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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 mai 2016

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Soyez les bienvenus à la 14e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Nous poursuivons notre étude sur les blessures de stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique chez les agents de la sécurité publique et les premiers intervenants. Nous souhaitons la bienvenue à nos invités et à nos témoins.
    Chers collègues, je tiens seulement à dire que, à midi, nous accueillerons un autre témoin, le Dr Paul Frewen. Comme, aujourd'hui, nous n'entendons que trois témoins, plutôt que les quatre habituels, je propose que nous terminions la séance 15 minutes plus tôt, vers 12 h 45. Ensuite nous demanderons au sous-comité du programme et de la procédure de rester encore 15 minutes pour examiner la liste des témoins des quelques prochaines séances, après quoi nous pourrions être libres dès 13 heures.
    Ce programme vous convient-il? S'il s'avère que vous voulez plus de temps avec les témoins, nous le ferons, mais je pense que nous devrions avoir assez de temps.
    Notre premier témoin sera M. Zul Merali. Chaque témoin dispose d'une dizaine de minutes. Nous aurons donc 20 minutes pour les exposés, les membres poseront des questions, après quoi nous accueillerons le Dr Frewen.
    Soyez le bienvenu, monsieur Merali. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez et il me tarde d'entendre vos propos édifiants.
    Je suis vraiment honoré d'avoir été invité à vous livrer un exposé et à discuter de cette question avec vous. Plutôt que de faire un gros exposé magistral, je vais plutôt favoriser le dialogue, parce que je sais que, pendant vos délibérations, jusqu'ici, vous avez entendu beaucoup d'exposés sur le fléau de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique qui touche toutes sortes de victimes, notamment les premiers intervenants et les agents en uniforme ainsi que les populations des Premières Nations. Je suis sûr que vous avez été bien informés des très grandes souffrances de leurs camarades, de leurs familles et de leurs amis, mais je suis ici pour vous dire pourquoi je crois que la situation ne s'améliore pas.
    J'entends beaucoup de statistiques troublantes sur une augmentation du taux de syndrome de stress post-traumatique, avec le retour du personnel d'Afghanistan, sur les coûts de la marijuana thérapeutique, censés atteindre quelque 30 millions de dollars, et sur les taux de suicide qui, loin de diminuer, augmentent.
    Je voudrais vous faire connaître mon opinion sur la façon par laquelle nous pourrions, collectivement, infléchir ces statistiques. Mon appel serait que nous devons prendre la recherche et l'innovation beaucoup plus au sérieux que nous l'avons fait jusqu'ici, parce que, si nous ne modifions pas nos méthodes, nous ne pouvons pas nous attendre à des résultats différents. C'est vraiment par la recherche et l'innovation que nous allons obtenir des résultats différents.
    Remettons un peu les pendules à l'heure. Nos traitements ne sont efficaces que pour le tiers des victimes de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique — le tiers seulement. Un autre tiers ne réagit pas trop bien. Il n'est donc pas apte au travail. Le dernier tiers ne réagira à aucun traitement, quel qu'il soit. Peu importe ceux dont nous disposons, ils ne changeront rien à sa situation.
    Nos traitements commencent à faire effet beaucoup trop lentement, et leur effet n'est pas très durable. Pourquoi? Parce que nos méthodes de diagnostic et de traitement laissent beaucoup à désirer. Elles ont bien besoin d'être améliorées.
    Parlons d'abord des traitements ou plutôt de l'absence de traitements convenables.
    Comme je l'ai dit, le tiers de nos patients, seulement, a droit à une rémission, tandis que les deux autres tiers continuent de souffrir. Même dans le tiers qui réagit favorablement, beaucoup rechuteront dans la première année. Nous n'accepterions pas un tel résultat contre le diabète ou les maladies du coeur. Pourquoi l'acceptons-nous pour la maladie mentale? Cela dépasse vraiment mon imagination. Nous devons faire beaucoup mieux.
    L'un des problèmes est que nous continuons à diagnostiquer les maladies mentales par leurs symptômes. On demande aux patients comment ils se sentent, puis de décrire leurs symptômes en fonction d'une liste de contrôle. À un moment donné, on leur dit qu'ils ont franchi tel seuil, ce qui entraîne tel diagnostic.
    Cependant, vous et moi, nous connaissons tous la variabilité considérable des symptômes exprimés par les patients, les symptômes dont ils souffrent ou dont ils ont souffert et qu'ils veulent décrire et dont ils veulent parler. Ils sont très variables. Par exemple, il peut exister divers symptômes émotifs, notamment la dépression, l'inquiétude, des sentiments intenses de culpabilité et l'émotivité. Diverses idées peuvent s'imposer à notre esprit, notamment des souvenirs et des troubles du sommeil. Il existe aussi divers symptômes physiques: neurologiques, respiratoires, musculo-squelettiques et cardiovasculaires.
    Les symptômes peuvent se manifester des mois ou des années après un épisode traumatique. Ils le peuvent après un seul épisode ou après une série prolongée d'expériences traumatiques, comme dans les situations multiples de combat.

  (1110)  

    Ce que j'essaie de décrire, c'est la variabilité considérable des facteurs précipitant la dépression et le syndrome de stress post-traumatique, et l'expression de ces symptômes est variable d'une personne à l'autre.
    Ensuite, il y a les échelles de diagnostic entièrement fondées sur les symptômes. Nous n'avons pas d'analyses de sang ni de scanographies du cerveau. C'est le genre d'analyses que nous considérons maintenant comme normales pour les maladies du coeur, le cancer et d'autres maladies physiques, mais pas pour la maladie mentale. Nous n'avons rien de tel. Il s'ensuit que deux personnes peuvent éprouver des symptômes extrêmement différents, pourtant elles recevront le même diagnostic et finiront peut-être par recevoir le même genre de traitement. Pas étonnant que nos traitements échouent.
    Pourquoi sommes-nous dans cette situation fâcheuse? Pourquoi ces états sont-ils si différents des autres cas médicaux? C'est ce qu'ils sont, après tout. Je pense que nous devons commencer à nous concentrer un peu plus sur la biologie, parce que, actuellement, nos diagnostics en font fi. Ils sont tous fondés sur les symptômes. Nous devons aussi trouver des biomarqueurs grâce aux analyses de sang et aux scanographies du cerveau.
    D'importantes percées de la technologie ont eu lieu en génétique et en imagerie. Nous venons d'investir beaucoup de ressources dans la création d'un centre d'imagerie cérébrale au Royal. En effet, nous voulions nous doter d'une fenêtre pour l'observation du cerveau vivant.
    Comment traiter un organe sans le voir? On confie sa voiture au mécanicien, sachant qu'il en connaît le fonctionnement. Il peut la voir, ouvrir le moteur et sentir comment il fonctionne. Pour le cerveau, c'est impossible. Il est inaccessible et à l'abri dans sa boîte crânienne. On ne peut pas le sentir, le faire battre ni y déceler de masses comme pour le cancer. Pour savoir ce qui s'y passe, il faut pouvoir jeter un coup d'oeil dans le cerveau vivant, par une sorte de biopsie non intrusive, qui permet de savoir ce qui s'y passe.
    Nous savons que la maladie mentale vient du cerveau. Nous avons besoin de regarder. Pas seulement pour trouver des anomalies anatomiques. Je ne crois pas qu'il y en aura. Ce qui arrive, c'est que certains circuits commencent à mal fonctionner. Nous devons trouver lesquels. À quel endroit certains symptômes s'expriment-ils? Comment pouvons-nous utiliser les technologies actuelles et d'autres moyens pour mieux diagnostiquer — plus tôt et plus précisément — les causes de la maladie pour que nous puissions appliquer un traitement individualisé, comme pour les autres maladies?
    Par exemple, en cas de cancer on obtiendra une scanographie, qui permettra de déterminer les régions du corps où des tumeurs sont visibles. Ensuite une biopsie permettra de déterminer le type de cellule. Puis une analyse spectrale de la cellule permettra de choisir une chimiothérapie très précise pour ce type de cellule, qu'on entreprendra. Tout est scientifiquement fondé.
    Je rêve au jour où nous parviendrons à ce degré pour les maladies mentales. Nous devons être beaucoup plus précis et personnaliser davantage les traitements, parce que nous constatons que le même traitement pour tous ne donne pas de résultats. Nous ne pouvons pas nous attendre à de meilleurs résultats avec les mêmes méthodes. Nous pouvons affecter toutes les ressources que nous voulons à ces traitements, mais nous en connaissons les taux de réussite. Pourquoi ne pas investir dans une solution qui débloquera la situation?
    J'ai pensé me présenter ici non pour vous raconter une belle histoire mais pour vous présenter les faits tels qu'ils sont, exposer certaines difficultés que nous éprouvons, parler de l'inefficacité de nos traitements et présenter un élément de solution pour nous sortir de l'impasse actuelle.

  (1115)  

    Je crois vraiment que l'investissement dans la recherche et l'innovation sera l'issue que nous cherchons, une meilleure qualité de vie pour ceux qui souffrent en silence. Nous pouvons, tant que nous voulons, indemniser les victimes. Le problème ne fera que s'aggraver si nous ne le maîtrisons pas. Il nous faut arriver à comprendre le dérèglement, pas seulement pour personnaliser les traitements, mais aussi, plus en amont, pour prévenir la maladie et éviter ce tourment aux victimes.
    Je m'arrête ici, pour vous laisser la parole, prendre connaissance de vos questions, parce que c'est vraiment un appel à l'aide que j'ai lancé.
    Merci pour cet exposé. Souvent, nous accueillons des chercheurs qui nous vantent leurs travaux dans l'espoir d'un peu plus de financement, en pensant qu'ils nous impressionneront. D'autres viennent nous dire qu'ils sont dans l'ignorance et qu'ils ont besoin de plus de financement pour y mettre fin. C'est intéressant, et votre témoignage est très utile. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci pour cette évaluation honnête.
    Madame Aiken, nous allons vous entendre puis nous passerons aux questions.
    Merci. Je suis Alice Aiken, directrice scientifique de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans et professeure à l'Université Queen's.
    Je vais vous parler d'un modèle qui, à mon avis, fonctionne bien et pourrait répondre à vos besoins, le modèle que nous employons. J'ai eu l'avantage de participer à une réunion qui a eu lieu à Regina, sur la même question. L'honorable Michel Picard y assistait aussi.
    Je recommanderais vivement au Comité de penser plus loin qu'au seul syndrome de stress post-traumatique et de focaliser son esprit sur toute la santé mentale. Sinon, si vous ne voyez que le syndrome, on le diagnostiquera chez beaucoup de patients qui en sont indemnes, alors que, comme vient de le dire mon estimé collègue, nous peinons à trouver les bons traitements. Un diagnostic général erroné ne sera, pour commencer, utile à personne. Je vous recommande vivement de penser plus loin que le syndrome de stress post-traumatique et de réfléchir plus globalement à la santé mentale.
    Cette affirmation s'appuie notamment sur notre spécialisation dans la recherche sur la santé des militaires et des vétérans. D'excellentes données épidémiologiques nous montrent les nombreuses influences qui peuvent agir sur les troubles de la santé mentale, en plus de notre propre biologie. Mentionnons les influences sociales, culturelles et les influences du vécu, et l'un des meilleurs exemples est venu d'une étude à très grande échelle effectuée au Royaume-Uni sur des militaires revenus du combat avec des problèmes de santé mentale. Aux États-Unis, le trouble le plus diagnostiqué est le syndrome de stress post-traumatique; au Canada, c'est un trouble dépressif majeur. Au Royaume-Uni, c'est la beuverie. Les diagnostics, pour les trois, sont reliés mais, visiblement, des différences culturelles pourraient les expliquer.
    Retenez simplement ceci: la focalisation sur le seul syndrome de stress post-traumatique n'est pas l'idéal.
    Comme je l'ai dit, il y a environ sept ans, nous avons mis sur pied l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. Et respectant les propos du ministre Oliphant, nous avons commencé sans argent, parce que c'était la chose à faire et une bonne idée. Bien sûr, je suis très peu objective, étant moi-même ancienne combattante et mariée à un ancien combattant. J'ai pensé, donc, que c'était extrêmement important.
    Cet institut était sans lien de dépendance avec la Défense nationale et les Anciens Combattants, mais il fonctionnait en consultation avec ces deux ministères. Les deux ont reconnu qu'ils avaient besoin de recherche indépendante pour influer sur leurs politiques, leurs pratiques et leurs programmes de santé. Le lien visé était avec le milieu universitaire. J'espère que, dans notre pays, nous nous apercevrons que beaucoup de nos meilleurs chercheurs, les plus brillants, se trouvent dans des universités, à qui le gouvernement devrait pouvoir s'adresser pour obtenir ces réponses.
    En fait, nous opérationalisons pour le compte de la Défense nationale et des Anciens Combattants une assez importante offre à commande pour leurs idées de recherche adressées au milieu des chercheurs. Nous formons un réseau de 41 universités canadiennes et de plus de 1 000 chercheurs voués à la recherche sur les besoins du personnel militaire, des anciens combattants et de leurs familles en matière de santé. Travaux publics a, en fait, cité notre relation avec les deux ministères en modèle de collaboration entre l'État et les universitaires. Nous en sommes assez fiers.
    Une autre décision prise dès le début a été de ne pas limiter les domaines de recherche. Nous voulions vraiment nous focaliser sur la population, qui, je pense, est très semblable à celle que vise votre mandat. Dans votre cas, c'est le personnel chargé de la sécurité publique, c'est-à-dire les premiers intervenants, les agents de correction, les préposés au 911, le personnel chargé de la sécurité publique au sens large. Pour notre part, nous nous occupons des militaires, des anciens combattants et de leurs familles.
    L'immense majorité de la recherche se fait en santé mentale, mais nous en faisons aussi en santé physique, dans les technologies nouvelles, les nouveaux produits de santé et la santé au travail. Phénomène vraiment remarquable, les différents domaines de la recherche commencent maintenant, dans de nombreux cas, à avoir des points en commun. Par exemple la technologie permet aux enfants des familles de militaires qui se déplacent d'un endroit à l'autre au pays de continuer à être traités par le même psychologue, grâce aux médias sociaux et à la technologie. Il s'agit de domaines qui coïncident partiellement, et c'est vraiment une bonne chose.

  (1120)  

    Je crois qu'il incombe à notre gouvernement de veiller à ce que les décisions en matière de politique ou de programmes soient fondées sur des données probantes, car de telles données existent — et je vous parle à titre de contribuable plutôt que de chercheuse. Il y a des données probantes. Elles ne sont toutefois pas toujours mises à profit et utilisées au meilleur de nos capacités. Je crois que le milieu universitaire est là pour vous aider à ce chapitre.
    Je vais m'arrêter ici. Je serai ravie de répondre à vos questions, mais je tiens simplement à dire que nous l'avons déjà fait. Nous sommes heureux d'aider tout groupe qui souhaite mettre en place des organisations similaires pour la sécurité publique, mais j'adhère tout à fait à la vision de M. Merali selon laquelle tout doit commencer par la recherche. Le fait de cibler un seul traitement ou de financer aveuglément des programmes de traitement ne réglera pas le problème. Nous devons retourner aux recherches, en nous attardant notamment à la science très fondamentale et aux nouvelles techniques de diagnostic.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons commencer la période de questions. Le premier intervenant est M. Erskine-Smith.
    Ma première question est simple. J'ai remarqué lors de la table ronde qu'il y avait une discussion sur la terminologie et la différence entre le syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT, et les blessures de stress opérationnel, ou BSO. Croyez-vous qu'il soit plus logique d'employer désormais l'expression BSO?
    Le SSPT représente un diagnostic officiel, contrairement aux BSO. Les recherches démontrent que les antécédents de traumatismes vécus pendant l'enfance peuvent prédisposer une personne au SSPT. Il se peut que des problèmes sous-jacents de santé mentale émergent à la suite de BSO. Je dirais que les BSO englobent plus d'éléments, y compris une condition qui existe déjà ou une cause liée à l'emploi. Je crois que le terme est bel et bien plus vaste, et il ne s'agit pas d'un diagnostic.
    Le terme laisse entendre qu'une partie du problème n'est peut-être pas attribuable à un trouble de santé mentale, ce que bon nombre de recherches examinent à l'heure actuelle. Il peut s'agir d'un préjudice moral, un élément dont il est important de tenir compte aussi.
    Je suis d'accord avec Mme Aiken. Je vais aux États-Unis la semaine prochaine, où l'organisation One Mind est sous la direction du général à la retraite Peter Chiarelli. Cet homme me dit que les États-Unis aimeraient avoir la même approche que nous, au Canada. Les BSO permettent aux gens de se sortir des problèmes relatifs aux préjugés et au diagnostic, et les incitent à obtenir de l'aide et des traitements. Le terme BSO englobe aussi toutes sortes d'éléments. Nul besoin que les blessures soient affectives; elles peuvent être physiques, ou à la fois physiques et affectives. Les BSO englobent tous ces aspects, de sorte qu'il s'agit d'un bon terme à employer.

  (1125)  

    Monsieur Merali, vous avez parlé de l'échec lamentable des approches actuelles et du besoin d'intensifier la recherche et l'innovation. J'aimerais que vous soyez plus précis. Vous avez parlé d'établir des biomarqueurs. Pouvez-vous nous expliquer les investissements supplémentaires qui seront requis si nous souhaitons adopter de meilleures pratiques?
    Permettez-moi de vous demander en contrepartie ce que vous diriez s'il était question du cancer. Les investissements sont massifs, et des étapes déterminantes ont été franchies, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir aussi. Il en va de même sur le plan de la maladie mentale. Il est difficile d'évaluer le coût de la solution. La solution existe, mais nous devons parcourir le chemin qui nous en sépare. Que faudra-t-il? Je ne peux honnêtement pas vous répondre, mais je peux vous assurer que si nous n'allons pas de l'avant, nous n'atteindrons jamais les solutions que nous voulons.
    En deuxième lieu, je peux vous dire que les choses semblent être très prometteuses. Les nouvelles technologies à notre disposition sont exploitées pour d'autres maladies. Nous devons nous réoutiller.
    Vous avez parlé de biomarqueurs et d'imagerie, mais ce n'est pas un domaine que je connais bien. Pourriez-vous nous donner des exemples de direction à prendre?
    Je pense que nous misons beaucoup sur l'imagerie cérébrale. En fait, c'est parce que l'expression des symptômes de la dépression ou du SSPT, entre autres maladies mentales, est très variable. Nous devons mieux comprendre l'origine du trouble. Où se trouvent les circuits du cerveau responsables de l'expression de ces symptômes? Lorsque nous le découvrons, nous pouvons retourner à la source pour voir où les choses tournent mal, et comprendre les mécanismes neurochimiques qui grillent les circuits. Nous pouvons ensuite corriger la situation. Il est impossible de trouver des façons de régler le problème sans voir et identifier ces circuits.
    Vous avez dit que c'est prometteur. En termes simples, sommes-nous près d'y arriver?
    Je pense que nous faisons beaucoup de progrès à ce chapitre. Le fait est que ces étapes ou outils n'ont pas été faciles d'accès pour les chercheurs en santé mentale. Voilà pourquoi le tomographe que nous avons au Royal sera dédié à la santé mentale et à la neuroscience. C'est probablement un des rares appareils au monde qui y sera consacré. Nous devons avoir librement accès à l'appareil pour pouvoir régler nos problèmes.
    La recherche nous donne une idée des progrès qui pourraient être réalisés. Nous pouvons par exemple voir le cerveau des personnes atteintes de SSPT. Un chercheur américain du nom d'Alex Neumeister a publié la preuve qu'en regardant des imageries du cerveau, nul besoin d'être un neuroscientifique pour faire la différence entre une personne qui souffre du SSPT et une personne appartenant au groupe témoin, étant donné que le cerveau s'illumine comme un arbre de Noël. Certains récepteurs du cerveau fonctionnent vraiment mal, et nous pouvons le voir.
    Le diagnostic est donc un exemple.
    Voici un autre exemple. L'Américaine Helen Mayberg a fait beaucoup de travail et a pu identifier, grâce à des imageries cérébrales, les patients qui répondront mieux au traitement pharmacologique et ceux pour lesquels la psychothérapie sera préférable. Lorsqu'un patient reçoit un diagnostic, ne serait-il pas bien que des données probantes prévoient à quel traitement il répondra le mieux?
    Ce ne sont que quelques exemples.
    Merci beaucoup.
    Madame Aiken, vous étiez plus optimiste à propos des solutions, et du fait qu'il existe déjà des solutions efficaces. En ce qui a trait aux agents de la sécurité publique, j'aimerais que vous nous donniez des exemples précis que l'armée a peut-être déjà examinés.
    Je vais vous donner un exemple très précis qui n'a rien à voir avec le volet technologique.
    L'armée a mis sur pied un programme fort réussi du nom de En route vers la préparation mentale. Vous devez tous en avoir entendu parler puisque vous hochez la tête. Nous avons pu mettre en communication les concepteurs militaires du programme avec des chercheurs afin d'adapter l'initiative aux étudiants universitaires, à l'industrie et à la GRC. Il s'agit plutôt d'un programme de prévention qui commence à l'arrivée de la nouvelle recrue et se poursuit avant et après le déploiement, entre autres. Le programme accompagne les gens et contribue à vaincre les préjugés entourant la santé mentale.
    Il s'agit d'un exemple très concret d'initiative conçue dans l'armée, puis adaptée à des gens qui vivent l'envers de la médaille au sein de la GRC, puis au grand public, au sein des universités et des industries.

  (1130)  

    Je vous remercie.
    J'aimerais simplement demander une petite précision à M. Merali. En plus de l'imagerie, des travaux sont-ils aussi réalisés sur le plan du séquençage génomique?
    Tout à fait.
    Est-ce qu'ils démontrent...?
    Oui, les efforts commencent à donner des résultats. Il a fallu du temps. Il est intéressant de constater que les aberrations génétiques percevables chez les patients atteints de troubles mentaux semblent être accompagnées d'une foule de gènes à la fois. Il ne s'agit pas d'une corrélation simple entre un gène et une maladie. C'est ce que nous souhaitions, mais ce n'est pas la réalité. Un grand nombre de gènes semblent changer simultanément, et la manifestation de différentes maladies mentales en découle. Nous commençons tout juste à pouvoir identifier des signatures génétiques que nous pourrons retracer jusqu'au patient, au moyen d'études d’association pangénomique et de quantités énormes de données — il faut donc des milliers de sujets. Pour l'instant, les données portent sur un groupe, mais les choses commencent à être prometteuses.
    Pendant un certain temps, j'étais très pessimiste quant aux chances de réussite du côté de la génétique, ce pour quoi nous investissions dans l'imagerie. Le volet génétique vaut toutefois la peine d'être exploré, et je pense que les choses progresseront davantage d'ici quelques années, notamment en matière de prédiction des idées et des tentatives de suicide.
    Monsieur O'Toole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Aiken et monsieur Merali, je vous remercie infiniment de votre travail. Vos instituts réalisent tous les deux des travaux fort importants. J'ai eu la chance de me familiariser avec ce que vous faites et de faire votre connaissance à tous les deux. J'aime votre passion.
    Monsieur Merali, j'ai trouvé une chose intéressante. J'ai eu l'occasion de voir une partie de vos travaux en matière d'imagerie, et je pense vous avoir dit que nous avons entendu le témoignage de la Dre Ruth Lanius, de l'Université Western. Elle nous a montré des images d'un couple à la suite d'un accident de voiture et d'un traumatisme terribles. Intuitivement, les membres du Comité peuvent facilement comprendre comment l'imagerie permet de savoir si un traitement a été efficace ou non.
    Vous avez parlé de prévention. Il en était souvent question auparavant. J'ai rencontré des anciens combattants blessés lorsque j'étais ministre, et certains m'ont dit qu'on n'aurait jamais dû les laisser entrer dans l'armée, en raison d'un traumatisme vécu durant l'enfance ou de toutes sortes de motifs. Cela m'a toujours préoccupé, car j'aime le fait que les militaires rejoignent l'armée sur une base volontaire. La technologie permet-elle de savoir quelles personnes pourraient être prédisposées à des BSO ou à un traumatisme mental? Croyez-vous qu'elle devrait être employée?
    C'est une excellente question, et elle est tendancieuse. La réponse n'a rien de simple, mais nous réalisons déjà des examens pour déceler d'autres maladies. Nous vérifions par exemple le taux de cholestérol, avant que la personne ne soit victime d'une crise cardiaque, ce qui lui permet de prendre des mesures correctives au moyen d'exercice et de statines dans le but de prévenir tout événement cardiovasculaire. Si des indicateurs vous montrent que vous êtes sur cette voie, vous pourrez prendre des mesures correctives.
    Le fait de déceler ces indicateurs ne constitue pas une condamnation; ce ne sont que des indices, tout comme le taux de cholestérol. Le fait d'avoir un taux de cholestérol élevé ne garantit aucunement qu'une personne fera une crise cardiaque, mais il s'agit d'un avertissement. Si nous pouvions trouver ces signes, ils nous seraient extrêmement précieux.
    Je pense qu'il s'agit d'un spectre continu. Il serait fort utile d'examiner les indicateurs précoces qui pourraient donner lieu à une condition découlant d'une aggravation du biomarqueur, car nous saurions ensuite que la personne profiterait de ce genre de formation sur le renforcement de la résilience, ou de quoi que ce soit d'autre, et pourrait ainsi éviter tout événement indésirable. Je pense que ces biomarqueurs sont fort importants non seulement pour le diagnostic et pour le traitement, mais aussi pour nous indiquer quelles personnes peuvent avoir besoin de certains types d'interventions précoces afin de modifier leur trajectoire et leur fonctionnement de demain.

  (1135)  

    Merci.
    Vous avez parlé de formation sur la résilience. Madame Aiken, vous avez mentionné le programme En route vers la préparation mentale, et avez dit que cet important travail réalisé par les militaires et les anciens combattants, avec votre participation, avait aidé l'armée avant d'être mis à la disposition des premiers intervenants, puis retravaillé quelque peu pour servir à d'autres populations. Au sein du nouveau gouvernement, plusieurs ministères ont pour mandat d'adopter une stratégie nationale sur le SSPT chez les premiers intervenants. Voilà pourquoi nous menons cette étude importante.
    Comment croyez-vous que votre Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, ou ICRSMV, pourrait servir à ce chapitre, étant donné qu'elle réunit 41 universités et groupes d'experts? Vous avez contribué à la création d'un réseau de chefs de file dans certains services en uniforme. Je serais inquiet qu'une autre université ou organisation tente soudainement de recréer exactement la même structure pour un autre type de service en uniforme. Croyez-vous que l'ICRSMV est sur le point de remplir des fonctions qui vont au-delà de ceux qui portent l'uniforme au sein des Forces armées canadiennes? Pensez-vous que votre mandat pourrait s'étendre aux services correctionnels, au service d'incendie et à la police?
    Les premiers intervenants ont toujours fait partie des discussions de l'ICRSMV, et à notre conférence, il y a toujours des présentations sur les recherches entourant les premiers répondants. C'est bel et bien un sujet que nous avons dans notre mire depuis toujours. À vrai dire, bon nombre des chercheurs qui s'intéressent aux populations de militaires et d'anciens combattants se penchent aussi sur les premiers intervenants. Ce sont les mêmes personnes qui font le travail, étant donné qu'elles sont spécialistes de leur domaine de recherche et qu'elles peuvent cibler une population donnée.
    C'est plutôt sur le plan politique qu'il y a eu des accrocs. En fait, les premiers intervenants ne se considèrent pas comme des militaires et des anciens combattants, et inversement. Chacun comprend qu'il y a un chevauchement, mais personne ne considère que les deux situations sont pareilles.
    Avons-nous conçu un mécanisme qui fonctionne parfaitement bien? Oui, tout à fait. Nous avons tissé un réseau avec les universités, et les recherches vont de l'avant. Par exemple, trois années après nos débuts, les recherches sur le SSPT chez les anciens combattants canadiens ont augmenté de 400 % depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous savons que nous avons ce genre d'incidence lorsque nous ciblons une population donnée, et nous avons mis en place un mécanisme très efficace.
    Lors de la réunion de janvier, j'ai toutefois pris conscience qu'un grand nombre de groupes d'intérêts en sécurité publique devraient probablement avoir leur mot à dire sur les prochaines étapes des travaux de l'institut qui les concernent. Nous sommes heureux de partager l'information. Si un institut entame des travaux, nous serons ravis de lui faire part de ce que nous savons. Si le ministère de la Sécurité publique décidait de mener ses propres recherches, il pourrait utiliser notre structure de gouvernance, notre conférence et notre journal. Nous serions heureux de partager ce genre de choses.
    M. Picard pourra me corriger si j'ai tort, mais j'avais l'impression que les groupes présents ressentaient le besoin que leur propre institut s'attarde à la question, tout comme nous ciblons la santé des militaires et des anciens combattants.
    Compte tenu du chevauchement, comme vous l'avez dit, croyez-vous que votre structure actuelle pourrait bénéficier d'un ou deux piliers supplémentaires? L'ICRSMV pourrait-il créer des chaires particulières ou quelque chose du genre?
    Mon inquiétude est la suivante en présence d'un tel chevauchement: même s'il y a des différences, réinventez-vous les choses de toutes pièces? Il existe une excellente organisation qui effectue beaucoup de travaux parallèles, et peut-être que le travail avant-gardiste que vous avez réalisé pourrait représenter un bon départ avec de nouvelles compétences particulières, un projet conjoint intégré ou autre chose.

  (1140)  

    Soyez très bref. Nous avons largement dépassé le temps alloué.
    Je pense que vous avez déjà répondu à cette question. Il a aussi donné une deuxième réponse, mais libre à vous de satisfaire son besoin.
    Nous sommes certainement heureux d'aider comme nous le pouvons.
    Je ne suis pas entièrement convaincue que le personnel responsable de la sécurité publique penserait que c'est la manière la plus efficace de procéder. Cependant, si un institut était créé, nous ferions tout notre possible pour qu'il n'ait pas à surmonter les difficultés que j'ai surmontées il y a sept ans. Il pourrait ainsi commencer où nous en sommes maintenant. C'est ce que nous ferions.
    C'était une tentative louable.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je vais poursuivre un peu sur le même sujet, c'est-à-dire la distinction entre les anciens combattants militaires et les premiers répondants. Évidemment, notre étude inclut aussi les agents correctionnels dans le groupe des premiers répondants.
    Vous avez parlé du fait qu'ils veulent quelque chose qui serait plus propre à eux. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent au cours de notre étude, il semble qu'ils ont quand même raison, parce que leur réalité est très différente. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je vais vous donner un exemple. Lors d'une réunion précédente, un témoin a dit que les militaires étaient dans une zone de danger lorsqu'ils allaient à l'étranger, mais que c'était de façon temporaire, car ils revenaient ensuite à la maison. Cela amène des défis qui sont très difficiles, certes. Cependant, un agent correctionnel est quotidiennement dans une zone de danger pendant son quart de travail, alors qu'il se trouve dans son pays, dans sa province, dans sa ville.
    Comment le fait de bien comprendre cette nuance ou cette distinction afin de mieux répondre à leurs besoins peut-il aider ces personnes dans leur travail?

[Traduction]

    Vous savez, je ne pense pas que nous...

[Français]

    Puis-je répondre en anglais?
    Bien sûr.
    C'est plus facile pour moi.

[Traduction]

    Dans le domaine de la santé mentale, je ne pense pas que le diagnostic ou la compréhension de cette maladie a suffisamment progressé pour que nous puissions saisir la subtilité des différences entre un déploiement quelque part en zone de danger par rapport à un déploiement à la suite duquel on pourrait quotidiennement être en danger. Dr Merali pourrait peut-être fournir de meilleures explications.
    Il semblerait que le trouble de stress post-traumatique d'origine militaire soit différent du trouble dont est atteint quelqu'un qui, disons, a eu un accident ou quelque chose dans le genre. Lorsqu'il s'agit de la comparaison d'un traumatisme unique à des traumatismes répétitifs, j'ignore si nous savons à quel point les différences sont prononcées pour ce qui est de l'incidence sur le traitement ou, à vrai dire, sur le travail d'un institut de recherche.

[Français]

     Il est vrai que nous devons prendre en considération la distinction entre le travail fait par les agents de la sécurité publique et celui fait par les militaires.

[Traduction]

    Oui.
    Je suis d'accord. Je pense que vous avez déjà entendu parler d'un cas isolé où deux personnes victimes d'un accident de voiture ont réagi très différemment en développant des types distincts de trouble de stress post-traumatique. Cela en dit long sur les différences individuelles.
    Je pense qu'il faut faire comprendre que nous devons adopter une approche beaucoup plus intégrée et éviter d'isoler, en les présentant tous ensemble, les éléments de preuve et d'information; nous n'avons pas assez de ressources à cette fin. Je pense que plus nous unirons rapidement nos efforts pour traiter les différents aspects de la question, en recourant à l'expertise nécessaire pour résoudre ces problèmes, mieux ce sera. Le fait que deux personnes ayant subi le même accident aient des réactions différentes en dit long sur la complexité de la maladie. L'accident n'est pas le seul facteur dont il faut tenir compte, car la façon dont deux personnes y ont réagi était très différente. Il faut ensuite se demander si c'est lié aux différences individuelles des deux personnes, ou si c'est effectivement lié au sexe. Cela donne lieu à des questions plus générales. Je pense que l'intégration est importante.
    Ce que vous essayez d'avancer, c'est que plutôt que de se pencher sur des problèmes propres à des groupes individuels, nous progresserions davantage en examinant le problème fondamental, à savoir les différences individuelles.

[Français]

    J'ai une autre question concernant les enjeux qui existent.
    Docteur Merali, vous avez soulevé l'aspect physique. Je trouve cela intéressant. Il y a quelques années, un représentant du Syndicat des agents correctionnels du Canada nous a confié qu'il y avait parfois des accidents en milieu de travail qui étaient désignés comme tels, mais qui étaient en fait des actes de violence.
    Quel lien faites-vous entre un incident de nature physique qui arrive et le trouble de stress post-traumatique qui peut s'ensuivre?

  (1145)  

[Traduction]

    Excusez-moi, mais je vais vous répondre encore une fois en anglais, si vous me le permettez.
    Je vous en prie.
    Je pense que vous abordez un point intéressant. Je crois que lorsqu'on regarde la réaction du corps au traumatisme... Rien ne dit que le traumatisme doit nécessairement être physique ou émotionnel. Il peut y avoir toutes sortes de traumatismes, et c'est souvent une combinaison des deux.
    La conférence dont je vous ai parlé qui est organisée par One mind et à laquelle je vais assister abordera deux de ces questions, à savoir les lésions cérébrales et le trouble de stress post-traumatique. La raison pour laquelle les deux sont examinés en même temps est que, dans le domaine du sport, par exemple, on est grandement préoccupé par les gens qui subissent un traumatisme crânien qui donne ensuite lieu à quelque chose d'autre.
    Tout se résume à la façon dont le cerveau réagit à différents types de traumatisme et à ce qui fait que deux personnes réagissent différemment. Plus nous comprendrons cela, plus nous serons en mesure de trouver des solutions fondamentales.

[Français]

    Merci beaucoup. J'apprécie votre réponse. J'apprécie aussi votre volonté d'avoir une discussion à ce sujet.
    En définitive, quand nous faisons une étude comme celle-ci, nous voulons aussi avoir des recommandations à proposer au gouvernement.
    À ce sujet, je me pose une question. Je sais qu'il y a encore beaucoup de travail à faire avant de vraiment pouvoir établir des traitements. Je trouve que, à l'heure actuelle, le gouvernement traite surtout les symptômes et non les causes. C'est en somme ce que vous avez dit.
    Dans cet esprit, selon vous, que devons-nous recommander au gouvernement pour nous assurer de mettre en place des programmes qui vont vraiment régler le problème à long terme, plutôt que de seulement traiter les symptômes? J'aimerais entendre vos commentaires à tous les deux à ce sujet.

[Traduction]

    C'est une question très importante, et il n'y a pas de réponse facile. Je pense que de nombreux facteurs font en sorte qu'une personne développe une maladie mentale. La société dans son ensemble comporte de nombreux segments de population dont les sources de stress et les difficultés diffèrent.
    La chose fondamentale à retenir dans l'élaboration de recommandations pour l'avenir est qu'il n'y aura pas de solution universelle, mais différentes solutions adaptées aux patients. C'est la raison pour laquelle j'ai dit dans l'exposé sur la recherche que mon objectif est de parvenir à des traitements individualisés.
    Par exemple, si vous ressentez une douleur à la poitrine et qu'on vous mène à l'hôpital, on ne vous donnera pas de pilule contre les douleurs à la poitrine. On vous dira: « Voyons ce qui se passe. » C'est peut-être juste des brûlures d'estomac, ou une artère bloquée, une valve défectueuse ou un muscle atrophié. Il peut y avoir de nombreuses causes possibles, et le traitement portera très précisément sur la cause retenue, même si le symptôme est une douleur à la poitrine.
    Nous en arrivons à cela. Dans le domaine en général, beaucoup de personnes présentent des types précis de symptômes, mais nous devons nous attaquer à leur cause profonde pour pouvoir les traiter correctement.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Mendicino.
    Je cède mon temps de parole à M. Spengemann.
    Nous verrons comment cela se passe. Jusqu'à maintenant, nous avons dépassé le temps des interventions de tout le monde d'environ une minute. Cela s'est avéré utile, et je vais donc continuer ainsi. Nous ferons la même chose au prochain tour.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici et de nous faire part de vos opinions de spécialistes. Merci aussi du travail que vous accomplissez.
    Je veux remercier mes collègues du Comité d'aborder cette question, de lui accorder toute leur attention et d'y donner de la visibilité sur la place publique.
    Pour moi, c'est une dure réalité. J'ai servi sept années dans une zone de guerre. Pendant cette période, dans un très court intervalle, deux de mes collègues se sont suicidés. L'un d'eux, un militaire américain, était de retour à son domicile et s'est enlevé la vie avec son arme réglementaire. L'autre, un civil, était garde du corps et s'est suicidé sur le terrain, lui aussi avec son arme réglementaire. Ni l'un ni l'autre ne servait directement sur la ligne de front. De toute évidence, ils n'ont pas reçu de traitement adéquat, et ils ont réagi au trouble de la pire manière qui soit.
    Je veux commencer par poser une question dont la réponse pourrait être évidente, mais qui pourrait avoir quelques ramifications cliniques. Le fait que nous discutions ici — et c'est maintenant au grand jour, un sujet de discussion — nous permet d'accorder à la question l'attention, la planification et les ressources qu'elle mérite. C'est encore une fois l'évidence même: les efforts visant à vaincre les préjugés n'ont-ils pas également un aspect clinique?
    Monsieur Merali, dans vos publications, vous avez comparé cela aux préjugés dont souffraient les personnes atteintes d'un cancer. Nous nous affranchissons maintenant des préjugés.
    Que pouvons-nous faire en tant que parlementaires? Que pouvons-nous tous faire en tant qu'êtres humains pour continuer de combattre les préjugés et pour qu'on en parle de plus en plus? Très concrètement, quels pourraient être les avantages thérapeutiques de mettre ce problème au jour et de s'y attaquer à l'échelle nationale et, de manière progressive, à l'échelle internationale?

  (1150)  

    Vous abordez un point très important, car — du moins dans l'armée, où l'on suit de très près le nombre de suicides et leurs causes — la moitié des gens qui se suicident ont déjà reçu des soins. L'autre moitié n'avait pas encore cherché de solutions.
    Obtenir des soins ne garantit pas qu'on s'en sortira. La première étape que doivent franchir ceux qui n'ont même pas demandé d'aide est de le faire. Cela leur sera peut-être utile. C'est un aspect de la question.
    Cela se résume à ce que je disais plus tôt: le simple fait de dissiper les préjugés et de faire dire aux gens qu'ils ont besoin d'aide ne signifie pas qu'ils recevront le genre d'aide que nous voulons leur offrir, surtout parce que nous n'avons pas toujours les solutions qu'ils cherchent. Dans certains cas, oui, tandis que dans d'autres, non. Je pense que c'est cela qui est fastidieux.
    Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est très important, en abordant le problème sous différents angles, de vaincre les préjugés de manière à ce qu'ils puissent au moins parler de leurs problèmes plutôt que de se cacher derrière une sorte de mur.
    Excusez-moi de vous interrompre. Y aurait-il également un avantage en ce qui a trait à la prévention? Prenons l'exemple d'une jeune pompière. Elle s'embarque dans une carrière et sait qu'il existe des mécanismes de soutien au cas où elle éprouverait des troubles de santé mentale.
    Pensez-vous que la sensibilisation et la dissipation des préjugés pourraient à elles seules être utiles sur le plan de la prévention?
    Oui, c'est ce que je pense.
    Je vais donner comme exemple une situation qui s'est passée à Ottawa, à savoir le suicide de la fille de l'entraîneur des Sénateurs. Lorsque cela a été rendu public par les parents — leur courage s'est avéré une très bonne chose —, ce qui s'est produit était incroyable. Nous tentions de trouver un moyen de s'attaquer au problème, et c'est alors que les élèves se sont mobilisés en grand nombre. Ils s'envoyaient des gazouillis, avaient des pages Facebook, recueillaient des fonds, discutaient entre eux et devenaient de plus en plus sensibilisés à la question du suicide, dont on ne parlait que très peu.
    Cela a permis de sensibiliser les gens, ce qui sauvera selon moi quelques personnes — pas tout le monde, mais je pense qu'une sensibilisation accrue et la dissipation des préjugés ont un effet très positif.
    J'ai une dernière brève question pour Mme Aiken au sujet de l'exposition répétée à ce qui constitue probablement la pire chose que l'on peut ressentir dans l'armée.
    Lorsqu'une personne souffrant du trouble de stress post-traumatique a été traitée avec succès — une fois de plus, à l'autre extrémité du spectre —, est-il même logique de s'attendre à ce que sa réinsertion dans un environnement de combat ne donne pas lieu à une rechute? Quelle est la prévalence des rechutes dans l'armée?
    Les chiffres que vous a donnés monsieur Merali correspondent à ceux de l'armée: environ le tiers des traitements offerts pour soigner le trouble de stress post-traumatique se solde par une réussite; un tiers ne donne pas de résultats et n'en donnera jamais; et le dernier tiers correspond aux traitements qui doivent être poursuivis.
    Parmi les gens qui sont traités avec succès, il y en a beaucoup qui retournent au combat, lorsque cette décision est prise pour eux. La prévalence des rechutes n'est pas plus élevée que celle des autres maladies mentales qui ont été traitées avec succès.

  (1155)  

    Seriez-vous prête à avancer que c'est la même chose pour l'ensemble des premiers intervenants, comme les pompiers, le personnel de prise en charge des urgences et les policiers? Avez-vous une raison de penser autrement?
    Comme l'a mentionné M. Dubé, c'est une exposition différente. À ma connaissance, je ne pense pas que nous ayons suffisamment de données pour tirer cette conclusion.
    À propos du concept de « traitement réussi », je me demande, lorsqu'une maladie est identifiée par un symptôme plutôt qu'à l'aide d'examens objectifs, comment nous pouvons déterminer si le traitement est responsable de l'amélioration observée ou si c'est plutôt attribuable à autre chose.
    Je pense à l'asthme, une maladie à laquelle je viens tout juste de consacrer les quatre dernières années. La Société canadienne de l'asthme effectue des examens objectifs de la fonction pulmonaire, ce que ne font pas beaucoup de pneumologues ou de médecins. La maladie est identifiée par des symptômes, et nous ne savons jamais avec certitude si le traitement a vraiment été efficace ou si l'amélioration observée est attribuable à autre chose.
    Comment prouvez-vous que le traitement a réussi et que ce n'est pas attribuable à un aspect fonctionnel ou à autre chose? Comment mesurez-vous cela?
    C'est très difficile. Je pense qu'il est difficile d'attribuer la réussite d'un traitement à une intervention précise, surtout parce que les gens que nous traitons font parfois du yoga ou de l'exercice, qu'ils sont parfois spirituels. Beaucoup de ces interventions ont un effet. Il est très difficile de les dissocier du résultat.
    Habituellement, nous faisons des études randomisées à double insu, dans lesquelles nous divisons la population en deux. Une partie de la population reçoit un traitement, mais pas l'autre, car aucune différence ne serait observée. En fonction des résultats obtenus, nous déterminons l'efficacité du traitement. Sur le plan individuel, il est difficile de le savoir, car autre chose pourrait avoir aidé.
    Il pourrait être utile de mener un plus grand nombre d'études randomisées à double insu, comme vous continuez de nous le dire.
    Pour cela, il nous faudra de l'argent. On nous dit tout le temps de ne rien demander, de ne pas vous inciter à demander de l'argent, mais notre rapport devra mentionner qu'il faut accroître la recherche, même si je ne prévois rien pour l'instant.
    M. Di lorio: Nous devrons réduire le budget des repas.
    Le président: L'argent peut effectivement venir du budget des repas, qui est plutôt petit...
    Monsieur Rayes, allez-y.

[Français]

     Bonjour. Je vous remercie de votre présentation.
    Mes propos feront suite à la question qu'a posée mon confrère M. O'Toole. C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup personnellement.
    Docteur Merali, vous avez parlé du traitement après un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Vous avez dit que le traitement était un succès dans un tiers des cas, que c'était un succès mitigé dans un autre tiers des cas, et qu'il ne fonctionnait pas du tout dans les cas restants.
    Vous avez également dit que la technologie et la recherche permettaient de mieux prévoir quelles personnes allaient répondre le mieux à une thérapie. Il faut dire que cela varie d'un individu à l'autre.
    Y a-t-il des conditions préexistantes, par exemple un traumatisme, qui exacerbent ce trouble chez certaines personnes? Si la recherche ou les découvertes qui ont été faites pouvaient servir à détecter, à la base, les gens chez qui on retrouve de telles conditions, ce serait bien. Si c'était le cas, on pourrait peut-être faire de la sensibilisation à cet égard.
    J'aimerais vous entendre parler davantage de cette question.
    Ma question s'adresse également à la Dre Aiken.

[Traduction]

    Vous savez, c'est très intéressant, car on a mené au Royaume-Uni une étude à grande échelle sur les militaires. On leur a fait subir un examen de dépistage pour déterminer dans quelle mesure ils risquent de développer un trouble de stress post-traumatique. Les gens pour lesquels il a été établi — en fonction de traumatismes d'enfance et à l'aide de différents outils de dépistage — qu'ils étaient plus susceptibles de développer ce trouble n'ont pas été autorisés à être déployés à l'étranger avec leur unité, mais ils étaient ensuite plus à risque que s'ils étaient allés combattre étant donné qu'ils avaient été séparés de leur unité.
    Comme Zul l'a dit, la question du dépistage est très complexe. Je pense que l'approche plus médiée, comme il l'a indiqué, est probablement de trouver des gens plus susceptibles de développer un problème de santé mentale et de les aider ensuite à renforcer leur résilience ou à suivre un traitement, pas de les isoler en les sortant de leur milieu de travail. J'ai parlé à des gens des services correctionnels, et je sais que c'est important pour eux. Ils savent qu'ils sont ciblés, car on retire de leur poste ceux qui souffrent d'un problème de santé mentale.

  (1200)  

[Français]

    Docteur Merali, je comprends très bien la catégorisation qui pourrait être faite, en particulier en ce qui concerne ces métiers. Comme ancien maire, j'ai travaillé avec des pompiers et des policiers. C'est un milieu où ils sont tous forts et où l'on n'accepte pas la « faiblesse ».
    Vous parlez de scanners et d'imagerie du cerveau. Croyez-vous qu'en investissant dans la recherche il serait possible, à la limite, de détecter cela? On verrait par la suite ce qu'on ferait, mais au moins, on aurait des indicateurs.

[Traduction]

    Vous avez abordé une question très importante à laquelle il n'y a pas de réponse. Je pense que la seule façon de résoudre ce genre de question est de mener des études longitudinales pour examiner les gens dès le départ, dès le premier jour et pendant pas mal d'années, afin de recueillir au fil du temps les paramètres d'origine biologique, psychologique et cérébrale nécessaires et de voir ensuite qui sont ceux qui développent un trouble de stress post-traumatique et ceux qui n'en développent pas un.
    Par exemple, lorsque nous examinons les gens qui développent un trouble de stress post-traumatique, en recourant à l'imagerie cérébrale, nous pouvons voir que la partie du cerveau appelée l'hippocampe est plus petite. La taille de l'hippocampe est plus petite que la normale. Des études longitudinales nous permettraient de savoir si c'était déjà le cas avant le traumatisme. Je pense qu'on a besoin de ces études longitudinales. Il n'y a pas lieu d'en effectuer beaucoup dans ce domaine, et je pense que c'est très important de les faire.
    À l'heure actuelle, on utilise surtout des rats pour faire ces études.

[Français]

    C'est très intéressant. Il faut s'assurer de traiter ces gens.
    Tout à l'heure, vous avez donné l'exemple du cholestérol, du cancer et du diabète. Dans le cas de ces maladies, on sait que si l'on mange mieux et moins, si l'on prend soin de sa santé, et ainsi de suite, on met les chances de son côté. On fait de la prévention et il y a un discours de sensibilisation.
    Ma préoccupation se rapporte à cela. Je sais qu'il ne faut pas catégoriser les gens, mais on pourrait faire un peu ce qui se fait dans le sport, où l'on travaille à la résilience des athlètes. Si les services de ressources humaines connaissent les risques de stress ou les situations menant potentiellement à l'épuisement professionnel, on peut donner de la formation comportant des mises en situation ou des jeux de rôle, entre autres choses. À la limite, on pourrait détecter quels sont les gens autour de soi susceptibles d'être en situation de stress.
    Il ne faut pas seulement axer les efforts sur les traitements, d'autant que les résultats ne sont pas toujours là. Il faut travailler aussi à la base.
    Je n'ai pas d'autres questions à ce propos.
    Merci.
    Merci.

[Traduction]

    Nous allons suspendre la séance une minute le temps d'accueillir M. Frewen, qui comparaîtra par vidéoconférence.

  (1200)  


  (1205)  

    Nous reprenons la séance.
    Avant de commencer, je veux mentionner que M. Frewen a fait parvenir au greffier l'hyperlien d'un site Web dont a parlé un autre témoin, mais comme le site est seulement en anglais, j'ai besoin du consentement unanime avant de remettre l'hyperlien aux membres du Comité. À défaut de quoi, nous ne pourrons pas le distribuer. Je veux voir si nous avons ou non le consentement unanime.
    Je vois que nous n'avons pas le consentement unanime. Vous pouvez faire allusion au site et essayer de le trouver vous-même si vous le désirez.
    Monsieur Frewen, vous avez 10 minutes pour faire votre déclaration. Merci beaucoup.

  (1210)  

    Merci de m'avoir invité. J'ai effectivement transmis l'hyperlien; ma déclaration sera directement liée au site Web.
    Merci beaucoup. Je vais maintenant diviser mon écran. Vous le verrez dans un instant.
    Je vais vous décrire une thérapie que nous avons mise au point. Elle associe une méthode en ligne à la méditation de pleine conscience et à d'autres types de méditation. Je pense qu'il s'agirait d'une bonne intervention pour ce qui est des premiers intervenants et d'autres populations qui souffrent du trouble de stress post-traumatique.
    J'ai eu l'occasion d'écouter certains des témoignages précédents qui portaient non seulement sur le traitement, mais aussi sur la préparation d'une personne qui est susceptible d'être témoin d'événements traumatisants lors d'une intervention. J'ai entendu les termes « préparation » et « autoformation ». Je crois que ce genre d'approche, qui s'appuie sur Internet et qui constitue véritablement une intervention pendant laquelle les gens se forment eux-mêmes, conviendrait fort bien dans ce cas-ci. Il devrait donc être possible de s'en servir à grande échelle.
    Lorsque nous pensons au traitement des troubles traumatiques et liés au stress, nous devons chercher à atteindre deux principaux objectifs.
    Le premier consiste à passer en revue le traumatisme, ce qui se fait habituellement au moyen d'un dialogue avec un thérapeute pendant lequel le patient revient de différentes façons sur ce qui lui est arrivé, pour essentiellement essayer de comprendre son traumatisme. Cela peut entre autres être fait verbalement, par écrit ou en recourant aux arts. Cette réflexion lui permet de résister davantage à la détresse, par exemple lorsqu'il se fait rappeler ce qui lui est arrivé.
    Le deuxième aspect, dont on parle peut-être moins, est la maîtrise de soi, qui vise essentiellement à aider une personne à mieux gérer les émotions difficiles qui sont associées à un trouble comme le trouble de stress post-traumatique. Vous avez certainement entendu parler des traitements fondés sur des données probantes. Nous avons des traitements très efficaces, qui sont habituellement des approches cognitivo-comportementales de la psychothérapie, mais les approches actuelles ont certainement des limites. Il n'y a pas tant de participants qui sont complètement rétablis à la suite des essais randomisés contrôlés. À titre d'exemple, seulement la moitié des participants souffrant du trouble de stress post-traumatique voient une amélioration de leur état, et il y en a également beaucoup qui abandonnent.
    Les publications commencent à porter davantage sur les traitements en ligne et les autres méthodes de thérapie cognitivo-comportementale, dont la thérapie basée sur la pleine conscience. À l'Université Western Ontario, nous avons été les premiers à essentiellement combiner les deux au moyen d'une méthode en ligne de thérapie basée sur la pleine conscience.
    Je vais parler très brièvement des analyses des interventions en ligne qui ont été publiées, notamment dans les domaines du traitement de la dépression et des troubles anxieux, et plus récemment pour ce qui est du trouble de stress post-traumatique. Les résultats sont assez étonnants. Par rapport aux mêmes types de traitements offerts d'une façon traditionnelle — par exemple la psychothérapie en tête à tête —, l'importance des effets, à savoir les résultats de la méthode en ligne, est souvent aussi forte et bonne que ce que permettent d'obtenir les séances en tête à tête. Cela en a surpris plus d'un, mais c'est maintenant bien documenté.
    C'est la même chose pour ce qui est des essais portant sur le trouble de stress post-traumatique, qui visent entre autres des étudiants des collèges, des membres de la collectivité et d'anciens combattants. À ma connaissance, aucune étude n'a encore été menée sur une méthode en ligne destinée aux groupes de premiers intervenants, mais, si nous nous fions à la documentation, nous pouvons nous attendre à des résultats semblables.
    Jusqu'à maintenant, les interventions basées sur la pleine conscience n'ont pas été réalisées en ligne, mais plusieurs raisons nous laissent croire que des pratiques basées sur la pleine conscience pourraient être utiles au traitement du trouble de stress post-traumatique et des troubles dissociatifs.
    Elles ont entre autres tendance à améliorer l'attention et la concentration, à renforcer la capacité de se concentrer sur le moment présent, plutôt que de réfléchir continuellement à un traumatisme vécu et à une anxiété future, ainsi qu'à changer le style cognitif et à amener une personne à se juger moins sévèrement et à faire preuve d'une plus grande compassion envers elle-même. Ces méthodes peuvent directement réduire l'éveil physiologique et les émotions connexes que sont l'anxiété, l'irritabilité et la colère. Elles peuvent réduire l'anhédonie — à savoir l'abrutissement émotionnel, l'incapacité de ressentir des émotions positives comme la joie —, favoriser ainsi les émotions positives et l'appartenance sociale, et rétablir les préoccupations existentielles liées au mieux-être.

  (1215)  

    Il y a de bonnes idées. Plusieurs projets de recherche ont également montré que les personnes atteintes du trouble de stress post-traumatique ont moins de ce qu'on appelle des traits de pleine conscience. Par exemple, ils sont moins susceptibles de remarquer des changements dans leur corps, comme le ralentissement ou l'accélération de leur respiration. Ils ont plus de difficulté à associer des émotions à des mots et à décrire ce qu'ils ressentent. Ils ont plus de difficulté à vivre le moment présent. Leur esprit vagabonde. Ils sont facilement distraits. De plus, ils ont plus de difficulté à accepter ce qu'ils ressentent sans porter de jugement.
    Il s'agit d'aspects que doit cibler le traitement du trouble de stress post-traumatique, et c'est ce que permet de faire un traitement basé sur la pleine conscience.
    Nous avons récemment démontré que le lien entre l'exposition à un traumatisme et les symptômes du trouble de stress post-traumatique est considérablement médié en présence de ce genre de traits de personnalité basés sur la pleine conscience. Si nous pouvons avoir un effet sur ces traits, nous pouvons en faire autant pour ce qui est des symptômes du trouble de stress post-traumatique.
    Les améliorations apportées à l'attention et sur le plan émotionnel sont des résultats escomptés de la thérapie basée sur la pleine conscience, et plusieurs études ont fait état de résultats positifs à cet égard, y compris la nôtre.
    Si j'ai le temps, j'aimerais en dire un peu plus sur la thérapie basée sur la pleine conscience et la méditation de Metta. Il s'agit d'une méthode en ligne qui comprend l'enseignement de la méditation ainsi que des principes et de l'éthique de pleine conscience.
    Il vous reste environ trois minutes.
    Nous enseignons six principes thérapeutiques. Le premier concerne la façon dont une personne peut demeurer dans le moment présent. Le deuxième vise à accroître la conscience de l'esprit et du corps. Le troisième aide une personne à comprendre comment vaincre des formes difficiles de détresse. Le quatrième concerne la méditation de Metta, qui est axée sur la bonté et l'autocompassion. Le cinquième porte sur le recentrement et le décentrement, et le sixième, sur l'acceptation et le changement.
    J'ai quelques diapositives pour vous montrer comment nous procédons. En général, nous essayons d'enseigner à chaque personne comment avoir une meilleure maîtrise de soi. Le trouble de stress post-traumatique donne l'impression d'être incapable de maîtriser une situation qui nous échappe. Nous tentons de redonner cette capacité au patient. En anglais, nous utilisons l'acronyme PALM pour désigner les quatre premiers principes: moment présent, conscience, laisser-aller et méditation de Metta.
    Le moment présent est le premier. Il est question de faire comprendre aux gens qu'ils sont dans le moment présent et pas dans le passé. C'est lié aux rappels du passé ainsi qu'à la reviviscence et au fait de reconnaître l'influence des traumatismes antérieurs sur le présent.
    Pour favoriser la prise de conscience, nous essayons d'enseigner aux gens à être plus conscients de leurs sens, de leur corps et de leurs émotions, et à tenter de qualifier et de comprendre ce qu'ils ont vécu.
    En ce qui a trait au laisser-aller, nous essayons de les aider à vaincre la détresse et d'enseigner un détachement par rapport aux impulsions et aux désirs néfastes, comme la toxicomanie ou l'alcoolisme, qui peuvent tirer leur origine de traumatismes graves.
    Nous les aidons aussi à recourir plus facilement à la méditation de Metta, afin qu'ils éprouvent de la compassion et qu'ils soient bons envers eux-mêmes et les autres.
    Le recentrement se rapporte au désir de ressentir une émotion et à l'incapacité de s'en rapprocher. Nous tentons de renverser cette tendance pour que les gens retrouvent leur sentiment d'identité et leurs émotions. Dans d'autres cas où la personne ressent trop quelque chose, elle doit s'en éloigner. Nous essayons d'enseigner aux gens à observer cette distance expérientielle pour qu'ils soient en mesure de réfléchir, de se décentrer et d'attendre que la détresse finisse par s'estomper.
    J'ignore combien de temps il me reste, mais j'aimerais mentionner que contrairement au...
    Il vous reste environ une minute.

  (1220)  

    Merci beaucoup.
    Contrairement au décentrement, nous voulons l'opposer à l'évitement. Nous rejetons le présent. Dans le cas de la dissociation, nous le quittons.
    Enfin, le dernier principe est celui de l'acceptation et du changement. C'est vraiment une sorte d'équilibre que la personne ayant survécu au traumatisme essaie d'éviter. Nous en parlons comme s'il s'agissait d'une couverture. Nous essayons de le cacher sous le tapis, par exemple, mais c'est impossible, car nous voyons au travers. À vrai dire, la seule façon d'aller de l'avant après un traumatisme est de trouver le bon équilibre entre acceptation et changement.
    Comment appliquons-nous ces principes? Essentiellement, le site Web propose la tenue d'un journal ainsi que diverses méditations guidées.
    J'aimerais également mentionner, au-delà du seul site Web, que différentes technologies sont étudiées, y compris ici à l'Université Western Ontario. Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu le terme « rétroaction neurologique » et entendu parler d'autres formes de rétroaction biologique, comme la variabilité de la fréquence cardiaque. L'exercice de la méditation aura un effet sur le cerveau et sur le corps, un effet qui est essentiellement indirect. La rétroaction biologique et la rétroaction neurologique visent à savoir ce qui se passe dans le corps au moyen de signaux physiologiques, dont la variabilité de la fréquence cardiaque, et d'électroencéphalogrammes. Nous pouvons enseigner à une personne à moduler directement les rythmes cérébraux, le rythme cardiaque, la respiration et ainsi de suite, comme elle le fera naturellement grâce à la méditation, mais la rétroaction biologique peut apporter une aide supplémentaire à la personne.
    Je regrette, mais vous devez conclure votre déclaration.
    Merci.
    À titre d'exemple, nous pouvons combiner les méthodes de rétroaction biologique aux méthodes basées sur la pleine conscience pour obtenir un bien meilleur résultat.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous sommes rendus aux questions. Mme Damoff sera la première à intervenir.
    Merci beaucoup de votre exposé. Nous avons entendu parler de votre travail lorsque Mme Lanius était ici. Il est donc formidable que vous ayez pu vous joindre à nous.
    L'un des autres témoins, Dre Andersen, a parlé d'utiliser une grande partie de ce que vous faites en tant que stratégie préventive, pas seulement dans le cadre d'un traitement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Elle a également parlé de la terminologie, en disant que des termes comme « méditation » et « pleine conscience » — vous avez utilisé beaucoup de ces termes aujourd'hui — ne sont pas nécessairement bien perçus dans le milieu macho des premiers intervenants et des agents de correction. Il est parfois plus efficace de recourir aux mêmes techniques en employant une terminologie différente. Pouvez-vous formuler des observations à ce sujet?
    Merci.
    En réponse aux deux questions, je pense que ces interventions pourraient effectivement préparer mentalement les gens qui travaillent dans des milieux difficiles où des traumatismes ont lieu et risquent de causer un trouble de stress post-traumatique. Cette préparation mentale pourrait être faite d'emblée et promue comme pratique de mieux-être.
    Je suis conscient de ce qui a été dit au sujet de la terminologie. Il pourrait s'agir du même genre de méthode, mais nous pouvons l'appeler « formation mentale » ou « préparation cognitive ». Il pourrait plaire davantage et être plus acceptable de privilégier des termes comme « esprit », « cognition » et « formation mentale » plutôt qu'une terminologie liée à l'émotivité. Il faudrait se préparer d'entrée de jeu.
    Nous avons également observé que les gens voient d'un bon oeil ce genre de pratiques. Tant des hommes que des femmes qui occupent divers types d'emploi subissent un traumatisme et éprouvent des difficultés, et ce genre d'interventions semblent de plus en plus sensées pour eux.
    De plus, à ce sujet, le fait de mettre l'accent sur la technologie — comme j'ai commencé à en parler à la fin de ma déclaration — peut également convaincre une personne qui se méfie de la méditation et de la thérapie basée sur la pleine conscience. Lui montrer son électroencéphalogramme, son rythme cardiaque et la façon de gérer son état de santé lui permet de maîtriser de nouveau la situation, ce que ne permet pas de faire une approche qui est uniquement axée sur un modèle médical.
    À votre avis, le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer pour faire connaître des méthodes comme la vôtre — qui devrait être traduite en français; il faut en tenir compte — comme étant des pratiques exemplaires, dans l'éventualité où nous élaborions une stratégie pour lutter contre le trouble de stress post-traumatique et les traumatismes liés au stress opérationnel?

  (1225)  

    Tout à fait. Ici même, ces pratiques ne reposent pas tant que cela sur le thérapeute ou le clinicien. Nous voulons donner des instructions et nous assurer que tout ce que nous proposons s'appuie sur des données probantes. Bien entendu, ces pratiques remontent à l'histoire ancienne et sont de plus en plus souvent corroborées dans les conventions actuelles des essais contrôlés randomisés dont nous avons entendu parler plus tôt, et la neuroimagerie, dont il a également été fait mention plus tôt, a effectivement démontré qu'elles ont des effets directs sur le cerveau et le corps.
    Ces méthodes reposent sur un fondement factuel solide et n'ont fait l'objet d'aucune contre-indication. Il n'existe vraiment aucune étude qui laisse entendre que l'exercice de la méditation peut aggraver les choses.
    Il faut que ce soit bien fait. Parfois, lorsqu'on fait calmement face à ses émotions, des choses difficiles font surface, cela ne fait aucun doute. Nous avons besoin des connaissances nécessaires pour savoir comment gérer les symptômes qui se manifestent pendant la méditation. La même chose se produirait, par exemple, lorsqu'on est assis pour lire ou regarder la télévision tranquillement. Je ne dis pas que ces pratiques causeront du tort; il est fort probable qu'elles s'avèrent bénéfiques.
    Je pense que, oui, il serait raisonnable de le recommander.
    Je veux m'adresser un instant à Mme Aiken, car elle a consacré beaucoup d'efforts au traitement de la maladie.
    Utilisez-vous ce genre de méthodes dans le traitement et — je crois que c'est encore plus important — dans la prévention?
    Je vais parler de la recherche qui est faite. Il existe de nombreux bons protocoles de traitement en ligne. À vrai dire, M. Merali et moi venons tout juste d'en parler. Nous faisons partie d'une équipe de recherche qui a mis sur pied un site Web portant précisément sur la santé mentale des hommes. Il a été financé par Movember.
    Il existe beaucoup de bons traitements en ligne. Ce que je demanderais toujours — et je sais que M. Frewen en ferait autant —, c'est de voir les études qui ont été menées sur le site Web concerné. Quel genre de résultats obtient-il? Plus précisément, je demanderais quel genre de résultats ont été obtenus auprès d'une population — je pense que quelqu'un d'autre l'a dit — qui est habituellement plus masculine et macho? Je demanderais quel genre de travail est fait à cet égard.
    Pouvez-vous répondre pendant ma dernière minute?
    Oui, merci. Nous utilisons actuellement ce site Web pour un certain nombre de populations, des hommes et des femmes ayant subi divers types de traumatisme. Jusqu'à maintenant, nous avons seulement publié à ce sujet des données qui portent sur une sorte d'utilisation ouverte du site, mais les personnes concernées varient. Nous les avons regroupées en fonction des symptômes de leur trouble de stress post-traumatique. Nous avons constaté que l'intervention donne de très bons résultats. À notre avis, ces premières données sont essentiellement une validation du concept des méthodes maintenant plus rigoureuses dont on a parlé plus tôt en ce qui a trait aux essais contrôlés randomisés.
    Merci.
    Monsieur Miller, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier M. Frewen, M. Merali et Mme Aiken d'être ici. Vous avez donné de bons exposés.
    Madame Aiken, j'aimerais également vous remercier, ainsi que votre mari, d'avoir servi le Canada. Je vous en suis reconnaissant.
    Monsieur Merali, une observation faite dans votre déclaration a retenu mon attention, et je veux juste être certain de bien comprendre. Vous avez parlé de la marijuana à des fins médicales, et, dans le contexte, on aurait dit que vous êtes préoccupé par la consommation accrue de cette substance, que c'est déjà ce qui se produit et que cela continuera d'augmenter. J'ai eu l'impression que cela vous préoccupait. Pouvez-vous donner des précisions? Je veux juste être certain de vous avoir bien compris.

  (1230)  

    Je n'exprimais pas nécessairement de préoccupation. Je laissais entendre que les prévisions indiquent que les coûts continueront d'augmenter jusqu'à ce qu'ils atteignent 30 millions de dollars ou un autre montant. Encore une fois, il faut se demander pourquoi nous n'investissons pas au lieu de — pas au lieu de... mais nous devrions également soutenir des efforts parallèles pour essayer de trouver des solutions définitives au problème.
    Comme nous l'avons vu, il existe de nombreuses modalités de traitement. À quel point sont-elles vraiment efficaces? Nous voulons endiguer le flot et faire en sorte que les gens se sentent mieux et participent davantage. Pourquoi ne pas trouver un plus grand nombre de solutions permanentes au problème, comme nous le faisons pour d'autres maladies, plutôt que d'apprendre par essais et erreurs? Nous essayons une méthode en disant à la personne qu'elle se sentira mieux, un peu mieux, mais elle n'est toujours pas guérie. Je pense qu'il faut aller au fond des choses. C'est ce que j'essayais de dire.
    Poussons cela un peu plus loin. Croyez-vous que la marijuana médicale est un traitement uniforme, ou un traitement valable pour le SSPT ou la maladie mentale? Allons encore un peu plus loin. Est-ce qu'il y a eu des études démontrant sans l'ombre d'un doute que cela fonctionne?
    Je vous vois réagir, madame Aiken. Je vais vous demander de répondre aussi, quand M. Merali aura terminé.
    À ma connaissance, selon la tomographie par émission de positrons, ou TEP, portant sur les récepteurs cannabinoïdes, soit les récepteurs du cerveau qui se lient aux composants du cannabis — au tétrahydrocannabinol —, ces récepteurs sont nettement plus activés dans des cas de SSPT que dans les échantillons non traités. Cela vous dit qu'il y a du désordre dans le système interne.
    Je ne sais pas si l'usage de drogues — c'est très commun avec l'alcool au Royaume-Uni et la marijuana ici — est une forme d'automédication pour les gens qui ne se sentent pas bien. Je pense que c'est un fait. Les gens semblent en tirer des bienfaits, et ils le font parce qu'ils ne se sentent pas bien.
    Encore là, je le répète toujours: trouvons ce qui se passe exactement de sorte que nous puissions vous traiter convenablement.
    M. Larry Miller: Madame Aiken.
    Il n'y a pas d'études à grande échelle. Vraiment pas. Il y a de l'excellent travail préliminaire sur les cannabinoïdes en Israël — depuis plus de 10 ans —, mais ils n'ont toujours pas réalisé d'étude à grande échelle. La raison de cela, c'est que personne ne peut breveter cela.
    D'accord.
    J'ai parlé à cinq ou six médecins que je connais dans ma collectivité, y compris mon propre médecin, juste pour en discuter, parce que plus vous parlez à des gens, plus c'est valable. J'ai parlé à deux des médecins dans le même contexte.
    L'un d'eux m'a dit: « Larry, si vous aviez un trouble mental ou physique, je pourrais vous prescrire de rentrer à la maison et de prendre chaque soir de six à huit verres de Scotch, ou je pourrais vous prescrire de la marijuana médicale. » Il m'a dit que dans la plupart des cas — et ce sont ses mots que j'utilise —, les deux solutions vont vous faire oublier votre problème pendant quelques heures. Cependant, dans le contexte général, rien ne lui dit que cela aide à améliorer votre état.
    Êtes-vous généralement d'accord avec ce que ces deux médecins ont dit? Est-ce juste?
    J'aime toujours dire que de multiples anecdotes ne se conjuguent pas en données.
    M. Larry Miller: D'accord.
    Dre Alice Aiken: Je crois qu'il est très important que nous obtenions des données. Tout ce que je dis, c'est que nous ne savons pas.
    Nous ne le savons pas encore.
    Monsieur Merali, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je pense que ce médecin a mis le doigt dessus en disant qu'il s'agit du soulagement de symptômes. C'est le soulagement temporaire des symptômes que les gens recherchent, faute d'un traitement convenable
    Oui.
    Monsieur Frewen, avez-vous quelque chose à dire?
    Oui. Merci beaucoup.
    Je crois que ces drogues, aussi bien la marijuana que les autres formes de drogues récréatives, sont utilisées pour leurs effets sur le système nerveux. Elles produisent des effets directs, bien entendu, qu'il s'agisse de relaxation ou de stimulation. Elles ont divers effets dissociatifs, comme vous l'avez mentionné, notamment la suppression de la mémoire et de la détresse immédiate et à court terme.
    Je pense qu'en fait, il conviendrait de substituer la méditation à la médication. Des pratiques mentales peuvent donner des effets semblables. Ils ne sont pas aussi immédiats comme ceux de la drogue, mais avec le temps, les formes d'entraînement psychologique dont je parlais — la méditation, la rétroaction biologique et, en particulier, la rétroaction neurologique — peuvent amener certains bienfaits, notamment, relaxer le système nerveux, améliorer la concentration et améliorer le contrôle mental.

  (1235)  

    J'ai une dernière question avant que mon temps soit écoulé.
    Madame Aiken, votre organisation fait de l'excellent travail. Vous avez brièvement parlé, tout à l'heure, du travail dans le domaine militaire, avec les anciens combattants atteints du SSPT et avec les premiers répondants. Est-ce qu'il y a assez d'interaction entre les deux pour aider...? Je sais que c'est distinct, mais dans les deux cas, il y a eu des traumatismes. Est-ce qu'on en fait assez des deux côtés pour que des progrès puissent être réalisés?
    Allez-y, très brièvement.
    Oui, assurément. Je dirais qu'au Canada, ce sont dans une grande mesure les mêmes chercheurs — vous en avez entendu plusieurs, comme M. Lanius, entre autres — qui font les recherches visant les deux groupes. Ils sont des experts de la rétroaction biologique, des biomarqueurs cérébraux ou de la TEP, la tomographie par émission de positons, et ils travaillent avec les deux groupes. Je pense qu'il y a énormément de chevauchement parmi les personnes qui font le travail, et nous avons la chance de vivre dans un pays où nous pouvons tirer parti de cela afin d'obtenir une perspective nationale.
    Alors oui, le travail chevauche beaucoup.
    Merci, madame Aiken.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Docteure Aiken, j'aimerais revenir sur la question des données qui a été abordée à la fin de la première heure. On a dit que, comparativement aux données qu'il existait sur les anciens combattants, on manquait de données sur les premiers répondants, ce qui inclut notamment les agents de la sécurité publique et les agents correctionnels.
    Est-ce le cas ou non? Si oui, que pouvons-nous faire pour rectifier ce problème?

[Traduction]

    C'est intéressant, parce qu'il y a des centres de traitement comportant un volet de recherche qui se concentre sur les premiers répondants depuis plus longtemps que pour les militaires en particuliers ou, hors l'armée, les anciens combattants en particulier.
    Il y a de la recherche sur les premiers répondants, dont une grande partie est réalisée par l'intermédiaire du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, le CAMH, et d'organisations de ce genre. Je ne connais pas très bien la portée du travail de recherche qui vise les premiers répondants et je ne sais pas non plus s'il y en a plus ou moins.
    Je peux vous dire, cependant, qu'une fois qu'on s'est mis à concentrer les efforts sur les anciens combattants et leurs familles, on a vraiment constaté une montée en flèche de la recherche. Nous nous situons en fait à l'extrémité du spectre qui touche le travail clinique. C'est donc de la recherche qui peut donner lieu assez rapidement à des pratiques, des politiques et des programmes. L'attention portée à la recherche a vraiment une incidence sur le traitement et sur la vie des gens.
    Un psychiatre venu témoigner devant le Comité a mentionné que pour les agents de la sécurité publique, nous accusons un retard — j'oublie le nombre exact d'années, et c'était peut-être un nombre vague, juste pour nous donner une idée — d'environ 15 ans dans les données, par comparaison à ce que nous avons pour les anciens combattants et les agents de la GRC parce que nous nous concentrons sur le service militaire plus que sur les premiers répondants.
    Est-ce que vous estimez que c'est juste?
    Non. Nous en savons beaucoup sur les personnes qui sont dans l'armée. Au Canada, nous ne savons presque rien de nos anciens combattants parce que, quand vous êtes libéré de l'armée, personne ne vous suit à moins que vous ayez été blessé pendant votre service. Nous avons la médecine socialisée, ce qui est formidable, et nous ne voulons pas renoncer à cela, mais si vous vous retrouvez dans un système provincial qui ne sait rien de vous...
    J'ai été libérée quand j'avais 32 ans. Je suis allée voir un médecin de famille, et personne ne m'a demandé si j'étais une ancienne combattante. Nous ne savons rien de nos anciens combattants — vraiment rien —, et je n'en sais pas assez pour vous dire si nous faisons un meilleur suivi des agents de la sécurité publique, mais nous ne faisons que commencer à faire un suivi des anciens combattants.

  (1240)  

    Monsieur Merali.
    J'aimerais répondre à cela, car je crois que c'est un problème important auquel il faut s'attaquer parce qu'on n'en fait pas assez. Je suggère qu'un ou plusieurs centres d'excellence se concentrent sur tous les types de répondants — les premiers répondants et les anciens combattants. Supprimons les obstacles et penchons-nous sur les divers groupes qui sont exposés aux traumatismes comme les premiers répondants.
    Autrement dit, vous voulez qu'on regarde tout le monde ensemble, plutôt que
    Non, mais nous devrions être en mesure de tout examiner en profondeur afin de nous attaquer à ces problèmes. Sans cela, nous finissons toujours par nous pencher sur la situation vers laquelle plus d'argent est acheminé. Nous courons toujours après l'argent. Si l'argent est là, les gens font le travail. Je pense que s'il y avait plutôt de l'argent pour étudier ce phénomène, nous pourrions alors nous pencher sur divers groupes pour établir les points communs et les différences. Si nous ne faisons pas cela, nous nous retrouvons à travailler en fonction de l'information qui vient de groupes choisis.
    Madame Aiken, c'est intéressant, ce que vous avez dit à propos du suivi des militaires, mais de l'absence de suivi une fois qu'ils deviennent d'anciens combattants. Je pense qu'on en a parlé un peu, mais quelle est la différence? Même pour les premiers répondants, quelles seraient les recommandations sur la façon d'examiner ce qui se passe pendant qu'ils travaillent, par opposition à ce qui se passe quand ils ne travaillent plus?
    Chaque province tient des données sur l'utilisation des services de santé. L'équipe de recherche que je dirige vient de trouver l'identifiant des vétérans dans les données sur l'utilisation des services de santé de l'Ontario. Cela fait partie d'un grand ensemble de données que Statistique Canada lie à diverses autres sources. Nous pouvons démontrer que les vétérans, au cours des cinq années qui suivent leur libération, utilisent davantage les services de soins de santé que la population générale, et ce, pour toutes les raisons et, séparément, pour des raisons de santé mentale.
    Nous avons aussi pu démontrer que les jeunes anciens combattants de sexe masculin — nous avons d'anciens combattants de 26 ans — risquent davantage de se rendre à l'urgence à cause d'une crise en santé mentale que les membres des échantillons du même groupe d'âge. Nous commençons à prendre connaissance de certaines données, alors nous ne savons pas pourquoi. L'épidémiologie vous dit ce qu'il en est, mais ne vous donne pas les raisons alors qu'il est important de les connaître. Nous n'avons jamais su cela au Canada avant, mais leurs besoins sont différents. Nous savons que les anciens combattants qui ont été libérés plus vieux ont tendance à avoir des taux de diabète supérieurs au fil du temps, mais nous ne savons pas pourquoi.
    Toutes ces choses sont importantes à suivre. Ils ont eu des vies différentes et ont été exposés à des choses différentes, et quand nous parlons vétérans, l'identifiant englobe aussi bien les vétérans de la GRC que les anciens combattants, jusqu'à ce qu'ils soient intégrés dans le système provincial, il y a quelques années, parce que quand vous êtes libéré, vous n'avez pas l'attente de trois mois habituellement imposée pour obtenir une carte d'assurance-maladie dans une autre province.
    Est-ce que ce serait la même chose pour les premiers répondants, les agents correctionnels et ainsi de suite?
    Nous ne le savons pas.
    Vous ne le savez pas. Donc, on peut dire que nous devrions entre autres recommander qu'il y ait davantage de données sur les groupes particuliers que nous examinons en ce moment?
    Tout à fait, oui.
    D'accord. Merci.

[Français]

     Docteur Frewen, j'aimerais vous entendre parler un peu plus de la question du vocabulaire qui est utilisé et de la culture existante. Mme Damoff en a parlé, mais j'aimerais vous entendre en parler davantage. Faire les démarches pour obtenir le traitement constitue-t-il parfois un défi pour certaines personnes à cause de cette culture?

[Traduction]

    Soyez très bref.
    Je crois qu'on a mentionné précédemment qu'une partie du travail est de présenter l'information d'une façon acceptable pour le groupe cible en particulier. On peut rectifier cela dans une grande mesure, par exemple, au moyen de groupes de discussion faisant intervenir la population cible. La façon de présenter les choses et le résultat au bout du compte est un facteur important. La pratique de la méditation remonte à des millénaires, et nous intégrons maintenant une démarche technologique permettant de rehausser cette pratique.
    Je vois aussi...

  (1245)  

    Malheureusement, je dois vous interrompre. Nous en sommes à huit minutes.
    Monsieur Di lorio.
    Monsieur Merali, madame Aiken, je vous remercie beaucoup de vos exposés.
    J'ai très peu de temps, alors je vais poser mes questions à M. Frewen.

[Français]

    Docteur Frewen, j'ai particulièrement aimé votre présentation. Vous nous avez parlé de manière innovante des pistes de solution. J'ai appris que des méthodes existaient pour porter soutien, secours et assistance aux personnes affectées et affligées de ce terrible mal.
    J'aimerais vous donner l'occasion de nous expliquer comment vous êtes arrivé à développer ces méthodes, ces outils, cette infrastructure. Cela permettrait de voir comment on peut s'inspirer de votre approche et l'appliquer dans d'autres domaines ou secteurs où des personnes souffrent de conditions similaires, tout en l'adaptant aux circonstances du milieu dans lequel elles oeuvrent.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Avec cette intervention virtuelle — que je vais appeler MMTT pour faire court —, toutes les interventions sont inspirées et validées. La tenue d'un journal fait partie de l'approche normalisée employée en thérapie cognitivo-comportementale pour la consignation de la pensée automatique. Il s'agit d'appliquer les six principes que j'ai décrits aux causes de stress dans le quotidien de la personne; on s'en sert pour se maîtriser et pour gérer sa détresse, pour réfléchir et pour répondre d'une manière mieux adaptée. Cela fait partie des approches typiques, mais nous utilisons le langage de la prise de conscience et l'appliquons à la tenue du journal. Cependant, la tenue d'un journal en général est une intervention qui a été étudiée et solidement validée.
    Nous ajoutons à cela une pratique particulière que nous avons conçue à Western, par laquelle nous déterminons le degré de concentration atteint pendant la méditation. C'est une méthode axée sur l'auto-évaluation, mais nous validons l'information à l'aide de diverses méthodes expérimentales, y compris la technique de l'électroencéphalogramme, ou EEG, et nous sommes en mesure de prédire, par exemple, l'état du cerveau selon l'auto-évaluation et de dire si la personne était concentrée ou distraite pendant la méditation. Quand la personne est assise tranquille et qu'elle se concentre, par exemple, sur sa respiration, son esprit va vagabonder et ira peut-être du côté du traumatisme et de la mémoire intuitive. Cependant, en ce qui concerne la mesure dans laquelle cela va se produire, nous pouvons lui donner des messages, des indices, qui lui permettent de revenir à sa respiration, à la cible de son attention.
    Enfin, les différentes méditations guidées que nous faisons ont été utilisées sous diverses formes, en particulier la réduction du stress par la pleine conscience et la thérapie cognitive fondée sur la pleine conscience, deux méthodes bien documentées. Chacune des interventions accessibles sur le site Web est bien documentée dans des domaines divers et avec des populations diverses, y compris les personnes atteintes du SSPT, mais aussi comme vous le dites pour divers troubles normalement associés au SSPT, notamment les troubles anxieux, les troubles dépressifs, les troubles dissociatifs et les troubles liés à la toxicomanie .

[Français]

     Pouvez-vous nous donner un aperçu des ressources qui ont été nécessaires pour développer les méthodes, les outils et les systèmes d'intervention dont vous disposez et que vous rendez disponibles? Quand je parle de ressources, j'aimerais savoir combien de temps il vous a fallu pour y arriver et combien de personnes y ont travaillé, et j'aimerais connaître les coûts que cela représente.

[Traduction]

    Merci.
    Ces pratiques se font en autonomie. Elles pourraient faire partie d'une thérapie additionnelle, et c'est idéalement l'utilisation que nous recommandons. Je recommanderais qu'elles s'ajoutent à d'autres approches, comme la psychothérapie en personne, mais comme nous le savons, les gens n'ont peut-être pas accès aux autres psychothérapies fondées sur des données probantes, alors le faire de façon autonome...

  (1250)  

    Monsieur Frewen, ce n'est pas ce que j'ai demandé
    Ce que je veux savoir, c'est le coût de la conception de ces outils, et le genre de ressources qu'il faut pour concevoir de tels outils. Je ne parle pas de la perspective de l'utilisateur, mais de celle du concepteur, c'est-à-dire votre équipe et vous.
    Merci.
    En fait, nous avons conçu ces outils avec fort peu d'argent. C'est surtout le temps que j'y ai consacré. J'ai créé une grande partie des programmes moi-même. Dans certains cas, j'ai recouru aux services d'autres personnes, mais avec un très petit budget. Le logiciel est relativement simple à acquérir. C'est surtout la créativité qui sert à concevoir les stimulus, par exemple. Le site Web existe déjà. En gros, cela pourrait être offert à très faible coût. J'aimerais beaucoup continuer d'explorer les résultats sur ce site Web en particulier, mais en ce qui concerne les ressources, c'est beaucoup ma propre énergie qui y est consacrée. Il a fallu beaucoup d'heures de travail, mais la technologie est là sous la forme d'un site Web auquel on peut accéder avec n'importe quel appareil. Ce n'est pas une application propre à une plateforme particulière ou à une langue de fonctionnement. C'est un site Web, cela fonctionne et c'est entièrement accessible.
    Il nous reste environ une minute.
    Monsieur Mendicino, auriez-vous quelque chose à ajouter à cela?
    Eh bien, avec une minute...
    Le président: Je vous en donne deux.
    M. Marco Mendicino: ... je ne suis pas sûr d'obtenir une explication approfondie ou de pouvoir plonger dans un sujet complexe.
    Premièrement, je veux remercier Mme Aiken et son mari pour le service qu'ils rendent, ainsi que les autres témoins.
    Je comptais demander comment nous pourrions adapter une partie du programme En route vers la préparation mentale au contexte des premiers répondants. J'en discutais à l'instant avec ma collègue, Mme Damoff, et je sais que vous en avez un peu parlé, mais pourriez-vous en 30 secondes environ nous dire les principaux éléments de ce programme qui pourraient servir dans le contexte des premiers répondants?
    Je ne pourrais pas vous donner les différences en détail, mais il est déjà adapté aux besoins de la GRC. Je pense qu'il ne serait pas si compliqué de l'adapter aussi aux premiers répondants.
    Je ne sais pas si elle est venue témoigner devant le Comité, mais la Lcol Suzanne Bailey a contribué à la conception de cela et a travaillé à l'adaptation du programme aux besoins de la GRC avec Mme Heather Stuart, la titulaire de la Chaire de recherche Bell sur la santé mentale et la lutte contre la stigmatisation de l'Université Queen's. Elles seraient de bonnes personnes à inviter pour discuter de cela.
    M. Marco Mendicino: Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à nos témoins d'être venus aujourd'hui. Votre contribution est très utile.
    J'adore quand les chercheurs disent: « Non, nous ne savons pas cela » comme Mme Aiken l'a fait. Les chercheurs ne font pas que poser des postulats, et j'ai trouvé cela très utile, aujourd'hui.
    Je crois que Mme Damoff a une motion à proposer au Comité. J'ai pensé que ce serait une bonne idée.
    En effet, j'ai une motion.
    Étant donné ce qui s'est produit à Fort McMurray, je propose que nous disions merci au ministre de la Sécurité publique, au Centre des opérations du gouvernement et à tout le personnel pour leur réaction à ce qui se passe à Fort McMurray.
    Avons-nous besoin de quelqu'un pour appuyer la motion?
    Monsieur le président, nous voudrions certainement exprimer ce sentiment. Je pense que si la motion était davantage axée sur les premiers répondants, les travailleurs de la sécurité, ce genre de choses...
    Je pense que le ministre fait du bon travail, mais je ne crois pas qu'il doive être inclus dans cette motion. Ce sont vraiment les gens sur le terrain et les familles touchées. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec l'esprit de la motion.
    D'accord.
    Ceux qui sont pour?
    Si vous me le permettez, j'allais dire exactement la même chose que M. O'Toole. Le ministre fait son travail. Oui, il réponde comme il se doit et c'est bien, mais je pense que la motion est trop politique.
    Je n'en dirai pas plus.
    Je suis pour. Je crois, comme Mme Ambrose l'a dit ce matin, que nous pouvons remercier le ministre de la Sécurité publique.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous remercions tout le monde sur le terrain — ainsi que Ralph, s'il enfile ses bottes.
    Je remercie les témoins.
    J'aimerais que le sous-comité reste quelques minutes, pour que nous regardions la liste des témoins.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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