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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mars 2016

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je remercie nos témoins d'avoir attendu.
    Nous en sommes à notre première réunion dans le cadre de notre étude sur le syndrome de stress post-traumatique et les blessures de stress opérationnel. Nous nous pencherons sur cette question au cours des prochaines semaines, mais nous entendrons d'abord quelques témoins de référence.
    Je tiens à ce que vous sachiez que vous êtes des témoins de référence. À partir de vos témoignages d'aujourd'hui et de vos réponses aux questions, nous élaborerons notre étude au cours des prochaines semaines, au terme de laquelle nous présenterons un rapport au Parlement dans lequel nous recommanderons des mesures au gouvernement. Voilà pour le contexte de nos travaux.
    Nous accueillons, de l'Université du Manitoba, Jitender Sareen, professeur de psychiatrie, ainsi que le Dr Shlik, directeur clinique au Royal, à Ottawa. Je suggère que nous entendions d'abord Jitender Sareen.
    Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Nous écouterons ensuite une deuxième présentation de 10 minutes. Puis, le Comité vous posera des questions, qu'il pourra adresser à l'un ou l'autre d'entre vous.
    Vous avez la parole. Nous vous indiquerons quand la fin des 10 minutes approchera, de sorte que, si vous manquez de temps, vous pourrez...
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité. C'est un plaisir pour moi d'être ici. Je suis vraiment heureux d'avoir l'occasion de m'exprimer sur cette question, qui est importante pour nous.
    J'aimerais d'abord me présenter au Comité. Je suis psychiatre à l'Université du Manitoba, où je travaille depuis 16 ans. Je travaille à la clinique des traumatismes de stress opérationnel de Winnipeg depuis environ sept ans et je travaille également, avec notre équipe, à des recherches en épidémiologie du stress post-traumatique ainsi qu'à des recherches sur la santé mentale des militaires et je travaille en prévention du suicide. À l'heure actuelle, je préside le Comité de recherche et je suis membre du conseil de l'Association des psychiatres du Canada.
    Aujourd'hui, je vais résumer nos connaissances sur les blessures de stress opérationnel et suggérer des travaux qui pourraient être faits pour aider les agents de la sécurité publique au Canada.
    Anciens Combattants Canada définit une blessure de stress opérationnel comme « tout problème psychologique persistant découlant de l'exercice de fonctions dans les Forces armées canadiennes ou la Gendarmerie royale du Canada. » Ce terme recouvre un large éventail de problèmes comprenant des troubles psychiatriques diagnostiqués, dont le syndrome de stress post-traumatique, mais d'autres troubles aussi.
    Les blessures de stress post-traumatique sont associées à une morbidité, à une mortalité, à une utilisation des services de santé et à des coûts pour la société non négligeables. Elles touchent non seulement le membre, mais aussi sa famille et il est important que nous examinions soigneusement ces questions.
    J'aimerais, à ce moment-ci, souligner que la plupart des personnes exposées à des événements traumatisants se montrent résilientes. Nous avons presque tous déjà eu à lutter contre un traumatisme et été confrontés à des événements traumatisants, mais la plupart des gens s'en remettent. Le trouble évoqué est habituellement le stress post-traumatique, mais des événements traumatisants peuvent entraîner d'autres difficultés, comme un trouble d'anxiété, la dépression, l'alcoolisme et des maladies physiques.
    Il convient également de souligner qu'il y a une relation dose-effet entre le nombre et la gravité des événements traumatisants, par exemple, le fait de voir des cadavres ou d'être agressé physiquement. Plus le nombre d'événements est élevé, plus grands sont les problèmes de santé mentale. Toutefois, il est vraiment important de comprendre qu'une combinaison de facteurs de risque et de facteurs de protection biologiques, psychologiques et socio-culturels influent sur les problèmes de santé mentale.
    On sait que les facteurs biologiques qui accroissent le risque de blessures de stress opérationnel comprennent le fait d'être une femme et d'avoir des antécédents familiaux de problèmes de santé mentale, ce qui accroît le risque génétique, ainsi que des problèmes de santé physiques, très souvent, un traumatisme cérébral.
    Les facteurs psychologiques qu'on sait être associés aux problèmes de santé mentale comprennent le fait d'avoir une personnalité impulsive, agressive et très perfectionniste et d'avoir un style cognitif centré sur l'autocritique.
    Les facteurs socio-culturels sont aussi très importants, y compris le fait d'avoir vécu des événements négatifs durant l'enfance, d'avoir eu un faible soutien social, et d'avoir vécu de la violence familiale, du racisme et de la pauvreté, et d'avoir été soumis à un stress financier.
    D'après la littérature internationale, il y a six approches principales qui sont importantes dans la prévention et le traitement des problèmes de santé mentale liés au travail et du stress post-traumatique.
    Premièrement, en guise de prévention, on peut sélectionner des personnes qui sont résilientes et qui ont peu d'antécédents de graves problèmes de santé mentale.
    Deuxièmement, le fait qu'un milieu de travail fournisse une formation systématique, soit bien organisé et que les personnes qui y travaillent de même que la direction soient coopératives réduisent le risque de problèmes de santé mentale.
    Troisièmement, l'armée a créé des programmes d'entraînement à la résilience à l'intention du personnel et des familles pour leur apprendre à gérer le stress avant et après une mission. À l'heure actuelle, nous ne connaissons pas de programmes d'entraînement à la résilience qui ont fait leurs preuves et qui sont offerts au personnel de la sécurité publique. Nous travaillons à l'élaboration d'une thérapie cognitivo-comportementale basée sur la pleine conscience pour aider les gens à apprendre des techniques pour faire face aux difficultés lorsqu'ils entrent en fonction dans un emploi stressant.

  (1115)  

    Quatrièmement, il y a des preuves solides montrant que la thérapie cognitivo-comportementale et l'exposition prolongée — un autre type de psychothérapie — sont utiles pour traiter les gens souffrant d'un trouble de stress aigu et d'un trouble de stress post-traumatique. Ces traitements sont administrés par des fournisseurs de services en santé mentale formés. En raison du nombre peu élevé de fournisseurs et du grand nombre de personnes à qui ce type d'intervention pourrait être bénéfique, les dernières recherches ont consisté à mettre à l'essai des stratégies permettant de dispenser une thérapie cognitivo-comportementale par Internet, par téléphone et sur de vastes plateformes d'apprentissage.
    Il est aussi important de souligner que les médicaments occupent une place importante dans le traitement des personnes qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique et d'autres troubles de santé mentale. Des antidépresseurs, comme la paroxétine et la sertraline, ont été approuvés pour le traitement de l'anxiété et de la dépression.
    Les médicaments qui traitent spécifiquement l'insomnie, souvent un problème majeur chez les personnes qui nous consultent, sont très importants. La prazosine est un médicament antihypertenseur qui s'est révélé assez efficace pour aider les personnes qui font des cauchemars, ont de la difficulté à dormir et présentent des symptômes de TSPT. La trazodone, un autre antidépresseur, et la zopiclone, un hypnotique, peuvent aussi être utilisés.
    Les benzodiazépines sont généralement non recommandés pour le trouble de stress post-traumatique. Toutefois, il peuvent être utilisés, avec précaution, chez les personnes atteintes d'un trouble anxieux grave. Les antipsychotiques se sont aussi révélés efficaces chez les personnes atteintes d'un trouble anxieux grave et de dépression.
    Je tiens à préciser qu'aucun guide de pratique clinique ne préconise le recours à la marijuana à des fins médicales pour traiter le TSPT. Bien que les patients posent souvent la question, les données semblent indiquer que la consommation de marijuana peut, dans les faits, aggraver les symptômes de TSPT. J'estime qu'il est important que nous étudiions soigneusement les effets de la marijuana et de la marijuana consommée à des fins médicales sur le TSPT, non seulement à court terme, mais aussi à long terme, surtout en ce qui a trait au fonctionnement.
    Voici quelques recommandations précises de politique.
    Bien que les agents de la sécurité publique soient plus sensibilisés aux blessures de stress opérationnel, nous ne disposons pas d'information canadienne de qualité sur la prévalence, la prévention et le traitement de ces troubles dans le milieu particulier qu'est le Canada. Une grande partie de nos connaissances proviennent des États-Unis et d'autres pays.
    Cependant, nous pouvons apprendre des militaires et des anciens combattants canadiens qui ont systématiquement eu affaire à des cas de problèmes de santé mentale et de suicide au cours des 15 dernières années. Même on pourrait faire beaucoup de travail dans ce domaine, l'armée a pris des initiatives stratégiques importantes qui ont beaucoup contribué à améliorer la vie des militaires et des anciens combattants.
    L'armée a fait des enquêtes épidémiologiques de pointe, représentatives à l'échelle nationale, pour obtenir des estimations justes des problèmes de santé mentale dans ses populations. Elle a aussi mis en place des outils de dépistage post-déploiement permettant de repérer et de traiter rapidement les personnes atteintes.
    Anciens Combattants Canada finance un réseau national de cliniques de traitement des blessures de stress opérationnel dotées d'équipes interdisciplinaires pour aider les gens à se remettre de blessures de stress opérationnel. Le ministère a également collaboré avec l'Université Queen's à la création de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, qui encourage la recherche indépendante et impartiale menée en collaboration avec des partenaires universitaires. Plus de 35 instituts situés dans tout le Canada travaillent avec l'institut canadien.
    En nous inspirant de l'approche adoptée par l'armée, j'avance que nous devons faire trois choses. Premièrement, nous devons investir dans une enquête nationale sur la santé mentale du personnel de la sécurité publique. Deuxièmement, nous devons créer un institut indépendant qui fasse appel à des universitaires, des décideurs et les principaux intéressés pour faire avancer les connaissances dans ce domaine. Troisièmement, nous devons créer des cliniques qui soient financées conjointement par les commissions d'indemnisation provinciales et fédérales et les commissions des accidents du travail pour aider les personnes à obtenir rapidement des traitements.
    Plus précisément, une enquête nationale sur la santé mentale doit être menée, car les taux de problèmes de santé mentale dans ce groupe atteignent 10 % à 40 %. Certains affirment que, grâce au processus de sélection, les agents de la sécurité publique ont peut-être des taux plus faibles de problèmes de santé mentale tandis que d'autres affirment que, en raison des conditions stressantes dans lesquelles ils travaillent, ces taux sont en fait plus élevés que dans l'ensemble de la population. Pour tout dire, nous ne le savons pas.

  (1120)  

    Un institut national...
    Je vous demanderais de conclure, si vous le pouvez.
    Merci. Je vous donne encore une minute environ.
    Il me reste deux observations.
    L'institut national orienterait un plan d'action national pour la recherche; créerait à l'intention des clients, des familles et des fournisseurs une ressource nationale en ligne qui contiendrait de l'information probante et obéirait à des normes d'intervention minimale.
    Je vous remercie infiniment de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Shlik, vous avez la parole.
    Monsieur le président, estimés membres du Comité, docteur Sareen, je m'adresse à vous du Royal et je profite de l'occasion pour mentionner que nous nous sentons très privilégiés de contribuer aux travaux sur cet important sujet, ici, au Royal. Le Royal, comme vous le savez peut-être, est un centre universitaire qui se consacre aux sciences de la santé et qui est à la fine pointe de la recherche sur divers sujets, parmi lesquels la dépression et le suicide.
    Le Royal a l'habitude de travailler auprès de services d'intervention d'urgence. Par exemple, nous dispensons une formation complète en santé mentale au personnel infirmier des services correctionnels. Je travaille à la clinique des traumatismes de stress opérationnel ici, au Royal, et pour quelques autres programmes cliniques au Royal. Je suis psychiatre et directeur clinique de la clinique des traumatismes de stress opérationnel. J'ai quelques observations concernant les cliniques TSO, que le Dr Sareen a aussi faites dans sa présentation qui, en passant, a donné une excellente vue d'ensemble.
    Depuis 2008, le Royal gère la clinique TSO, qui fait donc partie du réseau financé par Anciens Combattants Canada. Nous offrons des soins et un soutien spécialisés aux membres, et surtout aux anciens combattants, des Forces armées canadiennes et aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada qui ont des problèmes de santé mentale, ainsi qu’à leur famille. Je vais parler de mon expérience à titre de clinicien qui fournit des services à cette population. Quant aux agents de la sécurité publique et aux premiers intervenants, même si, comme il a été mentionné, certains aspects de leurs problèmes de santé mentales, de stress professionnel opérationnel, auraient certainement besoin d'être davantage étudiés, plusieurs des éléments de notre expérience peuvent s’appliquer à leurs problèmes.
    Nous possédons de l'expérience dans le domaine des services paramédicaux. Notre département de psychiatrie participe à une table ronde sur les problèmes auxquels sont confrontés les services paramédicaux, les premiers intervenants, qui, de leur côté, ont recueilli, dans le cadre d'initiatives locales, des données sur les conséquences et sur les services requis. Ce type de travail doit être fait d'une manière plus coordonnée et intégrée.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, les traumatismes de stress opérationnel chez les agents de la sécurité publique et les premiers intervenants ressemblent peut-être, d'une certaine façon, à ceux que vivent le personnel de la police fédérale et des forces armées ainsi que les anciens combattants, mais il existe des spécificités de même que des cultures et des sous-cultures qui doivent être prises en considération. Par exemple, les agents correctionnels et les professionnels paramédicaux peuvent devoir affronter des problèmes quelque peu semblables au quotidien, mais il y a des différences bien précises, ce qui peut mener à une certaine fragmentation du système de soins et de l'approche. Sur place, nous avons vu certains changements pouvant mener à des approches variées et à un manque de coordination de sorte que les ressources sont mal utilisées et ne sont pas exploitées de manière à donner des résultats.
    Un aspect qui ressort clairement, surtout à la lumière de notre travail auprès de la police fédérale, et qui mérite d'être souligné, est l'importance de promouvoir une culture et une perception constructives en ce qui a trait au stress professionnel et aux traumatismes de stress opérationnel. Pour donner quelques exemples, le Dr Sareen a mentionné des travaux effectués par le ministère de la Défense nationale. Nous avons constaté que l'approche de l'un des programmes, intitulé « En route vers la préparation mentale », ou RVPM, a aussi, à notre connaissance, été adoptée par la GRC. De la formation est offerte et ce programme, qui tient compte du continuum des problèmes en santé mentale dans le travail opérationnel et propose aussi certaines façons d'obtenir de l'aide et de s'aider soi-même, a été mis en place dans différentes unités.

  (1125)  

     Ce genre de programmes pourraient être aisément adoptés par les services d'intervention d'urgence. Comme il a été mentionné plus tôt, les modèles de soins et l'expertise des centres de soins et de recherche devraient être pris en compte. De même, une stratégie intégrée fondée sur des données, à laquelle contribueraient tous les intervenants nationaux et provinciaux, serait très utile.
    Je devrais sans doute m'arrêter ici.
    Je serai heureux de répondre à toutes questions ou observations. Je vous remercie de votre attention. C'est assurément un honneur de contribuer à un travail aussi important.
    Merci beaucoup, docteur Shlik.
    Passons maintenant aux questions. Quatre personnes auront chacune sept minutes pour poser leurs questions.
    Madame Damoff, veuillez commencer s'il vous plaît. Merci.
    Merci beaucoup. Puisque je suis la première à intervenir, j'aimerais souligner que le fait qu'un comité parlementaire se penche sur la question constitue un énorme pas en avant. Je ne saurais dire à quel point j'en suis ravie.
    Monsieur Sareen, vous avez dit que le terme « blessure de stress opérationnel » avait été défini par le ministère des Anciens Combattants. Mes lectures sur le sujet m'ont appris que cette définition n’est pas reconnue par l’association américaine de psychiatrie. L'est-elle au Canada?
    Avant que vous ne répondiez, je veux parler de certaines différences terminologiques que j'ai remarquées. Il y a les blessures de stress opérationnel et — j'ai un trou de mémoire — celles liées au travail... Quelle est la distinction et quelle terminologie utilisez-vous dans votre organisation?
    Excellente question.
    Le terme « blessure de stress opérationnel » a été défini par les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants. Ce qu'il faut retenir, c'est que le stress post-traumatique n'est pas le seul trouble lié au stress ou aux traumatismes de combat. Il s'agit d'un état particulier qui s'accompagne parfois d'un trouble d'anxiété généralisée ou d'un trouble de panique, entre autres.
    Sachez également que la profession psychiatrique tend à s'éloigner des dichotomies du genre « la personne répond-elle ou non à tous les critères diagnostiques? » Beaucoup de personnes dont les symptômes s'apparentent de près à ceux du TSPT sont quand même résilientes. Elles jouissent d'un bon soutien, mais ont des cauchemars ou sont irritables et cet état est lié à leur service. L'Association canadienne de psychiatrie reconnaît cette terminologie.
    Quant à la distinction entre le stress opérationnel et celui lié au travail, il s'agit d'une question d'ordre sémantique selon moi, car il existe beaucoup de documentation sur le stress lié au travail. Je crois que l'intention est de lier les troubles de santé mentale à l'emploi. Je vais tenter de revenir là-dessus à une autre occasion. Dans la plupart des cas, les difficultés émotionnelles dépendent du lien entre l'agent stressant et des vulnérabilités existant avant et après la manifestation de celui-ci. Il est malaisé de déterminer si les difficultés vécues par le patient découlent directement de son emploi. Selon nos travaux, elles découleraient d'une combinaison de facteurs. Certaines expériences, comme le stress d'ordre familial ou financier, sont négatives pour la santé et ont une incidence néfaste sur les symptômes et la guérison.

  (1130)  

    Vous avez aussi parlé de cliniques qui sont le fruit d'un partenariat entre les instances fédérales et provinciales ainsi que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, où il est possible d'obtenir de l'aide en peu de temps. Des préjugés sont associés à ces services. Malgré leur accès rapide, les gens hésitent à s'en prévaloir parce qu'ils craignent d'être perçus différemment par leurs collègues des services correctionnels, de police ou d'incendie. Comment faut-il s'y prendre pour vaincre les préjugés? Je suis d'accord avec votre remarque sur le fait de ne pas assigner de terme, mais avez-vous une observation à cet égard?
    Excellente question.
    Notre objectif est d'offrir toute une gamme d'options en matière de soins. Beaucoup de travaux sont actuellement menés sur la thérapie cognitivo-comportementale en ligne, qui permet aux gens de suivre par eux-mêmes un traitement psychologique scientifiquement fondé. Cette option convient aux personnes dont la gravité des troubles varie de légère à modérée.
    Des travaux de recherche de bonne qualité montrent que les thérapies cognitivo-comportementales en ligne présenteraient un niveau d'efficacité comparable à celles menées en personne. Il s'agit d'une possibilité. Nous devons considérer toute une gamme d'options.
    Il est vrai que les traitements en clinique suscitent certains préjugés. On pourrait faire valoir que les cancéreux qui fréquentent un centre de traitement du cancer font aussi face à ce genre de préjugés. Souvent, les gens sont seuls dans leur souffrance et pensent que personne ne vit la même chose qu'eux. Comme on le sait, le suicide est souvent attribuable au fait de se sentir seul et abandonné. Nous travaillons souvent en classe et en groupe. Les gens apprennent les uns des autres et se rétablissent souvent plus rapidement parce qu'ils remettent ces craintes en question.
    Je crois que les dirigeants doivent contribuer à dissiper les préjugés entourant les problèmes de santé mentale. Subissez des brûlures et tout le monde verra vos blessures. Le TSPT est une blessure invisible, mais probablement tout aussi grave.
    Il ne me reste que quelques secondes. J'ai posé la même question à quelques autres personnes avant vous.
    À votre connaissance, existe-t-il des travaux de recherche sur les dépenses qu'entraînent les problèmes de santé mentale pour la GRC ou les services correctionnels? Êtes-vous au courant de travaux sur ce sujet?
    Ces coûts n'ont pas fait l'objet d'estimations sérieuses au Canada. Des études menées à l'étranger ont toutefois montré que les montants payés en prestations d'invalidité sont énormes.
    La dépression est la cause la plus souvent évoquée pour justifier une demande d'invalidité. C'est là où le système déraille. Les personnes souffrent et partent en congé d'invalidité. Comme elles n'ont pas accès rapidement aux traitements psychologiques et médicaux nécessaires, elles craignent de retourner au travail parce que leur rendement pourrait être insuffisant. Elles restent donc en congé d'invalidité et sont incapables de reprendre leur emploi.

  (1135)  

    Merci, docteur Sareen.
    La parole est à vous, monsieur O'Toole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux, messieurs. Vos témoignages sont des plus éclairants et portent sur des causes que j'ai moi-même défendues avec ardeur avant de devenir député. J'ai aussi eu l'occasion de visiter le Royal à quelques reprises. Nous sommes reconnaissants de votre travail. Merci.
    Docteur Sareen, étant donné le contenu de votre témoignage aujourd'hui, je crois que la plupart de mes questions vous seront adressées.
    J'ai été frappé par vos observations sur la consommation de marijuana à des fins médicales. Alors que j'étais ministre des Anciens Combattants, j'ai essayé d'avoir une discussion claire sur le sujet. Comme vous le savez, le ministère des Anciens Combattants approuve l'usage de la marijuana lorsque celle-ci est prescrite à des fins médicales par un médecin.
    Les opinions sont très partagées sur le sujet. Certains prônent l'utilisation de la marijuana pour soulager des symptômes comme la douleur chronique et toute une variété de maux. Selon d'autres intervenants, dont certaines entreprises commerciales, la marijuana serait un remède ou un traitement reconnu pour le TSPT.
    J'ai clairement exprimé mon inquiétude à ce sujet, parce qu'à mes yeux, cette pratique commerciale naissante ne devrait pas exploiter des gens qui ont besoin d'aide. Je reçois encore des messages en ligne selon lesquels le bien-fondé de cette pratique a été prouvé en clinique. Lorsque je lis les articles, je vois bien que ce n'est pas le cas. Qu'en pensez-vous?
    Absolument. Le Journal of the American Medical Association a publié l'an dernier une étude rigoureuse sur l'usage de la marijuana à des fins médicales pour certains troubles de santé. Selon cette étude, la marijuana aurait une certaine efficacité pour certains troubles non psychiatriques, mais les données sont insuffisantes pour conclure que la marijuana constitue, à long terme, un traitement médical efficace pour les troubles psychiatriques.
    Comme vous le dites, il existe un fossé entre la perception du public et l'industrie. J'insiste là-dessus parce qu'il est important que le Comité sache que la demande est grande. Toutes les semaines, on me pose des questions sur la prescription de marijuana à des fins médicales, ce que je ne fais pas. Nous savons, et ce, depuis des années, que la consommation de marijuana est associée à l'aggravation des symptômes de TSPT. Le risque de psychose a été maintes fois démontré, notamment chez les jeunes adultes, dont le cerveau est toujours en développement.
    Je crois que les connaissances médicales ne sont pas concluantes et que la question mérite des travaux de recherche sérieux et indépendants, pour étudier les effets à court et à long terme. Pensons à l'alcool, qui contribue à soulager l'anxiété, mais qui peut entraîner des problèmes d'alcoolisme à long terme. Je crois que la marijuana peut avoir des effets bénéfiques à court terme, mais nous cherchons à aider les gens de façon durable, afin qu'ils fonctionnent le mieux possible et soient de nouveau en mesure de soutenir leur famille.
    Merci.
    Je suis content de vous entendre dire cela. Selon moi, il est important — surtout pour le groupe dont vous parlez, c'est-à-dire les jeunes qui veulent faire la transition vers une autre carrière et qui cherchent à apaiser leurs symptômes — que nous ne présentions pas la marijuana comme une solution, car elle pourrait s'avérer nocive à long terme. Merci.
    Comme nous commençons notre étude, et comme mon collègue Todd Doherty milite depuis longtemps pour une stratégie nationale en matière de stress opérationnel, vos trois recommandations tombent à point et sont très utiles. Explorons la deuxième recommandation, celle sur la création d'un institut national.
    L'ancien gouvernement a collaboré avec des universités, les Anciens Combattants, la Défense nationale, l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, et Mme Aiken de l'Université Queen's et son réseau de 25 ou 26 universités...S'agit-il en quelque sorte de l'institut dont vous parlez ou pensez-vous qu'il pourrait l'être? Le mandat de l'institut devrait-il être plus vaste? Est-ce que cela pourrait être l'institut dont vous parlez?

  (1140)  

    Selon moi, il faudrait probablement fonder un institut indépendant ou établir un partenariat.
    Je tiens à souligner l'importance de l'institut. Tout d'abord, tout le monde a un parti pris, y compris moi, les compagnies pharmaceutiques et la police. Un des objectifs serait de réunir les parties intéressées pour examiner les résultats scientifiques et tenter de comprendre la réalité, c'est-à-dire ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas.
    Autre importante raison pour fonder un institut: les recherches montrent qu'en général, une période de 30 ans s'écoule avant qu'une découverte scientifique soit intégrée aux pratiques cliniques. Les instituts comme celui que nous prônons favorisent les liens entre les décideurs, les intervenants et les universitaires. Les universitaires comme moi aiment rédiger des articles dans leur bureau. Faire partie d'un institut les amène à comprendre la nature des questions. Par exemple, quels problèmes préoccupent en ce moment les pompiers et leur association nationale? Pouvons-nous collaborer pour régler ces problèmes rapidement?
    Puis-je vous interrompre? Je souhaite poser une autre question et je suis conscient qu'il ne reste pas beaucoup de temps.
    Dans votre recommandation à propos d'un institut national, il est aussi question de ressources en ligne. Durant mon mandat à titre de ministre, nous avions développé des outils en ligne à l'intention des fournisseurs de soins ou des personnes qui soignent à la maison une personne souffrant d'une blessure de stress opérationnel — et j'ai été ravi de voir le nouveau ministre mettre en oeuvre ces outils. Avez-vous eu l'occasion de jeter un coup d'oeil ou de contribuer à ce qui a été produit par les Anciens combattants? Quelle est votre opinion sur l'avenir de ces outils?
    Très rapidement, je vous prie.
    Selon moi, l'avenir est là. Nous recevons les gens dans de grandes salles de classe où nous leur donnons des outils d'autoassistance qu'ils peuvent employer chez eux. Je suis d'avis que cette façon de procéder est celle de l'avenir.
    Merci.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Dans le cadre de cette étude et même des questions, la situation des agents des services correctionnels est un peu passée sous silence. Un agent m'a dit un jour que les gens occupant ces fonctions avaient parfois l'impression d'être des policiers oubliés, en ce sens que l'on ignorait quelquefois qu'ils étaient eux aussi aux prises, en première ligne, avec des situations extrêmement difficiles.
    Au cours des dernières années, notamment en  2014, nous avons appris que le nombre d'accidents dans ce milieu de travail était à la hausse. On appelle souvent cela des accidents, comme si ces événements se passaient à l'usine, mais en réalité, ceux-ci sont très souvent associés à de la violence et à des situations très troublantes.
    J'aimerais que vous nous parliez des ressources qui existent, ou plutôt qui n'existent pas. Je pense en effet que c'est un problème de taille. Bien entendu, je ne veux pas manquer de respect envers la GRC, les Forces canadiennes, les corps policiers et les pompiers, mais je note qu'on parle beaucoup d'eux alors qu'on a tendance à oublier ces agents.
    En vous fondant sur votre expertise, nous diriez-vous comment il serait possible de devenir davantage conscients des problèmes auxquels ces gens font face et, par conséquent, de leur fournir les ressources nécessaires?

[Traduction]

    Dr Shlik devrait répondre en premier.
    Merci.
    Je suis très content qu'on me pose la question, monsieur le président. À notre clinique, nous voyons de temps en temps d'anciens combattants devenus agents des services correctionnels. Notre expérience est loin d'être vaste et, bien qu'elle ne fournisse pas un portrait complet de la question, elle donne des pistes de réflexion.
    Nous avons été frappés de constater à quel point il est ardu de travailler pour les services correctionnels et combien les agents ont peu de soutien et peu de compétences pour composer avec les défis qui se posent parfois à eux. Bien que les systèmes de soutien existent, ils ne sont tout simplement pas utilisés, développés ou appuyés.
    Nous avons entendu — je répète que les données fiables sont rares — que les services correctionnels présenteraient un taux effarant de diagnostic de troubles de stress post-traumatique et que des mesures s'imposent. De la formation supplémentaire pourrait être offerte, ne serait-ce que pour acquérir de l'expérience pratique aux côtés d'infirmiers en santé mentale.
    Le Royal a donné une formation de la sorte aux services correctionnels, qui semble avoir été bien reçue. Voilà qui pourrait servir de tremplin. Selon moi, les agents des services correctionnels devraient profiter des mêmes outils et systèmes — dont des réseaux de soutien par les pairs et l'accès à différentes options de soins au moyen d'une variété de technologies — que ceux offerts à tous les agents de la sécurité publique et aux premiers intervenants.

  (1145)  

    Avant de répondre, docteur Sareen, j'aimerais ajouter quelque chose. Vous avez parlé du manque de données. Celui-ci découle-t-il d'un manque d'outils? Le fait que nous n'ayons pas de réponses à ces questions signifie-t-il qu'il faut en faire plus pour mieux comprendre ce milieu de travail en particulier et le type d'outils à mettre en place?
    Oui, selon moi, c'est à la fois cela et le fait qu'aucune enquête sur la santé mentale n'a été réalisée. Les bonnes enquêtes sur la santé mentale coûtent cher. Mais nous avons travaillé avec Statistique Canada, et les Forces armées canadiennes ainsi que le ministère des Anciens Combattants ont investi dans la collecte de données exactes, car on ne peut orienter une politique en l'absence de chiffres précis. Si nous avons un taux de cancer x, nous savons combien consacrer au cancer.
    Nous n'avons pas d'information à ce sujet. Quelles sont les estimations précises? Avons-nous un taux de 10 % de syndrome de stress post-traumatique, de 30 % ou bien de 50 %, s'applique-t-il aux infirmières ou aux agents de sécurité? Je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai soigné des gens aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique, car il s'agit d'un environnement à très haut risque. Vous maintenez des gens au sol et vous vous faites attaquer. Il est prouvé que les agressions physiques sont un facteur de risque particulier au syndrome de stress post-traumatique.
    Je comprends.
    Le travail en cours sur les données — qui est chapeauté par Anciens Combattants — ne s'applique pas nécessairement aux agents correctionnels. Je me trompe peut-être, mais faut-il en faire plus pour obtenir des données correspondant davantage à leur milieu de travail et aux problèmes qui en découlent?
    Absolument.
    C'est exactement ce que je recommande. Il faut des politiques fondées sur des données probantes, et il est impossible de créer des programmes en l'absence d'une bonne estimation de... Prenons les registres du cancer. Avant d'investir dans un programme, il faut d'abord obtenir de l'information sur la fréquence et où l'on en est. Parallèlement, il faut continuer d'investir dans le traitement des gens. Je crois qu'en ce qui concerne les mesures prévues pour les militaires, les anciens combattants et les agents de la sécurité publique, le Canada accuse un retard de 15 ans.

[Français]

     D'accord.
    Quinze ans, c'est tout de même un écart important. J'apprécie vos commentaires à ce sujet.
     Dans le cadre de ma première question, j'ai parlé des situations qui sont qualifiées d'accidents de travail.
     Dans le cas des policiers et des militaires, il y a une nature de combat qui est associée au travail qu'ils font. Quand on entend parler d'accidents liés à leur travail, on a une idée assez claire de ce dont il s'agit. Je crois avoir lu dans un rapport récent que les deux tiers de ces accidents impliquaient de la violence.
     À votre avis, devrait-on utiliser un langage plus approprié quand on parle de ces enjeux?

  (1150)  

[Traduction]

    Oui, j'essaie de bien comprendre la question.
    Votre question est-elle de savoir si nous devrions modifier les mots utilisés en sécurité au travail?
    En parlant d'accidents en milieu de travail — sachant que la violence est présente dans le deux tiers des cas — ne faisons-nous pas du tort en donnant l'impression que c'est quelque chose qui pourrait... en donnant une autre opinion au public qui compromet nos efforts visant à obtenir le bon traitement pour le syndrome de stress post-traumatique et le reste.
    Oui.
    Je suis d'accord avec vous. Il me semble important de signaler que la majorité des personnes qui sont blessées sont résilientes. Je ne veux pas qu'on en vienne à penser qu'une personne blessée est forcément atteinte du syndrome de stress post-traumatique.
    Vous avez parfaitement raison; plus le nombre de fois où une personne a été blessée est grand, plus elle risque de développer un syndrome de stress post-traumatique, mais ce n'est pas automatique.

[Français]

    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Mendicino.

[Traduction]

    Je remercie les deux témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Je les ai moi aussi écoutés attentivement.
    Je tiens également à remercier M. O'Toole de son travail dans ce dossier sous le gouvernement précédent. Je fais écho aux propos de Mme Damoff. Je crois que c'est un sujet important, que le Comité se doit de l'étudier à ce moment-ci.
    J'ai plusieurs questions pour le Dr Shlik.
    J'aimerais revenir à votre mémoire. L'avez-vous, monsieur? Si vous pouvez examiner le point 4, principaux enseignements tirés de notre expérience clinique...
    Oui.
    Il me semble que cette partie comporte des éléments de stratégies ou des moyens d'aller de l'avant. Certains de ces éléments ainsi que les ingrédients clés de la stratégie sont un premier pas vers l'élaboration de politiques.
    Dans le premier point, il est question de politiques visant à promouvoir une culture et une perception positives dans le milieu de travail. Est-ce une description assez juste?
    Oui, c'est une description assez juste. Il s'agit d'un amalgame d'impressions et de suggestions, comme vous l'avez mentionné. C'est vrai.
    Un peu plus loin, vous parlez des ressources et de l'accès aux soins. Il y a un point qui dit: Accès aux soins: « les évaluations spécialisées; les traitements efficaces fondés sur des données probantes et sur des recherches. »
    Il faut des ressources pour offrir aux personnes souffrant de traumatismes de stress opérationnel ou d'un syndrome post-traumatique l'accès voulu. Ai-je raison à ce propos?
    C'est exact.
    Plus loin, il y a un point qui aborde la question de l'enseignement et de la formation sur le stress post-traumatique. Exact?
    Exact.
    Puis, il est question de technologie. Il s'agit ici d'utiliser les innovations et les avancées technologiques pour que les personnes souffrant de traumatismes de stress opérationnel ou d'un syndrome post-traumatique reçoivent le meilleur traitement possible. Exact?
    Oui, c'est exact. La technologie peut jouer un rôle crucial dans le renforcement de l'autonomie d'une personne. Elle peut aider une personne à mieux composer avec sa situation et à chercher ouvertement de l'aide lorsque le besoin s'en fait sentir. Il faut aider les gens à faire cette distinction.
    À l'évidence, idéalement, nous détecterions les symptômes dès les débuts, afin de prévenir l'apparition des traumatismes de stress opérationnel et leur progression aux stades plus avancés et ravageurs. Est-ce aussi une assertion assez juste?
    Oui. À titre de cliniciens, lorsqu'une personne nous demande de l'aide, nous nous disons souvent intérieurement qu'il est malheureusement un peu tard. Les gens ne demandent pas d'aide pour toutes sortes de raisons.
    Pourriez-vous, très sommairement, nous aider à assembler ces éléments en une stratégie cohérente? Comment ces éléments peuvent-ils s'assembler, à votre avis?
    Pour revenir à mon analogie initiale, je vois ici des ingrédients. Ils sont indiqués point par point. Il est possible d'examiner chacun d'eux individuellement. Mais avez-vous une vision qui rassemble tous ces éléments pour en faire une stratégie adaptée à votre institution, qui pourrait éventuellement servir de modèle général pour tous les premiers répondants?
    J'aime beaucoup la formulation de votre question, car il est crucial d'avoir une vue d'ensemble, sans pour autant passer à côté des éléments importants.
    À défaut de pouvoir tracer d'emblée une esquisse stratégique, je dirais que pour moi, c'est un continuum. Ce continuum commence avec la culture du milieu de travail: le soutien, l'ouverture et la présence d'un cadre et de certains outils. Le soutien des pairs, par exemple, est extrêmement utile et il a grand besoin qu'on lui donne plus de poids. Le soutien des pairs est bénéfique et toujours utile. Il lui arrive cependant d'avoir un effet destructeur, mais c'est sans doute là un autre sujet.
    Ensuite, il y a l'accès aux soins, l'utilisation des possibilités qu'offrent les efforts personnels, l'autodidaxie, l'éducation au sein de groupes et la sensibilisation des gestionnaires. Puis, il y a la proximité des services dans la collectivité, un réseau de fournisseurs communautaires. Finalement, dans le même ordre d'idées, il y a la clinique spécialisée en services de santé mentale.
    Dans ce continuum, les cliniques spécialisées, qui s'apparentent sans doute aux cliniques pour les traumatismes de stress opérationnel, sont toutes...

  (1155)  

    Pardon, puis-je vous arrêter ici?
    Oui, bien sûr.
    Voici pourquoi j'ai posé la question. Vous comprendrez sans peine que ceux d'entre nous qui étudient ce sujet de manière sérieuse pour la première fois peuvent se sentir un peu dépassés par son ampleur. Pendant les premières étapes, la quantité de points de vue et leur disparité sur la façon d'aborder ce problème de santé important m'a permis de constater un certain manque d'uniformité. Au fil de l'étude et des témoignages, je chercherai à faire ressortir des thèmes communs, qui nous permettront, je l'espère, de rédiger un rapport.
    Ce ne sera sans doute pas aujourd'hui — il semble que nous n'en aurons pas le temps, vu ce qui reste —, mais si vous pouviez tous deux réfléchir à cette question, lorsque vous nous aurez quittés, je crois que nous serons capables d'étoffer ce concept au fur et à mesure que nous avancerons dans l'étude.
    C'est une excellente idée.
    J'espère notamment que le Comité retiendra l'idée du modèle de soins par paliers dont il a été question.
    Si une personne éprouve des difficultés à caractère affectif, elle obtient des soins et du soutien dans une clinique de soins de base. Si elle continue d'avoir des difficultés, elle recevra des soins spécialisés.
    Je tiens à signaler ce dont vous avez parlé. Une intervention précoce, pendant la première année de l'apparition d'un tel état, est un aspect déterminant et important. Au Manitoba, nous avons montré qu'il existe un plus grand risque de suicide chez les personnes qui reçoivent un premier diagnostic de problème de santé mentale dans l'année suivant l'annonce. Je suis donc entièrement d'accord avec vos propos. Nous avons vraiment besoin d'une approche systématique ainsi que d'une évaluation et d'une mise en place de services. À mon sens, la difficulté est qu'il y a des questions provinciales, des questions nationales et des questions liées au milieu du travail. Il est crucial de s'occuper de ces trois aspects.
    Je vous remercie beaucoup.
    Il nous reste assez de temps pour entendre un autre intervenant.
    Monsieur Doherty, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos invités ainsi que mes collègues d'en face.
    Comme l'a dit mon collègue M. O'Toole, il s'agit d'un dossier qui me tient énormément à coeur. Je le connais très bien. J'ai d'ailleurs passé beaucoup de temps à travailler avec des personnes atteintes du syndrome de stress post-traumatique. Un grand nombre de mes collègues, au fil des ans, ont eu à faire face à ce problème.
    Je poserai quelques questions, mais, si possible, je vais aussi promouvoir sans vergogne mon cheval de bataille, car ce dossier est d'une importance cruciale — je félicite d'ailleurs le gouvernement de s'être attelé à la tâche. Je suis foncièrement convaincu que cette discussion n'a que trop tardé. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé le projet de loi C-211 qui demande l'élaboration d'une stratégie et d'un cadre nationaux concernant l'état de stress post-traumatique chez les premiers répondants et les anciens combattants.
    Plus précisément, les préoccupations soulevées ici et les aspects complexes dont il faut tenir compte pour donner suite aux idées présentées par nos invités montrent bien la nécessité de mettre en place une stratégie nationale, une stratégie qui tient compte et qui s'inspire des normes et des critères uniformes qui se trouvent parmi l'ensemble des premiers répondants ou dans la classification. Il est ici question de terminologie, de pratiques exemplaires, de soins et d'éducation, d'études sur la vulnérabilité avant et après le fait et de lutte contre les préjugés bien réels associés au syndrome de stress post-traumatique, afin que les premiers répondants et les anciens combattants puissent faire valoir leur point de vue et se faire entendre. Il s'agit aussi de donner à leurs collègues et aux membres de leurs familles des outils leur permettant de faire face aux préoccupations, aux difficultés qui se présentent et aux signaux d'alarme afin de les reconnaître, de sorte que nous ne perdions personne d'autre.
    J'ai une question pour le Dr Sareen.
    Dans votre témoignage devant le Sous-comité des anciens combattants du Sénat, vous avez parlé d'un concept qui s'appelle la « règle des tiers ». Vous avez indiqué qu'un tiers des patients souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel pouvait espérer un rétablissement complet, un autre tiers, un rétablissement modéré — le patient a encore des symptômes, mais il peut fonctionner adéquatement et un dernier tiers continuera d'avoir des difficultés pendant longtemps.
    Je ne partage pas votre avis. J'ai du mal à croire que l'on puisse effacer de la mémoire des gens un incident traumatique qu'ils ont vécu. Je suis d'accord avec le rétablissement. Je crois que nous pouvons fournir des ressources et la capacité de mener une vie productive, mais je ne suis pas convaincu qu'il est possible de se rétablir complètement, à l'instar de tout autre problème de santé mentale.
    Auriez-vous l'obligeance, docteur Sareen, de nous expliquer plus en détail comment vous en êtes venu à penser qu'un rétablissement complet est possible? Vos observations m'intéressent.

  (1200)  

    C'est un très bon point.
    Je vais vous dire où j'ai appris cela. Je l'ai appris de mon premier superviseur pendant ma résidence sur le pronostic des difficultés à caractère affectif. Dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association des psychiatres du Canada et de l'American Psychiatric Association, l'idée qu'une personne qui... Je suis d'accord avec vous. Il est impossible d'effacer une expérience traumatique, mais il est possible de s'en remettre, de voir ses symptômes s'améliorer et de redevenir pleinement fonctionnel. Ces personnes ont encore un...
    Permettez-moi de vous interrompre une seconde.
    Il me semble que ce sont malheureusement des observations comme celles-là, de la part des universitaires et des membres de la profession médicale — je le répète, nous faisons tous des découvertes à mesure que nous avançons dans ce dossier afin d'en comprendre l'ampleur —, qui mènent des personnes en détresse à... Il arrive que ces personnes retournent au travail parce que quelqu'un a affirmé ne pas douter qu'elles pourront s'en remettre. Or, si un autre événement traumatique se produit, ou qu'un souvenir fulgurant leur revient, et elles doivent repartir... La personne qui souffre a le fardeau de la preuve; elle doit montrer qu'elle n'est pas pleinement rétablie.
    Êtes-vous de cet avis?
    C'est un point controversé. D'un côté, vous pourriez dire qu'une personne ayant déjà souffert d'un syndrome de stress post-traumatique ne pourra jamais retourner travailler, et cela aussi pose problème.
    Je partage entièrement votre avis. Il ne faudrait pas que des personnes se retrouvent à devoir prouver qu'elles sont malades ou autre chose du genre. Je suppose que c'est une question épineuse. Je comprends votre point de vue.

  (1205)  

    J'ai une dernière observation pour le Dr...
    Ai-je le temps?
    Oui, vous disposez de 20 secondes.
    L'observation concerne l'absence d'un programme national de résilience ou d'un programme national tout court. Je crois que nous avons un excellent outil à portée de main, le programme En route vers la préparation mentale, que les forces canadiennes et le Royal ont mis en place. Je crois qu'il est offert dès l'initiation au service, tant aux militaires, qu'aux agents de la GRC ou aux premiers répondants. Il m'apparaît comme un excellent modèle que nous pourrions utiliser pour aller de l'avant.
    J'aurais aussi une autre recommandation: inclure les agents de répartition du 911 ou des appels d'urgence.
    Merci, monsieur Doherty. D'autres occasions se présenteront à vous, nul doute là-dessus.
    M. Todd Doherty: Je sais, je sais.
    Le président: Je tiens à remercier les témoins. Ils nous ont livré aujourd'hui de véritables témoignages d'experts.
    Nous ne prendrons que quelques minutes, le temps de nous préparer et d'accueillir le prochain groupe de témoins.

  (1205)  


  (1205)  

    Reprenons.
    Je tiens à remercier les témoins. Nous entendrons M. Tom Stamatakis, le président de l'Association canadienne des policiers, par vidéoconférence.
    Je suis heureux de vous revoir — c'est la deuxième fois cette semaine.
    Mme Louise Bradley, de la Commission de la santé mentale du Canada et M. Phil Upshall, de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada, sont également parmi nous.
    Je propose de commencer par l'Association canadienne des policiers, qui a un exposé de 10 minutes, puis de passer à nos invités qui sont ici sur place. Je propose cela uniquement parce qu'en cas de difficultés techniques avec la vidéoconférence, nous aurons la possibilité de revenir à vous, si nous en avons besoin. En commençant avec vous, nous mettons les chances de notre côté.
    Je vous remercie de votre présence ici, aujourd'hui.

  (1210)  

    Monsieur le président, membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir gentiment invité à comparaître devant vous aujourd'hui alors que vous entreprenez une étude très importante portant sur les effets des blessures de stress opérationnel et du syndrome de stress post-traumatique sur les agents de la sécurité publique et les premiers intervenants.
    Comme le comité compte beaucoup de nouveaux membres, j'aimerais tout d'abord présenter brièvement l'Association canadienne des policiers. Je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de rencontrer bon nombre d'entre vous lors de notre conférence législative annuelle qui s'est déroulée à Ottawa. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de rencontrer nos délégués la semaine dernière.
    L'Association canadienne des policiers représente plus de 60 000 employés civils et policiers assermentés de première ligne à la grandeur du Canada. Ses membres comprennent des policiers affectés à 160 services de police de villages et de petites villes, ainsi qu'à des services de police municipaux et provinciaux de grande envergure, à la GRC, à la police des chemins de fer et à la police des Premières Nations.
    Je tiens aussi à signaler que mon poste d'attache est celui de policier au service de police de Vancouver. Je suis actuellement en détachement au Syndicat des policiers de Vancouver, dont je suis président. Je suis aussi président de l'Association des policiers de la Colombie-Britannique, qui regroupe tous les syndicats de policiers municipaux de la Colombie-Britannique, ainsi que le président de l'Association canadienne des policiers.
    Je suis détaché à ces postes pendant que j'exerce mon mandat en tant que président élu. À la fin de ce mandat, je reprendrai ma carrière dans la police de Vancouver.
    Par ailleurs, l'Association canadienne des policiers est très encouragée de constater que cette question importante figure parmi les premiers sujets sur lesquels vous allez vous pencher au cours de la nouvelle législature. Comme je l'ai mentionné, notre organisation a tenu récemment sa conférence législative annuelle. À l'occasion de cette conférence, près de 200 délégués de corps policiers des quatre coins du Canada ont convergé vers Ottawa afin de discuter avec des députés de la nécessité d'exhorter le nouveau gouvernement à remplir sa promesse électorale d'établir une stratégie nationale pour les premiers intervenants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. Nous sommes très encouragés par les réponses que nous avons reçues de députés de tous les partis. Cela peut parfois sembler un cliché éculé, mais la protection des responsables qui protègent la population est vraiment une question non partisane.
    Toutefois, les difficultés inhérentes à l'étude de cette question tiennent notamment du fait qu'il n'existe pas une seule cause aux blessures de stress opérationnel et au syndrome de stress post-traumatique chez les premiers intervenants. Dans certains cas, il s'agit d'un événement traumatisant, qui est souvent suivi d'une analyse intense de la part de superviseurs, de médias et de la population en général, qui bénéficient tous d'un temps de réflexion satisfaisant. Dans d'autres cas, il s'agit d'un traumatisme découlant d'années d'exposition à certaines des pires circonstances imaginables. Il est presque impossible de prévoir ce phénomène et extrêmement difficile de le prévenir. De plus, nous ne devons pas oublier le rôle que jouent les politiques et les pratiques organisationnelles dans ce dossier.
    Nul doute qu'il faut agir de toute urgence. Depuis avril 2014, 77 premiers intervenants se sont suicidés. Ces suicides ne découlent évidemment pas tous directement du syndrome de stress post-traumatique, mais, en plus du risque élevé de suicide, presque tous les agents que je connais côtoient un ami, un collègue ou un partenaire qui souffre de ce qu'on appelle le syndrome de stress post-traumatique ou d'une blessure de stress opérationnel.
    Par exemple, le Syndicat des policiers de Vancouver a récemment mené un sondage auprès du service de police de ma ville. Il a communiqué avec ses membres au moyen de leur adresse électronique privée afin d'avoir une idée plus précise du taux de prévalence du syndrome de stress post-traumatique. En compilant les réponses, il est apparu évident que plus de 30 % de nos membres répondent aux critères de diagnostic clinique du syndrome de stress post-traumatique.
    Des sondages réalisés auprès d'autres corps policiers d'envergure au Canada par l'Association canadienne des policiers révèlent des résultats semblables. Ces résultats nous donnent une idée de l'ampleur et de la gravité du problème.
    La pire conséquence de ce phénomène est évidemment le suicide, mais elle est loin d'être la seule. Lors de notre conférence tenue récemment, nous avons entendu des témoignages d'agents de police au sujet de leur propre expérience auprès des commissions provinciales des accidents du travail. Ils ont dû remplir des demandes de prestations parce qu'ils souffrent d'une maladie dont les symptômes ne sont pas toujours très visibles. C'est pourquoi nos membres souhaitent l'adoption d'une mesure législative visant à renverser le fardeau de la preuve, dans l'intérêt des personnes ayant eu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique.
    Je suis heureux de dire qu'un certain nombre de provinces ont déjà pris des mesures très positives à cet égard, dont l'Ontario, qui est la dernière en lice à avoir agi en ce sens.
    Évidemment, le gouvernement n'a pas réponse à tous les problèmes, et je reconnais sans ambages que les chefs de file de la police ont du travail à faire, tant en première ligne qu'au niveau de la direction. « Mettre fin aux préjugés » est une expression courante, qui reconnaît que nous devons tous redoubler d'efforts afin de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes qui souffrent. Personne ne sera étonné d'apprendre que, dans le milieu policier, il règne depuis longtemps une culture qui encourage les membres à serrer les dents et à affronter leurs problèmes, tout en continuant de faire partie de l'équipe policière, qu'il s'agisse d'une unité de patrouille ou d'une unité spécialisée au sein du corps policier.
    Tous les intervenants — des partenaires aux superviseurs —, doivent travailler plus fort dans le milieu policier afin de déceler les signes avant-coureurs de la maladie et d'offrir toute l'aide nécessaire à leurs collègues qui en ont le plus besoin.
    Je tiens aussi à souligner que les associations policières canadiennes ont fait des progrès remarquables au cours des dernières années dans la lutte contre ce problème. Les programmes d'aide aux employés, l'entraide par les pairs et les normes en matière de santé et de sécurité psychologiques sont des mesures innovatrices qui ont toutes été mises de l'avant par des représentants de première ligne.

  (1215)  

    Malgré tous ces efforts, il manque encore énormément de recherches sur le phénomène, en particulier sur les conséquences pour les premiers intervenants. Je crois qu'il s'agit d'un dossier important dans lequel le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan. Un certain nombre d'organisations ont pris des mesures en vue de mieux comprendre le syndrome de stress post-traumatique, mais, avec l'aide du gouvernement fédéral, il est nécessaire de mieux cibler les efforts en la matière. Des chercheurs et des groupes qui souhaitent s'impliquer davantage dans le dossier communiquent avec moi régulièrement parce que je suis président de l'Association canadienne des policiers. Cependant, on craint fortement que, en l'absence d'une coordination appropriée, les nouvelles ressources ne soient pas utilisées de la manière la plus efficace ou la plus efficiente qui soit.
    Dans ce contexte, il importe de souligner un élément très important. Les plans d'action doivent mobiliser des professionnels dans un certain nombre de disciplines, allant des chercheurs universitaires aux psychiatres, mais il ne faut pas oublier que le processus doit être élaboré par les premiers intervenants et leur être destiné. Pour qu'un nouveau projet soit suffisamment crédible aux yeux des personnes qui en ont le plus besoin, je suis persuadé qu'il doit être piloté par des responsables qui comprennent très bien la culture et le milieu propres aux premiers intervenants. J'espère donc que votre Comité pourra nous aider à souligner l'importance de ce point. Je pourrais continuer de parler, mais je sais que mon temps est limité. J'ai toujours trouvé que la possibilité de répondre aux questions est l'aspect le plus utile de mes comparutions devant les comités.
    En terminant, je tiens à vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui et d'avoir entrepris d'étudier cette question. Au nom de mes collègues de première ligne, je tiens à vous dire que vos efforts sont appréciés. J'ai hâte que des mesures concrètes soient prises dans ce dossier.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole aux autres témoins. Ensemble, vous disposez de 10 minutes. Entendez-vous sur la façon dont vous souhaitez partager ce temps de parole.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui pour parler des blessures de stress opérationnel et du syndrome de stress post-traumatique.
    Je m'appelle Louise Bradley et je suis PDG de la Commission de la santé mentale du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Phil Upshall, de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Nos organisations sont prêtes à agir rapidement dans ce dossier critique en tirant profit de leurs connaissances internes et des partenariats solides qu'elles entretiennent avec des intervenants, tant au Canada qu'à l'étranger.
    Les premiers intervenants et les agents de la sécurité publique canadiens doivent assumer d'énormes responsabilités. Ces héros méconnus agissent rapidement en cas de crise, mettant courageusement leur sécurité en jeu afin de venir en aide aux autres. Au cours d'une période relativement courte, les conséquences néfastes de ce travail sont devenues le point central d'un dialogue national passionné. Les risques en matière de sécurité auxquels doivent faire les premiers intervenants vont bien au-delà de leur bien-être physique. C'est pourquoi il est réconfortant de constater que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership et qu'il joue un rôle actif dans la lutte contre les problèmes que sont les blessures de stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique.
    Il est important de souligner que les préoccupations des agents de la sécurité publique en matière de santé mentale ne se limitent pas au syndrome de stress post-traumatique. Elles visent tout un éventail de problèmes, allant de la dépression et des troubles somatiques et psychosomatiques à la fatigue chronique, à l'alcoolisme et à la toxicomanie. Nous savons que, chez les agents de la sécurité publique, le taux de suicide est environ 30 % plus élevé que celui des autres groupes témoins et qu'ils ont deux fois plus de problèmes conjugaux.
    Heureusement, les efforts de collaboration dirigés par des organisations comme la Commission donnent une voix aux personnes qui traversent cette crise méconnue. Nos efforts sont axés sur l'habilitation des premiers intervenants en échangeant des connaissances et des pratiques exemplaires et en dirigeant des travaux de recherche de pointe.
    Parmi nos principaux travaux, mentionnons l'adaptation du programme En route vers la préparation mentale, RVPM, qui a été conçu à l'origine par le ministère de la Défense nationale afin de réduire les préjugés et de promouvoir la santé mentale dans les Forces canadiennes. La Commission de la santé mentale a modifié cet excellent programme afin qu'il tienne compte des besoins des policiers, des pompiers, des ambulanciers et des autres premiers intervenants. Les participants se familiarisent avec un modèle de continuum de la santé mentale et reçoivent un outil simple d'auto-évaluation muni de codes de couleurs et d'indicateurs précis leur permettant de reconnaître une santé mentale bonne, déclinante ou mauvaise. Le programme RVPM met aussi l'accent sur l'enseignement d'une série de techniques cognitivo-comportementales qui aident à gérer le stress et à améliorer la résilience.
    À l'heure actuelle, plus de 500 organisations de policiers, de pompiers et d'ambulanciers à la grandeur du pays travaillent en partenariat avec la Commission de la santé mentale afin de dispenser cette formation. Au sein du gouvernement fédéral, nos partenaires comprennent la GRC, qui a accepté d'offrir la formation à ses 30 000 employés. La nécessité de mettre en oeuvre le programme RVPM fait largement consensus. Répondre à la demande fait partie des défis de taille que nous devons relever.
    Il s'agit certainement d'un dossier où l'attribution d'un plus grand nombre de ressources aurait une incidence importante. Jusqu'ici, la Commission de la santé mentale a donné deux cours de formation des formateurs au Service correctionnel du Canada — un en anglais et un en français. En ce moment même, des employés du Service correctionnel du Canada sont en train de suivre le programme RVPM. Nous oeuvrons aussi à l'échelle provinciale, auprès du secteur correctionnel et d'autres groupes de premiers intervenants.
    J'aimerais maintenant glisser quelques mots sur nos efforts visant à appuyer la formation de 30 000 pompiers réguliers et volontaires en Ontario, qui a commencé en février dernier. Nous sommes particulièrement fiers de constater que le programme RVPM a reçu l'appui de l'Association canadienne des chefs de pompiers.
    Notre travail auprès des premiers intervenants englobe aussi la prestation de premiers soins en matière de santé mentale. Offert dans plus de 20 pays, le cours sur les premiers soins en matière de santé mentale permet aux participants d'obtenir des résultats clés, notamment une plus grande sensibilisation aux données scientifiques et aux symptômes liés aux problèmes de santé mentale et une diminution des préjugés. Cette formation est importante, car elle permet également de promouvoir une bonne santé mentale et de prévenir la maladie mentale chez les premiers intervenants eux-mêmes. En 2013, outre le ministère de la Défense nationale, plus de 40 services d'incendie, 30 organisations d'ambulanciers et 80 organisations de policiers ont offert le cours de premiers soins en matière de santé mentale.
    Nous nous employons également à adapter ce cours afin qu'il puisse être donné aux anciens combattants et aux membres de leur famille.

  (1220)  

    En tant que présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada, je suis très chanceuse d'être à la barre de cette organisation alors qu'un aussi grand nombre d'initiatives positives sont en voie de réalisation. De surcroît, je suis très optimiste quant aux résultats positifs qui pourront en découler au fur et à mesure que la santé mentale fera partie intégrante de la formation en matière de sécurité au travail, secteur auquel la Commission consacre beaucoup de temps, d'efforts et de recherches.
    Nous sommes en mesure plus que jamais de fournir aux premiers intervenants les outils et la formation dont ils ont besoin pour sauver des vies. À mon avis, il s'agit d'une obligation pour la société. En fin de compte, si on néglige la santé mentale des premiers intervenants, on compromet le bien-être de nos collectivités, ce qu'il faut absolument éviter.
    Je cède maintenant la parole à Phil Upshall, qui vous parlera d'une proposition visant à faire en sorte que les premiers intervenants aillent chercher de l'aide et à ce que l'on réponde à leurs besoins au moyen de soins éclairés et soutenus.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, chers membres du Comité, merci de m'accueillir parmi vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Phil Upshall, et je suis directeur général national de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada.
    Avant de présenter mon bref exposé, je tiens à souligner que Syd Gravel m'accompagne aujourd'hui. Syd est coprésident du secteur Systèmes de soutien aux traumatismes et équipes de soutien par les pairs, au sein de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Ancien policier d'Ottawa, Syd doit composer avec un trouble du stress post-traumatique, ou TSPT, et les répercussions que cela entraîne. Il connaît bien les enjeux provinciaux et nationaux dans ce domaine, particulièrement ceux qui, en Ontario, concernent la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail. Syd copréside le secteur Systèmes de soutien aux traumatismes et équipes de soutien par les pairs. Au Canada — et probablement en Amérique du Nord — c'est la plus grande équipe de soutien par les pairs axée sur les premiers intervenants et les gens atteints d'un TSPT grave. Si vous souhaitez lui parler plus tard, n'hésitez pas. C'est un homme formidable.
    La Société pour les troubles de l'humeur du Canada est un organisme national dirigé par les consommateurs, les patients et les aidants naturels. Tous les membres de l'équipe, y compris moi, ont connu des troubles de santé mentale à un moment donné. Le directeur général national adjoint, Dave Gallson, a un TSPT depuis qu'il a été amputé des deux jambes à la suite d'un grave accident. Il lui a fallu un an pour se remettre physiquement de la perte de ses jambes et de nombreuses années pour composer avec le TSPT.
    Notre principal spécialiste des recherches et gestionnaire de projet, Richard Chenier, est un ancien agent de la GRC dont le collègue a été tué par balle alors qu'il rédigeait un rapport. Il a combattu un TSPT pendant 29 ans avant d'aller chercher l'aide dont il avait besoin.
    Voici maintenant un exposé très rapide.
    Comme nous l'avons dit au comité des finances il y a quelques semaines, 85 % des premiers intervenants et des anciens combattants atteints de TSPT ou d'autres problèmes de santé mentale communiquent en premier lieu avec leur médecin de famille. Peu importe les formes de soutien disponibles un peu partout, la plupart des gens atteints d'un TSPT qui souhaitent obtenir de l'aide s'adressent à leur médecin de famille. Dans bien des cas, malheureusement, leur médecin ne leur offre pas les soins nécessaires.
    Je ne m'attarderai pas sur l'importance du TSPT ni sur la définition de ce trouble, puisque vous avez déjà entendu des experts à ce sujet. Je dirai simplement qu'il est possible, selon nous, de juguler les répercussions du TSPT si les gens touchés peuvent recevoir un diagnostic précoce et recevoir du soutien dans leur collectivité.
    C'est parce que des gens téléphonaient à la Société pour les troubles de l'humeur du Canada que nous avons découvert l'existence de ce problème. Ils nous disaient: « Où puis-je obtenir de l'aide? Il n'existe pas de soutien. » Nous leur disions de s'adresser aux Forces armées, au ministère des Anciens Combattants ou à leur service de police. Mais ils revenaient toujours vers nous en nous disant qu'il n'existait pas de soutien.
    Dans un premier temps, nous nous sommes demandé pourquoi. Nous avons organisé une rencontre sur le thème « Loin des yeux, non loin du coeur ». Cette rencontre a montré qu'il fallait s'attaquer sérieusement à ce problème. Étant donné nos ressources financières limitées, nous avons choisi de nous concentrer sur un seul aspect, soit les médecins de famille et les fournisseurs de soins de santé. Ces professionnels servent de porte d'entrée; ce sont les premiers à voir les gens atteints d'un trouble de santé mentale. Leur formation médicale ne les a toutefois pas préparés à traiter les troubles de santé mentale en général, et encore moins le TSPT.
    Nous avons établi une excellente collaboration avec le Collège des médecins de famille du Canada et le réseau des soins partagés, y compris tous les fournisseurs de soins primaires. Nous leur avons offert la possibilité d'en apprendre davantage sur le TSPT, et ils ont sauté sur l'occasion.

  (1225)  

    Je dois malheureusement vous interrompre. Veuillez conclure vos observations.
    Merci de m'offrir cette occasion de témoigner. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Parfait.
    Monsieur Spengemann, nous commençons un tour de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Bradley, monsieur Stamatakis, monsieur Upshall, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Mes collègues du Comité et moi sommes très heureux de pouvoir mener cette étude et d'avoir la chance d'entendre vos témoignages aujourd'hui.
    À l'intention des Canadiens qui nous écoutent ou qui liront le compte rendu de cette séance plus tard, pourriez-vous tout d'abord nous parler des coûts humains associés aux traumatismes liés au stress opérationnel, au trouble de stress post-traumatique et aux facteurs de stress mental dont nous discutons? De quoi s'agit-il, exactement? Comment les personnes touchées réagissent-elles? Comment leur famille réagit-elle? Ces troubles ont-ils un effet destructeur? Pourriez-vous nous donner des exemples et brosser un tableau de la situation?
    Voici un exemple frappant: quelqu'un m'a appelé, hier, pour me dire qu'un premier intervenant s'était suicidé.
    On pourrait aussi parler de l'éclatement d'une famille de six enfants. L'adulte en question, atteint de TSPT, était incapable de fonctionner dans la vie courante et demandait de l'aide depuis trois ou quatre ans. La famille a éclaté. Ces gens n'ont pas de revenus, pas de prestations d'invalidité. Ce ne sont que deux cas parmi des centaines de milliers, mais ils donnent un aperçu des conséquences de ces troubles. Les autres intervenants voudront peut-être ajouter quelque chose. Les conséquences sont énormes, et on pourrait les éviter.
    Je peux vous donner un exemple personnel.
     Ma nièce de 24 ans est policière. Elle m'a téléphoné après avoir répondu, pour la première fois, à un appel nocturne concernant une voiture abandonnée. Elle m'a dit qu'une femme s'était suicidée et que son visage ressemblait à un masque d'Halloween. Elle a dû rester auprès de cette personne pendant environ une heure jusqu'à l'arrivée des secours. Quelques semaines plus tard, elle a vécu d'autres événements semblables. Elle a 24 ans et, de toute évidence, tout cela est traumatisant. Après des situations comme celles-là, on s'attend à ce qu'elle retourne au travail le lendemain comme si de rien n'était. Si elle s'était cassé une jambe au travail, les choses seraient bien différentes.
    Heureusement pour elle, je dirige la Commission de la santé mentale du Canada. Peu de gens ont une tante comme moi. J'ai encouragé ma nièce à obtenir de l'aide, et elle se porte bien. Mais la partie n'est jamais gagnée, car chaque jour apporte son lot de situations difficiles. Je suis sûre que les policiers auraient beaucoup d'autres exemples.

  (1230)  

    Je vous remercie.
    Monsieur Stamatakis, auriez-vous quelque chose à ajouter?
    Bien sûr. Un de mes collègues s'est suicidé le 31 décembre 2014. Le projet sur lequel il travaillait ciblait de grands criminels. Il était souvent loin de chez lui et faisait énormément d'heures supplémentaires pendant de longues périodes. Il ne pouvait pas passer les vacances de Noël avec son épouse et ses deux jeunes enfants, qui auraient aimé l'avoir à leurs côtés. Beaucoup d'autres facteurs étaient aussi en cause. Mais bref, il semble que ce policier — qui souffrait d'une blessure à la tête mal diagnostiquée — se sentait tellement dépassé par les événements que, le soir du 31 décembre 2014, il s'est suicidé avec son arme de service dans sa chambre d'hôtel.
    Je soutiens encore son épouse, qui a perdu son époux et le père de ses enfants. Elle n'a reçu aucune prestation. Il s'est écoulé plus d'un an depuis, et cette famille, qui a perdu son principal soutien de famille, attend toujours une réponse de la Commission des accidents de travail. Je ne voudrais pas paraître critiquer la Commission, car je sais qu'elle mène une enquête et ainsi de suite, mais c'est un exemple, l'exemple d'un décès qui a privé deux enfants de leur père et une femme de son époux, en plus de faire planer beaucoup de questions et d'incertitude sur leur avenir.
    Ce n'est qu'un cas. Au début de l'année, quatre policiers se sont suicidés. Je pourrais vous donner beaucoup d'autres exemples pour illustrer comment ces troubles bouleversent la vie personnelle des gens. Le TSPT et les traumatismes liés au stress opérationnel ont aussi des répercussions sur les organisations. Il suffit de penser aux absences du travail, à la souffrance, aux problèmes de rendement qui mènent à des processus disciplinaires, et à tout ce que cela fait vivre aux personnes touchées, à leur famille et à leur organisation. Imaginez toutes ces inefficacités. C'est un scandale.
    Voilà qui montre toute l'importance de cet enjeu. Il faut prendre les devants, mieux comprendre ces problèmes pour pouvoir les diagnostiquer tôt, les prévenir, les traiter, et fournir aux personnes touchées le soutien dont elles ont besoin pour demeurer productives non seulement dans leur vie personnelle, mais aussi au travail.
    Je vous remercie.
    Ce ne sont que quatre exemples. Ces troubles entraînent d'énormes coûts économiques, mais ma question portera sur un autre sujet.
    Pour aider la population à y voir plus clair, pourriez-vous nous expliquer ce qui distingue les problèmes dont nous parlons aujourd'hui des autres enjeux liés au monde du travail? Vous y avez déjà fait allusion. On entend souvent parler d'épuisement professionnel, ce qu'on appelle parfois le « burnout ». On emploie souvent ces termes au Canada. Les gens qui travaillent dans les services bancaires d'investissement souffrent parfois d'épuisement professionnel, mais pas de TSPT. Pourriez-vous nous parler non pas des événements qui peuvent entraîner un TSPT ou des traumatismes liés au stress opérationnel, mais plutôt des facteurs de stress présents dans les milieux de travail, qui risquent d'aggraver ces problèmes? Serait-il important d'examiner ces facteurs aggravants en plus des symptômes dont nous discutons aujourd'hui?
    J'ai...
    Pardonnez-moi. Allez-y.
    Allez-y, monsieur Stamatakis.
    Une professeure de l'Université Carleton, Mme Linda Duxbury, a fait des recherches dans ce domaine il y a quelques années. Elle a découvert ce qui m'apparaît être un immense facteur aggravant, surtout dans la communauté policière: la plupart des policiers passent énormément d'heures au travail chaque semaine. La semaine de travail normale devrait se situer autour de 40 heures. Mais dans le cadre d'un projet de recherche national, elle a découvert que les policiers faisaient souvent 10 ou 20 heures supplémentaires, en plus des 40 heures habituelles. Vous parliez d'épuisement professionnel. Eh bien, toutes les forces policières et tous les policiers du pays vous diront qu'ils doivent faire des heures supplémentaires chaque semaine.
    Parfois, c'est parce qu'ils doivent témoigner au procès d'une personne qu'ils ont arrêtée, afin de soutenir les victimes et d'envoyer derrière les barreaux ceux qui ont commis des crimes graves. Il y a aussi des événements spéciaux. Toutes sortes de circonstances obligent les policiers à allonger leur semaine de travail.
    Cette exigence constante est l'un des facteurs qui mènent à l'épuisement professionnel.

  (1235)  

    Je vous remercie.
    Monsieur O'Toole, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, M. Doherty.
    Chers témoins, je vous souhaite à tous la bienvenue et je vous remercie de vos témoignages candides, souvent personnels, et de votre dévouement. J'ai eu le plaisir de collaborer avec plusieurs d'entre vous au cours des dernières années. La Commission de la santé mentale du Canada représente l'une des réussites du gouvernement conservateur, selon moi, et je suis ravi que le nouveau gouvernement poursuive ce travail. J'espère revoir certains d'entre vous sur la Colline le 5 mai, à l'occasion du Déjeuner de la santé mentale Sam Sharpe, un événement dont Roméo Dallaire et moi sommes les hôtes chaque année.
    Monsieur Upshall, je vous remercie pour votre travail et pour le programme de formation destiné aux médecins de famille, dans lequel votre organisme joue un rôle essentiel. Comme vous l'avez souligné, les anciens combattants et les premiers intervenants consultent souvent ces médecins en premier lieu. Il faut donc voir à ce qu'ils aient les connaissances nécessaires.
    Ma question s'adresse à M. Stamatakis. J'ai eu l'honneur de parler à votre groupe. Je leur ai parlé du TSPT et des traumatismes liés au stress opérationnel. J'ai souligné que le gouvernement fédéral devait faire sa part, et j'ai mentionné la collaboration et le suivi entourant le programme En route vers la préparation mentale. Le Dr Sareen, qui a témoigné juste avant vous, a mentionné le lien entre niveau d'exposition et réactions. Il a rappelé, comme vous le faites, que les traumatismes liés au stress opérationnel peuvent être causés par un événement unique ou par une exposition prolongée. À l'heure actuelle, faites-vous un suivi de l'exposition prolongée à des facteurs de risque dans les forces policières, afin de garder l'oeil sur la santé de vos membres?
    En un mot, non. Nous n'avons jamais établi de suivi approprié. Je crois que cela est dû, en partie, aux préjugés qui existent dans notre culture, et au refus de reconnaître l'ampleur du problème et la nécessité de garder la situation à l'oeil. Nous commençons tout juste à surveiller ces facteurs. Les programmes comme En route vers la préparation mentale marquent un pas dans la bonne direction.
    Je dirais que le monde policier n'a pas encore réussi à créer l'environnement nécessaire à la réussite de programmes comme En route vers la préparation mentale. Quand un policier ou un premier intervenant reconnaît, après une formation, qu'il se trouve dans une situation stressante, on devrait disposer des moyens nécessaires pour gérer cette situation sans le stigmatiser. S'il dit souffrir et avoir besoin d'un congé, il devrait pouvoir s'absenter sans que son absence mette ses collègues dans le pétrin et les force à travailler deux fois plus.
    Nous avons un piètre bilan dans ce domaine. Je crois que le Comité pourrait grandement améliorer la situation s'il élaborait un vaste cadre de référence qui nous aiderait à déterminer ce qu'il faut faire, à l'échelle nationale, pour suivre ces facteurs de plus près et comprendre l'ampleur du problème.
     Merci, monsieur Stamatakis, et merci à nos invités.
    J'ai une connaissance approfondie de certaines des préoccupations qui existent dans ce domaine en raison du projet de loi que j'ai élaboré, le projet de loi C-211. Il y a toutefois un point que je n'ai pas réglé, une question qui revient encore: comment définiriez-vous le terme « premier intervenant »?
    Ce terme désigne généralement les policiers de première ligne, qui portent l'uniforme et répondent aux appels de services; les ambulanciers paramédicaux, qui portent l'uniforme et répondent aux appels; et les pompiers.
    Il existe différents métiers dans le secteur policier, mon domaine de spécialité. Je pense par exemple aux téléphonistes de la ligne 911: ils reçoivent les appels du public, des appels parfois traumatisants. Nous avons aussi des analystes qui travaillent avec les enquêteurs. Parfois, les éléments de preuve, les images ou les lieux qu'ils examinent sont vraiment horribles.

  (1240)  

    Il faut inclure également dans la discussion toutes sortes d'autres personnes du milieu des policiers et des premiers intervenants.
    Je serai très bref. Je suis content que vous ayez soulevé la question de l'indemnisation et des survivants, c'est-à-dire les amis et les membres de la famille qui doivent vivre une telle épreuve... Nous devons élaborer une solution adaptée au monde réel en engageant le dialogue avec les personnes qui oeuvrent sur le terrain et qui mettent leur vie en danger tous les jours et avec ceux qui sont chargés de s'occuper de ces personnes.
    Quelle vision avez-vous du cadre national dont nous devrions nous doter pour que ce cadre soit aussi efficace que possible à court et à long terme?
    Premièrement, nous devons convenir d'une définition du problème.
    Commençons par définir clairement les termes comme « traumatisme lié à un stress opérationnel » ou « état de stress post-traumatique ». Tâchons d'être sur la même longueur d'onde. Les groupes ou les défenseurs de la cause qui oeuvrent dans ce domaine n'ont pas tous les mêmes définitions de ces termes.
    Puis, tâchons d'entreprendre une discussion pour déterminer ce qui nous paraît être approprié comme outils, comme traitements ou comme formes d'aide pour ceux qui souffrent de ces troubles, de manière à ce qu'il puisse y avoir une certaine uniformité dans l'ensemble du pays. Encore une fois, je pense que cet organisme pourrait jouer un rôle important sur ce plan.
    On parle beaucoup des projets de loi provinciaux qui pourraient être adoptés et qui ne sont pas de compétence fédérale, je le sais. Mais ce qui compte le plus, selon moi, c'est ce qui se passe après. Établir un diagnostic et accepter une demande d'aide n'est que la première partie du problème. Il faut s'occuper du patient par la suite.
    Je vous ai donné tout à l'heure l'exemple d'une femme dont le mari s'est suicidé. Or, cette femme a reçu elle-même un diagnostic d'état de stress post-traumatique. Ce sont les circonstances du décès de son mari qui en sont responsables. Elle paie de sa propre poche les consultations dont elle a besoin pour gérer son état. Plus d'une année s'est écoulée, et il n'existe aucun mécanisme pour que les personnes atteintes puissent consulter un spécialiste. Dans son cas, elle reçoit beaucoup d'aide, mais tous ces gens ont en commun le manque de ressources financières pour pouvoir gérer leur état. Ils doivent se passer d'aide.
    Merci.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Je veux remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Madame Bradley, vous avez mentionné le programme d'entraide, le projet pilote.
    Je suis désolée, mais je ne parle pas français.

[Traduction]

    En attendant que le greffier vous montre où se trouve l'écouteur pour entendre l'interprète, je continue en anglais.
    Vous avez parlé des projets pilotes qui sont organisés par le Service correctionnel du Canada dans la région du Pacifique et au Québec. Ces projets sont en cours, je crois. Pourriez-vous nous informer de leur déroulement et nous dire où ils en sont actuellement?
    Nous constatons que, dans l'ensemble du pays, le degré de participation est élevé, alors nous sommes très heureux des programmes En route vers la préparation mentale et Premiers soins en santé mentale.
    Il faut aussi parler d'un autre volet, qui est lié à votre question et à plusieurs autres questions posées. Ce volet, c'est la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail que la Commission a établie. Certains secteurs des services de santé et certains acteurs du milieu des premiers intervenants s'intéressent à cette norme parce qu'elle peut être appliquée également dans tous les environnements de travail, que ce soit un bureau ou la rue. La norme peut être efficace pour lutter contre la stigmatisation et contre l'idée qu'admettre que l'on éprouve des difficultés est de nature à limiter la carrière d'une personne. Elle permet en outre aux gens de prendre des mesures pour prévenir les situations de ce genre. Il peut s'agir tantôt de groupes d'entraide, tantôt de l'accueil des personnes atteintes. Nous savons comment accueillir les gens qui ont une blessure physique dans des établissements, mais ce n'est pas tellement le cas lorsque la blessure est psychologique.
    Les pertes de productivité engendrées par la maladie mentale coûtent chaque année 51 milliards de dollars au Canada, alors nous faisons la promotion de l'application de la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail. Son application est de plus en plus répandue et elle s'accompagne d'une approche beaucoup plus large et beaucoup plus approfondie en matière de prévention que le simple recours aux deux outils, néanmoins très efficaces, que sont les programmes En route vers la préparation mentale et Premiers soins en santé mentale.

  (1245)  

    Je sais que la Commission n'a qu'un rôle de partenaire dans la réalisation du projet pilote, mais savez-vous où on en est présentement à cet égard? Je suis conscient du thème global, mais, ce projet se déroule-t-il bien? Sera-t-il mis en oeuvre à plus grande échelle?
    Parlez-vous en particulier du programme En route vers la préparation mentale?
    Oui, mais je parle du projet pilote que le Service correctionnel du Canada a entrepris de mettre en oeuvre au mois d'août...
    On n'en est encore qu'au tout début. Certains établissements correctionnels ont commencé à former des formateurs, mais je ne pourrais pas dire que la mise en oeuvre du programme est très avancée.
    Il est encore trop tôt, je vois.

[Français]

     Je vais continuer en français.
    Dans votre feuille de route — c'était en 2012, si je ne me trompe pas —, vous parliez de l'importance d'une meilleure collaboration avec les provinces en matière de soins de santé mentale. Même si les questions sur lesquelles nous nous penchons aujourd'hui concernent ce que peut faire le gouvernement fédéral, croyez-vous toujours qu'une meilleure intégration des services serait nécessaire pour être vraiment en mesure d'offrir le plus de services possible aux gens qui en ont besoin?

[Traduction]

    Oui, je pense qu'il faut améliorer la collaboration. Après tout, ce sont les provinces qui sont largement responsables des services de santé.
    Je pense que nous pouvons nous réjouir de l'existence d'une stratégie en matière de santé mentale à l'échelle du Canada, car plusieurs provinces se sont dotées d'une stratégie de santé mentale ayant passablement de ressemblance avec la stratégie nationale. C'est bien, mais il faut nuancer. Ce ne sont pas toutes les provinces qui ont fait de même et qui progressent bien, alors il y a un manque d'uniformité.
    Selon moi, la collaboration avec les provinces et les territoires est absolument essentielle. Par exemple, les problèmes qui existent dans les Territoires du Nord-Ouest sont passablement différents de ceux que l'on rencontre à Toronto. Les effets sont très souvent les mêmes, mais les problèmes qui engendrent ces effets sont différents, donc la solution doit être différente. C'est pourquoi nous avons créé des versions adaptées du programme Premiers soins en santé mentale spécialement pour les gens du Nord, les Premières Nations et les personnes âgées.

[Français]

    C'est un point intéressant.
    Lorsqu'on pense au rôle que joue le gouvernement fédéral en matière de sécurité publique pour les Autochtones, on peut se demander comment une approche davantage faite sur mesure pour les Première Nations pourrait être conçue. On peut penser ici aux soins de santé mentale et aux diverses interventions de la GRC, par exemple, de même qu'à d'autres situations semblables.

[Traduction]

    Je vais répondre à cette question du mieux que je peux et avec beaucoup de prudence parce que je ne suis pas une Autochtone. Alors, je pense qu'il faut des solutions passablement différentes en milieu autochtone. Nous devons être conscients des différences culturelles et en tenir compte. Il est certain que les approches doivent être définies dans cette optique. Je ne pense pas qu'une approche unique puisse être applicable partout. Selon ce que mes collègues autochtones m'ont dit, les approches peuvent être passablement différentes d'un milieu à l'autre. Ils nous en préviennent régulièrement.
    Merci.
    Monsieur Di Iorio, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue, madame et messieurs.
    Je fais miens les remerciements et les commentaires de bienvenue de mes collègues du comité. Je ne vais pas les réitérer, compte tenu des contraintes de temps.
    Madame Bradley, les médecins qui ont témoigné avant vous nous ont indiqué que certaines personnes étaient plus à risque, plus vulnérables, plus susceptibles d'avoir des réactions néfastes pour leur santé.
    Nous parleriez-vous des travaux, des recherches, des réflexions et des démarches que votre organisation a faits en vue d'identifier ces personnes?

  (1250)  

[Traduction]

    Certaines personnes sont certainement plus à risque à cause du genre de travail qu'elles font et des situations qu'elles vivent. Certaines sont certainement plus vulnérables. Les jeunes...

[Français]

    Permettez-moi de vous interrompre, étant donné que nous avons des contraintes de temps.
    Pourriez-vous nous parler des travaux, des recherches et des réflexions qui ont été faits à cet égard? Nous pourrions échanger des opinions personnelles, mais j'aimerais surtout savoir si vous vous êtes appuyés sur la science et si des démarches ont été entreprises en ce sens.

[Traduction]

    La Commission n'a pas fait de travaux de recherche sur le syndrome de stress post-traumatique sauf en lien avec le programme En route vers la préparation mentale. À l'inverse, nous avons fait beaucoup de recherche sur la question de la stigmatisation, qui a des répercussions majeures sur tous ceux qui souffrent d'un problème de santé mentale. C'est une question très importante parce qu'elle fait en sorte que les gens ne cherchent pas à se faire traiter. Par ailleurs, nous effectuons présentement une étude concernant l'adoption de la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail. Ce sont tous des domaines très importants, mais nous n'avons pas fait de recherche sur ces deux questions.

[Français]

    Je vous remercie, madame Bradley.
    Monsieur Stamatakis, comme vous le savez, ce comité fait partie du Parlement fédéral, mais la situation dont nous parlons existe aussi au sein d'organisations qui sont de compétence provinciale. Elle existe également dans des États américains, dans des pays d'Amérique latine, dans des pays d'Europe ainsi qu'ailleurs dans le monde.
    Votre organisation a-t-elle fait des démarches pour déterminer quelles étaient les meilleures pratiques, surtout en matière de prévention et de traitement, à l'extérieur du Canada et dans les provinces?

[Traduction]

    Rien de précis. Nous venons tout juste d'entreprendre notre enquête auprès des organismes canadiens. Nous faisons partie d'un réseau international et nous avons fait inscrire au programme des activités de ce réseau des discussions sur les pratiques exemplaires et les similitudes.
    Je pense que vous touchez un point clé. Le gouvernement fédéral aurait un rôle à jouer dans le domaine de la recherche afin de cerner les pratiques dans les provinces et d'établir une sorte de cadre global grâce auquel tout le monde pourrait avoir accès à de l'information uniforme, en particulier lorsqu'il est question de la recherche sur les moyens de bâtir la résilience.
    Que faudrait-il faire, par exemple, lorsqu'on recrute de nouveaux policiers, si nous voulons qu'ils aient les outils et la capacité pour gérer les situations où nous les plaçons? Comment peut-on recruter de manière à ce que le personnel d'un organisme soit plus représentatif de la diversité? Nous voulons qu'il y ait plus de femmes dans les services de police. Nous voulons que les services de police incarnent davantage la diversité de la population qu'ils servent. Comment peut-on améliorer la capacité à gérer diverses valeurs et diverses croyances religieuses? Comment peut-on gérer la question des femmes qui entrent dans les services de police, mais qui veulent par la suite avoir des enfants, de manière à ce qu'elles ne subissent pas la stigmatisation dont parlait Mme Bradley?
    Voilà les questions dont nous devrions discuter afin d'arriver à des consensus qui nous permettront d'agir de manière uniforme dans toutes les provinces du pays.

[Français]

     En réponse à une question de mon collègue M. Spengemman, vous avez utilisé l'expression totally avoidable cost. Vous indiquiez donc au comité que des démarches concrètes peuvent être faites et que certains projets peuvent devenir une réalité.
    J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet. Vous en avez parlé, mais l'occasion d'en traiter de façon plus détaillée ne s'est pas présentée.

  (1255)  

[Traduction]

    Je pense que Mme Bradley vous a beaucoup parlé de cette question également, et je suis d'accord avec elle. Des programmes comme En route vers la préparation mentale sont en voie d'adoption. Elle vous a parlé de la norme sur la santé psychologique en milieu de travail, que les organismes sont très lents à adopter. Si nous élaborons, adoptons et mettons en oeuvre des politiques et des pratiques qui possèdent les caractéristiques voulues dans notre milieu de travail, puis que nous nous dotons de la capacité de mieux les gérer, je pense que des coûts pourront être évités. Nous pourrons éviter les longues absences. Nous pourrons éviter les dysfonctionnements dans la vie professionnelle et la vie personnelle.
    Par exemple, dans le programme En route vers la préparation mentale, nous formons pour la première fois les policiers pour qu'ils comprennent les causes de ce qu'ils ressentent et pour qu'ils aient une idée de ce qu'ils peuvent faire pour tâcher d'y remédier.
    Toutefois, nous ne nous sommes pas encore dotés de la capacité organisationnelle nécessaire pour venir rapidement en aide à la personne une fois qu'elle est consciente qu'elle traverse une crise, de manière à ce qu'elle puisse continuer de travailler et qu'elle reste productive, plutôt que de s'en remettre aux congés de maladie, aux médicaments, à l'alcool ou à d'autres substances pour gérer ses sentiments ou le stress qu'elle subit. Voilà ce dont je parlais.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je crois que je dois vous arrêter ici. Le temps passe très rapidement.
    Monsieur Rayes, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les intervenants d'être parmi nous aujourd'hui et de contribuer à notre travail.
    Avant d'être député et maire, j'ai été directeur d'école et enseignant. À plusieurs occasions, j'ai vu des gens qui souffraient de dépression, d'épuisement professionnel ou d'anxiété. J'ai constaté chez eux un sentiment de honte et de faiblesse, la crainte d'être jugés par leurs pairs ainsi qu'un sentiment d'incompréhension face à ce qui leur arrivait.
    Nous parlons de formation, de sensibilisation et d'outils de recherche, mais à l'intérieur des organisations, dans le milieu institutionnel, il y a une culture à changer. Des outils ont déjà été mis en place et il a été difficile de le faire. D'après ce que je comprends, l'Association canadienne des policiers n'en est qu'au tout début à cet égard. Vous n'avez pas commencé à parler de cette situation à l'échelle internationale, pour voir ce qui se fait ailleurs dans le monde.
     Nous considérons les policiers, les pompiers et les militaires comme des gens forts et immunisés contre la faiblesse. J'imagine qu'il doit y avoir du travail à faire, même en ce qui a trait à la culture.
     Avez-vous poussé plus loin vos recherches à ce sujet, même chez les gestionnaires de ces secteurs et dans les postes de police, pour voir ce qui pourrait être fait?
    Ma question s'adresse aux trois témoins.

[Traduction]

    Merci.
    Vous soulevez d'excellents points et vous le faites avec beaucoup d'acuité. Je reviens à la recherche que nous avons faite sur la stigmatisation et le milieu de travail.
    Nous constatons que ce qu'il y a de plus difficile, c'est de surmonter la stigmatisation. C'est vraiment la plus grande difficulté. Nous avons découvert, à la Commission, grâce à nos travaux de recherche, que ce sont les stratégies éducatives axées sur les rapports directs qui ont un effet véritable. Alors, en tant qu'infirmière, je peux vous dire quels sont les signes et les symptômes du syndrome de stress post-traumatique ou de la dépression, mais si je veux pouvoir vous en parler concrètement, mon expérience personnelle me sera beaucoup plus utile.
    Lors de deux congrès de policiers que nous avons organisés conjointement, nous avons pu constater que, lorsque des policiers et d'autres personnes exerçant des fonctions de premier répondant décrivent ce qu'ils ont vécu personnellement, d'autres qui subissent la même épreuve n'hésitent plus à en parler. C'est l'une des constatations les plus importantes.
    Tant que les environnements de travail et les contextes culturels dissuaderont les gens de parler de la dépression aussi librement que s'ils parlaient de la grippe, il ne sera pas possible de lutter vraiment contre le problème.
    Toutes les pièces du casse-tête dont nous parlons aujourd'hui s'imbriquent les unes dans les autres pour former un tout. Il est inutile de considérer les pièces isolément les unes des autres. Les progrès se font sentir, mais il reste encore beaucoup de travail à faire sur les structures.

  (1300)  

    Il ne fait aucun doute que les cultures des milieux de travail doivent changer complètement. Toutefois, une fois qu'on aura commencé à changer ces cultures et qu'on demandera aux gens de raconter leur histoire et de discuter ouvertement de leur problème, il reste que, fondamentalement, nous devrons leur apporter de l'aide.
    Essayez de trouver de l'aide. Il n'y en a pas. Vous pouvez bien parler tant que vous voudrez de la recherche et de tout ce qui se passe à notre niveau, mais il n'en reste pas moins que, partout au Canada, des gens ne sont pas capables d'obtenir de l'aide. Il n'existe pas de liste d'attente pour les patients souffrant d'une maladie mentale, que ce soient des premiers intervenants ou non. Pourquoi? Parce qu'aucune aide n'est disponible. Les gens vont consulter leur médecin.
    Cela fait six mois aujourd'hui qu'une personne dont le cas nous est connu essaie de consulter un psychiatre sans succès. Des gens sont prêts à parler de leur problème. Ils participent à des groupes d'entraide qui font bien leur travail. Ils écoutent les conseils de ceux qui leur disent d'obtenir de l'aide. Mais lorsqu'on frappe à la porte d'un médecin, on découvre que l'aide n'est pas au rendez-vous. La solution que nous préconisons consiste à faire appel aux médecins et aux fournisseurs de services de santé. Ce sont eux qui sont en première ligne et qui peuvent changer la culture des milieux de travail.

[Français]

     Merci, monsieur Upshall.
    J'aimerais entendre les commentaires du président de l'Association canadienne des policiers, M. Stamatakis.
     Bien sûr, j'entends les histoires des médecins, mais au sein même de l'organisation, si la culture ne permet pas à ces gens de s'exprimer, ils ne se rendront peut-être même pas au niveau d'une consultation auprès d'un professionnel.
     J'imagine qu'au sein des corps policiers, le fait que ce dossier soit étudié doit être un sujet extrêmement sensible.

[Traduction]

    Soyez très bref, je vous prie. La limite de temps est déjà dépassée.
    Pour répondre précisément à votre question, j'ai mentionné tout à l'heure les enquêtes que nous effectuons directement parmi nos membres. Nous avons fait certains constats assez étonnants, en particulier en ce qui a trait au syndrome de stress post-traumatique, grâce aux instruments de diagnostic que nous avons inclus dans les enquêtes. En moyenne, environ 30 % des membres des grands services de police souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou ont déjà reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. La proportion est semblable pour ce qui est de la dépression et de l'anxiété. Très peu de membres des services de police affichent un état normal dans l'échelle d'évaluation de la dépression et de l'anxiété. Voilà la première étape de notre travail: définir le niveau de référence de certaines variables relatives aux services de police du pays.
    Concernant la culture des milieux policiers, nous essayons d'introduire une approche différente dans les structures organisationnelles qui favorisent le stress opérationnel ou le syndrome de stress post-traumatique, et je l'ai mentionné également. Nos enquêtes nous ont permis aussi de constater qu'une grande partie du stress provient des pratiques en vigueur dans les services de police.
    Nous essayons de présenter de nouvelles méthodes concernant les promotions. Les policiers sont affectés à un poste pendant un certain temps et tissent des liens passablement serrés avec la population qu'ils servent. Un moment donné, on les affecte à un autre poste, ailleurs, ce qui les prive des relations qu'ils avaient établies. Ils s'en ressentent énormément.
    Nous commençons à formuler des propositions visant à accorder autrement les promotions. Nous nous efforçons de trouver une manière différente de traiter les policiers pour ce qui est des affectations, de manière à les soulager de certaines pressions et de la stigmatisation qui en découle. C'est un exemple parmi d'autres.
    Je dois vous arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Je voudrais remercier tous nos témoins. Nous arrivons à la fin de notre réunion.
    Chers membres du Comité, je dois vous signaler deux choses avant de lever la séance. Premièrement, au milieu de la réunion, j'ai demandé à nos analystes de préparer une brève notice sur le vocabulaire du sujet qui retient notre attention, soit les premiers répondants et les agents de la sécurité publique. Nous voudrions trouver une formule plus brève et ne pas être obligés d'énumérer tout le monde la prochaine fois. Nos analystes vont nous conseiller à ce sujet en tenant compte du travail que nous avons fait. Nous aurons une réponse à notre prochaine réunion.
    Deuxièmement, je voudrais vous sonder rapidement au sujet de la réunion du 22 mars, qui tombe le jour de la présentation du budget. Des conversations récentes m'ont appris que certains membres du Comité voudraient être libérés ce jour-là, tandis que d'autres voudraient que nous poursuivions notre étude. J'aimerais savoir simplement par un hochement de la tête si vous souhaitez annuler cette réunion et être disponibles pour vous occuper du dossier budgétaire ou si vous préférez continuer l'étude ce jour-là.
    Monsieur O'Toole, vous avez la parole.
    Monsieur le président, le Parti conservateur est d'avis que, le jour du budget ou le « mardi noir », comme nous l'appelons, le Comité devrait se réunir comme prévu.

  (1305)  

    C'est noté.
    Monsieur Dubé, nous vous écoutons.

[Français]

     Je suis d'accord avec M. O'Toole.
    Je pense que les ressources sont suffisantes pour que les députés fassent leur travail le jour du dépot du budget et que la rencontre ait lieu malgré tout.

[Traduction]

    Donc, je vous propose que nous nous réunissions ce jour-là. Si des membres du Comité veulent s'absenter pour être en mesure d'intervenir sur la question budgétaire, ils pourront se trouver un remplaçant. Nous allons nous réunir le 22.
    La séance est levée. Merci.
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