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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 mai 2020

[Enregistrement électronique]

  (1500)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 27e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 24 mars, le Comité se réunit pour discuter de la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence, et les délibérations seront rendues publiques sur le site Web de la Chambre des communes.
    Il est inutile de passer en revue les détails techniques, puisqu'on l'a déjà fait à quelques reprises. Je soulignerais toutefois qu'il est fortement recommandé d'utiliser un casque d'écoute à microperche, ce qui facilite grandement la tâche des interprètes. Je demanderais aussi aux intervenants de parler aussi lentement et aussi clairement que possible.
    Avant de donner la parole au témoin, le directeur parlementaire du budget, j'aimerais accorder une minute à M. Morantz pour qu'il dise un mot sur l'anniversaire qu'il m'a mentionné tout à l'heure, juste avant que je déclare la séance ouverte.
    Monsieur Morantz, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, de m'accorder quelques instants.
    Aujourd'hui, ma province, le Manitoba, célèbre son 150e anniversaire. C'est le 12 mai 1870 que le Manitoba est officiellement devenu une province, devenant ainsi la cinquième province à se joindre à la Confédération. La résilience qui caractérise les habitants des Prairies, dont plus de 1,3 million de Manitobains, est plus perceptible que jamais en ce moment. En effet, les Manitobains de tous les horizons unissent leurs efforts pour lutter contre la COVID-19.
    Depuis 150 ans, les Manitobains font preuve de persévérance dans les périodes difficiles et ils ont l'esprit à la fête quand les choses vont bien. Aujourd'hui, comme tous les jours, je suis très fier d'être Manitobain.
    Je souhaite donc un joyeux 150e anniversaire à tous mes concitoyens du Manitoba.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Morantz.
    Nous vous souhaitons également un joyeux 150e anniversaire.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi maintenant de vous présenter nos témoins d'aujourd'hui. Ils travaillent tous les deux au Bureau du directeur parlementaire du budget. M. Yves Giroux est directeur parlementaire du budget, tandis que Mme Yan occupe les fonctions de directrice de l'Analyse budgétaire.
    Monsieur le directeur parlementaire du budget, la parole est à vous. J'imagine que vous souhaitez faire une déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. C'est la première fois que je comparais virtuellement devant votre comité.
    Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour parler de notre récente analyse des questions économiques et financières liées à la COVID-19.
    Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Xiaoyi Yan, qui, à mon bureau, est directrice de l'Analyse budgétaire.
    Jusqu'ici, nous avons publié trois rapports d'analyse de scénario sur les répercussions des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et à la chute des prix du pétrole. Ces rapports visent à aider les parlementaires à évaluer les répercussions éventuelles des chocs dus à la pandémie de COVID-19 et à la chute des prix du pétrole sur l’économie canadienne et les finances du gouvernement. Cette analyse fournit un scénario illustratif plausible. Il ne s'agit pas d'une prévision. L’analyse de scénario est mise à jour régulièrement, à mesure que nous prenons connaissance de données et de renseignements supplémentaires.
    Publiée le 30 avril, notre plus récente mise à jour de l'analyse de scénario tient compte des nouvelles mesures fédérales annoncées jusqu'au 24 avril, inclusivement. Elle prévoit que, en 2020, le PIB réel du Canada connaîtra une baisse de 12 %. Il s'agirait ainsi de la croissance la plus faible jamais enregistrée depuis le début de la série, en 1961.
    Selon ce scénario, le déficit budgétaire passerait à 252 milliards de dollars en 2020-2021. Par rapport à la taille de l'économie canadienne, un tel déficit représenterait 12,7 % du PIB. Le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB passerait à 48,4 % en 2020-2021. Les plus récents résultats budgétaires tiennent compte des mesures budgétaires fédérales totalisant 146 milliards de dollars qui ont été annoncées en date du 24 avril et ils se fondent sur les évaluations de coûts de Finances Canada et du directeur parlementaire du budget. Ces chiffres ne prennent pas en considération les mesures annoncées après le 24 avril. Si on en tenait compte, ils ajouteraient quelques milliards de dollars au déficit fédéral.
    Mon bureau a également produit des évaluations des coûts liés à certains éléments du Plan d'intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, dont la Prestation canadienne d'urgence, la Subvention salariale d'urgence du Canada et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Selon notre analyse, on estime que le coût de la Prestation canadienne d'urgence s'élèvera à 35 milliards de dollars, tandis que la Subvention salariale d'urgence du Canada et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes devraient coûter 75 milliards de dollars et un peu plus de 9 milliards de dollars, respectivement.
    Les mesures budgétaires annoncées jusqu'ici par le gouvernement sont censées être temporaires. Après l’expiration des mesures budgétaires et la reprise de l’économie, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB devrait se stabiliser. Toutefois, si certaines des mesures sont prolongées ou deviennent permanentes, le ratio de la dette fédérale pourrait continuer d’augmenter.
    Xiaoyi et moi serions ravis de répondre à vos questions sur l'analyse des répercussions de la COVID-19 ou sur les autres travaux réalisés par le Bureau du directeur parlementaire du budget.
    Merci, monsieur le président.

  (1505)  

    Merci beaucoup, monsieur Giroux. Je vous remercie du travail important que vous faites.
    Je vais donner la parole à tour de rôle aux intervenants inscrits sur la liste, puis je reviendrai au premier nom.
    Pour la première série de questions de six minutes, ce sera, dans l'ordre, M. Morantz, qui sera suivi par M. Fraser, M. Ste-Marie et M. Julian. Puis, au tour suivant, nous allons commencer par M. Poilievre.
    Monsieur Morantz, vous avez la parole.
    Merci encore, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'un déficit prévu de 252 milliards de dollars, du jamais vu. De mon vivant, je ne me rappelle pas avoir déjà vu un déficit supérieur à 40 milliards de dollars environ.
    Votre analyse vous a-t-elle permis de déterminer quelle partie du déficit est attribuable aux dépenses et au ralentissement économique directement liés à la COVID-19? En temps normal, qu'aurait été la situation? Autrement dit, n'eût été la crise de la COVID-19, quel aurait été le déficit prévu pour 2020-2021?
    Nous estimons que le ralentissement économique est responsable d'une baisse des recettes d'environ 70 milliards de dollars.
    Sur les 252 milliards de dollars, environ 70 milliards sont attribuables à la réduction des recettes et 146 milliards sont dus à l'augmentation des dépenses directement liées à COVID-19. Nous avions déjà prévu un déficit, dont je vais retrouver ici le montant pour vous.
    Avant la crise de la COVID-19, nous nous attendions à ce que le déficit atteigne 23 milliards de dollars en 2020-2021. Nous prévoyons maintenant qu'il sera bien au-delà de 250 milliards de dollars.
    Comme je l'ai dit, ce chiffre est ventilé comme suit: un déficit prévu de 23 milliards de dollars; des mesures budgétaires de 146 milliards de dollars; et une baisse des recettes d'environ 70 milliards de dollars.
    Merci.
    Hier, des médias ont rapporté qu'on avait demandé à des fonctionnaires de fermer les yeux sur des preuves de fraude dans certains des programmes mis en place. Pour le moment, c'est ce qui semble avoir été allégué, du moins par les médias.
    Étant donné le chiffre ahurissant dont vous venez de parler, à savoir un déficit 10 fois plus élevé que prévu, ces allégations vous inquiètent-elles en tant que directeur parlementaire du budget?
    En tant que directeur parlementaire, mais aussi comme contribuable, je suis extrêmement inquiet quand j'apprends qu'on ne prévoit peut-être pas combattre ni surveiller de près les cas de fraude ou d'abus relativement aux prestations du gouvernement.
    Cela dit, nos estimations de coûts ne tiennent pas compte de la fraude ou du recours abusif aux programmes. Nous échafaudons diverses hypothèses quant au nombre de personnes admissibles à ces prestations, mais nos estimations ne tiennent pas compte de fraudes ou d'abus éventuels.
    Bref, le déficit pourrait être plus élevé si ces allégations étaient fondées.
    Hélas, oui. Si ces prestations font l'objet de fraudes et d'abus généralisés, les dépenses seront forcément beaucoup plus élevées que prévu.

  (1510)  

    D'accord. Je vous remercie de ces précisions.
    Dans le budget de fonctionnement de 2019, les frais de service de la dette se sont élevés à quelque 23,3 milliards de dollars. Si l'on présume que vos chiffres sont exacts, que la fraude ne causera pas vraiment d'augmentation et que le déficit atteindra 252 milliards de dollars, quels devraient être les frais de service de la dette prévus dans le budget de fonctionnement?
    En admettant que le déficit s'élèvera à environ 250 milliards de dollars, nous prévoyons que les frais de service de la dette n'augmenteront pas, ce qui est à la fois étonnant et paradoxal. Cette situation est attribuable au fait que les taux d'intérêt sont beaucoup plus bas que ce que nous avions prévu il y a à peine deux ou trois mois. Comme les taux d'intérêt sont très bas, il n'est pas tellement coûteux de financer la dette croissante.
    Par exemple, le gouvernement peut émettre des obligations de 10 ans et payer des taux d'intérêt inférieurs à 1 %. On a rarement vu des taux aussi bas de notre vivant. Étant donné les piètres conditions économiques, nous ne prévoyons pas que les taux d'intérêt vont connaître une hausse importante au cours des prochains mois.
    Monsieur le président, il me reste peut-être assez de temps pour poser une autre question.
    Pour ce qui est des déficits, on a appris par le passé que le gouvernement fédéral n'arriverait peut-être pas à équilibrer le budget avant 2040, environ. Compte tenu de ce qui se passe en ce moment dans un monde totalement différent, à quel moment pensez-vous que le gouvernement fédéral pourra renouer avec l'équilibre budgétaire? Dans combien d'années?
    Vos hypothèses valent sûrement les miennes. Compte tenu de l'ampleur du déficit, le retour à l'équilibre budgétaire nécessitera fort probablement des efforts considérables. Il faudrait que les programmes temporaires prennent fin, mais ce ne serait probablement pas suffisant. Je pense à un contrôle strict des dépenses ou à d'autres politiques, comme des hausses d'impôt, à moins que nous ayons la chance de vivre une croissance sans précédent après la pandémie.
    Merci.
    Monsieur le président, ai-je le temps de poser une autre question?
    Non, vous avez un peu dépassé le temps qui vous était attribué, monsieur Morantz, mais ça va.
    Merci à vous deux.
    Nous passons à M. Fraser, qui sera suivi de M. Ste-Marie.
    À vous la parole, monsieur Fraser.
    Merci beaucoup d'être là aujourd'hui pour nous présenter, fidèle à votre habitude, une analyse rigoureuse.
    Je veux revenir sur une des questions que M. Morantz a posées à propos du service de la dette. En gros, vous avez répondu qu'il est peu probable que le coût du service de la dette augmente. Est-ce en raison de la baisse du taux d'intérêt sur les emprunts? Est-ce plutôt parce que le taux d'intérêt était très faible dès le début, ce qui fait que le coût d'emprunt est près de zéro et n'augmente à peu près pas le chiffre global?
    C'est une combinaison des deux facteurs. Historiquement, les taux d'intérêt ont été supérieurs à ceux des dernières années. Ainsi, même avant l'arrivée de la pandémie, le gouvernement a pu faire des emprunts à des taux d'intérêt très bas. En raison de la pandémie, les taux ont chuté encore plus bas. Peu de gens croyaient que c'était possible, mais c'est ce qui s'est passé. Par conséquent, le gouvernement peut maintenant financer sa dette.
    Aux nouveaux emprunts s'ajoute la part de la dette qui doit être refinancée à des taux très bas: on parle de moins de 1 % pour les obligations de 10 ans et d'environ 1 % ou un peu plus pour les obligations de 30 ans. La situation s'explique donc à la fois par les taux d'intérêt qui étaient déjà bas avant la pandémie et par la baisse supplémentaire depuis le début de la crise.
    Je pose cette question à la suite d'un de vos derniers témoignages devant nous alors que les réunions se déroulaient en personne. Vous nous aviez parlé de votre rapport publié à la fin février sur la viabilité financière du fédéral et des provinces.
    Si je me souviens bien, je vous avais alors posé des questions sur le coût d'emprunt pour les obligations de 30 ans. Je pense que j'avais parlé d'un taux d'environ 0,709 %. Vous aviez entre autres indiqué au Comité qu'il y avait une marge de manœuvre — même si j'hésite à utiliser ce terme — de 38 milliards de dollars pour payer des dépenses ou offrir des baisses d'impôt avant que la situation fiscale devienne non viable.
    À votre avis, compte tenu du grand écart qu'il y avait entre les plans existants de dépenses et le plafond pour maintenir la viabilité, serons-nous en mesure de poursuivre les activités de façon viable lorsque l'économie se stabilisera, et ce, malgré les 252 milliards de dollars qui ont été ajoutés à la dette publique?

  (1515)  

    Il est fort possible que, lorsque nous ferons face à la nouvelle normalité après la pandémie, les finances de l'État soient toujours viables. Toutefois, il est très difficile de l'affirmer avec une grande certitude à l'heure actuelle parce que nous ne savons pas encore à quoi ressemblera la nouvelle normalité ni quand elle s'établira. Plus important encore, nous ne savons pas le montant des dépenses que le gouvernement devra faire lorsque nous serons passés au travers de cette terrible période qu'est la pandémie de COVID-19.
    Selon le monde qui émergera lorsque nous aurons enfin franchi cette étape vers la nouvelle normalité, les finances du gouvernement pourraient bien être viables s'il est en mesure de revenir à un niveau de déficit beaucoup plus bas. Cependant, il est extrêmement difficile de faire des prévisions avec certitude.
    Ai-je assez de temps pour poser une dernière question, monsieur le président? Parfait, merci.
    L'ancien gouverneur de la Banque du Canada avait, entre autres, fait valoir... En fait, c'était plutôt M. Kevin Milligan, un économiste qui a comparu devant le Comité. Pendant son témoignage, il a notamment dit que ce n'est pas les dépenses du gouvernement qui ont créé cette dette, mais bien le virus. Selon lui, il fallait déterminer comment répartir les coûts de la réponse au virus entre les particuliers, les entreprises, les municipalités, les provinces et le fédéral. J'ai trouvé que c'était un point de vue intéressant parce que l'inaction aurait évidemment aussi entraîné un énorme coût, qui aurait en grande partie été refilé aux particuliers, aux entreprises et aux autres ordres de gouvernement.
    Je me demande si vous pouvez analyser le coût qu'une intervention réduite aurait eu pour l'ensemble du système économique du Canada.
    C'est une question très intéressante. Nous n'avons pas fait de modélisation sur les coûts des différents degrés d'intervention ou de soutien aux entreprises et aux particuliers. Ce serait toutefois une analyse d'une très grande valeur pour moi, ainsi que pour de nombreux économistes et décideurs du pays.
    Cela dit, je ne sais pas à quel point un tel exercice serait précis. Compte tenu du caractère sans précédent du choc actuel, il serait très difficile de déterminer les répercussions d'une intervention réduite ou de différents types de mesures. Après tout, nous avançons en terrain complètement inconnu.
    Vous avez le temps de poser une question très courte, monsieur Fraser.
    D'accord, j'ai une dernière question.
    Je voudrais remettre en contexte le coût total des dépenses qui sont faites. De toute évidence, ce sont des sommes substantielles. Je pense que les Canadiens en sont bien conscients. Après avoir fait des emprunts pour payer ces dépenses, où en est le ratio de la dette par rapport au PIB si on le compare aux sommets historiques? Sommes-nous en passe d'atteindre des niveaux records?
    Si on suppose que 2021 sera la seule année où un déficit sera enregistré, ce qui est loin d'être certain, le pays aura un ratio de la dette par rapport au PIB de 48 %, ce qui laisse un écart considérable par rapport au record atteint au milieu des années 1990, soit 66,6 %. Vous vous souvenez peut-être que le Wall Street Journal avait alors qualifié le Canada de membre honoraire du tiers monde. Nous sommes donc loin de cette situation.
    Cela dit, il suffirait de quelques années de déficits de cette ampleur pour que le Canada atteigne un tel ratio de la dette par rapport au PIB.
    Merci.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Nous passons maintenant à M. Ste-Marie, qui sera suivi de M. Julian.
    À vous la parole, monsieur Ste-Marie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Giroux. Je tiens d'abord à vous féliciter, vous et votre équipe, pour le travail exceptionnel que vous faites en ces temps de crise. À voir le nombre de vos publications et leur qualité, vous ne chômez pas, loin de là!
    Je commence par un bref commentaire. Nous avons rappelé le ratio qui avait cours au milieu des années 1990 entre la dette et le produit intérieur brut. On se souviendra de la solution du gouvernement fédéral de l'époque, qui avait été de pelleter le problème dans la cour des provinces en réduisant les transferts, notamment ceux en santé. Nous souhaitons évidemment qu'il y ait une solution à brève échéance au déséquilibre fiscal.
    Ma première question est en lien avec la comptabilisation des prêts et des garanties de prêts. Le gouvernement a débloqué près de 200 milliards de dollars en prêts et en garanties de prêts. Nous ne savons pas où il s'arrêtera puisque le compte du Canada semble maintenant illimité. Cependant, le Parlement ne vote que sur des dépenses. Or tous ces prêts et garanties ne deviendront une dépense que lorsqu'ils seront radiés dans 10 ans. Il sera alors trop tard pour exercer le moindre contrôle.
    Selon vous et votre équipe, existe-t-il une façon d'avoir un meilleur contrôle sur ce qui se fait? Que suggérez-vous?

  (1520)  

    C'est une bonne question. Elle m'a été posée lors de la législature précédente concernant la pratique de tous les gouvernements d'octroyer des prêts pour ensuite radier certaines de ces créances en cas de faillite de l'emprunteur. Cela laisse en plan les parlementaires, qui ne votent jamais sur ces prêts.
    Afin d'assurer aux parlementaires un certain contrôle sur le niveau d'endettement et sur ces prêts qui peuvent donner lieu à des radiations de créances et à des frais importants pour la Couronne, il y aurait probablement lieu de permettre aux parlementaires de voter sur les limites maximales de l'accroissement de la dette que les sociétés de la Couronne et les entités gouvernementales peuvent consentir.
     Comme vous l'avez mentionné, la Couronne peut en tirer des bénéfices nets, quoique faibles, si les prêts sont octroyés à des taux commerciaux. Cependant, comme nous l'avons vu il y a deux ans dans le cas de Chrysler, la dette doit parfois être radiée. Cela occasionne des pertes importantes au Trésor, ce qui n'est pas formellement approuvé par les parlementaires.
    Un mécanisme au moyen duquel les députés et les sénateurs voteraient sur les augmentations des limites de prêts serait probablement approprié. Cette question, par contre, relève évidemment des parlementaires.
    Je vous remercie, monsieur Giroux.
    On se souviendra que Chrysler avait reçu 2,5 milliards de dollars il y a deux ans. C'est inquiétant.
    Dans le cadre de votre travail, vous évaluez le coût global des mesures, mais vous ne faites pas de suivi détaillé des dépenses. Par exemple, combien d'argent est réellement dépensé? Quel est le profil des entreprises qui bénéficient de la Subvention salariale d'urgence du Canada, ou encore du Crédit d'urgence pour les grands employeurs qui a été annoncé hier? Ce ne sont pas tant les détails qui m'intéressent que des agrégats permettant de voir si ce sont de petites ou moyennes entreprises ou de grandes sociétés qui reçoivent l'argent, ou encore les secteurs de l'économie qui en bénéficient le plus.
    Selon vous, cela pourrait-il se faire? À l'heure actuelle, les parlementaires manquent d'outils pour exercer un contrôle réel sur les dépenses immenses qui ont cours et veiller à ce qu'elles servent les bonnes priorités économiques.
     C'est une question très pertinente, et elle nous préoccupe, mon équipe et moi. J'ai d'ailleurs envoyé une vingtaine de demandes d'information à différents ministères justement dans le but de faire le suivi de ces mesures.
    Nous avons demandé des comptes rendus mensuels, hebdomadaires ou bihebdomadaires, selon les mesures, afin de savoir à quelle vitesse les fonds sont déboursés et à quel point les programmes sont sollicités par les Canadiens et par les entreprises. Cela nous permet de faire un suivi qui nous sera utile au cours des prochains mois. Nous avons déjà pensé à cela.
    Jusqu'à maintenant, il semble y avoir une bonne collaboration de la part des ministères, bien que nous n'ayons pas encore eu de réponse de la majorité d'entre eux. Je suis toutefois optimiste et je crois qu'ils vont collaborer et nous fournir l'information, afin que mon bureau et moi puissions informer les parlementaires du progrès dans les efforts gouvernementaux quant aux mesures de soutien.
    Je suis ravi d'entendre cela. Je vous remercie. Nous avons hâte de voir vos futures analyses.
    Depuis le début de la crise, vous travaillez sans relâche à évaluer le coût de chaque mesure annoncée. Vous devez souvent reprendre les évaluations parce que chaque programme est annoncé à la pièce et peut même être modifié après coup.
    Pour mieux évaluer l'intervention globale du gouvernement, selon vous, serait-il pertinent que le gouvernement nous présente l'ensemble de ses interventions dans un seul document, par exemple dans une mise à jour budgétaire?

  (1525)  

    J'ai probablement deux réponses à cela.
    La première est qu'il est très évident pour moi qu'il est plus que temps que le gouvernement dépose une mise à jour économique ou, à tout le moins, une mise à jour budgétaire. Il est clair qu'il est difficile d'avoir une mise à jour économique dans un climat de très haute incertitude, mais le gouvernement pourrait faire une mise à jour budgétaire au cours de laquelle il pourrait faire le point sur les revenus qu'il s'attend à recevoir et, surtout, sur ce qu'il a prévu comme dépenses depuis le début de la crise et qu'il prévoit au cours des prochains mois. Ce serait très important pour les parlementaires, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens.
    La deuxième réponse est un peu cynique. Si le gouvernement ne veut pas le faire, je serai heureux de le faire avec l'information limitée que j'ai. Cela me permettrait tout de même de tenir les parlementaires et les Canadiens informés. Le niveau d'information ne serait évidemment pas le même parce que je n'ai pas accès à l'information qui est discutée au Cabinet; mais je pourrais quand même vous tenir raisonnablement informés. L'absence de chiffres du gouvernement permet au travail de mon bureau d'avoir plus de visibilité. C'est en quelque sorte ma réponse opportuniste, si je puis dire.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci à vous deux.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Julian. Ensuite, nous passerons aux interventions de cinq minutes. Je pense qu'il nous reste beaucoup de temps. M. Poilievre sera le prochain intervenant.
    Allez-y, monsieur Julian.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, merci beaucoup de témoigner encore une fois devant le comité des finances, de façon virtuelle aujourd'hui. Vous êtes très généreux de votre temps. Nous espérons que votre famille ainsi que celles de tout le personnel du Bureau du directeur parlementaire du budget sont en santé et en sécurité. Vous jouez un rôle important au Parlement.
    Ma première question est toute simple.
    Vous avez parlé du ratio de la dette par rapport au PIB à la fin de la pandémie ou pendant la période de relance que nous espérons. Comment se compare ce ratio de la dette par rapport au PIB avec le niveau atteint après la Deuxième Guerre mondiale, qui était aussi une période intense en ce qui concerne les dépenses, la reconstruction de l'infrastructure et l'établissement d'un filet de sécurité sociale? Comment se compare-t-il à celui d'autres pays qui ont un solide filet de sécurité sociale?
    Ce ratio se compare avantageusement à celui que notre pays a atteint à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Toutefois, les comparaisons avec cette période doivent être prises avec un grain de sel parce que le système de comptabilité nationale était différent à l'époque. Dans les années 1940, on ne parlait pas de PIB, ou de produit intérieur brut, mais de produit national brut, qui tenait compte de la production des Canadiens, peu importe où ils se trouvaient dans le monde. C'est l'une des distinctions entre les deux mesures parce que le PIB tient compte de la production sur le territoire canadien seulement. Il y a des différences entre les deux époques, mais, en gros, nous avons un ratio beaucoup plus bas que celui atteint à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
    En ce qui concerne les comparaisons avec d'autres États qui ont des filets de sécurité raisonnables, il est approprié de se tourner vers les pays du G7. Nous avons probablement le plus faible ratio ou alors nous arrivons au deuxième rang. En fait, parmi les pays du G7, un seul a un ratio de la dette par rapport au PIB inférieur à celui du Canada. Dans certains pays, comme les États-Unis, le ratio est supérieur à 100 % ou s'en approche. Le ratio du Japon est supérieur à 200 %. J'espère sincèrement que nous n'arriverons pas à un tel pourcentage. Notre situation est très bonne si on la compare à nos concurrents internationaux: l'Italie, le Japon — comme je l'ai dit — et la France. L'Allemagne est probablement en très bonne position, mais le Royaume-Uni et les États-Unis ont un ratio de la dette par rapport au PIB plus élevé que le nôtre.
    Je vous remercie de votre réponse. Je pense que Bay Street va certainement exercer une certaine pression pour que l'on mette en place des modèles d'austérité. Nous constatons bien sûr que beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts, donc l'idée d'adopter un modèle d'austérité après la pandémie semble complètement insensée.
    Avec votre rapport marquant de l'année dernière, votre appel lancé le dernier jour de la dernière législature, vous avez tracé un chemin possible pour l'après-pandémie. Le 21 juin dernier, vous avez présenté un rapport important intitulé Constatations préliminaires concernant la fiscalité internationale. Celui-ci traite de la portée des paradis fiscaux sur la fiscalité au Canada. Dans la conclusion, vous dites que, si l’on considère les transferts électroniques de fonds, cela représente « environ 164 milliards de dollars de revenus imposables, à savoir 25 milliards de dollars en perte de recettes fiscales ».
    Depuis ce temps, y a-t-il d'autres chiffres qui se sont dégagés? À l'époque, le 21 juin, vous avez dit que c'était une estimation relativement prudente. Avez-vous une idée maintenant de la valeur que pourraient atteindre ces recettes fiscales, cet argent que nous avons en commun pour financer des programmes et des emplois, et de la part de cet argent qui ne fait pas partie de ce que le gouvernement fédéral devrait percevoir?

  (1530)  

    Nous avons poursuivi ce travail depuis ce temps, notamment en réponse à différents partis politiques qui nous ont demandé, pendant la campagne électorale, de calculer le coût de diverses mesures de lutte contre l'évasion fiscale ou d'assujettir à l'impôt les géants du Web dont les revenus sont rapatriés dans leur pays d'origine ou dans le pays où se trouve leur siège social, lesquels sont souvent des paradis fiscaux. Nous n'avons pas révisé ni affiné l'estimation de 25 milliards de dollars figurant dans le rapport de juin dernier, mais nous avons approfondi notre compréhension des différents types de planification fiscale agressive et, dans certains cas, d'évasion fiscale et d'évitement fiscal. Je ne peux malheureusement pas vous fournir de chiffre révisé, mais nous avons une bien meilleure compréhension de la situation qu'à l'époque. Nous comprenons également beaucoup mieux le cas des particuliers fortunés et les divers types d'arrangements qu'ils concluent pour réduire au minimum leurs impôts.
    Par exemple, nous rédigeons actuellement un rapport sur les particuliers fortunés et sur la manière dont la richesse est répartie ou attribuée en fonction du niveau de revenu. Le rapport présentera la part de richesse que détiennent différents types de familles et il montrera qu'une très forte proportion de la richesse nette est détenue par une poignée de personnes, ce qui n'a rien d'étonnant. Nous approfondissons notre compréhension de l'ensemble du phénomène de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale.
    J'ai une question rapide à poser. Quand ce rapport sera-t-il disponible? Avez-vous une date prévue?
    Je vais laisser Mme Yan répondre. Elle est bien plus au fait que moi de ce qui se passe avec le rapport.
    Madame Yan, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je suis ravie de répondre à cette question.
    On a récemment terminé la rédaction du rapport. Ce dernier est presque prêt. Les parlementaires devraient bientôt y avoir accès. C'est ce que je pense. Je vais tenir M. Giroux au courant du temps dont nous aurons besoin avant de publier le rapport.
    J'étais responsable du projet et, selon moi, le rapport sera bientôt publié.
    Je vous remercie.
    Au prochain tour, les intervenants disposeront de six minutes, car nous avons beaucoup de temps devant nous. Nous commencerons par M. Poilievre, puis nous passerons à M. Fragiskatos.
    Cependant, avant de poursuivre, je veux dire que j'ai réfléchi à la préoccupation qui a été exprimée au cours du premier tour, en réponse aux questions de M. Morantz, mais qui a aussi été soulevée au Parlement et auprès du premier ministre concernant la bureaucratie ou le fait que le gouvernement ne court pas après ceux qui ne devraient pas obtenir la Prestation canadienne d'urgence.
    Je veux vraiment insister sur ce point: la fraude ne sera pas tolérée. C'est aussi simple que cela. À mon avis, les ministres n'ont pas été aussi clairs qu'ils auraient dû l'être aujourd'hui. Beaucoup de gens appellent à mon bureau pour dire qu'ils recevaient des prestations d'assurance-emploi, mais qu'ils sont retournés au travail. Cependant, ils se sont mis à recevoir la Prestation canadienne d'urgence de 2 000 $, et ce, sans en avoir fait la demande. Ils appellent à mon bureau pour savoir ce qu'ils doivent faire. Je leur dis de mettre l'argent de côté et de ne pas le dépenser. La situation sera réglée à la fin de la période de déclaration de revenus.
    Les gens savent qu'ils n'auraient pas dû la recevoir. Il y en a sans doute qui utilisent la Prestation canadienne d'urgence alors qu'ils n'y sont pas admissibles. Cependant, le fait est qu'à la fin de l'exercice financier, l'Agence du revenu du Canada ou quelqu'un d'autre frappera à leur porte. Voilà pourquoi je tiens à souligner que la fraude ne sera pas tolérée. Je pense que les parlementaires vont certainement insister sur ce point. On y remédiera.
    Monsieur Poilievre, vous disposez de six minutes.

  (1535)  

    Je vous remercie.
    Aujourd'hui, j'ai jeté un coup d'œil au bilan du gouvernement pour 2018-2019. J'ai pu constater que le gouvernement du Canada avait une situation nette déficitaire de 685 milliards de dollars, et ce, avant le coronavirus.
    Monsieur le directeur parlementaire du budget, selon les mises à jour que vous avez fournies, la situation nette déficitaire s'élève maintenant à 968 milliards de dollars, à la fin de l'exercice. C'est ce que nous appelons la dette fédérale, mais il s'agit en fait des actifs moins les passifs, ce que nous appelons généralement la valeur nette. Comment est-il possible qu'une entité ait une situation nette déficitaire de 968 milliards de dollars, presque 1 billion? La réponse est que le principal actif du gouvernement fédéral ne figure pas dans son bilan; il s'agit du pouvoir d'imposition. Par conséquent, lorsque nous demandons si le gouvernement peut se permettre de payer ses factures, la principale question que nous devons nous poser est de savoir si la population peut se permettre de payer le gouvernement.
    Voilà pourquoi je trouve que le ratio dette-PIB dont vous et d'autres fonctionnaires faites référence est si trompeur. Le ratio dette-PIB de cette année n'est pas de 48 %. Il est plus proche de 360 %, car le gouvernement fédéral n'a pas la mainmise sur la totalité de l'économie canadienne. L'économie doit supporter la dette des gouvernements fédéral et provinciaux, des administrations municipales, en plus des entreprises et des ménages. Si on considère l'ensemble de ces éléments, nous étions à 356 % du PIB en 2018, avant que le coronavirus ne frappe.
    Vous avez dit que nous avons une grande marge de manœuvre avant d'atteindre les niveaux catastrophiques de 1995, mais quel était le rapport entre la dette totale de l'économie et le PIB en 1995 par rapport à celui d'aujourd'hui?
    Ce chiffre doit tenir compte de la dette provinciale ainsi que de celles des organismes municipaux et autres organismes publics, tels que les conseils scolaires et les hôpitaux. Je n'ai pas le chiffre pour 1995-1996, mais je pense qu'il était probablement bien supérieur à 100 % du PIB. Nous pourrions vérifier et vous donner le niveau d'endettement de l'époque si vous le souhaitez, mais il était certainement bien plus élevé que la dette fédérale calculée seule.
    Oui, mais ce n'est pas seulement les autres ordres de gouvernement. Il y a aussi les ménages. Voici un passage d'un article de M. Jack Mintz, dans le Financial Post:
Selon le Fonds monétaire international, le total de notre dette privée et de notre dette publique, incluant tous les instruments financiers, s'élevait à 356 % du PIB en 2018, ce qui n'est pas loin du record de 378 % du PIB atteint en 1995 lorsqu'il est devenu très difficile de trouver des prêteurs sur le marché international pour financer notre dette publique.
    Ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas loin des niveaux catastrophiques de 1995. Nous ne sommes qu'à environ 20 points de pourcentage du PIB, en incluant l'ensemble des dettes publiques et privées, et cette année seulement, le gouvernement fédéral ajoutera à lui seul l'équivalent de 12 % du PIB à sa dette. Dieu seul sait combien les ménages, les provinces et les entreprises ajoutent à la dette. Étant donné que c'est une seule et unique économie qui doit soutenir toute la dette, ne craignez-vous pas que, dans les prochaines années, nous frappions un mur?
    Si on ajoute au calcul la dette privée ou celle des ménages et des entreprises, on obtient un résultat très différent. Le gouverneur de la Banque du Canada, les mordus de politique, les groupes de réflexion et nous-mêmes avons mentionné à plusieurs reprises que les niveaux élevés d'endettement des ménages présentent un risque important pour l'économie canadienne.
    Ce niveau élevé d'endettement, aussi inquiétant soit-il, ne coûte pas si cher à supporter, ce qui explique probablement en grande partie pourquoi il est si élevé. En effet, une hypothèque substantielle ne coûte pas si cher, car les taux d'intérêt hypothécaires sont de 3 à 4 %. Ceci incite les gens à s'endetter davantage, et c'est d'ailleurs ce qu'ils font. Par conséquent, lorsqu'on prend en considération la dette des particuliers et des entreprises et qu'on l'ajoute au niveau d'endettement du gouvernement, il s'agit bien sûr d'un montant très important. Cependant, j'ignore ce que le gouvernement peut faire pour empêcher les ménages de contracter une telle dette. La somme de tous ces éléments donne à réfléchir, j'en conviens.

  (1540)  

    Vous devez additionner tous ces chiffres parce que le gouvernement n'est pas le seul maître de l'économie. Il ne peut pas accaparer toute la production pour assurer le service de sa dette. Notre économie à elle seule doit amortir la dette des ménages, des entreprises et de tous les ordres de gouvernement. Vous me dites que la faiblesse des taux d'intérêt est la seule chose qui nous sauve à l'heure actuelle. Vous avez prédit que les taux demeureront faibles en raison de la faiblesse de l'économie, mais l'histoire nous a appris que les taux d'intérêt peuvent être élevés dans une économie en perte de vitesse. En effet, au début des années 1980, l'économie était extrêmement faible, et nous avions augmenté énormément les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation galopante. Pourquoi risquerions-nous une récidive?
    Pourquoi prendrions-nous le risque d'avoir un niveau d'endettement insoutenable qui pourrait entraîner la hausse des taux d'intérêt, en nous fondant uniquement sur l'hypothèse idéaliste que ces taux n'augmenteront plus jamais?
    Je crois que personne ne présume que les taux d'intérêt n'augmenteront plus jamais. Le scénario que nous avons publié couvre seulement la période allant jusqu'à la fin de l'année civile en cours, et nous ne prévoyons pas une remontée des taux d'intérêt. Les personnes qui ont osé présenter des prévisions ou des scénarios au-delà de l'année civile en cours ne prévoient pas non plus une remontée des taux d'intérêt semblable à celle des années 1980.
    Les taux d'intérêt pourraient-ils augmenter au cours des prochaines années? Oui, ils le pourraient, et nous devons en être conscients.
    Monsieur le président, pourrais-je avoir 10 secondes pour faire des observations finales sur cette question?
    Oui. De toute façon, vous aurez le temps de poser une autre question plus tard. Voulez-vous prendre la parole maintenant ou attendre plus tard?
     Je serai très bref. Je ferai remarquer que, par exemple, si on faisait passer à 2 % le taux de financement à un jour, ce serait une hausse de 800 % par rapport au taux actuel de 0,25 %. Il ne s'agirait que d'une hausse de deux points de pourcentage, mais cela multiplierait le taux par huit. La vulnérabilité de l'économie canadienne à la hausse des taux d'intérêt est tellement plus grande de nos jours, ce qui augmente considérablement les risques.
    Avez-vous des observations à faire, monsieur Giroux?
    Je dirai simplement qu'il est vrai que l'ensemble de l'économie canadienne est vulnérable aux fluctuations des taux d'intérêt. Comme M. Poilievre l'a mentionné, si les taux d'intérêt augmentent, le gouvernement ne serait pas le seul à devoir assumer des frais de service de la dette bien plus élevés; ce serait aussi le cas des ménages et des entreprises.
    Étant probablement la seule personne ici à avoir dû payer des taux d'intérêt de 22,5 % dans les années 1980, je peux dire que c'était une expérience marquante, mais fort douloureuse.
    Passons maintenant à M. Fragiskatos, qui sera ensuite suivi de M. Cumming.
    Elizabeth May, quelqu'un m'a informé que vous aviez la main levée plus tôt. Nous vous donnerons un tour de parole un peu plus tard.
    La parole est à vous, monsieur Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Giroux, de votre témoignage aujourd'hui et de tout le travail que vous faites.
    Je veux revenir sur certaines des questions posées par M. Poilievre. On vous a interrogé aujourd'hui sur le ratio dette-PIB du Canada par rapport à celui d'autres pays, et vous avez répondu que nous avons un excellent ratio dette-PIB par rapport à celui d'autres pays du G7. Cela inclurait aussi des fédérations composées de municipalités, d'États ou de provinces endettés.
    Quand vous faites cette comparaison, est-ce que vous excluez les fédérations? Est-ce que vous tenez compte des pays ayant une structure fédérale de gouvernement?

  (1545)  

    Oui, mais je tente de comparer des ordres de gouvernement semblables pour obtenir des données comparables. Par exemple, si nous tenons compte que de la dette fédérale au Canada, nous devrons en faire de même pour les autres fédérations.
    Oui, mais quand vous examinez le ratio dette-PIB d'autres pays, vous n'excluez pas les fédérations. Vous comparez le Canada à d'autres fédérations, ainsi qu'à des États unitaires, sans les exclure.
    M. Yves Giroux: Oui.
    M. Peter Fragiskatos: Parfait!
    Je veux revenir sur une question que M. Fraser vous a posée à la fin de son intervention.
    Supposons un instant que le Canada s'était contenté de faire le minimum et n'avait pas instauré la Prestation canadienne d'urgence, le Programme de subventions salariales, l'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial à l'intention des entreprises ou le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Quelles auraient été les répercussions économiques? Je sais que vous n'avez pas effectué des modélisations là-dessus et que vos collaborateurs ne se sont pas penchés sur la question. Toutefois, vous avez bien dit qu'il serait intéressant de se livrer à ce genre de réflexion. Vous étudiez l'économie. C'est votre expertise. Que répondriez-vous si je vous posais cette question?
    Si le Canada n'avait pas instauré ces programmes, quel aurait été l'effet net sur l'économie, en tenant compte d'une évidence même, à savoir que l'économie repose essentiellement sur les gens? Si les gens souffrent, je suppose que l'économie souffrirait certainement d'une manière sans précédent. Je ne prétends pas parler pour vous, mais auriez-vous quelque chose à ajouter?
    Bien sûr!
    En l'absence d'aide gouvernementale, comme des subventions salariales, des mesures de soutien du revenu et des prêts aux entreprises, il y aurait eu un nombre important de faillites de particuliers et d'entreprises.
    Il y aurait eu encore plus de restaurants qui auraient décidé de ne pas rouvrir leurs portes. Il y aurait déjà eu de nombreuses faillites. En effet, il n'y a pas un grand nombre de personnes qui ont suffisamment d'économies pour subvenir à leurs besoins pendant des mois sans revenus. Il y aurait donc eu beaucoup de saisies de maisons à cause des prêts hypothécaires non remboursés et de saisies de véhicules à cause des prêts automobiles non remboursés. Comme je l'ai mentionné, des entreprises auraient fait faillite, et des soldes de carte de crédit n'auraient pas été remboursés. Il coûterait certes cher de ne rien faire. Au lieu d'être assumé par le gouvernement, ce coût devrait être assumé par des entreprises, des banques, des institutions financières ou tout prêteur d'argent. Ils devraient éponger des dettes très élevées, ce qui causerait beaucoup de détresse émotionnelle et de stress.
    Pouvons-nous en conclure, monsieur Giroux, que le coût de l'inaction aurait pu non seulement provoquer une récession, mais peut-être même aussi une dépression? Est-ce que cela aurait pu être une possibilité?
    Oui, je pense que cela aurait pu se produire. Cependant, je crois que cela aurait seulement forcé le gouvernement à passer à l'action, sauf que les mesures qu'il aurait prises auraient probablement été encore plus coûteuses ou radicales que celles que le gouvernement a estimé devoir adopter.
    Par exemple, comme je l'ai mentionné, l'absence de mesures de soutien du revenu ou de prêts provoquerait notamment une grande détresse économique et bon nombre de faillites. Dans un tel scénario catastrophique, on peut facilement imaginer les institutions financières canadiennes faire faillite les unes après les autres. Le gouvernement aurait dû renflouer les banques, ce qui ne coûterait probablement pas beaucoup moins cher, et ne serait certes pas moins coûteux que les mesures prises actuellement par le Canada pour venir en aide aux particuliers et aux entreprises.
    Quant au coût de l'inaction, je ne pense pas qu'on peut vraiment l'envisager parce que le gouvernement aurait, de toute façon, été forcé de faire quelque chose. Au lieu de présenter des mesures en mars, il aurait dû le faire à la fin d'avril ou en mai, et le coût total aurait probablement été beaucoup plus élevé qu'il l'est actuellement. Toutefois, nous ne le saurons jamais avec certitude, car nous ne souhaitons pas mener une expérience sociale aussi terrible.

  (1550)  

    Merci.
    Andrew Scheer et les conservateurs ont laissé entendre qu'il fallait apparemment, du moins d'après eux, réduire l'argent versé aux bénéficiaires de la Prestation canadienne d'urgence. Avez-vous une idée de ce que cela signifierait pour le consommateur canadien moyen qui reçoit présentement cette prestation par nécessité et ce que cela pourrait signifier pour l'économie canadienne?
    Dans un scénario aussi hypothétique, il faudrait tenir compte des modifications apportées à la Prestation canadienne d'urgence. Je pense que la suggestion des conservateurs était liée aux facteurs dissuadant les gens de travailler. Bien sûr, dès qu'on offre une prestation à des particuliers sans exiger qu'ils fournissent une charge de travail en retour, cela constitue une incitation à ne pas travailler, mais il s'agit là d'une question entièrement différente. Pour revenir à votre question, nous devrions nous pencher sur les détails pour pouvoir évaluer l'incidence sur les consommateurs, les citoyens et l'économie du Canada.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Cumming, puis à M. McLeod.
    Monsieur Cumming, vous disposez de six minutes.
    Je suis ravi de vous voir de nouveau au Comité. C'est toujours un plaisir d'entendre votre témoignage.
    Je veux d'abord parler un peu du déficit de 252 milliards de dollars. Il est drôle de voir l'aisance avec laquelle vous prononcez ce chiffre. Dans quelle mesure êtes-vous convaincu de son exactitude, étant donné qu'il continue d'y avoir des prolongations des mesures de dépenses? Il semble qu'il y aura une prolongation du Programme de subventions salariale. Plus important encore, quels revenus seront générés par l'économie? Cela relève un peu de la conjecture. Dans combien de temps croyez-vous que les provinces rouvriront et commenceront à générer de nouveau des recettes, dans un scénario où le déficit s'élève à 252 milliards de dollars?
    Selon ce scénario, les mesures de distanciation physique seraient graduellement allégées au cours du printemps, et resteraient en vigueur jusqu'à la fin de l'année civile. Certaines mesures resteraient en place toute l'année. Ainsi les provinces et le gouvernement fédéral continueraient de percevoir des recettes fiscales, mais celles-ci ne reviendraient sûrement pas, au cours de l’année, au niveau où elles étaient avant la pandémie. Nous devrons probablement attendre jusqu'après la fin de l’exercice avant de voir les recettes gouvernementales revenir à ce qu’elles étaient. Il faudra plusieurs mois, et peut-être même plusieurs années, avant que nous percevions de nouveau les recettes que nous avions en février.
    Pour ce qui est du niveau de certitude que j'ai à l'égard du déficit, chiffré à 252 milliards de dollars, cela dépend de plusieurs choses. Pour qu'il tienne, il faut que les mesures de distanciation soient allégées graduellement d'ici la fin de 2020. Il faut aussi que le prix de l'essence demeure bas jusqu'à la fin de l'année. Il a fallu cesser de considérer certains facteurs après le 24 avril parce qu'il fallait publier des conclusions.
    À mon avis, ce chiffre de 252 milliards de dollars est probablement une prévision optimiste. Si je devais gager, je dirais que ce sera probablement pire. Je pense que ce chiffre de 252 milliards est probablement très optimiste dans l’état actuel des choses, mais nous pourrions aussi avoir de bonnes surprises, comme je l’ai déjà dit. Un génie pourrait trouver le vaccin demain, et nous pourrions revenir à la vie normale avant septembre, mais pour le moment il ne faut pas compter là-dessus. Selon toute vraisemblance, le déficit dépassera les 252 milliards de dollars.
    Comme l’a fait valoir mon collègue, vous aviez fait une certaine analyse de la situation avant l’apparition de la COVID, concernant par exemple la dette des provinces et des municipalités. Je pense donc qu’on peut dire avec passablement de certitude que le niveau d’endettement pourrait être beaucoup plus élevé.
    J’en déduis que nous avons deux choix, face à ce scénario. Il faudrait soit avoir la capacité d’imposition, et le Canada, sur le plan concurrentiel, était assez près de… Si je me souviens bien de certains de vos rapports, notre capacité sur ce plan suscitait quelque inquiétude. L’autre option serait de générer des revenus.
    À mesure que nous sortirons de cette situation causée par la pandémie, à quel point sera-t-il important — et nous sommes ouverts à toute initiative du gouvernement, financement d'infrastructure ou planification fiscale — d’encourager les investissements dans les entreprises productrices de revenus plutôt que dans des projets qui engendreraient des coûts?

  (1555)  

    Aussi triste qu'elle puisse être, une crise comme celle que nous vivons engendre de nouvelles possibilités. Comme vous l’avez dit, il faudra certainement prendre des mesures de stimulation de l’économie. Au moment opportun, le gouvernement devrait envisager sérieusement de prendre des mesures de stimulation de la productivité plutôt que de se contenter de dépenser, ce qui n’engendre pas d’amélioration du bien-être de la population et n’augmente pas la capacité de générer de la richesse.
    Il faudra avoir un plan prévoyant, en temps opportun, des mesures favorisant la reprise de l’économie de manière à générer croissance et richesse au pays, et cesser de dépenser juste pour injecter de l’argent.
    Cela dit, ce serait utile que le gouvernement présente son plan de redressement, ou au moins une mise à jour économique, quand on commencera à voir la lumière au bout du tunnel, afin que les Canadiens connaissent l’ampleur du déficit et comprennent beaucoup mieux la situation économique.
    Pour favoriser la confiance, en particulier la confiance dans les investissements, dans la communauté d'affaires et dans le secteur public, à quel point, à votre avis, est-il crucial de concevoir un plan quelconque afin que les gens puissent savoir qu'on réfléchit à la façon dont nous allons nous tirer de là? À quel point est-il crucial d'avoir un tel plan qui arriverait à point nommé?
    À mon humble avis, le plus tôt sera le mieux.
    Il est toutefois un peu difficile de demander au gouvernement de présenter un tel plan maintenant, puisque les gouvernements — pas seulement le gouvernement fédéral, mais les gouvernements provinciaux et territoriaux également — font actuellement des pieds et des mains pour composer avec la pandémie et protéger les Canadiens.
    Cependant, la fonction publique est capable de formuler des propositions et des options en vue d’un plan de relance. Ayant travaillé au ministère des Finances et au BCP, je suis sûr que des esprits brillants formulent déjà des avis aux ministres et au Cabinet en vue de la présentation d’un plan de redressement économique. À mon avis, le plus tôt ce plan sera présenté et rendu public, mieux ce sera pour inspirer aux Canadiens et aux entreprises ce sentiment de confiance dont vous avez parlé. Ainsi, une fois la pandémie maîtrisée, on pourra revenir à une situation économique favorable, il y aura des possibilités d’investissement et les gens qui ont perdu leur emploi pourront trouver du travail. Cette pandémie aura un revers plus sympathique.
    À mon avis, plus ce plan sera dévoilé rapidement, mieux ce sera pour nous tous, collectivement.
    Merci.
    Merci à tous les deux.
    Merci pour ces observations, monsieur Giroux. J’espère que quelqu'un, à l’étage au-dessus, a entendu cette affirmation sur la nécessité d’un plan de redressement à brève échéance.
    Je donne maintenant la parole à M. McLeod. Ensuite, madame May, vous aurez la parole pour une période de questions de cinq minutes.
    À vous, monsieur McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le directeur parlementaire du budget. C'est une discussion très intéressante que nous avons aujourd'hui.
    Ma question s'adresse au directeur parlementaire du budget. Quand vous avez témoigné au Comité, au début de mars, je vous avais interrogé au sujet de la viabilité financière des gouvernements des territoires nordiques, dans le contexte qui est le leur.
    Je ne peux m'empêcher de penser que votre prochain rapport montrera que la pandémie a grandement aggravé la situation. Compte tenu de notre assiette fiscale restreinte, des lacunes qui affligent nos services et notre infrastructure et des pouvoirs fiscaux limités des territoires par rapport à ceux des gouvernements de plus grande taille, diriez-vous que le Nord est dans une situation particulièrement précaire actuellement?
    La situation s’est détériorée, sans aucun doute. Sur le plan de la santé, la situation n’est pas aussi mauvaise qu’elle l’est dans certaines provinces, mais l’impact économique de la crise est probablement plus dur, comme c'est le cas pour la plupart des régions éloignées du pays.
    Étant donné le ralentissement économique et la récession de cette année, la situation économique de l’ensemble des provinces et territoires n’est certainement pas meilleure. Lorsque nous publierons notre prochain rapport sur la viabilité financière, probablement l’année prochaine, je ne crois pas que la situation se soit alors améliorée dans quelque province ou territoire que ce soit. C'est donc également vrai pour les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut, malheureusement.

  (1600)  

    Le gouvernement fédéral pourrait-il contribuer à améliorer la situation en prenant certaines mesures? Par exemple, il pourrait permettre plus de souplesse et partager les coûts de grands projets d’infrastructure, créer plus de programmes prévoyant un financement de base et une allocation par habitant en sus, ou hausser le montant de la dette maximale, une chose que nous réclamons depuis un bout de temps et qui devient maintenant urgente. Au début de 2020, la dette du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest arrivait à 300 millions de dollars de sa limite autorisée, soit 1,3 milliard de dollars.
    Au moment de la publication du dernier rapport sur la viabilité financière, en janvier, et du rapport précédent, en 2018, il était clair que le gouvernement fédéral avait des pratiques viables pour les 75 prochaines années et que ce n’était pas le cas pour l’ensemble des provinces et des territoires combinés. C’était peut-être naïf de ma part, mais je m’attendais à ce que la discussion au pays amène une modification des responsabilités ou du mode de partage des recettes entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Cela ne s’est pas produit, et la crise actuelle met probablement cette situation en lumière.
    La discussion devra se poursuivre parce que, au bout du compte, ce sont les mêmes contribuables qui paient pour tous les ordres de gouvernement. Si un gouvernement est viable et que les autres ne le sont pas, il faut se dépêcher de mieux répartir l’assiette fiscale et de trouver comment générer des recettes qui seront distribuées plus avantageusement pour tous. La même chose est vraie pour la répartition des responsabilités.
    Bref, j'entends par là que vos suggestions me semblent valables pour assurer une meilleure viabilité financière des territoires, mais il s’agit toujours d’une décision politique à savoir qui aura quoi dans une situation particulière. Rien de ce que vous avez dit ne m’a semblé inapproprié, et je n’aurais rien contre ces solutions, mis à part, peut-être, la hausse de la limite de la dette. Si un territoire ou toute administration n’est pas viable à long terme, ce n’est pas en lui permettant d’emprunter davantage qu’on l’aidera. Cela pourrait être une solution temporaire, mais ce n’est probablement pas la solution à long terme.
    Michael, il vous reste deux minutes.
    Je voulais poser une autre question sur le rapport sur la viabilité financière. Je pense que le directeur parlementaire du budget a dit qu’il n’y en aurait pas d’autre avant l’année prochaine. Y a-t-il un moyen, pour votre bureau, de présenter un aperçu de la situation actuelle des provinces et des territoires, et du rang qu’ils occupent en ce moment?
    Notre dernier rapport sur la viabilité financière des provinces et des territoires a été publié en janvier. Nous n’avions pas suffisamment de données pour faire un tableau distinct pour chaque territoire, mais je ne crois pas que ce serait tellement différent pour l’un ou l’autre, si nous l’avions fait.
    Il serait probablement prématuré de mettre à jour maintenant les chiffres de ce rapport, étant donné que la situation économique et financière est en pleine évolution. Nous pouvons essayer de voir ce qu’il serait possible de faire, mais malheureusement je ne crois pas qu’il serait possible de présenter quoi que ce soit de solide ni même le moindrement fiable, pour ce qui est de la situation financière des provinces et des territoires, d’ici la fin de l’année, étant donné les dépenses et la situation économique très changeante.
    Merci à tous les deux pour cet échange.
    Nous passons maintenant à une série de questions laissant cinq minutes à chaque intervenant. Nous allons commencer avec Mme May, puis ce sera le tour de M. Brunelle-Duceppe, M. Julian, M. Cooper, Mme Koutrakis, M. Poilievre et Mme Dzerowicz.
    Madame May, vous avez la parole.

  (1605)  

    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi mes collègues du comité.
    Tout d’abord, je ne vois pas l’image de Pierre Poilievre, mais j’espère qu’il est assis, parce que j’aimerais commencer par remercier Stephen Harper d’avoir créé le poste de directeur parlementaire du budget...
    Est-ce que d’autres que moi ont de la difficulté à entendre Mme May? Attendez un moment, Mme May. Nous avons un petit… Voilà!
    Excusez-moi, je taquinais Pierre.
    Oh, vous vous asseyez, Pierre. Bien.
    Je voudrais commencer par remercier Stephen Harper d'avoir créé le poste de directeur parlementaire du budget. Nous avons commencé à considérer son existence comme allant de soi.
    Vous faites un travail excellent, monsieur Giroux et madame Yan. Nous vous devons beaucoup. Je vous en suis infiniment reconnaissante. Les habitants de ma circonscription me demandent en effet tout le temps ce que cela signifie pour notre avenir, quel niveau de déficit et d'endettement nous pouvons nous permettre. Je trouve que la clarté de vos rapports, pendant cette crise, est extrêmement utile.
    J'aimerais revenir sur quelque chose que vous venez de dire. Vous avez dit espérer que les dépenses pour stimuler l'économie, après la pandémie, viseront à « stimuler la productivité ». Je me demande si vous auriez des suggestions à faire, par catégorie bien évidemment. Quel genre de dépenses répondrait à vos objectifs, c'est-à-dire profiter de cette crise, en fait, pour améliorer nos indicateurs économiques, en particulier en lien avec la productivité?
    C'est une question très générale, madame May. Vous me mettez à l'épreuve.
    La liste de mesures pouvant potentiellement stimuler la productivité est longue. On peut envisager d'investir dans la technologie ou la recherche en santé, par exemple, ce qui est indéniablement nécessaire ces temps-ci. Investir dans les infrastructures est aussi très utile pour faciliter le transport, les communications et le commerce. La liste des investissements potentiels est longue. C'est donc aux gens comme vous, les députés, qu'il revient de décider de la meilleure combinaison possible avec l'aide des fonctionnaires et des intervenants.
    Ce n'est pas du tout mon rôle et je ne prétends pas avoir la réponse à toutes les questions. Quoi qu'il en soit, il y a différents types d'investissements qui pourraient stimuler la productivité et aussi faciliter le retour à une économie plus normale.
    Merci d'avoir essayé de nous donner un début de réponse à une question très vaste.
    Je vais passer à autre chose. Prendre part à ce comité est un privilège extraordinaire et je remercie mes collègues de m'avoir permis d'y participer. Nous avons eu le grand privilège d'entendre des gens comme vous, bien sûr. Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a témoigné et a parlé de ce qui est l'orthodoxie des banques centrales mondiales, à savoir que, à une époque comme celle que nous vivons, nous devons faire tout notre possible pour lutter contre la déflation et que nos politiques, comme la réduction des taux d'intérêt à un niveau proche de zéro ou l'assouplissement quantitatif, peuvent être inflationnistes.
    Nous avons reçu un témoin aux tendances plutôt iconoclastes. Je ne sais pas si je peux vous demander votre opinion quant à savoir si nous devrions en fait revoir notre position là-dessus, mais un témoin appelé Jeffrey Booth, qui a écrit un livre intitulé The Price of Tomorrow, a affirmé que nous ne pouvons pas continuer à lutter contre la déflation. Le coût marginal de beaucoup de choses comme l'énergie renouvelable frise le zéro, les biens de consommation et l'intelligence artificielle...
    Je ne sais pas si je peux vous demander votre avis, mais j'ai trouvé ce discours dissonant très frappant. C'était certainement un point de vue d'iconoclaste et je me demande ce que vous pensez de cela.
    Bien. Je ne crois pas que le coût marginal de quoi que ce soit puisse friser le zéro sans qu'il y ait une demande infinie. Vous avez dit que, si le coût marginal de l'énergie frise le zéro, il n'y aura plus d'incitatif pour économiser l'énergie puisqu'elle ne coûtera quasiment rien. La demande répondra à l'offre et il y aura un coût à cela et les coûts ne reviendront jamais à zéro.
    Vous pouvez penser que les coûts marginaux liés à la diffusion en ligne sont nuls, mais, en fait, quand tout le monde est connecté à Internet, comme on l'observe ces jours-ci dans nos quartiers, Internet commence à ralentir un peu et les fournisseurs de service Internet commencent à songer à augmenter leurs prix parce qu'ils vont devoir augmenter leur bande passante.
    Je ne pense donc pas que ce soit inutile de lutter contre la déflation parce que si le coût marginal d'une chose atteint zéro, il y aura une demande infinie pour cette chose et son coût marginal ne baissera pas jusqu'à zéro. Il y a, bien sûr, des exceptions, mais, je ne pense pas, d'une manière générale, que nous ne pouvons pas « contrecarrer » la déflation.

  (1610)  

    Merci. C'est une question que je voulais poser et je suis contente d'avoir eu la possibilité de vous la poser à vous, monsieur Giroux.
    Merci encore pour tous vos efforts et merci à toute votre équipe.
    Merci à tous les deux.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, monsieur Giroux.
    Premièrement, je tiens à souligner, comme l'a fait tantôt mon collègue de Joliette, que vous ne devez pas chômer ces temps-ci. Bravo!
    Vous avez parlé tout récemment de mesures qui viseraient à stimuler l'économie dans le cadre d'une éventuelle relance. La semaine passée, une question a été posée par M. Littler, qui comparaissait devant le Comité en tant que représentant du Conseil canadien du commerce de détail. M. Littler demande une mesure depuis des années — depuis plusieurs législatures, en fait. Nous avons posé la même question à M. Morneau, mais nous n'avons pas obtenu de réponse. C'était au sujet des frais d'interchange que doivent assumer les détaillants à chaque transaction. Comme on le sait, dans le contexte de la COVID-19, on utilise surtout les cartes de crédit, notamment. L'argent comptant n'est presque plus utilisé.
    Je me demandais si nous devrions imiter l'Europe ou l'Australie en fixant le taux à 0,3 %, pour chaque transaction, plutôt qu'à 1,5 %, comme c'est le cas présentement. En réalité, le taux se situe autour de 2 % et atteint même parfois 2,5 % dans certaines situations. Or cela gruge directement les profits des commerçants. Le fait de fixer ces taux à 0,3 %, comme cela se fait ailleurs, ne favoriserait-il pas une relance de l'économie, entre autres? Cela ferait beaucoup d'argent dans les poches de ces commerçants, mais aussi plus d'impôt à payer puisqu'ils feraient plus de profit.
    Selon vous, est-ce que cette mesure a déjà été étudiée par votre bureau? Cette demande date d'il y a longtemps. Est-ce qu'il serait avisé d'appliquer une telle mesure ici, au Québec et au Canada?
    Je vous remercie, monsieur Brunelle-Duceppe.
     Ce n'est pas une question que nous avons étudiée, du moins pas depuis que je suis directeur parlementaire du budget. Cela étant dit, elle mériterait probablement d'être considérée. Les frais d'interchange sont un quasi-monopole que détiennent les fournisseurs de services. Les marchands n'ont pas vraiment d'autre choix que d'offrir ce mode de paiement. On voit depuis deux mois que c'est très répandu. C'est la méthode de paiement que préfèrent beaucoup d'employés qui travaillent dans le domaine du commerce dedétail ou de l'alimentation. Les commerçants n'ont donc pratiquement pas d'autre choix que d'utiliser ces méthodes de paiement. Ils n'ont guère le choix non plus pour ce qui est des fournisseurs de services. Si ce n'est pas un monopole, c'est un oligopole.
    En matière de politiques publiques, la réponse logique, quand on fait face à un monopole, consiste à le réglementer pour s'assurer que les prix sont raisonnables. Je ne suis pas un spécialiste du système de paiement. Les frais d'interchange sont-ils déraisonnables ou non?
     Comme simple consommateur, si je vais à la pizzeria du coin et que je paie avec ma carte de crédit, je suis un peu peiné à l'idée que 2 ou 3 % du montant de la vente, voire davantage, doivent être remis aux divers intermédiaires financiers. Il y a probablement lieu d'étudier la question et, si les frais semblent abusifs, d'établir une réglementation. Comme je le disais, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais en tant que consommateur, je trouve cela préoccupant.
    En fin de compte, c'est une question de gros bon sens. Je vous remercie beaucoup, monsieur Giroux.
    Votre bureau a déjà travaillé sur des mesures pour venir en aide aux aînés, notamment pendant les élections. J'aimerais savoir si, selon vous, une augmentation des prestations de la Sécurité de la vieillesse ou du Supplément de revenu garanti serait viable à long terme sur le plan budgétaire. Il pourrait s'agir, par exemple, d'une augmentation de 100 $ par mois dans le cas de la Sécurité de la vieillesse et de 50 $ par mois dans celui du Supplément de revenu garanti.
    L'argent investi pour venir en aide aux aînés n'aurait-il pas des effets positifs sur nos régions et nos commerçants? Est-ce que vous et votre équipe avez étudié ces scénarios? Sinon, d'autres scénarios ont-ils été étudiés à ce sujet?

  (1615)  

    Nous nous sommes penchés sur ce qu'il en coûterait d'augmenter les prestations de Supplément de revenu garanti ou celles de la Sécurité de la vieillesse.
    D'accord.
     On a regardé combien cela coûterait, mais on ne s'est pas demandé si on pouvait se le permettre ou non. Augmenter ou non le Supplément de revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse est un choix de politique publique. Cela dépend des choix que les parlementaires sont prêts à faire. Tous les choix que vous faites sont des arbitrages. Si on investit plus d'argent dans le Supplément de revenu garanti, cela veut dire qu'on doit augmenter les taxes ou investir moins d'argent dans d'autres secteurs d'intervention publique.
    On n'a pas non plus considéré l'impact économique que l'augmentation du Supplément de revenu garanti pourrait avoir sur l'activité économique en région. Si on donne plus d'argent à des gens à revenus moyens ou faibles, ils pourraient être enclins à le dépenser en produits de proximité. C'est sûr que cela aurait un effet positif sur l'économie de l'ensemble des régions du Canada, les personnes âgées étant un peu partout au pays.
    Je vous remercie.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    D'accord. Je vous remercie tous les deux. Vous avez un peu dépassé votre temps de parole, monsieur Brunelle-Duceppe.
    C'est au tour de M. Julian

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    On vient de parler des compressions ou des mesures d'austérité qu'il faudra prendre à la suite de la COVID-19. Bien sûr, il y a d'autres solutions.
    On vient de parler de l'argent qui va dans les paradis fiscaux et qui échappe à nos investissements collectifs. Au sortir de la crise, on pourrait prendre des mesures à cet égard. Cela pourrait faire partie de la solution et améliorer la qualité de vie des Canadiens.
    Comme M. Poilievre l'a dit — je ne suis pas souvent d'accord avec lui —, avec la dette des ménages résultant de toutes les compressions dans les services publics fédéraux, il faudra, après cette pandémie, que l'on consacre les ressources nécessaires pour améliorer la qualité de vie des gens.
    J'ai deux questions à vous poser là-dessus.
    Premièrement, il y a un secteur qui a beaucoup profité de cette crise: les géants du Web. Votre bureau a-t-il fait une analyse sur les sommes d'argent qui échappent au Canada du fait que ces géants du Web ne paient souvent pas d'impôts ni même de cotisations d'assurance-emploi pour leurs employés et ne contribuent pas au Régime de rentes du Québec et au Régime de pensions du Canada? Avez-vous déjà fait une étude sur ces aspects? Sinon, seriez-vous prêt à le faire?
    Deuxièmement, une taxe sur la richesse est déjà en place dans d'autres pays. Je sais que vous avez fait une analyse de l'impact positif d'une telle taxe pendant la campagne électorale. Pouvez-vous nous dire quelles conclusions vous avez tirées de cette étude? Quel niveau d'investissement faudra-t-il faire pour le bien de tous les Canadiens?
    À ma connaissance, nous n'avons pas considéré exactement combien d'argent échappait au gouvernement par le truchement des géants du Web. Par contre, nous avons considéré une taxe sur les revenus qui dépassent un certain seuil pour les entreprises de technologie, c'est-à-dire les géants du Web. On peut les nommer ou les passer sous silence, mais on sait qui ils sont.
     Par exemple, nous avons considéré l'effet d'une taxe de 3 % visant les entreprises qui ont des revenus qui dépassent un certain seuil. Je ne me souviens pas exactement des revenus que cette taxe générerait, mais Mme Yan pourra peut-être vous le dire, une fois que j'aurai répondu au deuxième volet de votre question.
    Nous avons aussi considéré combien d'argent pourrait être généré par une taxe sur la richesse. Malheureusement, je ne me souviens pas de ces montants non plus. Encore une fois, Mme Yan a peut-être une meilleure mémoire que moi. Toutefois, ce qui est important, ce sont les mesures de contrôle. Lorsque les gens voient une taxe sur la richesse poindre à l'horizon, on sait qu'ils vont se dépêcher de prendre des mesures pour éviter d'y être assujettis. Lorsqu'on veut imposer une taxe sur la richesse, ce qui est important, c'est la façon dont elle est conçue et la manière dont on s'y prend. Il faut bien penser aux exemptions qu'on a en tête et aussi avoir une bonne structure pour faire appliquer cette taxe.
    Mme Yan pourrait peut-être compléter mes réponses en nous parlant des montants qui pourraient être générés par une taxe sur les géants du Web et une taxe sur la richesse.

  (1620)  

[Traduction]

    Comme le directeur parlementaire du budget l'a dit très justement, alors que nous évaluions les coûts liés au programme électoral, nous nous sommes penchés sur la situation des géants du Web — et de leurs ventes potentielles au Canada. Si nous devions imposer cette part de revenus, à combien se monteraient les impôts qui pourraient être générés dans notre pays. Je n'ai pas les chiffres sous la main.
    Nous nous sommes penchés sur différents enjeux, mais comme le directeur parlementaire du budget l'a dit, nous ne l'avons pas fait de manière systématique pour connaître le montant total qui n'atterrit pas dans les coffres de notre pays grâce à ces géants du Web.
    En ce qui concerne la taxe sur la richesse, en calculant les coûts du programme électoral, nous avons aussi réfléchi à la taxe sur la richesse nette des personnes très fortunées. Nous n'avions pas beaucoup de temps. Nous savions pertinemment que la richesse des gens les plus fortunés était sous-estimée parce que nous n'avions pas de très bonnes données sur les gens les plus riches.
    Le rapport récent dont M. Giroux a parlé se penche sur cette question de manière plus méthodique et systématique. Nous sommes très confiants, maintenant que nous avons conçu une technique de modélisation qui va nous permettre d'évaluer avec une plus grande précision la richesse nette concentrée entre les mains d'un très petit nombre de familles. Cela a aussi été mis en conformité avec les comptes du bilan national. Si je devais donner le chiffre une fois que toutes ces améliorations auront été apportées, c'est dans ce rapport que j'irais le chercher.
    Merci.
    D'accord. Merci. Nous attendons ce rapport avec impatience.
    Désolé, monsieur Julian, vous avez largement dépassé le temps qui vous était imparti.
    Nous allons passer à M. Cooper.
    Merci à M. Giroux de comparaître devant nous.
     Avant de poser des questions à M. Giroux, je tiens à apporter une correction pour le compte rendu. Mon ami M. Fragiskatos a laissé entendre qu'Andrew Scheer préconisait la suppression de la Subvention canadienne d'urgence ou d'en retirer l'accès aux Canadiens. Ce n'est tout simplement pas le cas.
    Monsieur Giroux, en réponse à une question posée par M. Cumming, vous avez fait remarquer que le déficit projeté actuellement de 252 milliards de dollars est une projection très optimiste. Il est tout à fait compréhensible que vous disiez cela étant donné que, le 9 avril, dans votre scénario budgétaire, votre bureau a estimé le déficit budgétaire pour l'exercice 2021 à 184,2 milliards de dollars. Trois semaines plus tard, il s'élève à 252,1 milliards de dollars, soit 70 milliards de dollars de plus en l'espade de trois semaines. Autrement dit, c'est plus de trois fois plus que le déficit estimé avant la COVID pour l'année fiscale 2021. Ce sont des chiffres vraiment stupéfiants quand on les regarde dans ce contexte.
    Maintenant, votre chiffre de 252,1 milliards de dollars est une mesure fédérale du 24 avril. Alors, je suppose qu'il ne prend pas en compte l'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial ni toute la série d'aides destinées aux étudiants, entre autres mesures.
    Dans votre témoignage, vous avez déclaré que, si on prend en compte les mesures fédérales prises après le 24 avril, le déficit budgétaire devrait augmenter de quelques milliards de dollars. Êtes-vous en mesure de nous dire de combien précisément le déficit augmentera?

  (1625)  

    J'aimerais pouvoir approfondir cette question plus en détail, mais il nous manque des renseignements sur certaines de ces mesures, par exemple le nouveau Crédit d'urgence pour les grands employeurs, pour lequel je n'ai pas tous les détails. Je ne peux donc pas évaluer quel sera son coût. Il en va de même pour la prolongation de la Subvention salariale d'urgence au-delà du mois de juin. Je ne sais pas quelles seront la durée et les conditions de cette prolongation. L'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial a été annoncée le 16 avril, mais les détails ont été diffusés après publication. Par conséquent, nous n'avons pas plus de précisions.
    Je résumerai donc en affirmant qu'il est très difficile d'évaluer le montant réel du déficit parce que nous ne disposons pas de toutes les données sur certaines de ces mesures, qui, de toute évidence, pourraient s'avérer très coûteuses. Je ne remets pas en question l'importance de ces mesures, mais tout porte à croire que les chiffres seront très élevés. Je reviens donc à ce que j'ai mentionné précédemment, c'est-à-dire que le gouvernement doit faire une mise à jour économique pour donner aux contribuables un aperçu de l'ampleur du déficit anticipé. En effet, le gouvernement doit probablement avoir une bonne idée du montant qu'il veut dépenser sur l'ensemble des mesures éventuelles pour stimuler l'économie, mais nous n'avons pas cette information.
    Encore une fois, c'est la raison pour laquelle la somme de 252 milliards de dollars est vraisemblablement un scénario très optimiste par rapport au montant réel du déficit à venir pour l'exercice en cours.
     Je vous remercie, monsieur Giroux.
    J'aimerais poser une question à propos du ratio de la dette fédérale par rapport au PIB. Je tiens à souligner le point soulevé par M. Poilievre à savoir que lorsqu'on additionne la dette publique et la dette privée, le ratio dette-PIB s'élevait à plus de 350 % avant la COVID. Cela plaçait le Canada au second rang de la plus haute dette par rapport au PIB parmi les autres pays membres du G7, juste derrière le Japon.
    Néanmoins, dans votre rapport, vous indiquez à la page 14 que le ratio de la dette fédérale au PIB devrait se stabiliser, mais à condition que les mesures ne soient pas prolongées ni qu'elles ne deviennent permanentes.
    Serait-il raisonnable d'affirmer que dans la mesure où vos projections d'un déficit de 252 milliards de dollars pour l'exercice 2021 sont très optimistes, ce serait également le cas pour vos projections de stabilisation du ratio dette-PIB?
     Nous avons terminé la rédaction du rapport le 24 avril.
     Ces temps-ci, une semaine peut sembler comme un mois — parfois même comme une année, selon les personnes avec qui vous vivez, parce que nous passons la majeure partie de notre temps à la maison.
     Beaucoup de choses changent. En ce qui concerne la stabilisation du ratio dette-PIB lorsque l'économie se redressera, je dirais — et je le répète —, que cela dépendra en grande partie des actions du gouvernement, s'il revient au niveau de déficit prépandémie, par exemple, ce qui semble très peu probable, à court terme du moins, et peut-être même à moyen terme étant donné la situation économique. La stabilisation du ratio dette-PIB, ce sera seulement quand l'économie retournera à son taux de croissance d'avant la pandémie et que les déficits du gouvernement fédéral auront été réduits aux quelque 20 milliards de dollars qui étaient prévus avant la pandémie, ou mieux encore. Ce n'est pas pour l'année prochaine. J'en serais très, très surpris.

  (1630)  

    Je vous remercie sincèrement tous les deux.
    La parole va maintenant à Mme Koutrakis.
    Merci monsieur Giroux et madame Yan de votre témoignage aujourd'hui.
     Je suis stupéfaite d'entendre tous ces chiffres, et je suis certaine que mes collègues du Comité ici aujourd'hui le sont tout autant. Ce qui attire le plus mon attention, c'est de prendre conscience de la situation dans laquelle les Canadiens se trouveraient présentement si le gouvernement n'était pas intervenu en mettant en place ces mesures extrêmes et en persévérant dans sa démarche devant la crise. S'il ne l'avait pas fait, je frémis à m'imaginer où en seraient notre économie et les Canadiens à l'heure actuelle.
    Je vais reprendre l'exemple de la Seconde Guerre mondiale, parce que c'est la première crise d'une ampleur comparable que nous traversons depuis cette guerre. À l'époque, nous avions mobilisé la nation tout entière ainsi que tous les secteurs de l'économie, et nous avions remporté la victoire. Cependant, nous avions connu des déficits qui correspondaient à approximativement 20 % du PIB durant cinq années. Après la guerre, l'économie a connu une croissance soutenue jusqu'à se retrouver avec des excédents budgétaires deux ans plus tard. Avez-vous une raison de croire que si, à court terme, les déficits de 15 % à 20 % du PIB persistent, il nous sera impossible de nous retrouver en meilleure posture après la pandémie de COVID-19?
    C'est une question très intéressante. Je pense que la raison fondamentale qui fait que nous ne serons pas dans la même situation après la crise de la COVID-19 par rapport à notre situation après la Seconde Guerre mondiale est la structure démographique.
     En effet, après la Seconde Guerre mondiale, la population était plus jeune et nous étions à l'aube du baby-boom, ce qui a mené à une longue période de croissance. Pour ce qui est de l'après-COVID-19, notre population est beaucoup plus âgée et elle compte un plus faible nombre de personnes en âge de travailler. Je ne suis pas convaincu que nous connaîtrons une explosion démographique. Peut-être que nous serons témoins d'une explosion des divorces, en fonction des personnes qui étaient en confinement sous le même toit. Cela dit, je ne m'attends certainement pas à un boum des naissances de la même ampleur que celui qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas que nous devrions nous attendre aux mêmes niveaux d'excédents budgétaires qu'il y avait eu à cette époque.
    Donc, est-ce que nous serons plus forts après cette crise? C'est certainement ce que je souhaite. J'ai bon espoir que cette expérience nous rendra plus forts. Bien que cela tombe hors de mon mandat de directeur parlementaire du budget, je crois toutefois que nous constaterons une plus grande cohésion sociale. Passer des mois à proximité de vos enfants et de votre partenaire contribue assurément à renforcer ces liens. Parfois, cela contribue à briser des liens pour toujours, mais pour la majorité des gens ce ne sera pas le cas. Certaines entreprises fermeront leurs portes, ce qui est très triste. Cependant, à l'image d'un incendie de forêt, certaines choses fleuriront après la catastrophe. Nous verrons apparaître de nouvelles entreprises après cette période très sombre sur les plans économique et social.
    Je crois bien que dans quelques mois, peut-être dans quelques années, notre pays sera plus fort dans l'ensemble. Cependant, certaines personnes parmi nos collègues et concitoyens en paieront le prix, et il sera considérable.
    J'espère qu'il n'y aura pas d'explosion des divorces. Nous venons d'inventer une expression et l'idée que la pandémie de COVID se traduise par une explosion des divorces me déplaît au plus haut point.
    Pour en revenir à la crise financière en 2008, y a-t-il des leçons à en tirer qui pourraient être utiles dans le contexte actuel du point de vue des finances publiques?
    Bien sûr. À la fin de la dernière récession, en 2008-2009, le déficit était très élevé — du moins c'est ce que nous pensions — à 55 milliards de dollars. Toutefois, moyennant des efforts, l'économie a renoué avec la croissance et la situation financière du pays s'est améliorée relativement vite. Cela a semblé long à l'époque. Tout cela pour dire qu'il y a de l'espoir tant que les gouvernements interviennent pour aider les personnes qui en ont besoin et mettent fin à l'aide lorsqu'elle n'est plus nécessaire.
    L'expérience de 2008-2009 laisse penser que les gouvernements, de tous les ordres, ont un rôle à jouer durant une crise. Ils doivent aussi s'abstenir d'intervenir lorsque la crise est terminée, en mettant fin à l'aide qui n'est dorénavant plus nécessaire. Comme nous l'avons vu en 2008-2009, le crédit offert par l'intermédiaire des institutions financières et divers acteurs était de nature temporaire et on l'a laissé expirer. Les entreprises ont repris leurs activités normales et la croissance économique a soutenu les Canadiens.

  (1635)  

    D'accord. Nous devons nous arrêter ici.
    Merci à vous deux.
    Nous passerons à M. Poilievre, puis à Mme Dzerowicz. Nous aurons probablement du temps pour trois questions uniques, si les gens veulent m'indiquer qu'ils veulent en poser une.
    Monsieur Poilievre, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Mme Koutrakis a parlé des déficits accumulés durant la Seconde Guerre mondiale, mais, votre rapport mentionne que, dans les années qui ont suivi, le gouvernement a affiché un excédent annuel équivalent à 5 % du PIB. En dollars d'aujourd'hui, cela correspondrait à des excédents de 115 milliards de dollars. Si nous avions d'énormes déficits avant même le début de la crise — et c'était le cas — il est difficile d'imaginer que le Canada aura un excédent de 115 milliards de dollars au prochain exercice ou même au suivant ou plus tard, d'ailleurs.
    J'ai toutefois une question pour vous au sujet des années 1990. Vous avez signalé qu'au milieu des années 1990, nous étions pratiquement en faillite et que les gouvernements ont sabré massivement dans les dépenses. Le gouvernement libéral à Ottawa a réduit les dépenses de 10 % en termes absolus; les gouvernements de tout le pays en ont fait autant. Par la suite, l'économie a connu une énorme croissance économique. Le taux de chômage a chuté de pratiquement un tiers.
    Trouvez-vous cela intéressant étant donné qu'on nous dit maintenant que la seule façon d'accélérer la croissance est de dépenser et d'accumuler encore plus de déficits?
    Il est vrai que, lorsque l'économie sort d'une période très difficile comme une crise, une diminution des interventions de l'État tend à avoir des répercussions positives. Il n'y a qu'à penser aux interventions du gouvernement qui sont nécessaires en temps de crise, comme en 2008-2009, ou en ce moment. Il n'est pas impensable d'imaginer un monde où nous reviendrons au niveau de dépenses gouvernementales d'avant la crise et que cela déclenche une croissance économique en raison du triste ralentissement qui a eu lieu.
    Je ne suis pas étonné que, dans les années 1990, alors que les perspectives économiques étaient sombres, le pays ait été considéré comme membre honoraire du tiers monde par le Wall Street Journal. Les gouvernements ont pris des mesures pour changer le climat et susciter la confiance en réduisant les dépenses et en veillant à ce que les finances prennent une voie plus soutenable, ce qui a mené à une augmentation des investissements et à de la croissance économique. C'est très souvent ce qui arrive.
    Exact.
    Du début jusqu'à la fin des années 1990, l'ensemble des dépenses gouvernementales est passé de 53 % à 38 % du PIB. On voit là une baisse énorme de la taille de l'État par rapport au PIB. Il s'en est suivi une forte croissance économique et une chute du taux de chômage. C'est ce qui est arrivé à l'époque.
    Revenons au présent. Compte tenu des lourdes dettes auxquelles notre pays est confronté aujourd'hui, avez-vous un calcul du passif éventuel du gouvernement du Canada découlant des garanties de prêts privés qu'il offre, notamment pour les prêts hypothécaires ou d'autres garanties de prêts d'entreprises privées?

  (1640)  

    Je n'ai pas le chiffre en mémoire, mais c'est un point qui a suscité beaucoup d'intérêt au bureau et que j'ai soulevé. Nous suivons cela de près et nous regardons le total des garanties de prêts et du passif éventuel qui pourrait résulter des centaines de milliards de dollars de garanties de prêts et de programmes d'aide offerts au secteur privé par l'intermédiaire de divers organismes gouvernementaux. Nous n'avons pas un chiffre pour le moment. Il est donc difficile de calculer le passif éventuel qui pourrait devoir être comptabilisé par le gouvernement.
    Bien, mais retournons à mon point précédent. Nous ne pouvons pas séparer la dette publique de la dette privée, car, s'agissant des prêts hypothécaires, les entreprises qui bénéficient d'une garantie du gouvernement, comme la Société canadienne d'hypothèques et de logement, Canada Guaranty et Genworth, assurent les pertes pour insolvabilité sur la grande majorité des prêts hypothécaires au pays. Si des Canadiens perdent leur travail et leur maison et que les banques perdent de l'argent lors des reprises de possession, les contribuables devront assumer toute la dette correspondante pour protéger les banques. C'est un autre passif que vous n'avez pas compté dans les 48 % de ratio dette-PIB.
    Les éléments de passif sont nombreux — il y a ceux des autres ordres de gouvernement, du secteur privé et des ménages auxquels s'ajoutent les éléments de passif éventuel du gouvernement comme celui que je viens de décrire — et ils s'additionnent. Compte tenu de tous ces niveaux d'endettement, ne craignez-vous pas que nous nous retrouvions dans le pétrin dans deux ou trois ans si nous n'agissons pas rapidement pour nous sortir de la situation?
    C'est préoccupant, surtout si l'on songe à un scénario où les taux d'intérêt commenceraient à monter et où les coûts du service de la dette deviendraient insoutenables. Cependant, un tel scénario est improbable, ce qui ne veut pas dire impossible. C'est en effet préoccupant, mais le gouverneur de la Banque du Canada et divers intéressés mettent les Canadiens en garde depuis plusieurs années, leur disant de cesser de s'endetter parce que c'est risqué. Toutefois, les Canadiens sont enclins à s'endetter comme en témoignent leurs habitudes de dépenses et le fait qu'ils continuent de s'endetter.
    C'est préoccupant, mais, quand on regarde ces éléments séparément, il faut se demander si le gouvernement fédéral se trouve lui-même dans une position préoccupante. La réponse est non, parce que les coûts du service de la dette ne sont pas très élevés. Pour répondre à votre question, si on commence à additionner toutes les dettes et qu'on adopte la vision catastrophique selon laquelle le gouvernement fédéral ou le contribuable se retrouve à toutes les assumer, oui, il y a de quoi être préoccupé. La probabilité que les contribuables doivent assumer toutes ces dettes est plutôt faible.
    Nous passons maintenant à Mme Dzerowicz.
    Je vois que M. Julian a une seule question. Y a-t-il quelqu'un d'autre? Nous passerons à M. Morantz et à Mme May, puis nous nous arrêterons là.
    C'est à vous, madame Dzerowicz.
    Je tiens à vous remercier chaleureusement, monsieur Giroux, de votre présence ici aujourd'hui, de votre excellent travail et du service extraordinaire que vous rendez aux Canadiens.
    En écoutant la discussion aujourd'hui, je me demandais ce que les résidants de ma circonscription — Davenport, dans l'ouest du centre-ville de Toronto — en penseraient. S'ils écoutaient et entendaient que le déficit pourrait dépasser 252 milliards de dollars et que la dette collective au Canada dépasserait 900 milliards de dollars, ils seraient très inquiets. Je pense, toutefois, que, si le Canadien moyen pense à ce qu'il en coûterait de ne rien faire ou d'être paralysé par la peur en raison de l'endettement, il conclurait que les coûts pour l'économie et les banques, en raison des faillites, et pour notre santé, comme il a été mentionné dans la discussion, auraient été encore plus élevés qu'ils le sont aujourd'hui.
    Cela me réconforterait aussi de savoir que le Canada fait relativement bonne figure parmi les pays du G7. Par comparaison, nous étions en bonne posture avant la pandémie et nous nous comparons encore assez bien en ce moment. Je trouverais ensuite un certain réconfort à savoir que lorsqu'on a demandé au gouverneur Poloz, la dernière fois qu'il est venu ici, s'il pensait que le Canada serait capable de récupérer ses pertes ou de rétablir la croissance et de rattraper la perte de PIB de 4 % à 6 % engendrée par la pandémie, il a répondu que rien ne permettait de penser que nous ne retrouverions pas cette croissance ou que nous ne pourrions pas opérer des modifications structurelles positives.
    Puis, la semaine dernière, lorsque les médias lui ont demandé comment il entrevoyait l'évolution de la situation économique et la façon de soutenir l'économie canadienne, le premier ministre a parlé d'une forte volonté du gouvernement du Canada de la rebâtir en mieux. C'est donc là-dessus que nous nous concentrons. J'apprécie vraiment la façon dont vous encouragez le gouvernement à veiller à ce que tout type de plan de reprise soit présenté aux Canadiens dès que possible.
    Monsieur Giroux, je vous pose la question suivante: beaucoup de possibilités s'offrent à nous pour bâtir en mieux. Nous avons une rare occasion de rebâtir en mieux à la fois l'économie et la société. Je me demande si vous auriez des idées sur la façon de nous y prendre pour rebâtir en mieux.

  (1645)  

    Merci pour le compliment et merci à vous tous de féliciter le bureau pour son travail.
    Au sujet de la relance et du train de mesures pour stimuler l'économie, je pense avoir déjà répondu en m'adressant à Mme May, qui m'a posé une question semblable. Tant que les mesures visent à accroître la productivité, je pense qu'elles peuvent engendrer de la croissance à long terme. J'ai déjà parlé du financement pour faciliter le transport, le commerce ou les communications. La recherche est également un domaine qui favorise la productivité. Les résultats concrets ne sont pas toujours au rendez-vous, mais les progrès scientifiques qui arrivent parfois peuvent rapporter gros et justifier amplement les sommes dépensées pour la recherche.
    Je ne suis pas expert là-dedans. Ce n'est pas à moi de donner des conseils sur les politiques à adopter, mais vous comprenez ce que je veux dire de manière générale. Les dépenses visant à accroître la productivité sont celles qui sont les plus bénéfiques, et elles favorisent la relance économique en plus.
    Pour ce qui est de savoir s'il y a lieu de stimuler l'économie, disons qu'il est un peu trop tôt pour répondre à cette question. Tout dépendra de ce qui se passera lors de la reprise des activités. Néanmoins, s'il s'avère qu'il faut effectivement stimuler l'économie, les domaines que j'ai indiqués sont ceux auxquels il serait le plus logique de consacrer de l'argent pour favoriser la croissance.
    Merci pour votre réponse.
    Monsieur Giroux, savez-vous si d'autres pays se sont déjà dotés d'un plan de reprise de l'activité économique?
    Je ne sais pas. Je vois surtout des plans de déconfinement et de réouverture des entreprises, mais je n'ai vu aucun pays se doter d'un plan de relance de l'économie. Il y en a peut-être, mais je n'en ai pas encore eu connaissance. La production du rapport dont je suis venu vous parler aujourd'hui m'a tenu passablement occupé, de même que l'évaluation des coûts des mesures prises par le gouvernement.
    Très bien.
    J'ai une dernière question très courte.
    Pensez-vous qu'en raison de la pandémie, le rôle de l'organisme que vous dirigez devrait changer? Votre rôle pourrait-il être élargi ou devrait-on vous confier d'autres responsabilités en raison de la pandémie et de ce que nous ferons pour en sortir?
    Je constate l'absence d'information crédible et non partisane. Pardon, mais j'aimerais reformuler ce que je viens de dire. Je pense que la pandémie amène le bureau à jouer un rôle plus important. Il existe manifestement un besoin d'information et d'analyses non partisanes et objectives concernant l'état de l'économie et des finances nationales du pays.
    Au cours de la période électorale de l'année dernière, nous avons pu montrer que nous étions capables de fournir des analyses et de l'information crédibles sur les coûts. Dans la pandémie actuelle, tandis que le gouvernement s'affaire à mettre en oeuvre des mesures économiques et des mesures d'aide, il ne se consacre pas beaucoup à dresser un portrait financier de la situation. Alors, je crois que beaucoup de gens, y compris les parlementaires et la population canadienne en général, sont contents du rôle joué par le bureau, notamment parce qu'il leur donne une idée de l'ampleur des dépenses effectuées jusqu'à maintenant.
    Le bureau me semble faire un travail nécessaire et dans les périodes de croissance économique, et dans les situations économiquement désastreuses comme celle que nous vivons actuellement.

  (1650)  

    Merci beaucoup.
    Vous faites de l'excellent travail, monsieur Giroux.
    Je voudrais vous poser seulement une question rapidement, avant de permettre à M. Julian et M. Morantz de poser une question chacun, puis à Mme May.
    Pour aider les entreprises, stimuler l'économie et favoriser la création d'emplois par les entreprises, le gouvernement a adopté de nombreuses mesures qui consistent essentiellement à fournir des liquidités. Comment pensez-vous mesurer, je dirais, le coût de ces mesures au bout d'un certain temps pour pouvoir étudier la question et produire des rapports sur ce qu'aura fait le gouvernement? Comment calculerez-vous les risques et les coûts découlant des mesures d'injection de liquidités?
    Nous faisons ce genre de calcul. Nous l'avons fait dans le cas du report de l'échéance pour payer l'impôt que le gouvernement a offert aux particuliers et aux entreprises. Il s'agit de calculer le coût des emprunts. L'État doit emprunter l'argent qu'il fournit aux entreprises pour les aider, du moins il doit emprunter davantage que d'habitude, ce qui représente un premier coût à calculer. Toutefois, les entreprises payent de l'intérêt à l'État sur les prêts qui leur sont consentis, ce qui réduit le coût pour l'État et lui permet parfois même de faire un gain net.
    Une certaine proportion des prêts consentis lors des crises économiques et des situations difficiles qui se sont produites dans le passé, comme la crise de 2008-2009, n'ont pas été remboursés. Des entreprises finissent par ne pas pouvoir rembourser l'aide ou ne pas pouvoir la rembourser au complet. Par conséquent, il nous est possible de nous servir de la proportion de prêts non remboursés dans le passé pour estimer les pertes financières auxquelles nous devons nous attendre. Voilà comment nous pouvons estimer le coût des mesures prises.
    Dans certains cas, il n'y a pas de coût net à prévoir parce que l'expérience passée nous enseigne que tous les prêts accordés sont remboursés ou qu'une petite somme n'est jamais remboursée, mais que les intérêts payés à l'État font plus que compenser ces pertes. Dans d'autres cas, il peut y avoir un coût net bien que celui-ci soit relativement petit par rapport à la somme des prêts accordés. Il y a un coût parce que le total des intérêts payés à l'État ne suffit pas pour compenser les pertes causées par la proportion des prêts que les entreprises ne peuvent pas rembourser.
    C'est ainsi que nous estimons les coûts et, parfois, les gains.
    Je vois. Merci beaucoup. Voilà qui est important.
    Nous cédons la parole à M. Julian en premier, puis à M. Morantz.
    Monsieur Giroux et Mme Yan, je vous remercie beaucoup d'être venus. Vous êtes nos idoles parce que vous protégez l'intérêt public. Vous êtes tout à fait dignes de foi lorsque vous parlez des problèmes qui surviennent pendant la pandémie. Pour ce qui est de sortir de la situation de pandémie, vous indiquez ce que le gouvernement pourrait faire pour ne plus donner de l'argent aux entreprises les plus prospères du Canada et pour consacrer plutôt les deniers publics à améliorer concrètement le sort gens.
    Il faut veiller à ce que chaque dollar consacré à la relance fasse effet et que l'argent soit vraiment dépensé utilement, pour aider les gens. Alors, je dois vous poser une question. Vous avez examiné la question de l'oléoduc Trans Mountain, que nous avons collectivement payé un milliard de dollars de plus que ce que nous aurions dû. Une estimation récente des coûts de construction les situe entre 15 et 20 milliards de dollars. C'est le plus grand gaspillage de l'histoire du Canada.
    J'aimerais savoir si le Bureau du directeur parlementaire du budget a fait une nouvelle estimation des coûts de construction de l'oléoduc Trans Mountain tenant compte de la hausse de ces coûts. J'aimerais aussi savoir si vous examinez la question de la hausse des coûts des changements climatiques ainsi que les répercussions de ces changements sur les activités de l'État et, bien entendu, sur l'économie canadienne.
    Monsieur Julian, mes réponses vous décevront. Nous n'avons pas mis à jour l'évaluation des coûts de construction de l'oléoduc Trans Mountain et nous n'avons pas examiné le coût des changements climatiques. Cela dit, au cours des prochaines semaines, nous publierons une mise à jour indiquant si le Canada est en voie d'atteindre ou non les cibles de l'Accord de Paris. Certains documents seront publiés au cours des prochaines semaines. Je ne voudrais pas me risquer à donner des dates devant le Comité sans être certain que nous pourrons les respecter, mais le travail est en train de se faire.
    D'ici la fin de l'été, je l'espère, nous pourrons vous offrir le fruit de notre travail dans ce domaine, mais ce ne sera ni une évaluation des coûts des changements climatiques ni une nouvelle estimation des coûts de l'oléoduc Trans Mountain.

  (1655)  

    Bien. Je vous remercie.
    J'aimerais simplement dire un mot sur ce dont M. Julian et moi avons déjà discuté. Vous devriez inclure dans l'évaluation des coûts la perte de 500 milliards de dollars par année que subit le Canada parce que, vu le peu de débouchés, le pétrole de l'Alberta doit être vendu au rabais.
    Monsieur Morantz, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, permettez-moi en tout respect de revenir à certains de vos propos de tout à l'heure.
    Premièrement, j'aimerais que nous parlions de l'augmentation de 252 milliards de dollars de la dette qui n'aurait aucune incidence sur les frais de service de la dette prévus dans le budget de fonctionnement. Or, à ce que je sache, la dette avant la pandémie de COVID-19 était déjà constituée d'emprunts à long terme à des taux d'intérêt fixes. Si la dette augmente, il va de soi que les frais de service de la dette inclus dans le budget de fonctionnement seront plus élevés, mais vous dites que ce ne serait paradoxalement pas le cas.
    Je pense aussi vous avoir bien entendu nous dire que, selon vous, il est peu probable que les taux d'intérêt augmentent.
    Cependant, il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de poser des questions à ce sujet au gouverneur de la Banque du Canada, M. Poloz. Comme le compte rendu de la réunion le dit bien, M. Poloz nous a prévenus que les taux d'intérêt allaient très certainement augmenter une fois que nous serons sortis de la situation actuelle. Selon lui, l'inflation serait un beau problème du point de vue de la Banque du Canada, qui pourrait la combattre en haussant les taux d'intérêt. C'est bel et bien ce qu'il a dit, alors je ne pense pas que nous puissions tenir pour acquis les taux d'intérêt actuels. Une fois que nous serons sortis de la présente situation, les taux pourraient augmenter. Des billions de dollars sont consacrés à l'assouplissement quantitatif actuellement dans le monde.
    Si la situation est telle que je viens de la décrire, les libéraux devront-ils adopter un programme d'austérité et commencer à réduire les budgets, comme ils l'ont fait en 1990? Devront-ils augmenter le fardeau fiscal? Leur faudra-t-il avoir recours à une combinaison de ces deux méthodes?
    Je vais répondre à la deuxième partie de votre question, qui porte sur la hausse des taux d'intérêt.
    Lorsque je dis que je ne prévois pas de hausse des taux d'intérêt, c'est dans le contexte du scénario que nous envisageons et qui se termine à la fin de 2020 ou de l'exercice actuel. Nous ne prévoyons pas de hausse des taux d'intérêt au cours de cette période, du moins pas une hausse importante.
    Je suis d'accord avec le gouverneur pour dire qu'il est probable que les taux d'intérêt augmentent graduellement à mesure que nous sortirons de la période difficile de la pandémie de COVID-19. Une fois que la reprise économique sera amorcée, les taux d'intérêt ne pourront faire autre chose qu'augmenter. Ils ne peuvent pas baisser davantage. Ils sont tout près d'un creux historique, alors ils augmenteront probablement. Il s'agit maintenant de savoir quand. Est-ce que ce sera l'année prochaine? Au début de l'année prochaine, à la fin ou au milieu? Je ne sais pas.
    Quant à la première partie de votre question, je vous répondrais que la dette comprend des emprunts qui ne sont pas arrivés à échéance. Toutefois, l'encours de la dette est au total de 600 milliards de dollars, et il y en a toujours une certaine fraction qui doit être refinancée.
    La Banque du Canada émet régulièrement de nouveaux titres de créance, car les titres ne sont pas tous des bons arrivant à échéance dans 50 ans ou dans 100 ans. Il y a aussi des bons du Trésor qui arrivent à échéance au bout de 90 jours, six mois, neuf mois ou un an, ce qui fait que de nouveaux emprunts doivent constamment être faits. Voilà pourquoi, lorsque les taux d'intérêt baissent, les frais de service de la dette peuvent diminuer légèrement ou rester stables, même si la dette augmente.
    C'est bien.
    Madame May, tâchez de limiter votre question à 30 secondes.
    Merci, monsieur le président. Je ferai vite.
    Étant donné que tant d'argent a été dépensé, je sais que les gens ressentiront la propension naturelle à mettre un frein aux dépenses lorsque la pandémie commencera à tirer à sa fin et la reprise économique débutera; ils diront que nous avons assez dépensé. Je me penche sur cette analogie de l'après-guerre et le plan Marshall, ainsi que sur les diverses dépenses qui continuent d'être faites.
    J'ai un parti pris ici. Je pense que le gouvernement fédéral et les dépenses gouvernementales seront, à bien des égards pour les gouvernements du monde entier, la seule solution qui s'offrira.
    Quelles seraient les répercussions économiques de la décision d'arrêter les dépenses de relance du gouvernement à mesure que nous nous remettons de la crise?
     Merci, madame May. Il s'agit d'une question très intéressante, dont la réponse est complexe.
    L'impact de l'arrêt des dépenses de relance dépendra de la force et de la rapidité de la reprise. Si la reprise est forte et va de l'avant à toute vapeur, les répercussions du retrait du soutien économique ou des mesures de relance économique seront probablement minimes. En fait, elles seraient même bénéfiques. L'arrêt permettrait d'éviter d'empêcher les investissements du secteur privé et l'activité économique.
    En revanche, si la reprise économique ne se concrétise pas, il se peut que l'aide économique du gouvernement soit nécessaire. Cette aide pourrait être d'un niveau inférieur puisque l'économie sera de nouveau en marche, mais il pourrait avoir lieu ou être nécessaire de continuer d'apporter une certaine aide après la fin immédiate de la pandémie.

  (1700)  

    Très bien. Nous allons maintenant...
    Monsieur Easter?
    Monsieur Poilievre, nous avons dépassé le temps alloué. Quel point souhaitez-vous soulever?
    Il s'agit d'un point important. Je serai très bref. Pensez-vous pouvoir me laisser poser une question de 10 secondes au directeur parlementaire du budget?
    Vous disposez de 10 secondes.
    Monsieur le directeur parlementaire du budget, je vous remercie de tout votre travail. Votre bureau est formidable.
    Permettez-moi de vous poser la question suivante: est-il possible ou réaliste que la dette fédérale atteigne 1 billion de dollars pendant l'exercice en cours?
    C'est effectivement possible et réaliste. Ce n'est certainement pas impensable.
    Merci.
    D'accord.
    Messieurs Yan et Giroux, nous vous remercions d'avoir comparu. Nous remercions également tout le personnel des services administratifs qui effectuent un travail si approfondi. Nous savons que de nombreux fonctionnaires font des heures supplémentaires pendant cette pandémie. Nous leur offrons nos meilleurs vœux et leur souhaitons aussi une bonne santé.
    Nous vous remercions tous deux d'être venus aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions. Vos rapports nous sont très utiles. Ils aident certainement le Comité des finances à faire son travail.
    La séance sera suspendue et nous reprendrons avec le groupe de témoins qui inclut le vérificateur général.
    Merci.

  (1700)  


  (1710)  

    Nous reprenons maintenant la séance.
    Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins à la réunion no 27 du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 24 mars, nous nous réunissons pour examiner la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19. Comme chacun le sait, la réunion se déroule par vidéoconférence et le compte rendu sera disponible sur le site Web de la Chambre des communes.
    En ce qui concerne le deuxième groupe de témoins, nous sommes heureux d'accueillir les représentants suivants du Bureau du vérificateur général: M. Sylvain Ricard, vérificateur général du Canada par intérim, et M. Andrew Hayes, sous-vérificateur général et commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim.
    Bienvenue à tous. Je crois que nous disposons d'environ 90 minutes. Vous pouvez commencer par une déclaration préliminaire si vous le souhaitez et nous passerons ensuite aux tours de questions.
    À titre d'information pour les membres du Comité, nous commencerons les tours par M. Poilievre, puis Mme Dzerowicz, M. Ste-Marie et M. Julian.
    Monsieur Ricard, vous avez la parole.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à discuter du rôle que le vérificateur général sera appelé à jouer dans l'examen de la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
    Je suis accompagné aujourd'hui du sous-vérificateur général et commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim, M. Andrew Hayes.
    Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais remercier les députés, leurs collaborateurs et tout le personnel de l'Administration de la Chambre, qui mettent tout en œuvre pour permettre aux comités permanents de poursuivre leurs travaux.
    En ces temps difficiles, je veux féliciter les Canadiennes et les Canadiens, y compris les fonctionnaires fédéraux et les employés de mon bureau, de la mobilisation et de l'engagement dont ils font preuve pour lutter contre la pandémie.
    Le Bureau du vérificateur général du Canada a reçu trois demandes d'audit de la part de la Chambre des communes depuis la rentrée parlementaire de janvier. Nous avons indiqué au Président de la Chambre que nous réaliserons ces trois audits.
    Tout d'abord, le 29 janvier dernier, la Chambre des communes a adopté une motion demandant à mon bureau de procéder à un audit du plan gouvernemental « Investir dans le Canada », puis de déposer un rapport sur ses constatations à la Chambre au plus tard un an après l'adoption de la motion.
    Ensuite, le 13 mars dernier, la Chambre a adopté une motion demandant à mon bureau d'entreprendre un audit des mandats spéciaux susceptibles d'être émis en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, puis de déposer un rapport sur ses constations au plus tard le 1er juin 2021. Nous croyons comprendre qu'aucun mandat spécial n'a été émis à ce jour.
    Enfin, le 11 avril dernier, la Chambre des communes a adopté une motion demandant à mon bureau de réaliser un audit des mesures d'urgence visant la COVID-19 prises par le gouvernement, et de déposer un rapport sur ses constatations au plus tard le 1er juin 2021.
    Le 28 avril dernier, nous avons fait savoir au Président de la Chambre que nous accordions la priorité aux travaux d'audit visant la COVID-19 et le plan « Investir dans le Canada ». Nous lui avons aussi indiqué que nous présenterons nos constatations au Parlement dès que nous aurons terminé les travaux d'audit.
    Pour ce qui est de l'audit visant la COVID-19, nous avons analysé les éléments précis de l'audit que la Chambre des communes nous a demandé de réaliser, notamment les dépenses engagées en vertu de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d'intérêt national, ainsi que l'application des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la Loi autorisant certains emprunts. Les dirigeants de nos pratiques d'audit de performance et d'audits d'états financiers collaborent en vue de cerner les secteurs qui devraient être examinés dans le cadre de cet audit.
    Nous avons, bien sûr, surveillé les initiatives mises en œuvre par le gouvernement pour faire face à la pandémie. Dans le cadre de nos travaux de planification, nous avons analysé les dépenses relatives à la protection de la santé et de la sécurité, le soutien aux particuliers et aux entreprises et autres soutiens à la liquidité et l'allégement du capital.
    Nous estimons, par ailleurs, qu'il est important d'examiner divers aspects liés au degré de préparation aux situations d'urgence et aux mesures d'intervention précoce. Cela nous permettrait, peut-être, de relever des pratiques exemplaires et des possibilités d'amélioration pour le cas où il y aurait une deuxième vague pandémique ou pour nous préparer en vue d'une autre pandémie à l'avenir.

  (1715)  

[Traduction]

     Nous serons heureux d’obtenir l’avis du Comité sur tout secteur que nous pourrions examiner dans le cadre de cet audit visant la COVID-19.
    Depuis le début de la pandémie de COVID-19, nous avons constaté qu’un grand nombre de ministères et d’organismes travaillent sur la ligne de front et qu’ils consacrent beaucoup de temps et des ressources considérables à lutter contre la pandémie. Nous sommes conscients des réalités opérationnelles qui les concernent et voulons faire en sorte que nos travaux d’audit ne détournent pas leur attention des mesures d’aide et des services qu’ils doivent offrir à la population canadienne. Nous ferons preuve de jugement et nous efforcerons de nous adapter autant que possible lors de nos demandes pour des entretiens et des documents nécessaires à notre audit. Nous avons commencé à communiquer avec des cadres supérieurs de la fonction publique pour trouver des façons de réaliser nos travaux d’audit en réduisant au minimum leur incidence sur les activités des ministères et organismes. Nous sommes aussi conscients des difficultés posées par les mesures de distanciation sociale.
    Pour en revenir à l’ordre du 11 avril dernier, j’aimerais dire quelques mots sur les ressources de mon bureau. La Chambre a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que mon bureau dispose de suffisamment de ressources pour faire le travail demandé par la Chambre, ce qui comprend l’audit des mesures liées à la COVID-19 et l’audit du plan « Investir dans le Canada ».
    Comme vous le savez sans doute, notre bureau fait face à des contraintes budgétaires depuis quelques années. En 2017, l’ancien vérificateur général, M. Michael Ferguson, avait sollicité des fonds supplémentaires permanents dans le cadre du processus budgétaire du gouvernement. Nous avions alors reçu une partie des fonds demandés dans le budget fédéral de 2018. Nous avons continué à demander des ressources supplémentaires dans le cycle budgétaire de 2019, sans toutefois obtenir de nouveau fonds. Lorsque nous avons témoigné devant le Comité permanent des comptes publics en mai et en juin 2019, et de nouveau en février 2020, nous avons indiqué au Comité que nous n’avions pas d’autre choix que de réduire le nombre de nos audits de performance, vu les ressources limitées à notre disposition. Il y a 10 ans, nous réalisions environ 27 audits de performance par année. Avec nos ressources actuelles, nous prévoyons pouvoir en présenter 14 chaque année.
    Vu la nature et l’étendue des travaux que nous estimons devoir réaliser pour les audits du plan « Investir dans le Canada » et de la réponse à la COVID-19, et vu nos ressources qui sont limitées, nous avons dû revoir le calendrier des travaux d’audit de performance actuels et futurs et de présentation des rapports connexes. Nous avons donc informé le Président de la Chambre que nous devions retarder tous les autres travaux d’audit de performance qui n’étaient pas liés aux motions adoptées par la Chambre des communes.
    Je veux être bien clair: la décision de reporter des travaux d’audit prévus n’est pas facile à prendre. Les sujets que nous sélectionnons dans le cadre de nos audits reportés sont importants pour les parlementaires et les citoyens canadiens. Vu que nos ressources sont limitées, nous n’avons pas la capacité de mener à bien certains des travaux importants que nous avons maintenant dû reporter. Nous ne savons pas quand nous pourrons réaliser ces travaux.
    Nous sommes à la disposition des membres du Comité pour répondre à leurs questions.
    Je vous remercie.

  (1720)  

    Merci beaucoup, monsieur Ricard.
    Passons maintenant au premier tour de questions de six minutes. Nous commencerons par M. Poilievre, qui sera ensuite suivi de Mme Dzerowicz.
    Monsieur Poilievre, vous avez la parole.
    Monsieur le vérificateur général, êtes-vous en train de nous dire que vous avez dû retarder certains de vos audits parce que le gouvernement ne vous a pas octroyé assez de ressources pour les mener?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, en 2017, l'ancien vérificateur général, M. Ferguson, a présenté une demande de financement de 21 millions de dollars. Ces fonds étaient destinés à nous aider à remplir nos mandats supplémentaires de mener une analyse dans des environnements plus complexes et à satisfaire le besoin de faire des investissements importants dans les technologies afin de disposer des outils nécessaires pour effectuer cette analyse dans la nouvelle réalité qui existe...
    Je sais. Nous n'avons simplement pas beaucoup de temps, monsieur.
    Cependant, en fonction de votre description dans votre déclaration préliminaire, avez-vous assez d'argent pour réaliser les audits que vous avez devant vous?
    Nous avons informé le comité des comptes publics qu'il nous fallait 10,8 millions de dollars pour avoir suffisamment de financement.
    Qu'avez-vous maintenant?
    Comme je l'ai dit, nous n'avons rien reçu des 10 millions de dollars demandés.
     Rien.
    Nous avons reçu 7 millions de dollars en 2018, mais aucune portion du financement de 10,8 millions de dollars demandé dans le budget de 2019.
    Le gouvernement actuel est prêt à verser des milliards de dollars partout dans le monde entier à toutes sortes de fins, mais il refuse pour une raison quelconque de financer suffisamment un auditeur qui le tiendra responsable de ses dépenses. En cette période de dépenses records — le gouvernement actuel va accuser un déficit d'un quart de billion de dollars —, nous n'avons pas de vérificateur adéquatement financé qui peut se pencher sur ces dépenses.
    Je veux tourner mon attention vers le programme d'infrastructure. Le gouvernement prétend dépenser 180 milliards de dollars dans les infrastructures, mais le directeur parlementaire du budget a fait remarquer qu'il n'existe aucun plan de dépense pour cet argent. C'est pourquoi les conservateurs ont présenté une motion, qui a été adoptée avec succès, selon laquelle vous vérifieriez ce plan afin de déterminer où tout cet argent était versé. Veillerez-vous à ce que votre rapport contienne une liste de projets dont le financement totalise les sommes que le gouvernement prétend avoir dépensées chaque année dans les infrastructures?
    Je suis désolé, monsieur Poilievre, je ne suis pas certain d'avoir entendu... Parlez-vous de l'audit des mesures liées à la COVID ou l'audit des infrastructures?
    De l'infrastructure.
    C'est quelque chose qu'il faut faire, évidemment. Au cours de la vérification de ce programme, nous procéderons à deux niveaux: primo, la gestion générale du programme, sa coordination, la vue d'ensemble et, secundo, les éléments ou les composantes précises qui font l'objet de la vérification.
    Lorsque nous avons demandé au directeur parlementaire du budget s'il était en mesure de désigner tous les projets qui totalisent le montant que le gouvernement prétend avoir dépensé en infrastructures, il a déclaré qu'il n'existe pas de liste de projets qui permettrait de le faire. Autrement dit, nous ignorons où est allé une partie de l'argent. Les fonds sont éparpillés dans des dizaines de ministères différents, de sorte que personne ne peut vraiment relier ces dollars à des projets et les faire coïncider. J'espère que vous leur demanderez une liste complète de projets et de tous les coûts connexes. Le total devrait équivaloir à la somme des parties.
    Pour ce qui est des dépenses entourant la réponse à la COVID-19, disposez-vous de ressources financières suffisantes pour mener une vérification sur les dépenses de plus de 150 milliards de dollars que le gouvernement a engagées, prétendument en réponse à la COVID-19?

  (1725)  

    Comme je l'ai mentionné, le manque de ressources constitue une difficulté depuis des années. Nous accusons un retard. Nous aurions dû faire des investissements au cours des dernières années et il est impossible de revenir en arrière. Il faudra faire des choix difficiles. Cela se reflète dans toutes les activités de notre bureau ces jours-ci, même la vérification des états financiers. La pandémie de COVID-19 a simplement montré — à une échelle dix fois plus grande, si je puis m'exprimer ainsi — les difficultés que nous vivons. Nous n'avions pas de marge de manœuvre, nous étions incapables de nous adapter aux demandes additionnelles de la Chambre, d'investir dans la technologie et de fournir au personnel les outils nécessaires.
    Je vois.
    La situation actuelle ne fait qu'amplifier les difficultés auxquelles nous sommes aux prises depuis des années.
    Par surcroît, le gouvernement vous maintient dans ce poste par intérim depuis des mois, ce qui est une tactique courante pour faire en sorte qu'il pourra vous congédier dès que vous ferez une chose qui lui déplaira. En vous gardant en poste par intérim, le gouvernement peut se débarrasser de vous quand bon lui semblera, ce qui vous met en position de dépendance par rapport à lui. Une nomination au poste de vérificateur général est censée durer 10 ans, pour que le titulaire du poste se sente libre de mener ses enquêtes et rédiger ses rapports sur les activités du gouvernement de manière pleinement indépendante.
    Pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement vous maintient dans le poste par intérim depuis si longtemps?
    Je ne pense pas que cela soit pertinent à notre étude sur la pandémie de COVID-19, monsieur Poilièvre.
    Monsieur Easter, laissez-le répondre à la question. Cessez de camoufler tout cela. Cessez de camoufler tout cela. Laissez-le répondre à la question.
    Je n'essaie pas de camoufler quoi que ce soit, mais...
    Laissez-le répondre à la question, alors.
    ... si M. Ricard veut répondre à la question — je crois que c'est un peu exagéré.
    Laissons les gens décider.
    Allez-y, monsieur Ricard.
    Je vais dire deux choses.
    Premièrement, il s'agit d'un processus qui relève du Bureau du Conseil privé. Je ne sais pas où en est rendu le personnel et je ne connais pas l'état du dossier, de sorte que je ne peux pas me prononcer.
    Je peux toutefois affirmer, comme je l'ai fait devant d'autres comités, et rassurer du même coup le Comité et les Canadiens qui sont à l'écoute, que je vais m'acquitter pleinement de ma tâche, que je sois nommé par intérim ou non. Je représente une institution importante, c'est-à-dire le Bureau du vérificateur général, et, encore une fois, que je sois nommé par intérim ou non, je vais assumer ma fonction de la même façon.
    Merci à vous deux.
    Nous passons maintenant à Mme Dzerowicz et ensuite à M. Ste-Marie.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier le vérificateur général. Je vous remercie, vous et votre équipe, de votre excellent travail et de votre présence aujourd'hui. Merci du service extraordinaire que vous rendez au pays. Nous sommes très reconnaissants de vous avoir, que ce soit par intérim ou autrement.
    Tout d'abord, j'aimerais aborder brièvement la question des ressources. Selon mes notes, les conservateurs de Harper ont réduit le budget du Bureau du vérificateur général de 6,5 millions de dollars et éliminé 60 postes. Je sais que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral s'est engagé à fournir plus de financement. Dans le budget de 2018, nous nous étions engagés à fournir un financement additionnel de plus de 41 millions de dollars au Bureau du vérificateur général, ce qui représentait une augmentation de 16 % par rapport à l'exercice 2015-2016. N'avez-vous pas reçu ce financement?
    En deux mots, car cela peut devenir une affaire de chiffres très compliquée, mais je dirai qu'à l'époque de l'examen stratégique, oui, nous avons remis volontairement un montant de 7 millions de dollars, je dirais.
    Depuis, comme je l'ai mentionné, l'ancien vérificateur général a indiqué en 2017 que l'on était rendu à un point où certains investissements importants ne pouvaient plus être retardés. Au fil des ans, nous avons dû absorber de nouveaux mandats, entre autres, et nous ne pouvions pas investir dans la technologie, laquelle est un outil important. En 2017, nous avons atteint un point où nous ne pouvions plus fonctionner avec le niveau de financement que nous avions après l'examen stratégique de 2011.

  (1730)  

    Merci beaucoup de votre réponse. J'estime nécessaire que votre bureau dispose de ressources suffisantes pour mener à bien son travail, lequel est important.
    J'aimerais maintenant aborder la motion du 11 avril, dont vous avez parlé, qui traite de la tenue d'une vérification des dépenses engagées et des fonds empruntés pour répondre à la pandémie de COVID-19.
    Tout d'abord, quelle sera la période visée par la vérification étant donné que vous devez présenter vos conclusions à la Chambre des communes au plus tard le 1e juin 2021?
    Le début de la période visée coïncidera avec la mise en place des premières initiatives. Nous allons commencer par le début, essentiellement, et nous devrons éventuellement choisir où tracer la ligne.
    Je devrais probablement ajouter qu'une partie de la solution pourrait être de publier des rapports provisoires, de sorte que nous pourrions réaliser une partie du travail au cours de la prochaine année et demie, disons, et une autre partie l'année suivante. Entretemps, au cours de l'année prochaine notamment, il est possible que nous choisissions de publier des rapports provisoires si nous avons suffisamment de contenu à présenter de manière pertinente et utile.
    Lorsque vous dites « le début », voulez-vous dire le 15 mars, officiellement, ou la première fois que nous avons annoncé un programme?
    Je ne connais pas la date exacte, mais je vais vous donner un exemple. Il y a le rapport présenté tous les deux mois au Comité, qui contient la liste complète des initiatives. Nous verrons à ce que le rapport soit exhaustif, depuis la première initiative. D'après ce qu'on a pu voir, il semble que les premières initiatives dont nous nous souvenions s'y trouvent. Je ne voudrais pas qu'on me cite à ce propos. Un vérificateur aime être bien informé avant de se prononcer. J'essaie seulement de dire que nous déterminerons quelle était la première initiative et que nous partirons de là.
    Parfait.
    Selon vous, la vérification sur les dépenses liées à la COVID-19 — qui fait l'objet de la motion — sera-t-elle différente des autres vérifications que votre bureau mène couramment?
    Pas de problème.
    Croyez-vous que la vérification sur les dépenses liées à la pandémie de COVID-19 sera menée différemment des autres vérifications que votre bureau entreprend couramment?
    Non. Tous les employés du bureau, moi y compris, sont fiers de la qualité de leur travail. L'une des raisons qui expliquent la qualité et la pertinence de nos travaux de vérification tient à la méthodologie très rigoureuse sur laquelle nous nous appuyons pour les mener à bien. Nous adhérerons aux mêmes processus fondamentaux et exhaustifs afin de garantir que nous présentons, comme toujours, un travail de vérification de qualité.
    D'accord.
    Avez-vous commencé la vérification? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous dire comment elle progresse et si vous avez connu des difficultés jusqu'à présent?
    Je vais demander à M. Hayes d'intervenir là-dessus.
    Oui, dès que nous avons pris connaissance de la motion, nous avons réuni les dirigeants du bureau et avons entamé le processus. Il s'agit d'une vérification où il faudra couvrir divers éléments des initiatives et des programmes relatifs à l'appui aux particuliers et aux entreprises, ainsi que la question des liquidités. Nous pourrions choisir de vérifier si les initiatives ont été bien gérées, comme dans le cadre d'une vérification ordinaire, mais il faudra aussi couvrir, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, des éléments relatifs aux leçons apprises et aux pistes d'amélioration applicables à de futurs incidents éventuels.
    Monsieur Hayes, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Nous avons entamé les travaux de vérification. Normalement, planifier une vérification peut prendre quelques mois, mais nous allons plus vite en ce moment. Nous discutons avec les hauts fonctionnaires responsables des ministères que nous devrons vérifier. Bien sûr, nous sommes conscients que beaucoup d'entre eux sont en première ligne et nous ne voulons pas détourner leur attention des services et de l'aide qu'ils fournissent aux Canadiens actuellement. Nous collaborons avec eux afin de pouvoir effectuer notre travail de vérification de façon à ne pas leur nuire.
    Cela dit, nous tenons fortement à nous mettre au travail, car nous savons que nous devrons régler des problèmes logistiques à mesure que nous avançons.

  (1735)  

    Parfait. Merci beaucoup.
    Merci à vous tous.
    Nous passons maintenant à M. Ste-Marie, suivi de M. Julian.
    Monsieur Ste-Marie, la parole est à vous.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous salue, messieurs Ricard et Hayes.
    Je commencerai par un commentaire qui s'adresse à monsieur le président, entre autres.
    Monsieur Ricard, dans votre introduction, vous nous avez fait comprendre que votre bureau manquait de financement pour faire tout son travail. C'est extrêmement préoccupant.
    Monsieur le président, à mon avis, les questions afférentes qu'a posées monsieur Poilievre sont directement liées à la COVID-19. On comprend que le Bureau du vérificateur général du Canada n'a pas les ressources nécessaires pour bien faire l'analyse en lien avec la présente crise. Sauf le respect que je vous dois, je crois que ses propos étaient tout à fait justifiés. Souhaitons, par le fait même, que le gouvernement donne au plus vite à M. Ricard le statut permanent de vérificateur général.
    Ma première question, monsieur Ricard, concerne la Corporation de développement des investissements du Canada. C'est la Corporation qui va gérer le Crédit d'urgence pour les grands employeurs. Or, habituellement, cette corporation ne gère pas de programmes gouvernementaux puisqu'elle possède des actifs. On peut penser à Trans Mountain, à General Motors Canada lorsqu'elles ont été nationalisées, et ainsi de suite. En 2018, le vérificateur général a évalué la Corporation. Il a conclu à des défauts graves dans sa gouvernance à propos de possibles conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration. Le vérificateur général constatait aussi des faiblesses quant à l'indépendance du conseil d'administration, l'identification, l'évaluation et l'atténuation des risques, la surveillance des risques et la communication de l'information.
    La Corporation de développement des investissements du Canada est-elle, selon vous, un véhicule approprié pour gérer un programme gouvernemental, choisir qui va bénéficier de l'aide et poser des conditions pour que la société dans son ensemble en retire des bénéfices?
     Est-ce conforme à son mandat, selon vous?
    Je vous remercie.
    Malheureusement, je ne peux pas vraiment commenter cette question, car c'est une décision politique. C'est au gouvernement de choisir les véhicules qu'il utilise pour livrer les services. Vous faites référence à des faiblesses qui ont été soulevées lors d'un rapport d'examen spécial, je crois.
    Évidemment, en ce qui concerne la gestion d'un programme ou des éléments d'un programme de l'ampleur qu'on a ici, il faudra s'assurer que les bons contrôles et les bonnes structures sont en place.
     Selon vous, depuis votre rapport de 2018, est-ce que les changements nécessaires ont été apportés au sein de cette corporation pour que ces problèmes ne se retrouvent plus?
    Malheureusement, je ne peux pas commenter cette question. Les examens spéciaux sont faits selon la loi, au moins une fois tous les 10 ans. Cependant, ils peuvent être faits plus rapidement selon les organisations ou les contextes, mais, essentiellement, c'est une fois tous les 10 ans. En ce moment, nous n'avons donc pas fait de vérification de suivi depuis 2018.
    Je vous remercie.
    Je m'adresse au Comité en disant que je trouve cela très préoccupant. C'est la société d'État qui semble démontrer le plus de problèmes et qui, maintenant, va gérer un important programme d'aide. Il y aura lieu de s'y intéresser de plus près.
    Monsieur Ricard, le gouvernement a libéré environ 200 milliards de dollars en prêts et garanties de prêts. Nous ne savons pas trop où cela va s'arrêter. Le compte du Canada a maintenant un plafond illimité. Le Parlement ne vote que des dépenses, et tous ces prêts et garanties de prêts deviendront une dépense lorsqu'ils seront rayés, après quelques années. Il sera alors trop tard pour exercer le moindre contrôle.
    Y aurait-il une façon d'avoir un meilleur contrôle sur ce qui se fait?

  (1740)  

    Évidemment, lorsqu'on s'engage à faire des prêts et des garanties de prêts, on court des risques. Il faudra donc s'assurer de mettre en place des façons de faire le suivi nécessaire relativement aux risques qui ont été assumés par le gouvernement.
    Cependant, en ce moment, nous sommes au tout début d'une planification et il y a bon nombre d'initiatives. Vous comprendrez donc que je ne connaisse pas les tenants et aboutissants de chacune des initiatives. Cela dit, il est évident qu'à hauteur de 200 milliards de dollars, il serait important de mettre en place un mécanisme pour s'assurer de diminuer le niveau de risques que nous assumons.
    Il est donc important d'avoir des mécanismes, mais, pour l'instant, vous n'êtes pas en mesure de nous suggérer des mécanismes précis et concrets que nous pourrions adopter.
    En fait, cela dépend. Il y a évidemment la transparence, la responsabilité et la reddition de comptes. Par contre, en ce moment, je ne connais pas assez les détails de cette initiative pour m'avancer et nommer les contrôles appropriés qui seraient nécessaires. Par ailleurs, c'est la nature de notre travail d'évaluer la gestion des différents programmes.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, je vois qu'il me reste un peu de temps, mais, mon autre question étant longue, je vais la soumettre à mon collègue M. Brunelle-Duceppe, pour qu'il puisse la poser lors du prochain tour.

[Traduction]

     Merci, monsieur Ste-Marie.
    Nous passons maintenant à M. Julian, qui sera suivi de M. Cooper.
    Monsieur Julian, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ricard, monsieur Hayes, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous espérons que votre famille ainsi que toute l'équipe du Bureau du vérificateur général sont en santé et en sécurité.
    À mon avis, la population canadienne constate très clairement, tout comme moi, que les blâmes fusent de toute part: les conservateurs pointent du doigt les libéraux et ces derniers font la même chose avec les conservateurs pour le sous-financement catastrophique des fonctions du vérificateur général. Ces fonctions sont extrêmement importantes, et le fait que vous avez dû réduire de moitié vos audits de performance révèle un vrai problème. Les deux gouvernements, soit le gouvernement conservateur précédent et le gouvernement libéral actuel, partagent le blâme à ce chapitre. Au lieu de chercher des coupables, ils devraient simplement reconnaître les erreurs commises en ne fournissant pas le soutien qui est si essentiel à votre bureau. Les Canadiens sont certainement de votre côté. Vous exercez une fonction extrêmement importante et, pour ce faire, vous devez être financé adéquatement. C'est dans l'intérêt de tous les Canadiens.
    Ma première question porte sur les aides financières. En 2008, nous avons traversé une crise économique. De l'aide financière a été accordée. Par la suite, on a essentiellement radié beaucoup de ces prêts. Au début de l'année, on a radié un prêt de 200 millions de dollars accordé à une entreprise canadienne, et le gouvernement a refusé de divulguer son nom. Les libéraux ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas divulguer son nom pour protéger le secret des affaires, mais que toutes les décisions prises par le Cabinet sont dans l'intérêt du Canada. Ainsi, 200 millions de dollars ont disparu en un instant. Comme nous l'avons vu précédemment, sous le gouvernement conservateur, des sommes semblables se sont aussi envolées.
    Comment nous assurer que les fonds ou les cadeaux accordés aux entreprises pour les renflouer ne s'envolent pas quand une telle radiation de prêt n'est pas dans l'intérêt public? Quand votre bureau soulève ces préoccupations très légitimes à propos des aides financières sous forme de prêts qui deviennent des cadeaux, comment nous assurer que les contribuables canadiens ne se font pas flouer de la sorte, que chaque dollar investi est utilisé aux fins prévues et que les prêts accordés aux sociétés les plus rentables du Canada sont remboursés?
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure à votre collègue, nous ferons notamment en sorte que la reddition de comptes, la production de rapports et la transparence soient adéquates. C'est la clé. Si on ne produit pas de rapports transparents sur les initiatives, c'est loin d'être la meilleure pratique.
    Il faut divulguer les divers investissements, les diverses transactions, qu'il s'agisse de l'initiative sur la COVID-19, du programme d'infrastructure ou des transactions générales indiquées dans les états financiers du gouvernement, de diverses entités et des sociétés d'État. Il est important de produire des rapports adéquats et transparents, et il existe différents moyens de le faire.

  (1745)  

    C'est quelque chose que vous demandez au gouvernement de faire. À mon avis, il serait important pour nous de suivre les recommandations formulées dans les rapports produits au fil des ans par des personnes très respectées, comme vous, qui indiquent aux Canadiens comment le gouvernement devrait être structuré. Au lieu des cachotteries et des ententes spéciales négociées derrière des portes closes, souvent en compagnie de lobbyistes, nous devons protéger le Trésor public et faire en sorte que chaque dollar compte.
    Les aînés qui ont du mal à se nourrir, les familles qui ont du mal à se loger et les Canadiens qui ont du mal à conserver leur emploi devraient recevoir les informations les plus précises et les plus transparentes possible au sujet de chaque dollar qui est dépensé. Ce ne fut pas le cas sous le gouvernement précédent, et ce n'est pas le cas non plus sous le gouvernement actuel. La situation doit vraiment changer.
    Je tiens à parler maintenant de l'utilisation du Compte du Canada. En particulier, on nous a dit au comité des finances que, après la crise de la COVID-19, après la pandémie, on engloutira des sommes énormes, soit environ 15 à 20 milliards de dollars, pour la construction de l'oléoduc Trans Mountain. Ce montant s'ajoute à l'achat de tous les actifs, qui a essentiellement été fait sans égard au Trésor public.
    Je me demande à quel point cette utilisation scandaleuse du Compte du Canada vous préoccupe, où on a essentiellement contourné le Parlement pour dépenser éventuellement des dizaines de milliards de dollars, dans ce cas-ci, pour un projet que le secteur privé a abandonné parce qu'il n'a tout simplement aucune assise économique.
    Êtes-vous préoccupé par cette utilisation secrète du Compte du Canada?
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est trop tôt pour se prononcer sur des transactions précises. Je ne connais pas suffisamment tous les éléments en jeu.
     Ce que je peux dire à propos de Trans Mountain, c'est que, l'année dernière, nous avons produit notre premier rapport de vérification sur leurs états financiers. Nous le ferons de nouveau cette année. À mon avis, nous le publierons probablement au début de l'automne ou quelque chose du genre. À part cela, à ce moment-ci, je ne peux rien ajouter parce que je ne dispose pas de toutes les données concernant l'ensemble de ces transactions.
    Je suis désolé, mais nous devons nous arrêter ici.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Pour la série de questions de cinq minutes, le prochain intervenant est M. Cooper, suivi de Mme Koutrakis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur Ricard.
    Je précise que mes questions et mes observations ont pour but de voir à ce que le vérificateur général dispose de toutes les ressources dont il a besoin, surtout compte tenu du fait que, au cours des deux derniers mois, le gouvernement a dépensé plus d'argent que le Canada a dépensé au cours de la Seconde Guerre mondiale, en tenant compte de l'inflation. Dans le budget fédéral, une augmentation de 10,8 millions de dollars est une erreur d'arrondissement.
    Monsieur Ricard, vous avez parlé de 10,8 millions de dollars. Cette demande s'inscrit dans le contexte où votre bureau venait de voir son mandat s'élargir. Autrement dit, c'était avant la crise de la COVID-19, et vous accomplissiez davantage de travail, sans pour autant disposer de ressources supplémentaires. N'est-ce pas?
    Oui. Au fil des ans, entre 2011 et 2017, quand l'ancien vérificateur général a demandé des fonds supplémentaires, on nous a confié un certain nombre de nouveaux mandats, notamment la Banque de l'infrastructure du Canada, la société Trans Mountain, certains musées et certains travaux dans les territoires.
    N'oublions pas que nous accomplissons des travaux de vérification, que ce soit des audits de performance ou des audits d'états financiers. Nous accomplissons aussi ces vérifications pour les trois territoires, et non seulement pour le gouvernement fédéral. Il y avait aussi la Loi fédérale sur le développement durable, ce qui signifie que nous sommes passés de 26 à 90 entités à vérifier.

  (1750)  

    Ce ne sont là que des exemples concernant notre mandat, mais nous avons d'autres points critiques, ce qui devient préoccupant.
    D'accord. Exactement. À part les trois motions présentées au Parlement, vous avez déclaré que toutes les autres vérifications sont retardées. Vous avez dit dans votre témoignage que vous ne savez pas quand votre bureau sera capable d'entreprendre ces vérifications pour qu'elles aboutissent.
    Serait-il juste de dire qu'il faudra peut-être attendre jusqu'à juin 2021, où vous devrez faire rapport sur les initiatives de dépenses liées à la COVID-19?
    De toute évidence, nous avons fait un peu de travail. Par exemple, trois rapports devaient être déposés à la fin mars, mais, compte tenu de ce qui s'est produit à la mi-mars avec la pandémie, nous les avons mis de côté. Ainsi, ces trois rapports sont prêts à être présentés à la Chambre. Toutefois, nous avons dû retarder tous les autres travaux qui étaient en cours. Certains auraient dû être publiés cet automne, mais ils le seront au minimum en automne 2021.
    À part cela, nous avons dû arrêter tout le reste parce que nous n'avons tout simplement pas la capacité. En dépit de la COVID-19, il y a probablement assez d'éléments pour une autre année de travail pertinent. Nous sommes encore au début de notre planification, mais, à notre avis, il y a beaucoup d'éléments, et nous devons les examiner.
    Il y a donc un retard considérable. Votre bureau a beaucoup de travail.
    Une des trois motions adoptées par le Parlement cette année prévoyait l'audit du programme d'infrastructure de 187 milliards de dollars. Prévoyez-vous pouvoir terminer ces travaux d'audit et présenter votre rapport d'ici janvier 2021 compte tenu des ressources limitées dont dispose maintenant votre bureau et du fait que vous donnez la priorité au mandat prévu par les trois motions ou plutôt les audits qui ont été demandés?
    Je vais demander à M. Hayes de répondre à cette question.
    Nous travaillons assidûment sur l'audit du programme d'infrastructure. Comme l'a mentionné M. Ricard, nous avons accordé la priorité à l'audit du plan Investir dans le Canada et aux travaux d'audit liés à la COVID. C'est pour cette raison que nous avons reporté tous les autres travaux prévus dans notre plan.
    Pour le moment, nous sommes conscients du fait que les ministères sont occupés par la crise actuelle et que, dans certains cas, il pourrait y avoir des retards, que ce soit en raison de notre propre capacité en matière d'effectif compte tenu des règles de distanciation physique et des ressources informatiques ou de la capacité du ministère de répondre à notre demande d'audit. Nous nous efforçons cependant de respecter le plus possible les échéances fixées.
    Si nous voyons qu'il y aura des retards par rapport aux dates de présentation prévues, nous en avertirons le Parlement en temps voulu.
    Merci, ce tour de questions se termine ici.
    Madame Koutrakis, vous êtes la prochaine. Viendra ensuite le tour de M. Cumming.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre témoignage, monsieur Ricard.
    En cette période sans précédent, comme nous nous en doutons probablement tous, les finances personnelles, la santé et l'avenir économique du pays sont des sujets qui occupent l'esprit de bien des Canadiens. C'est certainement le cas de bien des habitants de ma circonscription.
    Selon vous, en quoi un audit des mesures adoptées par le gouvernement peut-il contribuer à atténuer certaines des préoccupations ou incertitudes des Canadiens et leur redonner confiance face à l'avenir de notre économie?
    Comme je l'ai mentionné dans mon allocution préliminaire, nous avons planifié ces travaux d'audit. Nous voulons examiner la situation de deux points de vue. L'audit lié à la COVID-19 porte sur divers éléments. Il y a les mesures de soutien aux particuliers et les mesures de soutien aux entreprises. Il est important que les divers programmes aient l'effet voulu, soient bien gérés, bien planifiés et bien mis en oeuvre et que quelqu'un assure un suivi et apporte les rajustements nécessaires au fur et à mesure et selon les rapports qui seront présentés.
    Il faut aussi que notre audit porte sur un nombre suffisant d'aspects pour nous permettre de faire ressortir les enseignements à retirer de l'expérience de différents points de vue, au cas où une situation du même genre se reproduirait, et de cerner les répercussions économiques. Il est utile de pouvoir s'appuyer sur les leçons du passé quand vient le moment d'agir. C'est peut-être ma profession qui me fait dire cela, mais je pense qu'un audit est un excellent outil pour aider une entité à apprendre et à s'améliorer. Nous souhaitons que ce soit ce que nos travaux permettront de faire, aider le gouvernement à apporter des améliorations, à améliorer l'effet de ses mesures sur les Canadiens à l'avenir et à court terme.

  (1755)  

    Je vous remercie de votre réponse et de votre travail.
    J'ai une question pour M. Hayes. Étant donné que les projets d'infrastructure sont envisagés comme moyen de stimuler l'économie après la crise, pourriez-vous formuler quelques recommandations quant aux genres de projets qui seraient les plus efficaces à cet égard tout en tenant compte des objectifs du gouvernement en matière de développement durable et de protection de l'environnement? Je sais que vous n'avez pas de détails, mais vous devez certainement avoir fait des analyses et vous pourriez peut-être recommander certains projets.
    Il est trop tôt pour que je puisse me prononcer à ce sujet. De façon générale, nos travaux d'audit portent sur les projets financés par le gouvernement. Nous vérifions si les fonds ont été versés aux bénéficiaires prévus dans les délais prévus.
    Vous avez parlé de développement durable. À titre de commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim, j'aimerais souligner que les objectifs en matière de développement durable sont pris en compte dans nos travaux de planification des audits. Un certain nombre de ces objectifs entrent en jeu dans les mesures adoptées face à la COVID. Bien entendu, quand on parle de développement durable, il y a toujours un équilibre à trouver entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux, mais ces travaux sont planifiés en tenant compte de la question du développement durable.
    A-t-on effectué des analyses sur l'initiative du gouvernement fédéral visant le nettoyage ou la réhabilitation des puits de pétrole orphelins? Pouvez-vous nous dire en quoi ce programme va favoriser la durabilité de l'environnement tout en offrant un soutien aux travailleurs du secteur du pétrole et du gaz qui ont été mis au chômage technique?
    Nous sommes au courant des investissements qui ont été annoncés récemment. Ils constitueront fort probablement un des éléments sur lesquels nous nous pencherons dans cet audit.
    Merci à tous.
    Nous allons maintenant passer à M. Cumming, puis à M. Fragiskatos.
    Monsieur Cumming, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Ricard, j'aimerais vous remercier du travail que vous faites.
    Je suis nouveau au Parlement. J'ai passé ma carrière dans le secteur privé. Je pense qu'on comprend mal le rôle de vérificateur, surtout en ce qui concerne les audits de performance. Une entreprise aime utiliser ce type d'audit pour améliorer ses activités et devenir une meilleure entreprise. À mon avis, il devrait en être de même pour un gouvernement.
    Ce qui me préoccupe, et que j'ai du mal à comprendre, est le fait qu'on engage des dépenses de programmes de cette ampleur sans avoir prévu des fonds suffisants pour permettre aux vérificateurs de faire leur travail et de s'assurer que l'argent des contribuables est dépensé judicieusement. Il y a de quoi se poser la question, surtout que vous parlez de s'assurer de mieux comprendre si ces programmes sont efficaces au cas où une situation du même genre se reproduirait.
    Vous qui êtes un vérificateur professionnel, vous devez être frappé par... Comme quelqu'un l'a dit, c'est une erreur d'arrondissement. Je n'arrive absolument pas à comprendre. Oublions le passé; parlons d'aujourd'hui. Des dépenses de 200 milliards de dollars méritent sûrement des audits plus exhaustifs.

  (1800)  

    Tout ce que je peux dire est que j'ai participé à des réunions du comité des comptes publics avec l'ancien vérificateur général, M. Ferguson, et avec d'autres collègues par la suite en tant que vérificateur par intérim, et j'ai dit les choses bien clairement. L'ancien comité des comptes publics, dans son dernier rapport et une lettre adressée à certains des intervenants clés du réseau fédéral, était unanime sur la nécessité qu'on nous accorde le financement supplémentaire.
    Je ne vois pas ce que je peux dire de plus à ce sujet, sinon que pour l'institution, l'importante institution qu'est le Bureau du vérificateur général, c'est préoccupant. Ces temps-ci, nous avons même de la difficulté à faire nos travaux de vérification des états financiers. Encore une fois, c'est le contexte qui est à l'origine de cette situation. Cela fait ressortir les défis auxquels nous faisons face depuis des années et le fait que nous n'avons aucune marge de manœuvre, que dès qu'il arrive quelque chose, nous devons faire des choix difficiles.
    Merci de votre réponse.
    Dans vos travaux d'audit sur les dépenses d'urgence liées à la COVID, allez-vous aborder — et j'imagine que oui — la question de l'efficacité des programmes qui ont été instaurés? Un grand nombre d'entre eux ont des critères, ou ils sont fondés sur les revenus d'entreprises et les revenus baissent ou augmentent et les gens peuvent cesser ou continuer de toucher la subvention. Dans quelle mesure allez-vous pouvoir pousser votre examen pour vous assurer que les programmes ont bel et bien l'effet visé?
    Encore une fois, c'est difficile à dire... Comme je l'ai déjà mentionné, il est encore un peu tôt dans la planification pour décider quel programme choisir pour cette année, disons, puis nous allons peut-être décider qu'il y en a assez pour l'année suivante. Ensuite, il faudra déterminer l'angle et la portée des travaux et les critères qui seront utilisés.
    Au minimum, nous devons vérifier si le programme est bien géré et bien mis en œuvre. Nous allons donc nécessairement voir s'il y a eu une bonne planification et si les décisions étaient fondées sur de l'information. Sur le plan des critères ou des conditions que les entités devaient respecter pour avoir accès aux programmes, nous allons, à tout le moins, vérifier si les ministères ont tout ce qu'il faut pour confirmer et surveiller le respect de ces conditions et faire les rajustements nécessaires de celles-ci au besoin ou faire un suivi auprès des entités qui ne respectent pas les conditions et ne sont pas censées avoir accès au financement.
    Vous avez mentionné que vous avez trois rapports d'audit prêts à être déposés sauf que le Parlement ne siège pas normalement. Quels sont ces trois rapports?
    Entre la mi-mars et la fin mars, nous avons été contraints d'informer le Parlement, par l'entremise de la présidence, que compte tenu des circonstances, nous ne pouvions pas présenter nos rapports sur l'approvisionnement des Forces armées canadiennes, sur les renvois en matière d'immigration et sur l'aide financière aux étudiants. Je le répète, ces trois rapports sont prêts à être présentés. Dès que le comité des comptes publics recommencera à se réunir, nous communiquerons avec le Comité pour savoir quelles seront les prochaines étapes.
    Évidemment, en raison des circonstances actuelles, il faudra réfléchir aux impacts potentiels sur les trois études en question, mais nous reprendrons nos travaux en fonction de ce qui aura été convenu avec le comité des comptes publics.
    Encore une fois, ce sont les trois rapports qui étaient prêts à être présentés. Je crois que la date prévue était le 24 mars.
    D'accord. Merci à vous tous.
    Nous passons à M. Fragiskatos, suivi d'une brève intervention de M. Brunelle-Duceppe.

  (1805)  

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci au vérificateur général et à M. Hayes d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Monsieur le président, vous serez peut-être surpris d'apprendre que je crois qu'on peut douter de la sincérité du nouvel intérêt soudain des conservateurs pour le travail du vérificateur général. Après tout, le gouvernement Harper avait fait des coupes de 6,5 millions de dollars dans le budget du vérificateur général et il avait amputé son bureau du vérificateur général de 60 employés.
    Le gouvernement fédéral libéral actuel a rétabli les budgets, mais je crois qu'il était important de le rappeler, parce que si nous voulons vraiment témoigner de notre respect pour le travail accompli par le vérificateur général — soyons clairs, je crois qu'il s'agit d'un travail très important —, il faut être conscients de ce que les gouvernements antérieurs ont fait. À partir de là, nous pourrons juger de la sincérité de certaines questions, mais je ne veux pas trop m'éloigner de l'objet de notre réunion.
    Monsieur Ricard, pourriez-vous nous donner une idée du travail effectué par le Bureau du vérificateur général dans la période qui a suivi la crise financière de 2008 et du genre d'études menées par le Bureau pendant cette période?
    Je suis désolé, je n'ai pas grand-chose à dire à part une étude qui me vient à l'esprit — il y en a peut-être d'autres, alors M. Hayes aura peut-être quelque chose à ajouter. Il s'agit d'une étude sur l'initiative mise en place à l'époque pour investir dans différentes régions du pays.
    Monsieur Hayes, peut-être voulez-vous ajouter quelque chose?
    Avant que vous répondiez, monsieur Hayes, je veux préciser que j'ai posé cette question dans le but d'apporter un éclairage sur certaines questions qui ont été posées à l'époque et qui pourraient servir dans l'étude de la situation présentement et dans les mois à venir lorsque les plans de relance économique commenceront à être mis en place. Tout cela a déjà commencé, mais la situation n'a pas fini d'évoluer. L'idée est de reprendre ce que le Bureau du vérificateur général avait fait à l'époque et de voir si certains des mêmes enjeux pourraient être étudiés de nouveau, le cas échéant, parce que, à l'évidence, la présente récession est de nature différente. Je crois qu'il serait utile de tracer des parallèles et de faire des comparaisons.
    Effectivement, les travaux relatifs au plan d'action économique que nous avons menés en 2009 et 2010 seraient probablement les plus pertinents présentement.
    Pour faire un bref historique, en mars 2009, la vérificatrice générale, Sheila Fraser, a écrit au secrétaire du Conseil du Trésor pour discuter des attentes du bureau, notamment en matière de coordination et d'intégration concernant la gestion efficace et le contrôle des dépenses, autant au niveau du gouvernement fédéral qu'au niveau des gouvernements provinciaux. Mme Fraser avait souligné l'importance de mettre sur pied un comité de surveillance de haut niveau, qui pourrait aider à orienter les programmes et à les adapter aux situations qui pourraient survenir.
     Nous avons présenté notre premier rapport sur le plan d'action économique à l'automne 2010. J'imagine qu'on pourrait comparer cela à la situation actuelle, soit de la vérification en temps réel. À l'époque, nous avions vérifié si les programmes et les processus avaient été conçus et simplifiés de façon à permettre au gouvernement d'agir rapidement et d'acheminer les fonds là où étaient les besoins. Nous avions étudié les critères d'admissibilité, l'attention portée aux risques par les organismes centraux et leurs efforts pour atténuer ces risques, et l'atteinte des exigences relatives aux rapports trimestriels que s'était fixées le gouvernement.
    Dans le deuxième rapport de vérification du plan d'action économique, présenté à l'automne 2011, nous avions abordé le suivi des progrès et des dépenses effectué par le gouvernement. Nous avions cerné certains points qui pouvaient être améliorés en matière de mesure du rendement et de production de rapports. Je crois que ce sont ces rapports qui pourraient être les plus utiles dans le contexte actuel...
    Monsieur Hayes, y a-t-il certaines leçons apprises de cette expérience sur lesquelles le gouvernement fédéral pourrait s'appuyer pour ce qui est de la planification qui s'amorce et de la relance économique qui s'étalera au cours des prochains mois, voire des prochaines années?
    D'emblée, nous avons été on ne peut plus clairs. Nous avons dès le début écrit au gouvernement pour dire que, même si nous comprenons qu'il faut agir rapidement, il est important de s'assurer que les décisions, les justifications et les processus soient adéquatement documentés. Bien sûr, nous examinerons les concepts de contrôle de gestion financière et d'admissibilité. L'enjeu de la production de rapports et de la transparence sera évidemment aussi au cœur de ceux que nous examinerons.

  (1810)  

    Nous devons nous arrêter là.
    Les deux prochains intervenants auront chacun droit à une période de deux minutes et demie.
    Il y aura d'abord M. Brunelle-Duceppe, suivi de M. Julian.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, c'est à vous.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Hayes.
    Dans le contexte de la COVID-19, nous savons qu'on délie présentement les cordons de la bourse pour mettre sur pied beaucoup de mesures, mais je trouve qu'il y a là quelque chose de paradoxal. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
    En 2009, le Canada s'est engagé, avec d'autres pays du G20, à éliminer progressivement les investissements et les subventions inefficaces injectés dans le secteur des énergies fossiles, dont le pétrole sale de l'Alberta. Depuis, il semble que peu ait été fait, or le fédéral a investi des milliards de dollars dans l'industrie. Nous pensons à Trans Mountain, à l'achat de wagons pour le pétrole et aux subventions aux entreprises. Nous comprenons que l'industrie pétrolière vit des difficultés majeures. Cela est assez clair. Ne serait-ce pas là, justement, le signal qu'il faut arrêter d'investir plus d'argent gouvernemental dans ce secteur, et plutôt investir dans des éléments qui favorisent l'émergence d'une économie hors pétrole, notamment en Alberta?
    D'abord, je dirai qu'il est important de dire que l'audit que nous avons fait sur les subventions destinées aux combustibles fossiles a été réalisé à la suite de l'engagement qu'a pris le gouvernement à éliminer les subventions inefficaces. J'ajouterai que le travail que nous avons fait portait sur ce point seulement, et non sur les politiques du gouvernement.
    Monsieur Ricard, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Cette réponse me satisfait. Si j'ai assez de temps, j'ai une autre question à poser à M. Ricard.
    Monsieur Ricard, le vérificateur général effectue ses vérifications après coup. Or, ce dont les parlementaires ont le plus besoin actuellement, c'est de quelqu'un qui suit en temps réel l'ensemble des programmes extraordinaires, pour qu'un contrôle puisse être exercé.
    Pouvez-vous me dire rapidement si, étant donné l'ampleur des dépenses en cours actuellement, le vérificateur général serait en mesure d'effectuer des vérifications en temps réel pour lever des drapeaux rouges en cas de problème, plutôt que de simplement vérifier les livres après coup?
    Oui, c'est possible de vérifier en temps réel. M. Hayes faisait référence à la vérification du Plan d'action économique du Canada, lancé en 2008 ou 2009. J'ai mentionné plus tôt qu'il nous était possible de faire des rapports périodiques et que nous n'attendions pas la fin du processus pour présenter nos rapports.
    Alors, oui, nous les ferons au fur et à mesure. Nous sommes en train de faire notre planification et de commencer à communiquer avec les organisations. Nous commençons notre travail et nous n'attendrons pas la fin des choses si nous avons des points à soulever. Nous le ferons en temps opportun plutôt que d'attendre de produire un gros rapport à la fin. Il est fort possible que nous ayons plus d'un rapport à présenter. C'est tout à fait possible de le faire dans le cadre de notre travail.
    Je vous remercie beaucoup, messieurs.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Julian. Le prochain intervenant sera M. Morantz.
    Monsieur Julian, vous avez la parole.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Ricard.
    Quand je regarde des rapports que le Bureau du vérificateur général du Canada a présentés au fil des ans, j'y vois des mentions du manque de transparence de la part des géants du Web. Vous y avez parlé aussi, en partie, des paradis fiscaux.
    On sait que des dizaines de milliards de dollars sortent effectivement du pays et devraient faire partie du bien commun des Canadiens.
    Que pouvez-vous nous suggérer pour faire en sorte que nous ayons un régime d'impôt juste?
    Les gens du Web — ce sont des gens ultra-riches — et les grandes entreprises qui font des profits énormes investissent dans les paradis fiscaux. Ils sortent donc leurs profits à l'extérieur du pays pour éviter de payer des impôts.
    Comment peut-on, dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, faire en sorte que cela n'arrive plus? Nous pourrions utiliser ces ressources pour investir dans la sortie de la pandémie et de la crise économique qui l'accompagne.

  (1815)  

    Je serais porté à commencer par vous dire qu'il y a une vérification très importante à faire simplement sur ce sujet.
    Dans le cadre des vérifications que nous avons à faire présentement dans le contexte de la COVID-19 et de l'infrastructure, je ne suis pas certain à quel point nous pourrons nous pencher sur ce sujet. Ce sont manifestement des domaines où nous nous attendons à ce que l'Agence du revenu du Canada, entre autres, joue son rôle pour s'assurer que tout est fait en bonne et due forme.
    Évidemment, cela doit se faire sur la base de la législation fiscale en place. Vous comprendrez que je ne peux pas la commenter, parce qu'il s'agit de décisions politiques. Cependant, comme il y a un cadre législatif visant la fiscalité au Canada, il faut absolument s'assurer que l'intégralité de l'assiette fiscale est protégée et que les acteurs qui doivent y participer jouent leur rôle.
    Étant donné l'ampleur et la complexité du sujet, je ne peux pas m'engager maintenant à vérifier cela de façon approfondie dans le contexte présent, mais, de toute évidence, c'est important.

[Traduction]

    Merci à vous deux.
    Nous passons à M. Morantz, puis ce sera au tour de M. Fraser.
    Merci, monsieur le président.
    Cette discussion est fort intéressante. Monsieur Ricard, en tant que député, mais aussi en tant que citoyen canadien, je suis alarmé par ce que vous avez affirmé devant le Comité aujourd'hui. Il est très malheureux que vous deviez venir plaider devant le Comité simplement pour pouvoir être en mesure de faire votre travail; le gouvernement devrait en avoir honte. La fonction du vérificateur constitue un contrepoids fondamental du système canadien, et c'est encore plus vrai lorsqu'on se lance dans des programmes d'envergure comme ceux mis en place en réponse à la crise.
     Je crois que mon préambule a donné des indices quant à l'orientation que prendra ma question. Pas plus tard qu'hier, une nouvelle dans le National Post indiquait — si elle s'avère — que des fonctionnaires ont reçu comme directive d'ignorer les cas de fraude potentielle et que 200 000 dossiers auraient éveillé des soupçons.
    J'aimerais que vous nous disiez si vous êtes inquiet de la reddition de comptes relative à ces programmes. Je sais que vous deviez être l'un des contrepoids prévus pour ce programme, mais il semblerait que vous n'ayez pas les fonds nécessaires pour remplir votre rôle. Par conséquent, je voudrais que vous nous disiez si vous croyez que les contrepoids pour les programmes d'urgence présentement déployés sont adéquats.
    À ce moment-ci, je ne peux évidemment pas faire de commentaires sur l'état des contrepoids, des mesures de contrôle, parce que nous n'avons pas commencé notre travail. Nous planifions présentement les efforts de vérification, mais en ce qui concerne les éléments dont vous avez parlé, il s'agit du type d'éléments que nous avons suivi lors de vérifications antérieures.
    Dans le passé, nous avons fait des vérifications sur le versement des prestations d'assurance-emploi. Ce genre de vérification se fait en deux volets: d'abord, les prestations sont-elles versées aux bonnes personnes admissibles, puis, lorsque ce n'est pas le cas, que fait l'organisme pour s'en apercevoir et récupérer les montants qui doivent l'être.
    Je ne sais pas si M. Hayes aurait quelque chose à ajouter.
    Oui, j'ai quelques précisions. Le risque de fraude fait toujours partie de notre processus de planification et, lorsqu'il y a un risque d'erreur dans ce genre de programmes, nous le ciblons également.
    Je crois que M. Ricard faisait en partie référence à une vérification des montants payés en trop de l'assurance-emploi qui faisait l'objet d'un rapport que nous avons présenté au Parlement en 2013. Un des points que nous avions soulignés à l'époque était que, même si le ministère devait s'assurer que les prestations étaient versées, il devait également s'assurer que les versements soient faits avec exactitude. Dans une situation où il y a urgence d'agir comme celle que nous vivons, il est important pour nous de vérifier ce que fera le gouvernement pour rattraper ses erreurs.
    Merci.
    Monsieur Ricard, je trouve un peu dramatique que vous deviez venir plaider votre cause ici. Je me sens mal pour vous, parce que le financement adéquat de votre bureau devrait être une chose acquise. Je ne sais pas comment je pourrai expliquer cela aux gens de ma circonscription.
    Lorsqu'on vous a refusé les 10 millions de dollars au cours du processus budgétaire de 2019, est-ce que votre bureau a tenté d'autres approches et fait d'autres demandes de financement accru aux fonctionnaires qui ont aussi été refusées?

  (1820)  

    Je vais répondre par deux points. Non, pas de manière formelle, car comme vous le savez, aucun budget, à ma connaissance d'ailleurs, n'a été annoncé en termes de calendrier et autres. Cependant, nous avons discuté avec certains intervenants à certains niveaux de travail, des processus normaux qui ont lieu, mais nous n'avons obtenu aucune réponse ni aucun résultat positif.
     Comme je l'ai dit précédemment, je commence vraiment à m'inquiéter de l'impact que cela a sur cette institution. Je tiens à être clair. Je n'ai pas eu d'autre choix que de le mentionner au Comité, en étant clair sur les attentes du Comité et des parlementaires. Je ne rends service à personne en n'étant pas transparent à ce sujet. Je dois être transparent. Si nous invitons les organisations à s'exprimer de manière complète et transparente, nous devons donner l'exemple. Nous l'avons toujours fait de cette façon, et nous y croyons aujourd'hui.
     Je dirai simplement, monsieur, qu'en nous racontant votre histoire aujourd'hui, vous avez rendu un grand service à votre pays.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Fraser, puis nous poursuivrons avec une question de Mme May.
    Nous avons dit 90 minutes au vérificateur général, et cela suffira probablement pour résumer la situation.
    Vous avez la parole, monsieur Fraser.
    Merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    J'aimerais poser quelques questions sur les meilleures pratiques en matière de stockage et de divulgation des données. Il me semble que nous sommes en train de vivre ce qui est peut-être — alors que personne ne l'a souhaité — une expérience économique et sociale très intéressante pour répondre à cette crise. Il existe probablement des catégories de données que nous ne conservons pas habituellement, tant en ce qui concerne la manière dont l'argent est dépensé, mais surtout, la portée de ces dépenses.
    Avez-vous pour le Comité ou le gouvernement des recommandations ou des conseils qui nous permettraient de mettre en place les meilleures pratiques en matière de conservation du plus grand nombre possible de données, en vue de leur examen en fin de parcours de certaines de ces politiques?
    Je vais demander à M. Hayes de répondre à cette question.
    Les données ont été un thème constant de notre travail d'audit au cours des dernières années. L'importance de bonnes données pour soutenir la prise de décision est primordiale et essentielle pour obtenir les meilleurs résultats pour les Canadiens, de notre point de vue en tout cas.
    Nous reconnaissons évidemment — et le secrétaire du Conseil du Trésor a été clair avec les ministères — qu'il est important d'agir rapidement, mais aussi de s'assurer que les décisions et les justifications sont documentées. Nous commencerions par là, et nous espérons que les données seront saisies.
    Je note, bien sûr, que d'autres types de données peuvent être collectées et que le commissaire à la protection de la vie privée peut avoir des avis sur cette collecte, cette utilisation et cette divulgation. Je pense en particulier aux informations sur la santé qui pourraient être collectées et ce genre de choses. Nous espérons que les informations personnelles qui devraient être protégées le sont dans la mesure du possible.
    Je mentionnerai également que les informations évidemment secrètes, les informations confidentielles du Cabinet, constituent un défi dans l'environnement actuel. Les protocoles de sécurité sont toujours importants pour le traitement de ces données.
    Pouvez-vous nous indiquer une référence internationale ou une organisation institutionnelle qui pourrait nous éclairer sur la manière dont nous pouvons mettre en place des pratiques d'archivage? Il est parfois frustrant, lorsque vous essayez de fouiller dans les chiffres historiques de l'emploi et que vous vous rendez compte que nous n'avons même pas tenu compte de certaines de ces statistiques modernes avant le milieu des années 1970.
    Y a-t-il des choses que nous pouvons apprendre de cette expérience, des catégories de données que nous ne conservons pas normalement, qui faciliteraient votre travail et, plus important encore, amélioreraient à l'avenir le processus décisionnel des gouvernements?

  (1825)  

    Je vais répondre à cette question.
    Je n'ai pas d'idées précises à vous proposer pour le moment. Nos équipes d'audit peuvent peut-être s'y intéresser. Si nous pouvons vous donner quelques idées, nous le ferons.
    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai pas trop de questions, mais j'aime bien, à l'occasion, préparer le terrain pour les témoins.
    Ma question s'adresse au vérificateur général: que souhaitez-vous que le Comité retienne de votre témoignage afin que vous puissiez faire votre travail le plus efficacement possible?
     Je dirai que, comme d'habitude, nous fournirons aux parlementaires un travail d'audit de qualité. Nous ferons de notre mieux pour fournir des informations en temps utile, de sorte qu'il n'y aura peut-être pas qu'un seul rapport ou plusieurs rapports par an, mais des rapports intermédiaires. Je remercie le Comité de m'avoir donné l'occasion de présenter ce témoignage aujourd'hui.
    En fin de compte, ce qui ressort clairement de la pandémie, c'est l'importance de la technologie et la nécessité d'avoir des systèmes informatiques à jour, pour nous, pour les outils d'audit et pour les services. Il y a aussi la capacité pour les Canadiens d'avoir accès aux services gouvernementaux, en particulier dans les régions éloignées. C'est un domaine qui sera important pour nous, probablement lorsque nous ferons l'audit de la COVID ou de l'infrastructure, ou des deux, parce que nous le vivons aussi. Du point de vue du vérificateur, nous pensons que c'est un domaine dans lequel nous pourrions changer les choses pour les Canadiens.
     Excellent, merci beaucoup.
    Vous avez la parole, madame May.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au commissaire intérimaire à l'environnement et au développement durable, M. Hayes.
    Nous arrivons au mois de juillet et je pense que vous aurez été intérimaire pendant une année entière. Je sais que beaucoup de Canadiens ne savent pas toujours, lorsqu'ils prennent connaissance du rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable, qu'il s'agit d'un poste au sein du Bureau du vérificateur général. J'aimerais que vous me disiez si les limites financières et budgétaires dont nous avons entendu parler par le vérificateur général ont également un impact sur notre capacité à, par exemple, vérifier les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs de développement durable.
    Oui, le travail effectué sur les questions d'environnement et de développement durable au sein du Bureau du vérificateur général fait partie de l'audit de performance. La réduction du financement disponible pour les audits de performance a un effet conséquent sur les audits que je peux réaliser en tant que commissaire intérimaire.
    En termes de quantité, dans le passé, nous en faisions en moyenne six par an. Nous pensons qu'avec les nouvelles réalités de notre financement, il n'en reste plus que quatre. Cela dit, nous faisons évidemment de notre mieux pour que les objectifs de développement durable soient intégrés dans la majeure partie des travaux du vérificateur général.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose.
    Très brièvement, cela a également un impact sur notre capacité à mener des audits dans les territoires. Lorsque nous examinons nos travaux passés et futurs dans les territoires, nous parlons de la santé mentale, des services correctionnels et des services à l'enfance et à la famille. Encore une fois, lorsque j'ai dit plus tôt que je commençais à m'inquiéter de notre capacité à changer les choses pour les Canadiens, c'est évidemment à ces exemples que je pensais.
    D'accord.
    Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir fourni de précieuses informations. Je sais que vous témoignez habituellement devant le comité des comptes publics.
    À titre d'observation personnelle, les audits que vous menez et ceux que les autres vérificateurs généraux ont menés sont très instructifs. En ce qui vous concerne, vous résumez bien le déroulement des faits qui font l'objet de votre audit. Pour moi, personnellement — et je suis député depuis un certain temps —, je trouve cela très utile pour comprendre les différentes tâches qu'un ministère assume et les services qu'il fournit ou ne fournit pas aussi bien qu'il est censé le faire, selon le vérificateur général.
    Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir témoigné devant le Comité aujourd'hui. Je pense que vous nous avez apporté un éclairage précieux. Nous apprécions votre analyse constructive.
    Pour les membres du Comité, nous avons une réunion avec le ministre et les fonctionnaires jeudi. Nous avons maintenant été informés par les bureaux des whips que nous nous réunirons mardi et jeudi de la semaine prochaine. Nous aurons un groupe de témoins généraux mardi, ainsi que le PDG de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La ministre Ng a accepté de comparaître pendant une heure jeudi. C'est ce que vous aviez demandé, je crois, M. Marty. Nous aurons également un groupe de témoins généraux à cette occasion.
    Je rappelle aux membres qu'il reste environ 74 témoins sur la liste des demandes de comparution. Les différents partis pourraient-ils faire parvenir leur liste de témoins au greffier au plus tard mercredi à 18 heures? C'est demain soir. Vous pouvez parcourir cette liste et la compléter si vous le souhaitez. Faites en sorte que vos témoins soient présentés au greffier d'ici demain à 18 heures afin que lui et son personnel puissent téléphoner pour faire le travail nécessaire et donner aux témoins suffisamment de temps.
    Sur ce, je tiens à remercier à nouveau les témoins et les membres du Comité pour les travaux d'aujourd'hui.
    La séance est levée.
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