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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er décembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à la 47e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Aujourd'hui, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons bénéficier d'une séance d'information sur le rapport annuel 2015-2016 du Bureau de l'enquêteur correctionnel. Nous avons, justement, le plaisir d'accueillir l'enquêteur correction du Canada, Howard Sapers, qui est accompagné de son directeur exécutif, Ivan Zinger.
    Merci beaucoup de vous être mis à la disposition du Comité, qui a d'ailleurs eu la chance d'examiner le rapport annuel. Nous souhaitons vous entendre sur votre rapport annuel et sur tout ce à propos de quoi vous voudrez entretenir le Comité. Nous voulons profiter de cette occasion pour vous féliciter pour votre nomination récente et pour vous souhaiter bonne chance en espérant vous revoir à Ottawa dans l'avenir.
    Je vous en prie, commencez. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, puisque ce sera votre chant du signe. Nous voulons vraiment entendre ce que vous auvez à nous dire.
    Chers collègues du Comité, j'espère que nous pourrons passer aux travaux du Comité vers 17 heures. Nous avons donc une bonne heure et demie à passer avec M. Sapers et l'appel au vote retentira à 17 h 15.
    Si cela vous va, nous allons essayer de respecter ce cadre.
    Monsieur Sapers.
    Jamais auparavant on ne m'a dit que je pouvais disposer de tout le temps que je souhaitais. Voilà qui me fait sentir d'autant plus privilégié cet après-midi. J'ai toujours estimé que c'était un privilège que de témoigner devant votre Comité. J'apprécie donc de pouvoir vous rencontrer à l'occasion de ce qui sera sans doute une dernière fois dans ces fonctions.
    Nous avons eu souvent l'occasion de parler de questions importantes. Vous m'avez déjà entendu parler de sujets que nous allons de nouveau aborder aujourd'hui, mais comme je le dis toujours, je ne cesserai jamais de me répéter tant que tout le monde ne sera pas à l'écoute. Certains des thèmes que je vais aborder sont nouveaux et, bien sûr, nous aurons l'occasion d'échanger amplement lors de la période des questions.
    Encore une fois, merci, monsieur le président.
    Je suis accompagné de Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général du Bureau de l’enquêteur correctionnel.
    Le ministre de la Sécurité publique a déposé le Rapport annuel au Parlement le jour de l'Halloween, le 31 octobre 2016. Il s'agissait de mon 12e rapport annuel et du 43e rapport du Bureau de l'enquêteur correctionnel, si bien que l'on peut parler d'une longue tradition, d'un long passé quant au genre d'échanges que nous allons avoir.
    Comme il convient, le rapport du présent exercice fournit une évaluation de l’état des actuel des services correctionnels au Canada ainsi qu’un plan détaillé pour une réforme globale. Le rapport comporte 27 recommandations. C'est plus que raisonnable, c'était nécessaire.
    Comme vous le savez, le rapport s’adresse à un nouveau gouvernement et il réitère délibérément certaines des recommandations n’ayant pas encore été mises en oeuvre ou n’ayant jamais obtenu de réponse adéquate, d’autres ayant été ignorées ou rejetées et d’autres encore qui traînent depuis trop longtemps.
    En outre, ce rapport comprend de nouvelles recommandations qui ciblent, par exemple, les droits des détenus transgenres, le rôle des fournisseurs de soins de santé au sein des services correctionnels, ainsi que les préoccupations opérationnelles liées aux récentes unités à sécurité minimale dans les établissements régionaux pour femmes.
    Il s’agit d’une fiche de rendement publique qui se veut équilibrée et impartiale, mais quelque peu volumineuse. J'espère que votre Comité pourra s'en servir de fiche de reddition de compte au sujet du fonctionnement du Service correctionnel du Canada. En dépit des progrès réalisés dans certains dossiers, les domaines à améliorer ne manquent pas.
    Je suis heureux que le rapport du présent exercice et les recommandations connexes aient été accueillis avec un degré d’intérêt renouvelé de la part du Service correctionnel du Canada et du ministre. Cela se révèle positif, encourageant et de bon augure pour ce qui est d’assurer la transition harmonieuse et fructueuse du prochain enquêteur correctionnel. Je quitte ce poste en étant pleinement confiant dans l’avenir du Bureau et dans ces relations avec le Services correctionnels.
    Voici quelques questions qui ressortent à la lumière du rapport du présent exercice:
    Il y a premièrement une augmentation constante du nombre d’Autochtones derrière les barreaux, lesquels représentent à l’heure actuelle plus de 25 % de la population carcérale totale. Les cycles liés aux traumatismes intergénérationnels, à la pauvreté et aux possibilités fermées qui continuent de s’étendre au sein de nos pénitenciers demeurent un fléau dans le dossier du Canada en matière des droits de la personne.
    Il y a un besoin démontré, mais non comblé, de fournir davantage de programmes de formation professionnelle et d’acquisition de compétences dans le système correctionnel. Plus des trois-quarts des personnes admises dans les établissements fédéraux à l’heure actuelle n'ont pas de diplôme d’études secondaires. La plupart d’entre elles n’ont jamais disposé d’un revenu fixe ni occupé un emploi stable.
    Les progrès au chapitre de la prévention des décès en établissement se sont révélés insuffisants. Mon Bureau continue de mener des enquêtes sur des décès en établissement pour lesquels l’intervention du personnel s’est avérée inadéquate, tardive ou bâclée. Le taux de suicide en établissement demeure résolument élevé, tandis que l’âge médian de la mortalité naturelle demeure particulièrement bas, avec une moyenne de seulement 62 ans.
    Le besoin envers de nouveaux modes de prestation de services pour les délinquants qui sont atteints de troubles mentaux importants, qui s’automutilent de manière chronique ou qui sont suicidaires demeure plus que jamais urgent et criant.
(1535)
    Le nombre d’incidents de recours à la force mettant en cause des agents inflammatoires et chimiques est alarmant. Depuis 2011, l’utilisation des vaporisateurs de poivre sur les détenus a triplé. L’emploi de ces agents demeure tellement ancré, répandu et banal qu’il risque de supplanter les méthodes plus dynamiques et moins coercitives de règlement des conflits derrière les barreaux.
    Le système carcéral est de plus en plus mal outillé pour satisfaire aux besoins en matière de soins de santé de la population de détenus qui est vieillissante et qui devient de plus en plus malade derrière les barreaux. Nous devons trouver des options plus sécuritaires et rentables pour gérer une sous-population croissante qui présente les risques les moins élevés pour la sécurité publique, bien que les coûts en matière d’incarcération s’y rattachant restent parmi les plus onéreux.
    Ces préoccupations ne datent pas d’hier. Même avec le degré d’intérêt renouvelé envers le rapport du présent exercice, bon nombre de mesures auxquelles le Service s’est engagé à donner suite exigent d’autres études et consultations, une évaluation des options ou la préparation de rapports quelconques.
     Bien que des consultations et des études approfondies se révèlent essentielles, le Bureau fait état annuellement de ces enjeux depuis ma nomination initiale en 2004. Les questions qui posent problème sont maintenant profondément et fermement ancrées.
    Je vais profiter du temps qu’il me reste pour souligner les domaines d’intérêt mutuel et les priorités qui se recoupent entre mon Bureau et votre Comité, et les intentions énoncées par le gouvernement au chapitre de la réforme du système de justice pénale.
     Quatre grands domaines ressortent des lettres de mandat du premier ministre: Un, régler la question de la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux. Deux, établir d’autres limites légales quant au recours à l’isolement cellulaire au Canada. Trois, mettre en oeuvre les recommandations restantes découlant de l’enquête sur le décès d’Ashley Smith. Quatre, effectuer un examen exhaustif du système de justice pénale.
    Il existe de nombreuses façons de faire progresser ces domaines d’intérêt sans devoir entreprendre une longue et importante réforme législative. Parmi celles-ci, citons la mise en oeuvre de ces recommandations auxquelles on n’a pas donné suite:
    Premièrement, nommer un sous-commissaire aux affaires autochtones au sein des services correctionnels fédéraux.
    Deuxièmement, faire en sorte que les dispositions législatives visant les Autochtones, dans la Loi sur le système correctionnel, et la mise en liberté sous condition soient pleinement utilisées, y compris par l'augmentation du nombre d’ententes intergouvernementales relatives à la prise en charge, à la garde et à la surveillance des délinquants autochtones par les communautés de Premières Nations, métis et inuites.
    Troisièmement, assurer la prestation de services de soins infirmiers 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, dans tous les établissements à sécurité moyenne et maximale.
    Quatrièmement, réaffecter les ressources afin de mieux financer les initiatives de réadaptation et les activités de réinsertion sociale dans la collectivité.
    Cinquièmement, améliorer la formation sur les droits de la personne et sur le droit correctionnel à l’intention du personnel correctionnel de première ligne.
    L’accès à des soins de santé de qualité derrière les barreaux exige une attention soutenue. J’estime qu’il est d’intérêt public que le modèle optimal pour les soins de santé mentale du Service fasse l’objet d’une validation indépendante.
    En outre, il est temps que le Service correctionnel du Canada accroisse les mesures visant à réduire les méfaits qui reflèteront de manière plus générale ce qui est offert et mis en application dans la collectivité.
    Enfin, il faut poursuivre davantage l’intégration des services de santé en établissement et dans la collectivité afin de faciliter la réinsertion sociale en toute sécurité et en temps opportun.
    Dans le cadre de l’examen plus général et de la réforme du système de justice pénale du Canada, on doit chercher des moyens de renforcer la surveillance indépendante. Voici comment atteindre cet objectif:
    Premièrement, signer le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et mettre sur pied un système d’inspection à l’échelle nationale et internationale pour tous les lieux de détention au Canada.
    Deuxièmement, introduire un arbitrage indépendant afin de prolonger l’isolement préventif au-delà de quinze jours.
    Troisièmement, mettre sur pied un bureau de défense des patients dans les cinq centres régionaux de traitement du Service correctionnel du Canada.
    Quatrièmement, créer une table ronde sur la prévention des décès en détention.
    Cinquièmement, garantir l’indépendance de la Division des appels de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
    Des progrès dans ces domaines permettraient au Canada de redevenir un des chefs de file au chapitre des droits de la personne et contribueraient à rétablir la confiance du public en ce qui touche les décisions prises par la Commission des libérations conditionnelles du Canada et le Service correctionnel du Canada.
    En outre, un examen précis de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la LSCMLC doit être entrepris dans le contexte plus général de l’examen du système de justice pénale.
(1540)
    Plusieurs aspects de la LSCMLC nécessitent une attention immédiate, notamment:
    Premièrement, le recours à un arbitre indépendant et l’interdiction de placer en isolement préventif certaines catégories de délinquants, comme les délinquants qui éprouvent des problèmes importants de santé mentale, qui s’automutilent ou qui sont suicidaires.
    Deuxièment, un examen de l’objectif et des principes des services correctionnels fédéraux afin qu’ils correspondent davantage à la Charte des droits et libertés.
    Troisièment, l’établissement de facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones, soit l'arrêt Gladue, comme exigence obligatoire dans le cadre de toute décision qui influe sur les intérêts relatifs à la vie, à la sécurité ou à la liberté d’un délinquant autochtone.
    À cette liste, j’aimerais aussi ajouter certains éléments liés à la libération conditionnelle qui, s’ils étaient changés, permettraient d’éliminer des obstacles inutiles à la réinsertion sociale sécuritaire et en temps opportun: le rétablissement des procédures d’examen expéditif ou de la mise en liberté fondée sur la présomption pour les délinquants non violents purgeant une première peine d’emprisonnement sous responsabilité fédérale; un examen des périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle; une évaluation de la nécessité de tenir des audiences en personne pour les décisions postsuspension et des examens obligatoires relatifs aux conditions d’assignation à résidence; un examen des dispositions relatives à la suspension du casier, y compris les périodes d’attente et les frais obligatoires.
    Enfin, de nombreuses réformes à l’extérieur du système correctionnel fédéral pourraient avoir une incidence positive sur les résultats correctionnels, y compris la surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers et la criminalisation des personnes atteintes de troubles mentaux: un pouvoir judiciaire discrétionnaire accru dans le cas des suramendes compensatoires; un pouvoir judiciaire discrétionnaire accru dans le cas de la plupart des peines minimales obligatoires; le financement par le gouvernement fédéral des services d’aide juridique pour les personnes autochtones accusées, afin de s’assurer que les facteurs liés aux antécédents sociaux, l'arrêt Gladue, sont pris en considération par les tribunaux et les services correctionnels; un examen des solutions de rechange à l’incarcération, y compris les peines avec sursis, les mises en liberté sous caution et les tribunaux spécialisés; des réformes du système de justice pénale visant à répondre aux besoins des délinquants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation foetale.
    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre intérêt pour le travail accompli par le Bureau de l'Enquêteur correctionnel. J'apprécie le temps que vous m'avez accordé et je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Sapers.
    Monsieur Spengemann.
(1545)
    Messieurs Sapers et Zinger, je vous remercie beaucoup d'être ici. Merci pour votre important travail.
    Monsieur Sapers, nous vous remercions tout particulièrement pour vos longues années de service dans ce domaine. Tous mes vœux vous accompagnent dans votre nouveau rôle.
    Je vais consacrer les sept minutes dont je dispose à examiner avec vous la question des relations de nos communautés autochtones avec le système correctionnel fédéral. En fait, au début de son mandat, le comité a formulé le désir, exprimé par certains de ses membres, d’intervenir dans ce domaine. Je garde présent à l’esprit ce que vous avez dit au sujet des études ultérieures, mais vous nous rendriez service en acceptant de voir dans mes questions une demande de la part du comité de l'aider à formuler une approche conduisant à une intervention plus active de sa part sur cette très importante question.
    Pour ce qui est des Premières Nations, notre gouvernement s’est engagé on ne peut plus clairement en faveur d'un dialogue de nation à nation. Cela touche des questions que nous avons vues cette semaine, comme les approbations de pipelines. Les questions relatives à la santé des Autochtones et à l'infrastructure dans le Grand Nord en ce qui concerne l'eau potable. Mais je dirais que rares sont les domaines où le message est aussi profond que dans celui des services correctionnels.
    Je me propose d'aborder avec vous quatre thèmes généraux qui ressortent de votre rapport, mais aussi du troisième rapport de la vérificatrice générale intitulé Préparer les délinquants autochtones en vue de leur mise en liberté. Nous parlons de la surreprésentation, de l'accès aux programmes correctionnels, du parcours du cycle complet des programmes correctionnels, puis de l’étape importante de la libération et de la réintégration.
    J'aimerais ajouter à cela la très importante question des femmes autochtones. Je ne perds pas de vue les commentaires du rapport sur les femmes en général, mais une analyse comparative entre les sexes montre que la situation des personnes appartenant à la fois à la catégorie femme et à la catégorie autochtone exige de toute urgence un regain d’attention.
    Ma demande est la suivante. Pouvez-vous dégager pour nous, les messages les plus saillants de vos écrits, de votre rapport, en commençant peut-être par la surreprésentation? Certains disent que ce n'est pas vraiment la faute du système correctionnel, parce qu'en amont il y a un processus judiciaire par lequel les gens sont forcés de passer. C'est une question distincte, mais comment pouvons-nous remédier à la surreprésentation en facilitant l’accès à des programmes tenant compte des spécificités culturelles?
    Ensuite, en ce qui concerne le processus de libération, comment pouvons-nous l’améliorer et éliminer le risque de récidive, tout en facilitant la réinsertion sociale?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas la faute du Service correctionnel du Canada si aujourd'hui, 26,5 % de la population carcérale fédérale est d’origine autochtone. Récemment, mon bureau a rapporté la triste nouvelle du franchissement de ce seuil de 25 %, et la proportion a augmenté depuis. Il y a des questions en amont, des questions sociales et structurelles importantes qui doivent être abordées, mais un élément important de la solution est entre les mains des services correctionnels, je crois.
    Vous avez parlé des femmes. Près de 37 % des femmes purgeant une peine fédérale sont autochtones. C'est l'un des segments de la population des services correctionnels fédéraux qui croît le plus rapidement. La proportion de femmes autochtones purgeant une peine fédérale a, je crois — et, bien sûr, M. Zinger est ici pour confirmer mes dires — doublé ou presque doublé pendant mon mandat d'enquêteur correctionnel du Canada.
    Cette surreprésentation choquante, dramatique et déraisonnable dans notre système correctionnel est inextricablement liée aux autres questions qu’il faudra aborder dans le cadre du dialogue de nation à nation dont il est question aujourd’hui. Le Service correctionnel du Canada l'a identifié comme une priorité.
    En fait, l'identification du problème n'est plus le problème. J'ai passé récemment, cette semaine en fait, un certain temps à un sommet Gladue pour tenter de définir ce qui pourrait être fait, du moins dans la province de l'Ontario, pour régler ces problèmes. Gladue, bien sûr, fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada, une décision très fondamentale. Ce qui est clair, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de reconnaître l'impact du contact colonial; pas seulement de reconnaître le traumatisme intergénérationnel; il ne s'agit pas seulement de reconnaître qu'il y a eu dislocation; il s’agit ensuite d’appliquer une grille d’analyse capable d’apporter des résultats nouveaux.
    À mon avis, c'est là où le Service correctionnel du Canada échoue. Le Service correctionnel du Canada a mis au point des pavillons de ressourcement. Le Service correctionnel du Canada possède une direction des services correctionnels pour les Autochtones. Le Service correctionnel du Canada collabore avec les aînés et a un comité consultatif national sur les questions autochtones. Il existe des programmes tenant compte des spécificités culturelles. Il y a des lieux sacrés dans la plupart des institutions. Toutes ces choses sont positives, sont importantes, sont nécessaires, mais elles ne comblent pas le manque.
    Je vais vous donner un exemple précis de ce que je veux dire. Sur un grand nombre de formulaires et de documents que le personnel du Service correctionnel du Canada doit remplir dans le cadre de la procédure de prise de décision, il y a un champ sur les antécédents sociaux autochtones, précisant si l’on a affaire à un autochtone homme ou femme. Ce que l’on trouve trop souvent dans ce champ n'est pas une analyse de ce que signifient ces antécédents sociaux et de leur incidence sur la décision en cours. On trouve une simple indication disant que les antécédents sociaux ont été pris en considération.
(1550)
    Puis-je vous poser une question latérale? Je ne veux pas interrompre votre pensée parce que c'est important, mais j'ai juste une petite question corollaire.
    Vous avez mentionné le directeur des services correctionnels autochtones ou un cadre supérieur du Service correctionnel du Canada. Quelle est la diversité du corps des agents du Service? Les autochtones des Premières Nations sont-ils suffisamment représentés parmi les agents correctionnels? Si quelqu'un qui n'est pas autochtone lit ou regarde ces facteurs, aura-t-il réellement une compréhension suffisamment profonde du contexte pour arriver à une décision qui ajoute de la valeur?
    Vous vous rendez compte que vous avez posé au moins six questions en une.
    Je dispose de très peu de temps, j’essaie de les faire passer.
    J’essaierai d'être aussi rapide que possible dans mes réponses, mais les questions sont importantes.
    En ce qui concerne l'équité en matière d’emploi, le Service correctionnel du Canada fait bien. En ce qui concerne la façon dont il reflète la population desservie, le résultat est moins bon.
    Mais la question que j'aimerais poser à ce sujet est la suivante: serait-ce un succès si 40 % des femmes qui travaillent dans les services correctionnels étaient d'origine autochtone? C’est passer à côté du problème. Le problème est la surreprésentation. La plus grande circonspection est de mise.
    L'autre question, c’est que l’on peut faire toute la formation de sensibilisation culturelle que l’on veut avec tout ce qui s'y rattache, mais si on ne change pas la culture — la culture est plus forte que la politique —, on n’aura aucun impact; on n’aura pas les résultats attendus.
    Tout dépend de l’attitude de la haute hiérarchie, et cela nous ramène à la raison pour laquelle nous disons qu'en dépit de la qualité du personnel de la direction des services correctionnels autochtones, nous avons besoin d'un commissaire adjoint. Nous avons besoin d'un dirigeant qui ait pour mission exclusive de rendre compte des questions touchant aux services correctionnels autochtones.
    Merci.
    Merci, messieurs Sapers et Spengemann.
    Monsieur Clement.
    Merci de votre présence, monsieur Sapers.
    Dans ma circonscription, j'ai un établissement correctionnel appelé Beaver Creek. Il y avait Beaver Creek et Fenbrook. Ils ont fusionné et s'appellent Beaver Creek. C'est une institution importante, qui doit être gérée correctement, il n'y a aucune question à ce sujet.
    Pardonnez-moi de ne pas connaître toute l'histoire de l'enquêteur correctionnel du Canada. Votre rôle est de représenter qui dans le système?
    Le bureau a été créé dans le sillage d’une commission d'enquête sur une émeute au pénitencier de Kingston en 1971. Il a été établi pour mettre en œuvre les conclusions de cette enquête, qui disaient entre autres que les émeutes, qui avaient fait des victimes et causé d’énormes dégâts matériels, étaient dues à la frustration accumulée imputable aux insuffisances et au mauvais fonctionnement du dispositif visant à répondre aux préoccupations légitimes et aux griefs de la population carcérale.
    Le Parlement a créé le Bureau de l'enquêteur correctionnel, d'abord sous la forme d’une commission d'enquête en vertu de la Loi sur les enquêtes et, par la suite, après la charte, l’a inscrit dans la loi comme ombudsman des délinquants sous responsabilité fédérale, chargé de faire rapport au Parlement sur les cas de mauvaise administration au Service correctionnel du Canada et de répondre aux préoccupations des délinquants.
    Cette autorité statutaire…
    Vous êtes l’avocat de la population des délinquants alors?
    Non. Je suis ombudsman, ce qui veut dire que je suis indépendant et neutre. Je ne prends pas parti.
    Je vois.
    Nous nous occupons des plaintes. Nous identifions les faiblesses systémiques. Nous faisons des recommandations au commissaire ou au ministre pour remédier à ces faiblesses.
    Dans le cours normal de votre travail, vous êtes amené à interagir avec les délinquants, mais aussi avec les agents et les administrateurs du service correctionnel? C’est comme cela que ça marche?
    Le personnel de mon bureau, moi y compris, travaille au contact des détenus en premier lieu, mais dans le cadre de notre travail nous rencontrons le personnel du Service correctionnel du commissaire jusqu’au dernier échelon de l’organisation, pour recueillir de l’information, négocier les mesures de redressement, afin de pouvoir prendre des décisions mieux informées.
    Cela en réponse à une plainte ou lorsque vous examinez un problème de politique en particulier. Vous dites que vous êtes indépendant, mais il semble, d’après ce que vous dites, que vous êtes principalement là pour représenter le délinquant dans le processus. Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous ne dites pas. J'essaie juste de comprendre...
    Si un agent des services correctionnels a un problème, est-ce qu'il ou elle s’adresse à son syndicat pour le régler, ou est-ce qu’il peut s’adresser à vous? Pourriez-vous rédiger un rapport du point de vue d'un agent des services correctionnels plutôt que du point de vue d'un délinquant, en cas de discordance entre les deux? Comment cela fonctionne-t-il à cet égard?
(1555)
     Le médiateur peut examiner les plaintes émanant directement des détenus. Il peut recevoir des plaintes de membres de la famille. Il peut aussi prendre en charge une plainte du ministre de la Sécurité publique. Il a également la possibilité d'enquêter de sa propre initiative.
    Le médiateur reçoit des renseignements du personnel du Service correctionnel du Canada. Il ne règle pas le problème ou les griefs des employés. Ceux-ci ont une convention collective. Ils ont d'autres mécanismes de service public, comme le Commissariat à l'intégrité ou le commissaire aux langues officielles, et des moyens de recours auprès d’une foule d’autres organes. Pour en revenir à l'histoire du bureau, sa création répondait à un besoin particulier, et visait à accroître la responsabilité des services correctionnels dans la résolution des griefs des détenus concernant les actes, omissions ou décisions du Service correctionnel du Canada.
    C'est très bien. Je veux juste savoir d'où vous venez. Évidemment, je suis surtout au contact des employés qui sont les agents des services correctionnels de l'établissement et qui, parfois, ont besoin de quelqu'un qui comprend leur travail très difficile. Parfois, ils sont dans une situation très difficile où la direction a des attentes et où le public pourrait avoir des attentes. Les délinquants ont des droits, évidemment, dans notre système, et parfois ce sont les agents des services correctionnels qui ont besoin d'une voix. C'est un travail très difficile à faire, sur le plan psychologique, et parfois physiquement dangereux. Je tenais à le dire pour le compte rendu.
    Puis-je aborder un autre problème avant de céder le reste de mon temps? Est-ce vous qui avez recommandé au ministre une augmentation du salaire des prisonniers?
    Oui.
    Pourriez-vous m’expliquer un petit peu le raisonnement qui vous fait dire qu’il nous faut payer les prisonniers davantage?
    Eh bien, c'est assez simple. Les allocations accordées aux détenus pour le travail à l'intérieur des établissements et pour la participation au programme ont été fixées en 1981. Depuis 1981, les délinquants purgeant une peine fédérale supportent des charges de plus en plus lourdes au titre de choses comme les appels téléphoniques. En outre, une partie de leurs revenus, si petits soient-ils, sert à payer leur pension.
    Cette allocation, établie il y a 35 ans, permet également aux détenus d'épargner pour leur libération et pour maintenir le contact avec leur famille. Je ne sais pas comment a évolué le coût d'un timbre-poste en termes de pourcentage depuis 1981, mais si quelqu'un veut envoyer une carte d'anniversaire à son enfant ou une carte de Noël à sa famille, il doit payer lui-même. Cet argent leur sert aussi pour la cantine, pour acheter un article qu’on peut se procurer à la cantine des détenus; le coût des produits de cantine a augmenté de près de 800 %, je crois, en 35 ans, mais bien sûr, les allocations n’ont pas…
    Le fait qu’une partie de cet argent puisse servir à satisfaire une addiction ne vous préoccupe pas?
    Non.
    Pourquoi pas?
    Eh bien, le maximum qu’un détenu peut gagner, le plafond de la fourchette salariale, si l’on peut dire — les termes ne sont pas des mieux choisis — est de 6,90 $ par jour. Si l’on tient compte des contributions aux fonds du comité des détenus et des autres dépenses dont je parlais, comme le téléphone, etc., on voit bien qu’il ne leur reste pas beaucoup de marge financière. Dix pour cent du revenu sont obligatoirement versés sur leur compte d'épargne; 15 % vont au fonds de protection sociale des détenus; 8 % servent à payer les frais d'administration téléphonique; 22 % vont aux frais de nourriture et d'hébergement; et il y a un remboursement obligatoire de 25 % s'il y a une dette en souffrance envers la Couronne, au titre des suramendes compensatoires et ce genre de choses. Ça ne laisse pas beaucoup d'argent pour alimenter la dépendance au sein des institutions.
    Il faut bien qu’ils le sortent de quelque part, je suppose.
    J’imagine que mon temps de parole est terminé?
    Il est terminé.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Sapers, je me joins à ceux qui vous remercient pour votre travail, et je vous adresse tous mes vœux de réussite dans votre nouvelle fonction comme conseiller des services correctionnels de l’Ontario. Il y a certainement beaucoup de travail à faire sur ce front également, mais je vous remercie.

[Français]

    Ma question concerne encore une fois la population autochtone, qui est surreprésentée dans les prisons.
     En ce qui concerne l'actualité, le rapport du vérificateur général faisait état cette semaine de programmes de réinsertion, et ce, précisément pour la population autochtone. Êtes-vous d'accord avec le vérificateur général sur cette question? Croyez-vous que si votre recommandation était appliquée, à savoir celle qui consiste à affecter un sous-commissaire aux affaires autochtones, cela pourrait combler en partie les lacunes qui ont été soulignées cette semaine par le vérificateur général?
(1600)

[Traduction]

    Merci pour votre question.
    Je vous dirai que j'ai été très impressionné par le discernement dont a fait preuve la vérificatrice générale dans son rapport sur la question. Bon nombre de ses conclusions rejoignent celles de notre bureau. En fait, la cohérence entre elles est totale. Les recommandations sont pertinentes et j'ai aussi été très impressionné par la réaction rapide et positive du Service correctionnel du Canada.
    Je noterai cependant que, dans sa teneur générale, cette réponse représente le statu quo. Elle ne fait pas faire un pas en avant, et c'est le problème. Je vous donne un exemple.
    En 2012, mon bureau a déposé, pour la deuxième fois de son histoire, un rapport intitulé Une question de spiritualité. Il s’agissait d’un examen visant à déterminer si le Service correctionnel du Canada avait mis en œuvre les articles de la loi sur les services correctionnels et la mise en liberté conditionnelle concernant spécifiquement les autochtones conformément à la volonté du Parlement. Notre conclusion générale était que non, que cela n'avait pas été le cas.
    L’un des articles de cette loi prévoit le transfert des délinquants autochtones condamnés aux communautés autochtones qui s’en voient confier le soin et la garde. Le moyen en est assuré par les pavillons de ressourcement. C'est l'article 81 de la loi. Lorsque nous avons fait notre enquête, il n'y avait eu que six accords de signés pour ces pavillons de ressourcement — six seulement. Il n'y en avait aucun dans le nord du Canada, aucun dans le Canada atlantique, aucun en Colombie-Britannique et aucun en Ontario — aucun.
    Nous avons fait des recommandations qui ont été soumises au Parlement dans le cadre de ce rapport spécial. Le Service correctionnel du Canada a pris acte des problèmes qu’elles soulevaient, mais six ans se sont écoulés depuis et il n'y a encore que six accords de signés. La capacité d’hébergement des pavillons de ressourcement prévus par l’article 81 n’a pas augmenté d’un seul lit, alors que la proportion des délinquants autochtones a considérablement augmenté au cours de ces six années.

[Français]

     Pour revenir à votre recommandation, qui consiste à affecter un sous-commissaire aux affaires autochtones, je crois que c'est la deuxième fois que vous la soumettez depuis que je siège à ce comité.
     Le ministre s'est-il montré disposé à accepter cette recommandation? Le fait qu'une personne occupe ce poste et comprenne les sujets sensibles dont la population autochtone a besoin qu'on tienne compte serait selon moi un bon début pour traiter de ces enjeux.

[Traduction]

    Le ministre est informé de cette recommandation et de l'importance que nous lui accordons et il s'est engagé à l’examiner. Je sais que des résistances persistent au sein du Service correctionnel du Canada. En fait, son argument, c’est qu'il s'agit déjà d'un dossier qui fait partie du mandat du sous-commissaire principal et qu'il a déjà une haute représentation autour de la table et qu’en fait, il incombe à chacun d’en prendre dûment acte et de mettre en œuvre le plan stratégique pour les délinquants autochtones. Le problème, c'est que ça, c'est le statu quo, et que ça n'a pas marché.
    Nous avons des anciens qui participent à chaque stade du processus correctionnel. Nous avons un comité consultatif national autochtone comme l’exige la loi, mais ce que nous n'avons pas, c'est... Une de mes employées m'a donné une idée ce matin. Elle me demandait pourquoi nous n'avons pas de directives des aînés au lieu de directives du commissaire. Pourquoi ne pas changer le libellé? Pourquoi ne pas dire clairement qu'il s'agit de respecter la culture, la spiritualité et les besoins des autochtones? Pourquoi n'avons-nous pas de directives des aînés?
    Eh bien, si nous avions un commissaire adjoint pour les services correctionnels autochtones, peut-être que cela pourrait être l’une de ses fonctions: créer cette opportunité, cet espace, et introduire ce genre de leadership dans la pratique correctionnelle. Le statu quo ne fonctionne pas.
    Je voudrais soulever une autre question, dont vous avez parlé auparavant. J'ai entendu — et dans mon cas, j'admets que c'était la première fois — le groupe d’entraide des mères parler des scanners d'ions, dont vous aviez parlé en 2012, je crois, et avant. Je m’interroge sur cette notion de faux positifs et son impact sur les visites, et par voie de conséquence sur la réadaptation et la réinsertion. J’aimerais avoir votre point de vue là-dessus, étant donné que je n'en avais guère entendu parler avant la réunion en question.
(1605)
    Oui, la détection de faux positifs est un problème, et c'est un problème qui s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste de problèmes qui touche au maintien du contact et du soutien familial. Les prisons ne sont pas des milieux accueillants. Elles n’ont pas vocation à l’être. Les murs des prisons servent à empêcher les gens autant à y entrer qu’à en sortir.
    Quand les gens entrent dans une institution, il y a un risque. Un risque de contrebande. Un risque qu'ils apportent des armes. Cela peut être perturbateur, donc une composante de sécurité vient entourer ce risque, mais à un certain niveau, celle-ci interfère avec d'autres impératifs comme ceux visant par exemple à assurer le bon fonctionnement des services correctionnels, le maintien des contacts communautaires et l'accès au monde extérieur ainsi que l’aide au maintien des relations familiales.
    Un déséquilibre s’est créé. L'introduction de la technologie dans les services correctionnels a été très rapide. Il n’y a pas que les faux positifs sur les scanners d'ions, mais aussi d'autres types de technologie, qui font des services correctionnels un lieu où la technologie est omniprésente et les contacts de plus en plus rares, ainsi que les possibilités d'interactions humaines…
    Je ne veux pas interrompre, mais mon temps pour les questions touche à sa fin.
    Je voulais vous demander si, compte tenu de l'introduction rapide de la technologie, vous jugez approprié d'examiner les moyens mis en œuvre pour réduire au minimum les faux positifs et en même temps, ce qui est assez intéressant, pour empêcher la consommation de drogues, pour atteindre ces deux objectifs?
    Ce serait une excellente idée de passer en revue la technologie sous divers angles. Pour s'assurer déjà qu'il s'agit d'une utilisation appropriée de la technologie et conforme à la loi. Ensuite pour voir si le coût de cette technologie est ou non proportionnel à l'avantage qu'il apporte, parce que, bien sûr, l'argent dépensé pour des scanners d'ions est de l'argent qui n'est pas dépensé pour des programmes de réadaptation, par exemple. Troisièmement pour s'assurer que l’on ne se contente pas d’acheter de la technologie. Il est tout aussi important d’assurer une formation continue et pertinente du personnel, de suivre l’évolution de la technologie et de veiller à ce qu’elle soit calibrée et utilisée comme il se doit, que les gens sachent s’en servir, etc.
    Un examen sous ces trois aspects serait particulièrement utile.
    Merci, monsieur Sapers.
    Madame Damoff.
    Monsieur Sapers, permettez-moi de me joindre à mes collègues pour vous remercier de votre travail au service aux Canadiens, ce qui, j'en suis sûr, a souvent été une tâche ingrate.
    J'ai tant de questions que je ne sais pas par où commencer.
    Quand je me suis entretenu avec les agents de libération conditionnelle, on m'a rappelé qu’on a tendance à oublier que les délinquants sortiront de prison à un moment donné et qu’il nous faut réfléchir au type de personne que nous libérons. Je songe à ce que vous dites à ce sujet, que ces gens ont commis un crime, qu'ils sont en prison, mais que nous devons également penser à quel genre de personne nous libérons.
    Vous avez souligné le nombre d'autochtones en prison. Lors de notre caucus des droits de la personne récemment, un de mes collègues a parlé du racisme des attentes moins élevées. J'ai rencontré récemment le sénateur Pate, et elle a parlé de l’effet du privilège sur les accusations criminelles.
    Je sais que vous n'êtes pas responsable de la détermination de la peine et du nombre de personnes qui sont envoyées en prison, mais j'ai noté dans le rapport de la vérificatrice générale que le pourcentage de prisonniers indigènes qui demandent une libération conditionnelle la première fois qu’il leur est possible de le faire est de 12 % et cela concerne aussi l'accès aux programmes durant la détention. Avez-vous des suggestions sur la façon dont nous pouvons vous aider, en veillant à donner à nos autochtones la possibilité d'accéder aux programmes et à la libération conditionnelle?
    Oui, et c'est très complexe. Je sais que je suis censé donner des réponses brèves, et je suis désolé.
    L’accès aux programmes et la capacité d’accueil des programmes: c'est une question d’ordre général. S'assurer que les gens ont accès aux programmes en temps opportun, que les programmes, c’est très important, sont dispensés par du personnel qualifié et au bon moment durant la détention, que cela fait partie d’un programme structuré de suivi en vue de la mise en liberté. Nous savons que la bonne application du programme débouchant sur une mise en liberté en temps opportun, et un bon encadrement dans la collectivité sont la clé du succès. Nous savons que la clé de l'échec est de ne pas de le faire.
    Quand on examine l’évolution de la situation concernant les délinquants autochtones à la lumière de ces facteurs, des contradictions se font jour. Tel détenu autochtone sera très engagé sur le plan de sa culture et de son identité et prendra activement part à la programmation culturelle. Pour tel autre, ce n'est pas le cas. Le premier aura accès aux unités des Sentiers autochtones, et interagira avec un aîné. L’autre, non. Parfois, les programmes se heurtent à une barrière, en fonction de la sensibilisation de l’individu ou de son engagement vis-à-vis de son patrimoine autochtone, et le Service correctionnel doit s’attaquer à cette question.
    Nous avons de très bons programmes et un excellent catalogue de programmes, mais ce qui se passe réellement dans les institutions ne s’y reflète pas souvent. Il faut surmonter toutes sortes de défis pour obtenir que les personnes compétentes…
(1610)
    Ces programmes ont-ils été adapté de manière à tenir compte de l’augmentation du nombre des détenus autochtones?
    Je ne dispose pas d’un bilan à jour de la situation au niveau national en matière de capacité. Je peux vous dire que les programmes sont en plein changement pour une autre raison. Le Service correctionnel du Canada est passé à ce qu'il appelle un modèle de programme correctionnel intégré. Maintenir intacte la composante autochtone dans le cadre de ce programme apparaît comme problématique. Il n’y a pas uniformité partout au pays. La carte des capacités ne reflète pas toujours celle des besoins.
    Je voudrais parler un peu de la santé mentale. Quand Don Head a comparu devant notre comité, il a dit qu'il ne voulait pas que nos prisons deviennent des établissements psychiatriques. C'est compréhensible, sauf que nous avons beaucoup de gens — 26 % des hommes et la moitié des femmes — qui souffrent de troubles mentaux.
    Je me demande comment nous pouvons travailler avec nos homologues des provinces pour résoudre certains de ces problèmes de santé mentale avant que les gens ne soient incarcérés. Cela diminuerait-il le nombre d'incarcérations? D'autre part, comment faire en sorte que les détenus reçoivent le traitement dont ils ont besoin pendant qu'ils sont en prison? Voilà une autre question difficile.
    Oui. Ce sont vraiment deux grandes questions.
    Je vais d'abord répondre à celle qui n'est pas de mon ressort et qui concerne des solutions en dehors du système de justice pénale. Lorsqu'il est évident qu'un accusé ou un suspect souffre de troubles mentaux, il y a diverses stratégies possibles. Il y a d'excellents modes d'intervention, un peu partout au Canada, qui permettent d'offrir d'autres solutions à ces personnes, suite à une intervention policière ou une intervention en santé mentale, au lieu de les poursuivre en justice. La façon la plus coûteuse de permettre à une personne d'obtenir des services de santé mentale est de la poursuivre devant les tribunaux, et cela ajoute souvent à ses problèmes mentaux la stigmatisation et les problèmes que suscite un casier judiciaire.
    Par conséquent, il faut effectivement faire plus sur ce plan-là. Nous devons certainement arrêter de criminaliser un comportement qui résulte d'une maladie mentale. Nous le faisons de plus en plus et les statistiques démontrent que cela donne des résultats. Il faut généraliser cela davantage, mieux enrayer le flot des malades mentaux qui se retrouvent en prison. Cela veut dire aussi que nous devons réexaminer sérieusement la réforme de la mise en liberté sous caution et les différentes stratégies dans les tribunaux de première comparution, et que nous devons prévoir davantage de tribunaux de la santé mentale et de mesures de soutien d'un bout à l'autre du processus.
    Quand une personne est condamnée à une peine de ressort fédéral, elle est prise en charge par le Service correctionnel du Canada. Si elle souffre de troubles psychiatriques graves et reçoit un diagnostic de maladie mentale, elle peut être hospitalisée dans un des centres de traitement du Service correctionnel du Canada. Malheureusement, la capacité de ces centres est loin de répondre à la demande.
    J'ai rencontré les gestionnaires du Royal Ottawa, et je crois qu'il y a seulement une place pour les femmes dans l'unité médico-légale.
    Il n'y a qu'une place, qui fait l'objet d'une entente contractuelle avec le Service correctionnel du Canada. En fait, il y en a peut-être deux si on y ajoute celle qui se trouve au centre de traitement de la vallée du Saint-Laurent, du Royal Ottawa, à Brockville. Ce n'est pas la même chose. Il y a une unité pour femmes au Centre psychiatrique régional géré par le Service correctionnel du Canada à Saskatoon. C'est la seule ressource nationale que gère Service correctionnel Canada. Il a aussi quelques places pour les femmes, dans le cadre d'une entente contractuelle, à l'Institut Philippe-Pinel, à Montréal.
    Est-ce suffisant?
    Non. La capacité est loin d'être suffisante pour répondre à la demande. Dans mon discours, j'ai mentionné le modèle optimal pour les soins de santé mentale du Service correctionnel du Canada. C'est un nouveau modèle que le Service a imposé en affirmant que cela permettrait de mieux répartir les ressources en santé mentale, mais je crains qu'en réalité, cela ne réduise encore plus l'accès à ces ressources.
(1615)
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux.
    Madame Watts.
    J'apprécie tout le travail que vous avez fait dans ce rapport. Je ne sais trop quoi penser. Je ne suis pas en désaccord avec la teneur de vos recommandations. Je pourrais appuyer chacune d'elles. Le problème est que…
    Vous avez parlé de l'insertion dans la société. J'ai déjà été maire et à ce titre, c'était une question importante pour moi, surtout en ce qui concerne la mise en liberté des délinquants ayant un haut risque de récidive, car nous en avions beaucoup. Une jeune fille de 16 ans de notre communauté a été assassinée; le violeur des balcons a été libéré dans notre communauté et une autre fille de 12 ans a été tuée. Dans une collectivité où vous essayez de vous attaquer à ce problème… D'autre part, si vous êtes condamné à plus de deux ans de prison, vous avez commis quelque chose de grave, surtout au Canada, n'est-ce pas?
    Nous avons constaté que les programmes en vigueur dans les établissements fédéraux étaient vraiment de bons programmes. Le problème est que les détenus sont libres d'y participer ou non; c'est entièrement facultatif. Les services de soutien dont un détenu a besoin lorsqu'il est libéré tombent souvent sous la responsabilité des collectivités, car il n'y en a pas suffisamment. La santé mentale pose tellement de problèmes que les trois niveaux de gouvernement doivent unir leurs efforts pour vraiment rectifier et examiner ces chiffres.
    Je me demande pourquoi il y a une telle augmentation du côté des femmes autochtones. Commettent-elles un type d'infractions particulier? Je me demande pourquoi cela a autant augmenté. Avez-vous fait une analyse à ce sujet?
    Il y a une foule de raisons expliquant ce chiffre disproportionné, je pense. Certaines d'entre elles sont dues à la structure de la législation pénale; l'augmentation du nombre de peines minimums obligatoires, par exemple; les décisions qui sont prises au départ, lors de la première comparution, au sujet de la mise en liberté sous caution, tout cela a tendance à suivre les gens; plus il y a d'infractions touchant l'administration de la justice sur le casier judiciaire d'une personne, plus cela entraîne des peines sévères, même s'il ne s'agit pas de nouvelles infractions criminelles. Toute une série de facteurs fait augmenter ces chiffres. Ce n'est pas un facteur unique.
    La planification de la libération, la transition de la prison à la collectivité, est l'un des éléments les plus importants et quelque chose que nous pourrions faire mieux, mais que nous ne faisons pas encore suffisamment bien.
    Je sais que mon temps est limité. Les programmes sont là. La structure est là. Le taux de récidive est, en réalité, assez faible pour les gens qui sortent d'un établissement fédéral. D'après mes renseignements — Pam, vous en avez également parlé — les problèmes de santé mentale, le manque de scolarité, tous ces facteurs commencent avant l'entrée dans le système de justice pénale. Comme cela dépend surtout de la collectivité et de la province, il faudrait que le programme soit davantage financé en amont, surtout s'il y a des mesures en place pour les Autochtones, par exemple, afin de favoriser la résilience des enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent et de déceler précocement les problèmes.
    Il y a de nombreux problèmes de dépendance et de toxicomanie, par exemple, le crack qui abîme le cerveau des gens qui se retrouvent avec des capacités intellectuelles réduites et des troubles mentaux. Cela fait boule de neige. Je crois qu'il faut mettre en place une stratégie globale. J'ai travaillé avec plus d'une centaine d'intervenants communautaires et trois niveaux de gouvernement dans le but d'établir une stratégie pour nous attaquer au problème en commençant au niveau de la collectivité afin de tenir les gens à l'écart de la justice et du système pénal.
    Votre idée d'avoir une commission des aînés, ou de confier ces personnes à une communauté autochtone lorsqu'elles sont remises en liberté, est probablement une solution qui fonctionnerait vraiment, je crois. Je ne sais pas qui s'en chargerait à part la Commission des libérations conditionnelles, si ces personnes passent devant la Commission. Je l'ignore. Que suggéreriez-vous?
(1620)
    J'ai peur de ne pas pouvoir vous donner le temps de répondre.
    Je vais préparer une réponse.
    Faites-le ou envoyez-lui une note.
    Allez-y, monsieur Mendicino.
    Comme tous mes collègues, je tiens à vous exprimer ma gratitude pour vos années de service à ce poste, et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos futures fonctions.
    À la page 45 de votre rapport vous recommandez de nommer un sous-commissaire des services correctionnels pour les autochtones. A propos de cette recommandation, qui porte le numéro 16, vous mentionnez la Commission de vérité et réconciliation et toutes ses recommandations, ainsi que l'engagement de notre gouvernement à suivre les recommandations de la Commission. Vous mentionnez les principes établis dans Gladue pour la détermination de la peine, qui ont été appliqués dans le contexte des Services correctionnels. Vous mentionnez aussi la décision Ewert que la Cour fédérale a rendue en septembre 2015 et qui mentionne notamment que les critères d'évaluation psychologique actuellement utilisés au SCC sont d'une fiabilité plutôt douteuse, et même qu'ils ne sont pas fiables pour la population autochtone, qui est surreprésentée.
    Puis-je vous demander si ces trois principaux éléments de vos recommandations formeront le début d'une lettre de mandat pour le nouveau sous-commissaire?
    Monsieur le président, je peux être bref et répondre par l'affirmative.
    Il y aurait autre chose, mais…
    Il y aurait autre chose, mais pendant que dure votre témoignage, en réponse à ma question, il me serait très utile, je pense, que vous nous disiez comment débuterait une lettre de mandat pour le nouveau sous-commissaire chargé de la population autochtone?
    Certainement. Ce n'est vraiment pas difficile à expliquer. Nous examinons un certain nombre de statistiques concernant les résultats correctionnels, par exemple, la durée de la peine purgée avant la première libération; la proportion de détenus qui ne sortent pas avant leur libération d'office ou l'expiration du mandat; le nombre de détenus mis en liberté sous condition et si leur liberté est suspendue ou révoquée, pour quelle raison; ainsi que le temps passé en isolement préventif ou dans une unité à haute sécurité plutôt qu'à sécurité minimale. Nous suivons un certain nombre de statistiques.
    Comme il y a un écart flagrant entre les chiffres concernant les Autochtones et les non-Autochtones, il faudrait que quelqu'un soit chargé d'établir des mesures de rendement et d'obtenir des résultats pour rétrécir cet écart. Cela pourrait être fait au moyen des mécanismes que nous avons décrits dans nos recommandations et que vous avez mentionnés dans votre question.
    Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à la réponse de M. Sapers.
    Il y a un comité exécutif et tout le monde a un rôle et des responsabilités. Le problème est que si chaque membre du comité exécutif est chargé, dans une certaine mesure, de se pencher sur les questions autochtones, finalement, personne n'assume vraiment cette responsabilité. Voilà pourquoi je crois important de la confier à une seule et même personne. S'il y a des décisions à prendre au sujet du financement, des programmes, des services de santé ou quant à savoir où le programme sera mis en place et comment l'organisation sera structurée, vous aurez toujours à la table une personne qui examinera les choses dans l'intérêt des Autochtones. Étant donné que plus de 25 % de notre population carcérale est d'origine autochtone, cela aura un impact, et cette personne veillera à ce que les résultats que M. Sapers a mentionnés soient atteints pour que l'écart rétrécisse avec le temps.
(1625)
    En supposant que ce bureau soit créé, comment voyez-vous le sous-commissaire des Services correctionnels pour les Autochtones collaborer avec le ministère des Affaires autochtones? Comment leurs responsabilités se recouperaient-elles?
    Le ministère de la Sécurité publique, le ministère des Affaires autochtones et les autres ministères fédéraux partagent de nombreuses responsabilités. Le gouvernement fédéral a de vastes et profondes responsabilités à l'égard des Canadiens autochtones. Elles sont très importantes compte tenu des engagements que le premier ministre a pris, surtout à l'égard de la Commission de vérité et réconciliation. Il y a un grand nombre de tables rondes et d'initiatives horizontales au sein du gouvernement. Il y a beaucoup d'initiatives FPT.
    Je comprends votre question et je n'ai pas l'intention de l'éluder…
    Et je n'ai pas l'intention de vous interrompre, mais nous sommes à court de temps.
    Je voudrais revenir rapidement sur une expression que vous avez utilisée tout à l'heure au cours de votre témoignage, à savoir que la culture est plus forte que la politique.
    Oui, elle n'en fait qu'une bouchée.
    Quelle est la principale conclusion que vous tirez de vos 20 ans de service quant à la difficulté de créer la culture qui permettrait d'apporter les réformes les plus importantes à vos yeux?
    J'estime qu'il faut toujours donner le ton aux échelons supérieurs de la hiérarchie. Si vous voulez changer la culture, il faut commencer en haut de la pyramide et s'engager à prendre des décisions basées sur des principes. Les décisions correctionnelles touchent aux droits de la personne. Si vous l'oubliez, vous oubliez vos principes et les choses commencent à aller de travers.
    Merci, monsieur Sapers.
    Monsieur Miller.
    Merci, monsieur Sapers et monsieur Zinger de votre présence ici et merci pour vos services.
    Je dois être franc avec vous. J'ai été abasourdi — comme le seraient les gens que je connais — d'apprendre que les détenus touchent une allocation. J'ai été encore plus abasourdi de vous entendre recommander de l'augmenter. Je comprends qu'on ne peut incarcérer les gens sans leur permettre d'envoyer des cartes d'anniversaire, comme vous l'avez dit, ou autre chose. Je suggère qu'au lieu de leur donner une allocation, vous les autorisiez à envoyer une ou deux lettres par semaine, et même chose pour les achats à la cantine. La plupart des contribuables trouvaient incroyables d'avoir à payer pour mettre ces personnes en prison et d'avoir ensuite à leur verser une allocation.
    Quoi qu'il en soit, vous avez abordé toute une série de questions. Nous pourrions parler bien longtemps de la dimension autochtone, et je pense que cela a suscité de nombreuses questions.
    On entend constamment parler des toxicomanies à l'intérieur des prisons. C'est surtout la dépendance à la drogue, je crois. Le système carcéral distribue-t-il des drogues illégales aux détenus — oui ou non —, d'une façon ou d'une autre?
    Non.
    C'est bien. Si nous croyons tout ce qu'on raconte, et vous ne l'avez pas nié aujourd'hui, il y a un problème de dépendance à l'intérieur des pénitenciers. À moins que la drogue ne soit larguée par un drone qui survole la prison ou qu'elle ne soit administrée aux détenus — mais ce n'est pas le cas, avez-vous dit — comment entre-elle? La seule autre question qui semble logique, monsieur Sapers, sans vouloir simplifier les choses à l'extrême, est-ce le personnel correctionnel qui apporte ces substances?
    La contrebande de drogues pose un problème, mais le détournement de médicaments légaux aussi. Vous avez demandé si le SCC administre des drogues illégales? Ma réponse était simple et directe: non. Il y a une sous-culture de la drogue dans les prisons. C'est logique quand on y réfléchit. La majorité des détenus était sous l'influence de la drogue ou de la boisson lorsqu'ils ont commis leur infraction. La plupart des hommes et des femmes qui sont dans les prisons ont eu une vie marquée par une toxicomanie quelconque.
    Cela ne m'étonne pas.
    Ces substances sont introduites, importées dans les prisons et la drogue de contrebande entre donc de différentes façons. Le personnel en fait entrer. Les entrepreneurs également. Les familles en apportent aussi parfois.
(1630)
    Sont-ils inculpés lorsqu'ils le font?
    Souvent, lorsqu'ils se font prendre. La drogue est parfois lancée par-dessus le mur. Il y a toutes sortes d'exemples de moyens très astucieux que les gens utilisent pour faire entrer des choses en contrebande dans les pénitenciers fédéraux. Nous savons qu'une prison sans drogue n'existe pas et il s'agit donc toujours de recourir à un ensemble de solutions. Cela doit inclure l'interdiction, l'application, la réduction des méfaits et le traitement.
    J'essaie peut-être de trop simplifier, mais dans un milieu fermé, je croirais qu'avec la technologie que nous avons aujourd'hui, si nous voulions empêcher toute drogue d'entrer, nous pourrions le faire. Je sais, comme chacun de nous, ce que c'est que de traverser la sécurité dans les aéroports. J'ai seulement du mal à comprendre.
    Des gens qui travaillent dans le système carcéral m'ont laissé entendre que s'ils voulaient vraiment arrêter cela, ce serait assez facile. Qu'en dites-vous?
    Je ne connais aucune prison où rien n'entre en contrebande.
    Je le sais, monsieur. Je pense que c'est un problème que nous pourrions éviter si nous voulions sérieusement l'arrêter. Comme je l'ai dit, j'ai eu...
    Je ne saurais pas comment faire et le Service correctionnel du Canada ne saurait pas comment faire non plus.
    Très bien.
    Pouvez-vous me donner un exemple de drogues légales qui sont délivrées dans les prisons?
    Il y a une pharmacie nationale qui a un menu assez complet de médicaments prescrits pour diverses raisons. Vous avez donc des médicaments psychotropiques pour ceux qui souffrent de troubles mentaux et divers autres médicaments pour l'anxiété, l'hypertension …
    Très bien, mais selon moi, la plupart des gens diraient que les pilules contre l'hypertension ou contre l'anxiété sont des médicaments que l'on obtient sur ordonnance du médecin que l'on soit en prison ou non et qu'ils ne devraient donc pas poser de problème.
    Vous semblez dire qu'il y a certaines dépendances à des médicaments légaux. Je ne pense pas que les pilules contre l'hypertension ou l'anxiété entraînent forcément une dépendance. Si je me trompe, dites-le moi. Donnez-moi des exemples de médicaments qui créent une dépendance.
    Il y a des analgésiques, des médicaments pour les troubles du sommeil ou des troubles de l'humeur qui peuvent parfois causer une dépendance, mais ils sont recherchés parce qu'ils modifient l'humeur ou permettent de s'automédicamenter pour ne pas ressentir l'incarcération de la même façon. Il y a divers médicaments. Je préfère ne pas les nommer, mais la pharmacie nationale de Service correctionnel du Canada est très au courant du problème de la contrebande de drogues et du détournement des médicaments dans les établissements. On fourni parfois les médicaments sous une autre forme afin qu'ils ne puissent pas être détournés aussi facilement. Ils sont écrasés…
    Je voudrais faire une dernière observation qui me prendra cinq secondes. Je pense que si certains prisonniers vendent les médicaments qui leur sont prescrits, cela veut dire qu'ils n'en ont pas besoin. Je vais en rester là.
    Monsieur Erskine-Smith.
    M. Miller s'étonnera peut-être aussi d'apprendre que la drogue passe également à travers les mailles du filet dans les aéroports.
    Ma première question porte sur l'augmentation de la population carcérale. Vous avez été nommé en 2004 et vous devez donc être en mesure de nous en parler, surtout au sujet des dernières années. Vous pourriez peut-être expliquer l'augmentation de la population carcérale au cours de votre mandat.
    Sur une période de 10 ans, l'augmentation a été d'environ 5 %, ce qui est plus bas que certaines personnes ne s'y attendaient. À mon avis, la majeure partie de ce changement n'est pas attribuable à des nouveaux mandats d'incarcération résultant d'une augmentation de la criminalité, mais plutôt aux changements de politique à l'égard de la libération. Nous avons constaté un engorgement des prisons fédérales que l'on doit surtout à des sorties plus tardives et au fait que, maintenant, la majorité des détenus ne sortent pas de prison avant la date de leur libération d'office. Cette augmentation est largement due aux dispositions concernant la libération conditionnelle et aux obstacles qui freinent la libération conditionnelle.
    Il faut noter que, même s'il y a eu une augmentation globale de 4,8 % ou 5 % au cours des 10 dernières années, le nombre de détenus autochtones s'est accru de près de 40 %. L'augmentation est de plus de 35 % pour les femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Pour les détenus noirs, dont nous ne parlons pas suffisamment, elle a été de 42 % au cours de cette même période de 10 ans. Certaines populations font vraiment grimper les chiffres dans les établissements carcéraux.
(1635)
    Vous avez mentionné la réduction des méfaits dans vos réponses précédentes. J'ai remarqué dans votre rapport qu'un projet pilote de réduction des méfaits avait été annulé pour les tatouages. Pensez-vous qu'il aurait fallu, compte tenu des résultats, poursuivre ce programme et peut-être même l'élargir?
    Les premiers résultats ont été effectivement très encourageants en ce qui concerne la diminution des maladies transmises par le sang et le coût de traitement de ces maladies, surtout l'hépatite C, mais cela répondait aussi aux inquiétudes relatives au VIH/sida. Le projet pilote de pratiques de tatouage sécuritaire était très encourageant, mais il a été annulé avant l'achèvement de son évaluation.
    Le programme a donc été annulé malgré les résultats?
    Oui, avant d'être mené jusqu'au bout. On peut dire, je pense, que les gens étaient encouragés et qu'ils ont été surpris quand le programme a été annulé.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'« assurer la prestation de services de soins infirmiers 24 heures par jour, sept jours par semaine dans tous les établissements à sécurité moyenne et maximale. »
    Avez-vous une idée de combien cela coûterait?
    Non.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous parlez de « réaffecter les ressources afin de mieux financer les initiatives de réadaptation et les activités de réinsertion sociale dans la collectivité. »
    Quand vous dites qu'il faut « réaffecter » les ressources, où allons-nous les prendre et à qui allons-nous les donner?
    Pardonnez-moi de reprendre une vieille analogie, mais je vois le système correctionnel comme un gros ballon et chaque fois qu'on le resserre à un endroit, il se gonfle à un autre endroit. Nous pouvons transférer des fonds. Plus nous comptons sur l'incarcération, plus cela devient coûteux, compte tenu surtout de la situation démographique actuelle caractérisée par une population vieillissante et malade. Si vous trouvez d'autres solutions dans la collectivité pour ces personnes, vous allez économiser de l'argent.
    Vous allez économiser de l'argent en cessant de les incarcérer. Vous allez économiser de l'argent en leur permettant d'avoir accès aux soins de santé dans le cadre du système de santé plutôt que du système de justice pénale. Vous allez économiser de l'argent en permettant aux patients en soins palliatifs de mourir dans leur communauté, dans des centres conçus pour cela, ou chez eux.
    Telles sont les réalités actuelles dans les établissements correctionnels fédéraux. Lorsque nous parlons de « réaffecter », il s'agit, en fait, de reconnaître que si nous ne changeons pas notre façon de faire, cela va nous coûter très cher. Vous pouvez économiser de l'argent en faisant les choses différemment et en augmentant l'accès à la collectivité pour un certain nombre de délinquants à très faible risque.
    J'ai deux questions bien simples. Elles n'exigent pas une longue réponse.
     Quand M. Nicholson se lève à la Chambre des communes pour se dire fier des peines minimales obligatoires, a-t-il raison d'en être fier? Oui ou non?
    Vous me demandez de faire de la politique. Si je dois vraiment répondre, je dirai que non.
    Très bien.
    Je l'ai mentionné la dernière fois que vous avez comparu devant nous, mais vous pouvez aussi répondre à cette question simplement par oui ou non. Je sais qu'il y a eu récemment un rapport en faveur d'un programme d'échange de seringues en milieu carcéral. Je sais qu'à propos du programme Insite, à Vancouver, qui s'adresse au grand public, la Cour suprême a dit qu'il sauvait des vies. À votre avis, un programme d'échange de seringues ou d'injection supervisée permettrait-il de sauver des vies dans les prisons?
    Oui, je le crois. Je crois que cela a été démontré.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Dubé, pour un tour de trois minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux d'entendre les réponses sur la diminution des méfaits qui sont commis. J'allais d'ailleurs, monsieur Sapers, vous poser sensiblement les mêmes questions à ce sujet.
    J'aimerais aborder la question de la santé mentale et, plus particulièrement, celle de la santé mentale chez les femmes qui se retrouvent en détention. Vous en avez fait mention au mois de mai, soit la dernière fois où vous avez comparu devant nous. Si je comprends bien, il n'y a qu'un centre psychiatrique régional pour les femmes au niveau fédéral. Est-ce exact? Comment la situation a-t-elle changé depuis le mois de mai? Avez-vous d'autres commentaires à ajouter à cet égard?

[Traduction]

    Service correctionnel Canada gère actuellement cinq centres psychiatriques régionaux. Celui de Saskatoon est le seul établissement national pouvant accueillir des femmes. Il a actuellement une capacité de 20 places. En plus de la capacité de cet établissement qui est exploité par Service correctionnel Canada, le SCC a conclu des contrats avec des fournisseurs de services, notamment l'hôpital Royal Ottawa et l'Institut Philippe-Pinel, à Montréal, afin d'avoir des ressources supplémentaires pour les femmes. Telle est la situation actuelle. Elle ne s'est pas améliorée.
    Excusez-moi, mais le nombre de places à Saskatoon est passé de 12, au départ, à 20.
(1640)

[Français]

    Le fait de recourir à des sous-traitants peut-il poser des défis en ce qui a trait aux différents programmes de réhabilitation et aux autres programmes?

[Traduction]

    Il y a un certain nombre de défis à relever, mais il faut dire aussi qu'un grand nombre de fournisseurs de services de santé, au niveau provincial, sont très désireux de participer aux discussions sur la façon de relever ces défis. Ils ont souvent affaire aux mêmes personnes. Un grand nombre de femmes incarcérées dans les prisons fédérales ont des antécédents d'hospitalisation psychiatrique. Un grand nombre de systèmes provinciaux connaissent bien ces patientes. Oui, toute initiative horizontale entre gouvernements présente des difficultés et des obstacles, mais ce n'est pas une raison de ne pas s'y attaquer.

[Français]

    Il est clair que je suis d'accord avec vous à cet égard.
    Selon vous, devrait-on faire quelque chose pour améliorer l'intégration des services offerts par les gouvernements provinciaux et les services correctionnels fédéraux afin d'assurer, entre autres, une meilleure cohésion des politiques?

[Traduction]

    Certainement. Cela dépend de quel stade du processus de justice pénale vous parlez. Si vous parlez seulement de l'application des peines, si l'intéressé a été condamné à une peine de moins de deux ans, vous pouvez commencer immédiatement à planifier sa libération et préparer son transfert vers des services provinciaux le plus tôt possible. Cela veut dire que vous devez peut-être revoir les politiques et la législation à l'égard de la libération conditionnelle afin de pouvoir faire ce transfert. Il y a plusieurs façons d'y arriver.
    Voulez-vous…?
    Je viens d'induire M. Sapers en erreur et je voudrais donc apporter une rectification.
    Le nombre de places en psychiatrie pour les femmes a diminué. Il y avait 20 places avant la réorganisation, mais il n'y en a plus que huit. C'est donc passé de 20 places à huit places. L'argent que cela a permis d'économiser a servi à accroître la capacité des unités de soins intermédiaires de 48 à 72 places.
    J'ai induit M. Sapers en erreur, veuillez m'en excuser.
    Merci.
    Nous en sommes maintenant à notre première période de prolongation. Je suggère que nous ayons trois tours de cinq minutes, car nous avons tendance à prendre plus de temps que prévu. Cela nous mènera jusqu'à 17 heures.
    M. Di lorio, M. Clement et M. Dubé auront chacun cinq minutes, ce qui devrait nous mener jusqu'à la fin.
    Allez-y, monsieur Di lorio.

[Français]

    Messieurs Sapers et Zinger, je vous remercie de votre comparution devant notre comité.
    Monsieur Sapers, au cours des années pendant lesquelles vous avez travaillé dans le milieu du Service correctionnel du Canada, avez-vous observé des progrès?

[Traduction]

    Oui, absolument.
    Je n'ai pas vraiment pour rôle de donner une bonne ou une mauvaise note au Service correctionnel du Canada. Nous ne sommes pas un service d'inspection. Notre première fonction est de répondre aux plaintes et aux cas de mauvaise gestion. Vous m'entendez souvent parler de constatations négatives. Il faut aussi souligner, je crois, que Service correctionnel Canada est une organisation très compétente et que les hommes et les femmes qui y travaillent s'efforcent quotidiennement de fournir des programmes et des interventions sécuritaires, en temps voulu et appropriés. Nous avons constaté quelques progrès sur le plan des services correctionnels s'adressant aux Autochtones et s'adressant aux femmes, ainsi que certains progrès sur le plan de la santé mentale, mais j'estime ces progrès insuffisants compte tenu des défis à relever.

[Français]

     À quoi attribuez-vous les progrès que vous avez observés?
(1645)

[Traduction]

    Le décès d'Ashley Smith a déclenché une activité intense, par exemple, en ce qui concerne certains problèmes touchant les femmes en milieu correctionnel, il y a eu une clarification de la politique à l'égard de l'isolement préventif et un certain accès aux soins psychiatriques. Quelques autres progrès ont découlé des commissions d'enquête et des jugements de tribunaux.
    Je trouve déplorable qu'il faille souvent une crise pour faire bouger les choses. Nous pourrions être beaucoup plus proactifs.

[Français]

    Avez-vous des conseils à donner à votre successeur?

[Traduction]

    Je ne voudrais pas avoir l'air de prendre la situation à la légère, mais cela me rappelle ce qu'on dit au sujet de la publicité: « Répétez, répétez encore et mettez-y de la couleur ». Ce travail exige beaucoup de ténacité. Les problèmes sont énormes. C'est une vaste organisation. Quand vous croyez avoir réglé le problème parce que vous l'avez résolu dans un établissement du pays, il a probablement resurgi dans un établissement d'une autre région et il faut s'y attaquer de nouveau.
    J'ai beaucoup de chance. J'ai à mon bureau une équipe extrêmement compétente. Elle est petite, mais chacun de ses membres se surpasse. J'espère que mon successeur, quel qu'il soit, se rend compte que cette équipe s'attendra à ce qu'il fasse preuve de la même ténacité et de la même franchise et à ce qu'il n'ait pas peur d'aborder les sujets complexes dont nous avons dû nous occuper au cours de la dernière décennie.

[Français]

    Y a-t-il des méthodes que vous avez observées dans les prisons provinciales qui pourraient porter fruit dans le système correctionnel fédéral?

[Traduction]

    Il y a longtemps que je n'ai pas examiné d'un oeil critique ou analytique les prisons provinciales. J'ai certainement passé beaucoup de temps dans les prisons provinciales au fil des années. C'est dans ce secteur que je vais poursuivre mes activités l'an prochain. Pour le moment, je n'ai pas de leçons particulières à tirer de la sphère provinciale. Ce n'est pas faute de problèmes, mais parce que je ne les connais pas.

[Français]

    Avez-vous eu connaissance de projets qui ont été réalisés dans des juridictions où la situation est semblable à la nôtre, en commençant par l'Amérique du Nord, et qui pourraient être fructueux au Canada?

[Traduction]

    Absolument. Il y a des bonnes pratiques un peu partout dans le monde et un bon nombre au sud de la frontière. Même si nous aimons diaboliser les services correctionnels des États-Unis, certaines de ses pratiques sont excellentes. Par exemple, c'est la façon dont le Federal Bureau of Prisons, des États-Unis, libère les délinquants âgés et malades pour raisons humanitaires. Je pense que nous pourrions nous en inspirer.
    Il y a des pays européens beaucoup plus avancés que nous sur le plan de l'utilisation de la technologie numérique, de la technologie informatique pour les programmes de réinsertion, afin de donner accès au monde extérieur grâce à un accès Internet très structuré et surveillé pour des choses comme la recherche d'emploi, etc. et pour la formation professionnelle.
    Nous pourrions suivre l'exemple de pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, en particulier, pour ce qui est de bien interagir avec les communautés autochtones.
    Il y a des bonnes pratiques un peu partout dans le monde. Je dois dire que les autres pays viennent aussi s'inspirer des bonnes pratiques en vigueur au Canada. Tout n'est pas négatif, mais nous n'avons certainement pas toutes les solutions.
    Merci, monsieur Sapers.
    Monsieur Clement.
    J'essaie seulement de comprendre ce que nous essayons d'accomplir ici. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que notre système correctionnel poursuit un certain nombre d'objectifs différents pour la protection du public, la réinsertion des délinquants une fois qu'ils ont purgé leur peine, la punition…
    Certainement. Les principes sont clairement énoncés dans le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
(1650)
    Pour évaluer votre rôle, tenez-vous compte des objectifs sociétaux plus généraux ou estimez-vous que cela ne fait pas partie de vos responsabilités?
    Le Code criminel est un document moral. Il est censé exprimer la moralité de la nation et lorsqu'il est modifié, c'est en raison d'un changement dans la moralité de la nation. L'objectif du Code criminel est de punir ceux qui ont porté atteinte aux moeurs de notre culture et causé des torts à d'autres gens. Avez-vous pour rôle de tenir compte de tout cela?
    Mon travail se situe dans le prolongement de la primauté du droit dans le domaine correctionnel. Je ne pense pas que vous vouliez vous engager dans la dialectique au sujet du rôle de la moralité dans la loi, mais ma fonction a pour rôle de rendre des comptes aux Canadiens et de leur assurer que le Service correctionnel du Canada se conduit conformément à son cadre juridique et politique.
    Certainement, mais vous semblez vous inquiéter de l'augmentation de 5 % du taux d'incarcération.
    Le fait est que la population carcérale a augmenté de 5 %.
    Si cela veut dire que la société est mieux défendue, n'est-ce pas une bonne chose?
    Nous n'en avons pas la preuve, d'autant plus que le taux de criminalité a diminué pendant que la population carcérale augmentait et que cette augmentation semble davantage résulter des politiques à l'égard de la mise en liberté que des nouveaux mandats d'incarcération émis pour de nouveaux actes criminels.
    Oui, mais le taux de criminalité est une autre question. Le crime commis doit entraîner la réaction appropriée. Le taux de criminalité est une donnée statistique, mais chaque fois qu'un crime est commis, il y a une victime, n'est-ce pas?
    Oui.
    Par conséquent, si davantage de gens sont derrière les barreaux pendant plus longtemps, cela pourrait vouloir dire qu'on écoute les victimes, n'est-ce pas?
    Personne ne conteste que le crime fait du tort aux gens, certainement pas moi.
    Je pensais que vous demandiez s'il y a un rapport entre l'augmentation de l'incarcération et l'augmentation de la sécurité du public. Il y a énormément d'études permettant de croire qu'il n'y a pas de lien direct entre l'augmentation du taux d'incarcération et l'augmentation de la sécurité publique. En fait, certaines études affirment le contraire. Nous savons que lorsque les gens sont renvoyés dans la collectivité avec un soutien solide et une bonne supervision, la société bénéficie d'un abaissement du taux de récidive.
    Je ne le conteste pas, mais j'essaie de faire valoir que nous devons… Sans vouloir vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, votre principal rôle est, comme vous l'avez mentionné, d'assurer la primauté du droit, mais du point de vue du délinquant. D'accord. Il n'y a rien de mal à cela. Néanmoins, il faut aussi tenir compte de la victime et de la nécessité, pour la société, de veiller à ce que ces lois soient appliquées, car si les citoyens ne sont plus convaincus qu'elles le seront, ils sont poussés à vouloir jouer les justiciers, ce que nous ne voudrions pas voir non plus. Il y a beaucoup d'éléments en interaction, voilà ce que j'essaie de dire.
    Je pense que vous parlez surtout du rôle que jouent les tribunaux pour déterminer la culpabilité et imposer une peine. Le Service correctionnel du Canada n'a pas pour rôle de rendre cette peine plus sévère.
    Oui, je le sais.
    Son rôle est de la gérer et ensuite de préparer les gens pour leur remise en liberté.
    Néanmoins, le Service correctionnel fait partie du système de justice pénale. Je veux dire qu'il y a beaucoup d'éléments en interaction.
    Quand mon bon ami Nathaniel parlait des résultats des peines minimales obligatoires, cela m'a un peu irrité, car je ne vois rien de mal à ce que la société dise que si vous avez commis un acte haineux, vous irez en prison pendant un certain temps.
(1655)
    Je vais permettre à M. Sapers de répondre. Nous avons dépassé le temps prévu.
    Certainement. Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
    C'est une question très importante qui nous ramène à celle que votre collègue a posée au sujet de la surreprésentation des femmes autochtones, par exemple.
    Il est très difficile de concilier les décisions de la Cour suprême dans les causes Gladue et Ipeelee qui parlaient d'une peine adaptée en fonction des antécédents sociaux du délinquant et les peines minimales obligatoires. Il est très difficile de concilier les deux.
    Vous ne pouvez pas ordonner aux tribunaux de personnaliser les peines en appliquant le genre de filtre que la Cour suprême du Canada leur demande d'utiliser pour remédier à des situations comme la surreprésentation des femmes autochtones dans nos prisons et d'imposer ensuite des peines minimales obligatoires. C'est tout à fait contradictoire.
    Le délinquant a commis une infraction, ce qui signifie qu'il y a eu une victime qu'il ne faudrait pas non plus oublier dans ce genre de discussion. Il faut tenir compte des victimes.
    Merci, monsieur Clement. Nous allons passer à M. Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sapers, mes dernières questions porteront un peu sur votre prochain mandat. J'aimerais parler de la question de l'isolement préventif.
    Nous ne parlerons pas de la situation au niveau provincial, malgré le cas très troublant et tragique d'Adam Capay, dont les médias ont fait état dernièrement.
     Cela m'amène à votre recommandation sur l'utilisation de l'isolement pour les mineurs et aussi pour les personnes atteintes de problèmes graves de santé mentale. Le gouvernement fédéral a-t-il avancé quant à cette question? Pourrait-il apprendre quelque chose à propos du cas de ce jeune homme et pourrait-on aussi profiter de la présence de M. Zinger qui travaille dans ce domaine?

[Traduction]

    Il y a, dans le monde, des pratiques d'isolement préventif dont nous pourrions nous inspirer, je pense. Je sais que le Service correctionnel du Canada a démontré qu'une application plus rigoureuse du cadre juridique et politique existant permet de réduire le nombre de détenus placés en isolement. Cette année, le placement en isolement a diminué en l'absence de directives législatives, mais je pense que nous aurions besoin de ces directives pour que cela puisse durer.
    À mon avis, il faudrait interdire l'isolement préventif de certaines populations que nous avons désignées dans nos recommandations. Je pense qu'il faudrait une surveillance externe plus importante. Il faudrait accroître la responsabilisation de la forme d'incarcération la plus austère et la plus rigoureuse qui consiste à enfermer quelqu'un dans un espace extrêmement restreint pendant 23 heures par jour.
    Pour le moment, l'isolement préventif peut avoir une durée indéfinie, ce qui ne devrait pas être.
    Quand vous dites que les directives législatives ne peuvent pas toucher la formation offerte aux agents correctionnels, l'exemple qui vient à l'esprit est que l'isolement préventif résulte souvent d'un conflit entre deux détenus. Pourrait-on employer des techniques de médiation en tenant compte de la situation particulière des gens?
    Oui. Nous avons maintenant un cadre stratégique pour certaines choses comme les conflits. Nous avons des politiques qui exigent que vous procédiez à des évaluations répétées. C'est ce qu'on appelle le modèle de gestion des situations. Si vous devez intervenir en usant de la force, vous devez toujours commencer par l'intervention la plus limitée que vous pensez nécessaire et recourir à la force uniquement après avoir réévalué la situation.
    Ce qu'il faut se demander, c'est dans quelle mesure le Service correctionnel du Canada a des comptes à rendre et exige des comptes des personnes qui doivent suivre les politiques établies. Il n'est pas toujours nécessaire de dispenser plus de formation ou d'adopter de nouvelles politiques. Il suffit parfois de veiller à ce que les gens rendent compte de leurs actes lorsqu'ils ne suivent pas la politique ou n'en tiennent pas compte.
    Je ne pense pas que cela exige des mesures législatives supplémentaires. Je pense que nous devons légiférer pour limiter l'isolement préventif, par exemple, l'interdire pour certaines populations et pour définir le rôle et le modèle d'un arbitrage indépendant.

[Français]

    Je ne veux pas vous amener dans l'arène politique, mais si on voulait rédiger un tel projet de loi, y a-t-il un exemple comparable qu'on retrouve ailleurs dans le monde et qui pourrait nous donner un bon point de départ à ce sujet?

[Traduction]

    Nous croyons possible de trouver une solution vraiment canadienne qui pourra servir de modèle.
(1700)
    Si vous voulez, je peux peut-être compléter…
    Certainement.
    J'ai déjà dépassé mon temps, mais si M. Zinger désire dire quelque chose, je vais le laisser faire.
    Vous disposez d'une minute et vous êtes le dernier.
    Nous avons une minute.
    Monsieur Zinger, allez-y.
    Certainement.
    Je voudrais simplement compléter la réponse de M. Sapers en disant que nous pouvons nous inspirer des travaux du rapporteur spécial des Nations unies sur la convention contre la torture ainsi que des règles minimales pour le traitement des prisonniers qui ont été rebaptisées, en 2015, les règles Nelson Mandela. Ce sont des règles très claires à l'égard de l'isolement préventif qui doit être utilisé dans des circonstances exceptionnelles, selon des normes de procédure très rigoureuses.

[Français]

     C'est tout ce que je voulais ajouter à ce sujet.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Il vous reste 10 secondes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, membres du comité, pour vos questions. Elles étaient excellentes.
    Merci, monsieur Zinger et monsieur Sapers pour votre visite d'aujourd'hui. Monsieur Sapers, je vous réitère les remerciements du comité pour les services que vous avez rendus aux Canadiens, dans les prisons et à l'extérieur, dans le cadre de votre travail d'enquêteur et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos nouvelles fonctions.
    Merci, monsieur le président.
    Comme je l'ai dit, j'apprécie toujours l'occasion de rencontrer votre comité. C'était un plaisir, alors merci de m'avoir accordé du temps et de m'avoir posé des questions. Je pensais qu'au bout de 12 ans, je ne trouverais pas cela aussi difficile, mais vous avez également bien joué votre rôle et je l'apprécie.
    Nous avions dit que nous le ferions. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance très brièvement pour dire au revoir à M. Sapers et nous reprendrons ensuite.
(1700)

(1700)
    Reprenons la séance.
    Chers collègues, comme je l'ai dit au début de la réunion, je voudrais que nous passions à nos travaux. Personne n'a exprimé d'inquiétude à ce sujet, mais je crois qu'il nous faudrait une motion pour passer à l'étude de nos travaux.
    Je propose une motion pour passer aux travaux du comité.
    Il est proposé que nous passions aux travaux du comité.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Excellent.
    Allez-y, madame Damoff.
    Je vais présenter une motion pour que nous nous réunissions à huis clos.
    Sommes-nous tous d'accord pour nous réunir à huis clos?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Nous demandons seulement que seules les personnes qui ont lieu d'être ici restent ici.
    Nous allons suspendre la séance un instant pour nous réunir à huis clos.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]
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