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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 mars 2020

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Français]

    Bienvenue à tous au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par reconnaître que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel du peuple algonquin. J'aimerais aussi souligner la présence ici de jeunes femmes qui font partie du programme Femmes au Parlement et qui accompagnent des députées.
    Je leur souhaite la bienvenue.
    Notre ancien collègue, M. Romeo Saganash, est également parmi nous aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous revoir.
    Des députés: Bravo!
    Le président: Nous avons un horaire chargé. Nous prendrons tout de suite notre premier point à l'ordre du jour, soit le rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Celui-ci s'est réuni le jeudi 27 février pour discuter des travaux futurs du Comité. Tous les membres du Comité ont reçu copie de son rapport pour examen.
    Plaît-il aux membres du Comité d'adopter le deuxième rapport du Sous-comité?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci beaucoup.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 27 février, le Comité entreprend maintenant son étude de la crise autochtone au Québec et au Canada.
    Nous recevons aujourd'hui la ministre des Relations Couronne-Autochtones, ainsi que le ministre des Services aux Autochtones et leurs sous-ministres respectifs. Chaque ministre aura 10 minutes pour nous présenter sa déclaration préliminaire, après quoi il y aura une période de questions.
    Sur ce, accueillons l'honorable Carolyn Bennett...
    Monsieur le président, j'ai demandé si cette rencontre serait télévisée et malheureusement, elle ne l'est pas. Compte tenu de l'importance de cette question pour notre pays, pourquoi la séance n'est-elle pas télévisée aujourd'hui?
    La réponse, c'est que la télédiffusion n'est pas toujours possible. La séance est en webdiffusion, donc quiconque voudra la voir pourra le faire. Nous avons aussi des journalistes parmi nous actuellement. Nous n'avons simplement pas pu avoir accès au service aujourd'hui.
    D'accord.
    Monsieur Schmale l'avait demandé, et nous en avons fait la demande, mais voici ce qui en est.
    Monsieur Schmale.
    À ce sujet, monsieur le président, comme nous commençons en retard d'une dizaine de minutes, j'aimerais demander le consentement unanime du Comité de prolonger la séance de 10 minutes.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci, monsieur Schmale.
    Madame Bennett, voulez-vous bien commencer, s'il vous plaît?
    C'est avec plaisir que je comparais devant le Comité aujourd'hui pour la première fois dans ce nouveau Parlement. Bienvenue aux nouveaux visages de ce Comité vraiment important. Je voudrais commencer par reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.

[Français]

    J'ai le plaisir d'être ici en compagnie de mon honorable collègue le ministre des Services aux Autochtones, M. Marc Miller, et de nos sous-ministres.

[Traduction]

    Nous sommes conscients que nous sommes tous deux ici pour parler des récents blocus et manifestations dans tout le pays, mais je suis surtout là pour vous parler des questions complexes qui les sous-tendent. Notre gouvernement comprend que les récents blocages ferroviaires ont eu des répercussions très réelles sur les Canadiens: les entreprises et les gens de tout le pays comptent sur un service ferroviaire fonctionnel pour se rendre au travail, transporter des marchandises et assurer le bon fonctionnement de leurs entreprises. Par ailleurs, les peuples autochtones eux-mêmes en subissent les contrecoups.
    Comme vous le savez sûrement, des gens de tous les ministères travaillent jour et nuit pour résoudre ce problème de manière pacifique et durable. La semaine dernière, nous avons accueilli avec satisfaction la nouvelle selon laquelle les derniers barrages ferroviaires avaient été levés et le service ferroviaire régulier reprenait.
    Les Canadiens ont été, à juste titre, frustrés de voir les effets des récents blocages ferroviaires se poursuivre, je pense que nous le comprenons. Or, malheureusement, certains représentants de l'opposition semblent avoir davantage cherché à exploiter politiquement cette frustration qu'à trouver des solutions durables et à cheminer vers la guérison nécessaire, comme je l'ai dit à la Chambre des communes.

[Français]

    Comme le premier ministre l'a dit avec tant d'éloquence, les Canadiens s'attendent à ce que nous travaillions ensemble pour nous en sortir.

[Traduction]

    Marc et moi sommes ici pour répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir, car nous pensons qu'il est vraiment important que nous comprenions tous réellement la complexité et la nature délicate de la situation, ainsi que le danger de certaines des rhétoriques incendiaires que nous avons entendues ces dernières semaines.
    En tant que médecin, je garde à l'esprit que tous les députés ont également l'obligation primordiale de « ne pas nuire ». Nous avons besoin d'une solution durable pour que les nations puissent prendre des décisions ensemble afin d'atteindre la certitude nécessaire pour que les Premières Nations, les Métis et les Inuits puissent assurer la santé et le dynamisme de leurs communautés.

[Français]

    Les enjeux au cœur de cette situation dépassent le cadre d'un projet particulier et portent sur des sujets complexes de gouvernance, de droits ancestraux et de titre autochtone.

  (1115)  

[Traduction]

    Au cours des dernières semaines, mon homologue de la Colombie-Britannique et moi-même avons été en communication permanente avec les chefs héréditaires des Wet'suwet'en pour désamorcer la situation et trouver une voie à suivre pour traiter ces questions de manière substantielle. Même si les décisions des services de police sont prises de manière indépendante et libre de toute influence politique, nous étions heureux que la GRC en Colombie-Britannique travaille avec les Wet'suwet'en pour apporter des changements opérationnels afin de désamorcer la situation et de faire de la place pour des discussions en personne entre les chefs héréditaires des Wet'suwet'en et les gouvernements fédéral et provincial.
    Nous avons également été encouragés par le fait que Coastal Gas Link a accepté de manière indépendante de suspendre les travaux sur le projet pendant les discussions en personne pour que celles-ci aient lieu, et nous sommes très reconnaissants envers Nathan Cullen de son bon travail pour désamorcer le conflit entre les partis.
    L'avant-dernier week-end, à Smithers, j'ai rencontré les chefs héréditaires des Wet'suwet'en et le gouvernement de la Colombie-Britannique et nous avons eu des discussions franches, substantielles, et respectueuses sur les questions relatives aux droits et au titre des Wet'suwet'en. Nous sommes également heureux que les membres de la Coalition matrilinéaire des Wet'suwet'en aient participé à la première soirée de la réunion et nous aient fait entendre leur point de vue très important. Ces entretiens ont porté sur deux sujets distincts: la reconnaissance des droits et du titre des Wet'suwet'en sur l'ensemble de leur territoire et les questions soulevées par le projet Coastal Gas Link. Ces sujets ont été abordés séparément. En ce qui concerne les droits et le titre, les parties se sont concentrées sur les engagements à mettre en place un processus accéléré pour la mise en oeuvre des droits et du titre des Wet'suwet'en.
    Le résultat de ces discussions a été un projet d'entente qui sera examiné par les membres du clan Wet'suwet'en par le biais des protocoles de gouvernance Wet'suwet'en pour ratification. Je crois qu'au cours des deux prochaines semaines... ils ont besoin de cet espace pour en discuter sans l'interférence de voix extérieures. Je crois que la suppression des derniers blocages ferroviaires la semaine dernière et la reprise du service ferroviaire offrent à la Nation Wet'suwet'en l'espace nécessaire pour avoir cette importante conversation sur les droits et le titre sur leur territoire.
    Par respect pour le processus, le Canada a accepté de donner à la Nation Wet'suwet'en le temps d'examiner les détails de cette entente avant qu'elle ne soit rendue publique. Si cette entente est ratifiée, le ministre Fraser et moi-même avons convenu de retourner sur le territoire Wet'suwet'en pour la signer. De plus, les parties ont convenu de mettre en oeuvre le titre de propriété de manière accélérée et de coordonner notre collaboration. Nous sommes inspirés par le courageux peuple Wet'suwet'en qui a porté la reconnaissance de ses droits devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw-Gisday'wa en 1997. Mais nous devons préciser que la cour n'a pas, à l'époque, accordé de titre de propriété sur leurs terres. Elle a affirmé les droits des Wet'suwet'en, mais a dit que la question du titre de propriété devait être déterminée ultérieurement, puis appliquée.
    Je crois que cette entente avec le peuple Wet'suwet'en donnera vie à la décision Delgamuukw-Gisday'wa afin que les générations futures n'aient pas à faire face à des conflits comme celui auquel elles sont confrontées aujourd'hui. Comme l'a dit le défunt chef Wah'tah'kwts dans l'affaire Delgamuukw, « il nous incombe de créer de nouveaux souvenirs dans l'esprit de nos enfants ».

[Français]

    Bien qu'il reste du travail à faire, ces discussions ont constitué une étape importante pour concilier les questions complexes de droits et de titre.

[Traduction]

    De l'éducation, à la pêche, aux services à l'enfance et à la famille, à la police, aux systèmes judiciaires — nous avons fait des progrès importants dans le travail difficile que Lee Crowchild décrit comme « la déconstruction des effets de la colonisation ».

[Français]

    Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes éloignés des paramètres de la politique relative aux revendications territoriales globales et aux droits inhérents.

[Traduction]

    Les approches de notre gouvernement en matière de négociation d'accords relatifs aux droits sont élaborées à partir des enseignements tirés de plus de 150 tables de discussion sur la reconnaissance des droits ancestraux et l'autodétermination dans tout le Canada. Près d'un million d'Autochtones de plus de 480 Premières Nations, 44 communautés inuites et 7 organisations métisses sont touchés par ces négociations. Depuis 2015, nous avons fait progresser les discussions fondées sur les intérêts et veillé à ce que le principe d'élaboration conjointe soit au cœur de toute négociation avec les groupes autochtones.
    En 2019, les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique et le Sommet des Premières Nations ont élaboré conjointement la politique de reconnaissance et de réconciliation des droits pour les négociations de traité en Colombie-Britannique. Cette nouvelle politique élimine des concepts tels que l'extinction, la cession et la renonciation pour les futurs traités, accords et autres arrangements constructifs. Elle démontre l'engagement du Canada à travailler en collaboration avec les partenaires autochtones et provinciaux sur la base de l'affirmation et de la mise en œuvre des droits ancestraux, et conformément aux principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Ensemble, nous nous engageons à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés et à mettre en œuvre les droits et le titre des Wet'suwet'en. Nous comprenons que nous sommes à un moment critique, et nous nous engageons à construire une nouvelle voie avec les peuples autochtones du Canada.
    Meegwetch.

  (1120)  

    Merci beaucoup, madame la ministre.
    Nous allons maintenant entendre M. Miller. À vous la parole, monsieur le ministre.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    J'aimerais d'abord commencer en précisant que nous sommes réunis ici aujourd'hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.
    Je sais bien que les incidents et les événements des dernières semaines ont eu une incidence directe sur bon nombre d'entre vous, car cela a touché les collectivités que vous représentez et la vie de vos électeurs.

[Traduction]

    Les conversations qui ont eu lieu à Smithers avec la ministre Bennett sont une étape positive et vitale, mais il ne fait aucun doute qu'il y a encore du travail à faire — un travail connu de beaucoup d'entre vous ici en votre qualité de membres de cet important comité parlementaire. Il reste en effet beaucoup à faire pour répondre aux préoccupations sous-jacentes du peuple Wet'suwet'en et aux gestes de solidarité qui en résultent dans l'ensemble du pays.
    Cependant, je suis heureux que nous puissions montrer ensemble qu'une résolution pacifique est réalisable. Je suis d'avis que la voie de la facilité n'est pas toujours la bonne solution; le recours à la force est parfois un signe de faiblesse. Au cours des dernières semaines, nous avons été témoins de l'ignorance, de la peur et de l'incompréhension qui émanaient des messages et des commentaires virulents diffusés en ligne, alors que l'on s'en prenait à des individus en public comme en privé. Nous en avons d'ailleurs eu un exemple tout près d'ici à Ottawa où un groupe de jeunes Autochtones a dû déplacer son rassemblement hebdomadaire après avoir reçu une menace de mort.
    Selon moi, c'est la preuve que nous avons beaucoup de chemin à faire lorsqu'il s'agit d'en apprendre davantage sur les aspects sombres de l'histoire d'un pays non réconcilié avec ses habitants, et de faire de réels efforts pour écouter et apprendre les uns des autres.
    Je l'ai déjà dit, et je le répète: sans dialogue ouvert et honnête, nous ne pouvons tout simplement pas aller de l'avant ensemble.

[Français]

    Un dialogue ouvert, respectueux et permanent est essentiel pour parvenir à la paix, à la coopération et à la prospérité pour tous les peuples de ce pays.

[Traduction]

    C'est dans cet esprit de paix et de coopération que j'ai rencontré des membres de Kanyen’kehá:ka le long des voies ferrées de Tyendinaga, comme vous le savez sans doute. Nous avons tenu un dialogue ouvert et déployé des efforts concertés pour progresser vers une résolution pacifique. Des progrès modestes mais importants ont été réalisés à la suite de ce dialogue.
    Toutefois, ma présence a suscité énormément de soupçons; on craignait qu'il s'agisse en fait d'une ruse et que la police allait intervenir. Ce n'est pas tous les jours que les gens sont entourés par la police, et ces réactions sont normales. Une partie de la conversation avec les dirigeants, les aînés et les membres de la collectivité, y compris les femmes et les enfants, a été très difficile, très douloureuse et très personnelle. Des histoires bouleversantes ont été échangées concernant le traitement déconcertant que l'on réserve aux peuples autochtones dans ce pays.

[Français]

    Ce sont des questions très graves qui nécessitent notre attention, et ce, depuis des centaines d'années, et il n'y a pas de place dans cette discussion pour la rhétorique et le vitriol.
    La question que je me suis posée au cours des dernières semaines est la suivante: allons-nous continuer de faire les choses comme nous les avons toujours faites, ce qui nous a amenés à ce stade de notre relation, ou allons-nous adopter une nouvelle approche, celle qui privilégie une véritable relation de gouvernement à gouvernement et de nation à nation?
    Mon plus grand défi au cours des derniers mois en particulier, mais aussi dans la relation en général, a trait à la confiance. C'est aussi un défi pour Mme Bennett. C'est ce qui empêche les meilleures initiatives, celles qui sont les plus réfléchies, d'aller de l'avant. Il est clair que notre travail doit permettre de gagner cette confiance au fil du temps.

[Traduction]

    Afin de bâtir un avenir meilleur où nous gagnerons cette confiance, je crois qu'il est important de reconnaître le passé. Depuis près de 500 ans, les peuples autochtones sont victimes de discrimination dans tous les aspects de leur vie. La Couronne a empêché l'établissement d'un partenariat véritable et équitable avec les peuples autochtones, imposant plutôt une relation fondée sur des modes de pensée et des façons de faire coloniaux et paternalistes. Cette approche a laissé un sillage de dévastation, de douleur et de souffrance. C'est inacceptable.
    Bon nombre d'entre nous savons où cela nous a mené: un système d'aide à l'enfance déficient dans le cadre duquel les enfants autochtones de moins de 14 ans représentent 52,2 % de ceux qui sont placés en famille d'accueil, même s'ils ne comptent que pour 7,7 % de l'ensemble des enfants canadiens; des taux de suicide consternants chez les jeunes Autochtones, une source de douleurs et de souffrances indicibles qui affligeront les familles et les collectivités pour des générations à venir; des conditions de logement inacceptables avec de l'eau qui non seulement n'est pas potable, mais n'est pas non plus assez propre pour s'y baigner; et des collectivités privées d'un accès fiable aux routes, aux centres de santé et même aux écoles.

  (1125)  

[Français]

    Lorsque nous avons formé le gouvernement il y a quatre ans, nous avons fait de nombreuses promesses importantes, notamment à l'égard de certains des domaines que je viens de décrire.
    Nous avons tenu une grande partie de nos promesses, mais ce que nous avons surtout appris, c'est que tout doit être fait grâce à un réel partenariat et que le Canada réussira si nous écoutons les voix de ceux que nous avons ignorés et méprisés depuis trop longtemps et de ceux qui dirigent les collectivités dans l'ensemble du pays.
    Nous savons qu'il n'y a pas de solution miracle pour réparer les torts causés pendant des décennies en matière de discrimination systémique auxquels les peuples autochtones du Canada ont dû faire face, mais notre gouvernement est déterminé à consacrer le temps, l'énergie et les ressources nécessaires pour corriger les torts du passé et bâtir un meilleur avenir pour les générations futures.
    Nous faisons de notre mieux pour entreprendre ce travail d'une manière différente de celle qui a été utilisée pendant une grande partie de notre histoire commune, une histoire où les droits inhérents, le leadership et la vitalité culturelle n'ont pas été respectés comme ils auraient dû l'être.

[Traduction]

    Notre approche est fondée sur le partenariat et la concertation. Il s'agit d'écouter les dirigeants autochtones, les aînés, les jeunes et tous les membres de la communauté et de travailler à atteindre leurs objectifs en fonction de leurs priorités.
    Depuis 2016, nous avons investi 21 milliards de dollars dans les dossiers prioritaires ciblés par nos partenaires autochtones. Ensemble, nous avons réalisé des progrès, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour combler les écarts socioéconomiques inacceptables qui existent encore entre Autochtones et non-Autochtones.
    Depuis des siècles, les peuples autochtones demandent au gouvernement du Canada de reconnaître et d'affirmer leurs compétences légales à l'égard de leurs propres affaires. Ils veulent pouvoir exercer le contrôle sur leurs terres, leur logement, leur éducation, leurs systèmes de gouvernance et leurs services à l'enfance et à la famille, et avoir la capacité d'agir dans ces domaines. L'autodétermination favorise le mieux-être et la prospérité des communautés autochtones. C'est là un objectif que tous les Canadiens devraient s'efforcer d'appuyer.

[Français]

    Il est incontestable que l'autodétermination est une meilleure voie à suivre.
    Les peuples autochtones autonomes réussissent mieux sur le plan socioéconomique, c'est prouvé. Un plus grand nombre d'enfants terminent leurs études secondaires, moins de personnes sont sans emploi et les résultats en matière de santé sont bien meilleurs. Les initiatives dirigées par les Autochtones sont plus fructueuses, nous l'avons constaté à maintes reprises.
    Il est absolument nécessaire d'appuyer la réussite dirigée par la nation et la communauté dans chaque collectivité autochtone au Canada, et pas seulement dans le domaine de l'éducation, mais aussi dans ceux des soins de santé, de la gestion de l'eau et des ressources, des services à l'enfance et à la famille, bref, dans tous les secteurs.

[Traduction]

    C'est la raison pour laquelle notre gouvernement poursuit ses efforts pour changer l'orientation de ses politiques vers la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Il faudra pour ce faire adopter des modèles de gouvernance autochtones et aider les collectivités autochtones à faire valoir leurs droits.
    Nous aidons les Premières Nations à se soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens dans des domaines comme les terres, l'environnement, la gestion des ressources et les élections. Par exemple, nous collaborons avec les institutions autochtones et les Premières Nations pour mettre au point les outils dont elles ont besoin pour stimuler le développement économique local, habiliter leurs collectivités et promouvoir la prospérité.
    Depuis 2019, neuf Premières Nations ont commencé à fonctionner en vertu de leurs codes fonciers ratifiés en application de l'Accord-cadre sur la gestion des terres des Premières Nations et de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations. De plus, 18 Premières Nations se sont jointes aux 264 autres qui affirment avoir compétence dans le domaine de la gouvernance financière en se plaçant sous le régime de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations.
    L'autodétermination est essentielle pour libérer le potentiel économique, créer des possibilités de croissance et combler les écarts socioéconomiques. Nous savons qu'en faisant progresser l'autodétermination, le potentiel de réussite est énorme aussi bien pour les peuples autochtones que pour l'ensemble du Canada.
    Pour y arriver, il nous faut comprendre que la reconnaissance et l'affirmation des droits constituent une première étape dans la recherche d'une voie à suivre. Nous devons aussi aider nos partenaires autochtones à cerner nos défis, puis nous devons les relever. Il nous faut enfin reconnaître que les mesures les plus importantes que nous pouvons prendre consistent à prêter une oreille attentive à ceux qui nous exposent les dures réalités, à accepter le changement et à accueillir favorablement les idées créatives. Une telle transformation exigera toutefois détermination, persévérance, patience et divulgation de la vérité.

  (1130)  

[Français]

    Le travail qui nous attend sera difficile. Comme je l'ai mentionné, cette voie exigera beaucoup de notre part. Nous devrons travailler dans un véritable partenariat et écouter, même quand la vérité sera difficile à entendre. Nous devrons continuer de communiquer, même lorsque nous serons en désaccord. Il nous faudra continuer de collaborer et de chercher des façons créatives d'aller de l'avant, ainsi que de nouvelles voies vers la guérison et la véritable compréhension.
    Nous avons tous vu ce qui se passe lorsque nous ne réussissons pas à maintenir le dialogue. Cette voie engendre de la méfiance et de la confusion, qui peuvent être la cause de conflits et entraver notre cheminement commun. Je veux être clair: il incombe aux détenteurs de droits de déterminer qui parle en leur nom de leurs droits et titres autochtones. Nous continuerons de consacrer des efforts à la poursuite de ces conversations. Malgré tous ces défis, je sais que le travail acharné qui nous attend en vaut bien la peine.
    Ensemble, nous pouvons bâtir un Canada meilleur, et c'est ce que nous allons faire. Ce sera un pays dans lequel les nations autochtones saines, prospères et autonomes seront des partenaires clés. Nous avons l'occasion d'apprendre de notre histoire commune, de partager notre douleur et même notre joie, et de faire un travail qui donnera naissance à un pays où tous peuvent réussir.
    J'ai hâte de travailler avec mes collègues de tous les côtés pour réaliser ce travail essentiel et ce potentiel énorme. Cela requiert la participation de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
    Il me tarde de répondre à vos questions.
    Meegwetch.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous accueillons un vaste public pour cette séance de notre comité. Bienvenue à tous.
    Je vais vous expliquer brièvement notre mode de fonctionnement. En ma qualité de président de ce comité, je dois m'assurer que mes collègues respectent les modalités convenues. Ils ont droit à six minutes chacun pour le premier tour de questions, à cinq minutes pour le deuxième tour, puis à deux minutes et demie. C'est ce que nous avons décidé tous ensemble. Si vous avez l'impression que j'interromps quelqu'un avant qu'il ait terminé sa réponse, c'est simplement que je n'ai pas le choix. Il s'agit surtout d'éviter les préambules trop longs de manière à poser un maximum de questions dont les réponses pourront figurer au compte rendu de la séance.
    Je cède d'abord la parole à M. Schmale.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos deux ministres pour leur comparution.
    Je me réjouis de votre présence, mais j'ai été déçu, madame Bennett, de vous entendre parler au départ des scissions que l'on cherchait à provoquer au sein des communautés. Je pense que c'est un commentaire tout à fait injuste de votre part. Cette allégation m'a beaucoup désappointé, mais elle ne m'a pas étonné compte tenu des façons de faire de ce gouvernement qui cherche toujours à blâmer quelqu'un d'autre, et surtout l'opposition, pour ses propres défaillances.
    Cela dit, comme vous avez parlé de semer la dissension au sein de la nation Wet'suwet'en, pouvez-vous nous indiquer si vous avez rencontré les chefs élus lors de votre visite en Colombie-Britannique?
    Les matriarches étaient présentes. Je n'ai pas rencontré les chefs élus. Ce sont les chefs héréditaires qui étaient les plaignants dans l'affaire Delgamuukw. Ce sont eux qui estiment devoir assumer la gouvernance de l'ensemble du territoire. Nous les avons donc rencontrés en premier.
    Comme vous le savez, l'arrangement proposé sera soumis aux clans et aux différentes maisons dans le cadre d'un processus auquel les chefs élus participeront. Je serai ravie de rencontrer les chefs élus au moment qui leur conviendra.
    Étant donné que la question du titre de propriété a des incidences sur le projet Coastal GasLink comme c'est le cas pour les instances élues au sein de la nation, n'aurait-il pas été plus logique d'inviter les chefs élus à ces rencontres, plutôt que de chercher à semer la dissension au sein de la communauté?
    Ce sont bel et bien les chefs héréditaires qui ont exprimé leurs préoccupations. Ce sont eux qui ont mobilisé les troupes d'un bout à l'autre du pays. Il fallait donc que nous nous entendions d'abord et avant tout avec les chefs héréditaires. Nous rencontrerons ensuite les chefs élus.
    Si vous vouliez vraiment que ce projet puisse aller de l'avant, pourquoi ne pas avoir inclus ceux qui sont en faveur de sa réalisation? Pourquoi vous être contentés d'un seul côté de la médaille en vous limitant aux voix qui s'expriment à l'encontre du projet?
    Je crois que vous n'êtes pas sans savoir que c'est un projet qui relève entièrement de la Colombie-Britannique. Il s'agit des processus, des permis, des modes de fonctionnement de cette province. Mon rôle...
    Ne vous êtes-vous pas dit qu'il faudrait sans doute entendre tous les points de vue?
    Mon rôle consiste à m'assurer que la nation se rassemble pour mener à bien son processus de guérison au bénéfice de tous. De plus, nous nous devions d'écouter les préoccupations des chefs héréditaires.
    Étant donné encore une fois votre commentaire concernant la création de fractures au sein de la communauté, est-ce que tous les chefs héréditaires ont été invités à cette rencontre, y compris ceux qui étaient favorables au projet Coastal GasLink?
    Certains des chefs héréditaires qui appuient le projet étaient assurément là le jeudi soir. Nous les avons tous écoutés individuellement. La plupart étaient membres de la Wet'suwet'en Matrilineal Coalition. Ils ont aussi pu rencontrer les autres chefs héréditaires. Lors de notre rencontre, les chefs héréditaires ont convenu de soumettre l'arrangement proposé à l'ensemble de la nation de telle sorte que chacun puisse avoir son mot à dire dans la décision qui sera prise.

  (1135)  

     Madame la ministre, vous voilà encore en train de blâmer l'opposition à ce sujet, alors que c'est le gouvernement provincial et vous-mêmes qui n'avez pas jugé bon d'inviter ceux qui sont favorables à ce projet. Il est bien évident que toute décision concernant le titre de propriété a une incidence sur le projet et sur tous les membres de la communauté, mais vous faites malgré tout porter le blâme à l'opposition. C'est tout de même vous qui n'avez souhaité entendre qu'une seule version des faits en excluant ceux qui appuient le projet et qui vont en bénéficier.
    Comme nous l'avons indiqué, c'est un projet qui relève de la Colombie-Britannique. Il ne fait aucun doute que le gouvernement de cette province a écouté les chefs élus...
    Mais vous auriez pu avoir une certaine influence.
    ... sans compter que Coastal GasLink avait conclu des ententes sur les répercussions et sur les avantages avec la plupart d'entre eux. C'était donc un projet de la Colombie-Britannique. Mon rôle consistait à donner suite à la décision rendue dans l'arrêt Delgamuukw de telle sorte que l'ensemble de la nation puisse dorénavant se donner le genre de modèle de gouvernance et de processus décisionnel que l'on peut maintenant voir chez les Gitanyow, les Heiltsuk et les Haïdas. La concertation des chefs élus et des chefs héréditaires au sein d'un modèle de gouvernance fondé sur leurs propres lois et politiques est la seule solution viable pour l'avenir.
    Je n'étais pas là pour défendre un projet ou un autre, car c'est de l'avenir du Canada dont il est ici question.
    En effet, mais lorsque vous mettez de côté les gens qui appuient le projet, vous muselez la moitié, ou sans doute davantage, des intéressés dans ce débat. Si vous donnez la parole uniquement à ceux qui sont contre un projet, vous en venez à négocier le titre de propriété, une décision qui n'est pas sans répercussions, sans tenir compte de l'envers de la médaille.
    Je ne vais toutefois pas m'éterniser sur le sujet, car il ne nous reste qu'une minute.
    Je ne crois pas que vous m'ayez bien entendue. J'ai indiqué que les matriarches étaient là. Je les ai toutes écoutées individuellement le jeudi...
    Le troisième jour. Pourquoi n'étaient-elles pas là dès le début?
    C'était le début. Elles étaient là dès la première...
    Nous avons un témoin qui dit le contraire.
    Je peux vous dire que lorsque je suis arrivée...
    On indique le contraire.
    ... les matriarches étaient dans la salle.
    On leur a dit de partir.
    Chacune des matriarches a pu s'exprimer.
    M. Jamie Schmale: On leur a dit de partir.
    L'hon. Carolyn Bennett: Chacune a pu parler.
    Elles n'étaient pas présentes pour l'ensemble de la discussion.
    Ce n'est pas moi qui ai organisé la rencontre...
    M. Jamie Schmale: Elles n'ont pu participer à aucune discussion.
    L'hon. Carolyn Bennett: .. mais elles ont toutes pu s'exprimer. Le processus...
    Comment auraient-elles pu s'exprimer si elles n'étaient pas présentes?
    L'hon. Carolyn Bennett: Elles étaient bel et bien là.
    M. Jamie Schmale: Au début de la rencontre, mais on les a fait sortir...
    L'hon. Carolyn Bennett: Non.
    M. Jamie Schmale: ... puis elles sont revenues le troisième jour.
    On ne les a pas fait sortir.
    M. Jamie Schmale: Mais nous avons...
    L'hon. Carolyn Bennett: La plus grande partie de la journée du vendredi a été consacrée à une rencontre entre les chefs héréditaires et les gens qui appuient le projet.
    D'accord.
    Comme vous n'étiez pas présent, il serait peut-être préférable que nous discutions de la suite des choses.
    Eh bien, c'est ce que je voulais faire au départ, mais vous m'avez entraîné sur une autre voie en cherchant à semer la discorde.
    Cela dit, lorsqu'il est question du titre...
    Il vous reste 10 secondes.
    ... vous soumettez d'abord aux gens des communautés Wet'suwet'en l'arrangement convenu. S'ils donnent leur accord, allez-vous consulter le Parlement avant de conclure une entente?
    Comme vous le savez, les consultations à ce sujet s'amorcent entre les chefs héréditaires et les membres de la nation. Tout cela est très encourageant.
    Pouvez-vous me répondre simplement par un oui ou un non?
    La plupart des ententes protégées en vertu de l'article 35 demeurent confidentielles jusqu'à leur ratification par la nation concernée. C'est chose normale pour ces ententes comme pour celles touchant la main-d’œuvre. Pour leur part, les ententes sur les répercussions et les avantages demeurent en tout temps confidentielles.
    Nous sommes donc en train de faire œuvre de pionnier.
    Monsieur Battiste, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et wela'lioq aux ministres pour leur présence aujourd'hui.
    Avant la création du Canada et l'adoption de la Loi sur les Indiens, il existait plusieurs structures de gouvernance différentes sur l'ensemble de notre territoire. Certains présentent la problématique sous l'angle d'un différend par rapport à un projet, mais il s'agit en fait d'un processus de réconciliation qui devrait profiter aux générations à venir. C'est dans ce contexte qu'il faut considérer qu'il existe encore aujourd'hui au Canada plusieurs structures de gouvernance traditionnelles et héréditaires.
    Est-ce que les ministres pourraient nous indiquer comment nous consultons ces gouvernements traditionnels ou héréditaires et nous faire part des enseignements tirés quant aux difficultés associées à l'établissement de meilleures relations avec ces structures traditionnelles de gouvernance?
    Il y a deux ans, j'ai été honorée de pouvoir participer à la cérémonie au cours de laquelle les chefs héréditaires des Wet'suwet'en ont signé une entente avec le Canada concernant les services à l'enfance et à la famille, un dossier qui suit son cours. Comme vous le savez très bien, dans certaines régions du Canada, les chefs héréditaires sont devenus les chefs élus. Ailleurs au pays, cette forme de gouvernance a été maintenue. Marc pourra notamment vous en dire plus long au sujet du processus décisionnel des Haudenosaunee. Nous avons signé une entente avec les Heiltsuk qui inclut les chefs héréditaires et les chefs élus. Les Haïdas ont déjà une entente précisant la façon dont les deux instances doivent conjuguer leurs efforts. Il y a aussi concertation entre les deux groupes pour les Stó:lo et même dans le cadre du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique. Marc pourrait peut-être vous fournir de plus amples détails.

  (1140)  

    Monsieur Battiste, je crois que vous connaissez bien les structures héréditaires qui existent dans les communautés micmaques et certains des défis qui se posent concernant les conseils de bande élus et, en fait, certains des progrès accomplis. La situation est tout à fait inégale au pays.
    Comme Mme Bennett l'a bien résumé, je pense que des progrès ont été accomplis dans l'Ouest pour créer les bases d'un dialogue avec les chefs héréditaires. Au pays, bon nombre de collectivités autochtones considèrent le système des conseils de bande imposé par la Loi sur les Indiens comme un système colonialiste et paternaliste. Ce système a éliminé des structures très démocratiques par nature qui ont une très riche histoire et qui existaient bien avant le Canada, et le gouvernement du Canada a consciemment contribué à leur élimination.
    Puisque nous formons un pays qui souhaite concrétiser ce que nous appelons la réconciliation, nous ne pouvons pas faire fi de ces voix, en sachant qu'à certains moments, le gouvernement a délibérément démantelé ces structures, comme je l'ai déjà dit. Dans certains cas, il y a eu très peu de dialogue, voire aucun. J'ai moi-même participé à l'ouverture de dialogues avec les membres de la Confédération haudenosaunee. Ils sont modestes. Ils ne sont généralement pas dans la sphère publique. Or, il y a beaucoup de travail à faire. La relation est très complexe, car nous parlons de bon nombre de nations qui traversent la frontière américaine également. C'est quelque chose qui a créé au sein de certaines collectivités, en fait, la crise de légitimité. Cela ne veut pas dire que les conseils de bande élus ne sont pas d'ardents défenseurs de leurs collectivités. Ils le sont. C'est simplement que cela a créé une réalité où il y a parfois une impression d'illégitimité qui a contribué à porter un coup non seulement à la relation, mais à la capacité de travailler en partenariat. C'est une chose dont nous prenons conscience, probablement moins vite que nous le devrions, mais nous en prenons conscience, et il nous faut régler les questions fondamentales auxquelles Mme Bennett a été confrontée en une période de quatre jours pour ce qui est des territoires et des titres qui avaient été reconnus dans la décision Delgamuukw. Se dire simplement qu'on ne nouera le dialogue qu'avec ce conseil de bande parce que cela fait son affaire est une façon très utilitariste de penser et ne constitue pas la bonne approche à adopter.
    Certaines collectivités sont tout à fait satisfaites d'un système de conseils élus, et d'autres souhaitent travailler différemment et aller de l'avant. Voilà pourquoi nous avons tous les outils dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire. Pour certaines collectivités, cela ne fonctionne pas et nous devons le comprendre et faire preuve de créativité et voir comment nous unir. Tout cela favorisera la stabilité, une bonne gouvernance et un respect à l'égard de la relation, ce qui est peut-être l'élément de respect et de vérité qu'il manque. Or, je crois que c'est la bonne façon de faire avancer la nation. Les choses peuvent être compliquées, mais nous ne pouvons pas dire que nous allons dicter les conditions, qu'il s'agisse des cadres de reconnaissance des droits ou autre. Nous devons comprendre que dans certaines collectivités et dans certaines nations, il y a une relation fondée sur un traité et qu'elles demandent qu'elle soit respectée, et que dans d'autres collectivités, il s'agit d'une relation beaucoup plus ancienne, et dans d'autres encore, d'une relation beaucoup plus récente.
    Il y a beaucoup de nuances, et je crois que vous avez tout à fait raison de poser la question, monsieur Battiste, car elle renvoie à la nature complexe de la relation et aux mesures que nous devons prendre pour avancer.
    Il vous reste 40 secondes.
    Eh bien... 40 secondes... Tout au long de ma vie dans la réserve, j'ai vu, à de nombreuses reprises, des manifestations autochtones attirer l'attention des médias nationaux et du Canada en général. Je me souviens des crises d'Oka et d'Ipperwash et du mouvement Idle No More. Quelles leçons en avons-nous tirées? Quelles leçons notre gouvernement en a-t-il tirées que nous utilisons aujourd'hui dans notre démarche actuelle?
    Soyez très brefs.
    Je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons fini par devoir adopter l'approche que nous avons adoptée. Nous voulons des solutions durables. Nous avons tiré des leçons des événements d'Oka et d'Ipperwash. Pour ce qui est du mouvement Idle No More, c'était un peu différent parce qu'il s'agissait d'une démarche de sensibilisation, avec des danses traditionnelles, et il s'agissait d'une reconnaissance pacifique des droits autochtones. Je pense que nous savons qu'il doit s'agir de conclure des ententes, de régler les revendications territoriales et de pouvoir avancer de la manière qui correspond à la justice que nos partenaires jugent ne pas avoir obtenue jusqu'à maintenant.

  (1145)  

    Merci, madame la ministre.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour six minutes.
    Madame la ministre, la crise d'Oka a coûté la vie du caporal Marcel Lemay. Elle a créé de profondes blessures au sein de la société québécoise.
     Dans son livre L'Indien malcommode, M. Thomas King rappelait que le déploiement de l'armée à Oka avait coûté près de 200 millions de dollars, alors que les territoires réclamés par les Mohawks et cédés à ces derniers en 1997 ont été acquis pour seulement 5,2 millions de dollars.
    La crise d'Oka nous a aussi appris qu'il faut se parler et que les politiciens doivent prendre leurs responsabilités. Il y a lieu de faire plusieurs parallèles entre la crise d'Oka et celle qui s'achève. Qu'avons-nous appris? Qu'est-ce que nous n'avons pas compris? Si le gouvernement fédéral avait pris ses responsabilités, il y aurait peut-être eu moins de crises en aval.
    Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il pas agi plus tôt pour prévenir cette crise?
    Nous allons nous partager notre temps de parole.
    Comme vous le savez, madame Bérubé, la Commission royale sur les peuples autochtones était le produit de la crise d'Oka. Il y avait beaucoup de leçons à tirer à la suite de cette énorme enquête de la Commission, leçons qui n'ont pas forcément été suivies, en ce qui a trait, par exemple, à l'achat de terres. Je ne vous dis pas que c'est une analyse simpliste, parce que c'est une réflexion très profonde. Bon nombre de recommandations n'ont pas été suivies. Il y a eu des périodes où l'engagement du gouvernement laissait à désirer, il faut l'admettre, et cela s'est produit à tous les égards.
    La scission de l'ancien ministère qui a donné lieu à nos deux ministères actuels découle justement des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, scission qui n'a pas eu lieu à ce moment-là, mais plus de 20 ans après. C'est la même leçon que nous avons tirée de l'arrêt Delgamuukw. À la suite de la crise dOka, nous nous sommes rendu compte, en tant que Québécois et Canadiens, de la réelle tension qui existe, laquelle a un fondement légitime qui date de bien avant la création même du Canada, au regard de la participation des forces armées. C'est une cicatrice qui reste ouverte au sein de ces communautés.
    On parle souvent des répercussions économiques qui persistent sur l'économie du Québec et sur celle du Canada, et il faut le souligner. En revanche, Les plus grandes répercussions, de façon proportionnelle, se sont fait sentir au sein de Kahnawake et de Kanesatake, un sous-développement qui a persisté et qui persiste jusqu'à ce jour.
    Le préjudice et les préjugés qui ont suivi par la suite, nous les avons vus ressurgir, que ce soit dans les médias ou dans les commentaires affichés sur Facebook. Il s'agissait des mêmes commentaires que ceux qui avaient cours après la crise d'Oka. Il y a eu la mort du caporal nommé à la suite de l'intervention de la Sécurité du Québec, ou SQ. Il y a aussi eu la mort d'un homme qui sortait de Kahnawake, au moment où une roche était lancée contre sa fenêtre. Il a fait une crise cardiaque et il en est mort.
    Ce sont des choses sur lesquelles il faut réfléchir en tant que société. J'ose croire qu'il y a eu des changements à la suite de la crise d'Ipperwash. En Ontario, on a vu au sein de la police une réforme des façons de faire et de l'engagement autochtone, un engagement qui fait suite à cette sensibilité culturelle et aux revendications qui existent depuis fort longtemps. Reste-t-il du travail à faire? Je dirais très humblement oui.
    Je veux juste ajouter quelque chose.
    Excusez-moi, madame Bérubé.
    Nous remercions le Bloc québécois d'avoir adopté la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones et d'y avoir donné son appui, parce que, compte tenu des deux ministères, ce n'est plus possible pour moi de régler les questions liées aux droits et aux titres. Nous savons que, là où des revendications territoriales sont réglées, il y a de la certitude. C'est un fondement solide sur lequel s'appuyer lorsque nous prenons des décisions, alors que les Autochtones et les peuples détenant ces droits sont autour de la table.

  (1150)  

    Madame Bennett, je voulais vous dire aussi que l'attitude du gouvernement durant cette crise a été semblable à celle de quelqu'un qui n'arrête pas d'appuyer sur le bouton rappel d'alarme le matin. Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps pour agir? Je sais que vous en avez parlé plus tôt. Il y a plein de rappels concernant la première injonction, l'article du Guardian, l'échec des pourparlers, les premières manifestations, les premiers blocages et j'en passe.
    Pourquoi avoir pris tant de temps? Il a fallu quasiment 25 ou 26 jours avant de régler la situation. La crise dite autochtone est devenue une crise économique partout au Canada. Des chefs héréditaires se sont déplacés au Canada alors qu'il n'y avait pas de négociation entre le Parlement et les chefs héréditaires, comment pouvez-vous expliquer la situation?
    Il y a un an, la province de la Colombie-Britannique a chargé M. Murray Rankin de commencer les discussions sur les droits et les titres de la nation des Wet'suwet'en. Après les difficultés survenues en décembre, M. Nathan Cullen s'est engagé dans le processus visant à régler la situation.
    Au début, il y a eu des discussions entre le ministre Scott Fraser et moi-même. Ensuite, notre gouvernement a proposé une réunion avec les chefs héréditaires de la nation des Wet'suwet'en.
    Nous sommes engagés dans le processus, et avec de la patience, nous arriverons à un résultat durable.

[Traduction]

    Je suis désolé, mais vous avez dépassé le temps d'intervention d'une minute. Les interventions sont de six minutes. C'est maintenant au tour du NPD.
     Madame Gazan, je crois que vous céderez une partie de votre temps à Mme Ashton.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    Le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu une décision défavorable à votre gouvernement pour discrimination envers les enfants des Premières Nations. Nous en sommes maintenant à neuf ordonnances de non-conformité. Si la primauté du droit, c'est respecter la loi, n'êtes-vous pas en train d'enfreindre la loi? Oui ou non?
    Tout d'abord, je vous remercie de la question.
    C'est une question très émotive...
    Oui ou non?
    ..., car nous parlons d'enfants...
    J'ai posé une question à laquelle on répond par oui ou non.
    —... des Premières Nations, et notre gouvernement est convaincu...
    Donc je...
    Veuillez lui permettre de répondre à la question. S'il vous plaît, arrêtons de parler en même temps et laissons les témoins répondre, puis poursuivons.
    Notre gouvernement fait face à des défis à bien des égards. Dans la lettre de mandat qu'il m'a donnée, le premier ministre a très clairement indiqué que les enfants des Premières Nations seront indemnisés pour ce qu'ils ont subi...
    Euh...
    ... dans la mesure où une compensation monétaire peut le faire.
    Nous allons passer à la prochaine question.
    Il s'agit d'une question très importante pour moi, madame Gazan, et je serai ravi d'y répondre plus tard, mais c'est quelque chose qui nécessite beaucoup plus de discussions...
    Vous ne répondez pas à ma question. Il semble que votre gouvernement soutient la primauté du droit lorsqu'elle sert ses intérêts économiques. Si je le dis, c'est parce que bien souvent, nous nous retrouvons dans ces situations parce que nos propres lois, les décisions de nos tribunaux ou les droits de la personne des Premières Nations ou les lois autochtones ne sont pas respectés.
    Si soutenir la primauté du droit signifie respecter la loi devant les tribunaux, nous pouvons difficilement conclure que le gouvernement a respecté la primauté du droit pour les peuples autochtones et leurs droits. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Je pense qu'en tant que Canadiens, nous n'avons qu'à penser à Poundmaker, à Big Bear ou à Louis Riel pour comprendre que l'invocation de la primauté du droit a parfois été utilisée contre les peuples autochtones pour perpétrer des injustices historiques. Cela devrait être clair pour tous les gens ici présents et pour tous les Canadiens.

  (1155)  

    Alors, laissez-moi vous aider. Il vous a fallu trois jours pour parvenir à conclure une entente de principe avec les chefs héréditaires. Je crois que c'est ce qu'on appelle de la « volonté politique ».
    J'ai une dernière question. Compte tenu de la situation des Wet'suwet'en, est-il essentiel que nous parvenions à l'adoption et à la mise en oeuvre complètes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones? La dernière fois, votre gouvernement n'est pas allé de l'avant. Il est essentiel que nous l'adoptions. Quel est votre échéancier?
    Je conviens que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est historique, et je veux souligner la contribution de Romeo Saganash, qui a présenté le projet de loi. Notre gouvernement l'a pleinement appuyé, et c'est une chose à laquelle notre gouvernement croyait fermement. Je félicite la ministre Bennett d'avoir accompli en quatre jours ce qui n'a pas pu être accompli en 23 ans. C'est très important...
    Excusez-moi, monsieur le ministre. Je sais que nous avons de sérieuses questions à poser. J'ai l'impression que nous sommes à l'heure du conte.
    Nous sommes confrontés à une crise sur plusieurs fronts. Malgré toute la bonne volonté exprimée, le fait est que votre parti a été au pouvoir 91 années au cours des 120 dernières années. Les politiques de colonisation et de génocide ont été établies par des gouvernements libéraux, de sorte que lorsque j'entends parler de l'absence d'eau courante, de crise de logement, du manque de soins de santé adéquats et de conditions de vie dignes du tiers monde, je sais que ce n'est pas un hasard. Ces situations découlent de politiques gouvernementales que vous et vos collègues avez mises en place au fil des ans.
    Dans ce contexte, parlons d'une crise à laquelle nous faisons face actuellement. Les gens sont très préoccupés par les répercussions disproportionnées que le coronavirus devrait avoir sur les peuples autochtones. Il ne suffit que de penser à la grippe H1N1 pour savoir exactement à quel point les plus vulnérables sont frappés, en particulier les gens de mon coin de pays. Savez-vous à quel point les peuples autochtones ont été touchés par le virus H1N1 dans le Nord du Manitoba? Je vais vous aider: six fois plus que la moyenne. Au Nunavut, c'était 45 fois plus.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Quel est votre rappel au Règlement?
    Sans vouloir vous offenser, les deux ministres comparaîtront de nouveau jeudi. Je crois que bon nombre de ces questions sur le coronavirus et le reste pourraient être posées à ce moment-là. Je crois qu'ils sont ici aujourd'hui, et que nous sommes ici...
    Sans vouloir vous offenser, c'est une question de vie ou de mort, et permettez-moi de la relier à notre discussion d'aujourd'hui.
    Excusez-moi. Je lui demande quel est son rappel au Règlement.
    Ils sont ici aujourd'hui pour une raison bien précise.
     Je n'arrive pas à croire que nous retardons cela à cause de questions sur le coronavirus.
    J'estime que la pertinence est un problème ici, monsieur le président. À mon humble avis, la question pourrait être posée jeudi.
    Allez-y, madame Ashton.
    Avec tout le respect que je vous dois, je suis consternée que nous demandions de reporter cette discussion alors que nous savons que le gouvernement ne prend pas la question au sérieux.
    Permettez-moi de faire le lien avec les Wet'suwet'en également. Les peuples autochtones du pays en ont assez que le gouvernement fédéral ne tienne pas compte de leurs besoins, qu'il s'agisse des droits fonciers issus des traités ou des revendications territoriales — et j'inclus l'accord du nord du 60e parallèle concernant lequel votre gouvernement a trahi les Dénés. Ils en ont assez qu'on ne tienne pas compte des conditions de vie dans leur région, de sorte que je suis consternée qu'on me dise que je ne devrais pas parler d'une crise que nous commençons à vivre.
    J'aimerais demander au gouvernement ce qu'il fait pour s'assurer que les Premières Nations ont du soutien. Vous pourriez peut-être parler du fait que vous êtes un membre suppléant d'un comité. Quel signal le gouvernement envoie-t-il aux collectivités autochtones alors qu'il ne prend même pas les ministres chargés des affaires autochtones suffisamment au sérieux pour vous inclure comme membre à part entière d'un comité qui discute d'une crise nationale et mondiale?
    Vous disposez de 30 secondes.
    Je peux confirmer à la députée que je siège au comité et que je participe pleinement. Je n'en dirai pas plus. Une réunion est prévue aujourd'hui, et je vais informer les membres des questions. Je serais prêt à vous donner de l'information à jour sur les questions concernant nos engagements dans les collectivités autochtones et notre réponse et notre préparation pour le coronavirus, qui est un problème très sérieux.
    Avant de faire ma prochaine observation, je dirais que je ne crois pas qu'on puisse parler de contes lorsqu'il est question de la présentation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le travail que le gouvernement et le NPD y ont consacré, qui a été appuyée et proposée par Romeo Saganash. Je crois que c'est très important. Il est très important que les Canadiens en prennent conscience.
    En ce qui a trait au coronavirus, les collectivités autochtones sont plus vulnérables pour un certain nombre de raisons: écarts socioéconomiques, surpopulation et difficulté d'accès à de l'eau potable. Ce sont tous des problèmes que notre gouvernement, à long terme — et à court terme pour ce qui est des avis d'ébullition de l'eau à long terme que nous avons promis d'éliminer d'ici mars 2021... Il y a également des problèmes systémiques concernant des approches culturelles pour les installations médicales et les soins de santé, et les questions relatives à l'accès et aux régions éloignées. Ce sont tous des facteurs qui ont contribué, par exemple, aux taux inacceptables de tuberculose dans ces collectivités.
    Nous avons l'expérience du virus H1N1. J'ai une équipe dévouée qui s'occupe de la question des capacités d'intervention. Je serais absolument ravi de faire le point avec le Comité ou avec quiconque désire en discuter avec moi. Avant tout, c'est avec les collectivités autochtones que nous tentons de communiquer, et nous l'avons déjà fait, mais nous allons augmenter les capacités à court terme. Merci.

  (1200)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Nous devons passer aux interventions de cinq minutes.
    La parole est à vous, monsieur Vidal.
    Je remercie les deux ministres de leur présence aujourd'hui.
    Je veux poursuivre un peu sur les observations de M. Schmale.
    Madame la ministre, la question du titre a été réglée principalement dans le cadre de traités, comme vous le disiez. La décision Tsilhqot’in a défini les normes permettant de prouver que le titre existe. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point.
    Les revendications de titre ont des répercussions non seulement sur les Premières Nations, mais également sur les collectivités non autochtones des environs et les revendications des Premières Nations qui se chevauchent. Les traités doivent être ratifiés par le Parlement fédéral et les assemblées provinciales, et pour revenir sur une question de mon collègue, je pense non seulement que c'est approprié, mais qu'il est impératif que vous présentiez l'entente devant le Parlement avant sa signature.
    Je ne crois pas que vous avez répondu à sa question. Allez-vous présenter l'entente au Parlement avant de la signer.
     Oui, je crois avoir dit que les ententes protégées en vertu de l'article 35 que le Canada et les groupes autochtones négocient demeurent confidentielles jusqu'à la fin du processus de ratification. L'entente sur l'éducation des Anishinabek a été présentée au Parlement ensuite. Nous sommes très conscients du fait que ce genre d'ententes, en particulier lorsqu'il s'agit de titre, doivent être présentées ici.
    Ce que j'ai entendu dans toutes les réponses publiques que vous avez données à ce jour, c'est que lorsque cette entente aura terminé le processus de deux semaines, comme vous l'avez mentionné avec éloquence aujourd'hui, vous et M. Fraser, de la Colombie-Britannique, le signerez.
    Je me demande donc où est le Parlement dans ce processus.
    Comme dans le cas d'une convention collective ou du type d'ententes que signe le Canada, j'ai le mandat d'être en mesure de signer des ententes. Il s'agit d'une entente en vue de travailler à la mise en œuvre.
    Comme vous le savez, la Cour suprême a reconnu le titre et les chefs héréditaires. Il nous revient maintenant de déployer les efforts nécessaires pour être en mesure de mettre cela en œuvre et de régler les questions que vous soulevez, avec raison, en ce qui concerne les voisins et la propriété privée, les assurances et les routes, etc. C'est une situation très complexe et c'est le travail laborieux que nous avons hâte d'accomplir avec la nation Wet'suwet'en et la province de la Colombie-Britannique, mais aussi avec les municipalités de Smithers et de Houston.
    C'est un travail important.
    Ce que j'entends, c'est que vous dites qu'il s'agit d'une entente sur laquelle nous continuerons de travailler ensemble, mais dans vos commentaires, vous avez dit qu'il s'agissait d'une entente au sujet d'un titre.
    Parlons-nous d'un titre ou parlons-nous seulement de se mettre d'accord pour continuer de travailler ensemble?
    Il s'agit d'un arrangement proposé qui nous permettrait de commencer le travail important qui consiste à mettre en oeuvre les droits et les titres des Wet'suwet'en.
    Merci. Je vais maintenant passer à autre chose.
    Monsieur Miller, j'aimerais vous poser une question.
    Dans votre plan ministériel, vous dites ceci:
Notre travail appuie l'autodétermination chez les peuples autochtones afin que les services que nous offrons actuellement soient, dans l'avenir, élaborés, régis et offerts par les peuples autochtones.
    La mise en valeur des ressources est un excellent moyen que peuvent utiliser les collectivités autochtones pour créer leurs propres revenus et atteindre ce noble objectif. Tout comme mon collègue, je vous demande pourquoi votre gouvernement semble seulement s'entretenir avec ceux qui sont contre le développement économique.
    J'aimerais également invoquer la visite de Mme Bennett en Colombie-Britannique, mais aussi la transcription — que j'ai lue — de votre réunion de huit heures avec les gens de Tyendinaga. Encore une fois, il semble que nous parlons seulement avec les personnes qui sont contre le projet de développement, même si ce projet a une très grande importance pour la réussite de ces collectivités.
    Je ne peux pas choisir les personnes qui se présenteront à un barrage. Je dois réagir à la situation lorsqu'elle se présente et amorcer un dialogue pour déterminer les raisons qui motivent la formation de ces mouvements de solidarité. Je peux seulement y arriver par l'entremise de conversations, et certaines d'entre elles sont difficiles, mais je n'ai d'autre choix que de respecter les points de vue qui me sont communiqués à ce moment-là. Que je sois d'accord avec eux ou non, il est très important de poursuivre le dialogue tout en élaborant un plan pour arriver à une résolution pacifique.
    Tout le monde voulait une résolution pacifique, mais le plan d'action et les étapes qu'il contient sont très importants, et cela comprend le dialogue. Nous avons amorcé le dialogue. Mon ministère existe pour combler l'écart socio-économique, afin que les peuples autochtones atteignent l'égalité réelle avec les non-Autochtones. Ce point est un énorme catalyseur de la croissance économique. Il y a des portefeuilles de développement économique dans mon ministère et dans celui de Mme Bennett.
    Nous savons que lorsqu'ils peuvent exercer l'autodétermination, les peuples autochtones jouent un rôle important dans la mise en valeur des ressources dans de nombreuses collectivités. Vous n'avez qu'à penser au Traité no 8. Vous n'avez qu'à penser aux Cris dans le Nord du Québec. Ces projets sont au cœur du développement de notre pays, mais il faut d'abord combler l'écart dans l'éducation, la santé, l'infrastructure et la gestion des urgences, qui sont tous des éléments précurseurs que vous et moi tenons probablement pour acquis.
    Ce sont des choses très importantes. Nous amorcerons le dialogue avec tous les intervenants, y compris les intervenants de la mise en valeur des ressources. Je m'entretiens avec eux tout le temps.

  (1205)  

    Merci. Les cinq minutes sont écoulées.
    Monsieur Van Koeverden.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les deux ministres d'être ici aujourd'hui.
    Avant de commencer, j'aimerais vous féliciter et reconnaître votre engagement à bâtir un climat de confiance durable, à vous trouver aux premières lignes, à rencontrer les gens et à les écouter pour veiller à ce que leurs voix soient entendues, non seulement dans les médias, mais aussi au Parlement.
    Tout comme vous, je suis très préoccupé par certains des propos utilisés pour discuter de cet enjeu, car ils sont devenus plutôt offensants. Je pense qu'à titre de représentants élus et de parlementaires, nous sommes particulièrement responsables de faire preuve de diplomatie à l'égard de ces enjeux importants. Dimanche dernier, j'ai rencontré environ 70 jeunes Autochtones à la conférence Le Canada que nous souhaitons qui s'est déroulées juste au nord de Toronto. J'aimerais préciser que même s'ils étaient très émotionnels, leurs propos et leur rhétorique sont restés respectueux, diplomatiques et constructifs tout au long de la discussion, qui était censée durer 30 minutes, mais qui a duré, en fin de compte, environ deux heures et demie. Je crois que c'est un engagement qu'il serait à l'avantage d'un grand nombre de nos collègues d'imiter.
    Sans diminuer l'urgence de toutes les questions en jeu, j'espérais que vous pourriez nous en dire plus sur la priorisation de la désescalade, afin de calmer les esprits surchauffés et de parvenir à une solution pacifique, efficace et légale qui entraînera de bons résultats. Madame Bennett, pourriez-vous également nous en dire plus — et c'est peut-être encore plus important — sur la notion de « ne pas nuire » dont vous avez parlé?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense que nous craignons que des situations comme celle-ci contribuent à accroître le racisme et la capacité des gens de s'attaquer les uns les autres. Ce samedi soir-là, à l'hôtel de Smithers, l'un des aînés a été victime de violence verbale. Cela montre ce qui se passe entre les voisins, mais aussi ce qui arrive aux personnes les plus vulnérables. Il est inacceptable d'attaquer quelqu'un qui est allé dans un pensionnat et à qui on a fait ressentir de la honte parce qu'il est Autochtone. Je trouve inquiétant que certaines personnes, qu'il s'agisse de la sénatrice Beyak ou d'autres personnes de n'importe où au pays, semblent pouvoir prononcer des paroles absolument blessantes et dommageables et s'en tirer sans aucune conséquence. C'est très dangereux pour l'intégrité de notre pays. Nous avons tellement de choses à apprendre sur la notion qui consiste à prévoir en fonction des sept générations suivantes, sur la notion de demander au lieu d'exiger dans le cadre du leadership, sur l'importance d'écouter les femmes qui ont de l'expérience et sur toutes les choses qui existaient avant l'arrivée des colons. Et ensuite, la Loi sur les Indiens et les pensionnats ont fait ressentir de la honte chez les gens.
    Je suis d'accord. Hier soir, j'ai eu une soirée intéressante à l'Université de Toronto. J'ai rencontré une merveilleuse jeune femme autochtone qui m'a parlé du rapport Chandler-Lalonde et du fait que les collectivités autonomes ont des meilleurs résultats sur le plan de la santé, de l'éducation et de l'économie. Il s'agit maintenant d'une approche érudite et fondée sur des données probantes, mais il s'agit aussi de bâtir notre pays et de bâtir une nation d'un océan à l'autre.
    Merci.
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    Monsieur Miller, pendant la déclaration que vous avez faite aujourd'hui, vous avez beaucoup parlé de la confiance. J'ai reconnu votre travail acharné et votre engagement à mener un dialogue ouvert et honnête dans le cadre de ce processus. J'ai fait référence à votre travail, à votre engagement à l'égard de l'apprentissage des langues, de la paix et du dialogue et à la patience dont vous avez fait preuve à plusieurs reprises au cours de ma réunion qui a eu lieu dimanche soir. Tout cela a bien été reconnu et approuvé par l'audience. Ces jeunes étaient très bien informés.
    J'aimerais que vous nous parliez davantage de la façon dont la patience, la diplomatie et une attitude calme facilitent la situation actuelle. J'aimerais encore une fois vous féliciter pour ce travail.

  (1210)  

    Merci.
    Permettez-moi d'ajouter mes commentaires à ceux de Mme Bennett. Après avoir entendu les dirigeants de Kahnawake, ma plus grande préoccupation concernait les 200 enfants qui étudient à l'extérieur de la réserve et la façon dont ils sont ciblés. Dans cette situation, notre préoccupation est la sécurité de tous les Canadiens, et surtout celle des plus vulnérables. Mais lorsqu'on entend des histoires comme celle-ci, on comprend réellement ce que cela signifie et dans quelle mesure il est nécessaire de parvenir à une résolution pacifique.
    Parfois, pour inspirer confiance, il faut se montrer vulnérable, s'exposer et travailler sur un terrain qui n'est pas le nôtre. Neuf heures de transcription, c'est une grande exposition pour un ministre, mais c'est très peu comparativement aux vulnérabilités des gens qui ont accepté de me rencontrer. En effet, je me sens en sécurité quand je suis près des policiers, mais c'est différent pour ces gens. À de nombreuses reprises, on pouvait concrètement ressentir ce sentiment d'insécurité dans la salle. C'est un phénomène systémique, constant et documenté. Ce ne sont pas seulement des paroles en l'air; ce phénomène est documenté dans des rapports.
    Ce lien de confiance est rompu depuis des décennies, et une personne comme moi ou le gouvernement ne peut pas le réparer en une seule année par l'entremise d'une série de programmes profitant d'un investissement historique. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les liens qui ont été rompus et d'autres erreurs seront probablement commises. Il s'agit simplement de ne pas abandonner les efforts. Il faut cultiver des relations. Dans toute communauté, et même au sein de votre comité, on cultive des relations qui établissent un minimum de confiance...
    Merci, monsieur le ministre. Votre temps est écoulé.
    ... et de fiabilité. Cela permet de progresser. C'est systémique. Notre pays peut fournir les efforts nécessaires. J'en suis convaincu.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Zimmer, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la ministre. Je vous suis reconnaissant d'être allée dans la communauté Wet'suwet'en. Ce sont mes voisins, à l'ouest de ma circonscription.
    J'éprouve les mêmes préoccupations que mon collègue, M. Schmale. Vous avez parlé de tirer parti des divisions comme si c'était quelqu'un d'autre qui le faisait. Vous avez dit qu'il fallait être « ouverts et honnêtes », je pense, monsieur Miller. C'est ce que vous avez dit; c'est la façon dont vous vouliez que ces discussions se déroulent.
    Savez-vous qui élit les chefs et les membres du conseil de la communauté Wet'suwet'en?
    Est-ce que je sais...?
    Savez-vous qui élit les chefs des collectivités Wet'suwet'en?
    Les terres de réserve...
    Oui, les collectivités Wet'suwet'en. C'est exact.
    Les membres de la population de la réserve élisent les chefs.
    Savez-vous que les chefs Wet'suwet'en font partie de cette communauté?
    D'après ce que je comprends, et selon la décision rendue par la Cour suprême, les chefs héréditaires... Une discussion est en cours au sujet du titre de l'ensemble de la communauté, et pas seulement des terres de la réserve.
    Permettez-moi seulement de répéter ce que Gary Naziel, un chef adjoint de la communauté Wet'suwet'en...
    Oui.
    ... nous a dit. Nous l'avons rencontré à Prince George il y a trois semaines. Il a dit que les chefs élus étaient aussi élus par les chefs héréditaires des Wet'suwet'en. Ce sont de vrais représentants de la communauté Wet'suwet'en, des membres héréditaires et communautaires. Le saviez-vous?
    Certainement, et c'est la raison pour laquelle les chefs héréditaires retourneront maintenant dans leurs clans et leurs maisons et leurs chefs élus...
    Prochaine question.
    L'hon. Carolyn Bennett: Non, attendez une seconde...
    M. Bob Zimmer: Je dois les poser rapidement. Donc, ma prochaine question...
    L'hon. Carolyn Bennett: Vous avez posé une question...
    Vous avez effectivement posé une question. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous devriez lui laisser le temps de répondre.
    Dans ce cas, j'espère que vous me donnerez plus de temps, monsieur le président.
    Je vous dirai qu'ils retourneront maintenant dans leurs clans et leurs maisons et que tous les membres de la nation détermineront et ratifieront cette proposition.
    Le chef Dan George, l'un des chefs élus par la communauté, a tenté de vous rencontrer, et il voulait même participer aux discussions lorsque vous avez seulement rencontré les chefs héréditaires il y a quelques jours. Les chefs élus ont dit qu'ils n'avaient pas été autorisés à participer à cette rencontre. Pourquoi?
    Je ne suis pas au courant de cela. Je serai heureuse de rencontrer le chef Dan George à n'importe quel moment.
    D'accord. Je suis heureux que vous ayez dit cela, car je l'ai entendu plus tôt. Je viens de parler avec le chef Dan George et tous les chefs élus qui appuient le projet, et ils ont affirmé qu'ils ont essayé d'obtenir une rencontre avec vous, mais qu'ils n'ont pas réussi. Ils éprouvent une grande frustration. Ils veulent avoir...
    En fait, vous savez, la plus grande frustration pour les chefs élus et, selon moi, les chefs héréditaires des Wet'suwet'en qui appuient le projet... Ils veulent organiser une discussion communautaire sur cet enjeu.

  (1215)  

    Oui.
    Lorsque vous allez dans une communauté et que vous parlez seulement à quelques personnes triées sur le volet, et qu'il s'agit seulement des personnes qui sont contre le projet... Ils sont très frustrés. Les chefs héréditaires qui appuient le projet sont très frustrés. L'une de ces chefs se trouve d'ailleurs dans la salle aujourd'hui. En effet, Theresa Tait Day est ici, au fond de la salle.
    On éprouve de la frustration, car vous souhaitez seulement obtenir un certain résultat en rencontrant seulement un groupe particulier. Certains de ceux que vous avez rencontrés sont mêmes chefs à la suite de circonstances suspectes. Le chef Woos, par exemple. Les chefs que vous rencontrez sont liés à des circonstances douteuses, et les chefs Wet'suwet'en légitimes qui veulent vous rencontrer se demandent s'ils devraient être à la même table, car cela légitime des chefs qui ne le sont peut-être pas.
    À mon avis, une ministre devrait être au courant de toutes ces préoccupations de la communauté et faire très attention aux personnes qu'elle rencontre lorsqu'elle visite cette communauté. Si vous souhaitiez réellement rassembler les membres de la communauté, comme vous l'avez dit, et éviter de les diviser pour tirer parti de ces divisions, et que vous souhaitiez agir de façon ouverte et honnête, vous inviteriez tout le monde à la rencontre. Pourquoi exclure de la rencontre des dirigeants de la communauté?
    Je crois que vous ne vous rendez pas compte qu'il y a deux conversations distinctes. Je n'étais pas là pour parler d'un pipeline, mais pour parler des droits et du titre. La discussion sur les droits et le titre se déroule dans les clans et les maisons, et tous les intervenants seront présents pour la ratifier. Je retournerai pour savoir s'ils sont d'accord. Ensuite, je rencontrerai tout le monde.
    Dans ce cas, c'est encore plus problématique. Si vous ne parlez pas de Coastal GasLink... J'ai aussi parlé aux chefs élus. Ils étaient troublés...
    Un député: Monsieur le président...
    L'hon. Carolyn Bennett: Monsieur Zimmer...
    M. Bob Zimmer: Attendez. C'est mon temps.
    Monsieur Zimmer, c'est un projet de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?
    Le problème, toutefois, c'est que si vous vous rendez là-bas dans l'objectif présumé d'obtenir le démantèlement des barrages et une cessation... Car tout cela concerne le projet, n'est-ce pas? Tout cela découle du projet de Coastal GasLink. Si vous vous rendez là-bas pour aider à rétablir la paix et que vous ne parlez même pas de l'enjeu qui a causé les barrages routiers, à mon avis, c'est encore plus problématique.
    D'accord. Il nous faut une brève réponse.
    Veuillez fournir une brève réponse, s'il vous plaît, madame la ministre.
    La réponse, tout simplement, est que les droits et le titre... Je suis là-bas pour trouver une solution durable, pour que ça ne se reproduise plus. Les ayants droit seront présents et se feront offrir beaucoup de choix, au début d'un projet. C'est la raison d'être du projet de loi C-69. C'est ce que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones...
    Une voix: À peine.
    L'hon. Carolyn Bennett: ... et c'est de cette manière que nous procéderons quand nous aurons réglé le dossier des droits et du titre du peuple wet'suwet'en.
    C'était la dernière question. Nous avons dépassé le temps convenu. Nos prochains témoins attendent.
    Je remercie les ministres et leurs adjoints de s'être déplacés.
    Nous faisons une courte pause, le temps, pour moi, d'avaler un café, puis nous poursuivons.
    La séance est suspendue.

  (1215)  


  (1220)  

    Reprenons.
    Nous commençons à manquer de temps. Nous avons beaucoup de pain sur la planche et nous accueillons des témoins très importants. Encore une fois, le Comité reprend ses travaux.
    Pour nos auditeurs par la webdiffusion, je précise que l'un de nos invités est ici et que les deux autres témoigneront par vidéoconférence. En raison des aléas de la technologie, je pense que Mme Tait Day laissera d'abord s'exprimer nos témoins éloignés.
    Il s'agit d'abord de M. John Borrows, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit autochtone à l'Université de Victoria et de M. Éric Cardinal, de Sept-Îles, au Québec.
    Monsieur Borrows, comme vous êtes le plus éloigné des deux, veuillez commencer.
    Les questions que je tiens à soulever concernent l'application du droit autochtone. Je suis reconnaissant d'avoir compris que le titre autochtone se trouve au cœur des disputes actuelles, ici, en Colombie-Britannique, et que sa reconnaissance appartient aux ayants droit, les chefs héréditaires. Ce qu'il faut, bien sûr, c'est la reconnaissance de ce titre, puis que le pouvoir compétent puisse mettre en œuvre ce qu'implique le contenu de ce titre.
    Quand ce pouvoir compétent sera reconnu, il englobera le droit wet'suwet'en et les mécanismes de résolution interne des différends dont cette nation pourra se servir pour relever les défis intervenant entre les conseils élus et les conseils héréditaires. Ce n'est pas la dernière fois qu'on en entend parler.
    C'est pour vous dire que c'est la loi, une loi reconnue dans la Constitution.
    Nous avons également besoin, bien sûr, des mécanismes de reconnaissance intersociétale, des textes comme l'article 35 et de la démarche exclusivement caractéristique qui se trouve déjà là; de la Déclaration déjà mentionnée des Nations unies et des mesures législatives que le gouvernement peut prendre pour reconnaître les droits et le titre comme enjeux de la durabilité et du développement économique; de la nécessité de réformer la prise d'ordonnances d'injonction; de la primauté du droit au sens large.
    Toutefois, ma contribution principale consiste à essayer de me servir d'une loi des Anishinabés. Je suis originaire de la réserve du cap Croker, sur la rive sud de la baie Georgienne, sur la péninsule Bruce. Par exemple, la constitution de la réserve Wiikwemkoong prévoit les modalités d'application des lois de cette nation pour s'occuper des questions dont elle est saisie. Ces lois forment les sept enseignements des aïeuls. Permettez-moi de vous en faire la lecture, pour que puissiez réfléchir à ces conseils dans la résolution des différends qui nous préoccupent tous tellement.
    La première loi est celle du respect, qui consiste à accepter les gens tels qu'ils sont. La constitution l'affirme: « Écoutez avec un esprit ouvert les opinions d'autrui et soyez sensibles aux sentiments d'autrui. Respectez également toutes les créatures vivantes et notre mère la Terre ». Représentez-vous cette loi comme une norme, un principe, un critère, une autorité, un précédent, une tradition, un écriteau et une enseigne pour la régulation de nos affaires et la résolution de nos différends.
    Il y a l'humilité: « Efforcez-vous de devenir modeste ».
    Il y a la vérité: « Soyez digne de confiance. Ne discutez que de faits et, inversement, recherchez la connaissance exacte ».
    Voici des principes constitutionnels.
    Il y a la bravoure et le courage. La constitution dit: « Assumez la responsabilité de vos erreurs et faites face aux circonstances inconnues. Prenez des risques et ne vous laissez pas décourager par les pertes ».
    Il y a l'amour: « Affectionnez votre entourage ». Imaginez que ça fait partie du règlement de nos différends sur le plan constitutionnel. « Faites savoir à vos amis et à votre famille que vous les adorez inconditionnellement. Plus important encore, aimez-vous vous-même ».
    Il y a l'honnêteté: « En tout, parlez et agissez franchement, sans arrière-pensée ».
    La septième règle est celle de la sagesse: « Soyez sage et instruisez-vous grâce à la vie. De plus, apprenez de vos erreurs. Englobez dans votre sagesse celle des anciens et des enfants ».
    Voilà des principes apparentés à la vie, à la liberté et à la sécurité, à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. Bien sûr, ils sont généraux. On y aspire. Ils fondent les espoirs pour l'égalité, la mobilité et la liberté à l'intérieur de la Constitution canadienne.
    Je propose que, dans le droit canadien, nous nous inspirions de ce genre de principes et que nous en fassions des normes de conduite de nos entreprises. On peut leur donner une signification en termes précis et, dans les lois, comme dans cette constitution, et dans la jurisprudence. Ils peuvent aussi inspirer nos comportements.
    Ici, à l'Université de Victoria, nous enseignons le droit autochtone et la common law. Nous décernons les grades de docteur en droit et de docteur en droit autochtone. Ici, de plus, les étudiants acquièrent des connaissances des divers systèmes de droit. Par mon enseignement du droit constitutionnel, ils apprennent ce qu'est le fédéralisme, la Charte des droits et libertés et les droits autochtones et ceux des traités, mais, en même temps, ils apprennent aussi, en cours de route, le droit anishinabé.
    Même chose en droit criminel, qui les met en relation avec le droit cri ou en droit des biens, qui les initie au droit gitxsan. Le droit tsilhqot'in est combiné au droit des obligations contractuelles, tandis que le droit hul'q'umi'num ou le droit cowichan le sont au droit de la responsabilité délictuelle.

  (1225)  

    Dans notre pays, coexistent de nombreux droits, de nombreuses traditions juridiques dont nos actions peuvent s'inspirer en toute confiance, et l'étymologie de l'appellation de ces principes de respect et d'humilité, de vérité, de bravoure, d'amour, d'honnêteté et de sagesse sert de fil conducteur. Par exemple, zaagidiwin, l'amour, provient d'un mot signifiant embouchure. Nous apprenons à vivre dans l'amour en observant l'embouchure d'un cours d'eau qui enrichit la terre, et les normes qui doivent guider notre vie sont l'honnêteté, gwayakwaadiziwin, une piste dégagée, qui n'entrave pas nos conversations, ou l'humilité, dibaadendiziwin, qui est la mesure précise de nos pensées. L'idée de respect, manaaj'idiwin, c'est d'y aller mollo les uns avec les autres. La notion de sagesse, c'est nanagadawenda/nibwaakaawin, c'est-à-dire se pencher sur les choses, les étudier.
    Ce sont des lois canadiennes, des lois de la terre, et les Wet'suwet'ens pourraient exprimer des lois se rattachant à des principes analogues. Ainsi font les Pieds Noirs et les Salishs, les Mi'kmaqs, les Inuits, les Métis et les Haïdas. Tous les groupes possèdent ces lois écrites et non écrites. Il importe donc de parler du titre, des compétences et des mécanismes de résolution des différends internes et intersociétaux, mais comprenez que, en partie, le principe de vie de ces lois et mécanismes est la compréhension qu'ont les autochtones de la loi.
    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions ou à vos observations.
    Il y a beaucoup à dire, mais j'espère m'être bien fait comprendre sur le fait que le droit autochtone est une ressource qui doit servir à la raison et à l'action dans notre pays.

  (1230)  

    C'était très bien. Merci.
    Monsieur Cardinal, vous avez maintenant la parole. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je vous remercie de me permettre de témoigner, même si je ne pouvais me présenter en personne. Je suis présentement dans la communauté de la nation Uashat mak Mani-Utenam, sur la Côte-Nord du Québec. Vive la technologie!
    Je ne reviendrai pas sur les faits concernant la crise autochtone. Vous les connaissez amplement. À titre d'expert en droit et en politique autochtone, je vais me concentrer principalement sur ce que je comprends des causes de la crise et sur ce que je considère comme des leçons que nous pouvons en tirer.
    Tout d'abord, la crise est le point culminant de plusieurs enjeux liés aux territoires et à la gouvernance politique des Premières Nations. Il y a, bien sûr, les enjeux propres à la nation des Wet'suwet'en et ceux liés au projet particulier de Coastal GasLink. Si la crise a pris une telle ampleur, c'est parce que les enjeux dépassent largement l'opposition de chefs héréditaires à un projet de gazoduc. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la crise a eu un écho aussi grand au Québec et qu'il y a eu des gestes d'appui aussi importants de Premières Nations au Québec, particulièrement de la part des Mohawks et des Micmacs, mais aussi de la part d'Atikamekw, d'Innus, d'Algonquins et de bien d'autres.
    La situation au Québec est très semblable à celle qui existe en Colombie-Britannique. Ce sont deux régions où il n'y a pas de traité historique de cession, ou du moins, où il y en a peu. Il y a donc de grandes superficies de ce qu'on désigne comme des territoires autochtones non cédés sur lesquels les Premières Nations détiennent des droits, mais des droits pas totalement reconnus par les gouvernements ni les tribunaux. Ce sont ce que j'appelle des droits invisibles: des droits ancestraux, le titre ancestral, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, le droit d'être consulté et accommodé, le droit à la protection fiduciaire de la Couronne, et ainsi de suite.
    Ce n'est pas parce qu'ils sont invisibles qu'ils n'existent pas, mais parce qu'ils sont invisibles, ils sont souvent ignorés. Dans le cours que j'enseigne à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, « Droit canadien et peuples autochtones », je commence toujours mon premier cours en présentant un dessin de mon cru, qui est une représentation imagée du droit autochtone canadien. Voici mon dessin.
    On voit un rectangle qui symbolise le droit canadien et un cercle qui désigne les ordres normatifs des peuples autochtones. Ce cercle chevauche en partie le droit positif canadien, mais pas totalement: il y a des droits qui sont parfois reconnus et d'autres qui ne le sont pas. C'est ce dont parlait M. Borrows concernant les droits autochtones, c'est-à-dire les ordres normatifs des peuples autochtones qui existaient auparavant et qui ont continué d'exister au Canada.
    Le graphique explique ce qu'on appelle le pluralisme juridique, qui est présent en matière de droit autochtone au Canada, et il explique aussi en partie les enjeux liés à la crise et la complexité des solutions. Les peuples autochtones, parce qu'ils n'ont pas été conquis, parce qu'ils n'ont pas abandonné leurs droits inhérents, malgré les efforts considérables menés pendant des générations de politique coloniale, possèdent toujours, dans différentes mesures, selon les nations, des parties de leur ordre juridique qui existait avant la création du Canada. C'est vrai pour ceux qui ont conclu des traités et c'est encore plus vrai pour ceux qui n'en ont pas conclu, comme c'est le cas au Québec et en Colombie-Britannique notamment.
    Ces droits ont été en partie reconnus par les tribunaux, qui essaient ainsi, tant bien que mal, de concilier la souveraineté préexistante des nations autochtones avec la souveraineté actuelle de la Couronne. Par contre, les concepts créés demeurent flous et imprécis. Bref, ils demeurent souvent invisibles aux yeux du système politique actuel. C'est là le problème fondamental. Devant la difficulté à résoudre les problèmes par la voie politique, les Premières Nations sont obligées de se tourner vers les tribunaux ou de bloquer des voies ferrées.
    Il faut bien réaliser que la voie des tribunaux n'est pas une panacée. C'est souvent très long, très coûteux et très risqué. Même quand la Première Nation a gain de cause en cour, cela ne représente pas nécessairement une victoire. Prenez justement le cas de la nation des Wet'suwet'en, l'une des deux nations visées par la fameuse décision rendue dans l'affaire Delgamuukw en 1997.
    La décision a été annoncée comme une grande victoire pour les Autochtones, puisque la cour reconnaissait l'existence et la portée du titre ancestral sur les territoires autochtones non cédés. Cependant, la cour a refusé de trancher la cause, en invitant les gouvernements à négocier ou les Premières Nations à retourner en première instance pour refaire la preuve du titre.
    On peut certainement croire qu'on ne serait pas ici aujourd'hui si la voie de la négociation avait mieux fonctionné. On ne peut pas blâmer les tribunaux. La reconnaissance et la définition de ces droits invisibles ont été laissées à la Cour suprême, à défaut d'avoir été précisées au niveau politique, comme le gouvernement fédéral avait pourtant promis de le faire lors du rapatriement de la Constitution en 1982 et de l'inclusion de l'article 35, qui reconnaît les droits ancestraux sans les définir.
    Ces jours-ci, il y en a d'ailleurs plusieurs qui proposent de nouvelles modifications constitutionnelles pour corriger cette situation. Il y a bien eu quelques traités dits modernes qui ont été conclus depuis que la Cour suprême a rappelé au gouvernement, en 1973, dans l'affaire Calder, que les droits ancestraux n'étaient pas des fossiles inertes.

  (1235)  

    Oui, il y a eu quelques traités, mais ils ont été peu nombreux. La situation des Wet'suwet'en est donc loin d'être unique. Il y a ailleurs, surtout en Colombie-Britannique, au Québec et dans les Maritimes, plusieurs situations semblables où l'on retrouve des territoires ancestraux non cédés sur lesquels existent ces droits invisibles.
    Il faut dire que, dans l'état actuel des choses, la conclusion de traités est extrêmement difficile, voire impossible pour un grand nombre de nations. C'est que le cadre actuel des négociations est inadéquat et inefficace. D'abord, la politique actuelle sur le règlement des revendications globales comporte un énorme handicap: le gouvernement fédéral est à la fois juge et partie. C'est aussi un processus très long, parsemé d'embuches. Mentionnons, pour vous donner une idée de la situation, que des nations sont en négociation depuis plus de 40 ans.
    Pendant ce temps, les territoires continuent d'être développés. Il y a bien l'obligation de négocier et d'offrir des accommodements, qui a été créée par la Cour suprême en 2004 dans le cadre d'une affaire mettant en cause la Nation haïda. Cependant, il s'agit encore là d'un autre concept flou, imprécis, qui cause beaucoup de frustration, autant chez les Autochtones que chez les promoteurs, soit dit en passant. Ils se plaignent d'être pris entre l'arbre et l'écorce.
    Il faut dire que les gouvernements n'ont pas beaucoup de motivation pour négocier une reconnaissance des droits. On ne peut pas trop compter sur la pression des tribunaux, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Tout en reconnaissant les droits des Autochtones, et malgré la protection constitutionnelle conférée en 1982, les tribunaux se sont aussi assurés que ces droits n'étaient pas absolus et que les gouvernements pourraient les enfreindre. En effet, la Cour suprême a établi des critères pour justifier l'atteinte aux droits, même au titre ancestral formellement reconnu, ce qui fournit ainsi aux gouvernements une recette pour continuer de ne pas reconnaître ces droits invisibles.
    Aussi, tout en reconnaissant l'existence du titre ancestral, la Cour suprême a imposé aux communautés autochtones le fardeau de prouver leur occupation antérieure de leurs territoires traditionnels. Cette preuve se révèle extraordinairement difficile et coûteuse à produire. Une seule nation autochtone a réussi à fournir cette preuve. C'était en 2014 et cette affaire s'est conclue devant la Cour suprême par la confirmation d'un titre ancestral de la nation tsilhqot'in concernant environ 5 % de son territoire ancestral.
    Alors, que peuvent faire les Premières Nations qui possèdent des droits invisibles, mais qui ne peuvent ni faire reconnaître ceux-ci par les tribunaux, ni prendre part à des négociations pouvant mener à la conclusion d'un traité? Pour l'instant, la seule chose qu'elles peuvent exiger, c'est d'être consultées. Encore là, elles se font rappeler qu'elles n'ont pas de droit de veto. Si elles ne sont pas satisfaites de la consultation, elles peuvent recourir aux tribunaux, mais si elles ne sont pas satisfaites des tribunaux, que reste-t-il? Voilà l'impasse dans laquelle nous sommes.
    Selon moi, la crise autochtone est donc une conséquence directe de l'incapacité des gouvernements à reconnaître les droits invisibles, qui sont quand même réels, et à régler les griefs historiques des Premières Nations qui n'ont jamais cédé ou abandonné leurs droits territoriaux.
    Or la résolution de ces revendications territoriales ne pourra pas avoir lieu tant et aussi longtemps que l'on ne changera pas fondamentalement les mécanismes de négociation. Après de nombreuses années, parsemées d'expériences de négociation frustrantes, je suis d'avis que la solution à l'impasse actuelle passe par un mécanisme indépendant des gouvernements. En effet, le problème est systémique, c'est-à-dire que le système actuel ne peut pas régler ces enjeux, qui sont si complexes qu'ils dépassent même la capacité des administrations gouvernementales. Ce genre d'enjeux ne peuvent pas être réglés par des fonctionnaires qui doivent suivre des politiques, des directives et des procédures administratives. Il faudrait donc, selon moi, qu'une nouvelle institution, indépendante des gouvernements, ait la responsabilité de clarifier et de mettre en oeuvre les droits des Premières Nations. Cette entité indépendante devrait être composée de personnes possédant l'expertise et la légitimité nécessaires à la réalisation de cette tâche sensible et hautement importante.
    L'une des premières choses à changer est probablement le vocabulaire utilisé. En effet, on ne parle pas de revendications, un terme qui porte à confusion, car cela laisse entendre que les groupes autochtones demandent des droits nouveaux. Comme je l'ai dit, ce sont plutôt des droits existants à l'égard desquels on demande une reconnaissance formelle. On devrait donc plutôt parler d'une politique de reconnaissance des droits. Cette solution serait aussi un geste concret dans la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada a officiellement appuyée.
    En conclusion, je dirai quelques mots sur l'incertitude que la crise a provoquée chez les promoteurs de projets, notamment en ce qui concerne les autorités qui ont la compétence pour négocier des ententes de développement. Les entreprises et l'État s'adressent bien sûr aux conseils de bande élus. Ceux-ci, rappelons-le, tentent aujourd'hui de faire ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont pour améliorer la vie de leurs communautés. Cela dit, il s'agit là d'un autre débat.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, les autorités traditionnelles ont subsisté au sein de plusieurs nations. Dans quelques cas, les tribunaux ont également reconnu la légitimité de ces autorités traditionnelles, comme chez les Wet'suwet'en en 1997. C'est ici que la responsabilité du gouvernement fédéral est utile, voire fondamentale. En effet, c'est au gouvernement fédéral qu'incombe l'obligation de s'assurer que le processus respecte les droits du groupe autochtone concerné.

  (1240)  

     Aussi, plutôt que d'encourager la division des communautés autochtones, il faudrait leur donner les ressources nécessaires pour qu'elles puissent mettre sur pied des institutions pensées à partir de leur propre perspective juridique, lesquelles leur permettront d'en arriver à des décisions légitimes qui auront ainsi plus de chances d'être respectées par tous.
    Pour ce faire, il faut aussi passer par la voie politique. Il n'est pas nécessaire de conclure une entente, parce que le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent. Il est toutefois plus utile de conclure des ententes sur l'autonomie gouvernementale. Sinon, il survient des situations comme celle des Mohawks de Kahnawake, qui ont mis en place une sorte de souveraineté de facto sur leur territoire, ce qui explique, entre autres, pourquoi on ne pouvait pas défaire le blocus par une simple injonction de la cour.
    Encore là, pour conclure des ententes et reconnaître l'autonomie gouvernementale, le système actuel rend la chose très difficile.
    Bref, il faut maintenant faire preuve de créativité et de courage afin d'adopter des mesures concrètes pour passer de la parole aux actes. Sinon, la réconciliation va demeurer un vœu pieux. L'expression « relation de nation à nation » ne voudra plus rien dire, et des crises comme celles-ci vont se reproduire.
    Sur ces paroles positives, je vous remercie.
    Merci, beaucoup. La technologie a très bien fonctionné.

[Traduction]

    Accueillons maintenant le témoin ici présent, la présidente de la Wet'suwet'en Martrilineal Coalition, Mme Theresa Tait Day.
    Soyez la bienvenue.
    Je remercie d'abord les Algonquins de nous avoir autorisés à faire des affaires dans leur territoire. Je remercie aussi le Comité de son invitation.
    Je me nomme Theresa Tait Day. Mon nom héréditaire est Wi'hali'yte. Je suis de la quatrième génération, dans ma famille, à le porter. En ma qualité de sous-chef héréditaire de la Maison près du feu, Kun Beghyukh, du clan de la Petite Grenouille, ou Laksilyu, j'ai participé pendant de nombreuses années à la gouvernance des Wet'suwet'ens. J'ai siégé à la table du bureau des Wet'suwet'ens.
    Je suis redevable de ma formation à mes grands-parents, qui ont travaillé, dans le système politique, pour les droits et le titre de gouvernance. Ils ont été des acteurs des affaires Calder et Delgamuukw-Gisday’wa et participé à la formation de la Fraternité des Indiens de Colombie-Britannique. J'ai été directrice des programmes pour les Autochtones à la Legal Services Society pendant près d'une décennie, et je pense que c'est là que j'ai rencontré John Borrows, il y a longtemps.
    Je suis la cofondatrice de la Wet'suwet'en Matrilineal Coalition, avec cinq chefs héréditaires représentant les cinq clans. Les chefs héréditaires et la communauté en général ont demandé à la coalition de trouver une solution pour faciliter la prise de décisions dans notre nation. Nous nous sommes particulièrement occupées des dossiers du gaz naturel liquéfié et de Coastal GasLink. Notre peuple voulait en tirer un avantage et il aspirait à une décision prise sur une note positive. Mais, depuis, nous subissons la violence et la coercition latérales des cinq chefs qui prétendent représenter la nation.
    Je parle au nom de la coalition, en ma qualité de chef héréditaire de sexe féminin, et au nom de mes compagnes-chefs héréditaires, des membres des bandes, de nos conseils de bandes élus et des membres de mon groupe de maisons en ma qualité de sous-chef nommée et de porte-parole désignée.
    Nos communautés se sont fait connaître du monde entier quand certains de nos chefs héréditaires ont bruyamment diffusé leur opposition au projet de Coastal GasLink, malgré l'appui solide que lui accordent les communautés. Les voix de ces chefs ont été amplifiées par les talents et les ressources de militants écolos de l'extérieur qui prétendent appuyer les Wet'suwet'ens, mais dont l'intérêt premier est d'arrêter le projet de pipeline.
    Les organisateurs des protestations se cachent commodément derrière notre écran de peuple autochtone tout en cherchant à imposer les objectifs de leur stratégie à nos dépens. Ces actions compromettent le mieux-être social de notre nation et l'avenir économique de notre peuple.
    Ils ont présenté les chefs héréditaires qui s'opposent au pipeline comme les défenseurs de la gouvernance traditionnelle, donnant l'impression que le chef et le conseil foulent à leurs pieds les souhaits de la communauté. Ce n'est pas si simple. Les chefs héréditaires de nos communautés ne gouvernent pas seuls. Les décisions se prennent collectivement. Ils se rassemblent dans les salles communautaires. Pendant ces réunions, les gens ont droit de parole. On recherche le consensus. À la fin du processus, les chefs communautaires et les chefs élus des bandes informent les chefs héréditaires du message de la communauté à publier. Le projet en question a été détourné par les cinq chefs.
    Les chefs héréditaires sont des décideurs représentatifs et non des autocrates. La communauté leur dicte ses décisions, et c'est ainsi que nous avançons. Or, ce n'est pas ce qui se passe. La bande et la communauté ont été laissées de côté.
    D'après un sondage réalisé dans Witset, la nation, la communauté la plus nombreuse de notre territoire, plus de 80 % de notre communauté approuve la réalisation du projet de gaz naturel liquéfié. Le discours populaire et celui des chefs héréditaires divergent.
    On vous dit que ces hommes parlent pour notre nation, mais, souvent, ils ne parviennent pas à comprendre même les traditions de base. Le port inconvenant des costumes de chef, pendant les protestations, offense les chefs traditionnels les plus progressistes. Ce comportement révèle un manque de respect fondamental pour nos droits coutumiers. Comment pouvons-nous être gouvernés par ces gens qui ne les comprennent même pas?
    Quant au bureau des Wet'suwet'ens, il est structuré et contrôlé par ses propres bienfaiteurs, qui tirent un salaire des opérations et gèrent les décisions en matière de dépenses. Ils ne rendent pas de comptes à notre communauté.

  (1245)  

    En négociant directement avec ce bureau, le Canada et la Colombie-Britannique légitiment un groupe de brutes et d'agresseurs de femmes.
    De plus, en refusant d'entendre les conseils élus, ces gouvernements ont, frivolement, empêché les voix actuellement les plus crédibles de se faire entendre. Le système reposant sur la Loi sur les Indiens doit être réformé, mais ça n'invalide pas le rôle des conseils élus. Tout en étant imparfaits, ils continuent de parler au nom de notre peuple tant qu'un modèle meilleur ne sera pas mis en oeuvre. Voilà pourquoi je suis ici, pour vous implorer de créer un modèle meilleur de prise de décisions.
    Les voix des femmes ont été tues par la dissidence. En notre qualité de femmes wet'suwet'ens et de chefs de la communauté, nous voulons être entendues et participer à la prise des décisions. Voilà notre façon d'agir. Mais nos voix n'ont pas été entendues. Beaucoup de chefs héréditaires masculins agissent par oppression historique intériorisée. Nous affrontons une domination patriarcale. De façon très malsaine, les voix des privilégiés et des protestataires non autochtones passent avant celles des femmes autochtones. Ces intervenants affirment leur volonté de concert pour éviter l'examen de leurs politiques.
    Dans cette question, le pipeline n'est pas tout. Les événements actuels déterminent notre façon de faire comme nation. Les souhaits d'un peuple n'ont pas été entendus. Je suis d'accord avec John Borrows: Il y a des croyances, mais, dans notre nation, nous sommes opprimées depuis 150 ans et nous continuons de l'être sous le régime actuel.
    À la consultation du 28 février sur le projet d'accord, un certain nombre de chefs héréditaires a assisté à une réunion avant celle des chefs héréditaires masculins avec des ministres de la province et des ministres fédéraux. Nous nous sommes rencontrés jusqu'à ce qu'on promette que les chefs organiseraient une réunion communautaire publique. À la place, ils ont décidé d'organiser de petites réunions claniques, de cinq ou vingt décideurs sur la question. Ça ne ressemble pas à un système démocratique.
    Les deux grands dossiers à résoudre, la position des Wet'suwet'ens dans le dossier Coastal GasLink et le rôle des chefs héréditaires dans notre gouvernance, sont à proprement parler laissés aux soins des Wet'suwet'ens. Nos communautés y travaillent depuis des années, et nous trouverons une solution à notre manière. Notre communauté a besoin de mettre en oeuvre un processus par lequel les Wet'suwet'ens créeront un modèle de prise de décisions, un processus pour les grands projets. Nous avons besoin d'un système qui nous permettra de collaborer ensemble à la réconciliation économique, à la création d'emplois et à la reconstruction de notre nation. Nous avons besoin d'un nouveau modèle.
    La Loi sur les Indiens nous a pris, nous les femmes, comme cibles, comme le fait la violence continue à l'intérieur et à l'extérieur de nos communautés. Tout en appuyant la décolonisation comme élément de réconciliation, les partisans des peuples autochtones doivent également appuyer la lutte contre le sexisme et l'oppression continue des Amérindiennes.
    Nous exigeons respectueusement des chefs héréditaires qui représentent le bureau des Wet'suwet'ens de se responsabiliser et de faire preuve d'équité dans les processus. Nous demandons au gouvernement de nous aider à fournir les ressources nécessaires à notre nation pour tracer de manière concertée une piste qui conduira à une réconciliation économique qui ne laissera personne de côté, qui sera démocratique, transparente et juste, comme vous pouvez le voir dans votre système de gouvernement. Vous avez ce système équitable, pas nous.
    Nous avons une porte de sortie. Nous demandons d'organiser une rencontre pour l'ensemble de la communauté et, aux protestataires, de cesser de projeter une image déformée des Wet'suwet'ens. Nous sommes prêts pour un nouveau système de gouvernance qui ne laissera personne de notre nation de côté.
    Je me rends compte que vous avez entendu beaucoup d'affirmations aujourd'hui. Je suis d'accord avec John Borrows sur les principes, mais ces principes doivent faire partie du dialogue de notre nation, et, dans notre nation, nous n'avons pas vraiment pu dialoguer. Nous n'avons pas de mécanisme en place qui permette à chacun de s'exprimer et de savoir de quoi il est question. Le sujet a été décidé par un groupe, sans le concours de la communauté et sans l'apport de la nation.
    Nous arrivons à la onzième heure, quand, tout d'un coup, la ministre se présente et discute avec les cinq groupes non autorisés par nous pour le faire.

  (1250)  

    Ce sont les communautés qui disent ce qu'il faut faire, et les chefs héréditaires n'agissent pas seuls. Ils reçoivent des instructions de la part des membres. Le problème auquel nous faisons face, en tant que Wet'suwet'en, c'est l'absence d'un mécanisme permettant à chacun d'avoir son mot à dire de manière démocratique, ouverte et équitable.
    À l'heure actuelle, dans le système de réunions de clan, lorsqu'on organise une réunion à laquelle assistent 20 personnes... En ce moment, le clan Likhts'amisyu est sous la direction de Warner Naziel — qui s'est approprié le nom de la propriétaire légitime, Gloria George. Il organise une réunion, et 20 personnes disent: « Oui, allez-y. » Ces petites réunions ne permettent pas de prendre une décision pour notre nation. Je suis donc ici pour parler à la ministre Bennett et aux autres ministres afin d'essayer de créer un mécanisme dans le cadre duquel nous sommes tous informés et invités à participer à chaque décision qui doit être prise relativement à nos communautés. Le titre et les droits sont maintenus au sein de la nation Wet'suwet'en. Ils ne disparaissent pas. Ces ententes ne changeront pas le fait qu'aujourd'hui, les membres de mon clan et de ma maison peuvent aller protester.
     Je crois que la meilleure approche que le gouvernement peut adopter pour l'avenir, c'est de réfléchir à la façon dont ces modèles de gouvernance s'intègrent dans le monde d'aujourd'hui. Nous ne pouvons pas revenir 100 ans en arrière — et, en fait, ces réunions oppriment notre nation. Nous avons l'impression d'être coincés dans les années 1800. Il faut aller de l'avant sur le plan économique. Nous devons tirer profit de nos terres. Nous devons être en mesure d'acquérir des parts dans les projets qui nous sont présentés. Il nous faut en profiter, mais nous n'avons pas de mécanisme au sein de notre communauté pour régler ce problème particulier. Oui, nous devons nous occuper de la question concernant le titre et les droits, mais encore faut-il un mécanisme pour prendre, aujourd'hui, des décisions sur les projets à venir.
    Merci beaucoup, madame Tait Day, et merci à tous nos autres invités.
    Nous allons passer à M. Zimmer pour une série de questions de six minutes.
    Vous avez la parole.
    Oui, chef, nous sommes plus qu'honorés de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Il y a longtemps que nous nous sommes rencontrés, et nous voici de nouveau réunis.
     Je voudrais simplement obtenir une précision. Vous avez parlé du nombre de... Je crois que nous n'avons pas, à Ottawa, une bonne connaissance de la communauté Wet'suwet'en, ni des projets qu'elle appuie ou n'appuie pas.
    De votre point de vue, encore une fois, quel est le pourcentage de personnes qui sont en faveur du projet Coastal GasLink au sein même de la communauté Wet'suwet'en?

  (1255)  

    Eh bien, nous avons six groupes, et il y a deux systèmes en place: celui des conseils de bande élus et celui des chefs héréditaires. Les bandes ont fait leur travail avec toute la diligence nécessaire. Beaucoup d'entre elles ont approuvé le projet Coastal GasLink. Elles ont demandé l'avis de leurs communautés, et ces dernières se penchent sur la question. Ensuite, nous avons les chefs héréditaires qui s'occupent du titre et des droits. Nous sommes d'accord là-dessus. Il faut régler la question du titre et des droits. Nous devons tirer profit de nos terres pour réparer les torts du passé et nous devons avancer ensemble, comme nation, comme Canadiens, comme peuple Wet'suwet'en, mais nous devons mettre en place un mécanisme pour y arriver.
    Quel est, selon vous, le pourcentage approximatif au sein de la communauté?
    Je dirais que c'est environ 80 % de notre peuple, selon une enquête réalisée auprès de la plus grande communauté, celle de Witset. Le reste des six communautés ont conclu des ententes. À vrai dire, toutes les communautés ont des ententes avec Coastal GasLink. Nous avons donc l'impression d'avoir été pris en otage par les manifestants, qui ont leurs propres motivations. Cela ne s'est pas fait à l'instigation des chefs héréditaires, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure. Les manifestants poursuivent leurs propres desseins, et ils ont utilisé notre peuple pour faire avancer leur cause et, bien franchement, selon moi, pour enclaver le gaz et le pétrole dans ce pays.
    Chef, j'ai une autre question à vous poser.
    Nous avons entendu la ministre. Comme vous étiez dans la salle, vous avez entendu certaines des observations, ainsi que certaines des questions que je lui ai posées. Honnêtement, je me suis entretenu avec des chefs élus et des chefs héréditaires. Je crois que nous en sommes à débattre de la question de savoir si ce que la ministre a dit ou n'a pas dit est correct. Au bout du compte, nous voulons entendre la communauté nous dire ce qu'elle souhaite pour l'avenir. Tel est l'objectif, selon moi, et si la ministre se rend là-bas pour être une voix unificatrice pour la communauté Wet'suwet'en, je trouve qu'il y a un problème quand j'apprends que certains membres... Je ne sais pas si vous étiez là, chef. Quand ces réunions ont eu lieu, avez-vous été tenue à l'écart?
     Oui. En fait, un petit nombre de nos chefs héréditaires ont rencontré les chefs masculins le matin du 28 février, et nous leur avons demandé quelle était leur intention. Ils n'ont pas voulu nous le dire. Au lieu de cela, ils nous ont servi la même rengaine en disant, par exemple, que cela fait 100 ans qu'ils sont ici et qu'ils prennent telle ou telle mesure.
    Nous n'avons donc pas obtenu de réponses, mais comme nous ne voulions pas mettre la nation dans l'embarras, nous avons convenu de les laisser rencontrer la ministre Bennett, à condition qu'ils organisent une réunion publique ouverte avec la nation pour parler de leurs intentions, et cela ne s'est jamais fait. À la place, ils ont organisé des réunions de clan pour contrôler l'information.
    Certes, nous tenons des réunions de clan, mais cela ne devrait pas s'arrêter là, car notre nation ne se limite pas à une petite communauté ici et là. Notre nation se trouve partout, à Ottawa, à Vancouver et dans toutes les régions du pays, et chacun de ses membres a une voix et son mot à dire sur son avenir, ce qui n'a pas été le cas. Nous n'en avons pas eu la capacité.
    Avez-vous vu le document qui a été préparé apparemment — encore une fois — par la communauté Wet'suwet'en?
    Non, je n'en ai pas eu connaissance.
     C'était l'entente entre la ministre et les Wet'suwet'en. Avez-vous vu le document?
    Non, je ne l'ai pas vu. J'ai demandé à le consulter, et je me suis fait dire que je dois aller à une réunion de clan. Eh bien, je suis trop occupée. Je n'ai pas le temps d'assister à une réunion de clan. J'ai répondu que je sais lire et écrire, alors je peux consulter le document par moi-même et, pourtant, je n'y ai toujours pas eu accès.
    Alors, je n'en sais rien. Quant aux membres qui sont allés aux réunions de comité, je me suis renseignée sur le résultat de cette rencontre. Je ne comprends pas vraiment. Ce sont les chefs héréditaires qui prennent la parole, et je ne comprends vraiment pas ce qui a été décidé. Il faut donc un processus pour permettre aux gens de comprendre ce qui est dit, et il faut qu'il y ait un dialogue. On ne peut pas tenir une réunion où les gens ne comprennent pas ce qui est dit ou fait. Bref, non, je n'ai pas consulté le document.
    J'ai vu que vous avez demandé directement à la ministre d'organiser une réunion avec l'ensemble de la communauté. J'espère qu'elle accédera à votre demande, puisque vous êtes vous-même une chef des Wet'suwet'en et que vous contribuez depuis longtemps à l'édification de la communauté. J'espère que la ministre vous écoutera et qu'elle organisera une réunion collective avec tous les membres de la communauté Wet'suwet'en, afin que vous puissiez résoudre les problèmes. Encore une fois, nous voulons ce qu'il y a de mieux pour vous, madame Tait-Day.

  (1300)  

    J'espère pouvoir rencontrer la ministre afin de lui expliquer que cette situation a vraiment divisé notre nation parce que les chefs de bande ont été tenus à l'écart. Il en va de même pour le reste des communautés. Nous ne pouvons pas laisser un groupe de cinq personnes nous dicter la voie à suivre. Nous sommes d'accord pour que le titre et les droits servent de principe et de moyen d'aller de l'avant, mais mettons cela en pratique pour le travail à faire. Nous n'avons toujours pas de mécanisme qui fait participer tous les membres de notre nation, et c'est bien ce qui me préoccupe.
    Mon mari est Tahltan, et son peuple a mis en place un mécanisme qui permet à chacun d'avoir son mot à dire sur un projet. Nous parlons ici d'un projet économique. Nous devons prendre des décisions déterminantes, et il nous faut un processus pour y arriver.
     Je vous remercie. Nous sommes juste dans les temps.
    Passons à notre prochain intervenant, M. Jaime Battiste.
    Bonjour, monsieur Borrows. Je suis content de vous voir, même sous cet angle. J'ai beaucoup aimé les livres et les articles que vous avez publiés au fil des ans, et je trouve qu'ils ont été très instructifs pendant mes études de droit.
    Je vais vous poser une question à laquelle vous pourriez, j'en suis sûr, consacrer un semestre entier de cours, mais je vais tout de même vous demander d'y répondre en cinq minutes et, ensuite, si vous souhaitez faire parvenir des observations supplémentaires par écrit à notre comité, j'en serai très heureux.
    Au cœur de cette affaire se trouve la décision Delgamuukw, rendue en 1997, et j'aimerais vraiment que vous nous en expliquiez brièvement l'objet, mais étant donné que, pendant 23 ans, nos tribunaux et nos négociations n'ont pas été en mesure de résoudre les problèmes, avez-vous des recommandations à faire sur la façon dont le gouvernement peut créer un mécanisme destiné à assurer la mise en application des droits inhérents et issus de traités, le tout de façon juste et équitable?
    Merci, monsieur Battiste. Je suis, moi aussi, content de vous revoir. C'est une excellente question.
    Dans l'arrêt Delgamuukw, la Cour a statué que le titre d'un groupe national serait reconnu. Le contenu de ce titre serait semblable au fief simple. L'affaire de la nation Tsilhqot'in a montré que la Première Nation exercerait un droit bénéficiaire sur les terres. Ces activités engloberaient non seulement les activités traditionnelles, mais aussi les droits relatifs à la surface et au sous-sol.
    La Cour a également fait valoir que le titre avait une limite intrinsèque, à savoir l'interdiction de détruire ces terres ou de les utiliser de telle sorte que les générations futures ne puissent pas en bénéficier. La décision rendue dans l'affaire Delgamuukw a préparé la voie à celle de la nation Tsilhqot'in, car elle a reconnu l'intérêt général que possède un groupe national, comme je viens de l'expliquer.
    En ce qui a trait aux mécanismes de reconnaissance, nous n'avons pas besoin de revenir en arrière de 23 ans seulement; nous pouvons remonter à il y a 250 ans. La Proclamation royale de 1763 disait que les terres seraient réservées aux Indiens jusqu'à ce qu'il y ait un accord public pour le transfert ou le partage de ces terres avec ceux qui viendraient vivre parmi eux. Nous avons donc un long préavis non seulement de 23 ans, mais bien de 250 ans, pour confirmer que les terres restent la propriété des peuples autochtones jusqu'à ce qu'il y ait un accord qui dise le contraire. Or, ce n'est pas ce qui s'est produit sur le territoire.
    Il s'agit donc d'encourager les Wet'suwet'en à mettre en place des mécanismes de règlement des différends internes, comme le disait Mme Tait-Day, afin de garantir que les membres de cette nation puissent, en vertu de leurs propres lois, prendre des décisions sur la façon dont ces terres peuvent être utilisées, occupées et gérées de manière responsable.
    L'idée d'invoquer les lois autochtones à de telles fins a été reconnue par les tribunaux dans l'affaire Van der Peet. Ils ont statué qu'« une conception moralement et politiquement défendable des droits autochtones intégrera les deux points de vue juridiques », c'est-à-dire le point de vue de la common law, de la Constitution, d'une part, et celui des peuples autochtones, d'autre part.
    Pour créer ces mécanismes de règlement des différends intersociétaux, mécanismes qui miseront sur les lois internes des Wet'suwet'en, vous pouvez vous inspirer de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui donnerait l'occasion d'établir, par voie législative, des accords — comme le reconnaît la loi de la Colombie-Britannique elle-même — afin de faciliter la mise en œuvre de ces droits.
    La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un vecteur de développement économique. Parfois, les gens pensent à tort qu'il s'agit de bloquer tout développement. Il faut plutôt essayer de comprendre, dans un esprit démocratique, ce que signifie un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Ce n'est pas un veto, mais c'est le droit de dire non. Si la communauté dit non, il faut alors mettre en place un autre processus pour garantir que l'honneur de la Couronne soit respecté, advenant l'absence d'un tel consentement.
    La possibilité d'utiliser les lois propres aux peuples autochtones pour éclairer les mécanismes de règlement des différends intersociétaux signifie que les peuples autochtones ont le droit d'être libres, c'est-à-dire d'être différents des autres Canadiens au sein de leurs nations, conformément à leurs lois. Ils ont également le droit d'être différents les uns des autres à l'intérieur de leurs nations, car la fonction de toute loi au sein d'une nation, c'est de vous permettre d'exprimer votre désaccord de façon constructive. C'est justement ce que demande Mme Tait-Day: la possibilité d'être en désaccord de manière constructive dans un contexte de collaboration.
    Pour terminer, je vous renvoie à la constitution de la nation Wiikwemkoong. On y trouve des principes de justice naturelle, qui sont définis comme suit:
une personne a le droit de connaître les allégations portées contre elle, [le droit] de se défendre et l'assurance qu'une décision équitable sera prise en tenant compte de tous les éléments de preuve pertinents présentés à l'avocat du ministère de la Justice;
les limites raisonnables n'excèdent pas la limite prescrite par la loi et ne sont pas excessives;
il y a conflit d'intérêts lorsqu'une organisation doit gérer de multiples intérêts, dont l'un pourrait éventuellement corrompre la motivation à agir sur les autres.
    Là où je veux en venir, en m'appuyant sur les sept principes des aïeuls ou les dispositions constitutionnelles relatives aux conflits d'intérêts, aux limites raisonnables ou aux principes de justice naturelle, c'est que les Premières Nations peuvent être encouragées à prendre des décisions en toute clarté.

  (1305)  

    Il y aura des différences, tout comme il y a des différences entre le Québec et l'Alberta, et tout comme le gouvernement fédéral pourrait avoir une opinion différente sur ce qui se passe dans les territoires. On peut bâtir des confédérations au sein desquelles on peut obtenir des réponses à ces questions que suscitent les différences, mais il faut mettre en place les procédures et les principes appropriés, et les lois autochtones ne font pas exception.
    Votre temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Madame Bérubé, vous avez la parole.
    Monsieur Cardinal, en premier lieu, je veux vous remercier de votre intervention.
    Évidemment, on ne peut pas changer le passé, mais on peut écrire l'avenir. Il ne faut pas « gaspiller » cette crise, c'est-à-dire qu'il nous faut comprendre les erreurs du passé afin de ne pas les répéter dans l'avenir.
    Monsieur Cardinal, selon vous, comment pouvons-nous éviter de « gaspiller » la crise? Qu'est-ce qui est à l'origine de celle-ci? Qu'est-ce qui aurait pu être fait pour l'éviter?
    Effectivement, il faut tirer des leçons de cette crise pour éviter qu'elle ne se reproduise.
    Comme je le disais tantôt, si l'on ne règle pas les problèmes fondamentaux liés aux droits territoriaux et à la gouvernance des Premières Nations et des nations, une autre crise comme celle-ci peut se reproduire, bien qu'elle pourrait prendre d'autres formes. La situation que vit la nation des Wet'suwet'en existe dans plusieurs autres nations et dans plusieurs régions du pays.
    Il faut revoir absolument la façon dont on négocie les ententes pour la reconnaissance des droits territoriaux. Cela n'a pas de sens que des territoires ancestraux non cédés fassent l'objet de négociations territoriales depuis 40 ans sans qu'on aboutisse à une entente. L'entente sur la reconnaissance des droits territoriaux viendrait aussi régler la question de la gouvernance politique interne.
    On peut prendre l'exemple des Cris de la Baie-James, qui ont conclu un traité moderne en 1975.Leur système politique et leur gouvernance tiennent compte des ordres normatifs traditionnels qu'avaient les Cris. On pense, par exemple, aux maîtres de trappe, soit les talimans, et aux conseils pouvant différer des conseils de bande.
    C'est pourquoi, depuis plusieurs années, le territoire des Cris de la Baie-James se développe en partenariat et en cogestion avec les gouvernements du Québec et du Canada, et avec les entreprises. C'est un territoire où il n'y a pas d'incertitude juridique — en tout cas, il y en a beaucoup moins — et où il est beaucoup plus facile de réaliser des projets tout en respectant les droits de la nation crie, dans ce cas-ci.

  (1310)  

    Monsieur Cardinal, que pensez-vous de la politique sur les revendications territoriales globales du gouvernement fédéral?
    Comme je le disais tantôt, c'est une politique désuète. De toute façon, tout le monde le reconnait. La politique actuelle date de 1987, si je ne me trompe pas. Elle est inefficace et elle ne permet pas d'atteindre les objectifs. Essentiellement, c'est en raison du fait que le gouvernement fédéral est à la fois juge et partie, mais aussi du fait que les objectifs ne sont pas les mêmes.
    Du côté du gouvernement, l'objectif est d'avoir une certitude juridique, de simplifier les droits sur les territoires et de figer les ententes dans le temps. Pour les Premières Nations, c'est une reconnaissance de leurs droits. Elles ne veulent plus l'extinction de leurs droits, mais plutôt une reconnaissance. Elles voient des traités comme quelque chose d'évolutif qui peut changer dans le temps. Déjà, au départ, les objectifs ne sont pas les mêmes et ils sont parfois contradictoires.
    C'est un processus qui, en fait, rend la négociation très difficile, surtout lorsque les enjeux sont complexes et que l'on se trouve en territoire urbanisé. La plupart des traités modernes sont signés dans des territoires nordiques, où il y a moins d'urbanisation. Les négociations sont alors un peu plus faciles. Cependant, dans des territoires plus urbanisés, c'est beaucoup plus difficile, parce que la politique énonce qu'il faut tenir compte des droits des tiers, évidemment.
    Le système actuel fait en sorte que cela ne peut pas fonctionner. Les fonctionnaires qui gèrent les programmes et les politiques procèdent en fonction de directives et de procédures administratives, tandis que la négociation d'un traité est un processus politique. Il faut avoir une discussion politique, mais qu'elle se fasse sur une base égalitaire et pas dans un rapport de force qui avantage une partie plutôt que l'autre.
    C'est pourquoi il faut un mécanisme indépendant. Cela pourrait être à la fois un processus indépendant politique et un processus indépendant juridique, comme celui d'un tribunal. On pense au Tribunal des revendications particulières, mais il pourrait y avoir un tribunal de la reconnaissance des droits ancestraux, un peu à l'image du tribunal de Waitangi, en Nouvelle-Zélande, par exemple.
     Compte tenu des revendications territoriales des Premières Nations du Québec, croyez-vous que des crises semblables à ce qui s'est passé en Colombie-Britannique pourraient survenir chez nous?
    Il est fort possible que ce genre de crise se reproduise, absolument.
    Comme je le disais, il y a de vastes territoires encore non cédés par différentes nations. Seulement au Québec, la majorité des Premières Nations n'ont pas conclu de traité avec la Couronne, de sorte qu'elles sont toujours en cours de revendications territoriales. Sur ces territoires, il y a des projets qui peuvent être contestés. S'il n'y a pas de reconnaissance de titre, il est difficile pour les Premières Nations de faire valoir leurs intérêts et de faire reconnaître leurs droits sur le territoire. La façon pour eux de protéger leurs droits et leur territoire est soit d'aller devant les tribunaux, soit de faire opposition au projet sur le terrain.
    Si l'on ne crée pas un cadre qui favorise le règlement des différends et la reconnaissance des droits, je crains qu'effectivement, ce genre de crise ne se reproduise.
    Si l'on avait enlevé de force les barricades élevées sur les chemins de fer, comme certains le suggéraient, quelles auraient été les répercussions de la violence, selon vous?
    Brièvement, s'il vous plaît, monsieur Cardinal.
    Brièvement, ce ne serait pas une bonne idée de faire intervenir la police ou de recourir à la force sur des territoires autochtones. Ce ne serait pas la solution ni la façon de régler les conflits, car cela engendrerait d'autres conflits et plus d'animosité. Deplus, cela créerait des conflits entre les Canadiens non autochtones et les Autochtones, ce qui cristalliserait la radicalisation chez certains ainsi que les préjugés entretenus par de nombreux Canadiens à l'égard des Autochtones. Le recours à la force est donc à éviter autant que possible.

  (1315)  

    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer au Nouveau Parti démocratique. Madame Gazan, vous disposez de six minutes.
    Je vais partager mon temps de parole avec Mme Ashton.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Tait-Day. Je vous remercie pour votre présence aujourd'hui. J'aimerais d'abord dire, qu'en tant que femme autochtone, je suis moi aussi préoccupée par le fait que nos voix sont souvent étouffées. Il est temps que nos voix se fassent entendre. Je tenais à souligner cela.
    Je sais que vous avez mentionné que la relation actuelle avec les chefs héréditaires a connu des difficultés qui sont le reflet du patriarcat, mais, comme vous le savez, la structure de la Loi sur les Indiens est également le reflet de la domination du patriarcat. Elle contient encore des politiques qui bafouent les droits de la personne des femmes autochtones.
    Ma question est la suivante: Compte tenu de ce que vous avez mentionné, croyez-vous que la solution est d'éliminer la Loi sur les Indiens pour la remplacer par les droits de la personne énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? Ces droits incluent le droit à l'autodétermination en ce qui concerne notre développement économique, social et culturel.
    Tout à fait. Je suis d'accord avec cela. Il faut se rappeler que nous vivons de l'oppression depuis 150 ans. Il s'écoulera beaucoup de temps avant que nous ayons la capacité et la confiance nécessaires pour nous défaire de cette oppression. Nous ne l'avons pas encore. Nous sommes opprimés par ces hommes qui veulent prendre des décisions pour l'ensemble de la nation et exclure les femmes du dialogue. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ils ont changé leur façon de faire. Ils ont intimidé nos femmes. Ils ont pris le nom de trois de nos femmes. Ils ont dit qu'ils avaient pris mon nom, mais ce n'est pas vrai; je suis une chef héréditaire. Les noms sont transmis au sein de la famille. On ne peut pas prendre le nom de quelqu'un d'autre et se dire un chef héréditaire. Ce n'est pas possible.
    Le problème, c'est que… Nous devons suivre l'exemple des Cris, qui ont mis en place un système de gouvernance. Nous avons besoin d'un système de gouvernance inclusif.
    Je suis d'accord. Je mentionnerais également que ce système, ce cadre, se trouve dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Oui, en effet.
    Je dis cela parce que je trouve que notre pays a une histoire d'ingérence coloniale qui cause des conflits au sein des collectivités. Pensez-vous que le gouvernement devrait cesser d'intervenir dans le processus et laisser les Wet'suwet'en prendre leurs propres décisions?
    Je dis cela parce que je me demande si cette motion à propos des chefs héréditaires aurait été présentée si c'étaient eux qui avaient appuyé le projet de GNL plutôt que les chefs relevant de la Loi sur les Indiens. J'observe ce conflit. C'est troublant. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
    Je crois que nos collectivités et notre nation doivent travailler à l'élaboration d'un modèle de gouvernance. C'est vrai, mais nous avons toujours été opprimés. Je crois que nous devons régler ce problème avant que nous puissions prendre une décision à propos de la façon dont nous allons gérer nos affaires. Nous ne pouvons pas laisser ces hommes nous imposer la voie à suivre. Nous sommes d'accord au sujet des droits et des titres autochtones, mais il faut un processus.
    Je suis tout à fait d'accord. Je dirais qu'il faut retirer de la Loi sur les Indiens les violations patriarcales des droits de la personne à l'endroit des femmes autochtones.
    Je vais céder la parole à ma collègue, Niki Ashton.
    Je remercie tous les témoins.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Borrows. Beaucoup d'entre nous se sont dit que nous vivons un moment dans l'histoire qui témoigne de la façon dont le gouvernement fédéral a dénigré les questions relatives aux terres et aux titres. La situation met également en lumière le fait que la question concernant de nombreux droits ayant trait aux terres et aux titres n'est toujours pas réglée.
    Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure il est important que le gouvernement fasse bien les choses, non seulement dans ce cas-ci, mais aussi en ce qui concerne l'ensemble des Premières Nations au pays.
    Je sais que vous avez parlé de l'importance de la Déclaration des Nations unies — et je suis très fière de faire partie d'un parti politique qui s'est fait le champion de cette déclaration — et de l'importance de ne pas diluer le cadre que comporte la Déclaration des Nations unies, y compris le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause et la reconnaissance des droits sur les terres et les titres. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure il est important que nous fassions bien les choses et que nous avancions?

  (1320)  

    Vous avez environ une minute. Merci.
    Il s'agit d'un moment sans précédent. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comporte les principes et les processus qui nous permettent de bien faire les choses. La reconnaissance des nations peut se faire par l'intermédiaire de la Déclaration d'une façon qui permettrait aux collectivités de régler le problème local et souvent répandu du sexisme et de la violence latérale. Cela inciterait les collectivités à prendre les mesures nécessaires au fil du temps pour qu'elles ne soient plus assujetties à la Loi sur les Indiens. Cela ne menace pas le développement économique. En fait, il existera des façons plus simples de s'adresser aux collectivités si, plutôt que de consulter 634 bandes, elles consolident leurs liens. Il y aurait davantage de clarté.
    Il s'avère que les droits et les titres ne sont pas les seuls éléments qui peuvent nous permettre d'avancer. Nous avons besoin que la loi oblige le gouvernement à respecter les principes. Selon moi, la Déclaration est une des voies à suivre.
    Hier, j'ai lu une lettre d'opinion dans le Globe and Mail, rédigée par Brian Pallister, qui laisse entendre que la Déclaration pourrait nuire au développement économique. Je crois que la situation actuelle est attribuable au fait que la loi en vigueur ne fonctionne pas. Mettre en œuvre cet instrument en matière de droits de la personne constituerait la voie à suivre. J'essaie d'expliquer que, lorsque des peuples autochtones mettent en œuvre leurs propres lois, comme à Wiikwemkoong, ils respectent des principes et des processus qui sont respectueux, humbles, sincères, courageux, aimants, honnêtes et sages. J'aime bien voir des exemples d'un océan à l'autre de peuples autochtones qui peuvent mettre en œuvre leurs propres lois.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je remercie nos excellents témoins d'aujourd'hui. Vos propos ont été très révélateurs et utiles.
    Nous devons revenir aux travaux du Comité. Nous avons dépassé le temps prévu, et certaines personnes doivent se rendre ailleurs. Nous remercions nos témoins pour leur présence aujourd'hui. Nous allons passer dans quelques instants aux travaux du Comité.
    Merci.

  (1320)  


  (1325)  

    Comme convenu, passons aux travaux du Comité.
    L'adoption du deuxième rapport nous amène à discuter des travaux futurs du Comité.
    Monsieur Anandasangaree, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je crois que la discussion d'aujourd'hui a été très éclairante. Je propose que nous mettions de côté cette discussion pour passer à l'étude que nous avions convenu d'entreprendre sur la nutrition dans le Nord. Je sais que les analystes ont établi des groupes de témoins, alors il serait bien de faire un suivi là-dessus et de continuer ce travail.
    D'accord. Y a-t-il des commentaires?
    Monsieur Zimmer, la parole est à vous.
    En tout respect, je dois dire que nous venons tout juste de commencer à voir la pointe de l'iceberg avec la chef qui a comparu ce matin. Il n'y a eu qu'une seule série de questions, et je n'ai pas pu obtenir un temps de parole. J'ai déjà été président d'un comité.
    Je pense que nous devons entendre davantage de témoins pour que nous puissions avoir une discussion approfondie, étant donné que c'est l'un des principaux sujets d'actualité, outre l'effondrement des marchés et tout le reste. Les gens veulent savoir ce qui est fait pour régler la situation.
    Je propose… Nous avons parlé de tenir six réunions, mais il n'y en a eu qu'une seule. Je crois que nous devons en tenir d'autres. Je sais toutefois que nous ne disposons pas de beaucoup de temps.

  (1330)  

    Si je puis me permettre, nous avons élaboré un plan pour la sécurité alimentaire. C'est sans doute l'élément le plus important pour les gens vivant dans des endroits éloignés compte tenu de la situation actuelle causée par le coronavirus, les modifications des vols, etc. La meilleure chose que nous pourrions faire pour les personnes qui nous préoccupent serait d'entreprendre l'étude sur la sécurité alimentaire, car d'autres situations surviendront dans l'autre dossier. Je crois que c'est une discussion très utile — je suis bien heureux d'avoir entendu ces témoins — mais si vous me posez la question, je vous répondrai que j'aimerais qu'on entreprenne… J'ai déjà été maire d'une municipalité, et je peux vous dire que nous agissions plus rapidement. Je pense que nous pouvons faire quelque chose de plus rapide que de régler la crise dont nous avons discuté aujourd'hui. C'est mon opinion.
    Est-ce que quelqu'un d'autre a quelque chose à dire?
    Oui, madame Damoff.
    J'ai un bref commentaire à faire. Je crois que vous parlez de suspendre l'étude sur la crise autochtone. Est-ce exact? Est-ce que…? Cela permettrait aux Wet'suwet'en d'avoir le temps voulu pour continuer ce qu'ils font, et, lorsque la crise sera résolue, nous pourrions revenir à cette étude. Nous pourrions donc entreprendre l'étude sur la nutrition dans le Nord.
    On a proposé de passer à l'étude sur la nutrition dans le Nord et de suspendre l'étude sur la crise autochtone.
    Qui souhaite prendre la parole?
    Monsieur Schmale, allez-y.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec M. Zimmer. Je comprends aussi ce qu'a fait valoir Mme Damoff, c'est-à-dire que la conversation doit avoir lieu à l'interne.
    Cela étant dit, nous sommes censés être dans nos circonscriptions la semaine prochaine. Nous recevons les ministres jeudi. Cela veut dire qu'il s'écoulerait presque deux semaines avant notre prochaine réunion, qui aurait lieu aux alentours du 20 mars.
    Le 24 mars.
    Pour revenir à ce qu'a fait valoir Mme Damoff, cela nous donne deux semaines. Je conviens avec M. Zimmer que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour poser des questions. Malheureusement, il n'y a eu qu'un seul tour. Je sais que c'était une réunion chargée et que ce n'est la faute de personne. Je crois que nous avons eu une bonne discussion, et je pense que nous devons continuer la conversation.
    Cela étant dit, je crois que la parole est maintenant à nos collègues du Bloc québécois et du NPD. J'aimerais entendre leur point de vue.
    J'ai une liste d'intervenants, mais allez-y, madame Gazan. La parole sera ensuite à M. Anandasangaree.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voulais dire que je suis d'accord pour qu'on suspende l'étude pour deux raisons. Premièrement, je crois que même le titre de l'étude sème la discorde. Je pense que même la façon dont les témoins sont invités à comparaître est contre-productive et sème la discorde au sujet de l'appui — je sais que bien des gens parlent des droits — du droit des Wet'suwet'en de prendre des décisions, leurs propres décisions. Je crois qu'il est essentiel de suspendre cette étude. Je pense que nous en avons assez entendu; j'en ai certes suffisamment entendu aujourd'hui.
    Monsieur Anandasangaree, la parole est à vous.
    Je crois que lorsque cette étude a été proposée au départ, c'était en réaction à ce qui se passe, afin de faire le point, d'abord et avant tout, avec les ministres concernés et avec certains experts. Ils ont tous très bien témoigné aujourd'hui.
    Nous pouvons décortiquer de nombreux éléments. Je crois que ce qui s'est passé au cours des quatre à six dernières semaines figurera dans les livres d'histoire. Continuer cette discussion en comité engendre un problème en ce sens que cela nous empêche de faire le travail que nous avons à accomplir. Les questions qui sont soulevées peuvent être abordées peut-être par le comité de la justice ou le comité de la sécurité publique ou bien d'autres comités. Je pense qu'aujourd'hui notre comité a très bien réussi à accomplir ce qu'il devait faire. La prochaine étape pour nous… Je ne propose pas qu'on mette un terme à l'étude, mais que nous la mettions en veilleuse pendant un certain temps, jusqu'à ce que les choses se soient calmées. Nous pouvons tout à fait débattre des questions que le Comité devrait étudier. Est-ce la question des chefs héréditaires ou bien l'ensemble de la structure des différents éléments du leadership, que nous devons respecter?
    Nous pourrions aborder d'autres questions plus tard, mais, pour l'instant, je crois que la discussion que nous avons eue a atteint son but. Passons aux études que je considère comme très importantes et que nous avons convenu d'entreprendre. C'est là où nous en sommes rendus.

  (1335)  

    Madame Bérubé, allez-y.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous, monsieur Anandasangaree. Nous avons entendu des témoins. Leurs propos se rejoignaient parfois un peu, mais ce n'était pas toujours le cas. Nous allons faire une pause dans ce dossier, et, au besoin, nous en reparlerons au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

[Traduction]

    Pouvons-nous nous entendre? Il semble que nous pouvons passer à notre prochaine étude, malgré l'importance de ce que nous avons discuté antérieurement.
    Je propose que nous commencions notre étude sur la sécurité alimentaire lors de notre prochaine réunion, le 24 mars.
    Devons-nous procéder à un vote pour suspendre l'étude actuelle, ou est-ce une décision de la présidence? Si nous n'avons pas à voter, j'aimerais présenter rapidement une motion concernant l'étude sur la sécurité alimentaire. Je ne sais pas si nous devons régler la question de l'étude en cours avant de passer à la prochaine étude.
    Je pourrais, monsieur le président, présenter une motion visant à demander que l'étude que nous avons commencée aujourd'hui soit suspendue jusqu'à ce que nous décidions d'y revenir.
    D'accord. Nous sommes saisis de cette motion.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous allons suspendre l'étude actuelle et passer à la prochaine étude.
    Monsieur Schmale, vous avez donc une motion à présenter.
    Oui. Je suis désolé, monsieur le président, je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'aimerais présenter une motion visant à demander que toutes les listes de témoins soient présentées au Comité, non seulement la liste préparée par la Bibliothèque. Je crois que nous avons besoin de précisions et de plus d'informations en ce qui a trait aux témoins qui ont été choisis et à ceux qui n'ont pas été choisis. Je propose que les listes de tous les témoins suggérés par les partis soient déposées auprès du Comité.
    Puis-je demander une précision? Je crois savoir que nous n'avons pas encore terminé la liste des témoins, n'est-ce pas?
    Je croyais qu'elle était terminée.
    Elle figure dans le rapport.
    Elle figure dans le rapport. Ai-je tort, ou...?
    Nous ne l'avons pas encore terminée.
    Ce que j'ai compris, c'est qu'il s'agit d'une liste de témoins proposés qui peut être complétée par le Comité.
    Je pensais qu'elle avait été approuvée, mais ce n'est pas le cas. Ce qui me préoccupait, c'est que la liste proposée ne comportait que deux de nos témoins, mais les autres partis n'ont pas encore terminé leurs listes.
    Nous devrions peut-être écouter l'analyste à ce sujet.
    Pour chaque étude, la Bibliothèque prépare une liste de témoins proposés, que les membres du Comité peuvent utiliser au moment de dresser leurs propres listes. Les choses se sont déroulées un peu à l'envers, en ce sens que les membres ont présenté leurs listes de témoins avant que la Bibliothèque diffuse sa liste. La liste n'est pas terminée; elle est simplement soumise à votre examen.
    Avant que nous puissions inclure les témoins dans un plan de travail, nous devons savoir si le Comité souhaite tenir 6, 8 ou 10 réunions.
    Les comités ne procèdent pas tous de la même façon pour inclure les témoins dans le plan de travail. Pour certains comités, c'est strictement proportionnel, selon les partis. Dans un tel cas, nous examinerions la liste de chaque parti et nous inclurions les témoins dans le plan de travail.
    D'après ce que nous savons, rien n'est encore final. La liste que vous avez reçue de la Bibliothèque du Parlement est simplement une liste de témoins que le Comité peut examiner aux fins de son étude.
    Monsieur le président, si mes collègues sont d'accord, je propose qu'on répartisse les témoins de façon proportionnelle. Cela guidera les analystes. Si vous pouviez préparer un plan de travail pour le Comité qui inclut le budget, que nous pourrions approuver lors de la prochaine réunion, cela nous permettra d'avoir deux ou trois options en ce qui concerne le nombre de témoins.
    Madame la greffière, y a-t-il un délai pour la présentation...

  (1340)  

    J'invoque le Règlement.
    Nous avons largement dépassé le temps. Si nous voulons discuter, nous devons être brefs.
    Nous avons la période des questions dans 15 minutes.
    Je propose que nous demandions aux analystes de nous présenter le plan de travail à la prochaine réunion. Nous pourrons à ce moment-là mettre la dernière main à la liste des témoins.
    D'accord.
    Comme la liste des témoins n'est pas terminée, nous aurons l'occasion de l'examiner.
    Alors, nous allons de l'avant avec l'étude sur la sécurité alimentaire et nous suspendons l'autre étude?
    Des députés: D'accord.
    Le président: D'accord.
    Je vais donner le coup de marteau.
    La séance est levée.
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