capacité de la nouvelle assemblée à fonctionner comme un vrai parlement. C'est là l'essentiel des discussions qu'il a eues avec les dirigeants de ce pays.
    Il a également rencontré des représentants des ONG et ce que nous appelons des « observateurs de la Birmanie », qui surveillent de très près la situation des droits de la personne dans l'État de Rakhine.
    Je vais maintenant donner la parole à Marc Miller.
    J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit à propos de démocratie embryonnaire. Au fur et à mesure que les pays dans cette situation s'orientent vers un système pluraliste de gouvernance démocratique, ils se heurtent inévitablement au défi que représente le développement de leur économie. La question qu'il faut se poser, c'est dans quelle mesure les projets qu'on est en train de faire passer en force dans l'État de Rakhine — je veux parler des confiscations de terres et des projets hydro-électriques — exacerbent la situation. À votre avis, dans quelle mesure les abus servent-ils de prétexte pour déplacer des populations?
    Ma deuxième question porte sur l'assistance aux réfugiés, notamment au Bangladesh. Quel type d'assistance est à votre avis le plus utile à des pays qui ne sont pas riches et qui doivent faire face à l'afflux d'un grand nombre de réfugiés?

  (1330)  

    Pour ce qui est du type d'assistance le plus utile à l'État de Rakhine, et peut-être au développement économique des Rohingyas, je crois qu'il convient de rappeler que l'ancien gouvernement du Myanmar avait pris la décision sans précédent d'interrompre la mise en oeuvre d'un projet hydro-électrique qui aurait nécessité le déplacement de milliers de personnes. Même si cela ne touchait pas majoritairement l'État de Rakhine, cette mesure montrait combien le gouvernement était sensible à l'impact de ce type de développement économique sur la population du pays, et elle a d'ailleurs été fort bien accueillie dans tout le pays.
    Le nouveau gouvernement n'a pas encore défini les contours de sa politique de développement pour l'ensemble du pays. C'est bien sûr un dossier prioritaire. Aung San Suu Kyi, ministre des Affaires étrangères et ministre principale, a déclaré qu'elle s'employait à coordonner l'aide internationale au développement dans l'État de Rakhine. Je suis sûre que nous connaîtrons bientôt ses intentions pour le court terme. Elle voudra également s'assurer que cette aide profite non seulement à l'État de Rakhine, mais aussi à toutes les régions limitrophes qui sont en proie à des conflits ethniques depuis des lustres.
    Je ne peux pas vous dire précisément quelles sont les options qui s'offrent au gouvernement du Myanmar. En ce qui concerne le gouvernement canadien, vous avez certainement pris connaissance de l'annonce qui a été faite par le ministre Dion lorsqu'il était dans ce pays. Certains de ces projets étaient en préparation depuis fort longtemps, mais ils n'avaient pas été annoncés ni mis en oeuvre. C'est ainsi que 44 millions de dollars ont été alloués à des projets visant à aider les femmes entrepreneures, et à des projets visant à s'assurer que les communautés installées dans les régions limitrophes et dans les zones de minorités ethniques, y compris l'État de Rakhine, participent pleinement à la société civile et ont les moyens de se faire entendre. C'est important si l'on veut être sûr que l'aide internationale au développement profite aux communautés les plus défavorisées.
    Dans le sillage de la première visite du ministre au Myanmar, nous étudions plusieurs options en vue de renforcer notre aide au développement. Aussi bien avec le gouvernement précédent qu'avec le gouvernement actuel, il faut que les habitants des régions éloignées — 80 % de la population de la Birmanie ou Myanmar sont des agriculteurs établis dans les zones rurales — puissent voir eux-mêmes des résultats concrets de la transition d'une junte militaire à un gouvernement démocratique.
     Je me garderai, pour le moment, de vous parler des nouveaux projets, car ils sont toujours à l'étude, mais je peux vous dire que, depuis quelque temps, l'aide que nous accordons à ce pays consiste principalement à aider les communautés locales à faire entendre leur voix au sein du processus démocratique, et notamment à aider les femmes à produire localement des denrées agricoles qui pourront être vendues sur des marchés plus vastes.
     Le Myanmar est toujours l'un des pays les plus pauvres du monde. Ce n'est pour nous une priorité de développement que depuis 2013. Notre ambassade là-bas est encore très restreinte. Dans une certaine mesure, nous essayons de rattraper notre retard par rapport à d'autres pays donateurs.

  (1335)  

    Vous avez suggéré certaines initiatives que nous devrions et pourrions prendre au Bangladesh. Le gouvernement de ce pays a créé un groupe de travail pour endiguer la traite des personnes et le trafic de migrants. Nous y avons contribué en partie par l'entremise de nos programmes d'aide humanitaire — les réfugiés rohingyas au Bangladesh dépendent beaucoup de l'aide humanitaire. En 2015, nous avons donné 750 000 $ à des agences onusiennes pour offrir une aide alimentaire et créer des possibilités d'emploi à l'intention des réfugiés installés au Bangladesh. Ce pays est aussi une priorité de développement pour le Canada. Une partie de notre budget d'aide au développement et d'aide humanitaire, qui représentait l'an dernier 70 millions de dollars, sert bien évidemment à aider les réfugiés rohingyas établis au Bangladesh.
    Madame Hardcastle.
    J'aimerais poser quelques questions à notre témoin, mais auparavant, je voudrais faire un commentaire ou simplement une observation à propos de la réponse qu'elle a donnée aux questions de mon collègue sur le type d'assistance qui est le plus utile.
    Mon expérience est très limitée, mais j'aimerais humblement proposer, puisqu'il s'agit d'une nouvelle démocratie, de lui offrir une sorte de mentorat bureaucratique, si je puis employer cette expression. C'est très informel mais c'est essentiel. J'ai joué le rôle de mentor pour la ville de Tsumeb, en Namibie, dans la période qui a suivi l'apartheid. Je me souviens qu'ils ne savaient même pas comment administrer des choses aussi concrètes qu'une décharge ou un centre de gestion des déchets, qu'ils n'avaient aucune idée de ce qu'était un centre de soins infirmiers ou un foyer d'accueil pour femmes et enfants.
    Ce n'était pas une question d'idéologie, c'était une question de savoir-faire. Ils disaient toujours: « C'est une bonne idée, mais comment allons-nous faire? » Comme nous le savons tous ici, nous avons beaucoup de compétences, et il serait bon de lancer un projet similaire.
    Le projet en question a été mis sur pied par la Fédération canadienne des municipalités et le gouvernement fédéral en 1996, donc après l'apartheid. Beaucoup de choses ont pu être réalisées parce que les Canadiens savent partager les informations. À notre époque, nous n'avons même plus besoin d'aller sur place.
    Nous avons fait venir des gens au Canada. Nous leur avons appris un tas de choses. Je ne vais pas m'attarder là-dessus, mais je pense que le mentorat bureaucratique, avec des hauts fonctionnaires et des cadres supérieurs, est extrêmement utile, ne serait-ce que pour déployer un programme, apprendre comment le mettre sur pied. Sinon, on reste coincés avec le statu quo d'une junte militaire; même si ce n'est pas ce qu'on veut, c'est la stabilité par opposition à l'instabilité, et ça fait toute la différence.
    Cela me ramène à la question de l'instabilité. J'aimerais avoir une idée plus précise de ce qu'il en est. Je sais que le pays se dirige vers un gouvernement démocratique, mais est-ce qu'il fait réellement des progrès en ce qui concerne les Rohingyas? Pour le moment, Aung San Suu Kyi ne veut même pas employer ce terme. Je sais bien que le gouvernement n'est au pouvoir que depuis trois semaines, mais les Rohingyas sont depuis longtemps dans l'impasse: « impossible de partir, impossible de rester ».
    Quelle est votre intuition? Pensez-vous que le fait de refuser d'aborder le sujet ou même de mentionner le mot soit un geste politique? Ce n'est pas parce qu'ils sont insensibles à la situation de ces gens-là, n'est-ce pas?
    Comme je l'ai dit, le nouveau gouvernement est confronté à un certain nombre de défis.
    Nous avons parlé de la situation politique propre à l'État de Rakhine, où le parti qui a recueilli le plus grand nombre de suffrages, notamment parce que la majorité des Rohingyas étaient privés de leur droit de vote, est en fait un parti nationaliste. Ils redoutent avant tout une expansion de la communauté musulmane, ce qui risquerait de compromettre la majorité rakhine de l'État. C'est une situation qu'on retrouve dans beaucoup d'autres pays, mais elle est particulièrement explosive dans un pays comme le Myanmar.
    Quant au refus d'Aung San Suu Kyi d'employer ce mot, il faut savoir que, même avant l'élection de son parti, elle est restée relativement silencieuse sur la question des Rohingyas, jusqu'à ne pas employer ce mot-là. À vrai dire, cela décrit bien la réalité politique du Myanmar, et Aung San Suu Kyi en est le reflet fidèle, malheureusement. J'ai essayé de vous donner une idée de la teneur des démarches de l'ambassade canadienne depuis sa création en 2014 et des déclarations du ministre Dion lors de sa visite à Naypyidaw et à Yangon. Je pense que ce sont des questions qui vont être difficiles à résoudre. Dans une certaine mesure, le mot même de « Rohingyas » est devenu très politisé. Pour Aung San Suu Kyi, l'attention portée à cette minorité fait peut-être ombrage aux autres difficultés que le Myanmar doit affronter avec ses minorités ethniques et religieuses. Elle s'est engagée à poursuivre le processus de paix. Comme je l'ai dit, le gouvernement n'est au pouvoir que depuis trois semaines, et il est difficile de dire ce qu'il va faire exactement. Pour répondre brièvement à votre question, je dirai que ces problèmes ne vont pas se régler à court terme, et qu'il faudra continuer d'exercer des pressions pour qu'ils soient pris en compte.
    Pour ce qui est du mentorat bureaucratique, les militaires ont été au pouvoir en Birmanie depuis 1962, grosso modo. L'un de leurs plus gros problèmes, comme je pense l'avoir dit, est l'absence d'une administration civile solide. Il n'ont tout simplement pas les fonctionnaires nécessaires pour mettre en œuvre leurs politiques. Un parlement fonctionnel et compétent est une autre chose qui leur fait défaut. Ce problème a été abordé au cours de plusieurs réunions que le ministre a eues avec les présidents et les membres du Comité des relations internationales. Le gouvernement précédent s'était aussi intéressé à la question, à l'occasion d'échanges parlementaires avec le Parlement de Birmanie. Il est vrai que le Parlement de cette démocratie embryonnaire a grand besoin d'aide et de mentorat. Je vous dirai donc que oui, il serait approprié d'offrir de la formation à la fonction publique et au Parlement de ce pays. La solution des grands dossiers prioritaires, comme la situation des Rohingyas dont nous avons parlé aujourd'hui, nécessitera du temps et de l'aide extérieure.

  (1340)  

    Madame Khalid.
    Il est très difficile pour un pays de s'orienter vers la voie démocratique. Cela peut prendre plusieurs décennies et, malheureusement, beaucoup de personnes en souffrent dans l'intervalle.
    Quelle est l'attitude des pays limitrophes face à cette situation, notamment celle des Rohingyas?
    C'est une excellente question. Nous avons déjà parlé un peu des Rohingyas au Bangladesh, à la fois des réfugiés et de ceux qui sont nés là-bas. À mon avis, le gouvernement bangladais n'a pas été très accueillant. Il ne veut pas encourager d'autres réfugiés à venir dans ce pays. Vous avez sans doute appris qu'il n'y a encore pas très longtemps, certains membres du gouvernement bangladais ont proposé de déplacer tous les Rohingyas vers une île déserte, au large de la côte. Cette proposition n'a pas abouti, mais elle montre combien il est difficile de demander au Bangladesh de respecter les droits humains fondamentaux des Rohingyas réfugiés au Bangladesh.
    En plus de l'aide humanitaire fournie par le Bangladesh, après qu'une vague de migrants a quitté l'État de Rakhine, le Myanmar et le Bangladesh, l'été dernier, les deux gouvernements ont intensifié leur collaboration, d'abord pour déterminer le lieu d'origine des réfugiés qui avaient pris place sur les bateaux, le Myanmar ou le Bangladesh. Je crois qu'environ 2 500 d'entre eux ont été rapatriés au Myanmar.
    C'est une situation extrêmement difficile. La Thaïlande, la Malaisie et l'Indonésie s'étaient entendus l'an dernier pour trouver une solution au problème des réfugiés qui avaient pris place sur des bateaux dans la mer d'Andaman. Somme toute, avec de l'aide extérieure, ils ont trouvé une solution temporaire — c'est-à-dire qu'ils ne les ont pas renvoyés au Myanmar ou au Bangladesh immédiatement. Mais ils ont bien affirmé que ce n'était qu'une solution temporaire et qu'ils attendaient de l'aide de la communauté internationale pour assurer l'installation de ces réfugiés dans des camps, autrement dit pour les recaser ailleurs.
    La situation est donc mitigée. Je pense que, dans l'ensemble, la région reconnaît qu'il faut se porter au secours de ces réfugiés pour des raisons morales et parce que c'est une obligation imposée par le droit humanitaire international, mais cela ne résout pas le problème fondamental —à savoir la discrimination dont sont victimes les Rohingyas, notamment au Myanmar. Tant que ce problème ne sera pas réglé, les Rohingyas seront toujours tentés de prendre des mesures draconiennes pour quitter le Myanmar.
    Il est vrai aussi qu'ils sont attirés par des pays comme la Malaisie et certains États du Golfe, dont les économies leur offrent des possibilités et des débouchés qui n'existent pas au Myanmar, même si, dans une certaine mesure, l'économie malaisienne a récemment perdu de son pouvoir d'attraction en raison des difficultés qu'elle connaît, tout comme celles des États du Golfe.
    Comme je l'ai dit, la situation est mitigée. Cette année, il n'y a pas eu autant de réfugiés sur les bateaux, sans doute à cause de la répression exercée par la Thaïlande contre les réseaux de passeurs de migrants et aussi pour des raisons économiques. Le désir de quitter le pays n'est plus aussi fort qu'avant.
    Merci.

  (1345)  

    Monsieur Anderson.
    Il y a quelques jours, le naufrage d'un autre bateau, avec près de 100 personnes à son bord, nous a tristement rappelé la situation que vivent ces gens-là. La plupart des personnes à bord sont portées disparues. Encore une fois, ces gens-là sont coincés dans un camp où ils n'ont pas suffisamment à manger, mais ils ne peuvent pas quitter le camp. Leur seule option est de s'enfuir en bateau, mais ils se retrouvent alors dans une situation dangereuse. Leur sort ne s'améliore pas.
    Quelles ont été les conséquences de la déchéance de nationalité qui a été décidée l'année dernière?
    Cette mesure a eu pour conséquence immédiate la suppression du droit de vote pour la plupart des Rohingyas. Elle a été prise avant les élections de novembre, apparemment en réponse à un regain de ce que je qualifierai de « nationalisme bouddhiste », qui a empêché politiquement l'ancien gouvernement du Myanmar de prendre des décisions courageuses à ce sujet.
    Quand vous avez 1,3 million de résidents du pays qui sont privés de leur droit de vote, cela veut dire, comme vous l'avez indiqué, qu'ils ont beaucoup de difficultés à avoir accès aux services essentiels et à se déplacer dans le pays. Ce n'est pas une situation qui peut durer très longtemps sans risque d'incidents violents ou même pire.
    Comme je l'ai dit, la situation est plutôt calme depuis quelque temps, et en soi, c'est quelque chose de positif. J'estime par contre que, même avec le nouveau gouvernement, la communauté internationale devra continuer de s'intéresser à ce dossier et d'offrir son aide pour trouver une solution concrète à la discrimination dont souffre ce groupe de personnes en particulier.
    J'aimerais ajouter que d'autres minorités ethniques du Myanmar ne sont pas reconnues comme des minorités ethniques. Il existe huit grands groupes ethniques, au sein desquels on dénombre 135 minorités ethniques distinctes. Les Rohingyas font partie de celles qui ne sont pas reconnues officiellement. Il y en a trois autres qui ne peuvent pas obtenir la nationalité, c'est donc une mosaïque particulièrement complexe de groupes minoritaires ethniques et religieux.
    Une amélioration de la situation n'est guère envisageable pour l'instant, et c'est la raison pour laquelle l'ambassade et les représentants du gouvernement actuel et du gouvernement précédent ne manquent jamais d'aborder ces questions chaque fois qu'ils se rendent dans ce pays ou qu'ils rencontrent ses représentants.

  (1350)  

    Je dois vous dire que la réponse du Canada et les déclarations du ministre m'ont déçu, car celui-ci n'a pas su dire que cette situation représentait une atteinte à la liberté religieuse et une attaque contre un groupe particulier en raison de ses croyances religieuses. Comme je l'ai dit, je ne pense pas que la situation va s'améliorer. On a l'impression que le gouvernement actuel utilise les mêmes porte-parole que son prédécesseur. Le ministre actuel des Affaires religieuses a même osé faire une distinction entre les vrais citoyens et les citoyens associés, ce qui n'aide guère à résoudre le problème.
    J'encourage le gouvernement à se prononcer clairement sur ce dossier-là. On peut faire des déclarations générales sur les droits de la personne, c'est certainement utile, mais quand on fait face à une situation pareille, je pense qu'il faut la dénoncer sans ambiguïté. Je ne sais pas ce que vous allez pouvoir me dire. Je sais que je vous mets sur la sellette et que vous n'êtes sans doute pas en mesure de me répondre.
    Est-ce que les sanctions serviraient encore à quelque chose? Il en a été question aux États-Unis, et je me demande quelle est la position de notre gouvernement là-dessus.
    Comme vous le savez, à une certaine époque, le Canada avait imposé des sanctions très sévères contre le Myanmar, mais la plupart ont été levées en 2012, après les réformes mises en œuvre par le gouvernement de Thein Sein. Nous maintenons des sanctions contre certaines personnes et certaines entités qui étaient associées à la junte militaire et notamment à la répression des troubles civils. Comme beaucoup d'autres pays, nous continuons de contrôler l'exportation d'équipements militaires. Depuis les élections de novembre dernier et avec l'installation d'un nouveau gouvernement, il est évident que nous sommes en train de réexaminer l'efficacité de ces sanctions. Disons que, pour l'instant, nous n'avons pas pris de décision.
    Le Canada, comme les États-Unis et l'Union européenne, maintient un certain nombre de sanctions contre le Myanmar, probablement en attendant de constater des améliorations concrètes dans le pays.
    Je crois que M. Tabbara veut intervenir.
    Je vais essayer d'être bref. Nous avons parlé des Rohingyas et de leur appartenance à la confession islamique qui les confine dans des camps pour personnes déplacées, sans aucune possibilité de se déplacer librement.
    Il y a quelques jours, au Myanmar, la conseillère d'État Aung San Suu Kyi a promis de modifier la Constitution dans l'intérêt des groupes ethniques minoritaires. Pensez-vous que cet engagement démocratique aura un impact sur la situation des Rohingyas, dans un avenir pas trop lointain?
    L'une des premières choses qu'a faites Aung San Suu Kyi a été d'annoncer la libération de prisonniers politiques, ce qui est une mesure positive. Elle a aussi réussi à faire adopter par le Parlement un projet de loi la nommant conseillère d'État, ce qui est l'équivalent de première ministre, étant donné qu'elle ne pouvait pas devenir présidente.
    Cela n'aura pas d'impact sur la situation des Rohingyas, si ce n'est qu'elle pourra officiellement décider de l'orientation du nouveau gouvernement. Elle a toujours dit, sans aucune ambiguïté, aussi bien avant qu'après la création du poste de conseiller d'État, qu'elle serait l'éminence grise du président. Dans la mesure où elle est, à toutes fins pratiques, la première ministre du pays et, comme l'a dit le ministre Dion, sa dirigeante de facto, elle aura bien sûr la responsabilité de s'attaquer à tous les problèmes qui se posent dans son pays.
    Quant à savoir si sa position de conseillère d'État aura un impact immédiat sur la situation des Rohingyas, je ne le pense pas.
    Comme je l'ai dit, l'État de l'Arakan, où vivent principalement les Rohingyas, a élu un parti nationaliste qui est très réticent à l'idée de collaborer avec Aung San Suu Kyi sur quelque dossier que ce soit, et encore plus à l'idée de reconnaître les droits des Rohingyas. Je ne m'attends pas à des changements importants à court terme, et c'est pour cette raison que la communauté internationale doit apporter son aide et son soutien.
    La bonne nouvelle, qui nous permet de rester optimistes, c'est que le Myanmar s'est doté d'un régime démocratique, qui donne en principe à toutes les communautés le droit de se faire entendre par l'entremise du Parlement, des ONG et de la société civile. La création d'une presse libre a été l'un des événements les plus remarquables qui se sont produits au Myanmar au cours des cinq dernières années, d'autant plus que c'est sans doute la presse la plus libre de tous les pays de l'Asie du Sud-Est. La reconnaissance du droit des ONG et des groupes civils de s'organiser librement a été un autre événement particulièrement remarquable.
    Cela signifie-t-il que les choses vont changer du jour au lendemain pour les Rohingyas? Non. Il va falloir donner du temps au temps.

  (1355)  

    Madame Hardcastle, vous avez à peu près trois minutes.
    Non, merci.
    Très bien.
    Sur ce, madame Puxley, je vous adresse tous mes remerciements. Vous avez su nous faire partager votre expertise alors que nous entreprenons notre étude. Merci d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui, de nous avoir brossé un tableau de la situation et d'être rentrée dans les détails de certains dossiers, en réponse à nos questions.
    Au nom du Sous-comité des droits internationaux de la personne, je vous remercie très sincèrement d'être venue.
    Merci de votre invitation.
    Avant de lever la séance, pouvons-nous nous réunir à huis clos pendant une minute pour régler une question interne?
    Bien sûr.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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