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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 071 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 juin 2017

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

     Je déclare ouverte la 71e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Bienvenue à tous.
    Bienvenue, monsieur Nicholson et madame Gallant. C’est un plaisir de vous avoir avec nous.
     Conformément à l’ordre de renvoi du vendredi 9 juin, c’est-à-dire il y a 10 jours, notre étude d’aujourd’hui porte sur le projet de loi S-231, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada et le Code criminel (protection des sources journalistiques).
    Nous entendrons deux groupes de témoins. Le premier est composé du parrain du projet de loi à la Chambre, de l’auteur du projet de loi au Sénat et d'une personne ayant collaboré à son élaboration. Le second est composé de membres de la Coalition des médias canadiens. Le greffier vient de me dire que M. Tom Henheffer, directeur exécutif de Journalistes canadiens pour la liberté d’expression, a malheureusement été retardé. Des vols ont été annulés, si bien qu’il est peu probable qu’il se joigne à nous aujourd’hui.
    J’aimerais aussi signaler aux membres du Comité que nous avons essayé d’avoir des témoins de la GRC, de la Police provinciale de l’Ontario et de l’Association canadienne des chefs de police. Cependant, en raison principalement du court préavis que nous leur avons donné, ils ne sont pas en mesure d’être avec nous aujourd’hui. L’Association canadienne des chefs de police nous a présenté un mémoire, plus complet que celui qu’ils ont pu présenter aux audiences du Sénat sur ce projet de loi, alors je le porte aussi à votre attention.
    Nous allons entendre notre premier groupe, celui du sénateur Carignan, du sénateur Pratte et de M. Deltell. Je crois savoir que nous pouvons nous attendre à ce que la sonnerie retentisse à un moment donné pour un vote à la Chambre des communes. À ce stade, je vais demander le consentement unanime pour envisager de prolonger un peu la séance. Nous verrons où nous en sommes quand la sonnerie se fera entendre.
    Qui va commencer?
    Monsieur Carignan.

[Français]

    Oui, je peux commencer. Merci.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté aussi rapidement d'étudier le projet de loi S-231.
    Ce projet de loi concerne un enjeu de taille, soit la liberté de presse, un des piliers de notre démocratie protégé par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme le mentionneront mes collègues, je suis profondément attaché aux valeurs canadiennes qui se reflètent dans notre charte.
    À titre d'avocat, certes, mais également à titre de parlementaire et de citoyen engagé, j'ai vraiment été estomaqué lorsque les révélations sur l'espionnage de journalistes ont été rendues publiques l'automne dernier. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre la main à la pâte afin de déposer le projet de loi S-231, avec l'intention de combler le vide législatif, vide qui crée un anachronisme entre nos règles actuelles et nos expectatives de pays développé régi par les plus hauts standards de règles démocratiques.
    Les effets concrets et bénéfiques de ce projet de loi sont multiples.

[Traduction]

     Premièrement, le projet de loi S-231 reconnaît le rôle fondamental que jouent les journalistes dans notre démocratie; il protège la confidentialité des sources journalistiques, qu’aucune mesure législative n’a encore reconnue explicitement; et il cherche à protéger les lanceurs d’alerte. Une fois que le projet de loi aura été adopté, seul le juge d’une cour supérieure — et, au Québec, le juge d’une cour du Québec au sens de l’article 552 — pourra délivrer un mandat de perquisition à l’encontre de journalistes.

[Français]

    Dès qu'une enquête aura été complétée à la suite d'un mandat dûment autorisé, toute l'information recueillie sera placée sous scellés de la Cour et aucune des parties ne pourra la consulter sans l'autorisation d'un juge.
    Dès qu'un fonctionnaire voudra consulter l'information recueillie et sous scellés à l'encontre d'un journaliste, un avis devra être signifié au journaliste en question et à son organe de presse. Ces derniers auront un délai de 10 jours pour faire opposition, s'ils estiment que cette information pourrait permettre d'identifier une source anonyme du journaliste. Si le journaliste s'oppose à la consultation de cette information, il appartiendra alors à la personne qui sollicite cette information de faire la preuve que l'obtention de celle-ci est cruciale pour la suite de l'enquête. Il s'agit donc d'un renversement du fardeau de la preuve.

[Traduction]

    Il est possible de soulever une objection auprès de tout tribunal ou organisme sous réglementation fédérale. L’organisme ou le tribunal peut soulever une objection de sa propre initiative. Le projet de loi S-231 protège les droits de toutes les parties. Il permet aux journalistes de protéger l’identité de leurs sources et aux autorités policières de mener à bien leurs enquêtes. Enfin, cette mesure législative mettra fin aux éventuelles recherches à l’aveuglette ou chasse aux sources.

[Français]

    En terminant, je dirai ceci: les médias jouent un rôle essentiel en diffusant l'information et en suscitant des débats sur des questions d'intérêt public. Si les journalistes n'ont plus de sources ni de lanceurs d'alerte, ils ne pourront plus jouer ce rôle essentiel dans notre démocratie. Les Canadiennes et les Canadiens seront les plus grands perdants, car ils seront privés d'un de leurs droits fondamentaux, soit le droit à l'information. Les personnes qui abusent de leur pouvoir ou de l'utilisation de fonds publics pourront continuer à agir en toute impunité, encore une fois au détriment de l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens.
    C'est à nous, les parlementaires, de mettre en place les mesures qui s'imposent pour protéger les sources journalistiques et ainsi préserver la liberté de presse et le droit du public à l'information.
    Merci de votre écoute.

  (1545)  

    Merci.
    C'est maintenant votre tour, sénateur Pratte. Vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    « La démocratie meurt dans l’obscurité »: c’est le slogan The Washington Post depuis maintenant quelques mois. Comme tous les slogans, il n’a pas vraiment besoin d’explication. Il dit tout. Sans l’éclairage que jettent les médias sur les institutions publiques et privées — sur ceux qui nous gouvernent — les citoyens manquent de renseignements et ne sont donc pas en mesure de jouer adéquatement leur rôle. La démocratie s’effondre.
    Malheureusement, même les principaux médias d’information, ceux qui disposent du plus grand nombre de ressources pour mener des enquêtes, ceux qui sont équipés des projecteurs les plus puissants, ne peuvent pas tout voir. Il leur faut d’abord savoir où regarder. Ensuite, il y a toujours les zones d’ombre, les endroits où les gens incompétents ou malhonnêtes se cachent pour faire leur basse besogne.
    Pour détecter ces zones d’ombre et les éclairer, les journalistes ont besoin de l’aide de ceux que nous appellerons des « allumeurs de lanterne », les personnes à l'intérieur qui allument en secret une lanterne dont la lumière perce l’obscurité et alerte les médias pour qu’ils allument leurs projecteurs. Ces allumeurs de lanterne sont les sources, qui prennent souvent de grands risques en trahissant les incompétents et les tricheurs. S’ils sont percés à jour, ils pourraient perdre leur emploi. La punition pourrait même être plus sévère si une organisation criminelle est impliquée.
    Il faut donc protéger les sources des journalistes. C’est donc dire que les journalistes doivent être en mesure de garder l’identité de leurs sources confidentielle, sauf dans des circonstances très spéciales, même devant un tribunal et dans une enquête policière. C’est la seule façon dont les journalistes peuvent rassurer leurs sources et faire en sorte qu’elles se manifestent.

[Français]

    Aujourd'hui, il n'existe dans la loi aucune protection précisément pour les sources des journalistes. Les événements récents survenus en particulier au Québec, où l'on a vu des journalistes faire l'objet de vastes opérations de surveillance, ne sont pas seulement préoccupants pour les journalistes, ils le sont surtout pour leurs sources et pour la société, car si les sources n'ont pas l'assurance qu'elles peuvent se confier aux médias, elles se tairont, et si elles se taisent, la noirceur tombe sur la cité.
    Ce qui s'est passé montre que la loi actuelle n'est pas suffisante pour protéger les sources des journalistes. Les mandats de surveillance sont obtenus trop facilement. La jurisprudence quant à la protection de l'identité des sources devant les tribunaux gagnerait à être clarifiée. C'est l'objectif du projet de loi S-231.
    Je sais qu'ici, sur la Colline, il est assez commun de critiquer les médias et les journalistes, mais il faut prendre garde d'oublier le rôle essentiel qu'ils jouent dans notre démocratie. Bien sûr, comme dans tous les domaines de notre société, il y a de bons et de moins bons journalistes. Bien sûr, les journalistes sont très critiques à l'égard du travail que font les parlementaires, mais heureusement qu'ils le sont, car s'ils ne l'étaient pas, qui tiendrait la classe politique sur ses gardes? Bien sûr, les journalistes sont toujours à l'affût de ce qui va mal. C'est souvent très frustrant, mais s'ils ne l'étaient pas, qui ferait part aux citoyens de ce qui effectivement ne tourne pas rond dans la machine gouvernementale?

[Traduction]

    Malgré tous leurs défauts, les médias jouent un rôle fondamental dans notre démocratie. Sans sources confidentielles, ils ne pourraient pas le faire. J’insiste pour dire que le projet de loi S-231 vise à protéger non pas les journalistes, mais bien leurs sources. Ce sont elles qui ont besoin de protection, car ce sont elles qui risquent leurs amitiés, et parfois leurs familles et leurs emplois, car elles estiment avoir le devoir d’informer les Canadiens de ce qu’elles savent.
    L’adoption du projet de loi S-231 représenterait une avancée historique pour la liberté de la presse au Canada — il s'agirait, en fait, de l’avancée la plus marquée depuis des décennies. À une époque où la presse chez nos voisins du Sud se fait attaquer comme jamais auparavant, le Canada transmettrait un message clair concernant l’importance qu’il accorde à ce droit fondamental que garantit notre Charte canadienne des droits et libertés.
    De façon plus concrète, les sources journalistiques, ces allumeuses de lampes courageuses et solitaires, seraient enfin protégées pour le plus grand bien de la démocratie canadienne. La flamme d’une simple lanterne est fragile, mais du moment qu’elle est protégée de la tempête et des extincteurs, elle suffit à éclairer, et c’est à la lumière que brille la démocratie.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Pratte.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est avec grand plaisir et bonheur que je vous retrouve une année après notre passage commun au comité parlementaire conjoint du Sénat et de la Chambre des communes, soit le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Chers collègues, bonjour et bienvenue.
    C'est avec beaucoup d'honneur et de fierté que je témoigne devant vous aujourd'hui à titre de député et de parrain du projet de loi à la Chambre des communes, mais également à titre d'ancien journaliste.

  (1550)  

[Traduction]

    Monsieur le président, permettez-moi de présenter mes respects à nos collègues du Sénat: le sénateur Claude Carignan, qui a travaillé si fort, si rapidement et si bien avec le concours de collègues comme le sénateur André Pratte et tous les autres membres du Sénat qui ont oeuvré pour que puisse être déposée cette importante mesure législative.
    En ce qui me concerne, ce projet de loi est très correct, car il respecte chaque aspect de notre société.

[Français]

    Tout d'abord, le projet de loi S-231 définit ce qu'est un journaliste de façon tout à fait correcte, à mon point de vue. Il repose sur le principe de la protection de la source, et non pas sur le principe de la protection du journaliste lui-même. C'est une distinction qui nous apparaît évidente. Le journaliste n'est pas à l'abri d'erreurs, mais la source qui veut communiquer avec lui, elle, doit être protégée, et c'est ce que vise ce projet de loi.
    Parmi les mérites de ce projet de loi, nous reconnaissons le fait que, dorénavant, ceux qui pourront définir si oui ou non une enquête peut procéder, ce sont des juges d'une cour supérieure. L'expérience nous a tristement appris que parfois cela se faisait un peu vite avec les juges de paix. Selon ce processus, dans le cas du SPVM, 98 % des demandes étaient acceptées.
    Il y a aussi le renversement du fardeau de la preuve et le fait que, si une enquête a cours sur un journaliste, il faut que ce soit vraiment le dernier recours.

[Traduction]

    Certains de mes collègues se rappelleront peut-être que, au Québec, au cours du dernier mois, la situation des journalistes était vraiment trouble.

[Français]

    En octobre dernier, nous avons appris que le journaliste Patrick Lagacé avait été l'objet de 24 mandats de surveillance policière au cours des années précédentes.
    Pour vous représenter le personnage — appelons-le comme cela aux fins de la discussion —, je souligne que c'est un journaliste chevronné, établi depuis plus de 20 ans et reconnu par tous les Québécois comme étant un journaliste bien implanté. Pour utiliser des termes militaires, je dirais qu'il agit sous les trois armes, c'est-à-dire à la télévision, à l'écrit et à la radio, où il a une chronique quotidienne. C'est un journaliste chevronné qui a été l'objet de 24 mandats de surveillance, ce qui a évidemment soulevé beaucoup d'interrogations au Québec.
    Il s'en est suivi d'autres révélations, qui nous ont appris que près d'une quinzaine de journalistes québécois tout aussi chevronnés les uns que les autres, la plupart spécialisés dans des enquêtes, faisaient l'objet de surveillance policière. Patrick Lagacé, Vincent Larouche, Marie-Maude Denis, Alain Gravel, Isabelle Richer, Éric Thibault, Denis Lessard, André Cédilot, Nicolas Saillant, Félix Séguin, Monic Néron, Joël-Denis Bellavance, Gilles Toupin, Daniel Renaud et Fabrice de Pierrebourg, pour ne nommer que ceux-là, ont fait l'objet d'une enquête policière de la Sûreté du Québec, du SPVM ou de la GRC.
    Nous voyons une situation tout à fait intolérable qui commandait une réaction juste et équilibrée, et c'est ce que propose le projet de loi S-231.

[Traduction]

    En terminant, monsieur le président, permettez-moi de vous rappeler qu’il y a 45 ans et un jour, un journal appelé The Washington Post a publié un petit article sur un vol commis au bureau central du Parti démocratique à Washington. Ce bureau se situait dans l’immeuble Watergate. Deux ans plus tard, le monde entier a reconnu ce qui s’y était passé et il a aussi reconnu l’importance des lanceurs d’alerte. Voilà ce que le projet de loi vise à protéger.

[Français]

    Merci, monsieur Deltell.
    Madame Damoff, vous pouvez commencer le premier tour. Vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Premièrement, j’aimerais vous remercier tous les trois de votre présence aujourd’hui et du leadership dont vous avez fait preuve en passant par le Sénat pour amener cette importante mesure législative à la Chambre.
    J’ai des questions. Vous avez eu l’avantage d’avoir beaucoup plus de temps que nous pour étudier ce projet de loi au Sénat, manifestement. C’est la première réunion que nous y consacrons. Lorsque je lis la définition de « journaliste », je suis frappée de voir que, de certaines façons, elle est un peu rétrograde. Il est évident que le journalisme change. Nous voyons d’autres types de journalisme, comme les balados sur les médias sociaux et les blogs. Cela étant dit, je reconnais aussi l’importance de définir ce qu’est un journaliste pour veiller à ce que ce terme ne serve pas à dissimuler le crime organisé ou le terrorisme. Il est clair qu’il est difficile de trouver un équilibre.
    Je me demande simplement si vous avez des suggestions de mesures que nous pourrions prendre pour nous permettre d’assurer l’aspect sécurité publique de la question, tout en étant un peu plus avant-gardiste dans notre définition de « journaliste ». Si vous pensez que cette définition couvre tout le concept, je serais aussi heureuse de vous l’entendre dire.

  (1555)  

[Français]

    Je vous remercie de votre question.
    Au départ, la notion de ce qu'est un journaliste était plus large. Des commentaires ont été émis par la Coalition des médias canadiens, mais également par des services de police qui trouvaient que cette définition était trop large. Celle-ci pouvait inclure des blogueurs qui travaillaient gratuitement dans leur sous-sol. Cela posait problème aux policiers relativement à l'application de la loi. Ils ne savaient pas vraiment quand demander un mandat de perquisition. Ils ne pouvaient pas deviner qu'il s'agissait d'un journaliste, même en utilisant des moyens raisonnables pour vérifier cette identité. Des organisations policières ont donc fait des commentaires relativement à l'applicabilité de la loi.
    Par ailleurs, certains médias voulaient s'assurer qu'on allait protéger le journaliste qui gagne sa vie en travaillant pour un média, qui pourrait être un hebdo local ou un média sur le Web, mais avec un certain niveau de professionnalisme. On veut s'assurer que n'importe qui ne puisse pas revendiquer le droit à cette protection. Ils ont donc suggéré une définition de ce qu'est un journaliste. Cette définition, qui a fait consensus, a été reprise par certaines associations, dont le Conseil de presse du Québec, je crois. J'ai appuyé cette revendication.
    J'ai devant moi un passage du texte du jugement de la Cour suprême dans le cas de la cause R. c. National Post. Les juges de la Cour suprême ont établi jusqu'où on peut aller en ce qui a trait à la notion de journaliste.
     Il est aussi écrit ceci:
[...] Conférer une immunité constitutionnelle aux interactions entre un groupe de rédacteurs et d’orateurs aussi hétérogène et mal défini et toute « source » que ces derniers estiment digne d’une promesse de confidentialité, assortie des conditions qu’ils déterminent (ou, comme en l’espèce, modifient par la suite), aurait pour effet de miner considérablement l’application de la loi et d’autres valeurs constitutionnelles, comme le respect de la vie privée. [...]
     Ce passage faisait référence au poids à accorder à la source dans le cas d'un blogueur comparativement à un journaliste professionnel. Même la Cour suprême y voyait un problème. C'est pourquoi j'ai accepté d'apporter les corrections nécessaires au projet de loi.

[Traduction]

    Pour être honnête avec vous, une de mes préoccupations est que nous n’entendrons aucun témoin des forces policières aujourd’hui. Personne n’était libre. Nous ne pouvons pas bénéficier de leur témoignage dans le cadre de cette étude.
    Avez-vous consulté un quelconque des médias ethniques, par exemple, OMNI TV, ou certains des médias qui tendent plus à être non traditionnels, surtout les médias ethniques, qui sont nombreux? OMNI TV fait partie des grands médias, mais il existe un certain nombre de petits journaux.

[Français]

    Nous avons reçu des représentants d'associations de journalistes qui regroupent l'ensemble des journalistes, y compris ceux des médias locaux ou ethniques. Évidemment, il est question ici d'un journaliste qui reçoit une certaine rémunération. Cela peut inclure les journalistes pigistes. Le champ d'application du projet de loi est donc extrêmement large.
    À mon sens, cela n'exclut pas la protection constitutionnelle de base, qui existe aussi en common law, pour les autres situations où il pourrait y avoir des éléments semblables. Le Code criminel tel qu'il serait modifié offrirait donc une protection qui couvrirait très précisément les sources journalistiques, mais n'exclurait pas nécessairement l'aspect de common law pour les autres.

  (1600)  

[Traduction]

    Vous avez mentionné une grande organisation qui représente un certain nombre de journalistes, mais il n’y a pas d’organisation précise qui les représente tous. Nous n’avons pas l’Association du Barreau canadien, par exemple, ou nous n’avons pas…
    Dans ma circonscription, je pense notamment à une femme qui diffuse une émission de télévision indienne en ligne. Elle vend des publicités, alors elle est rémunérée, mais je me demande si certains des petits médias comme celui-là ont participé aux discussions concernant ce projet de loi, plutôt que les grands médias et les journalistes.

[Français]

    L'association de journalistes dont j'oublie le nom est probablement celle qui était la plus représentative du métier de journaliste dans les petits médias locaux ou ethniques. Les représentants de cette association nous ont bien présenté le point de vue des petits médias.

[Traduction]

    Merci.
    Je pense que mon temps est écoulé.

[Français]

    En effet, votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    Madame Gallant.
    Monsieur le président, je partagerai mon temps de parole avec M. Nicholson.
     J’aimerais commencer par féliciter M. Deltell et les sénateurs Carignan et Pratte pour le travail qu’ils ont accompli en vue de protéger l’indépendance et l’impartialité du journalisme au Canada.
    Je suis d’accord avec ce que vous avez dit à la Chambre, monsieur Deltell, c’est-à-dire que l’adoption du projet de loi est une bonne chose pour la démocratie et la liberté de la presse, mais je veux me concentrer sur la liberté de la presse pendant un instant avant de passer aux détails du projet de loi. En tant, vous-même, qu’ancien journaliste, pouvez-vous vous prononcer sur la façon dont le fonds discrétionnaire de 350 millions de dollars que le gouvernement propose influerait sur la liberté de la presse?
    Je pense qu’il y a eu un énorme débat au cours de la dernière campagne électorale, et nous reconnaissons tous que l’ensemble des partis avaient des positions bien définies.
    C’est assez délicat quand on parle de financer Radio-Canada/CBC car, comme nous le savons, il s’agit d’un groupe de presse, et un groupe de presse doit être indépendant de tout pouvoir politique.
    En conséquence, la responsabilité se trouve entre les mains de tous les journalistes, et quand je parle des mains, je parle des doigts, de ceux qui tiennent le crayon, qui affinent la machine, qui écrivent ou disent quelque chose au sujet du gouvernement en place. Il ne faut jamais oublier cela lorsque vous travaillez pour la SRC/CBC — en 20 ans de carrière, j’y ai passé deux ans, et je sais de quoi je parle — vous devez penser aux intérêts des gens, point.
    Nul besoin d’ajouter la moindre intention politique. Cependant, il est clair que lorsqu'on tient un important débat sur le financement de cette institution publique — car il s’agit d’une institution publique —, il revient à chaque journaliste d’être franc, honnête, égal et non partisan.
    J’aimerais parler de l’article 488.02 du Code criminel. Le projet de loi fait allusion aux documents et dispose que:
Tous les documents obtenus conformément à un mandat, une autorisation ou une ordonnance décerné conformément au paragraphe 488.01(3) sont placés dans un paquet scellé par le tribunal…
    Comment les autorités en viennent-elles à acquérir un document en premier lieu? Comment savent-elles qu’un document existe à moins que l’article que le journaliste a rédigé y fasse une allusion précise?
    C’est vraiment une bonne question, madame Gallant. Je vous sais gré de l’avoir posée. Je vais commencer à vous répondre, mais je suis sûr que mon collègue, le sénateur Carignan, sera plus précis que moi.
    Le projet de loi vise à protéger les lanceurs d’alerte, mais à laisser les journalistes faire leur travail. Cela dit, si un policier doit enquêter sur un journaliste, la première chose est que ce doit être la dernière étape de son enquête et la seconde est qu’il doit convaincre un juge, un juge d’une cour supérieure et non un juge de paix, comme nous avons maintenant au Québec. Comme je l’ai dit dans ma présentation, il faut tenir compte du fait que — si nous adoptons le projet de loi — dans 98 % des enquêtes menées par le SPVM, c'est-à-dire le service de police municipale de Montréal, les policiers obtiennent l'autorisation d’un juge de la paix.
    Voilà pourquoi nous avons fait en sorte qu’il soit plus difficile pour un policier d’enquêter sur un journaliste, pour s’assurer, dès le départ, que c’est la dernière étape de son travail et, ensuite, qu’il a reçu l’autorisation d’une cour supérieure.
     C’est mon ébauche de réponse personnelle, mais je suis certain que le sénateur Carignan vous en donnera une plus précise que la mienne.

  (1605)  

     Je m’intéresse aux types de documents qui serviraient à justifier le mandat.

[Français]

    En fait, c'est la définition de « document » qui est inscrite au Code criminel. Je n'ai pas l'article précis, mais c'est défini au Code criminel. On entend par « document » toute preuve ou tout élément de preuve, tout support, informatique ou autre, qui détient une information, et ce document est mis sous scellés. Si c'est en format papier, c'est mis dans un paquet scellé. C'est la même chose si c'est un support informatique. Ce qui compte, c'est que ce soit mis sous scellés, pour que le policier ou les gens qui exécutent le mandat ne puissent pas en prendre connaissance avant d'avoir donné un avis au journaliste ou à l'organe de presse concernés. Ceux-ci pourront alors avertir les personnes qui seront à la recherche d'une information x ou y que leur ordinateur ou leur disque dur contient aussi une multitude d'autres informations qui n'ont rien à voir avec le dossier en cause, mais qui pourraient être considérées comme des informations permettant d'identifier des sources journalistiques.
    Je me suis beaucoup inspiré de ce qui se fait actuellement dans les bureaux d'avocats. Lorsqu'il y a une perquisition dans un bureau d'avocat, les informations sont protégées par le secret professionnel et on prend les mesures nécessaires pour éviter que le secret professionnel ne soit brisé.

[Traduction]

    D’accord. Voilà où je voulais en venir. Comment les autorités obtiennent-elles les documents en premier lieu pour demander la délivrance d’un mandat si elles n’ont pas fait quelque chose qu’elles n’auraient pas dû faire pour savoir qu’un journaliste détenait de l’information?

[Français]

    Pour obtenir le mandat, les policiers doivent avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'un élément de preuve susceptible de prouver une infraction se trouve dans le bureau ou dans l'endroit où on veut perquisitionner. Ce sont là les règles de base.

[Traduction]

    Vous avez 20 secondes.
    Merci beaucoup. C’est très généreux.
    Des voix: Oh, oh!
    L’hon. Rob Nicholson: Merci à ma collègue.
    Je vais vous donner une minute.
    C’est bien.
    Messieurs les sénateurs, merci à vous et au député d’avoir accompli ce travail. Avec la prolifération de l’information de nos jours, il est de plus en plus crucial d’adopter une mesure comme celle-là.
    Sénateur Carignan, vous avez dit que le projet de loi était très précis en ce qui concerne la protection des journalistes et de leurs sources, mais vous avez affirmé qu’ils bénéficient toujours d’une protection sous le régime de la common law. Il ne s’agit pas de la seule protection. Donnez-moi des exemples de cette protection susceptible d'exister, mais dont il n’est pas question dans le projet de loi.

[Français]

    La protection des journalistes qui est reconnue actuellement est issue de la common law. Nous avons repris certains de ces critères dans ce projet de loi, cependant nous avons augmenté les niveaux de protection actuels, notamment en prévoyant une procédure extrêmement précise pour l'obtention et la divulgation d'informations.
    Nous avons aussi prévu un renversement du fardeau de la preuve. Il revient donc au policier qui juge qu'il y a un élément susceptible de l'aider dans une enquête de démontrer qu'il n'a pas d'autre moyen d'obtenir ce renseignement ou ce document que d'aller perquisitionner chez le journaliste ou au bureau du média qui le concerne.
    Même s'il y a une certaine protection actuellement qui vient de l'ensemble des décisions de la Cour suprême, le projet de loi définit très clairement le cadre de protection pour le journaliste. Cela n'exclut pas, évidemment, la protection pour les autres qui ne sont pas couverts expressément par la définition. Dans ce cas, ce sont les jugements de la Cour qui pourront définir cette notion de façon plus précise.

  (1610)  

    Merci.
    Monsieur Dubé, vous disposez de huit minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs les sénateurs, monsieur Deltell, merci d'être ici.
    C'est rare que je fais cela quand nous avons des témoins, mais vous allez me laisser un petit instant pour éditorialiser un peu, ce qui serait peut-être à propos, étant donné la nature de la conversation.
    J'entends parler du fait que, à cause d'un contretemps, nous n'avons pas pu entendre de témoins de la police. Je pense que c'est un point intéressant. En effet, depuis trop longtemps au Canada, le balancier penche beaucoup trop vers le pouvoir policier dans les dossiers des journalistes, et je pense que c'est pour cela qu'on voit des dérapages. Contrairement à ce qu'on prétend, ces dérapages n'ont pas lieu seulement à Montréal ou ailleurs au Québec. On a des cas avec la GRC également. M. Bellavance, de La Presse, peut en témoigner, entre autres.

[Traduction]

    L’autre point qui, selon moi, vaut la peine d’être soulevé est qu’on a publié aujourd'hui un article dans lequel il était écrit que le Canada avait encore baissé de quatre places au classement mondial de la liberté de la presse, passant au 22e rang, après être tombé de 10 places l’an dernier, ce qui est très édifiant. Étant donné que les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà adopté ce type de loi de protection des journalistes il y a de nombreuses années, je veux dire officiellement que j’estime que nous devons en faire autant dès que possible.

[Français]

    Cela étant dit, j'ai quelques questions qui s'adressent surtout à vous, messieurs les sénateurs, puisque vous avez déjà entendu les témoins au Sénat concernant certaines dispositions du projet de loi.
    Monsieur Carignan, vous avez parlé un peu du cas d'un journaliste qui ferait l'objet d'une enquête dans une affaire qui n'est pas nécessairement liée à l'identification de la source. Selon ce que vous avez entendu, par exemple, de l'Association canadienne des chefs de police, considérez-vous que le projet de loi, dans sa forme actuelle, donne suffisamment de flexibilité? En fait, il faut s'assurer qu'on ne crée pas une échappatoire qui permettrait de dire qu'on enquête sur le journaliste pour une tout autre cause, qu'il s'agisse d'une affaire de fraude ou de n'importe quoi d'autre, alors qu'on se sert de ce genre d'enquête pour découvrir une source par la bande, si vous me permettez l'expression.
    Le projet de loi, dans sa forme actuelle et en ce qui concerne cet aspect, est-il considéré comme adéquat par les corps policiers ou par les autres intervenants que vous avez entendus?
    Oui, certainement. Nous avons d'ailleurs tenu compte des mémoires fournis par les services de police et les organisations qui ont témoigné. Leurs préoccupations portaient surtout sur l'applicabilité de la définition de « journaliste ». Nous nous sommes donc fondés sur les commentaires obtenus des corps de police et de la Coalition des médias canadiens pour arriver à un consensus sur une définition assez précise du terme qui permettrait aux policiers de savoir dans quelles circonstances ils doivent obtenir un mandat d'un juge de la Cour supérieure conformément aux dispositions que nous avons devant nous.
    Y a-t-il des situations où le policier pourrait, de façon raisonnable, affirmer de toute bonne foi ne pas savoir qu'il était en présence d'un journaliste? Oui, c'est possible. Je pense, par exemple, à la situation où un policier, malgré des moyens raisonnables de le vérifier, ne saurait pas qu'il est en présence d'un journaliste, obtiendrait un mandat de perquisition et, par conséquent, ne suivrait pas la procédure. Quelles en seraient les conséquences? C'est un cas où des amendements permettraient d'apporter des précisions.
    Vous avez sûrement déjà eu affaire à des policiers dans votre vie. Cela est vrai pour moi, en tout cas. Normalement, ils ont une bonne idée de ce que vous faites, avant d'entrer chez vous et de vous rencontrer.
    Je ne veux pas vous bousculer, mais je dispose d'un temps de parole limité. Je n'ai droit qu'à un seul tour.
    Je voulais aussi examiner l'article 2. Il propose d'ajouter le paragraphe 39.1(2), ce que nous appelons la disposition de dérogation:
(2) Le présent article s'applique malgré les autres dispositions de la présente loi et toute autre loi fédérale.
    En fait, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur l'importance de cet article. Lorsque se produit un acte terroriste, une forme de violence ou une crise quelconque dans un pays, peu importe lequel, on peut constater une volonté de resserrer la sécurité. Je suis un peu partial, mais c'est du moins ce que j'ai constaté au cours du débat au sujet du projet de loi C-51. L'exemple de la crise d'octobre, au Québec, me vient aussi en tête.
    Considérez-vous que cette disposition est importante pour nous assurer que, dans des circonstances comme celles-là, on ne pourra pas commencer à brimer la liberté de la presse sous prétexte d'assurer la sécurité nationale?
    J'aimerais entendre l'opinion de tous là-dessus, si cela est possible.

  (1615)  

    Je vais vous répondre rapidement.
    Bien sûr.
    Oui, si je l'ai inscrite, c'est parce que je considère que la disposition est importante. Est-elle essentielle? Peut-elle avoir des effets non prévus? Peut-être. L'idée est de montrer l'importance de protéger les sources journalistiques et de prendre en compte cet élément de façon très précise.
    Par contre, la règle d'interprétation établit que les dispositions particulières l'emportent sur les dispositions générales. Cela peut-il suffire? Peut-être aussi. Cependant, ce projet de loi vise à envoyer un signal fort quant à la protection des sources.
    Je dirais la même chose à ce sujet. Je pense que nous avons devant nous une première étape extrêmement importante. On dit souvent que le mieux est l'ennemi du bien, alors je pense qu'il faut regarder ce qui est possible d'atteindre aujourd'hui sans nécessairement viser la perfection. Il faut également penser aux effets pervers de ce que nous voulons atteindre.
    Personnellement, je pense que nous avons déjà franchi des étapes extrêmement importantes dans ce projet de loi. Je ne voudrais pas qu'on échappe cela en prenant une attitude qui veut tout préserver à tout prix.
    Je vous citerai deux cas.
    Tout d'abord, je vous rappelle que Patrick Lagacé a dit, il y a quelques semaines, que « dans certaines situations, ça peut être justifiable d'espionner un journaliste et de le mettre sous écoute ». C'est pour vous dire que c'est une question de gros bon sens.
    En tant qu'ancien journaliste, j'ai toujours donné l'exemple suivant: si, le 5 juin 1944, j'avais appris qu'il allait se passer quelque chose le lendemain en Normandie, je ne l'aurais jamais publié, pour une question de gros bon sens.
    Merci.
    Monsieur Pratte, j'aimerais saisir la balle au bond et revenir sur les commentaires que vous avez faits. Je ne sais pas si vos collègues partagent cette opinion, mais comme vous l'avez dit, il s'agit d'une première étape. C'est sûr qu'il y a encore énormément de travail à faire pour étoffer le projet de loi afin de s'assurer qu'on permet aux journalistes de faire leur travail.
    Est-ce que c'est une constatation que vous trouvez juste?
    Vous parlez du fait que ce soit une première étape et qu'il en reste beaucoup à faire?
    Oui.
    Il n'y a aucun doute là-dessus.
    Cependant, il va falloir expérimenter la loi pour voir comment elle fonctionne. Il y a énormément de balises qui sont installées, et les juges vont devoir interpréter ces balises. Je pense néanmoins que ces balises sont extrêmement solides et que, dans toutes les situations imaginables quelles qu'elles soient, ces balises devraient tenir le coup.
    Il me reste peu de temps et j'aimerais faire un dernier commentaire.
    Allez-y.
    Comparativement à l'exemple des États-Unis ou à celui du Royaume-Uni, nous avons quand même du retard à rattraper en ce qui concerne les lois pour la protection des sources journalistiques.
    C'est évident.
    Selon moi, et je vais reprendre l'expression de quelqu'un d'autre, nous sommes les cancres en matière de protection des sources journalistiques. J'estime que ce projet de loi va nous amener dans le peloton de tête. Il ne faut pas oublier que nous avons la Constitution; nous sommes dans l'application des paramètres de ce droit constitutionnel également.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Je dois environ huit minutes et demie aux libéraux. Je crois comprendre que vous allez partager votre temps, monsieur Spengemann et monsieur Di Iorio, alors vous aurez quatre minutes et 15 secondes chacun.
    C’est très gentil. Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les trois d’avoir été les maîtres d’oeuvre de ce projet de loi et de nous l’avoir présenté. C’est un sujet très important.
    Sénateur Carignan, vous avez dit avec éloquence que le journalisme est un pilier de notre démocratie. C’est une institution qui fait partie intégrante de la démocratie canadienne, mais pas sans difficulté. C’est un sujet complexe. Il concerne autant le projet de loi à l’étude que les aspects financiers de la profession, les difficultés financières, les changements structurels et la relation d’emploi à laquelle les journalistes font face aujourd’hui. Le milieu médiatique se transforme avec la quantité d’informations qui nous arrive maintenant par l'intermédiaire des médias sociaux.
    Je veux aussi vous faire remarquer qu’il y a aussi la perspective que des gens se servent du journalisme pour nous causer du tort. En plus du présent comité, je siège aussi au comité de la défense, et le paradigme des fausses nouvelles et des fausses déclarations intentionnelles par l’intermédiaire des médias est quelque chose que nous devons prendre très au sérieux. Comme ma collègue Pam Damoff, je trouve préoccupant que nous n’ayons aucun représentant des forces policières avec nous cet après-midi, même si nous avons un mémoire écrit.
    Le sujet est complexe. En plus de viser à faire adopter rapidement ce projet de loi, le Comité doit aussi tenir compte des divers aspects et facettes de cette importante mesure législative.
    Sénateur Pratte, j’aimerais vous demander de donner au Comité, ainsi qu'aux Canadiens, votre aperçu de la profession telle qu’elle existe en 2017, et comment vous la voyez évoluer à court terme, disons, sur les cinq prochaines années. En quoi consiste le journalisme de nos jours? De quoi le Comité doit-il tenir compte lorsqu’il discute d’un projet de loi comme celui-ci, même s’il est possible que ce ne soit que la première étape, comme mon collègue vient de le faire remarquer?

  (1620)  

     En 30 secondes, oui...
    Eh bien, vous avez deux minutes.
    C'est une situation difficile parce qu'il n'y a pas de modèle d'affaires évident pour le journalisme, mais en même temps, je pense que cela comporte un aspect positif, car si vous examinez ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis, il est évident que les gens ont soif de nouvelles de qualité. Il s'agit de trouver le bon modèle d'affaires. C'est ce qu'on peut constater aux États-Unis. Les journaux de qualité se portent très bien à l'heure actuelle. The New York Times et le The Washington Post trouvent des moyens de renflouer leur déficit. C'est là une bonne nouvelle, mais ce sont des exceptions en ce moment. Il faut déterminer comment s'y prendre pour ramener la publicité vers les journaux ou les médias d'information conventionnels, ce qui n'est pas facile. J'ai travaillé pendant 30 ans pour La Presse, qui représente aujourd'hui l'une des plateformes d'actualité les plus innovatrices au monde et, pourtant, le journal est en difficulté.
    Permettez-moi d'ajouter une observation sur les forces policières. Au comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi S-231, nous avons mis à l'essai cette définition de « journaliste », et les témoins ont convenu que cette définition atténuait leurs préoccupations. Ils en étaient satisfaits. Je crois qu'il est important de le préciser.
    Dans la minute qu'il me reste, je pourrais peut-être vous interroger plus particulièrement au sujet de l'éventualité qu'une personne se serve du journalisme et de tous ses aspects salutaires pour nous causer du tort, en diffusant délibérément de fausses nouvelles à partir ou au moyen de canaux étrangers ou même nationaux, selon le cas. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'une forme de terrorisme, mais on aurait affaire tout simplement à des renseignements faux et trompeurs sur des événements internationaux ou nationaux. Comment votre projet de loi offre-t-il une protection contre une telle éventualité? Du point de vue de notre analyse, quel genre de questions devrions-nous poser?
    Je ne suis pas certain que le projet de loi offre une protection contre une telle éventualité, mais je ne saurais dire non plus si le projet de loi a un lien quelconque avec ce genre de situation. Une chose est sûre: le projet de loi prévoit que le journalisme doit être l'occupation principale de la personne, moyennant rétribution. Quelqu'un qui n'est pas un vrai journaliste professionnel ne sera pas protégé par le projet de loi.
    Monsieur le président, j'implore votre indulgence. Si, par exemple, un gouvernement étranger embauche un journaliste, au sens où nous l'entendons, pour diffuser de faux renseignements, y a-t-il des mesures de protection que nous devrions mettre en place?
    Tout d'abord, le projet de loi vise à protéger le lanceur d'alerte, c'est-à-dire la source du journaliste, et non pas le journaliste lui-même. Nous définissons le terme « journaliste » de façon très claire, sachant que, dans certains cas, il ne s'agit pas d'un vrai journaliste. Il y a trois points. Au bout du compte, un juge d'une cour supérieure décidera si cet individu est un journaliste et, dans la négative, si nous pouvons faire des enquêtes sur lui, à juste titre. Je vous rappelle que tous les journalistes sont des êtres humains. Ils ne se situent pas au-dessus des lois. Ils doivent respecter la loi dans le cadre de leurs activités, mais d'abord et avant tout, nous devons protéger le lanceur d'alerte.
    Merci.

[Français]

    Messieurs, je vous remercie.
    Ma première question s'adresse au sénateur Carignan.
    À une autre époque, quand j'étais votre professeur de droit, c'est vous qui me posiez des questions. Aujourd'hui, c'est moi qui vais vous en poser.

  (1625)  

    Il faut croire que j'ai réussi le cours.
    Je vous en posais seulement le jour de l'examen.
    Chacun d'entre vous a fait référence à la situation de M. Patrick Lagacé et d'autres journalistes. Ils étaient effectivement nombreux. Vous avez décrit la situation. Présentement, il y a une enquête menée par le juge Chamberland, de la Cour d'appel du Québec, qui procède avec diligence. Nous pouvons espérer voir le rapport dans un avenir raisonnable.
    Comment justifier le fait qu'on adopterait ce projet de loi avant d'avoir pris connaissance des faits qui ont déclenché la présentation du projet de loi?
    Tout d'abord, c'est un cumul de faits qui a déclenché la présentation du projet de loi. Il y avait aussi des faits liés à l'espionnage de Joël-Denis Bellavance qui n'avaient rien à voir avec la Commission Chamberland.
    Je ne me souviens plus si c'est vous qui me l'avez enseigné, mais je vous rappelle également l'arrêt de la Cour suprême dans la cause Keable, en 1978, sur le pouvoir de la province de créer une commission d'enquête qui touche une compétence fédérale. Clairement, ici, nous sommes devant un cas de compétence fédérale. Malgré tout le respect que j'ai pour la Commission Chamberland, elle n'a pas le pouvoir d'agir dans un domaine de compétence fédérale. C'est donc à nous, au Parlement fédéral, d'agir dans le cadre de notre code constitutionnel, de notre compétence relativement au Code criminel. Ces gens pourront agir...
    Oui, mais ne serait-il pas utile et intéressant pour nous de savoir ce qui s'est passé?
    Nous apprenons quand même par les médias ce qui s'est passé. Cependant, au-delà de ce qui s'est passé, et même s'il ne s'était rien passé, il demeure que nous devons protéger les sources journalistiques et avoir un mécanisme pour protéger ces sources. La preuve est que des cas se sont rendus à la Cour suprême, que ce soit le dossier du The Globe and Mail ou le dossier du National Post où des journalistes ont été espionnés dans le but qu'on obtienne une information sur une source. On a essayé de les forcer à divulguer une source.
    Donc, si des jugements se sont rendus à la Cour suprême, c'est que le problème existe, nonobstant ce qui se passe à la Commission Chamberland. L'idée, pour nous, est d'avoir un mécanisme...
    Les travaux menés par le juge Chamberland sont quand même majeurs.
    Oui, ce sont des travaux majeurs, mais au bout du compte, ceux-ci permettront de donner aux policiers des directives sur la façon d'appliquer les lois provinciales. Le projet de loi S-231, pour sa part, porte sur le Code criminel, sur l'obtention d'un mandat de perquisition et sur l'administration de la preuve au Canada.
    Vous parlez de la compétence provinciale, où on applique le droit civil, ou encore la common law dans les provinces de common law, et de la compétence fédérale, qui repose sur le droit criminel. Y aurait-il lieu aussi d'harmoniser la protection au sens du droit civil ou de la common law avec la protection au sens du droit criminel?
    J'ai suivi les travaux de la Commission Chamberland à plusieurs reprises et on y a fait référence au projet de loi qui est devant nous. Je pense que si le Parlement adopte ce projet de loi, la Commission Chamberland en prendra sûrement acte et s'assura, dans le cadre de ses travaux qui touchent la compétence provinciale, de faire les changements nécessaires ou d'établir les directives en conséquence.
    Quelle serait la conséquence d'attendre le rapport de la Commission Chamberland avant de finaliser le projet de loi?
    Cela prendra au minimum six mois. Pendant ce temps, il y a des sources qui ne parlent pas ou peut-être même des sources qui décéderont. Des gens détiennent de l'information qui est d'intérêt public, mais, dans les circonstances actuelles, ils se taisent. Comme les médias en ont témoigné en novembre, la divulgation du cas Lagacé a amené des sources à se taire et à craindre pour leur sécurité.
    Donc, la conséquence serait la prolongation de ce gel ou de ce tarissement des sources. Ce sont des effets qui existent, que nous ne pouvons pas nécessairement mesurer, mais qui sont présents.
    Vous savez...

[Traduction]

    Je regrette, mais je vais devoir vous interrompre.
    J'aimerais faire une dernière observation très brièvement, en une seule phrase.

[Français]

    L'un n'empêche pas l'autre.
    On se félicite de voir que le gouvernement provincial a pris cette initiative, mais on doit aussi se féliciter de savoir que, à la Chambre haute, une initiative a été prise, qu'elle a reçu l'appui et le concours de tout le monde, qu'elle a été adoptée à l'unanimité et qu'elle a même obtenu le soutien du ministère de la Justice, des forces policières et des organisations journalistiques. C'est inédit.
    L'un n'empêche pas l'autre. Doit-on se payer le luxe d'attendre six mois alors que, pendant ce temps, les gens vont se taire? Non.

[Traduction]

    Comme l'autre côté a eu droit à pas mal plus de temps, monsieur Nicholson, j'aimerais vous accorder quelques minutes de plus, si vous voulez. Ensuite, nous mettrons fin à cette partie de la séance.
    Je crois que je vais réserver mes questions pour le prochain groupe. Merci.
    D'accord. Très bien.
     Merci à nos témoins. C'était très intéressant. Je crois que nous en aurions encore long à dire.
    Je sais que les députés attendent la tenue d'un vote. La Chambre est saisie d'une motion d'adoption qui sera débattue pendant un certain temps; c'est pourquoi le timbre n'a pas sonné pour le vote. Voilà un heureux hasard puisque M. Henheffer vient de quitter l'aéroport et il est en route. Le moment est bien choisi pour passer à notre deuxième groupe de témoins.
    Je propose que nous prenions une pause de cinq minutes. M. Henheffer arrivera d'ici là, et nous pourrons alors entamer nos discussions avec le deuxième groupe. Merci.

  (1625)  


  (1640)  

    Je vais commencer par remercier nos témoins de la Coalition des médias canadiens et de Journalistes canadiens pour la liberté d'expression. Nous pourrons passer jusqu'à une heure avec ce groupe, si cela vous convient. Je crois que les députés ont beaucoup de questions à poser.
    Nous avons convenu d'accorder cinq minutes à chacune des deux organisations. Je ferai preuve d'un peu de souplesse.
    Nous allons d'abord entendre la Coalition des médias.
    Je m'appelle Jennifer McGuire, et je suis directrice générale et rédactrice en chef de CBC News. Je tiens à vous remercier tous de me donner l'occasion de parler, encore une fois, de ce sujet important.
    J'aimerais souligner d'entrée de jeu que le projet de loi S-231 est, pour nous, de la plus haute importance. Je peux dire, au nom de notre coalition d'organisations médiatiques, que l'adoption et la mise en oeuvre rapides du projet de loi S-231 rendraient un grand service au pays.
    Pourquoi dis-je cela? Parce que le journalisme d'enquête est un élément essentiel d'une saine démocratie. Cela permet de faire la lumière sur des enjeux qui comptent, qu'il s'agisse des agressions sexuelles sur les campus canadiens, des paradis fiscaux douteux à l'étranger ou des pratiques immobilières contraires à l'éthique — le genre d'histoires qui amènent les législateurs à améliorer les politiques publiques.
     Ce type de journalisme dépend souvent des gens qui sont assez courageux pour raconter leur vécu et révéler des histoires qui, autrement, resteraient plongées dans le silence: des sources et, plus particulièrement, des sources confidentielles. Le journalisme d'enquête dépend aussi de la capacité des journalistes de protéger ces sources. Aujourd'hui, au Canada, cette capacité est compromise parce qu'il est trop facile pour les policiers d'obtenir un mandat leur permettant de mener des missions de surveillance sur des journalistes.
    L'année dernière, nous avons appris que certains des meilleurs journalistes d'enquête de Radio-Canada étaient espionnés par la Sûreté du Québec. Leurs registres d'appels ont fait l'objet d'une surveillance, et ce, sur une période de cinq ans; on a également suivi les déplacements de certains des journalistes. Il s'agit là d'une atteinte aux libertés individuelles, et tout cela parce que la Sûreté voulait découvrir leurs sources.
    L'espionnage de ces journalistes par les autorités est déjà déplorable, mais il faut aussi penser à l'impact de cette révélation sur leur capacité de faire leur travail. Dans ces conditions, quelle source confidentielle acceptera de divulguer de l'information si le journaliste ne peut pas assurer sa protection? Quel lanceur d'alerte décidera de se taire pour ne pas risquer d'être happé dans une enquête policière? Nous ne saurons jamais combien d'actes répréhensibles sont passés sous le radar et combien d'affaires ont été étouffées parce que des sources confidentielles ont eu peur de parler.
    À l'heure actuelle, les critères d'émission de mandats pour effectuer ce type de surveillance sont loin d'être assez exigeants. D'ailleurs, les témoignages frappants des dernières semaines à la Commission Chamberland, au Québec, ont montré que même des insinuations sexuelles non fondées peuvent suffire.
     En effet, jeudi dernier, Marie-Maude Denis de Radio-Canada a dévoilé que pour pouvoir l'espionner, les policiers avaient évoqué une relation intime qu'elle aurait eue avec un autre agent de police, ciblé par l'enquête. Je tiens à souligner que cette allégation était totalement fausse et qu'elle n'était fondée sur aucune information crédible. Il est scandaleux qu'un policier ait pu l'utiliser devant un juge de paix. Bien franchement, je suis découragée que ce dernier ait trouvé cela suffisant.
    Dans cette histoire, on suggère clairement qu'une femme journaliste respectée utilise la séduction pour obtenir de l'information. Inutile de chercher plus loin la preuve que les critères pour obtenir un mandat doivent être resserrés.
    Je tiens à préciser que nous sommes conscients qu'il doit y avoir des exceptions. Lorsqu'un journaliste est légitimement soupçonné d'avoir commis un crime, la police a toutes les raisons du monde de suivre ses allées et venues. Si on peut attester qu'il n'existe aucun lien entre l'enquête et les activités professionnelles du journaliste, alors celui-ci ne devrait pas pouvoir invoquer sa profession pour se soustraire au travail des policiers, mais dès que la nature d'une enquête met en cause la pratique journalistique, tous les dispositifs de protection prévus dans le projet de loi S-231 devraient s'appliquer. La décision relève alors d'un juge de la Cour supérieure.
    Merci de votre attention. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Michel Cormier.

  (1645)  

[Français]

    Je suis Michel Cormier, directeur général de l'information des Services français de Radio-Canada. Je suis le patron de Marie-Maude Denis et des autres journalistes de Radio-Canada qui ont été surveillés électroniquement par la Sûreté du Québec.
    Radio-Canada et la Coalition des médias canadiens se réjouissent du soutien qu'accorde le gouvernement à ce projet de loi piloté par le sénateur Carignan.
    Les sources confidentielles, dont la protection est au coeur du présent projet de loi, sont essentielles au journalisme d'enquête. Personne ne conteste ce fait reconnu depuis plusieurs années par la Cour suprême du Canada. Cependant, les derniers mois nous ont démontré que le système policier et judiciaire actuellement en place n'est pas en mesure de protéger adéquatement les sources journalistiques.
    Depuis quelques semaines, les auditions de la Commission Chamberland nous ont donné l'occasion d'entendre ce qui a motivé les policiers à obtenir les registres téléphoniques de journalistes, notamment trois des plus éminents journalistes d'enquête de Radio-Canada. Leurs motifs étaient insuffisants et leurs démarches étaient vouées à l'échec.
    Devant la Commission, le témoignage de certains policiers impliqués dans la surveillance des journalistes a démontré, quant à nous, l'abus dont ont été l'objet les journalistes et leurs sources. Il a été reconnu que l'ordonnance émise par un juge de paix magistrat pour avoir accès à cinq ans d'appels entrants et sortants des téléphones des journalistes, ainsi que, dans deux des cas, à leur localisation physique lors des appels, ne démontrait rien quant au crime faisant l'objet de l'enquête, à savoir une possible divulgation d'écoute électronique. Pourtant, cela mettait grandement en péril l'identité des sources des journalistes.
    Il s'agissait, selon nous, d'une évidence depuis le début. Comme l'ont reconnu plusieurs policiers qui ont témoigné à la Commission, beaucoup trop de gens avaient eu accès à l'écoute électronique, et on ne pouvait rien démontrer par de simples contacts téléphoniques entre des policiers et des journalistes. Alors, pourquoi avoir demandé accès à cinq ans de registres? Ces questions auraient pu être posées par le juge de paix magistrat, en fait elles auraient dû être posées par celui-ci, mais force est de constater que cela n'a pas été fait, puisque les ordonnances ont été émises sans autre formalité.
    Je vous invite à réfléchir quelques secondes à ce que cela signifie. Ces policiers ont obtenu des registres pouvant révéler l'identité de sources confidentielles, alors que tous pouvaient réaliser dès le départ que ces registres ne serviraient absolument à rien. La violation de la confidentialité des sources des journalistes à coup d'ordonnances judiciaires était non seulement totalement inutile, mais grave et abusive.
    Les policiers savaient ou devaient connaître ce fait avant de solliciter la première des ordonnances, mais le système a complètement failli à les arrêter.
    Selon l'organisme Reporters sans frontières, comme l'a bien souligné le député, le Canada se classe cette année en dehors des 20 premiers pays pour ce qui est de la défense de la liberté de la presse. Plusieurs autres démocraties et même des États américains disposent d'une loi sur la protection des sources journalistiques.
    Il faut adopter le projet de loi pour changer les choses, pour permettre que la protection des sources confidentielles soit prise en compte et que plus jamais un corps policier au Canada ne soit autorisé à espionner des journalistes sans égard à leurs sources et au rôle crucial qu'elles jouent en démocratie.
    La Coalition tient cependant à souligner qu'un des amendements proposés ouvre une brèche dans la protection des sources confidentielles. Le nouveau paragraphe 488.01(4.1) proposé soustrait du champ d'application de la loi toute demande d'ordonnance dès qu'il est allégué qu'une infraction a été commise par un journaliste. Si cet amendement est adopté, il suffira qu'un enquêteur prétende qu'il soupçonne le journaliste d'avoir agi comme complice d'un sonneur d'alerte pour que l'ensemble des protections prévues dans le projet de loi S-231 soient totalement évacuées et que l'identité des sources soit dévoilée.
    Cette brèche encouragera des allégations non justifiées contre les journalistes, alors que, par le passé, aucune des enquêtes impliquant des journalistes n'a mené à des accusations contre eux.
    Notre proposition offre une solution que nous croyons équitable à ce problème. Elle veille à ce que, quand il s'agit de travail journalistique, le juge applique le test prévu dans le projet de loi S-231 avant d'autoriser le mandat, tout en excluant de ce régime particulier les enquêtes pour des crimes de droit commun.
    Nous sommes très satisfaits du projet de loi, non seulement pour mettre un terme aux abus et redonner confiance aux sources journalistiques dans le système, mais pour permettre au Canada de faire partie du club qui protège légalement tous ces gens courageux qui dénoncent des situations inacceptables et dont les gestes contribuent à une société plus libre et démocratique. Cela dit, nous vous demandons de porter une attention particulière aux suggestions détaillées dans notre factum.
    Merci.

  (1650)  

    Merci, monsieur Cormier.
    Nous allons continuer avec M. Henheffer.

[Traduction]

    Veuillez excuser mon retard. Je crois que nous avons tous vécu ce genre d'expérience avec Porter Airlines. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous .
    Je vous parle aujourd'hui en ma qualité de directeur exécutif de Journalistes canadiens pour la liberté d'expression, ou CJFE, une organisation non gouvernementale à but non lucratif qui vise à promouvoir et à protéger la liberté de la presse et la liberté d'expression dans le monde entier. Nous aimerions utiliser notre temps aujourd'hui pour discuter de l'importance d'adopter le projet de loi immédiatement, dire un mot sur les définitions incluses dans le projet de loi et aborder les modifications proposées par le gouvernement.
    Notre organisation appuie fermement le projet de loi S-231, la loi sur la protection des sources journalistiques. S'il est adopté aujourd'hui dans sa forme actuelle, le projet de loi S-231 sera la première loi-bouclier journalistique du pays, ce qui nous rapprochera de la conformité aux normes internationales en matière de protection des sources. Il s'agit d'une mesure législative dont nous avons grandement besoin, et son entrée en vigueur marquerait un pas important pour la liberté de la presse au Canada.
    Comme l'ont démontré les récents événements survenus au Québec et ailleurs au Canada, les journalistes sont susceptibles d'être traités de façon arbitraire et sommaire en ce qui concerne les mandats de perquisition et les ordonnances de communication quand il est question de sources confidentielles. Le projet de loi S-231 a été présenté pour la première en novembre dernier, à la suite de révélations consternantes selon lesquelles la police avait obtenu des mandats pour épier le téléphone de Patrick Lagacé, un journaliste de La Presse, et pour surveiller les appels téléphoniques de plusieurs autres journalistes.
    Le Canada a besoin de ce projet de loi, et ce, plus que jamais. Outre les cas d'espionnage par la Sûreté du Québec, pas moins de quatre journalistes canadiens ont été arrêtés au cours de la dernière année. Ben Makuch, de VICE News, continue de lutter contre une décision judiciaire l'obligeant à remettre à la GRC ses communications avec une source. Justin Brake, de l'Independent, risque jusqu'à 10 ans de prison pour avoir fait un reportage sur une manifestation. Cori Marshall, une journaliste pigiste de Montréal, a été faussement accusée de séquestration pour avoir simplement couvert une manifestation à l'intérieur d'un édifice gouvernemental, mais ces accusations ont été retirées, en grande partie, grâce à l'intervention de notre organisation. Le photographe David Ritchie et le vidéaste de Global News, Jeremy Cohn, ont été arrêtés par le service de police de Hamilton pour leur couverture d'une collision avec une piétonne. On vient d'apprendre aujourd'hui dans les nouvelles que David Ritchie a été renvoyé, mais il devra quand même comparaître devant le tribunal le 20 juillet prochain au sujet de ces accusations.
    Le Canada a perdu quatre places dans le classement mondial de la liberté de la presse de cette année, selon Reporters sans frontières. Au cours des dernières années, nous sommes passés du 10e au 22e rang mondial, en partie, parce que les journalistes du pays ne sont pas actuellement protégés par une loi-bouclier.
    Malgré nos suggestions en vue d'améliorer le projet de loi — j'y reviendrai dans un instant —, nous croyons qu'il s'agit d'une mesure législative importante et nécessaire, et nous tenons à bien faire comprendre aux membres du Comité l'importance de cette adoption rapide. Soyons clairs: le Canada a besoin que cette mesure législative entre en vigueur aujourd'hui. Toutefois, l'adoption du projet de loi, dans sa forme actuelle, n'est qu'un premier pas pour régler les nombreux problèmes auxquels font face aujourd'hui les journalistes au Canada. C'est parce que bon nombre des définitions sont encore trop restrictives. D'autres réformes s'imposeront à l'avenir pour que ces protections tiennent compte de la réalité du paysage médiatique moderne du Canada, mais nous ne croyons pas que cela doive empêcher l'adoption du projet de loi au cours de cette session.
    Par exemple, le projet de loi prévoit une définition étroite de ceux qui sont légalement considérés comme des journalistes. Nous proposons que la définition soit ultérieurement élargie afin de tenir compte de l'émergence de nouvelles formes de journalisme, comme les blogueurs, et d'inclure les nombreux journalistes qui ne déclarent pas ce métier comme leur occupation principale: par exemple, les journalistes étudiants et les pigistes. Ils méritent, eux aussi, d'être protégés en vertu de cette loi.
    Nous appuyons l'amendement proposé par Matthew Dubé afin d'élargir la définition comme suit:
Personne qui contribue directement, soit régulièrement ou occasionnellement, à la collecte, à la rédaction ou à la production d'informations en vue de leur diffusion dans la presse quel qu'en soit le support, notamment la presse écrite, dont les journaux et les magazines, et la presse électronique, dont la télévision, la radio et la diffusion en ligne, ou quiconque assiste cette personne à cet égard.
    Nous observons des problèmes similaires dans la définition actuelle de source journalistique, et je cite:
Source qui transmet confidentiellement de l’information à un journaliste avec son engagement, en contrepartie, de ne pas divulguer l’identité de la source, dont l’anonymat est essentiel aux rapports entre le journaliste et la source.
    Les lacunes de cette définition sont démontrées de façon éclatante dans l'affaire en cours de Ben Makuch, de VICE News. Makuch cherche à faire appel, devant la Cour suprême, d'une ordonnance judiciaire l'obligeant à remettre à la GRC ses communications avec sa source. L'ordonnance rendue contre Makuch établit un précédent qui risque d'avoir des effets dévastateurs et qui est lourd de conséquences pour la liberté de la presse et l'intégrité du journalisme au Canada. En dépit de notre appui sans réserve au projet de loi S-231, il faut dire que cette mesure législative ne fournira aucune protection dans le contexte de Ben Makuch parce que, même si sa source a refusé de divulguer son identité, cette personne ne correspondait pas à la définition stricte de source confidentielle, au sens du projet de loi. Ainsi, un jeune journaliste canadien pourrait bientôt se retrouver derrière les barreaux pour avoir simplement fait son travail.
    De toute évidence, cela démontre qu'il faut renforcer les protections juridiques. Je le répète, nous croyons que ce problème pourra être réglé plus tard au moyen d'une mesure législative, mais cela ne devrait pas empêcher l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Exiger un engagement de confidentialité est problématique, car les sources, de par leur nature, sont confidentielles. Les journalistes et leurs éditeurs ont le droit de décider quelles parties d'une entrevue sera publiées, peu importe si l'entrevue a été menée avec une source confidentielle ou non.

  (1655)  

    Pour nous, une « source journalistique » désigne n'importe quelle source qui fournit des renseignements à un journaliste. C'est une définition plus large que celle qui est dans le projet de loi actuel, et cela s'explique de deux façons. Tout d'abord, étant donné qu'un tribunal ou qu'un service de police ne peut pas savoir d'avance si une source est bel et bien « confidentielle », cet élément ne devrait par être utilisé comme condition pour cautionner une attention particulière. En deuxième lieu, comme on a pu le voir dans l'affaire Makuch, les renseignements probants concernant n'importe quelle source — qu'elle soit conforme ou pas à la définition stricte d'une source confidentielle — ont un effet dissuasif. Bien que cette modification ne fait peut-être pas partie des aspects particuliers dont traite le présent projet de loi, la protection des sources qui ne sont pas anonymes devra faire partie des discussions à venir et elle devra être intégrée aux mesures qui seront mises de l'avant pour protéger la liberté de la presse au Canada.
    Le gouvernement propose d'amender le libellé du sous-alinéa 39.1(8)b)(i) proposé en remplaçant le mot « essentiel » par le mot « important ». Nous sommes d'avis que cet amendement minera le principe du projet de loi et qu'il créera une rupture d'avec les protections existantes. La jurisprudence actuelle indique que l'évocation du caractère essentiel doit être le dernier recours pour forcer un média à divulguer des renseignements. Le fait de remplacer ce caractère essentiel par un caractère « important » marquerait un recul à l'égard de cette norme.
    Le gouvernement propose que l'exigence voulant que « le tribunal, l’organisme ou la personne a envisagé tous les moyens de divulgation qui préserveraient l’identité de la source journalistique » devienne un critère distinct applicable à chaque étape de l'analyse, et qu'il cesse d'être une section particulière du test édicté au paragraphe 39.1(8) proposé. Nous sommes d'accord avec cette modification.
    Le gouvernement dit que les conditions additionnelles pour cautionner une divulgation ne devraient pas s'appliquer lorsque les journalistes eux-mêmes sont soupçonnés d'activité criminelle. Cette disposition vise à prévenir que le projet de loi S-231 soit appliqué dans un contexte autre que celui d'une activité journalistique. La Coalition des médias canadiens a formulé des commentaires et a proposé un amendement à cet égard, commentaires et amendement que nous appuyons sans réserve.
    Le gouvernement propose que les dispositions sur la préséance figurant aux paragraphes 39.1(2) et 488.01(2) proposés soient supprimées du projet de loi. Le gouvernement affirme que ces dispositions auraient une incidence indésirable sur les lois portant sur la protection des renseignements personnels et sur la sécurité nationale. Comme le libellé de la sous-section 39.1(8)b)(i) proposé porte déjà sur la divulgation d'un renseignement ou d'un document essentiel pour la sécurité, nous croyons que la proposition du gouvernement viendrait miner inutilement l'efficacité de la loi.
    Nous remercions ceux qui ont piloté cette initiative, dont le sénateur Carignan et M. Deltell. Journalistes canadiens pour la liberté d’expression aimerait aussi féliciter le gouvernement libéral de son appui au projet de loi S-231. C'est un suivi prometteur et encourageant aux déclarations bien senties que le premier ministre Justin Trudeau a faites au sujet de la liberté de presse au Canada, et nous sommes d'avis que ce projet de loi aidera le Canada à devenir un leader mondial en la matière.
    Merci.
    Merci.
    Avant de commencer la période des questions, je tiens à informer M. Pierre-Roy qu'il se pourrait que le Comité veuille avoir ses commentaires — à titre d'avocat prêtant main-forte à la Coalition des médias canadiens — sur les suggestions formulées au sujet des amendements.
     Si vous souhaitez nous en faire part maintenant, sentez-vous bien à l'aise.
    Non, je ne le souhaite pas. Comme je suis un avocat en litige, on m'a informé que je ne devais pas m'adresser au Comité, sauf pour répondre à une question directe, car cela me ferait prendre le temps de tout le monde. Je ne répondrai qu'aux questions de nature juridique auxquelles mes collègues ici présents n'arriveront pas à répondre de manière satisfaisante.
    Merci.
    Très bien. Si vous souhaitez donner votre avis, pensez-y, car je crois que nous pourrions prendre un peu de temps à cette fin.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons commencer les questions. Monsieur Picard, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Arseneault.
    Bienvenue aux témoins. Je les remercie d'être ici.
    D'entrée de jeu, je veux dire que j'ai le plus grand respect pour le travail journalistique, pour avoir été, dans une ancienne vie, il y a plusieurs années, à la fois informateur, collaborateur et formateur d'un journaliste. C'est un métier essentiel, nécessaire, et il faut faire notre maximum pour soutenir le travail des journalistes.
    Cela dit, le projet de loi porte sur la protection des sources. Nous avons passé une heure à discuter de la définition de « journaliste », mais je crois que l'essentiel devrait porter sur les sources elles-mêmes. Il faut aussi que notre approche soit actuelle et contemporaine.
    De quelle manière évaluez-vous le travail actuel de la Commission Chamberland? Quelles sont vos attentes en ce qui concerne le rapport que publiera cette commission?
    Je peux en parler parce que certains de nos journalistes témoignent devant la Commission Chamberland. Je ne vois pas d'incompatibilité entre ce projet de loi et le travail de la Commission. Il y a simplement le fait que Radio-Canada a des journalistes qui travaillent dans les 10 provinces du pays, alors que les audiences de la Commission Chamberland touchent le travail des journalistes au Québec.
    Dès le début, nous avons toujours voulu que le travail de la Commission Chamberland ne porte pas sur le travail des journalistes, mais explore ce qui s'est passé dans le cas de l'obtention des mandats. Il s'agit de voir quels correctifs pourraient être apportés en ce qui a trait à l'obtention de ces mandats, que ceux-ci soient accordés par les juges de paix ou par les juges d'une cour supérieure comme c'est proposé dans le projet de loi. Il y a toute la question aussi de l'intervention d'un particulier auprès du domaine politique et de l'influence que cela a eu sur la police. Ce sont des enjeux qui concernent typiquement les causes qu'étudie la Commission.
    Par ailleurs, il est certain que nous voulons, comme le fait le projet de loi, baliser certaines choses, par exemple le type de preuve nécessaire pour obtenir des mandats de surveillance et les tests qu'il faut passer. Nous avons bon espoir que la Commission se penchera là-dessus. D'après les témoignages que nous avons entendus, il semble que son travail soit très étendu et très engagé sur l'ensemble des facteurs qui touchent ces questions.

  (1700)  

    Messieurs, merci d'être ici.
    Comme je dispose de très peu de temps, ma question sera un peu courte.
    Ce projet de loi sert principalement à protéger les informations confidentielles. D'un côté du spectre, il faut protéger ces informations, mais de l'autre, il faut protéger l'intérêt général du grand public. Quelque part au milieu du spectre, ces deux notions s'affrontent.
    Je vais peut-être poser ma question à l'envers. Je ne sais pas qui pourra y répondre. Peut-être que ce sera vous, monsieur Cormier.
    Est-ce que j'ai raison de croire que ce projet de loi n'offre pas une protection absolue de la source?
    Qu'il n'offre pas une protection...
    Une protection absolue, à toute épreuve, de la source d'information journalistique.
    Nous avons parlé d'un amendement pour nous assurer que ce sera le cas.
    C'est peut-être l'occasion de demander à M. Pierre-Roy d'intervenir pour expliquer clairement les détails de cet amendement qui, à notre avis, améliorerait le projet de loi.
    Vous avez parfaitement raison, monsieur Arseneault. Le projet de loi n'offre pas une protection absolue, loin de là.
    Y a-t-il un exemple pratique qui pourrait nous éclairer, un cas au sujet duquel on pourrait dire que la source d'information journalistique ne serait pas protégée par ce projet de loi?
    Si ce projet de loi était en vigueur, le cas du National Post de 2010 se réglerait exactement de la même manière. Le projet de loi demande, comme la Cour suprême l'avait fait à l'époque, d'équilibrer certains intérêts.
    Tout ce qu'on demande, c'est que les informations relatives à la source soient protégées jusqu'à ce que cet équilibre puisse être évalué par un juge. À partir du moment où le policier démontre que l'information est essentielle à la poursuite d'une enquête sur un crime, nous nous attendons à ce que le mandat soit accordé.
    Vous faites référence à la cause devant la Cour suprême en 2010 qui engageait le National Post. Nous en discutions tantôt, avant la suspension momentanée de la séance.
    Je cite le paragraphe 39.1(8) proposé à la page 2 du projet de loi:
(8) Le tribunal, l'organisme ou la personne peut autoriser la divulgation du renseignement ou du document que s'il estime que les conditions suivantes sont réunies :

a) le renseignement ou le document ne peut être mis en preuve par un autre moyen raisonnable [...]
    Cela est tout à fait légitime.
b) l'intérêt public dans l'administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public à préserver la confidentialité de la source journalistique, compte tenu notamment :

(i) du caractère essentiel du renseignement ou du document quant à l'instance [...]
     Comme vous connaissez cette cause présentée devant la Cour suprême, vous savez que la juge Abella a exprimé sa dissidence, qui portait exactement sur ce point.
    Il y a eu en même temps le jugement dans l'affaire du The Globe and Mail où la Cour suprême a déterminé que, pour passer outre au privilège de la source, il fallait qu'on soit face à une question centrale — c'est ce qu'on retrouve dans la version anglaise —, c'est-à-dire une question essentielle au règlement du différend, selon la version traduite en français. En d'autres mots, si c'est une question périphérique au débat que le juge aura ultimement à trancher, cela ne vaut pas la peine de violer le privilège de la source. Cependant, s'il s'agit d'une question centrale ou essentielle au dossier, cela devient possible.
    Alors, selon moi, ces mots ne sont que la concrétisation du test formulé dans l'affaire du The Globe and Mail.
    Cependant, le test de Wigmore, que l'on citait dans le jugement dans l'affaire du National Post, ne semblait pas s'attarder au caractère essentiel du renseignement une fois celui-ci obtenu. C'est du moins ce que j'ai compris; je ne suis pas un grand constitutionnaliste, ni même un petit.
    Je ne veux pas prendre tout le temps du Comité, mais il faut combiner l'arrêt dans la cause Lessard avec l'arrêt concernant le National Post afin d'avoir un portrait complet de ce qu'un policier peut faire quand il recherche de l'information de la part d'un média. Le caractère essentiel de la démarche auprès des médias est un des critères de l'arrêt Lessard.
    Il me semble que ce projet de loi fait une synthèse de la jurisprudence des 25 dernières années en matière de perquisition chez les médias. Il n'y a pas que l'affaire du National Post ou celle du The Globe and Mail qui se reflètent dans le projet de loi, mais aussi l'arrêt Lessard.
    Je vais répondre à une question que vous n'avez pas posée, mais cela va peut-être vous aider à comprendre. Le jugement rendu dans l'affaire du National Post ne peut être appliqué concrètement que si le policier arrive dans les locaux des médias avec un mandat en disant qu'il veut saisir les ordinateurs. À ce moment-là, le journaliste peut se présenter devant un juge.

  (1705)  

[Traduction]

     Il peut faire valoir le test de Wigmore afin de tenter de faire reconnaître le privilège, sauf qu'à l'heure actuelle, les agents de police se procurent les registres téléphoniques à l'insu du journaliste. Le journaliste l'apprendra cinq ans plus tard, lorsqu'on divulguera tous les noms des sources. L'affaire R. v. National Post ne peut pas s'appliquer, et c'est le principal problème auquel ce projet de loi remédie.

[Français]

    J'imagine que vous parlez de l'affaire Lagacé, entre autres.
    Toutes les affaires récentes sont des affaires d'ordonnances délivrées secrètement.
    Merci, monsieur le président. Vous avez été généreux.
    Merci, monsieur Arseneault.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Nicholson.
    Merci beaucoup.
    Je crois que nous sommes probablement d'accord pour dire que ce projet de loi n'est pas parfait, mais nous devons aller de l'avant si nous voulons éviter de nous retrouver sans rien.
    J'ai une question que j'avais l'intention de poser aux témoins précédents, mais je crois que je vais vous la poser à vous, madame McGuire. Nous avons entendu dire que le Canada était très loin derrière une foule de pays: les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres. Le projet de loi dans sa forme actuelle nous permettra-t-il d'être au diapason des protections en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis? Êtes-vous en mesure de répondre à cela?
    Pour ce qui est de faire des comparaisons avec le reste du monde, je crois que Sébastien est mieux placé que moi. Néanmoins, la Coalition et nous sommes d'avis que ce projet de loi est un important pas en avant pour notre pays, tant pour ce qui est d'assurer la surveillance des interventions judiciaires que pour recadrer l'accès aux sources d'information.
    Je suis content d'entendre cela, car j'ai l'impression que plus nous tardons à nous donner des règles précises sur papier, plus nous aurons de la difficulté pour l'avenir, comme l'expliquent certains éléments mentionnés par Me Pierre-Roy.
    Monsieur Cormier, vous avez dit quelque chose concernant l'un des articles du projet de loi, nommément sur celui qui contient un amendement pour traiter d'une infraction commise par un journaliste. Je veux seulement m'assurer de bien comprendre de quoi il retourne. Croyez-vous que l'amendement proposé par le gouvernement est un bon amendement?
     Je vais revenir à vous là-dessus dans un instant, monsieur Henheffer.
     Qu'avez-vous dit au sujet de cet amendement? Est-il aussi bon qu'il pourrait l'être? Est-il carrément mauvais? Croyez-vous qu'il ne va pas assez loin?
    Nous voulons nous assurer que, pour obtenir le mandat d'enquêter, il ne suffira pas à un agent de police d'aller voir un juge en lui faisant part de sa présomption du fait que le journaliste visé a participé à une infraction commise par une source. Nous préférerions que le processus soit assorti de mécanismes de protection additionnels et que le rôle du juge soit renforcé. Sébastien pourrait vous en dire davantage sur les particularités de la loi à cet égard, mais en gros, c'est ce qui est recherché.
    Très bien. Je présume que l'un des mécanismes de protection qui ont été évoqués est que l'octroi de ces autorisations soit réservé à un juge d'une instance supérieure, ce qui ajouterait un degré de responsabilité.
    Monsieur Henheffer, vous avez parlé de cela dans votre exposé, mais vous avez aussi dit que vous auriez peut-être votre propre amendement à proposer pour cet article. Je crois bien que c'est l'article dont vous parliez, celui où il est question de la présomption d'infraction à l'égard d'un journaliste. Est-ce bien celui pour lequel vous avez dit avoir un amendement particulier?
    Oui. Nous croyons assurément que ce type d'immunité ne doit pas s'appliquer si la police soupçonne qu'un journaliste a effectivement commis une infraction. Toutefois, pour faire écho à ce que dit la Coalition des médias canadiens, le fait d'avoir une disposition donnant crédit à une présomption d'infraction — qu'une source pourrait avoir commis une infraction — et légitimant ainsi la suppression de toute forme de protection viendrait enlever toute sa force au projet de loi.
    Mes collègues et moi sommes de nouveaux venus à ce comité. C'est la première fois que nous assistons à vos travaux. Vous avez fait circuler cet amendement. Avons-nous une copie de cet amendement, monsieur Henheffer?
    Nous n'avons pas fourni d'amendement complet. Nous avons confié cela à la Coalition des médias canadiens.
    D'accord.
    Merci. Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    D'accord.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    En ce qui concerne cette idée de la définition d'un « journaliste », je vais commencer par vous, monsieur Henheffer, mais je vais aussi demander aux autres de se prononcer. De toute évidence, le paysage médiatique est en pleine évolution, et les pigistes disposent de différents outils pour se protéger. Par exemple, et je dis cela en tout respect, le journaliste qui travaille pour un grand conglomérat dispose probablement d'un plus grand nombre d'outils juridiques pour se défendre lorsqu'il va en cour. J'aimerais simplement que vous nous en disiez un peu plus long à ce sujet. Par exemple, de nombreuses personnes sont intervenues dans l'affaire Ben Makuch parce qu'elles y ont été contraintes. En effet, à un certain moment, M. Makuch n'arrivait plus à trouver les ressources nécessaires pour se défendre. Dans quelle mesure cela est-il important?

  (1710)  

     Je crois que c'est d'une importance cruciale. Je persiste à croire que le projet de loi dans sa forme actuelle mérite encore d'être adopté. Je recommanderais fortement au Comité d'adopter l'amendement que propose M. Dubé.
    À de nombreuses reprises, j'ai entendu des gens dire que le simple fait qu'une personne passe des commentaires sur Twitter ne signifie pas qu'elle devrait obtenir une protection à cet égard. Le simple fait que quelqu'un tienne un blogue ne signifie pas qu'il est nécessairement un journaliste et qu'il ne devrait pas jouir de cette protection. Je fais confiance aux juges pour faire la distinction entre quelqu'un qui gazouille de temps à autre ou qui écrit un blogue ou quelque chose du genre et un journaliste. J'estime que les juges de notre pays sont suffisamment compétents pour être en mesure de faire cette distinction.
    La vérité, c'est que la nature du journalisme a changé. De nos jours, beaucoup de journalistes travaillent à la pige. Souvent, ce n'est pas leur principale source de revenus. Beaucoup de journalistes tirent de 60 à 75 % de leurs revenus à écrire des manuels techniques, des discours ou des choses comme celles-là. Leur activité journalistique est plus une affaire de passion.
    Il y a des organismes comme Discourse Media, sur la côte Ouest, le Halifax Examiner, sur la côte Est, VICE News, à Toronto, et CANADALAND, que tout le monde connaît, qui ne tournent qu'avec des pigistes. Nombre de ces pigistes n'écriront peut-être qu'un ou deux articles par année pour ces organismes, mais il arrive que ces articles aient une incidence extrêmement importante sur le Canada. Souvent, selon l'angle et les sujets abordés, les pigistes auront des sources confidentielles à qui ils devront parler pour obtenir l'information qu'il leur faut, mais cette définition étroite de ce qu'est un journaliste les empêcherait quand même d'être couverts. C'est la raison pour laquelle nous croyons que cette définition doit être élargie et que c'est un juge qui doit décider qui mérite cette protection. Nous sommes d'avis que les juges sont en mesure de prendre ce type de décision.
    Si vous me le permettez, avant d'entendre la réponse de Mme McGuire, j'aimerais dire que je pense que CANADALAND est un très bon exemple — et je ne veux pas entrer dans les détails, parce que les journalistes ne s'entendent pas toujours sur l'origine de la primeur et d'autres aspects —, parce que cette organisation a joué un rôle de premier plan dans l'affaire Jian Ghomeshi.
    Absolument. Mon emploi me donne un avantage privilégié puisqu'il m'a permis de connaître la majorité des journalistes, du moins, à Toronto. Alors je connais beaucoup de gens qui écrivent pour CANADALAND. Présentement, l'un de leurs principaux pigistes est un type qui est passé graduellement de sa première carrière d'attaché politique à celle de journaliste. Il a écrit des choses très intéressantes sur la montée de la droite alternative au Canada et sur certains groupes extrémistes dangereux de ce mouvement.
    Il n'aurait pas été en mesure de parler avec ces gens s'il avait eu à craindre que leurs conversations soient épiées, parce que toutes ses sources sont confidentielles. Encore une fois, cette personne ne cadrerait pas dans la définition de ce qu'est un journaliste.
    CANADALAND n'est qu'un des nombreux exemples que l'on pourrait citer.
    C'est un exemple concret pour nous tous.
    Cela comprend CBC/Radio-Canada, qui embauche aussi des pigistes.
    Madame McGuire.
    Pour les besoins de cet exercice, les pigistes liés à CBC/Radio-Canada seraient considérés comme faisant partie de CBC/Radio-Canada.
    Je comprends ce que vous dites, mais je pense également que, dans les faits, ce projet de loi couvre une bonne partie des journalistes d'enquête du pays et que, pour le bien commun, c'est un très bon pas en avant.
    Je suis aussi de cet avis.
    J'aimerais poser une question que j'ai posée au premier groupe d'experts. L'article 2 du projet de loi dit ceci: « Le présent article s’applique malgré les autres dispositions de la présente loi et toute autre loi fédérale. »
    La question que j'ai posée au groupe d'experts précédent visait à insister sur l'importance de cette disposition, attendu que c'est à l'occasion des périodes de crise, des attaques terroristes, des catastrophes nationales ou d'événements comme la crise d'octobre, au Québec, que ces mesures de répression sont utilisées et que les journalistes deviennent souvent des dommages collatéraux. Dans quelle mesure cette disposition est-elle importante dans un projet de loi comme celui-là afin d'assurer qu'il n'y ait pas de failles qui permettraient l'application de mesures répressives tirées d'autres lois comme, par exemple, la Loi antiterroriste?
    S'il était question de sécurité nationale ou de mesures répressives comme celles qui ont été appliquées lors de la crise d'octobre, il semble que la protection des sources confidentielles prendrait une bien petite place dans tout cela. Nous avons la Constitution. Nous avons la Déclaration des droits. Il serait très intéressant de voir quelles dispositions législatives auraient préséance sur les autres.
    Je crois que pour les besoins du moment, il est important d'adopter ce projet de loi même s'il est imparfait et que nous y voyons tous des failles. Je pense que nous devons marquer ce trait rapidement et que les problèmes en suspens pourront être traités par la suite.

  (1715)  

    Je le répète, je partage votre opinion à cet égard. Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction dans 80 % des cas. Il pourrait être amélioré seulement dans 20 % des cas, mais nous ne devrions pas permettre que ces 20 % empêchent son adoption.
    À cet égard, bon nombre de gens soutiendraient que le groupe État islamique est une crise à laquelle notre pays fait face en ce moment, alors que d’autres personnes pourraient ne pas avoir cette impression. Toutefois, Ben Makuch a été en mesure de diffuser aux Canadiens, y compris les forces de sécurité, des renseignements extrêmement importants à propos de ce groupe terroriste, parce qu’il lui a été possible de parler à une source qui a cru que ses échanges ne seraient pas transmis à la police et ne seraient communiqués au public que conformément aux modalités dont ils avaient convenu. Si Ben capitule en remettant finalement ses notes, les sources de ce genre se tariront soudainement, et les Canadiens n’auront plus accès à ces renseignements. Voilà un exemple parmi tant d’autres qui démontrent à quel point il est important que nous maintenions cet équilibre et que nous respections le droit des journalistes de faire leur travail.
    J’ai seulement une dernière question à poser.
    Comme M. Nicholson n’a pas employé tout son temps de parole et l’a généreusement offert, vous pouvez poursuivre votre intervention, monsieur Dubé.
    Si vous me le permettez, je n’ai qu’une autre question à poser.
    Prenez votre temps.
    Ma dernière question porte simplement sur les nombreuses histoires qui ont été couvertes dans les médias. Celle qui est mentionnée constamment, en particulier pour ceux d’entre nous qui viennent du Québec, c’est celle de Patrick Lagacé, mais ces situations n'ont rien de nouveau. Donc, dans le même esprit que la question posée par M. Nicholson, j’aimerais entendre les témoins m’expliquer à quel point ces mesures s’imposent depuis longtemps.
    Je vais répondre à cette question. Ce n’est pas simplement que ces mesures s'imposent depuis longtemps; c’est le fait que, dans l’état actuel des choses, un grand nombre de sources journalistiques se sont taries. À Enquête, nous avons perdu des sources, qui se sont évanouies dans la nature. Des gens ne nous parlent plus parce qu’ils craignent d’être démasqués.
    La dernière chose que j’aimerais dire, c’est que les autorités ont surveillé pendant cinq ans les dossiers gérés par nos meilleurs journalistes d’enquête dans le cadre de notre émission la plus en vue. Il s’ensuit que des dizaines et des dizaines de sources vivent maintenant dans la crainte d’être démasquées, notamment devant la Commission Chamberland. Ces gens luttent pour faire en sorte que leur nom demeure secret. Il ne s’agit donc pas d’un effet hypothétique, mais plutôt d’un effet réel. Si cette mesure législative n’est pas adoptée, cela aura un vrai effet. C’est le meilleur argument que je peux avancer.
    Je vais maintenant mettre l’accent sur des situations qui sont survenues à l’extérieur du Québec. Lorsque nous avons enquêté sur le harcèlement sexuel au sein de la GRC, plus de 50 sources provenant de la GRC nous ont indiqué qu’elles craignaient davantage le climat interne de l’organisation que les activités criminelles qu’elles combattaient à l’extérieur de l’organisation. Pour convaincre une source de parler, il faut gagner sa confiance, et cela se produit avec le temps. Une source qui parle et le reportage qui en découle peuvent pousser d’autres sources à se manifester. C’est exactement ce que nous avons observé dans le dossier de la vente de produits supplémentaires par les banques, qui a donné lieu, je crois, à une audience à laquelle nous avons participé la semaine dernière. Je pense qu’il est important de comprendre que le refroidissement a une incidence sur l’ensemble de l’écosystème, et non sur ce qui se passe uniquement au Québec.
    Pour présenter un point de vue international, je signale que ces protections sont offertes dans presque toutes les autres démocraties occidentales depuis des dizaines d’années. L’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Australie, les Pays-Bas et 37 États des États-Unis accordent ces protections. Presque tous les pays de l’Union européenne le font également. Le fait de ne pas disposer d'une loi bouclier pour protéger la presse est une tache sur la réputation du Canada. Par conséquent, cette mesure législative nous permettra assurément d’harmoniser nos normes avec celles des autres pays.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Dubé.
    Monsieur Spengemann.
    Monsieur le président, je vous remercie infiniment.
    Plus tôt, j’ai posé la question suivante à des collègues qui comparaissaient devant le Comité. Je me demande si vous pourriez décrire, au profit des membres du Comité et des Canadiens, comment vous percevez l’état du journalisme en 2017. Nous avons parlé un peu des pressions exercées par les contrats d’emploi et des changements financiers et structuraux qu’ils apportent. Certains membres ont eu des conversations avec des intervenants comme Unifor, qui sont très préoccupés par la viabilité financière de la profession journalistique, en tant que pilier indépendant de notre démocratie, compte tenu de la façon dont elle est actuellement structurée. Comment pensez-vous que la profession évoluera dans les cinq prochaines années? Quelle est la tendance actuelle? Je considère ce projet de loi comme un moyen de protéger la profession, mais il y a d’autres aspects dont les membres du Comité devraient avoir conscience pendant qu’ils débattent de la façon dont ils devraient traiter ce texte de loi.

  (1720)  

    Nous observons une fragmentation claire du milieu du journalisme. Nous disposons de plusieurs sources d’information, mais les gens choisissent de consulter seulement certaines sources qui, parfois, ne font que réaffirmer leur propre point de vue. Avec l’avènement des canaux numériques et sociaux, notre rayonnement est devenu incroyable. La possibilité qu’un article ait une incidence et atteigne un plus grand nombre de gens est considérable. En fait, cette possibilité est sans précédent. Le modèle d’affaires du journalisme est-il compliqué? Tout à fait. Nous le constatons dans le secteur privé, en particulier dans les journaux. Dans le secteur public, nous avons nos propres problèmes qui sont liés à des compressions budgétaires et à la tentative d’en faire plus, parce que nous alimentons des plateformes numériques dont le nombre ne cesse de croître.
    Toutes les études que j’ai consultées… l’Association des nouvelles radio, télévision et numériques vient de mener une étude qui montre que la confiance dans les médias traditionnels augmente légèrement dans cet environnement, qui est encombré d’autant de désinformation de tout genre que de travail journalistique.
    Je pense que la promesse véhiculée par l’image de marque du journalisme prend de l’importance, mais cela ne règle pas pour autant son problème de rentabilité. À notre connaissance, il n’y a pas encore de solution à l’horizon.
    Pourriez-vous brièvement nous en dire un peu plus sur l’étude que vous avez mentionnée? Repose-t-elle sur des données d’enquête qui témoignent essentiellement de l’opinion des Canadiens?
    L’Association des nouvelles radio, télévision et numériques, qui est l’une des organisations journalistiques du Canada, a mené récemment un sondage sur la confiance dans les médias. L’enquête a révélé, entre autres, que la confiance dans les grands médias avait augmenté en cette ère de fausses nouvelles.
    Je serais ravie d’obtenir les résultats de l'enquête pour vous, si cela vous intéresse.
    Pouvez-vous formuler des observations sur l’état de la profession en ce qui a trait au nombre d’admissions dans les programmes de journalisme et à la mesure dans laquelle le projet de loi pourrait inciter des Canadiens à choisir une carrière en journalisme?
    Je crois que cette question est probablement sans rapport avec le projet de loi, mais, en notre qualité d’organisation journalistique, nous avons l’obligation d’entrer en contact avec les écoles non seulement afin d’encourager les gens à envisager une carrière en journalisme, mais aussi afin d’investir dans la pensée critique et l’éducation en journalisme, en ce qui concerne la façon d’utiliser les médias. Nous nous occupons de cela, et nous le ferons davantage dans les mois et les années à venir.
    En cette période de fausses nouvelles, notre seul atout est notre crédibilité. C’est la qualité la plus précieuse que nous avons — et la plus fragile. Si nous commettons une erreur, elle a encore plus de répercussions aujourd’hui qu’elle en avait auparavant. Vous pouvez être certains que nous sommes très prudents lorsque nous publions des renseignements provenant de sources confidentielles, et que nous vérifions ces renseignements deux ou trois fois afin de nous assurer qu’ils sont exacts et dans l’intérêt du public. Sinon, c’est un énorme revers pour nous.
    C’est l’engagement que nous prenons, et j’estime qu’il est encore plus important dans notre nouvel environnement actuel où tant de gens font tout ce que bon leur semble et produisent de fausses nouvelles.
    À propos des fausses nouvelles, qui sont, je crois, au premier rang des préoccupations de nombreux Canadiens, comment les journalistes se protègent-ils contre des sources créées délibérément pour propager de fausses nouvelles?
    Nous ne nous fions jamais à une seule source. Notre première règle consiste à trouver au moins deux sources, et même plus si l’information est de nature encore plus délicate. Une source n’est pas simplement une personne qui se manifeste un certain jour et dont on publie les renseignements par la suite. Nous cultivons habituellement les sources confidentielles que nous utilisons pendant des semaines, des mois et même parfois des années. Nous apprenons à connaître ces personnes afin de nous assurer qu’elles sont dignes de confiance et que leurs propos sont véridiques et crédibles. Nous mettons en oeuvre toutes sortes de mécanismes de protection pour faire en sorte de ne pas tomber dans ce genre de piège.
    J’aimerais simplement ajouter quelque chose. Toute enquête journalistique repose sur une montagne d’information, qui comprend des documents et d’autres types de matériel de source auxquels s'ajoutent des gens. Si l’enquête est délicate, nous allons plus loin que la recherche de deux sources. Pour n’importe quelle enquête de ce niveau, nous parlons à plusieurs personnes. J’ai mentionné l’enquête sur la GRC que nous avons menée. Dans le cadre de cette enquête, nous disposions de plusieurs sources dont nous avons mis la crédibilité à l’épreuve.
    Donc, à votre avis, des campagnes coordonnées de désinformation échoueraient si elles s’attaquaient à un journaliste canadien qui est formé, non pas selon des normes réglementaires, mais selon des normes canadiennes fondées sur ce que nous reconnaissons comme une presse libre et indépendante.

  (1725)  

    Je ne peux m'exprimer qu’au nom de la CBC. Nous avons recours à une série de freins et de contrepoids, tant sur le plan de nos pratiques journalistiques qu’au chapitre de nos valeurs à cet égard. Des freins et des contrepoids sont utilisés à toutes les étapes du processus.
    Ces renseignements sont très utiles.
    Pouvez-vous expliquer au Comité comment le gouffre générationnel se manifeste en ce qui concerne la façon dont les gens obtiennent leurs nouvelles, leurs préférences à cet égard et leur appétit pour le journalisme d’enquête?
    Je vais surprendre le Comité en vous révélant que les membres de la génération du millénaire s’intéressent en fait au journalisme. CBC News atteint 52 % des membres canadiens de la génération du millénaire à l’aide de ses médias numériques.
    Ils consomment leurs nouvelles d’une manière différente. Ils n’écoutent pas leurs nouvelles à la télé ou à la radio, mais au moyen de la baladodiffusion, peut-être, et assurément de leur téléphone intelligent. Nous remarquons que les différentes générations obtiennent leurs nouvelles à différents endroits. Cela est vrai, mais nous constatons que la jeune génération a toujours un appétit pour l’information et les nouvelles, ce qui est réconfortant.
    Avec votre indulgence, monsieur le président, voici ma dernière question.
    Est-ce que la question de l’inégalité entre les sexes intervient dans le journalisme d’enquête? Nous pouvons examiner des domaines précis comme le travail lié à la présence des femmes dans des disciplines comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Si une femme journaliste devait écrire un article d’enquête au sujet de cet état de choses au Canada, y a-t-il des situations particulières auxquelles cette femme devrait faire face et qui exigeraient un degré supérieur de protection, ou est-ce que, dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit une protection satisfaisante des sources du point de vue de l’inégalité entre les sexes?
    En tant que membre du groupe d’experts de sexe féminin, je vais répondre à cette question.
    Nous avons de fantastiques journalistes d’enquête de sexe féminin, et nous n’observons pas de déséquilibre entre les sexes en ce qui concerne le sexe des personnes qui exercent cette profession. Toutefois, comme je l’ai mentionné au cours de ma déclaration préliminaire, nous étions préoccupés par la façon dont cela serait formulé au Québec, en raison de ce qui est arrivé à Marie-Maude Denis et du fait qu’on a laissé entendre que les relations intimes faisaient partie des outils qu’elle employait dans sa profession de journaliste.
    Par ailleurs, nous observons un très bon équilibre entre les sexes chez les gens qui exercent le métier de journaliste d’enquête.
    J’ajouterais seulement qu’elles peuvent se sentir plus susceptibles d’être victimes de sexisme ou de faire l’objet d’insinuations. En même temps, Marie-Maude Denis et Isabelle Richer, les deux femmes journalistes qui ont été victimes de cette expédition de pêche, souhaitent que tous les journalistes soient vigoureusement protégés, peu importe leur sexe.
    Si vous me le permettez, j’aimerais fournir un peu plus de contexte, en ce qui concerne l’état du journalisme au Canada. Premièrement, en tant que représentant attitré de la génération du millénaire au sein du groupe d’experts, je suppose…
    Des voix : Oh, oh!
    M. Tom Henheffer: …que j’aimerais dire que ma génération consomme voracement les nouvelles. L’appétit pour les nouvelles est plus aiguisé que jamais. Le problème, c’est que, dans notre pays, l’industrie de l’information a été littéralement décimée, sinon pire. Et j’entends cela d’une manière littérale. Un dixième de l’industrie a été anéanti, et probablement beaucoup plus que cela.
    Je me suis fait les dents en travaillant pour la revue Macleans. Lorsque j’étais là-bas, 50 personnes travaillaient du côté de la presse écrite de la salle des nouvelles. Maintenant, ils sont environ 15 personnes, et cela s’est produit en 10 ans. Il s’agit là d’un recul atterrant, un recul que nous avons observé à l’échelle nationale.
    J’aime envisager le milieu du journalisme au Canada comme une forêt ou une jungle dont, malheureusement, une grande partie a été complètement rasée par le feu. Cependant, cet incendie a créé un sol fertile où l’on retrouve de nouvelles pousses. De nombreuses organisations font un excellent travail en dépit de ces difficultés. Je pense que CBC est un excellent exemple de ce qui existait avant, tout comme The Globe and Mail et le Toronto Star, c’est-à-dire des médias traditionnels.
    Le problème, c’est qu’il y a toujours un immense vide au Canada. Si les gens dévorent avidement le contenu, les gens qui fournissent un contenu de qualité ne sont plus aussi nombreux. Il y a maintenant plus de bruit et une détérioration des signaux. De plus, comme les sources se tarissent, nous avons besoin de mesures législatives comme celle-ci pour donner aux journalistes une chance de survivre et pour renforcer autant que possible ce pilier de la démocratie. Il est problématique de perdre des sources en l’absence d’une loi bouclier.
    Il vous reste une minute.
    Compte tenu de vos plus récents commentaires, pourriez-vous me dire brièvement si vous pensez que nous avons atteint un stade où nous devons nous inquiéter de la santé structurelle de la démocratie canadienne?
    Oui, je le dirais. À l’Université Ryerson , nous avons financé un projet portant sur la pauvreté de l’information. J’encourage tout le monde à y jeter un coup d’oeil, si vous souhaitez voir un exemple frappant de la façon dont des dizaines de journaux, de diffuseurs et d’organes de presse en ligne ont fermé leurs portes et du très petit nombre de médias qui ont été créés à l’échelle nationale au cours des cinq dernières années.
    Merci beaucoup.

  (1730)  

    Merci.
    Nous avons vraiment atteint la fin de notre période de délibération, mais si vous avez des questions, monsieur Brassard, je suis heureux de vous accorder cinq minutes pour les poser.
    Merci. Je n'en prendrai que deux, monsieur le président.
    Je vois de l'ironie à être ici, dans cette pièce, où se trouve droit devant moi la murale Le rayonnement de l'imprimé. Si vous regardez derrière, vous voyez une autre murale. De toute évidence, le journalisme et la liberté de presse sont importants dans notre démocratie et misent vraiment sur l'ouverture et la transparence.
    Pendant nos discussions, j'ai entendu que le Canada passerait de traînard à chef de file, avec cette loi de protection. D'après vos expériences des nouvelles organisations aux États-Unis, par exemple, ainsi que dans d'autres démocraties occidentales, dans quelle mesure est-ce important pour le Canada, compte tenu des expériences de ces autres pays?
    En tant qu'ancien correspondant à l'étranger, je vais répondre à cette question. J'ai été correspondant en Chine et en Russie, des pays qui ne sont pas des modèles en matière de liberté de presse. Cela nous fait comprendre à quel point nous avons de la chance d'être des journalistes dans un pays comme le Canada, malgré certaines lacunes.
    C'est donc essentiel, je crois, à l'image du Canada dans le monde. La presse est maintenant attaquée dans des endroits où elle ne l'avait jamais été avant, comme en Turquie. L'Égypte demeure aussi très problématique, ainsi que le Moyen-Orient au complet. Donc, si nous ne pouvons adopter les protections qui sont accordées aux journalistes dans les pays occidentaux les plus libéraux en matière de protection des sources confidentielles, je pense que c'est une grave lacune.
    Et je dirais qu'au bout du compte, tout revient au public que nous cherchons à servir. Si les sources ne se manifestent pas et si les histoires ne sont pas relatées, cela nuit au public.
    Merci.
    Tom, pour que vous le sachiez, Porter a téléphoné. Vous avez perdu votre place dans l'avion, à cause de votre déclaration liminaire.
    Quelque chose me dit que je ne pourrai probablement pas prendre mon avion ce soir, pour retourner à Toronto.
    Merci, monsieur le président.
    De rien.
    Madame Damoff, avez-vous une question?
    Merci beaucoup. J'ai deux questions très rapides, en fait.
    Je pense que c'est vous, monsieur Cormier, qui avez dit qu'il est important d'adopter ce projet de loi pour protéger l'identité des sources à la commission qui a lieu au Québec en ce moment. Ai-je bien compris?
    Non. Ce que je voulais dire, c'est que l'exercice dans son ensemble n'est pas contradictoire. Quelqu'un a dit que nous devrions peut-être attendre que la commission ait terminé ses travaux. Nous avons des journalistes à l'échelle du Canada, et pas juste au Québec, alors nous avons besoin des mêmes protections partout.
    Dans les recommandations qui en découleront, quelles qu'elles soient, il sera question de plus qu'une simple loi pour protéger les journalistes. Il sera question du travail de la police et des façons de mieux réglementer leur façon de fonctionner, ainsi que de toute la relation entre les ministres, la police et les sources, et le fonctionnement de cela.
    C'est une perspective plus vaste, car le problème ne se limitait pas aux sources ou aux journalistes.
    Je ne sais pas si j'ai remercié tous les témoins d'être là, mais je le fais maintenant. Je vous remercie de votre présence.
    Ma deuxième question porte sur la définition de « journaliste ». Notre groupe de témoins précédent a parlé des très longues discussions au Sénat, concernant la police et les journalistes, qui ont mené à la définition se trouvant en ce moment dans le projet de loi.
    Madame McGuire, ai-je bien compris que vous pouvez vivre avec cette définition?
    Oui. Nous appuyons cette définition.
    D'accord. Je pense que nous reconnaissons tous que le projet de loi n'est peut-être pas parfait, mais qu'il représente un pas de géant par rapport à la situation actuelle. Peut-être que nous allons pouvoir ultérieurement le peaufiner. Je voulais simplement confirmer que vous trouviez la définition du projet de loi acceptable.
    Oui. La Coalition appuie la définition.
    D'accord. Merci beaucoup. C'est tout pour moi.
    Nous sommes très satisfaits de cette définition.
    Est-ce que les conservateurs ont d'autres questions? C'est bon?
    Monsieur Dubé? Quelqu'un d'autre?
    Merci à notre groupe de témoins.
    Nous allons nous arrêter un peu, puis passer à l'étude article par article du projet de loi.

  (1730)  


  (1740)  

    Nous reprenons.
    Juste avant, je me demande si nous avons eu des nouvelles de la mère de Larry Miller. Rien? Je sais qu'elle était malade, la semaine dernière, et qu'il n'a pas pu venir, alors je voulais vous en parler.
    J'aimerais aussi signaler au Comité qu'apparemment, Dianne Watts a eu un accident ou un incident et s'est blessée à une cheville. C'est la raison de son absence aujourd'hui.
    Elle a fait une chute à l'extérieur de l'édifice Wellington. C'est de cela que vous parlez?
    C'est peut-être à cause de cela. Je ne sais pas à quel moment ni à quel endroit cela s'est produit.
    Nous commençons l'étude article par article du projet de loi. Bienvenue à MM. Wong et Noël, du ministère de la Justice, qui sont là pour répondre à nos questions au besoin. Monsieur Méla est ici en tant que greffier législatif, au cas où nous aurions des questions de procédure concernant le processus de l'étude article par article.
    Commençons. Comme il est courant de le faire, nous allons reporter l'étude de l'article 1, soit le titre abrégé.
    (Article 2)
    Le président: Comme vous pouvez le voir dans le dossier des amendements, il y en a trois pour l'article 2.
    Je souligne pour le Comité qu'il y a eu une discussion sur l'admissibilité de l'amendement NDP-1, à savoir s'il relève de la portée du projet de loi. Je l'ai lu et j'ai déterminé que oui, il relève de la portée du projet de loi, car le projet de loi porte généralement sur la protection des sources journalistiques. Je pense donc qu'il convient de commencer par cet amendement.
    Monsieur Dubé, voulez-vous présenter l'amendement?

  (1745)  

    Certainement.
    Je m'en remets au témoignage de M. Henheffer concernant l'importance de cet amendement pour étendre la définition de « journaliste », étant donné l'évolution du paysage médiatique, et du maintien de la généralité des critères, bien franchement, pour laisser le juge décider, tel que le projet de loi le prescrit déjà.
    J'aimerais ajouter une dernière chose, monsieur le président. On a aussi dit, lors des témoignages, que la définition actuelle est acceptable. Je ne dis certainement pas le contraire, mais je ne veux pas me contenter d'un bon premier pas. Nous avons beaucoup de chemin à parcourir, alors si nous voulons nous rendre à destination plus efficacement et plus rapidement, je crois que cela nous incombe en tant que législateurs.
    Je propose l'amendement.
    Quelqu'un a quelque chose à dire à propos de l'amendement?
    (L'amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous passons à l'amendement LIB-1.
    Madame Damoff.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais dire une chose à propos de tous mes amendements, afin de ne pas avoir à le répéter. Ils ajoutent tous de la précision au projet de loi.
    L'amendement LIB-1 supprimerait les clauses dérogatoires. Elles ne sont pas nécessaires et pourraient entrer en conflit avec d'autres dispositions législatives fédérales. Elles ne sont pas requises pour donner effet à la protection des sources journalistiques qui se trouvent dans le projet de loi.
    Vous parlez de l'amendement LIB-1?
    L'amendement LIB-1, « par suppression des lignes 1 et 2, page 2 ».
    D'accord.
    Je crois que vous avez quelque chose à dire à propos de la partie b).
    Oui. En ce qui concerne la partie b), j'ai indiqué qu'il y a deux cas où il est question de changer la désignation numérique des paragraphes, mais ce n'est pas nécessaire. Les greffiers de la Chambre et du Sénat ont discuté de cela et conclu que c'était nécessaire. Cependant, Philippe nous a indiqué, après les discussions, qu'un amendement n'est pas jugé nécessaire, alors je présume que vous n'incluez pas la partie b) dans la proposition.
    C'est juste. Je ne propose que la partie a).
    Quelqu'un veut discuter de l'amendement LIB-1, partie a)?
    (L'amendement est adopté.)
    Le président: Nous passons à l'amendement LIB-2, madame Damoff.
    C'est la même chose dans ce cas. La partie d) n'est pas incluse dans la proposition.
    Je dirai seulement que cela ajoute des précisions au projet de loi.
    Monsieur Dubé.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux seulement dire que nous avons remplacé « caractère essentiel du renseignement » par « l'importance du renseignement ». Pour ce qui est de « à l'égard d'une question essentielle dans le cadre de l'instance », je pense que le libellé est devenu un peu plus vague. Ce que je vois, c'est que cela crée une petite faille qui pourrait un peu compromettre l'objectif du projet de loi. Je vais donc voter contre l'amendement.
    Autre chose?
    Monsieur Arseneault.

[Français]

    J'aimerais seulement faire le commentaire suivant: c'est tout le temps l'opposition entre l'intérêt de la justice pour le public et l'intérêt de préserver la confidentialité. Néanmoins, à la lumière de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, dont nous parlions tantôt avec Me Pierre-Roy, je n'ai aucun problème à accepter ces modifications, puisque cela cadre parfaitement avec la décision de la Cour suprême.
    J'appuie cet amendement.

  (1750)  

[Traduction]

    Est-ce qu'il y a d'autres questions ou observations?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    (L'article 2 modifié est adopté.)
    (Article 3)
    Le président: Madame Damoff, nous vous écoutons à propos de l'amendement LIB-3.
    L'amendement LIB-3 supprime toute mention de quelque autre loi du Parlement que ce soit. Les dispositions dérogatoires ne sont pas nécessaires pour donner effet aux protections des sources journalistiques du projet de loi et, comme je l'ai mentionné pour un autre amendement, elles pourraient entrer en conflit avec d'autres dispositions législatives fédérales.
    Je m'arrête là-dessus.
    C'est bon. Est-ce qu'il y a des questions ou des observations sur l'amendement?
    Monsieur Dubé.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, à la façon dont je comprends l'amendement, cela donne beaucoup de latitude à la police, comme M. Carignan le signalait, à savoir si l'agent sait que la personne est un journaliste. Ce commentaire s'applique à plusieurs des amendements, mais je crois que le pendule favorise trop les pouvoirs de la police et ne revient pas beaucoup du côté des journalistes. Comme nous l'avons entendu, ce n'est qu'un premier pas, alors encore une fois, je vais voter contre cet amendement.
    Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous passons à l'amendement LIB-4. Nous vous écoutons, madame Damoff.
    Cet amendement vient ajouter des paragraphes qui garantissent que le nouveau test relatif aux mandats ne s'applique pas quand la demande vise l'activité criminelle d'un journaliste.
    Je m'arrête ici.
    Est-ce qu'il y a d'autres questions ou observations?
    Monsieur Dubé.
    Merci, monsieur le président.
    C'est lié à un amendement que M. Pratte a proposé au Sénat après avoir entendu le témoignage de l'Association canadienne des chefs de police. C'est un ajout. Étant donné que le compromis était déjà acceptable, encore une fois, en ce qui me concerne, cela va trop loin et laisse des failles pour la police. Dans le cas d'autres infractions commises par un journaliste, l'Association canadienne des chefs de police a exprimé des préoccupations pour le cas où une personne aurait des accusations en instance, par exemple pour conduite avec facultés affaiblies ou quelque chose de ce genre, sans lien aucun avec la source. L'enquête criminelle en cours dont ce journaliste ferait l'objet pour cette autre infraction pourrait être vue comme un moyen de trouver une source. Initialement, le libellé du projet de loi isolait complètement les deux procédures, ce que la police n'a pas aimé, et M. Pratte avait à juste titre déjà trouvé un compromis. Je ne pense pas qu'il est nécessaire d'aller plus loin dans cette direction.
    Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: C'est à vous, madame Damoff, pour l'amendement LIB-5.
    L'amendement LIB-5 porte sur les pouvoirs du juge. Il ajoute de nouveaux paragraphes. Une fois qu'un juge a lancé un mandat relatif à un journaliste, l'agent de police doit en informer le juge d'une cour supérieure, s'abstenir d'examiner ou de reproduire la preuve, et la sceller jusqu'à ce que le juge de la cour supérieure tranche.
    Encore là, nous ne faisons qu'ajouter des précisions. Le Sénat, quand il a été saisi du projet de loi, n'a pas pu profiter de l'examen des représentants du ministère de la Justice. Après discussion avec les représentants du ministère de la Justice, je crois que toutes ces dispositions sont pertinentes.

  (1755)  

    Monsieur Spengemann.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai un sous-amendement à la deuxième partie de l'amendement LIB-5 concernant les pouvoirs d'un juge en vertu du paragraphe 3(8). Cela vise le paragraphe 488.01(8). Je vais le lire tout haut. On me dit que nous l'avons dans les deux langues officielles.
    Où cela va-t-il, exactement? Je n'ai pas compris.
    C'est le paragraphe 3(8), qui ajoute le paragraphe 488.01(8) dans l'amendement LIB-5 portant sur le pouvoir d'un juge — le premier paragraphe de cela. Le libellé au complet est le suivant:
(8) Le juge saisi en application du paragraphe (7) peut:

(a) confirmer le mandat, l’autorisation ou l’ordonnance s’il estime qu’il n’y a pas lieu de l’assortir de conditions additionnelles afin de protéger la confidentialité des sources journalistiques et de limiter la perturbation des activités journalistiques;
    C'est un sous-amendement à l'alinéa 3(8)a) qui est proposé, avec une phrase supplémentaire.
    C'est juste.
    D'accord. Pouvez-vous remettre cela au greffier?
    Oui.
    N'est-ce pas couvert dans l'alinéa 3(8)b) qui est proposé?
    Monsieur le président, dans l'alinéa 3(8)b) qui est proposé, on parle de modifier les mandats. Ici, il est question de l'étape initiale de la confirmation du mandat, sans preuve relative à la modification. Ce sont deux approches distinctes.
    Je regarde du côté des représentants du ministère de la Justice, au cas où ils auraient des observations à faire à ce sujet — parce que vous êtes là.
    Je crois que l'alinéa 3(8)a) proposé dans le sous-amendement est le reflet de la teneur de l'alinéa 3(8)b). Il ne répète donc pas les facteurs de l'alinéa 3(8)b), et le juge peut confirmer le mandat, l'autorisation ou l'ordonnance s'il estime qu'il n'y a pas lieu de l'assortir de conditions additionnelles afin de protéger la confidentialité des sources journalistiques ou la liberté de presse. Je ne crois pas que ces dispositions soient incohérentes ou répétitives.
    L'alinéa 3(8)b) qui est proposé demeure. L'alinéa 3(8)a) qui est proposé reflète les facteurs à tenir en compte énoncés dans l'alinéa 3(8)b). Est-ce bien cela?
    Oui.
    D'accord.
    Monsieur Brassard.
    Croyez-vous que nous pourrions avoir le texte du sous-amendement que vous proposez, monsieur Spengemann?
    Nous pourrions faire une pause afin d'en obtenir copie, si c'est ce que vous souhaitez.
    J'aimerais le voir, oui.
    Je vois que c'est écrit à la main, mais que c'est bien écrit. C'est plutôt clair. Aimeriez-vous le lire?
    Donnons à M. Brassard une minute pour le lire, mais ne bougez pas. Je vais vous perdre.
    Nous étudions le sous-amendement à l'amendement LIB-5.
    Monsieur Brassard.

  (1800)  

    Je n'ai rien à dire à ce sujet, mais si nous mettons cela aux voix et que c'est adopté, ce sera avec dissidence.
    D'accord. Merci.
    Ceux qui sont pour? Contre?
    (Le sous-amendement est adopté avec dissidence. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous allons mettre l'amendement aux voix. Est-ce que quelqu'un veut encore discuter de l'amendement LIB-5 modifié?
    (L'amendement est adopté avec dissidence. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous étudions maintenant l'amendement LIB-6.
    Madame Damoff.
    Le but de cet amendement est de garantir la protection des sources journalistiques, même quand le journaliste fait l'objet d'une enquête relativement à des activités criminelles.
    Quelqu'un veut faire des commentaires?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal]).
    Le président: LIB-7.
    Madame Damoff.
    C'est un amendement consécutif purement technique qui n'a aucun effet sur le sens ou l'effet du paragraphe 488.02(2).
    Cela semble éliminer une redondance.
    Oui.
    Quelqu'un veut discuter de l'amendement LIB-7?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous vous écoutons, madame Damoff, pour le dernier amendement LIB-8.
    Cette motion vise la suppression de la disposition dérogatoire de l'article 488.03 de la partie du projet de loi qui porte sur le Code criminel, car il n'est pas nécessaire de donner effet aux protections des sources journalistiques prévues dans le projet de loi et que cela pourrait entrer en conflit avec d'autres dispositions législatives.
    Très bien.
    Est-ce qu'il y a des questions ou des observations?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    (L'article 3 modifié est adopté.)
    Le président: Le titre abrégé est-il adopté?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Le titre est-il adopté?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Le projet de loi modifié est-il adopté?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Je vais en faire rapport dès que nous sommes en mesure de peaufiner le texte.
    Je crois que c'est tout pour les travaux du Comité.
    Vous n'avez pas eu besoin de travailler trop fort aujourd'hui.
    Des voix: Ah, ah!
    Le président: Vous auriez dû voir les derniers fonctionnaires que nous avons reçus ici pour une étude article par article.
    Des voix: Ah, ah!
    Une voix: J'en ai entendu parler.
    Le président: Vous l'avez eu facile. Vous leur en devez une.
    C'est bon. Puisque l'ordre du jour est épuisé, la séance est levée.
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