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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 mai 2017

[Enregistrement électronique]

  (1625)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 65e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.

[Français]

    Bienvenue à tous.

[Traduction]

    M. Clement nous a demandé de commencer sans lui, et, puisque nous avons le quorum, c'est ce que nous allons faire.
    Je tiens à remercier nos témoins. Nous allons modifier quelque peu le déroulement de la réunion du Comité. Il y a cinq exposés, et nous allons tous les écouter. Ensuite, nous aurons peut-être le temps de poser deux ou trois questions. On verra ce qui se passe du côté des votes. Si nous voulons poser des questions, nous déterminerons si nous le ferons dans le cadre d'une téléconférence, plus tard, ou si nous rédigerons nos questions pour les envoyer aux témoins.
    Avant de commencer, je tiens à attirer l'attention des membres du Comité sur une demande de budget de projet.
    Bienvenue, monsieur Jowhari. Je suis désolé, je ne vous ai pas vu tout de suite. Je savais que vous seriez là.
    Merci. Je suis très heureux d'être ici.
    Moi de même. C'est ce que nous disons chaque lundi et chaque mercredi.
    Des députés: Ah, ah!
    Le président: Je veux simplement attirer votre attention sur la demande de budget de projet. C'est un budget de projet lié à l'étude actuelle, le budget pour le projet de loi C-23.
    J'ai demandé au greffier, et il a dit qu'il s'agit d'une formule type, le montant habituel pour l'étude d'un texte législatif similaire à celui-ci. C'est inclus dans le montant total de 21 300 $ de notre étude. Nous aimerions pouvoir payer les dépenses des témoins en déposant une motion. Quelqu'un peut-il présenter une motion pour approuver le budget de projet pour l'étude du projet de loi C-23?
    J'en fais la proposition.
    (La motion est adoptée.)
    Passons à nos invités de la journée. En raison de divers arrangements de voyage, nous allons commencer par M. Greene, de l'Association du Barreau canadien. Nous passerons ensuite à M. Wilson et M. Cabral, de PortsToronto. En troisième place, à titre indicatif, nous accueillerons M. Peerbhoy et Mme Jafari, puis Mme Bell et ensuite, M. Fortin. Je vous le rappellerai lorsque nous serons rendus là.
    Nous allons commencer par M. Greene. Merci d'être là.
    Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité. Je m'appelle Michael Greene, je suis l'ancien président national de la Section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien. Je suis actuellement un conseiller principal. J'ai pratiqué le droit de l'immigration pendant 30 ans, et j'enseigne aussi le droit de l'immigration à la faculté de droit de l'Université de Calgary.
    En 1999, j'ai comparu devant le prédécesseur du Comité pour parler de la Loi sur le précontrôle d'alors. Par conséquent, je connais le processus et l'évolution prévue dans le projet de loi.
    Je vous remercie de m'avoir invité à présenter les points de vue des sections du droit de l'immigration, de la justice pénale et des taxes de vente et à la consommation de l'ABC sur les répercussions du projet de loi C-23. Nous sommes une association de 36 000 avocats, étudiants en droit, notaires et universitaires. Un aspect important du mandat de l'Association du Barreau canadien consiste à apporter des améliorations aux lois et à l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.
    Nous avons présenté un mémoire au Comité. Aujourd'hui, je vais m'en tenir à certaines sections du mémoire et à ce que nous considérons probablement comme étant nos préoccupations les plus importantes. J'aurais été très heureux d'être ici pour répondre aux questions, mais je devrai partir à la hâte pour prendre l'avion vers 17 h 30. De toute façon, je ne sais pas pour combien de temps vous en avez. J'aurais aimé répondre aux questions, mais nous verrons comment les choses se passent.
    D'entrée de jeu, je tiens à dire clairement que l'ABC soutient la notion de zone de précontrôle et le besoin de moderniser la loi pour en permettre l'expansion dans les postes frontaliers terrestres, maritimes et ferroviaires et pour permettre la création de zones canadiennes de précontrôle aux États-Unis. Nous reconnaissons que les zones de précontrôle sont commodes et aident à faciliter la libre circulation des marchandises et des gens de part et d'autre de notre frontière commune.
    Cependant, nous croyons que le projet de loi proposé va trop loin en accordant des pouvoirs inutiles et, selon nous, injustifiables, aux représentants étrangers qui travaillent en sol canadien et aux représentants canadiens qui travaillent en sol étranger. Nous y reviendrons.
    Nous reconnaissons que le gouvernement est dans une position difficile. L'accord sur lequel le projet de loi est fondé a été signé en mars 2015, et les États-Unis ont déjà adopté leur loi. Il est donc difficile pour nous de revenir en arrière et de renégocier le projet de loi. En même temps, nous savons qu'il y a beaucoup de pression exercée sur le Parlement afin que les députés se bouchent le nez et adoptent le projet de loi plutôt que de risquer de se retrouver avec un projet de loi pire au terme de nouvelles négociations. Nous comprenons. Nous tentons de formuler nos recommandations en gardant cette situation à l'esprit, mais, en même temps, nous avons certaines préoccupations sérieuses.
    Nous étions préoccupés lorsque le projet de loi a été présenté il y a un an. Ces préoccupations ont été vraiment amplifiées à la suite du résultat de l'élection présidentielle aux États-Unis et vu la façon dont les choses pourraient se passer concrètement, compte tenu de certaines des choses qui ont été dites durant la campagne électorale. Nous savons que des membres du Comité ont rencontré le secrétaire Kelly et qu'il a fait certaines déclarations devant ses propres comités qui donnent à penser qu'il adopte une attitude chaleureuse et amicale à l'égard du Canada. C'est encourageant, mais cela n'élimine pas certaines de nos préoccupations, parce qu'elles sont liées à la législation et ne tiennent pas à l'opinion d'un homme.
    La nouvelle administration américaine est très repliée sur elle-même. Elle est obnubilée par la sécurité. Les changements qu'elle propose aux États-Unis consistent à accroître de façon importante les fonctions de sécurité des États-Unis, à accorder des pouvoirs d'application de la loi accrus, et à augmenter le nombre d'agents tout en se préoccupant très peu des droits et libertés individuels, à l'exception seulement, bien sûr, du droit de porter des armes.
    C'est dans ce contexte qu'il ne faut pas oublier que le projet de loi accorde des pouvoirs vraiment accrus aux agents américains qui doivent allégeance à un gouvernement étranger, et pas à celui du Canada. Ces agents sont formés aux États-Unis et relèvent exclusivement des autorités américaines. En outre, leur mandat principal est d'appliquer les directives du gouvernement américain, soit de cerner et d'exclure de potentielles menaces à la sécurité américaine. Ils semblent aussi avoir un style plus agressif que leurs homologues canadiens, et nous nous attendons à ce que cette situation empire à mesure que le changement culturel se propagera aux échelons inférieurs au sein du département de la sécurité intérieure. C'est quelque chose que nous avons vu se produire au Canada, auparavant, au sein de l'ASFC, alors nous savons que ce genre de changements de culture peut se produire et qu'il peut être très difficile à renverser.
    Vu la situation, nous ne croyons pas que quelques heures de formation offerte par l'ASFC suffiront à inspirer le respect des valeurs culturelles et des droits constitutionnels canadiens dans nos zones de précontrôle. C'est la raison pour laquelle il est essentiel, selon nous, de bien faire les choses en ce qui a trait au projet de loi.

  (1630)  

    L'enjeu principal dont nous voulons parler, c'est le droit de se soustraire au précontrôle, mais pas seulement: nous sommes préoccupés par toute la nature du processus. Au titre de la Loi sur le précontrôle actuelle, un voyageur a le droit absolu de se soustraire au processus en tout temps. C'est tout à fait volontaire. Il est reconnu que ces zones sont en sol canadien. Nous avons eu ce conflit en 1999, et je crois que la situation a été réglée et que les choses ont été précisées, le projet de loi de 1999 indiquant très clairement que la loi canadienne s'applique et qu'un voyageur peut se soustraire au processus en tout temps. La Loi utilise un libellé comme: « si le voyageur choisit de répondre aux questions [...], il est tenu d'y répondre véridiquement. S'il refuse de répondre aux questions », on peut lui demander de quitter la zone. C'est un processus entièrement volontaire. À tout moment, une personne peut choisir de mettre fin au processus.
    Les dispositions proposées contenues dans le projet de C-23 auraient pour effet d'éviscérer la loi et de modifier le processus de précontrôle pour permettre aux agents étrangers d'exiger des réponses à leurs questions et de détenir quiconque refuse de fournir des réponses ou des renseignements. C'est loin d'être un changement mineur. C'est un changement fondamental de la nature du processus de précontrôle. Nous croyons que cela représente un important sacrifice de la souveraineté canadienne, et la modification était proposée sans justification digne de ce nom. L'effet combiné des articles 31 et 32 a pour effet de transformer les zones de précontrôle américaines en territoire américain. Le problème, ce n'est pas que les agents appliqueront les lois américaines, parce que c'est très clair qu'ils appliquent les lois canadiennes. Le problème, c'est qu'ils appliquent une loi canadienne — c'est-à-dire le projet de loi C-23 —, qui, selon nous, leur donne beaucoup trop de pouvoir.
    En ce qui concerne un voyageur qui voudrait se retirer du processus, la seule limite prévue, ici, se trouve au paragraphe 32(3) qui porte que: « les pouvoirs prévus au paragraphe (2) ne peuvent être exercés que dans la mesure où cela n'empêche pas le voyageur de se soustraire au précontrôle dans un délai raisonnable ».
    Lorsqu'il a comparu devant le Comité, la semaine passée, le ministre a assuré au Comité que le critère du « délai raisonnable » serait suffisant, parce qu'il est courant d'avoir recours au caractère raisonnable dans le droit canadien. Cependant, nous ne croyons pas que cette protection est suffisante. Premièrement, le terme « raisonnable » n'est pas un terme scientifique. Il n'existe pas de définition claire de ce terme. Il laisse libre recours à une interprétation contextuelle. Les tribunaux ont de la difficulté chaque jour avec ce terme. Un problème, ici, c'est que, contrairement au droit criminel, il y a très peu d'occasions pour ces dossiers d'être entendus devant les tribunaux. La loi dit précisément qu'une décision ne peut pas être contestée devant la Cour fédérale, et les recours criminels et civils sont très limités. Il n'y en a quasiment aucun. La seule façon de l'évaluer, ce serait si une personne est accusée d'obstruction ou de refus de répondre à une question et qu'elle conteste cette accusation au motif que le délai était déraisonnable.
    Nous ne croyons pas qu'il y aura beaucoup d'accusations au titre du projet de loi. Nous croyons qu'il va créer un cadre qui permettra de mettre en place un processus de coercition et d'intimidation. Le vrai problème, ce sera ça, l'expérience que vivront les voyageurs. Nous ne croyons pas que les tribunaux auront à interpréter ce en quoi consiste un délai raisonnable.
    L'autre chose qu'il ne faut pas oublier en ce qui a trait au caractère raisonnable, c'est que le mandat est différent. Les raisons pour lesquelles nous voulons une loi sur le précontrôle sont différentes de celles des Américains. Nous voulons le faire pour faciliter la libre circulation des marchandises et des gens. Les Américains veulent le faire pour élargir leurs frontières afin d'arrêter les « méchants » avant qu'ils entrent en territoire américain. Le motif est tout à fait différent. Lorsque nous déterminons si quelque chose est raisonnable ou déraisonnable, la raison pour laquelle nous ne voulons pas d'un délai déraisonnable, c'est que nous ne voulons pas perturber la libre circulation. Ce que les Américains veulent, c'est protéger la sécurité américaine. C'est leur principal mandat. Lorsqu'ils interpréteront la notion de délai déraisonnable et qu'ils tenteront de protéger la sécurité américaine, attendez-vous à ce qu'ils posent plus de questions que ne le ferait un agent canadien.
    Si un agent américain, par exemple, soupçonne qu'une personne sonde la frontière, situation qui est censée justifier ces dispositions, il ne voudra pas tout simplement accepter l'explication de la personne qui affirme vouloir quitter la zone parce qu'elle croit avoir laissé le fer à repasser branché. Il voudra aller plus loin. Une personne qui sonde la frontière ne vous répondra pas honnêtement d'entrée de jeu. Il faudra mener un examen plus approfondi.
    Sous la nouvelle administration aux États-Unis, on a déjà appris dans les médias que des Canadiens musulmans sont interrogés pendant des heures et des heures sur leurs croyances religieuses, leurs pratiques religieuses, leurs fréquentations et leurs opinions au sujet du nouveau président américain. Je crois que c'est quelque chose qu'on a déjà porté à votre attention.

  (1635)  

    Pour illustrer de quelle façon une telle situation pourrait se produire et ce qu'il y a de problématique dans le projet de loi, prenons l'interaction entre les articles 31 et 32. J'admets que nous n'avons pas abordé cette question de façon très efficace dans notre mémoire. C'est quelque chose qui a été porté à notre attention une fois notre mémoire communiqué. Nous avons constaté l'interaction.
    Imaginez un voyageur canadien musulman qui passe par une zone de précontrôle et fait l'objet d'un contrôle extrême — ce qui est maintenant une possibilité, comme nous le savons — au sujet de ses pratiques religieuses, ses croyances et ses fréquentations. Se sentant maltraité, le voyageur annonce son intention de se retirer du processus. L'agent, qui n'a pas terminé son interrogatoire, annonce qu'il veut examiner les vrais motifs pour lesquels le voyageur veut se retirer, peut-être parce qu'il soupçonne qu'il s'agit d'une personne qui sonde la frontière. L'agent croit que ses questions ne sont pas déraisonnables, en raison de son mandat lié à la sécurité. Cependant, le voyageur croit que c'est déraisonnable et, après plusieurs questions, dit: « Je ne vais plus répondre à vos questions. Je crois que c'est un retard déraisonnable. Je veux partir. »
    À ce moment-là, l'agent annonce qu'il a des motifs raisonnables de soupçonner que le voyageur a perpétré une infraction au titre d'une loi du Parlement en ne répondant pas franchement aux questions. S'applique alors l'article 32, qui donne à l'agent le droit de détenir la personne. En vertu du libellé de l'article 32, l'agent a alors le loisir de poser des questions aux voyageurs, de recueillir des renseignements sur lui et d'examiner, de fouiller et de conserver ses biens. Les tribunaux et l'ASFC ont interprété la notion de bien comme pouvant inclure les appareils électroniques.
    On se retrouve donc avec une situation où la personne dit: « Je ne veux plus répondre à vos questions. » On ne parle plus de délais déraisonnables, parce que ce n'est plus une possibilité. Et là, l'agent dit: « J'ai des motifs raisonnables de soupçonner que vous n'avez pas répondu de façon véridique. Je ne crois pas vraiment que votre fer à repasser est encore branché. Je crois que c'est lié à vos fréquentations. » À ce moment-là, il ne semble plus vraiment y avoir de limites aux questions qui peuvent être posées.
    C'est une préoccupation majeure. Il ne semble y avoir aucun recours pour ce voyageur. Il risque d'être accusé. Ce qui se produira, selon nous, c'est que les gens se soumettront à un questionnement intense tout simplement pour ne pas avoir une mauvaise expérience et ne pas être bannis des États-Unis pour toujours.
    La justification donnée pour une telle attitude, c'est la prétendue crainte des personnes qui sondent la frontière. C'est un terme que je n'avais jamais entendu avant. De quoi parle-t-on? D'après nous, après mûre réflexion, c'est une solution qui se cherche un problème. C'est apparemment ce qui se produit lorsqu'une personne passe dans une zone, puis tente subrepticement de ne pas être questionnée ou identifiée en faisant tout simplement demi-tour et en partant. Mais ce n'est pas de cette façon que les zones de précontrôle fonctionnent. La première chose qui se passe lorsqu'on arrive dans une zone de précontrôle, c'est qu'on remet son passeport. Le passeport est balayé, et l'identité de la personne est déjà connue. On est identifié. On n'est pas là subrepticement. Il n'y a aucune façon de partir en douce.
    Et même si on pouvait partir, qu'est-ce qu'on sonde exactement? Des centaines de milliers de voyageurs passent chaque année par ces frontières. Les personnes qui sondent la frontière ne verront rien de plus que vous et moi lorsque nous allons aux États-Unis.

  (1640)  

    Je dois malheureusement vous demander de conclure.
    Je vais conclure en disant que, selon moi, il n'y a pas de justification. Nous croyons qu'il faut vraiment faire quelque chose pour modifier les articles 31 et 32 et les rendre plus efficaces.
    Fait intéressant, l'article 32 n'est pas vraiment reflété dans l'accord, alors il peut être modifié. Nous aimons bien la suggestion de l'Association des avocats musulmans, qui demandent de changer... nous disons qu'il faut éliminer la possibilité de poser des questions sur les motifs du retrait. Si vous ne l'éliminez pas, au moins modifiez la disposition comme suit: « aux fins de détermination ou d'identification des motifs pour lesquels il se soustrait » afin que ce soit plus...
    Merci, monsieur Greene. Je dois vous arrêter ici.
    Merci.
    Je tiens à porter à l'attention des membres que l'ABC a présenté un mémoire, que vous avez déjà reçu dans vos boîtes de courriels. Il contient des recommandations précises ainsi que des suggestions d'amendements.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer aux représentants de PortsToronto et de l'Aéroport Billy Bishop de Toronto. Nous accueillons M. Wilson et M. Cabral.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous, honorables membres, de nous recevoir aujourd'hui. C'est tout un honneur d'être ici pour représenter les nombreux membres professionnels, fiers et diligents de PortsToronto et de l'Aéroport Billy Bishop, qui connaît un grand succès.
    Merci de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-23 et l'importance du prédédouanement – ou précontrôle – pour l'économie canadienne, la connectivité, la sécurité et la compétitivité à l'échelle mondiale.
    Je m'appelle Geoffrey Wilson, et je suis le PDG de PortsToronto, l'entreprise publique fédérale qui détient et exploite l'Aéroport Billy Bishop de Toronto, la Marina de l'avant-port, ainsi que des terminaux maritimes au Port de Toronto. Je suis accompagné de mon collègue, Gene Cabral, le vice-président directeur de l'Aéroport Billy Bishop et de PortsToronto, c'est-à-dire du secteur de nos activités auquel nous allons nous intéresser ici aujourd'hui.
    Nous estimons que PortsToronto est bien placé pour parler de l'élargissement du système de prédédouanement américain au Canada. En effet, nous avons passé les quelques dernières années à travailler avec des organisations de part et d'autre de la frontière en vue d'intégrer notre aéroport dans un programme élargi.
    L'Aéroport Billy Bishop a connu une réussite exceptionnelle ces 10 dernières années. En 2006, cette installation desservait à peine 25 000 passagers dans l'année, tandis qu'en 2016 l'Aéroport Billy Bishop en a accueilli 2,7 millions. L'aéroport génère plus de 2,1 milliards de dollars de retombées économiques par année, et a contribué à la création de 6 500 emplois, dont 1 900 à l'aéroport.
    Situé à moins de trois kilomètres du centre-ville de Toronto, l'Aéroport Billy Bishop continue à remporter des prix internationaux décernés par des organisations comme Condé Nast, Skytrax et le Conseil international des aéroports, qui le considèrent comme l'un des meilleurs aéroports d'Amérique du Nord et du monde. Il affiche par ailleurs un remarquable de taux de satisfaction de la clientèle de 99 %.
    Grâce à deux transporteurs primés, Porter Airlines et Air Canada, l'Aéroport Billy Bishop dessert directement plus de 20 destinations. Porter Airlines assure notamment des vols directs sans escale vers des marchés régionaux et centraux des États-Unis tels que New York, Chicago, Boston, Washington, Burlington, Pittsburgh, Orlando et Myrtle Beach. En outre, grâce à des ententes de partenariat conclues entre compagnies aériennes, l'aéroport propose également des correspondances pour 80 autres villes des États-Unis. De fait, chaque année, plus de 450 000 passagers transitent par l'Aéroport Billy Bishop dans le cadre de leurs voyages à destination des États-Unis.
    L'Aéroport Billy Bishop est le neuvième aéroport du Canada en importance, et le sixième aéroport canadien pour ce qui est du nombre de passagers à destination des États-Unis. Nous sommes cependant le seul des neuf principaux aéroports canadiens qui ne propose pas pour l'instant de services de prédédouanement. Nous sommes enthousiasmés par les possibilités que présente l'élargissement du prédédouanement à notre aéroport, et nous continuerons à collaborer avec le gouvernement fédéral de façon à ce que la mise en oeuvre du nouvel accord de prédédouanement favorise l'atteinte des objectifs du programme dans son ensemble et permette la mise en place d'un nouveau site de prédédouanement au Canada.
    Je viens de faire valoir pourquoi, selon moi, le programme de prédédouanement devrait être élargi pour intégrer l'Aéroport Billy Bishop — cet aéroport est un point d'accès très utilisé et extrêmement précieux, qui facilite les déplacements et les échanges.
    À présent, permettez-moi de prendre un moment pour mettre en contexte les raisons pour lesquelles l'ajout d'une aire de prédédouanement à Toronto présente des avantages. Comme l'a fait remarquer le Département d'État américain, la relation bilatérale entre le Canada et les États-Unis est l'une des plus étroites et des plus étendues au monde. Plus de deux milliards de dollars de biens et services et environ 300 000 personnes franchissent chaque jour la frontière entre ces deux pays. En outre, la valeur des échanges entre la seule ville de Toronto et les États-Unis se chiffre à plus de 86 milliards de dollars par année.
    Toronto est une ville de près de 3 millions d'habitants, et le Grand Toronto compte au total 5,5 millions d'habitants. Un quart de la population du Canada vit à moins de 150 kilomètres de Toronto, et plus de 60 % de la population des États-Unis se trouve à moins de 90 minutes d'avion de cette ville. Toronto est le centre du secteur financier canadien, et sert de base à l'industrie de la technologie de l'information, au secteur des sciences de la vie, à l'industrie cinématographique et à l'industrie automobile du Canada, ainsi qu'à de nombreux établissements universitaires canadiens de premier rang. Il est donc tout à fait logique de permettre l'ajout d'un lien pratique entre Toronto et les États-Unis, via l'Aéroport Billy Bishop.
    J'aimerais utiliser les quelques minutes qui me restent pour aborder plus particulièrement la question du prédédouanement et exposer notre point de vue sur l'Accord relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien.
    Comme vous le savez, le prédédouanement américain a été introduit en 1952 à l'Aéroport international Pearson de Toronto. Au fil des ans, le prédédouanement est devenu un programme perfectionné visant à améliorer les échanges entre les États-Unis et le Canada, ainsi que la sécurité à la frontière.
    Pour les consommateurs, l'un des principaux avantages de ce programme est que, une fois le processus de prédédouanement au Canada terminé, leur voyage vers les États-Unis se passe quasiment comme un vol national. Cela signifie qu'ils arrivent à une porte servant aux vols nationaux dans l'aéroport de destination, et quittent cet aéroport comme s'ils étaient des passagers nationaux des États-Unis — soit pour prendre un autre vol, soit pour commencer leur voyage aux États-Unis. Le prédédouanement donne accès à de nouveaux marchés potentiels aux États-Unis, pour le commerce et les voyages, car il permet aux passagers de se rendre dans des villes desservies par de plus petits aéroports dans lesquels il n'y a pas forcément d'installations de la Customs and Border Protection, la CBP, des États-Unis. Cette formalité permet également aux consommateurs de disposer d'un plus grand choix d'aéroports et de terminaux ferroviaires, et contribuera grandement à rendre les déplacements plus rapides et plus efficaces, en augmentant le nombre de possibilités et de points d'accès.

  (1645)  

    Dans un rapport publié la semaine dernière par l'Aéroport international Pearson, il était estimé que plus de 110 millions de passagers et plus d'un million de tonnes de marchandises transiteraient annuellement par les aéroports du Sud de l'Ontario d'ici 2043, contre 49,1 millions de passagers et plus de 470 000 tonnes de marchandises aujourd'hui. C'est le double des chiffres enregistrés actuellement. Cet accroissement prévu de la population, de l'activité économique et de la demande de services aériens présente de réels défis liés au chapitre de la capacité. La région du Sud de l'Ontario doit en prendre acte et s'y préparer. L'élargissement du prédédouanement est un moyen de se préparer à cette croissance, et de permettre l'utilisation d'un plus grand nombre d'aéroports dans le cadre des voyages à destination ou en provenance des États-Unis.
    Cependant, la préparation à la croissance et aux possibilités à exploiter, qui passe par l'introduction de mesures visant à améliorer la vitesse, l'accès et l'efficacité, ne doit pas se faire au détriment de la sécurité à la frontière. En fait, nous sommes d'avis qu'un accord élargi sur le prédédouanement rendra les frontières plus sûres, et permettra aux responsables de l'application de la loi de disposer de plus de ressources pour sécuriser et protéger les frontières.
    Nous avons participé à des réunions portant sur l'aspect opérationnel du prédédouanement, et ces réunions nous ont permis de comprendre que les Canadiens bénéficieront du fait que, si jamais ils ont de la difficulté à se voir accorder l'accès aux États-Unis pour des raisons telles que la présentation de pièces d'identité ou de documents inappropriés, ils se trouveront toujours dans leur pays d'origine et jouiront donc des droits et protections garantis par le droit canadien.
    Le prédédouanement permet aux voyageurs, aux compagnies aériennes et aux services de sécurité frontalière des deux côtés de la frontière d'éviter d'importants coûts et perturbations, car il met en évidence les problèmes d'admission tôt dans le processus. Dans de rares cas extrêmes, le prédédouanement au Canada permet également de détecter et de gérer les éventuelles menaces à la sécurité avant que les frontières soient franchies. Les menaces à la sécurité nationale peuvent être détectées avant l'embarquement dans un avion partant pour l'étranger, ce qui offre aux autorités frontalières canadiennes davantage de contrôle et de ressources pour cerner les risques et assurer la sécurité de la population canadienne.
    L'Aéroport Billy Bishop et Porter Airlines ont collaboré avec la CBP, ainsi qu'avec des équipes de Transports Canada, de la Sécurité publique et des Affaires étrangères, en vue de mettre en place à l'aéroport une aire de prédédouanement américain qui serait la première installation de ce type à ouvrir en vertu du nouvel accord bilatéral de prédédouanement.
    Nous sommes conscients du fait que le Canada et les États-Unis ont du travail à faire pour mettre en oeuvre le nouvel accord. Nous sommes prêts, et nous nous sommes engagés à faire fonctionner l'aire de prédédouanement conformément à toutes les exigences raisonnables définies par les États-Unis et le Canada. Nous savons également que le nouveau modèle de financement des activités de la CBP au Canada ne sera pas le même pour nous que pour les autres installations de ce type déjà en place dans notre pays. Ce nouveau modèle prévoit notamment qu'il faudra payer pour les services du personnel de la CBP, ce qui représente une nouvelle dépense importante pour l'aéroport et ses passagers. Nous sommes déterminés à faire en sorte que notre aire de prédédouanement soit un atout considérable, rentable et favorisant les voyages entre nos deux pays, qui bénéficieront des avantages connexes.
    Soulignons que l'Aéroport Billy Bishop a entrepris la construction d'une aire de prédédouanement, dans le cadre d'un projet plus vaste de modernisation de l'aérogare visant à agrandir cette installation et à améliorer les commodités qui y sont offertes. À l'heure actuelle, huit aéroports canadiens exploitent avec beaucoup de succès des aires de prédédouanement américain au Canada, et notre aéroport est prêt et apte à avancer rapidement dans la mise en place d'une telle aire. Nous estimons que l'Aéroport Billy Bishop peut devenir un lieu d'interconnexion pratique et précieux entre le centre-ville de Toronto et les marchés régionaux et centraux des États-Unis. Un programme élargi de prédédouanement pourrait encourager les échanges bilatéraux, rendre plus pratiques les déplacements des voyageurs d'affaires et d'agrément, et renforcer la sécurité nationale.
    Je vous remercie de nous avoir consacré du temps aujourd'hui, et j'apprécie l'attention que votre comité accorde au sujet du prédédouanement américain et à la législation connexe. Nous attendons avec intérêt de continuer à appuyer les discussions des représentants canadiens liées à la mise en place d'une aire de prédédouanement américain à l'Aéroport Billy Bishop, et à la concrétisation des importantes occasions bilatérales qui s'offriront en matière de rentabilité, de service à la clientèle, de relations commerciales et de sécurité.
    Merci de votre attention.

  (1650)  

    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Cabral? D'accord.
    Même si vous avez un avion à prendre, nous savons que vous y arriverez facilement.
    Des voix: Ah, ah!
    Le président: Nos prochains intervenants sont M. Peerbhoy et Mme Jafari.
    Bonjour aux membres du Comité. Laissez-moi vous présenter ma collègue, Pantea Jafari, une autre membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des avocats musulmans. Je m'appelle Mueed Peerbhoy. Nous voudrions remercier le Comité de nous avoir invités à parler du projet de loi C-23 aujourd'hui.
    L'Association canadienne des avocats musulmans participe activement au débat sur les lois et les politiques relatives à la sécurité nationale au Canada. Nous avons formulé des observations et témoigné devant plusieurs comités parlementaires qui se penchent sur la sécurité nationale, les droits de la personne et les libertés civiles, à de nombreuses occasions depuis 2001. Nous sommes heureux d'apporter notre contribution à l'étude du projet de loi C-23 et à l'égard des lois et des politiques relatives à la sécurité nationale, de façon plus générale, car ces affaires sont importantes pour tous les Canadiens.
    Premièrement, nos valeurs fondamentales sont celles qui sont défendues par la Charte des droits et libertés. Le deuxième élément, c'est la primauté du droit au Canada et le fait de tenir nos représentants élus responsables à l'égard de la nécessité et de l'efficience des lois qu'ils proposent et mettent en œuvre. Le troisième élément que nous souhaitons défendre, c'est la dignité de toutes les personnes au Canada et la promotion des droits de la personne. Nous prenons la parole lorsque des musulmans canadiens et des musulmans au Canada sont touchés par une loi proposée, mais il ne s'agit pas de notre seule cible. Nous parlons de la dignité de toutes les personnes au Canada.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, qui abordera les dispositions de fond du projet de loi C-23.
    Je m'appelle Pantea Jafari. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des avocats musulmans. Je suis très heureuse de comparaître aujourd'hui. Merci de nous accueillir.
    Comme l'a laissé entendre mon collègue, nous représentons non seulement les musulmans canadiens — bien entendu —, mais aussi un vaste éventail de personnes qui sont de plus en plus touchées par des mesures visant à détecter le terrorisme et à contrôler la sécurité aux frontières. Ce sont les musulmans pratiquants, tout comme les musulmans non pratiquants. Ce sont toutes sortes de populations racialisées et vulnérables qui semblent appartenir à cette catégorie et subir de façon disproportionnée les conséquences de ces types de lois en ce qui a trait au ciblage accru et à l'application de la loi aux frontières.
    Dans cette optique, nous sommes très préoccupés par les amendements proposés, compte tenu des pouvoirs qui sont actuellement enchâssés dans la loi relative au précontrôle.
    Le projet de loi nous pose deux grands problèmes.
    Le premier, c'est qu'on le présente essentiellement comme un grand avantage pour les Canadiens, puisque nous serions protégés par la Charte des droits et libertés dans le cadre de nos efforts visant à traverser la frontière vers les États-Unis et que la conduite des agents frontaliers américains serait modérée par l'application de la Charte et par les mesures de protection qu'elle offre.
    La préoccupation tient alors au fait que les recours et les mécanismes servant à tenir les agents frontaliers responsables à l'égard de ces mesures de protection prévues dans la Charte ne figurent pas dans le projet de loi. L'Association canadienne des libertés civiles a longuement parlé de ces recours. Le fait que la Loi sur l'immunité des États s'applique — ce qui signifie essentiellement que même le gouvernement américain est immunisé, sauf en cas de décès, de préjudice corporel ou de dommages matériels —et que le projet de loi contient des immunités civiles explicites contre les agents et une disposition claire selon laquelle les agents frontaliers américains ne seront pas des agents de la Couronne signifie que le recours aux tribunaux canadiens et au droit canadien est également interdit.
    En effet, même si le cadre de protection est là — le projet de loi énonce que les droits prévus dans la Charte et les droits de la personne canadiens s'appliquent tous —, les mécanismes pour donner de la substance à cette affirmation sont absents du projet de loi et sont explicitement exclus.
    La deuxième grande préoccupation tient au fait que la Charte des droits au Canada, par son existence, exige que toute loi proposée ait une incidence minimale sur les droits qu'elle protège. Dans le cadre de nos recherches sur le projet de loi, des témoignages présentés devant vous la semaine dernière et la semaine précédente et des débats à la Chambre des communes, nous n'avons entendu aucune justification des pouvoirs d'enquête et de fouille largement accrus et étendus conférés sous le régime du projet de loi.
    Même si, au début de l'étude du projet de loi par le Comité, le ministre a déclaré que les homologues américains étaient très à l'aise avec ce qui se passait aux zones de précontrôle canadiennes et qu'ils en étaient très heureux... Monsieur Picard, vous avez même mentionné que, quand vous avez visité les États-Unis, vos homologues étaient également très satisfaits, que la sécurité n'était pas vraiment quelque chose qu'il considérait comme étant primordial relativement au projet de loi et qu'il s'agissait davantage de la circulation accrue de gens d'affaires et de vacanciers.
    Si on se penche sur le projet de loi dans cette optique, sans justification explicite de ces pouvoirs étendus, et alors que les Américains affirment qu'ils sont actuellement satisfaits de la façon dont fonctionnent les zones de précontrôle, il y a lieu d'être préoccupé par les raisons qui motivent l'octroi de ces pouvoirs supplémentaires.
    En ce qui concerne les pouvoirs étendus qui sont conférés, M. Greene a abordé longuement les dispositions relatives au retrait, alors je ne m'y attarderai pas. L'élément que je veux ajouter à cette considération est le suivant: le projet de loi actuel protège explicitement les voyageurs qui veulent se retirer du précontrôle; en soi, cet acte ne peut pas être jugé comme étant un motif raisonnable de soupçonner qu'une infraction a été commise sous le régime d'une loi du Parlement. Cette protection explicite est retirée par le projet de loi. Il ne s'agit pas d'affirmer que l'acte de retrait, en soi, va provoquer ce soupçon, mais le fait que la protection est absente est extrêmement préoccupant.

  (1655)  

    Comme l'a mentionné M. Greene, cela ouvre la porte à la situation où le projet de loi propose deux accusations criminelles qui pourraient être portées contre un voyageur. La première est celle d'avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses. Il s'agit d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, au titre de la loi, mais qui a le potentiel de mener à une interdiction de territoire pour criminalité sous le régime des lois sur l'immigration. Cela signifie que, si un étranger fait l'objet de deux accusations distinctes d'avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses, il peut être jugé interdit de territoire au Canada et non seulement perdre son statut actuel, mais aussi ne pas avoir le droit de revenir au Canada pour une certaine période.
    La deuxième préoccupation tient au fait que le projet de loi prévoit une accusation pour avoir entravé un agent des services frontaliers. Il s'agit d'une infraction punissable par mise en accusation, même si elle est présentée dans le projet de loi comme une infraction mixte ou hybride, qui pourrait être punissable par déclaration sommaire de culpabilité ou par mise en accusation. Sous le régime du droit canadien en matière d'immigration, cela signifie qu'elle sera considérée comme une infraction punissable par mise en accusation. Tout résident permanent ou étranger accusé ou reconnu coupable d'une telle infraction serait susceptible d'être déclaré interdit de territoire pour grande criminalité.
    Ces pouvoirs étendus sont conférés aux agents des services frontaliers, et nous sommes dans un contexte où, après le 11 septembre, nous avons connu 15 années de frustration cumulée au sein des populations racialisées et vulnérables à l'égard des services frontaliers, ou même des services de police locaux, comme les mouvements Black Lives Matter et des choses de ce genre permettent de le constater. Quand ces populations se présentent aux frontières et aux zones de précontrôle et qu'elles pourraient faire l'objet d'accusations criminelles susceptibles de mener au retrait de leur statut d'immigration, cela devient une énorme source de préoccupations, puisqu'aucun paramètre relatif aux contrôles de sécurité et à la surveillance n'est intégré à la loi et au processus et aux procédures liés à son application.
    Ces personnes qui se présentent aux frontières vont maintenant devoir se soumettre à un examen plus minutieux, à une vérification approfondie et à des fouilles plus poussées. Encore une fois, l'Association canadienne des libertés civiles a abordé ce sujet en détail, et je n'utiliserai pas le temps dont nous disposons pour le faire. Lorsque cela se produit, ces personnes doivent se soumettre à ce qu'elles estiment être des situations très déraisonnables et frustrantes afin d'obtenir l'avantage du projet de loi, c'est-à-dire permettre une augmentation des voyages d'affaires et de loisirs. Cela veut dire avoir l'avantage de pouvoir assister facilement à des conférences et à des événements de ce genre tenus de l'autre côté de la frontière, surtout lorsque les employeurs pourraient l'exiger d'un voyageur. Le voyageur devra se soumettre à ces situations, sans quoi il risquera des sanctions pénales. Même l'acte de retrait, en soi, pourrait mener aux mêmes interrogatoires ou à des types d'interrogatoires semblables.
    Cela devient une énorme préoccupation pour notre organisation, surtout qu'il y a des témoignages de personnes qui ont vécu ces expériences à la frontière. En tant qu'intervenante en immigration, je reçois le témoignage de ces expériences de nos clients et de membres de notre collectivité.
    Si, sous le régime des lois actuelles, des gens sont couramment interrogés pour des périodes de cinq à six heures d'affilée au sujet de leurs intentions, puis de leurs croyances religieuses, de leurs opinions concernant le président actuel ou de choses de ce genre... On en arrive à une situation où un agent soupçonne la perpétration d'une infraction, qu'il s'agisse d'une fausse déclaration ou de quelque chose de plus grave que cela; il n'y a pas de limite aux pouvoirs d'enquête de l'agent en question. Une disposition prévoit qu'il peut interroger le voyageur ou recueillir des renseignements auprès du voyageur sans ambages.
    Aucune restriction ne limite l'interrogatoire à l'infraction commise ou soupçonnée. Il s'agit simplement d'un droit général d'interroger le voyageur et de recueillir des renseignements sur lui. Ces renseignements peuvent ensuite être conservés également en raison d'autres changements.

  (1700)  

    Je vais devoir vous demander de commencer à conclure.
    Bien sûr. Merci.
    L'Association canadienne des avocats musulmans a rédigé des observations qui décrivent en détail les nombreux paramètres du projet de loi qui nous préoccupent. J'ai souligné certains des plus importants dans le cadre de notre témoignage d'aujourd'hui. Le document sera fourni à des fins de traduction et arrivera plus tard. J'espère répondre à toute question que vous pourriez vous poser, qui découlerait des observations faites de vive voix ou par écrit.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Fortin.

[Français]

    Merci de votre présence et bienvenue.

[Traduction]

    Je vais y aller, car on m'a dit que nous allons tenter de procéder le plus rapidement possible. Je vais tenter de présenter mon exposé en accéléré afin que nous puissions répondre à des questions.
    Vous disposez de 10 minutes.
    Merci beaucoup.
    Je m'appelle Jean-Pierre Fortin. Je suis le président national du Syndicat des Douanes et de l'Immigration. Je représente plus de 10 000 membres de partout au pays, soit principalement des agents de première ligne dans divers aéroports canadiens et toutes les personnes travaillant aux frontières terrestres également.
    Nous voudrions soulever des préoccupations relativement à six dispositions du projet de loi C-23. Premièrement, la partie 1 du projet de loi C-23 autorise un ministre fédéral désigné par le gouverneur en conseil à désigner des zones de précontrôle et des paramètres de précontrôle au Canada. La partie 1 reconnaît également le pouvoir des contrôleurs désignés américains de mener des activités de contrôle avant le passage à la frontière et prévoit que le droit canadien, y compris la Charte des droits et libertés, s'applique à leurs activités au Canada.
    La partie 2 confirme que ce pouvoir et cette responsabilité réciproques s'appliqueront aux agents des services frontaliers du Canada effectuant des précontrôles frontaliers aux États-Unis. Le projet de loi mentionne également la possibilité que d'autres fonctionnaires soient désignés par les États-Unis. Le SDI ne comprend pas bien le but de cette disposition et comment ces désignations seront effectuées, le cas échéant, sur quels motifs elles seront fondées et en vertu de quelle autorisation ou de quelles conditions. Il serait utile que ce soit clarifié.
    Deuxièmement, la partie 1 autorise également les agents des services frontaliers du Canada à assister les contrôleurs américains dans l'exercice de leurs fonctions au Canada, mais les articles 35 et 36 semblent créer une distinction entre le pouvoir des policiers et celui des agents des services frontaliers, conformément au paragraphe 163.4(1) de la Loi sur les douanes concernant l'application du Code criminel. Cette disposition doit être clarifiée, et elle devrait prévoir une extension de la désignation de ces agents par l'ASFC.
    Des problèmes ont été soulevés concernant l'obligation des agents de précontrôle américains d'aviser et de faire participer un agent des services frontaliers canadiens s'ils souhaitent procéder à la fouille à nu d'une personne voyageant vers les États-Unis. Même si cette obligation est formulée expressément au paragraphe 22(2) du projet de loi, le paragraphe 22(4) autorise l'agent américain à procéder à la fouille si aucun agent des services frontaliers du Canada n'est disponible ou si l'agent canadien refuse de le faire. Le SDI croit que cette disposition devrait être retirée du projet de loi C-23, surtout puisqu'il souligne expressément le fait que les lois canadiennes s'appliquent à toutes les activités qui ont lieu dans la zone de précontrôle et que les autres pouvoirs américains ne s'appliquent pas.
    Selon les articles 9, 10 et 11, si une fouille à nu doit être effectuée dans la zone de précontrôle du Canada, elle devrait être effectuée sous l'autorité d'agents canadiens exclusivement. Il faudrait obtenir des clarifications du ministre, notamment pour savoir si le gouvernement va conclure des protocoles d'entente avec les autorités américaines sur cette question. Ce pourrait être expressément requis, si ces dispositions étaient incluses en tant que conditions préalables dans la désignation initiale d'une zone de précontrôle par le ministre, conformément aux articles 6 à 8, et par le gouverneur en conseil, au moyen d'un règlement, au titre de l'article 57.
    Troisièmement, concernant la capacité d'un voyageur de se soustraire au précontrôle, l'article 29 du projet de loi formule expressément le droit d'un passager de se soustraire au processus de précontrôle. Le paragraphe 20(2) du projet de loi interdit également la collecte de renseignements biométriques auprès d'un voyageur, sauf si un avis clair concernant le droit de retrait est affiché dans la zone de précontrôle.
    Même lorsqu'un voyageur choisit de se retirer, les agents de précontrôle ont tout de même d'importants pouvoirs, conformément aux articles 30 à 32, y compris celui d'effectuer une fouille à nu pour des motifs définis. Le paragraphe 32(2) du projet de loi requiert la participation d'agents des services frontaliers du Canada prévue à l'article 22, mais sous réserve de la même exception que celle qui est mentionnée plus haut, au paragraphe 22(4).

  (1705)  

    Par conséquent, il est aussi recommandé que le ministre conclue un protocole d'entente avec les autorités américaines relativement aux situations qui exigent l'approbation et la participation de l'ASFC.
    Quatrièmement, concernant la prévention de la double incrimination des agents, la partie 2 du projet de loi confère au procureur général du Canada la compétence exclusive d'intenter et de mener des poursuites à l'égard des actes — actions ou omissions — commis aux États-Unis par des agents canadiens. Il s'agit d'une disposition importante, qui avait été recommandée par le SDI afin de garantir qu'il n'y a aucune possibilité de double incrimination de gens des services frontaliers canadiens et que le Canada conserve la compétence ultime.
    Cinquièmement, concernant l'application aéroportuaire et le statut d'agent des services frontaliers du Canada, l'article 36 du projet de loi confirme que les agents désignés par l'ASFC au titre de l'article 163.4 de la Loi sur les douanes détiennent le pouvoir d'« arrestation sans mandat », conformément aux articles 495 à 497 du Code criminel. Étant donné la possibilité de participation accrue des agents des services frontaliers du Canada dans ces situations, cette disposition se solderait par la désignation de tous les agents de l'ASFC travaillant dans les aéroports internationaux, car les possibilités qu'on fasse appel à eux afin qu'ils prennent des mesures sont élevées.
    De plus, le projet de loi appuie une approbation générale qui aurait dû être donnée depuis longtemps concernant l'armement des agents des services frontaliers du Canada dans les aéroports internationaux, surtout s'ils travaillent dans une situation d'application de la loi ou auprès de contrôleurs américains ou d'agents de police canadiens armés. Des événements récemment survenus dans des aéroports de partout dans le monde confirment que les temps ont changé et que les agents des services frontaliers du Canada pleinement qualifiés et armés travaillant maintenant dans les aéroports internationaux, alors que leur arme de poing est entreposée dans une armoire verrouillée, devraient avoir le droit de porter leur arme pour leur propre protection et pour celle du public qu'ils servent.
    De plus, le nombre d'agents de police présents dans la plupart des aéroports du Canada est insuffisant. Cette situation peut être corrigée si le ministre aide l'ASFC à obtenir l'exemption à l'exigence de Transports Canada, comme cela a été fait dans le cas des agents d'application de la loi d'autres ministères. Par exemple, cette exemption a été accordée aux agents de la faune.
    Le précontrôle frontalier aux aéroports internationaux et ailleurs pourrait être une bonne idée pour les deux pays. Toutefois, avant que le SDI puisse approuver les dispositions du projet de loi, il sera important que les détails soient peaufinés de manière à protéger adéquatement les droits à la vie privée des gens à qui elles sont censées profiter.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir permis de comparaître devant le Comité.
    Une dernière chose que j'ai oubliée, c'est le sixième élément, concernant les questions touchant l'immigration et les réfugiés.
    La partie 2 autorise le gouverneur en conseil à adopter des règlements pour adapter, limiter ou exclure l'application de dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois canadiennes dans les « zones de précontrôle » et les « périmètres de précontrôle ».
    En plus de cela, les agents canadiens effectuant le précontrôle frontalier aux États-Unis font appliquer les lois canadiennes, mais le paragraphe 48(1) confirme expressément qu'un voyageur se trouvant dans la zone de précontrôle frontalier n'est pas au Canada aux fins de la LIPR et qu'il ne peut pas présenter une demande d'asile au titre de l'article 99 de cette loi.
    Encore une fois, merci de m'avoir permis de me présenter.

  (1710)  

    Merci de votre temps et de votre effort, ainsi que du travail que vous faites avec votre syndicat.
    Madame Bell.

[Français]

    Monsieur le président, chers députés, je suis très heureuse de comparaître devant vous au nom de l'Association de l'industrie touristique du Canada, l'AITC, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-23.

[Traduction]

    Monsieur le président Oliphant et mesdames et messieurs les députés, au nom de l'Association de l'industrie touristique du Canada, je vous remercie de me donner la possibilité de communiquer notre point de vue sur le projet de loi C-23.
    Aux fins du compte rendu, je m'appelle Charlotte Bell, et je suis la présidente et directrice générale de l'Association de l'industrie touristique du Canada.
    Pour ceux qui ne le connaissent pas, l'AITC est la seule voix nationale représentant les intérêts de tous les secteurs de l'industrie du tourisme au Canada. Cela comprend l'hébergement, les transports, les destinations et les attraits. On compte parmi nos membres des organisations de toutes les tailles, des petites entreprises aux attraits touristiques emblématiques de l'ensemble du pays, en passant par les grandes chaînes hôtelières, les transporteurs aériens nationaux et les services de transport ferroviaire.
    Le tourisme est le premier moteur économique du Canada, qui a généré l'an dernier 91,6 milliards de dollars en recettes, surpassant la foresterie, l'agriculture et la pêche combinées. L'industrie emploie également plus de 627 000 Canadiens et est considérée comme l'un des meilleurs secteurs d'emploi pour les jeunes Canadiens. Comme près de 80 % du tourisme canadien est intérieur, nos efforts sont axés principalement sur la croissance et la compétitivité à l'échelle internationale. Tout simplement, nous visons à renforcer le secteur du tourisme canadien en augmentant le nombre de visiteurs étrangers au Canada. De fait, en 2016, le Canada a accueilli tout près de 20 millions de visiteurs étrangers, ce qui a généré des recettes de l'ordre de 20 milliards de dollars, et 2017 montre également des signes précoces d'une croissance continue sur tous les marchés étrangers clés, y compris les États-Unis, qui représentent à peu près 70 % des visites de l'étranger au Canada.
    Le tourisme fait partie des secteurs dont la croissance est la plus rapide au monde, y compris ici, au Canada, et il est censé croître à un rythme stable au cours des années à venir. Toutefois, nous devons être prêts pour cette croissance. Le succès du Canada est en grande partie attribuable à son image de marque. En 2017, elle a atteint un sommet historique dans le Lonely Planet, The New York Times et le National Geographic, qui ont présenté le Canada comme étant « l'endroit » à visiter cette année, et nous ne pourrions pas être plus fiers.
    Au moment où le Canada accueille davantage de visiteurs, et alors qu'un plus grand nombre de gens transitent par notre pays, quel que soit le mode de transport, que ce soit pour les loisirs, les affaires ou les études, nous devons nous assurer que leur expérience sera mémorable. Quand je dis « mémorable », je ne veux pas dire « je me suis perdu en randonnée » ou « j'ai fait la file pendant trois heures au poste de sécurité frontalière et j'ai manqué ma correspondance ».
    Nous savons une chose au sujet des voyageurs: ils adorent raconter leurs histoires à leurs amis et aux membres de leur famille ainsi que sur les médias sociaux, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Nous espérons que, quand ils racontent la période qu'ils ont passée au Canada, qu'il s'agisse de deux semaines à parcourir le pays ou d'un transit par l'un de nos aéroports ou ports, ils parlent de leur excellente expérience et encouragent d'autres personnes à visiter le pays.
    Un voyage ne commence pas seulement au moment où vous arrivez à votre hôtel. Il commence au moment où vous quittez votre domicile, et il se poursuit jusqu'à votre retour. Pour des millions de voyageurs, chaque année, cela comprend le passage à un poste de sécurité frontalière. Dans le contexte d'une concurrence de plus en plus féroce, le Canada doit suivre la cadence de la croissance du trafic dans ses aéroports ainsi qu'à ses passages frontaliers terrestres et maritimes. En facilitant une sécurité frontalière efficiente sur un plus grand nombre de marchés et à un plus grand nombre d'endroits partout au pays, nous pouvons assurer la circulation sans entrave des personnes et des produits à nos frontières, tout en préservant, bien entendu, l'intégrité de notre sécurité nationale. C'est quelque chose qui, nous le croyons, a été obtenu dans le passé grâce au précontrôle et qui sera amélioré grâce à la modernisation des lois existantes et à l'expansion des services vers d'autres marchés.
    Les activités de précontrôle menées entre le Canada et les États-Unis...

  (1715)  

    Je suis désolé, madame Bell, mais je dois vous interrompre pour une minute dans le but de confirmer que j'ai le consentement unanime nécessaire afin de poursuivre la séance pendant que la sonnerie retentit. Je propose que nous poursuivions pendant environ 15 des 30 minutes de sonnerie, ce qui devrait nous permettre d'obtenir environ quatre minutes de chaque parti, et une question.
    Je ne pense pas que ce sera une période suffisante pour nous permettre de nous rendre à...
    Je suggère 10 minutes.
    Pendant combien de minutes pouvons-nous poursuivre?
    Monsieur le président, personnellement, je pense que nous devrions tout simplement entendre tous les témoins, nous assurer qu'ils ont présenté leur exposé, et nous arrêter là.
    Il me reste une minute, simplement pour que vous le sachiez, si c'est utile.
    Les activités de précontrôle menées entre le Canada et les États-Unis étaient en place déjà dès les années 1950 et sont offertes dans huit aéroports canadiens, qui effectuent maintenant le précontrôle de millions de passagers chaque année. La nouvelle loi étendra les avantages à d'autres aéroports, ainsi qu'aux services de transport ferroviaire de luxe — le Rocky Mountaineer, par exemple — et au port du Grand Victoria, qui pourront conclure des accords avec la U.S. Customs and Border Protection afin d'offrir le précontrôle à leurs passagers.
    L'AITC appuie depuis longtemps le précontrôle comme moyen efficace de faciliter la circulation des personnes et des marchandises à la frontière. Le tourisme va continuer de croître, tout comme le besoin de faciliter de façon efficiente le traitement des passagers voyageant vers les États-Unis, qu'ils proviennent du Canada ou qu'ils arrivent d'autres pays. L'industrie du tourisme a hâte à l'adoption de cette nouvelle loi, car elle espère voir le précontrôle étendu à d'autres régions du pays, au profit des passagers, de la sécurité nationale et de l'industrie du tourisme dans son ensemble.

[Français]

    Encore une fois, je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous disposons de 28 minutes. Voudriez-vous terminer maintenant, ou voudriez-vous poursuivre pour quelques minutes et poser une question chacun?
    Nous voudrions poser une question chacun.
    Accordons deux ou trois minutes à chacun.
    Nous allons céder la parole à Mme Damoff, à M. Clement et à M. Dubé.
    Merci à tous. Je suis heureuse d'avoir la possibilité de poser une question.
    Malheureusement, le représentant de l'Association du Barreau canadien est parti.
    En mars, je me suis rendue à New York sur un vol de Porter. Nous avons quitté Toronto Island sans problème. J'ai embarqué dans l'avion, et nous sommes partis. Nous avons atterri à Newark, et il a facilement fallu plus d'une heure pour traverser les douanes, car nous atterrissions non seulement avec des Canadiens, mais aussi avec des gens de partout dans le monde.
    Je regardais les agents des services frontaliers américains parcourir les passeports. Nous n'avons eu aucun problème. Nous sommes passés directement, mais les personnes devant nous venaient des Philippines et ont attendu 15 minutes pendant que les agents parcouraient chacune des pages du passeport.
    Si Billy Bishop offrait le précontrôle, je passerais les douanes ici, au Canada, en bénéficiant de la protection du droit canadien, comme toutes les autres personnes passant la frontière. Je comprends vraiment les préoccupations qu'ont soulevées les gens concernant la façon dont le projet de loi est rédigé, mais, si on reconnaît qu'il a été négocié par un gouvernement précédent et qu'il a été adopté aux États-Unis, notre capacité de le modifier est limitée.
    Ma préoccupation tient au fait que je préférerais faire l'objet de ce précontrôle ici, au Canada, en bénéficiant de ces mesures de protection, plutôt que d'avoir à y être soumise aux États-Unis, comme cela a été le cas lorsque j'ai pris l'avion — c'était un excellent vol —, du fait que je serais aux États-Unis et que je ne bénéficierais pas des mesures de protection prévues dans le droit canadien.
    Je connais déjà votre réponse. Vous voudriez nous voir procéder à l'adoption du projet de loi. Pouvez-vous nous parler un peu de cela? Je n'essaie de minimiser en aucune manière les commentaires que vous avez formulés.

  (1720)  

    Vous disposez d'environ 20 secondes.
    D'accord. Allez-y.
    Je répondrai peut-être à cette question en moins de 20 secondes. Personne n'est contre le précontrôle et son expansion. C'est excellent sur tous les fronts. Le précontrôle va être utile du point de vue des voyages d'affaires et du tourisme. La seule obligation consiste à le faire dans les limites du droit, de la Charte et des mesures de protection que nous offrons.
    Même si nous affirmons vouloir le faire en sol canadien afin que nous bénéficiions de la protection accordée par la Charte, en réalité, nous ne semblons pas disposer des mécanismes nécessaires pour faire appliquer ces mesures de protection dans les cas où des agents des services frontaliers ne les respecteraient pas. S'il y a un ciblage discriminatoire de certaines populations ou des choses de ce genre, les mécanismes nécessaires pour déclencher l'application de ces mesures de protection prévues dans la Charte sont absents du projet de loi, comme l'ont dit de multiples témoins, y compris l'Association canadienne des libertés civiles. Nous ne considérons pas ces mesures de protection et ces mécanismes comme un moyen qui figure dans le projet de loi.
    Merci. Si vous pouviez ajouter à votre mémoire certains arguments écrits portant sur cette question, ce serait utile.
    Nous le ferons. Absolument.
    Monsieur Clement, vous êtes le prochain intervenant.
    Je veux revenir sur le commentaire formulé par Pam, car il s'agit du fond de la question, à mes yeux. Nous n'arrêtons pas d'entendre le ministre et d'autres personnes nous dire de ne pas nous inquiéter: « nous avons des droits conférés par la Charte. C'est un territoire canadien. » Ensuite, nous entendons vos préoccupations et celles de l'ABC, selon lesquelles cela ne fonctionne pas de cette manière parce que, comme vous venez tout juste de le dire, c'est une chose que d'avoir un droit prévu par la Charte, mais c'en est une autre de le faire appliquer ou d'avoir un recours.
    Que devons-nous faire à l'égard du projet de loi pour corriger ce problème?
    Ce qu'il faudrait qui arrive, c'est que certaines de ces immunités soient retirées. Le projet de loi comprend une disposition explicite selon laquelle l'immunité civile est accordée aux agents des services frontaliers. Il n'y a aucun recours civil. On ne peut pas traîner des agents des services frontaliers devant les tribunaux. Le projet de loi énonce aussi explicitement que la Loi sur l'immunité des États s'applique. Encore une fois, sous le régime de cette loi, les agents des services frontaliers sont eux-mêmes immunisés, et le gouvernement américain dans son ensemble profite de l'immunité, sauf dans les cas de décès, de préjudice corporel ou de dommages matériels. Un énoncé explicite indique que les agents des services frontaliers ne seront pas des préposés de l'État; par conséquent, l'accès aux cours fédérales est également interdit. Les trois voies par lesquelles on a le plus fréquemment recours aux tribunaux sont explicitement interdites.
    Je crois savoir que la première fois que le ministre a comparu, vous avez laissé entendre que ses adjoints ou lui-même pourraient revenir aux fins d'une deuxième heure de questions. Je vous inviterais à poser la question suivante au ministre: « Où sont les mécanismes qui nous permettent de faire appliquer ces mesures de protection prévues dans la Charte? » ou de lui poser la question suivante: « Comment l'exécution de la loi va-t-elle être mesurée par rapport à l'application de la Charte et d'autres lois canadiennes sur les droits de la personne? »
    En tant qu'organisation d'avocats, nous avons passé au peigne fin le présent projet de loi et la Loi sur le précontrôle, tout comme l'ont fait l'ABC et l'Association canadienne des libertés civiles. En tant qu'organisations, nous estimons que ce volet du projet de loi est lacunaire. Nous ne voyons pas de mécanisme permettant de le faire appliquer, de l'utiliser.
    Le retrait de l'immunité pourrait poser problème, en pratique, en ce qui concerne le gouvernement américain. Voici trois choses que nous pourrions faire: premièrement, revenir à l'état actuel de la Loi sur le précontrôle, qui permet aux personnes de se retirer sans donner de motif; deuxièmement, ne pas permettre aux contrôleurs américains d'effectuer des fouilles à nu; et, troisièmement, en cas de violation du droit canadien, faire intervenir l'ASFC afin qu'elle prenne les commandes. Les contrôleurs des États-Unis n'ont pas besoin de continuer.
    Merci.
    Monsieur Dubé.
    J'ai une dernière question rapide concernant le fait de soupçonner une personne d'avoir commis des infractions, dont nous avons parlé. Compte tenu des normes relatives à ce qui est suspect pour les agents des services frontaliers canadiens par rapport aux Américains, diriez-vous que cela pose un risque de voir du profilage et des choses de ce genre?
    Je vais répondre à cette question.
    Tout à fait, il s'agit d'une préoccupation majeure de notre organisation, surtout lorsqu'on constate que la protection explicite... L'acte de retrait, en soi, ne peut pas faire l'objet d'une exemption et sera toujours réputé être comme un motif raisonnable de soupçonner la perpétration d'une infraction. En raison du retrait de cette protection, ainsi que des réalités que nous connaissons actuellement à la frontière, sans ces droits d'enquête et de fouille complets, nous sommes très préoccupés par la possibilité que ces droits soient appliqués de façon plus stricte contre des populations racialisées et vulnérables.

  (1725)  

    Il vous reste une minute.
    Merci. J'ai terminé.
    Je pense que nous avons terminé. Nous avons 21 minutes... beaucoup de temps pour revenir.
    La séance est levée.
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