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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (0950)  

[Traduction]

     Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance.
    Nous avons avec nous M. Jan Kizilhan, le chef du département de santé mentale et des dépendances de la Cooperative State University. Il est ici par vidéoconférence de Villingen-Schwenningen, en Allemagne.
    Bienvenue, monsieur Kizilhan. Vous avez sept minutes pour présenter votre exposé.
    Juste avant de commencer, je vous signale que le deuxième expert devrait se joindre à nous d’ici les cinq prochaines minutes.
    Monsieur Kizilhan.
    J’étais le chef des services médicaux et psychologiques du contingent spécial du gouvernement de l’État de Baden-Württemberg, en Allemagne. M. Michael Blume, qui participera à la séance plus tard, pourra peut-être vous en dire plus sur les procédures touchant le contingent spécial. Je vous parlerai de la situation des yézidis et de notre travail auprès des survivants yézidis en Irak qui ont été amenés plus tard en Allemagne.
    J’étais chargé de l’examen psychologique de survivants en Irak. J’ai examiné 1 400 femmes et filles yézidies dans le nord de l’Irak. Nous les avons amenées plus tard en Allemagne pour leur donner des soins et des traitements à Baden-Württemberg.
     J’ai parlé à des centaines de femmes, et même à des enfants, et ils m’ont raconté ce qu’ils avaient vécu. Je n’ai pas trouvé facile d’entendre leurs histoires, même en ma qualité de spécialiste, j’ai travaillé pendant 20 ans avec des personnes traumatisées du Rwanda, de la Bosnie, et d’autres pays. Toutes les fois où je pensais avoir entendu l’histoire la plus terrifiante et inhumaine de ma vie, j’en entendais d’autres, encore plus tragiques, des histoires incroyables qui dépassent l’entendement.
    L’une des personnes que j’ai rencontrées est une jeune fille de 16 ans, Hanna, qui s’est réveillée pendant la nuit, terrifiée à la pensée que les djihadistes reviendraient la violer. Elle s’est donc levée et s’est aspergé le visage d’essence et s’est immolée. La jeune fille a survécu, mais la peau de son visage a été brûlée et ses mains sont abîmées. Elle m’a expliqué qu’elle pensait que si elle était laide, ses violeurs n’en voudraient plus. Lorsque nous l’avons trouvée dans le camp de réfugiés de Khanke, près de la ville de Dohuk, nous l’avons rapidement placée à bord d’un vol spécial en direction de l’Allemagne. La jeune fille suit maintenant des traitements à Stuttgart, en Allemagne.
    Il y a aussi l’histoire de la petite Sari de neuf ans. Sari se rendait à la boulangerie lorsqu’elle a été soudainement arrêtée par un commando de l’État islamique. Ce commando a aussi enlevé des familles de son village yézidi en Irak. Sari a dû assister à l’assassinat de son grand-père par les djihadistes. Par la suite, elle a été vendue et gardée comme esclave pendant des mois jusqu’à ce qu’elle soit vendue au gouvernement kurde avec quelques femmes plus âgées.
    Néanmoins, la force et l’espoir des jeunes femmes qui m’ont parlé pendant plusieurs heures m’ont beaucoup impressionné. En dépit de toutes ces expériences cruelles et inimaginables, ces femmes et ces filles continuent de lutter. Elles voulaient survivre, dans l’espoir d’un avenir meilleur.
    Par la suite, dans le cadre du processus d’intégration et du traitement des traumatismes, dans 21 villes, des travailleurs sociaux, des interprètes et des thérapeutes spécialisés dans le traitement des traumatismes ont été chargés de soutenir ces femmes et ces enfants dans leur nouveau parcours. Les survivants, ainsi que la communauté yézidie à laquelle ils appartiennent, seront traumatisés pendant des décennies. Les formes de violence comprennent le viol, le harcèlement, la mutilation, l’esclavage, le marquage des victimes au fer chaud et l’assassinat. Le viol est une violente agression de son intimité et peut causer un énorme sentiment d’humiliation et de honte. La plupart des victimes seront atteintes du trouble de stress post-traumatique, et connaîtront des problèmes comme la dépression, l’anxiété et des troubles somatiques. Plusieurs dimensions de la vie psychosociale et du bien-être émotionnel des victimes peuvent être touchées.
    D’une part, les survivants peuvent avoir vécu des traumatismes non perçus, associés à l’expérience de la fuite. D’autre part, la guerre modifie les valeurs et les normes, et les gens sont confrontés à un nouvel ordre des choses et à une nouvelle façon d’interagir avec les autres durant la guerre et par la suite. Cette situation est particulièrement difficile pour les membres de groupes qui fuient les guerres ou des situations semblables depuis des générations. Citons en exemple les groupes de religions minoritaires en Syrie: les yarsans, les shabaks, les mandéens, les orientaux, les orthodoxes, les chrétiens et les yézidis.
    Je parle ici de traumatisme transgénérationnel qui perdure depuis plusieurs générations, particulièrement dans le cas des yézidis. Au cours des 800 dernières années, les yézidis ont été victimes de 74 génocides, à ma connaissance. Les yézidis ont un mot pour leur holocauste: Ferman. Ils savent que leurs ancêtres ont été victimes de génocide durant toutes ces années. Les yézidis sont forcés à se convertir à l’islam depuis les 800 dernières années. De 1,2 million à 1,8 million de yézidis ont été tués au cours des 603 dernières années au Moyen-Orient.
    Il est très difficile pour les thérapeutes, les médecins et les spécialistes de soigner physiquement et psychologiquement les victimes de traumatismes comme les yézidis. À part les difficultés que pose la langue en raison de la migration forcée, mentionnons les problèmes engendrés par les patients et leur perspective culturelle, leur description de la maladie, le recours au mode du récit, les aspects liés au sexe du patient et le traumatisme transgénérationnel. Nous sommes face à des groupes qui ont été persécutés, exclus et convertis de force pendant des siècles et plusieurs générations en Irak et en Syrie
    Le traumatisme transgénérationnel est transmis d’une génération à l’autre par des récits et des comportements culturels et religieux. Ces groupes sont maintenant aux prises avec un traumatisme collectif causé par les viols, les tortures et les meurtres. Parallèlement, chaque personne est évidemment marquée par sa propre expérience du traumatisme lorsqu’elle vit ce genre de violence et de destruction. Par les recherches et les personnes qui ont vécu des traumatismes, nous savons qu’il existe trois types de traumatismes: le traumatisme transgénérationnel, le traumatisme collectif et le traumatisme individuel, qui doivent être pris en compte pour être en mesure d’offrir des traitements efficaces.
    Nous savons que le traumatisme collectif, comme celui des populations du Rwanda, de la Bosnie et maintenant de l’Irak et de la Syrie, a des répercussions non seulement sur chaque personne, mais aussi sur la collectivité en guerre. Les études dans les domaines de la psychologie et des traumatismes sont encore peu fréquentes en Irak et en Syrie. Le traitement des blessures émotionnelles et l’acceptation du passé font partie du processus de réconciliation et de paix. Devant la situation exceptionnelle où des personnes sont incapables d’obtenir des soins médicaux et psychiatriques, le gouvernement de l’État de Baden-Württemberg a décidé de faire venir en Allemagne 1 100 femmes et filles pour qu’elles y reçoivent des traitements. Pour ces cas particuliers, il serait souhaitable que le Canada établisse des mécanismes d’accès à des traitements qui permettraient aux yézidis de se rendre au Canada pour y recevoir des soins médicaux.
    Mesdames et messieurs, je vois aussi un signe politique dans le fait que les survivants des actes terribles commis par l’État islamique ne sont pas seuls: ils obtiendront de l’aide des États et des collectivités démocratiques. Pour les yézidis à Sinjar et de la diaspora, il est clair qu’en plus de l’aide humanitaire, la première mesure à prendre doit être la création d’une zone de protection, un refuge pour les yézidis et d’autres groupes à Sinjar. Une autre mesure pourrait être d’accorder plus de droits concrets aux yézidis, en tant que groupe religieux et social au Kurdistan. Nous avons le devoir moral en tant qu’êtres humains de trouver les quelque 3 500 filles et femmes yézidies qui ont été prises en otage et vendues par l’État islamique et de les ramener chez elles, même si cela doit prendre plusieurs années. Leur nom ne doit pas être oublié comme cela a été le cas de leurs ancêtres yézidis.
    Merci beaucoup.

  (0955)  

    Merci, monsieur Kizilhan.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Blume, qui est le chef du projet de contingent spécial. Il est avec nous par vidéoconférence de Stuttgart, en Allemagne.
    Allez-y monsieur, vous avez sept minutes.
    Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
    Ayant piloté le projet de contingent spécial de Baden Württemberg axé sur les femmes et les enfants vulnérables du nord de l’Irak, je suis honoré de vous faire part de notre expérience.
    Comme vous le savez peut-être, c’était la première fois qu’un contingent spécial pour les réfugiés, institué par un État de l’Allemagne, obtenait le consentement et le soutien du gouvernement fédéral. Comme c’est le cas dans votre Parlement, toutes les factions démocratiques de notre Landtag ont appuyé ce programme. Il est plus important que jamais, selon moi, de souligner, à cette époque où le populisme gagne du terrain, que les démocrates de tous les partis sont encore capables de s’unir pour combattre le terrorisme et défendre les droits de la personne.
    De mars 2015 à janvier 2016, nous avons pu évacuer 1 000 femmes et enfants du Kurdistan irakien et les amener à Baden-Württemberg. Un nombre supplémentaire de 100 personnes ont été dirigées vers deux autres États allemands, Niedersachsen et Schleswig-Holstein, qui ont uni leurs efforts aux nôtres.
    Contrairement à ce que l’on a pu lire dans certains journaux, notre programme n’est pas réservé aux yézidis. L’objectif de ce programme était d’évacuer les femmes et les enfants qui avaient été capturés par l’État islamique, qui avaient été victimes de violence et qui avaient perdu un membre masculin de leur famille dans le génocide. Par conséquent, plus de 90 % des bénéficiaires du programme sont yézidis, mais il y a aussi quelques chrétiens et un petit nombre de musulmans.
    Pour commencer, l’État fédéral de Baden-Württemberg a signé une entente avec le gouvernement du Kurdistan dans le nord de l’Irak, et c’est ce qui a constitué le cadre politique de notre projet. Après la décision politique de créer le programme et de le mettre en oeuvre en toute légalité, nous avons rapidement établi une équipe centrale à Stuttgart et des équipes de mission respectueuses des différences culturelles et comportant des spécialistes très résistants au stress. Le premier collègue à qui j’ai demandé de participer au programme est M. Kizilhan. Vous venez de l’entendre, il a présenté un exposé juste avant moi. J’ai aussi invité Simone Helmschrott, qui a accepté de se joindre à notre équipe.
    Je dois ajouter que notre équipe était composée de chrétiens, de musulmans, de yézidis et de personnes non religieuses. On ne pouvait donc pas nous accuser de partialité. Cette bonne expérience m’incite à suggérer au gouvernement canadien de profiter de la diversité dont jouit le pays pour envoyer des équipes composées de membres de diverses origines afin de travailler dans la région. Nous jouons un rôle d’ambassadeurs lorsque nous envoyons là-bas des représentants de divers groupes ethniques et religieux qui travaillent ensemble.
    Au cours des 13 missions réalisées en 2015 et en 2016, nous avons été en mesure de faire sortir 1 100 femmes et enfants d’Irak. À Baden-Württemberg, 21 villes se sont portées volontaires pour accueillir ces personnes, et leur fournir un logement et les services d’un travailleur social et des soins psychologiques. L’État de Baden-Württemberg a dépensé environ 60 000 euros par personne jusqu’à maintenant. Environ 4 000 euros par personne ont été dépensés pour le processus d’identification et d’admission, les premiers secours, les visas et le transport. Le district a reçu 42 000 euros par personne. Nous prévoyons une somme d’environ 15 000 euros par personne pour le traitement psychologique. Au total, Baden-Württemberg a estimé qu’il en coûtera jusqu’à 95 millions d’euros pour trois ans, mais une somme bien inférieure à celle qui avait été prévue a été dépensée jusqu’à maintenant. Nous pensons que ce projet ne sera pas aussi coûteux que nous le craignions au début.
    Nous avons trouvé les bénéficiaires de notre programme par le truchement d’ONG locales, d’églises, de réseaux et du Luftbrücke Irak (pont aérien de l’Irak), nos partenaires allemands et irakiens locaux. Ceux-ci nous ont recommandé des survivants que les membres de notre équipe, en particulier les thérapeutes spécialisés dans le traitement des traumatismes, ont évalués.
    La liste des prisonniers de Daech en possession du gouvernement kurde a aussi joué un rôle important dans notre recherche de bénéficiaires admissibles à notre programme. Nous avons mis sur pied un comité de trois personnes qui devait attester de la validité de chaque cas pris en charge par la mission. Ce comité était composé de M. Kizilhan, de l’un de nos spécialistes des visas et de moi-même. Cela nous a garanti qu’aucun tiers ne puisse intervenir et a permis de prévenir la corruption. Il faut penser à la possibilité que les gens de la région avec lesquels vous travaillez puissent être menacés ou soudoyés. Il ne faisait donc aucun doute que nous devions prendre les décisions nous-mêmes.
    Le nord de l’Irak représente encore pour nous un partenaire important. Notre projet de contingent spécial était un programme d’admission fondée sur des motifs humanitaires, mais nous sommes encore actifs dans la région. Cette année, nous avons mis en oeuvre des solutions plus durables en travaillant dans des camps, en finançant des refuges, et particulièrement, en mettant sur pied un centre des traumatismes psychologiques à l’Université de Duhok où M. Kizilhan joue encore un rôle important.

  (1000)  

     Je me suis rendu en Irak très souvent l’année dernière et j’ai entendu les récits de nombreux survivants du génocide. Environ 1 600 femmes et enfants ont été libérés après la fin de notre programme et devraient connaître un avenir meilleur. L’Allemagne compte déjà une grande communauté yézidie capable d’aider les bénéficiaires du programme qui veulent réintégrer la société. Si je pouvais donner un conseil au gouvernement canadien, je lui suggérerais d’admettre un groupe mixte de réfugiés de différents pays, par exemple des personnes qui constituent les cas les plus pressants en Irak et des familles de réfugiés d’autres pays comme la Jordanie ou la Grèce. Il reste à établir comment ces personnes peuvent être amenées et si elles sont en mesure de s’adapter à notre culture.
    Enfin, j’aimerais signaler que certaines des victimes ne se définissent plus comme des victimes. Des survivantes comme Nadia Murad, Lamiya Aji Bashar, Farida Khalaf et d’autres se sont exprimées publiquement. Nadia Murad s’est adressée à votre Parlement. De plus en plus de femmes sont prêtes à prendre la parole, à changer le discours, à accuser l’État islamique des atrocités qu’il a commises et à inciter la collectivité mondiale à défendre les droits de la personne. En étant des modèles de rôle, ces femmes contribuent à changer leur propre collectivité.
    Enfin, notre premier ministre Winfried Kretschmann a offert au Canada tout le soutien qu’il nous est possible de lui accorder. Nos structures et notre expertise sont à votre disposition si vous voulez travailler avec nous. Nous sommes prêts à vous soutenir de toutes les manières possibles. Nous sommes très heureux de la décision prise par votre Parlement.
    Merci beaucoup.
    Nos cordiales salutations au Canada.
    Merci, monsieur Blume.
    Madame Dzerowicz, vous avez la parole pendant sept minutes.

  (1005)  

    Merci beaucoup à vous deux pour vos excellents exposés. Cette question revêt une grande importance pour nous; nous voulons donc bien faire les choses. Nous vous sommes très reconnaissants de nous présenter un exposé.
    Si je comprends bien, monsieur Blume, une équipe composée de trois personnes a choisi les 1 100 réfugiés yézidis. J’ai une question à trois volets à vous poser.
    Comment avez-vous eu accès au groupe de yézidis et de femmes vulnérables? Il semble que les bénéficiaires du programme proviennent tous d’une région, soit le nord de l’Irak et le Kurdistan.
    Pouvez-vous confirmer qu’une équipe de trois personnes a mené toutes les entrevues et a choisi elle-même toutes les bénéficiaires du programme?
    S’est-on opposé à votre processus? Vous avez mentionné à un certain moment que vous aviez conclu une entente avec le gouvernement régional. Est-ce seulement grâce à cette entente que vous avez eu accès aux femmes vulnérables et aux yézidis et que vous avez pu les interviewer et les sélectionner?
    Je commencerai avec vous, monsieur Blume, puis est-ce que l’autre expert pourrait répondre aussi à la question?
    C’est vrai, nous nous sommes concentrés sur la région de Dohuk...
    Je vous interromps une seconde pour vous informer que les cloches ont commencé à sonner. Nous terminerons le premier ainsi que le deuxième tour puis nous devrons malheureusement ajourner la séance.
    Monsieur Blume.
    Oui, nous nous sommes concentrés sur la région de Dohuk dans le nord de l'Irak pour commencer. Beaucoup nous ont dit: « Eh bien, vous ne pouvez aider tout le monde. Pourquoi aidez-vous ces gens en particulier? » Nous pensions qu'il valait mieux ne pas mettre l'accent sur ceux que nous ne pouvions pas aider, mais privilégier plutôt ceux que nous pouvions aider. Les femmes, les filles et les garçons que nous pouvions aider. Dès le départ, il était clair que nous ne pouvions prendre en charge qu'un certain nombre de cas, 1 000, puis plus tard, 1 100. Nous avons décidé d'y aller méthodiquement et chaque cas a donc été évalué.
    Le gouvernement kurde, les ONG et les églises nous ont adressé ces personnes. Il y avait un formulaire à remplir pour que les cas puissent nous être adressés. Une fois leur admissibilité établie, elles ont été invitées à subir une évaluation psychologique faite par notre psychologue spécialiste des traumatismes, M. Kizilhan. Le processus décisionnel s'est effectué en équipe de trois parce qu'il était très important de rencontrer les gens, d'être sur place, afin de prendre les décisions nous-mêmes. Dans la région, les rumeurs persistaient. Encore aujourd'hui, par exemple, des gens tentent d'obtenir de l'argent en disant: « Vous pouvez acheter un visa pour l'Allemagne ou pour le Canada. » Il est donc très important d'avoir une procédure claire. Les gens savaient que seuls ces trois Allemands prendraient la décision, et cela, seulement après une évaluation et un contact personnel. Si nous avions des doutes sur certains cas, nous pouvions compter sur le gouvernement kurde, par exemple, pour vérifier si les gens provenaient vraiment du village de Kocho ou tout autre élément.
    Enfin, outre le gouvernement régional, bien sûr, nous avons dû parler avec le gouvernement fédéral en Irak, avec Bagdad, pour l'espace aérien. Il a autorisé nos avions à atterrir là-bas. Bien sûr, nous avons consulté le conseil supérieur yézidi à Lalish. Il a donné son consentement également, ce qui était primordial. Ce sont nos trois principaux partenaires: le gouvernement régional kurde, le gouvernement fédéral irakien à Bagdad et le conseil suprême yézidi. Chacun d'eux a donné son approbation et nous avons donc pu procéder.
    Avez-vous rencontré une quelconque opposition à l'idée de réinstaller les yézidis à l'extérieur de leur pays?
    Oui, il y en a eu. Par exemple, certains, surtout des ONG, nous ont dit: « Donnez-nous juste l'argent. Nous nous occuperons des gens sur place. » Quand nous étions là, nous avons constaté l'absence d'installations d'aide psychologique et d'experts en traumatismes. Voilà pourquoi nous les formons maintenant à l'institut universitaire de Dohuk. Bien sûr, des gens nous ont dit: « Donnez-nous simplement l'argent. Nous allons le faire ici. » En fait, nous avons constaté que ces cas urgents n'auraient pas survécu longtemps. Nous avons eu des taux élevés de suicide et de désespoir. Certaines femmes ont dû faire face à la prostitution par manque de ressources. Elles avaient beaucoup d'enfants et aucun parent mâle.
    Nous avons décidé d'aller de l'avant. En fin de compte, même certaines ONG qui n'étaient pas convaincues au début du projet nous ont adressé des cas plus tard, nous avons donc collaboré avec elles.

  (1010)  

    D'accord, voici ma prochaine question...
    Je vous en prie.
    Le gouvernement kurde, bien sûr, ne voulait pas favoriser le nettoyage ethnique par Daech. Il était donc dans son intérêt que nous restreignions clairement le nombre, que nous nous limitions aux cas urgents et que nous demeurons leur partenaire pour les aider maintenant à accueillir l'afflux massif de réfugiés, de PDIP. Cela faisait partie de l'entente. Nous avons dit que nous nous concentrions sur 1 000 cas urgents et ils ont accepté. Ils auraient refusé que nous prenions 100 000 cas en charge, je pense.
    Ma prochaine question porte sur les 1 000 cas que vous avez sélectionnés. Je sais que 1 400 femmes et filles ont été interrogées. Comment les 1 000 personnes ont-elles été choisies?
    À ma connaissance, et c'est d'après un article que j'ai lu, la moyenne d'âge des femmes sélectionnées était de moins de 20 ans. Je crois aussi que ce nombre incluait tous les cas d'enfants, filles et garçons, qu'ils avaient.
    Pourriez-vous préciser le type de personne que vous avez sélectionné et la raison pour laquelle vous avez eu tendance à choisir, autant que possible, une unité ou un groupe familial?
    En 20 secondes, s'il vous plaît.
     Je vous remercie. Peut-être que M. Kizilhan veut dire quelque chose à ce sujet, mais vous avez tout à fait raison. Nous nous sommes concentrés sur les cas urgents, où il n'y avait pas d'hommes présents. Certains étaient portés disparus, d'autres étaient morts, d'autres avaient quitté femmes et enfants.
    Nous avons donc examiné la situation des femmes et des enfants, et comme vous l'avez dit, nous n'avons jamais séparé les mères de leurs enfants. Par exemple, lorsque nous avons eu le cas d'une jeune fille de huit ans qui avait souffert de violence sexuelle et qui était traumatisée, alors, bien sûr, la mère et les frères et soeurs étaient autorisés à participer au programme d'admission. Il s'agissait de petites unités familiales et...
    Je vous remercie, monsieur Blume.
    ... bien sûr, la plupart des mères avaient plusieurs enfants.
    M. Kizilhan peut peut-être...
    Merci. Nous devons passer au prochain segment, car nous devrons lever la séance après.
    Madame Rempel, je vous accorde sept minutes, allez-y.
    Comme je dispose de peu de temps, je vous demande de me donner des réponses brèves.
    Le gouvernement allemand a-t-il compté sur le HCR pour orienter ces femmes vers votre programme, et sinon, pourquoi?
     Le HCR a signalé que la situation posait problème. Il est responsable des réfugiés, c'est-à-dire des yézidis ou des Kurdes se dirigeant vers la Turquie ou la Jordanie. La plupart de nos gens étaient des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, de sorte que l'orientation des cas n'a pas été effectuée par le HCR. Nous en avons discuté, mais c'était problématique au plan juridique.
    Si vous deviez nous donner votre avis, conseilleriez-vous au Canada de recourir au HCR pour identifier rapidement ces personnes?
    Je conseillerais au Canada d'y recourir pour sélectionner les personnes ayant quitté l'Irak, mais si vous voulez admettre les cas urgents encore en Irak, il faut alors faire le travail sur le terrain.
    Peut-être que le HCR a changé ses politiques dans l'intervalle, mais, à cette époque, il nous a dit qu'il n'adresserait pas les personnes déplacées à l'intérieur aux gouvernements étrangers.
    C'est ce que nous comprenons également. Le HCR n'a pas été en mesure d'agir efficacement à cet égard.
    Pour clarifier, vous conseilleriez donc de travailler avec les ONG et d'élaborer nos propres critères pour faire sortir ces gens de l'Irak.
    Oui, je dirais que c'est une option. Si vous voulez aider les cas urgents en Irak, c'est ce que je vous conseille de faire.
    Est-ce que des représentants d'Immigration et Citoyenneté Canada ont communiqué avec vous pour connaître la meilleure pratique que vous avez établie?
    Oui, nous avons eu plusieurs entretiens téléphoniques et d'autres contacts ainsi qu'un échange de documents; oui, cela se poursuit.
    Le gouvernement canadien dispose donc maintenant de la meilleure pratique que vous utilisez pour sélectionner et identifier les filles en Irak?

  (1015)  

    Oui.
    Excellent.
    Est-ce qu'ils vous ont indiqué d'une façon ou d'une autre qu'ils souhaiteraient utiliser ces critères pour faire sortir des gens de l'Irak?
     Ils voulaient simplement connaître nos expériences pour appuyer le processus décisionnel. Ils ne nous ont pas encore parlé de leur programme, mais ils se sont informés de notre expérience et ont demandé, par exemple, la différence entre le fait de choisir des personnes dans d'autres pays, comme la Turquie ou la Jordanie, ou de prendre des cas d'urgence en provenance d'Irak. Je pense qu'il y a deux manières de faire et le gouvernement canadien doit en choisir une ou je dirais, peut-être, combiner ces approches.
    Excellent.
    Vous avez mentionné que vous avez utilisé des ONG sur le terrain pour identifier ces réfugiés. De quelles ONG s'agissait-il?
    Nous avions deux ONG partenaires. Il s'agissait d'Air Bridge Iraq et de l'Organisation internationale pour les migrations. Comme elles étaient nos deux partenaires, sur le terrain, beaucoup de cas nous ont été adressés par des églises et des ONG travaillant sur le terrain. Parfois, il s'agissait d'une sorte de fondation; d'autres fois, c'était seulement un cas et elles nous ont parfois envoyé de nombreux cas.
    À titre d'exemple, le Conseil central des chrétiens d'Orient en Allemagne nous a adressé quelques cas.
    Vous avez mentionné que vous avez également fait sortir des personnes des minorités chrétiennes et musulmanes qui avaient connu la captivité. L'Allemagne considère-t-elle que ces groupes sont également victimes du génocide perpétré par Daech?
    J'ignore si le gouvernement allemand s'est exprimé à ce sujet, mais j'ai été à Sinjar. Nous avons vu les signes, nous avons vu les fosses communes, et mon travail là-bas me permet d'affirmer qu'un génocide s'y déroule.
    En ce qui concerne le traitement de ces femmes, avez-vous maintenant établi des pratiques exemplaires pour soutenir ces femmes lorsqu'elles viennent en Allemagne, et seriez-vous disposé à les partager avec notre comité, avec de la documentation?
    Bien sûr. Par exemple, nous avons organisé des congrès avec des travailleurs sociaux. M. Kizilhan a écrit un ouvrage contenant des exemples de pratiques exemplaires. Je serais heureux de vous inviter, vous les députés, à venir voir ce que font les femmes et les enfants ici, pour constater ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous êtes invités à venir au Bade-Wurtemberg pour leur rendre visite.
    Je vous remercie. C'est une offre très intéressante.
    Vous avez mentionné que vous avez établi vos propres critères que vous avez utilisés avec les ONG pour sélectionner... Vous avez parlé d'un questionnaire ou d'une liste de contrôle. Pourriez-vous en fournir une copie à notre comité?
    Naturellement.
    Excellent. Quels étaient certains des critères clés que vous avez utilisés?
    Les voici: les personnes avaient été détenues par Daech; elles avaient souffert de violences traumatisantes, en particulier de violences sexuelles, mais aussi, par exemple, de conversions forcées et les structures familiales étaient disloquées. Si la famille était intacte, si le mari était présent, ce n'était normalement pas les femmes que nous amenions au pays. C'était les trois principaux critères.
    M. Kizilhan peut peut-être en parler, parce qu'il a fait l'évaluation à ce sujet.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais il ne me reste qu'une minute.
    En ce qui concerne la période de temps nécessaire pour que vous établissiez ce programme et que vous ameniez les femmes en Allemagne, selon les pratiques exemplaires que vous avez utilisées et les relations avec les ONG que vous avez établies, ainsi que la liste de contrôle, estimez-vous raisonnable que le Canada puisse accueillir au moins 1 000 femmes dans un délai de 3 mois?
    Non, je dirais que vous pourriez amorcer le processus, mais nous avons eu besoin d'un an. Il serait peut-être possible de le faire en neuf mois ou à peu près, mais trois mois c'est le temps requis pour amorcer le processus.
    Combien de femmes avez-vous pu identifier une fois que vous avez eu vos processus en place sur le terrain?
    Il vous reste 10 secondes, s'il vous plaît.
    Comme nous avons effectué 1 400 évaluations choisies parmi un nombre plus élevé de cas, il serait possible d'en trouver 1 600 de plus.
    Je vous remercie.
    Merci, messieurs, d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui. Malheureusement, des votes non prévus doivent avoir lieu à la Chambre des communes, et nous devons lever la séance. Toutefois, le Comité restera en contact avec vous afin que nous puissions reprendre la demi-heure qui a été coupée aujourd'hui. Nous espérons que vous serez alors libre et en mesure de terminer votre témoignage devant le Comité.
    La séance est levée.
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