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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 février 2020

[Enregistrement électronique]

  (0805)  

[Traduction]

    Aujourd'hui, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie se réunit pour étudier les articles 22 à 38 et 108 à 122 du projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis d'Amérique et les États-Unis mexicains.
    Nous accueillons ce matin M. Lawrence Herman, qui témoignera par vidéoconférence à partir de Toronto. Nous recevons également M. Matthew Poirier, de Manufacturiers et exportateurs du Canada; M. David Cassidy, d'Unifor section locale 444; et Jonathon Azzopardi, de la Canadian Association of Mold Makers
    Puisque vous êtes nombreux, nous vous demandons tous de limiter votre exposé à environ cinq minutes. À la fin des déclarations, nous passerons à une ronde de questions.
    Nous allons commencer par M. Herman, qui est avec nous par vidéoconférence. Au cas où nous aurions un problème technique, nous voulons nous assurer que son témoignage figure au compte rendu.
     Monsieur Herman, vous pouvez sans plus tarder commencer votre exposé.
    Je suis heureux de pouvoir vous présenter mon point de vue. Je tiens à préciser que je ne représente ni un parti ni un groupe d'intérêt particulier. On m'a demandé de comparaître à titre personnel.
    J'aimerais vous donner un aperçu de mon parcours. Je suis un avocat spécialisé en droit commercial, mais j'ai travaillé dans l'ancien ministère des Affaires extérieures. Je m'occupais des questions sur le commerce international dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, ainsi que dans les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis pendant de nombreuses années. J'ai affaire aux questions de politique commerciale régulièrement, voire au quotidien.
    Je serai très bref. Le projet de loi vise à mettre en œuvre un accord qui a déjà été conclu, signé et ratifié par deux parties, à savoir les États-Unis et le Mexique. Il incombe maintenant au Canada de le ratifier. L'entente est déjà conclue. Il n'est pas possible de la renégocier. Il est totalement irréaliste de penser que le Congrès des États-Unis soit disposé à changer quoi que ce soit à un accord qu'il a approuvé et que le président a ratifié.
    Je pense que le Comité comprend bien qu'il est question ici de modifier les lois canadiennes afin de les harmoniser, s'il y a lieu, à un accord déjà conclu. Si vous examinez les dispositions dont vous êtes saisis, vous constaterez qu'elles sont conformes, à mon avis du moins, à tout ce qui a été convenu dans l'Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou ACEUM. Votre tâche consiste à approuver la loi afin d'apporter, au besoin, des ajustements — et je ne vois aucun domaine qui en nécessite, bien franchement — afin que nos lois soient conformes sur le plan technique à ce qui a été conclu dans l'accord commercial.
    Tout compte fait, comme je l'ai dit, il n'est pas possible de renégocier l'accord. Ce que le Parlement doit faire, c'est adopter des dispositions législatives qui, s'il y a lieu, harmoniseront nos lois à ce qui a été convenu avec les États-Unis et le Mexique. Certains des ajustements sont purement techniques. Ce ne sont rien de plus que de légères modifications des lois canadiennes visant à nous conformer à l'accord. Comme vous le savez tous, il y a des dispositions de fond qui traitent de questions de douane, de tarifs et de règles d'origine, mais ce sont des choses que le Canada a déjà acceptées dans le cadre de l'ACEUM. Il revient maintenant au Parlement d'adopter la législation nécessaire.
    En guise de conclusion, si le Parlement rejetait le projet de loi dont vous êtes saisis, ou refusait d'approuver l'ACEUM, ce serait du jamais vu et, bien franchement, cela ferait reculer de plusieurs années nos relations économiques, commerciales et politiques. Il serait fort étonnant que le Canada refuse la ratification.
    Voilà ce que j'en pense.

  (0810)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Matthew Poirier.
    Bonjour, tout le monde. Je suis heureux d'être ici au nom des 90 000 manufacturiers et exportateurs du Canada, et des 2 500 membres directs de notre association afin d'appuyer le projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis d'Amérique et les États-Unis mexicains, ou ACEUM.
    Avant de commencer, j'aimerais saluer les efforts déployés par le premier ministre, la ministre Freeland, vice-première ministre, le négociateur en chef Verheul et tout leur personnel dans le cadre de la négociation de l'ACEUM. Chez Manufacturiers et exportateurs du Canada, ou MEC, nous comprenons à quel point ces négociations ont été difficiles puisque nous avons pris part au processus. Il était primordial pour les entreprises canadiennes et tous leurs employés que nous parvenions à un dénouement heureux, et c'est ce que nous avons fait. C'est pourquoi MEC appuie sans réserve le projet de loi. Nous demandons instamment au gouvernement et à tous les parlementaires de ratifier l'ACEUM au plus vite.
    Mon objectif aujourd'hui est simple: je veux expliquer en quoi le libre-échange est important pour le secteur manufacturier et en quoi l'ACEUM est préférable à l'ALENA.
    Pourquoi le libre-échange est-il aussi important? En résumé, l'industrie manufacturière du Canada repose sur les échanges commerciaux en Amérique du Nord. À lui seul, notre secteur emploie 1,7 million de travailleurs de l'ensemble des communautés au pays. En 2019, nous avons exporté 455 milliards de dollars de marchandises aux États-Unis et au Mexique, ce qui représentait 77 % de nos exportations totales cette année-là, toutes destinations confondues. Les deux tiers de ces exportations, qui valent environ 305 milliards de dollars, étaient des produits manufacturés. Ces chiffres sont éloquents.
    Voyez-vous, les manufacturiers canadiens, américains et mexicains ne se font pas vraiment concurrence. Nous créons plutôt des produits ensemble dans un écosystème manufacturier continental qui est uni par des chaînes d'approvisionnement intégrées. Le libre-échange nord-américain est donc un pilier de notre économie nationale. C'est pour cette raison que le secteur manufacturier produit la majeure partie des exportations canadiennes. C'est ainsi que le secteur peut soutenir la concurrence mondiale. Voilà pourquoi l'ACEUM est aussi important — tout comme l'ALENA l'était. Sans l'accord, et sans la chaîne de production intégrée avec les États-Unis et le Mexique, nous n'aurions tout simplement pas l'envergure nécessaire pour jouer un rôle sur la scène mondiale. Le Canada peut seulement tirer profit d'un autre accord commercial si l'Amérique du Nord continue de fabriquer des produits et de croître.
    En quoi l'ACEUM est-il meilleur que l'ALENA? L'ACEUM préserve les activités manufacturières intégrées qui permettent une circulation relativement libre des produits et des services entre nos trois marchés. Au début des négociations, nos membres ont clairement indiqué que l'objectif premier du Canada devait être de ne pas nuire à cette économie intégrée au sein du secteur manufacturier. L'ACEUM y parvient d'ailleurs. À vrai dire, l'accord conserve de nombreux éléments clés de l'ALENA initial que les États-Unis voulaient éliminer. Je parle notamment des mécanismes de règlement des différends et des dispenses de visa pour les voyageurs d'affaires. Ces éléments étaient loin d'être assurés au départ, mais ils sont toujours bien présents dans l'accord.
    Ce qui est plus important encore, c'est que l'ACEUM actualise des éléments névralgiques de l'ALENA et fait entrer l'accord au XXIe siècle. Voilà qui suffira à améliorer considérablement le commerce nord-américain. Par exemple, le nouveau chapitre sur le commerce numérique reconnaît qu'Internet est une réalité et établit un cadre pour le commerce électronique en Amérique du Nord. Le chapitre sur l'administration douanière et la facilitation des échanges contribuera également à moderniser les frontières dans toute l'Amérique du Nord en permettant la libre circulation des marchandises.
    En dernier lieu, le nouveau chapitre 26 sur la compétitivité n'a pas beaucoup attiré l'attention, mais nous sommes d'avis que c'est une des plus grandes réalisations. Pourquoi? Parce qu'il fournit un cadre qui permettrait aux trois pays souverains de devenir un seul bloc commercial. Grâce à une meilleure coordination et intégration de nos industries manufacturières, nous pourrions relever ensemble les défis du commerce mondial. Il s'agit d'une réalisation importante. Nous avons toujours demandé instamment au gouvernement de commencer à mettre en œuvre certaines parties de l'accord — notamment le chapitre 26 — qui ne nécessitent aucune modification législative. Nous devrions essayer de réaliser des progrès initiaux en créant des comités chargés de la compétitivité nord-américaine et des bonnes pratiques réglementaires, comme le prévoit l'accord. Voilà qui démontrerait le leadership du Canada, indiquerait à nos autres partenaires que nous prenons l'ACEUM au sérieux et nous permettrait de nous mettre au travail sans tarder.
    Une fois que l'ACEUM aura force de loi, nous devrons alors aider les manufacturiers et les exportateurs à tirer profit du nouvel accord. Le marché américain est, et restera toujours notre plus grand marché d'exportation. Nous devons utiliser les excellentes ressources gouvernementales qui existent, comme le Service des délégués commerciaux et Exportation et développement Canada, pour aider les entreprises à faire la transition entre l'ALENA à l'ACEUM.

  (0815)  

    L'accès limité aux marchés publics du gouvernement américain constitue également un grand défi.
    C'est ainsi que le gouvernement peut jouer un rôle positif et aider les entreprises à tirer parti de l'ACEUM une fois qu'il sera en vigueur…
    Votre temps est écoulé. Pouvez-vous conclure rapidement?
    Bien sûr.
    En fin de compte, l'ACEUM est une bonne affaire pour le Canada, et c'est une réalisation impressionnante lorsqu'on sait que les négociations ont été très difficiles.
    Merci. J'ai hâte d'en discuter avec vous.
    Merci beaucoup, monsieur Poirier.
    Monsieur Cassidy, je vous invite maintenant à nous présenter votre exposé.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je m'appelle Dave Cassidy. Je suis le président d'Unifor section locale 444, à Windsor.
    La section locale 444 représente un peu moins de 10 000 membres actifs, qui travaillent dans toutes sortes d'industries, notamment le jeu, les soins de longue durée, l'aérospatiale, l'énergie et les transports. Bien sûr, nous représentons aussi les secteurs de l'assemblage automobile et de la fabrication de pièces d'automobiles.
    Notre local représente quelque 6 500 travailleurs de l'usine d'assemblage de Fiat Chrysler à Windsor, qui produit des véhicules comme les modèles Grand Caravan, Voyager et Chrysler Pacifica. Nous représentons également des milliers d'autres travailleurs dans les usines satellites avoisinantes qui se trouvent le long de la chaîne d'approvisionnement.
    Je vous remercie de me donner la chance de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-4, qui porte mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ou ACEUM. Comme les membres du Comité le savent, le président international de notre syndicat, Jerry Diaz, s'est intéressé très activement aux renégociations de l'ALENA. Puisque je viens de Windsor, je peux vous assurer que la réouverture, ou même l'abolition de l'ALENA est au cœur des préoccupations des travailleurs depuis l'entrée en vigueur de l'accord initial en 1994.
    Je sais que les dispositions de l'ALENA ne se limitent pas au secteur de l'automobile. L'accord vise pratiquement tous les produits et services qui traversent nos frontières continentales. Or, c'est pourtant l'industrie de l'automobile qui semble faire les manchettes, et pour cause. La création et l'expansion d'une industrie automobile de pointe sont des activités lucratives. C'est aussi un outil de développement économique important. Le Canada a la chance d'avoir investi massivement dans le secteur de l'automobile. Chaque emploi du secteur de l'assemblage automobile en crée 10 autres au sein de l'économie.
    Une usine d'assemblage de véhicules attire en quelque sorte les investissements additionnels dans le secteur manufacturier. Les fournisseurs de pièces, qu'il s'agisse de sièges, de portes, de roues ou d'autres composants, sont intentionnellement situés à proximité pour aider à respecter les calendriers de production et à répondre à la demande. C'est exactement ce qui se passe à Windsor, où l'industrie de l'automobile demeure un maillon essentiel de l'économie locale, malgré des années de fermetures dévastatrices, de réaffectations d'usines, d'externalisation des emplois et de licenciements.
    En 1994, l'ALENA a changé les modalités des échanges commerciaux et a redéfini la chaîne d'approvisionnement nord-américaine. Il n'est pas surprenant que les constructeurs automobiles et les fabricants de pièces aient commencé à déménager leur production au Mexique ou parfois même au sud des États-Unis, où les salaires sont dérisoires.
    Nous avions auparavant un déficit commercial de 3,5 milliards de dollars avec le Mexique dans le secteur de l'automobile et des pièces. Ce déficit avoisine désormais les 30 milliards de dollars. Nous nous attendions à ce que cela se produise. C'est notamment pour cette raison que les travailleurs canadiens de l'automobile s'opposent depuis longtemps à l'ALENA. Au fil du temps, et grâce à nos négociations collectives, nous avons réussi à obtenir de bons salaires et avantages sociaux pour nos membres qui font un travail très difficile, répétitif et spécialisé. Mais tout cela est réduit à néant lorsque les usines mexicaines apparaissent et que les travailleurs reçoivent un salaire qui représente une fraction de ce que nous gagnons.
    Je ne sais pas si vous le savez, mais une nouvelle usine d'assemblage d'Audi située au Mexique, qui fabrique par exemple un VUS de luxe à 40 000 $, paiera ses travailleurs environ 2,25 dollars américains l'heure. Les travailleurs canadiens ne vont pas soutenir une telle concurrence, et ne devraient pas avoir à le faire. Je vous dirai qu'il est rare que les constructeurs automobiles canadiens ne soulignent pas ces disparités lorsqu'ils tentent de réduire nos salaires, de diminuer nos avantages sociaux ou de remanier nos régimes de retraite. Voilà donc l'incidence qu'a l'ALENA sur les conditions de travail au Canada.
    Comme je l'ai dit, notre syndicat a consacré beaucoup de temps et de ressources aux renégociations de l'ALENA et au travail avec les autorités fédérales dans le but d'y apporter des modifications substantielles. Personne ne pensait que le rafistolage de l'ALENA allait à lui seul réparer des décennies de dommages et de négligence, mais des changements importants ont bel et bien été apportés, et nous le reconnaissons.
    Le seuil prévu à l'ACEUM afin de déterminer si une voiture a été fabriquée en Amérique du Nord est beaucoup plus élevé qu'il ne l'était dans l'ALENA. L'octroi de préférences tarifaires aux constructeurs automobiles qui construisent une voiture réellement fabriquée à partir de composants nord-américains renforce l'intégrité de l'accord. C'est très différent de l'approche que le gouvernement Harper avait adoptée lors de la renégociation du Partenariat transpacifique, ou PTP, où il s'était engagé à diminuer le seuil de l'ALENA. Dans le cadre du PTP, auquel Unifor s'est fortement opposé, une préférence tarifaire pouvait être accordée même si plus de la moitié d'une voiture n'avait pas été construite dans la zone commerciale.

  (0820)  

    Il est bien que l'ACEUM renverse cette tendance. Nous pensons que cela pourrait attirer au Canada des fournisseurs de première et de deuxième catégorie, étant donné que les constructeurs automobiles tenteront de respecter les nouvelles règles.
    L'ACEUM améliore également les règles d'origine sur les pièces déterminantes par rapport à l'entente initiale. Pour la première fois, des règles d'origine concernant les automobiles s'appliquent aux ressources d'acier et d'aluminium, et exigent que les fabricants d’équipement d’origine achètent au moins 70 % de ces matériaux en Amérique du Nord.
    Votre temps est écoulé. Merci.
    D'accord. J'essaie simplement de voir où j'en suis. On m'avait dit que j'aurais 10 minutes. Je m'excuse, madame la présidente.
    Je suis persuadée que vous aurez la chance d'en parler et de donner plus de détails pendant la période des questions.
    Excellent. Merci.
    Je vous remercie.
    Certaines dispositions de l'ACEUM permettent aux constructeurs automobiles d'être exemptés de ces règles de travail. Par exemple, les dépenses de recherche et développement peuvent assurément les aider à réduire l'engagement de 40 %. La teneur en main-d’œuvre peut être réduite jusqu'à aussi peu que 25 % si les conditions sont propices.
    Efforçons-nous d'harmoniser le soutien à l'investissement entre les gouvernements fédéral et provinciaux, comme celui de l'Ontario, plutôt que de travailler à contre-courant. Engageons-nous à assurer une surveillance exhaustive des nouvelles règles relatives à l'automobile afin de garantir que des mesures comme celles de la teneur en main-d’œuvre sont appliquées correctement.
     Aussi, demandons au Comité de l'industrie de réaliser une étude détaillée sur l'avenir de la fabrication des automobiles. Mettons pleinement en évidence les lacunes que présente la chaîne d'approvisionnement canadienne, ainsi que les compétences nécessaires pour passer aux véhicules électriques et autonomes…
    Veuillez m'excuser, monsieur Cassidy.
    Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole.
    Merci.
    Lorsqu'il restera une trentaine de secondes, je vais soulever un papier pour que vous le sachiez.
     Le prochain intervenant est M. Azzopardi. Je vous remercie.
     Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Merci de me donner la chance de comparaître devant vous.
    Je m'appelle Jonathon Azzopardi, ancien président de la Canadian Association of Mold Makers. Je suis présentement directeur des affaires internationales de l'association et président de Laval, un fabricant de moules et de pièces situé à Windsor, en Ontario.
    Notre association compte 100 membres. Il y a 216 fabricants de moules au Canada, ainsi que 14 000 travailleurs qualifiés, plus de 230 membres associés et plus de 1 400 entreprises de fabrication rien que dans le Sud-Ouest de l'Ontario.
    J'aimerais d'abord dire que je n'envie pas la posture dans laquelle vous vous trouvez. Votre comité a été chargé d'accélérer la ratification d'une entente déjà négociée, tout en essayant de mettre en place une structure permettant de saisir les occasions qui en découlent. Ce n'est pas une mince tâche, mais c'est nécessaire. Nous sommes ici pour appuyer la ratification du projet de loi C-4, ou plutôt de l'ACEUM.
    Être fabricant au Canada n'est pas simple, mais c'est un privilège. Ce n'est pas sans poser de nombreux défis. Je ne perdrai pas mon temps à énumérer chacun d'eux, mais je dirai que l'exportation est essentielle pour fabriquer ou cultiver des choses au Canada.
    Je prendrai les dix prochaines minutes — ou plutôt cinq minutes — pour vous montrer en quoi l'accord peut nous aider à créer un effet de levier ou un tremplin. Je pense qu'il est important de commencer par rappeler les événements. En 2015, Donald Trump a annoncé qu'il allait renégocier l'ALENA alors qu'il était le président désigné. Lorsqu'il est devenu président en 2016, je dois admettre que l'annonce a complètement bouleversé notre industrie. Cette onde de choc et l'incertitude qu'elle a engendrée, réelle ou non, ont complètement découragé les travailleurs et les entreprises. À l'époque, notre industrie était écrasée par la pression puisque les relations commerciales n'étaient pas équitables. La politique américaine « Made in America » causait assez de problèmes, sans parler du fait que 85 % de nos exportations vers les États-Unis subissaient déjà la pression de pays où les coûts sont bas, comme la Chine, qui produit ce que nous fabriquons à une fraction de nos coûts.
    Nous avons eu la chance que cet accord soit négocié rapidement. Je crois que notre partenaire commercial américain s'est assuré que les règles soient en sa faveur, mais retarder la ratification ne peut que nous nuire davantage. Nous perdons de plus en plus d'occasions chaque jour. Pourquoi est-il important de ratifier l'accord? Parce que cela va dissiper l'incertitude. Vous devez comprendre que nous vivons ce climat d'incertitude depuis 2015, soit depuis près de cinq ans, et que nous perdons des occasions chaque jour. Vous devez également comprendre qu'en raison de nos cycles et de nos ententes avec nos clients, nous ne serons pas au bout de nos peines avant cinq années suivant la ratification.
    La deuxième raison pour laquelle je veux vous parler aujourd'hui se rapporte aux investissements futurs. Avec l'accord, les investissements futurs au pays viseront surtout les fournisseurs de première, deuxième et troisième catégorie. Il est très important de comprendre que, plus on est loin sur la chaîne d'approvisionnement du secteur de l'automobile, moins on a de chances d'être aux États-Unis. Si l'accord est mis en œuvre, toutes les usines d'assemblage — plus de 20 milliards de dollars d'investissement aux États-Unis depuis 2016 — deviendront nos nouveaux clients, pourvu que la ratification se fasse rapidement.
    Par ailleurs, je représente l'industrie de la fabrication de moules, qui est généralement de deuxième catégorie. C'est très important. Nos politiques commerciales doivent refléter celles de notre principal partenaire commercial. En décembre 2019, par exemple, un droit de douane de 25 % a été imposé sur les moules en provenance de la Chine qui entrent aux États-Unis. Cette situation illustre que si le Canada n'adopte pas des politiques similaires, il favorisera le dumping des produits chinois. Une fois l'accord ratifié, il est important que le Canada adopte en deuxième lieu des politiques similaires pour l'acier, l'aluminium et les moules américains. Si nous ne le faisons pas et n'adoptons pas de telles politiques, vous commencerez à miner notre secteur manufacturier de l'intérieur.
    Le dernier point que je veux faire valoir se rapporte à notre vulnérabilité entourant le Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Sans le nouvel ACEUM, je suis d'accord avec M. David Cassidy pour dire que le Partenariat pourrait être catastrophique pour le Canada. Le PTPGP n'augure rien de bon pour les fabricants canadiens sans l'ACEUM. Il ne nous aidera pas et va même nous nuire, puisque nous deviendrons une cible de dumping pour les entreprises qui veulent avoir accès aux États-Unis. Si le Canada n'adopte pas des politiques fortes relatives à la teneur en valeur régionale, ou TVR, il ratera une occasion. Nous perdrons alors du terrain.
    Le Canada doit ratifier l'ACEUM le plus tôt possible, puis nous protéger contre ce dumping en adoptant au Canada des mesures similaires à celles des États-Unis. Nous pourrons ainsi profiter pleinement de l'accord. Pour y arriver, nous pouvons notamment allonger la liste des produits et renforcer les méthodes de calcul de la TVR. Il faut donc adopter des politiques commerciales à l'image de celles des États-Unis, et mettre en œuvre cet accord dès que possible.
    Je serai heureux de répondre à toutes vos questions et de vous aider activement à faire avancer le dossier.
    Merci.

  (0825)  

    Merci beaucoup.
     Nous allons commencer nos questions avec Mme Gray.
     Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous.
    J'ai une question à l'intention de M. Poirier. Votre organisation a publié un communiqué le 10 décembre 2019. Dans le document, vous déclarez chercher à mieux comprendre les répercussions possibles des concessions qui ont été faites sur notre industrie de l'aluminium. Diriez-vous que vos préoccupations ont trouvé réponse depuis cette date? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire pour calmer vos inquiétudes?
    Au moment où ce communiqué a été publié, je pense que tout le monde se demandait ce qui se passait puisqu'il n'y avait pas beaucoup d'information dans les médias. Maintenant, compte tenu des nouvelles exigences proposées relatives au contenu en acier et en aluminium dans le secteur de l'automobile, j'estime que c'est une victoire pour l'industrie. J'espère que cela attirera les investissements dans ces secteurs au Canada.
    Voulez-vous partager votre temps? Il vous reste cinq minutes.
    Oui, je vais le faire.
    Je vais adresser ma question à M. Poirier. Je crois comprendre que le nouvel accord est plus avantageux pour le Canada. Cela m'inquiète moins que le manque d'information sur ses répercussions économiques à long terme. Nous avons récemment vu des rapports de l'Institut C.D. Howe et d'autres sources qui disaient que l'accord aurait peut-être des effets négatifs à long terme. J'ai également lu une citation de Jared Kushner, au début du mois, qui affirme que le mécanisme de temporisation, ou de réexamen, permettra aux États-Unis d'exercer une influence.
    Ne craignez-vous pas que cette disposition en particulier ne décourage les investissements à long terme au Canada, étant donné que six années, c'est à peine un claquement de doigts pour un investisseur? Ce n'est peut-être pas le cas dans votre secteur, mais c'est vrai pour les biens immatériels, comme les données ou la propriété intellectuelle.

  (0830)  

    J'ai quelques réflexions à ce sujet.
    Vous avez raison. Je pense qu'il est bien d'avoir un mécanisme d'examen, mais que le délai de six ans est plutôt court. Ce que nous avons appris au cours des négociations qui viennent de se terminer, c'est qu'une fois que nous renégocions, l'incertitude règne sur le marché. Où vont alors les investissements? À l'endroit le plus sûr, qui est généralement les États-Unis, et non le Canada.
    C'est une préoccupation. Cela dit, les négociations ont été un combat de tous les instants visant à maintenir notre accès de base à ce marché, et à préserver toutes les protections prévues à l'ALENA dont nous bénéficions actuellement. Étant donné que nous avions affaire à cela, le résultat que nous avons obtenu est plutôt bien. En dépit de cette réflexion sur le renouvellement et l'incertitude aux six ans, nous aurions pu nous retrouver dans une situation bien pire pour l'industrie. Nous sommes satisfaits de ce qui a été convenu, et cela suffit pour que nous soutenions fermement l'ACEUM.
    Diriez-vous qu'il s'agit moins d'une victoire et davantage d'une concession qui nous permet de maintenir le statu quo, en quelque sorte?
    Le statu quo que nous avons conservé est assurément une victoire. Par ailleurs, tous les nouveaux chapitres et la modernisation de l'accord sont des choses qui auraient dû être faites depuis longtemps, et que nous avons également obtenues. Je pense notamment au chapitre sur la compétitivité. C'est un volet propre à l'industrie manufacturière qui permettra aux trois pays d'agir à titre de bloc commercial. Ce chapitre n'existait pas auparavant, et c'est très prometteur pour l'avenir.
    Nous avons bel et bien maintenu le statu quo, mais nous avons aussi obtenu beaucoup de nouveaux gains intéressants.
    Je vois. Je regarde autour de la table, et je constate que des secteurs très importants de l'économie sont représentés aujourd'hui, mais je me demande aussi à quoi ressemblera notre économie dans 10 ans du côté des biens intangibles. Vos industries englobent la production de biens tangibles, n'est-ce pas?
    Monsieur Poirier, votre industrie a-t-elle été en communication avec des associations... Est-ce que certaines de vos associations membres croient que les biens intangibles — comme les données, la propriété intellectuelle, et ainsi de suite — pourraient être menacés de la façon dont l'accord a été négocié, à la lumière, surtout, de la disposition de renégociation après six ans?
    Le présent accord est assurément avantageux pour le secteur manufacturier. D'autres secteurs ont des préoccupations, que nous partageons également, sur le plan des affaires en général. Or, nous nous disons que les choses auraient pu être bien pires. L'avantage de l'accord, c'est la stabilité qu'il procure au marché.
    Autrement, sur cette base seulement… Il y a toujours lieu de s'inquiéter des autres enjeux qui freinent l'investissement au Canada en général, et nous pourrions nous asseoir et discuter longuement de chacun. Mais si nous nous attardons à ce qui relève de nous, c'est-à-dire adopter le présent accord commercial pour lever au moins une source d'incertitude, nous devrions aller de l'avant. Compte tenu de tous les autres défis économiques que nous ne pouvons pas contrôler au-delà de nos frontières, scellons cet accord. Nous avons une emprise là-dessus, au moins.
    Pour poursuivre dans la même veine, puisque le temps presse, croyez-vous que la disposition de six ans…
    Votre temps est écoulé. Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Ehsassi.
    Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Herman. Tout d'abord, je vous remercie infiniment de comparaître devant notre comité. Vous avez une vaste expérience dans ce domaine, et nous vous sommes très reconnaissants de vous être libéré.
    Monsieur Herman, vous avez souligné à plusieurs occasions que l'accord dont nous sommes saisis est déjà conclu, signé et ratifié. Vous dites que le marché est conclu et que c'est essentiellement un fait accompli.
    Au bénéfice de mes collègues, pourriez-vous nous expliquer ce qui se passerait si des modifications étaient proposées? Ne risquerions-nous pas de perdre tous les avantages durement acquis au cours des négociations?

  (0835)  

    En réponse à vos questions, monsieur Ehsassi, je tiens tout d'abord à dire qu'avant votre carrière politique, vous étiez dans le domaine du droit commercial. Nous nous connaissons depuis des années, vous et moi, depuis l'époque où nous pratiquions tous les deux dans le secteur du commerce international, de sorte que vous connaissez bien le domaine aussi.
    Laissez-moi vous dire ceci. Le projet de loi dont vous êtes saisis, et en particulier les dispositions que vous examinez, est conforme à l'accord qui a été négocié. Le Parlement peut étudier les mesures législatives de mise en œuvre, puis apporter au besoin des ajustements ou des changements modestes de façon à ce que la loi soit conforme à l'accord négocié.
    Si le Parlement apportait des modifications au projet de loi qui sont incompatibles avec l'accord négocié, le Canada n'aurait pas la possibilité de le ratifier. Le Canada peut seulement ratifier un traité international — c'est ce dont il est question ici — lorsqu'il peut respecter pleinement les dispositions dudit traité. Si des modifications apportées au projet de loi allaient à l'encontre de l'entente que le Canada a conclue, signée, mais pas encore ratifiée, le gouvernement canadien ne pourrait pas ratifier l'accord. Si le projet de loi était rejeté, le Canada ne pourrait pas procéder à la ratification.
    Le Comité doit donc prendre en considération les conséquences de ne pas ratifier une entente qui a été négociée péniblement dans des circonstances très difficiles, qui a été approuvée par le Congrès américain avec toutes les manigances dont vous êtes au courant, et qui a été signée et ratifiée par le président des États-Unis. Ce serait du jamais vu dans l'histoire du Canada, du jamais vu — je dois le répéter — qu'un accord commercial soit rejeté par votre comité, la Chambre des communes ou les parlementaires. Ce n'est jamais arrivé.
    Ce serait stupéfiant. Je pense que cela réduirait à néant non seulement nos relations commerciales et économiques avec les États-Unis, mais aussi nos relations politiques à long terme avec ce pays. En outre, cela mettrait en doute l'avenir de l'ALENA, étant donné que nous serions régis par l'ALENA sans cet accord commercial. Or, il est peu probable que l'ALENA survive si le Canada ne ratifiait pas le nouvel accord.
    C'est ce que j'en pense.
    Merci.
    J'ai une autre question. Si jamais nous ne ratifions pas l'accord, ai-je raison de supposer que les États-Unis et le Mexique pourraient aller de l'avant sans nous?
    Oui, ils pourraient le faire, et je crois qu'ils le feraient.
    Il est dans l'intérêt des États-Unis de conclure un accord avec le Mexique, en raison des dispositions que M. Cassidy a mentionnées et qui augmentent le contenu américain dans la production automobile, en plus de discipliner les Mexicains en matière de production automobile. Les États-Unis et le Mexique pourraient laisser pour compte le Canada — et je crois qu'ils le feraient —, et mettre en grand péril l'avenir de nos relations commerciales et politiques. Il ne doit y avoir aucun doute à ce sujet, monsieur Ehsassi.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, monsieur Poirier. Au cours de votre témoignage, vous avez dit avoir participé au processus. Étiez-vous satisfait des consultations qui ont eu lieu entre le gouvernement et votre organisation pendant l'année où nous avons négocié ou renégocié l'ACEUM?
    Oui. Nous méritons d'avoir une place à la table lorsque nous parlons du secteur manufacturier et du commerce, simplement en raison du nombre d'emplois que l'industrie représente. Mais je pense que c'était satisfaisant.
    Nous étions conscients du fait que le gouvernement devait se simplifier la tâche et négocier l'accord. À ce moment, seules quelques personnes pouvaient être présentes. Mais dans le processus qui a précédé, nous avons bel et bien eu le sentiment d'avoir été suffisamment consultés et d'avoir eu un rôle à jouer. Je sais qu'un grand nombre de groupes, et pas seulement des gens d'affaires, mais aussi des représentants de la société, ont eu l'impression de participer davantage au processus dans le cadre de cet accord.

  (0840)  

    Merci.
     Monsieur Cassidy, vous avez également dit qu'Unifor a consacré beaucoup de ressources aux renégociations. Étiez-vous satisfaits des consultations?
    Oui, nous avons participé aux discussions. Les représentants d'Unifor ont manifestement accueilli favorablement la renégociation de l'ALENA. Dans le monde des affaires, il y avait un mythe selon lequel l'ALENA était trop précaire pour y toucher. C'est pourquoi c'était si important pour nous. Mais pour tout vous dire, c'était des absurdités, et l'ALENA n'était pas trop délicat pour être modifié.
    Une occasion s'est présentée à nous à ce moment-là. Nous étions très heureux de participer au processus et de faire partie de la solution ayant mené là où nous en sommes aujourd'hui.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Lemire, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à M. Herman.
    Monsieur Herman, vous avez parlé de l'importance de ratifier rapidement cet accord, mais ce qui se fait vite laisse parfois des traces qui peuvent désavantager certains dans cet accord. Qu'en pensez-vous?
    Deuxièmement, est-il possible de protéger l'industrie de l'aluminium par une harmonisation des lois canadiennes? Comment pouvons-nous le faire, selon vous?
    En ce qui concerne l'aluminium, il y a un certain niveau de protection dans cet accord qui est très important pour le secteur de l'aluminium.
    Quant à la question de l'aluminium fondu et coulé, on a abouti à un accord avec les Américains qui permettra de revisiter cette question d'ici quelques années. Vous êtes au courant, monsieur Lemire, j'en suis certain. Dans ce cas-là, je pense que le secteur de l'aluminium est bien protégé, mais on aura l'occasion de rouvrir la question du métal fondu et coulé d'ici quelques années. C'est un résultat très important pour le secteur de l'aluminium, surtout au Québec.
    J'aimerais poser ma prochaine question à M. Azzopardi à ce sujet.
    Comme vous êtes dans le domaine de la fabrication, pouvez-vous comparer les répercussions que cet accord aura sur l'industrie de l'acier avec celles qu'il aura sur l'industrie de l'aluminium?
    Sur le plan de la production et de l'approvisionnement, quelles sont pour vous les contraintes imposées par cet accord de libre-échange?

[Traduction]

     En ce qui concerne l'incidence de l'accord sur la production et l'approvisionnement, je pense qu'elle sera positive pour autant que les matières se retrouvent dans le produit fini. Lorsque nous utilisons de l'aluminium ou de l'acier canadien ou américain dans le produit fini, je crois que l'accord offre de nombreuses occasions.
    En ce qui a trait au produit brut, je pense que l'accord contient des dispositions intéressantes, mais je ne suis pas nécessairement d'avis que le gouvernement puisse à ce stade-ci les faire respecter sur le plan de la teneur en valeur régionale. Nous craignons que le dumping de l'acier et de l'aluminium se poursuive tant que le Canada n'adoptera pas des mesures plus strictes pour se protéger contre ce phénomène de la part des pays où les coûts sont bas. Il y a déjà des exemples où le Canada reçoit ces produits et où la teneur en valeur régionale n'est pas nécessairement calculée correctement. Nous pensons que ce volet devra faire l'objet d'une attention particulière après la mise en œuvre de l'accord.

[Français]

    Sur le plan de la fabrication, je comprends qu'il y a une différence entre l'origine de l'aluminium et l'origine des pièces. Dans l'accord de libre-échange, on nous rappelle souvent le fameux pourcentage de 70 %. Quand on parle d'aluminium, pour vous, 70 % d'aluminium, c'est différent de 70 % des pièces, n'est-ce pas? Êtes-vous capable de le reconnaître?

[Traduction]

    Nous en sommes tout à fait conscients. Le produit brut appartient à une catégorie, mais celle-ci change lorsqu'il devient un produit fini. La manière de calculer la teneur en valeur régionale est très importante. Il est très facile pour un manufacturier venant d'un pays où les coûts sont bas de s'établir au Canada, d'apporter des ajustements mineurs au produit, puis d'affirmer que celui-ci est d'origine canadienne. Nous proposons au Canada d'adopter une liste de produits plus longue et détaillée, d'utiliser une méthode plus précise pour calculer la teneur en valeur régionale, puis d'imposer une méthodologie plus stricte aux manufacturiers afin de pouvoir empêcher des pays comme la Chine de larguer leurs produits, d'y apporter de simples petits ajustements et d'en modifier la valeur.
    À partir de maintenant, c'est un domaine dans lequel nous voulons jouer un rôle actif pour aider le gouvernement avec chacun de ces produits. Il s'agit de toute évidence d'un volet qui nous préoccupe sérieusement. Auparavant, des pays où les coûts sont bas ont abusé de cette situation.

  (0845)  

[Français]

     Merci, monsieur Azzopardi.
    Monsieur Poirier, dans un premier temps, parlez-vous français?
    Oui.
    La question de la Buy American Act fait souvent partie de vos batailles.
    Comme Canadiens, n'aurions-nous pas eu avantage à utiliser une même stratégie protectionniste pour ce qui est de certains aspects des négociations?

[Traduction]

    Les dispositions qui favorisent l'achat de produits américains sont très problématiques pour le secteur manufacturier, simplement parce que cela crée une situation bizarre: si une partie à l'accord met en place de telles dispositions et que vous ne faites pas la même chose, cela encourage les entreprises à s'installer sur le territoire où elles peuvent avoir accès aux deux marchés, plutôt que le contraire. Nous avons toujours soutenu vigoureusement le libre-échange et les marchés libres et ouverts, mais si un côté ne joue pas franc jeu, c'est à nous de lui rendre la pareille.
    Nous aurions certainement aimé y voir un meilleur accès aux marchés publics et nous attaquer aux dispositions protectionnistes. Nous comprenons que les négociations à cet égard ont été difficiles. Cependant, le gouvernement et tous les parlementaires devraient travailler à améliorer cet accès, car les marchés publics sont énormes et peuvent accélérer la croissance du secteur manufacturier canadien si nous pouvons en tirer profit.

[Français]

    Merci, monsieur Poirier.
    J'ai peut-être le temps de poser une dernière question rapidement.
    Monsieur Cassidy, je sais que le syndicat d'Unifor s'occupe également de l'industrie forestière. Je sais que votre présentation ne portait pas là-dessus, mais est-ce qu'on sent que cette entente va régler la crise du bois d'œuvre?

[Traduction]

    Très rapidement, je vous prie.
    Il faudra que je m'en remette à quelqu'un d'autre. Je ne connais pas assez le bois d'œuvre. Mon domaine de prédilection est l'automobile.

[Français]

    D'accord. Je tentais ma chance, car cela m'intéresse.
    Merci, monsieur Cassidy.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est M. Masse qui va entamer le prochain tour.
    Merci, madame la présidente. Merci également à nos invités d'être présents.
    Je vais m'adresser à M. Azzopardi et à M. Cassidy.
    Il y a eu beaucoup d'investissements dans l'automobile au cours des 20 dernières années, mais pas au Canada. À Détroit, avec les investissements des cinq dernières années, ils atteignent 16 milliards de dollars. En Ontario, au cours des cinq dernières années, les investissements ont été de 6 milliards de dollars. Je veux vous donner l'occasion de mettre en lumière certaines choses.
    Monsieur Azzopardi, vous avez bien donné quelques pistes, mais que peut-on faire de plus? Je crains que, si nous signons cet accord, nous donnions l'impression qu'il y aura des améliorations sur le plan de la main-d'œuvre et de l'environnement, et que cela va permettre à nos travailleurs d'être plus concurrentiels qu'avant. Cependant, si nous misons uniquement sur cet accord, je suis inquiet pour l'avenir. J'aimerais que vous nous fassiez part de certaines choses que nous devrions peut-être faire.
    Parlant de réciprocité, monsieur Cassidy, vous voudrez peut-être soulever la question des paris sportifs sur des événements uniques aux États-Unis, notamment au Michigan, et des milliers d'emplois qui sont menacés, car il n'y a aucune réciprocité ici par rapport aux produits qu'ils ont là-bas.
    Monsieur Azzopardi, pourriez-vous répondre en premier, je vous prie?
    J'ai longtemps essayé de répondre à cette question en fonction des deux perspectives: du point de vue du fabricant d'équipement d'origine et de celui des niveaux 1, 2 et 3. J'ai récemment changé mon point de vue. Je pense qu'il faut en fait séparer tout cela parce qu'il s'agit de deux stratégies entièrement différentes.
    Les industries de niveaux 1, 2 et 3 doivent adopter des modes de fabrication plus avancés, ce qui signifie qu'elles doivent soutenir la concurrence. Cela va contribuer à faire croître ce secteur. Je crois que l'accord va en fait nous aider à resserrer ces liens en raison de l'intégration de la chaîne d'approvisionnement que nous avons déjà. Les pièces — sans blague — vont traverser la frontière sept fois, entre les niveaux 1, 2 et 3, avant même de se rendre à un fabricant d'équipements d'origine.
    Les investissements que vous faites à ce niveau inférieur croissent en réalité de façon exponentielle, parce que nous avons accès à tous les FEO. Je crois que c'est dans ce domaine que le Canada peut connaître la plus forte croissance. L'effet que produit un dollar consacré par le gouvernement à ces secteurs inférieurs est en réalité multiplié par le fait que nous avons accès à tous ces investissements aux États-Unis.
    Il est bon d'investir dans un FEO et il ne faut pas abandonner cela — ne vous y trompez pas —, mais ce n'est qu'une seule marque. J'ai accès à 44 marques différentes. C'est une occasion énorme dans ce secteur inférieur, ce qui fait que la stratégie doit être différente. Nous essayons d'employer la même stratégie dans les deux cas, mais ce sont deux choses différentes. Nous devons adopter des modes de fabrication plus avancés pour devenir plus concurrentiels. Nous devons adopter des politiques commerciales étrangères en matière de fabrication qui nous permettront de tirer parti d'un plus grand nombre de marchés en utilisant les États-Unis comme tremplin. C'est ainsi que vous faites croître la fabrication au Canada à ces niveaux inférieurs.
    Les FEO sont en fait une solution plus facile, mais plus compliquée. Ils recherchent au moins un accès équitable aux marchés, ce qui signifie plus d'accords commerciaux, mais ils sont aussi très sensibles à l'évolution des coûts et il y a d'autres questions difficiles auxquelles je ne crois pas que le Comité est prêt à répondre pour pouvoir prendre de telles décisions. Je pense qu'adopter une politique en matière de fabrication qui englobe tous les aspects — la fabrication de pointe, l'énergie, la main-d'œuvre, le commerce — est la façon d'attirer les FEO.

  (0850)  

    Merci.
    Monsieur Cassidy, on dirait que vous prônez une stratégie nationale de l'automobile.
    Quand l'annonce a été faite à propos de General Motors, puis que nous avons vu en même temps General Motors développer sa capacité au Mexique, avec le commerce… Vous savez, quand vous optez pour l'installation ou l'endroit le moins cher que vous le pouvez… De l'autre côté du fossé par rapport à chez nous, à Windsor, il s'ajoute 5 000 emplois chez FCA aujourd'hui. Dans mon usine, l'usine d'assemblage de Windsor, nous allons peut-être perdre 1 500 emplois liés à un FEO. Ce serait manifestement dévastateur pour Windsor et le comté d'Essex, ainsi que pour notre volet des pièces automobiles et ainsi de suite. Comme je l'ai dit, pour chaque emploi dans le secteur de l'automobile, il y a 10 emplois dans l'ensemble de l'économie.
    Il est très important que nous investissions et que nous continuions d'investir. Avec l'ACEUM, même si l'on tient compte des syndicats jaunes au Mexique, c'est l'occasion d'augmenter la main-d'œuvre qualifiée par rapport aux nombres actuels. Le salaire de 16 $ l'heure qui est prévu dans l'accord commercial a quelque chose d'un peu fictif, s'il est question de passer de 2,25 $ à 16 $ l'heure. En fait, il y aura au moins des dispositions à cet égard, et ils pourront faire les vérifications. L'ALENA n'offrait pas cette possibilité.
    Il est vraiment important que nous nous lancions dans la technologie qui est réalisable concernant les véhicules autonomes et, évidemment, dans la recherche et le développement, et les batteries. On bâtit dans notre installation la seule fourgonnette hybride faite au Canada qui existe. Nous avons un véhicule hybride fait au Canada, mais nous ne pouvons obtenir de batteries. Nous devons obtenir nos batteries en Chine, que vous le croyiez ou non. C'est problématique.
    Monsieur Masse, vous avez mentionné une dernière chose concernant les paris sur une épreuve sportive unique. Est-ce que vous me permettez…?
    Oui.
    Cela remonte à 10 ans. En ce qui nous concerne, pour les emplois à Windsor et Essex, je représente les travailleurs du Caesars de Windsor. Il y a là 2 600 membres. Dans cette installation seulement, cela va donner 150 emplois de plus, ce qui est important. Encore une fois, nous sommes en train de manquer le bateau, car le Michigan, l'État de New York et d'autres États ont déjà mis cela en place. Si nous pouvons obtenir les paris sur une épreuve unique…
    C'est très important pour nous tous au Canada. Je me croise les doigts et j'espère que ce gouvernement… Je sais que ce n'est pas le sujet de la discussion aujourd'hui, mais il fallait que je m'assure de… Je vous remercie d'avoir lancé la balle et de m'avoir permis de frapper un circuit. Merci, monsieur Masse.
    C'est effectivement important, car nous parlons d'égalité et de réciprocité. Les États-Unis mettent en place les paris sur une épreuve unique alors qu'environ 10 milliards de dollars sont perdus dans l'économie clandestine au Canada. Cela correspond à des milliers d'emplois, non seulement dans notre secteur, mais à l'échelle du pays. Mensuellement, ce sont des dizaines de millions de dollars pour les provinces, en ce moment. Nous espérons faire changer cela.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre premier tour. Nous avons le temps de faire un deuxième tour. Chacun aura cinq minutes.
    Nous commençons par M. Dreeshen, du Parti conservateur.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    L'une des choses dont nous parlons, bien sûr, quand il est question du Canada en tant que pays, c'est que le Québec insiste vraiment pour souligner que son aluminium est écologique et ainsi de suite. Ce sont les préoccupations et les enjeux dont nous avons parlé. L'une des choses que nous avons examinées, c'est l'aluminium chinois qui est stocké au Mexique et ce que cela représente. Je crois que c'est un élément vraiment crucial.
    Monsieur Azzopardi, je crois que vous avez parlé de la question de savoir s'il est moulé, du pourcentage qui entre, et du secteur où il arrive. Je crois que c'est un enjeu vraiment important. On a aussi mentionné le tarif de 25 % imposé par les États-Unis à la Chine, les effets que cela a produits et la façon dont cela nous a mis dans une situation où nous avons tous dû porter attention à ce qui se passait.
    J'aimerais donner une orientation un peu différente à la discussion. Nous produisons beaucoup de charbon, dans l'Ouest du Canada et dans le Nord-Ouest des États-Unis. Le charbon est expédié du port de Vancouver vers l'Asie, où il est utilisé pour fabriquer de l'acier qui revient ici et qui devient un élément du problème que nous avons. Il n'y a aucune taxe sur le carbone par rapport à cela, même si nous voyons bien les problèmes que nous avons sur le plan du dumping. Je crois que cela devient un aspect crucial de la situation. Comment pouvons-nous nous attendre à être concurrentiels dans de telles circonstances?
    Nous voyons les autres choses qui se produisent concernant les dispositions relatives aux examens que nous avons. Comment pouvons-nous nous attendre à plus facilement obtenir des investissements étrangers directs au Canada si nous ne prêtons pas attention à tous les microproblèmes que je viens de mentionner?

  (0855)  

    Je suis content que vous souleviez cela, parce que nous le voyons aussi. Nous constatons cela pour l'acier depuis bien des années. L'aluminium devient manifestement plus populaire, ce qui fait que nous voyons cela de plus en plus en ce qui concerne l'aluminium. Si nous étions devant un comité composé de représentants du gouvernement mexicain, je dirais exactement la même chose. Si vous ne suivez pas le rythme des mesures protectionnistes des États-Unis, vous serez aussi le chaînon faible en Amérique du Nord. Il faut qu'il en soit ainsi. Vous n'avez pas le choix. À moins de souhaiter que l'érosion continue, vous devez adopter les mêmes politiques que les États-Unis. C'est vraiment important. Nous le voyons constamment sur le terrain.
    La Chine est capable d'acheminer ses produits par le marché canadien grâce aux investissements. Je serai absolument honnête avec vous. Depuis que l'accord a été envisagé, puis négocié et ratifié, nous avons en fait eu davantage d'occasions d'investissement au Canada. Le problème, en ce moment, c'est que vous devez faire le tri de ces occasions. Est-ce qu'elles vont profiter au Canada, ou est-ce qu'elles vont nuire au Canada?
    Dans bien des cas, les investisseurs ne souhaitent qu'avoir des zones de largage, et nous surveillons cela de très près. Il faut se débarrasser de cela.
    D'un autre côté, j'ai aussi eu des investissements de pays étrangers qui veulent avoir accès aux États-Unis en passant par le Canada. Nous voulons manifestement davantage de tels investissements.
    Pour faire le tri… Ce que nous pouvons faire sur le terrain est limité et nous faisons des efforts, mais il faut que le gouvernement nous donne du mordant et nous donne la capacité de les empêcher. C'est essentiel. Ce n'est rien de neuf. Honnêtement, ce n'est pas nouveau, mais cela va se poursuivre, et en fait, c'est là où les dispositions de l'accord peuvent soit nous faire du tort soit nous aider. En ce moment, ces dispositions vont nous aider si nous pouvons empêcher cela.
    Si nous ne prenons pas de telles mesures, les augmentations de la teneur en valeur régionale, ou TVR, dont M. David Cassidy a parlé, vont se mettre rapidement à jouer contre nous. Une fois qu'elles seront en place, il nous sera très difficile de les changer. Je m'inquiète en fait beaucoup de ce que si cela ne se fait pas rapidement, elles seront déjà en place et vous allez alors essayer de les faire sortir au lieu de les empêcher d'entrer.
    Merci beaucoup. Bien entendu, c'est un des principaux éléments, comme je l'ai mentionné précédemment, soit l'aluminium écologique du Québec, en raison de la façon dont ils sont capables d'utiliser leur électricité. Bien entendu, s'ils essayaient de construire un barrage maintenant, je crois que ce serait un peu plus compliqué.
    C'est mon autre préoccupation, concernant notre industrie pétrolière et gazière. Nous avons des parties de ce pays qui se targuent de leurs formidables succès, mais il se passe aussi des choses formidables dans notre industrie pétrolière et gazière. Malheureusement, il semble bien que nous ne puissions pas faire avancer cela. Ce qui m'inquiète, c'est que vous parlez de l'investissement étranger direct, qui va se faire en temps et lieu, mais je crois vraiment que quand vous avez la meilleure technologie dans le monde, c'est cette technologie qui devrait être utilisée.
    Monsieur Poirier, il ne nous reste que quelques secondes. Est-ce que vous pourriez nous parler de ce que j'ai dit à propos de l'aluminium?
    Du point de vue de l'investissement, nous pouvons contrôler le commerce, et ce serait une bonne chose, mais nous avons beaucoup d'autres problèmes à régler pour faire du Canada un pays concurrentiel où faire des affaires.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Lambropoulos, qui a cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier tous les témoins d'être venus malgré un si court préavis et de témoigner devant nous aujourd'hui.
    J'aurais des questions pour chacun d'entre vous, mais parce que nous sommes manifestement limités dans le temps, je vais m'en tenir à certaines des plus importantes.
    Monsieur Azzopardi, vous avez souligné l'importance de ratifier cet accord dès que possible, et vous avez affirmé qu'il y aurait de graves conséquences si nous ne le faisions pas, et qu'il y a des conséquences chaque jour où l'accord n'est pas ratifié. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui. Ce que j'essaie de souligner, c'est que nous ne sommes pas le type de fabricant qui a un bon de commande visant quelque chose que nous produisons pour que ce soit expédié à l'étranger. Nous avons des accords quinquennaux, ce qui fait que si un de mes membres a un bon de commande des États-Unis, c'est pour cinq ans. Si quelqu'un aux États-Unis a le même bon de commande, c'est également pour cinq ans, ce qui fait que cette occasion ne se présentera pas de nouveau à un fournisseur ou un fabricant canadien pendant au moins cinq autres années. Chaque année que nous attendons, le décompte de cinq ans ne commence pas.
    Nous avons déjà manqué de nombreuses occasions au cours des cinq dernières années. Ces occasions sont perdues. C'est du passé, mais si nous continuons de manquer ces occasions… Ce sont de formidables occasions qui se présentent dans le secteur de l'automobile, avec les véhicules autonomes, l'électrification et la structure qui soutient ces occasions. Si nous ne sommes pas prêts maintenant, nous allons devoir attendre cinq ans avant d'avoir une nouvelle occasion.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cassidy, vous avez parlé de la façon dont l'ALENA…
    C'est tout le temps que nous avons aujourd'hui pour notre premier groupe de témoins, mais nous allons nous assurer de vous donner encore du temps avec le prochain groupe.
    Je remercie encore une fois les témoins de nous avoir consacré du temps aujourd'hui.

  (0900)  

[Français]

    Merci beaucoup de votre présence ce matin et de vos témoignages.

[Traduction]

    Sur ce, nous allons suspendre la séance pour permettre au deuxième groupe de témoins de s'installer.
    Merci infiniment.

  (0900)  


  (0905)  

    Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous étudions la teneur des articles 22 à 38 et 108 à 122 du projet de loi C-4.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Roger Boivin, président du Groupe Performance Stratégique; M. Scott Smith, de Honey Bee Manufacturing; et M. Mark Nantais, de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Nous avons également par vidéoconférence Mme Jennifer Mitchell, présidente, Red Brick Songs, pour Casablanca Media Publishing.
    Bienvenue. Chaque témoin aura cinq minutes pour présenter son exposé, après quoi nous allons passer aux questions. Quand vous voyez le petit papier, cela signifie qu'il vous reste 30 secondes pour terminer votre exposé. Je vais essayer de vous donner le plus de temps possible, mais notre temps est très restreint, ce matin.
    Sur ce, nous allons commencer par M. Roger Boivin, qui a cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, madame la présidente. Merci de nous avoir invités.
    Bonjour, mesdames et messieurs du Parlement du Canada. Merci de votre intérêt envers notre industrie de l'aluminium. Je suis ici pour vous en parler.
    Je viens du Saguenay—Lac-Saint-Jean et je préside une firme d'études économiques. Nous avons au Saguenay la plus grande concentration d'alumineries qui soit au monde. Dans un rayon de 50 kilomètres, nous avons cinq alumineries, et elles produisent plus de 1 million des 3 millions de tonnes d'aluminium produites par le Canada. Le Canada occupe le troisième rang des producteurs d'aluminium dans le monde. De plus, c'est le meilleur aluminium, le moins cher et celui qui a la plus faible empreinte carbone du monde.
    Nous avons une grande société, Rio Tinto, le successeur d'Alcan. En 2007, Rio Tinto a acheté Alcan, qui avait des projets au Saguenay—Lac-Saint-Jean, notamment le projet AP-60 et celui visant à terminer la construction d'une aluminerie à Alma. Rio Tinto, en tant que fiduciaire, continue le travail relatif à l'engagement de réaliser ces projets. En juillet 2019, puisque l'entente avec Alcan venait à échéance en 2020, Rio Tinto a prolongé l'entente jusqu'à 2025, se donnant jusqu'à cette date pour réaliser ces deux projets. D'ailleurs, on avait annoncé des investissements de 300 millions de dollars relatifs à ces deux projets, soit celui d'Alma et de l'usine AP-60. Cependant, trois mois plus tard, au mois d'octobre, coup de théâtre, Rio Tinto nous a dit que, à la lumière du nouvel accord de libre-échange et des nouvelles dispositions sur l'aluminium, il allait suspendre ces projets de 300 millions de dollars.
    Nous travaillons là-dessus, mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a aussi Rio Tinto et les ingénieurs. Ce sont de grands projets de grande qualité qui ont été développés pendant plusieurs années. Des centaines de millions de dollars ont été investis là-dedans pour produire le meilleur aluminium possible. Cependant, à cause d'une disposition de l'ACEUM que vous connaissez, celle sur les règles d'origine, qui fait en sorte que l'aluminium n'a pas le même traitement que l'acier, nous perdons notre accès au marché américain.
    Sur le territoire de la ville de Saguenay, il y a des alumineries. Dans la ville d'Alma, les travailleurs de l'aluminium d'Unifor et du Syndicat des Métallos, qui représentent les travailleurs des usines, ainsi que la Société de la Vallée de l'aluminium, qui représente les 4 000 personnes qui travaillent dans la centaine d'entreprises autour de la grande industrie de l'aluminium, se sont unis pour financer une étude afin d'évaluer ce qui arriverait si on maintenait l'ACEUM dans sa forme actuelle. Le résultat est que cela suspendrait la réalisation de projets qui pourraient produire 850 000 tonnes de nouvel aluminium extrêmement avantageux sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.
    La production d'une tonne d'aluminium québécois ou canadien génère deux tonnes de gaz à effet de serre, contre 18 tonnes de gaz à effet de serre pour chaque tonne d'aluminium chinois. C'est la production d'aluminium qui génère le moins d'émissions de gaz à effet de serre au monde, parce qu'elle s'appuie sur l'hydroélectricité en Colombie-Britannique et au Québec.
    Les projets que j'ai mentionnés produiraient 850 000 tonnes d'aluminium et généreraient 6,2 milliards de dollars d'investissements au Québec dans les projets déjà annoncés. Un projet d'expansion est prévu chez Aluminerie Alouette, qui a investi 50 millions de dollars dans une étude de préfaisabilité, mais il a été suspendu à cause de la nouvelle disposition. Les deux projets qui étaient déjà annoncés au Saguenay ont été suspendus. Cette industrie est fortement préoccupée par cela.
    Vous savez, le monde est complexe — je ne vous expliquerai pas cela, vous travaillez sur des dossiers complexes —, et cette industrie est capable de gérer le monde complexe dans lequel elle vit. Cependant, cette nouvelle disposition crée une incertitude totale quant à l'entrée de n'importe quel aluminium dans le monde en passant par le Mexique. En effet, la disposition actuelle permet à n'importe quel aluminium d'entrer au Mexique et d'être considéré ensuite comme de l'aluminium nord-américain.
    Nous avons déjà une industrie qui emploie 80 000 personnes au Québec, et les projets en cours pourraient générer 1 milliard de dollars de dépenses de plus par année, sans compter les 6 milliards de dollars pour la construction. Ils généreraient ainsi 3 000 nouveaux emplois de base à un salaire annuel d'environ 80 000 $ chacun. C'est une industrie extrêmement importante. C'est donc la goutte qui fait déborder le vase.
     Le président de l'association est venu ici et vous a dit qu'il soutenait l'accord du bout des lèvres. Il disait qu'au moins, on avait un accord. Ensuite, il vous a sorti une douzaine de choses qui manquaient dans l'Accord. Ils sont extrêmement inquiets et ils suspendent les projets. Il est donc dans l'intérêt national de régler cette question et de fermer cette porte.
    Croyez-moi, nous sommes ouverts au monde. Nous sommes un pays qui fait du commerce, c'est évident. Notre commerce avec les Français, les Britanniques et les Américains nous a enrichis. Nous sommes pour le commerce, mais pour le commerce équitable. Nous venons de l'Amérique du Nord, où il y a des compagnies. Prenons l'aluminium, par exemple. Alcoa, la plus vieille compagnie d'aluminium du monde, est une compagnie. Rio Tinto est une compagnie. Toutefois, dans le reste du monde, ce ne sont pas des compagnies qui produisent de l'aluminium, ce sont des gouvernements qui ont des intérêts politiques légitimes.
    Au Brésil, en Inde et en Chine, les gouvernements se servent de l'aluminium pour créer de l'emploi, et ils réduisent les prix. Ils font du dumping. Nous avons de l'aluminium économique; ils ont de l'aluminium politique. Si vous laissez entrer cet aluminium, c'est sûr que notre industrie ne pourra pas concurrencer un gouvernement comme celui de Dubaï qui va réduire les prix.

  (0910)  

    C'est pourquoi c'est dans l'intérêt national de réglementer l'accès du marché nord-américain à de l'aluminium illégitime, tel que cela a été dit par le président de l'Association de l'aluminium du Canada. Nous soutenons aussi cette proposition.
    Merci beaucoup, monsieur Boivin.

[Traduction]

    Nous continuons d'avoir des difficultés techniques en ce moment, alors nous allons donner la parole à M. Smith.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci. Je me suis préparé pour 10 minutes, mais je vais le faire en 5 minutes.
    Je suis Scott Smith. J'ai le privilège de représenter les 160 employés de Honey Bee Manufacturing. Je suis accompagné de Jamie Pegg, notre gestionnaire général. Nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de discuter de ces questions, en particulier concernant les enjeux liés aux lois visant la concurrence et le droit d'auteur que le Comité examine.
    Depuis 1979, soit plus de 30 ans, nous fabriquons de l'équipement agricole qui se fixe aux principales marques d'équipements de FEO, notamment John Deere, Case, New Holland, AGCO et ainsi de suite. Nous exportons nos produits. Je dirais que 40 % de notre production est consommée au Canada, et 66 % est exportée, dont 33 % vers les États-Unis. Nous exportons nos produits vers environ 26 pays, mais nous rencontrons une difficulté, celle de l'interopérabilité. Récemment, avec les mesures de protection techniques et ainsi de suite, les entreprises se sont mises à utiliser des verrous et clés numériques pour empêcher l'interopérabilité de notre équipement avec ces grandes marques de FEO. C'est une forme de protectionnisme qui leur permet de posséder et d'exploiter la chaîne de valeur tout entière en excluant les fabricants indépendants.
    Au Canada, nous avons 1 400 fabricants de dispositifs qui se fixent à de l'équipement d'exploitation agricole, minière ou forestière, ou à de l'équipement de construction. Parmi ces fabricants, 500 produisent de l'équipement agricole. Cet équipement agricole est principalement fabriqué près de petites collectivités au Canada, des collectivités rurales, où se fait la majorité de ce type de fabrication. C'est un défi pour nous de pouvoir continuer à fabriquer légalement nos produits et à les vendre sur ces plateformes. La Copyright Act des États-Unis comporte des dispositions qui permettent le contournement à des fins d'interopérabilité. Ce n'est pas le cas de la Loi sur le droit d'auteur du Canada, par rapport à l'accord.
    Nous aimerions que cela soit ratifié avant la signature de l'accord commercial, de sorte que nous ne soyons pas dans une situation injuste qui nous empêcherait de faire concurrence légalement sur le marché, ici et à l'étranger. Les moissonneuses-batteuses pour lesquelles nous fabriquons notre équipement sont les mêmes qui sont vendues partout dans le monde. Il n'y a pas de différence. Le blocage ici au Canada équivaut à un blocage à l'échelle mondiale. Cela représente environ 2,1 milliards de dollars par année en exportations d'équipements agricoles du Canada, dont environ 1,9 milliard de dollars en exportations vers les États-Unis. Si l'interopérabilité avec les plateformes américaines ne nous est plus possible — des plateformes mondiales, dans ce cas —, les répercussions sur nos collectivités seront très graves.
    Nous employons 160 personnes dans un village qui en compte 300. Nos employés viennent d'un secteur qui s'étend à 100 kilomètres vers l'est, l'ouest et le nord de nos installations, et le Montana se trouve dans notre cour arrière. Nos employés viennent de partout dans le monde, notamment de la Syrie, de l'Allemagne, du Venezuela et de l'Inde, de même que des localités environnantes. Bon nombre de nos employés sont des enfants de quatrième ou de cinquième génération de fermiers. Nous ne voulons pas voir cela mourir. Ce serait dévastateur pour nos collectivités.
    Nous devons au moins avoir une disposition sur le droit d'auteur correspondant à celle des États-Unis, qui permet les exceptions relatives aux adaptations d'interopérabilité. Ces adaptations sont très coûteuses, et il faudrait que nous le fassions pour chaque plateforme. À long terme, la solution idéale serait un projet de loi présenté par des élus qui garantirait que l'équipement importé au Canada est soumis à des normes d'interopérabilité ouvertes plutôt qu'à un principe de rétro-ingénierie adaptée. Par exemple, pour un produit, il nous en coûte entre 800 000 $ et 1 million de dollars pour la rétro-ingénierie et la création d'une solution de contournement ou pour compléter un système parallèle permettant l'interopérabilité de notre équipement avec l'équipement des FEO.
    Les FEO n'ont pas facilité l'accès à cette interopérabilité. Ce n'était pas un problème dans le passé. C'était simple comme brancher un clavier dans votre ordinateur, mais maintenant qu'ils recourent aux verrous et aux clés numériques, nous voyons déjà que plusieurs plateformes ont été bloquées. Il nous faut une permission pour le faire. Quand ils finissent par nous donner la permission et nous fournir ce qu'il faut pour notre équipement, ils disent qu'ils restreignent la vente de ce produit à tel marché et à tel client — personne d'autre. Ce n'est pas acceptable, et c'est ce que nous voulons résoudre aujourd'hui.
    Vous trouverez tous nos commentaires dans les documents que nous avons distribués et que vous pourrez examiner ultérieurement.

  (0915)  

    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Nantais, qui a six minutes. Merci.
    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Je suis très heureux d'avoir été invité à venir représenter Fiat Chrysler, Ford et General Motors du Canada. Nos membres exploitent quatre usines de montage, ainsi que des usines où sont fabriqués des moteurs et des pièces. Ils investissent des milliards de dollars dans le développement de technologies à émission zéro et de technologies avancées de sécurité des véhicules. Nous avons plus de 1 300 concessionnaires indépendants à l'échelle du Canada et nous contribuons à créer des emplois de qualité pour plus d'un demi-million de Canadiens.
    L'adoption de l'ACEUM est essentielle pour apporter des assurances aux fabricants automobiles de l'Amérique du Nord. Les dispositions visant l'automobile et les lettres d'accompagnement qui offrent une protection contre les mesures tarifaires américaines relevant de l'article 232 sont des éléments critiques qui viennent soutenir la compétitivité de l'industrie de l'automobile à l'intérieur du bloc commercial de l'Amérique du Nord. Il est important de garder à l'esprit que, pour le secteur de l'automobile du Canada, l'option autre que la conclusion de cet accord serait l'annulation de l'ALENA, le retour des tarifs sur les véhicules finis et les pièces, et le retour vraisemblable des tarifs relevant de l'article 232 sur le matériel de production. Nous avons très hâte à la ratification finale de l'accord, et c'est ce qui explique notre hâte. Encore une fois, nous voulons remercier l'équipe de négociation canadienne d'avoir travaillé si étroitement avec nous pendant toute la durée des négociations et d'avoir au bout du compte veillé à ce que le secteur automobile du Canada reste une partie intégrante de l'industrie nord-américaine.
    Cet accord était tout simplement essentiel à l'existence de la plus importante industrie canadienne de fabrication et d'exportation. L'accord raffermit l'intégration de longue date de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie, qui est absolument nécessaire à sa compétitivité, et confirme le besoin continu d'harmoniser les règlements techniques relatifs aux véhicules automobiles avec ceux des États-Unis — une partie intégrante du commerce et de l'environnement —, tout en garantissant au consommateur un meilleur choix de produits et une meilleure abordabilité. Les parties du nouvel accord qui visent l'automobile, y compris les règles d'origine et les dispositions relatives à la teneur en main-d'œuvre ainsi que les lettres d'accompagnement sur l'article 232 de la loi américaine, sont des éléments que tous nos membres appuient et auxquels ils peuvent s'adapter sur une période de temps raisonnable de manière à ce que nous soyons conformes, ce qui nous permettra de continuer à jouir d'un accès en franchise de droits au marché le plus important et le plus profitable de l'automobile dans le monde.
    Depuis le Pacte de l'automobile qui remonte à 1965, l'industrie de l'automobile au Canada et ses chaînes d'approvisionnement se sont profondément intégrées avec les États-Unis et, au fil du temps, avec le Mexique. Les véhicules sont montés de façon intégrée des deux côtés de la frontière, et cela se traduit par une profonde intégration qui mène à une industrie de l'automobile canadienne plus compétitive, à des choix accrus pour les consommateurs, et ce, à des prix abordables, et à un bloc commercial nord-américain robuste.
    Quand l'ALENA original a pris effet en 1994, il a servi de base à un bloc commercial solide et compétitif à l'échelle mondiale — vous verrez que je parle constamment d'un « bloc commercial », ce qui est vraiment crucial. La proximité géographique des trois partenaires de l'ALENA facilite le secteur des pièces automobiles, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, et les chaînes d'approvisionnement juste à temps ont été essentielles aux activités de montage de véhicules en Amérique du Nord. Elles ont aussi donné lieu à des avantages sur le plan des coûts du transport et de la logistique de la chaîne d'approvisionnement.
    Aujourd'hui, l'industrie de l'automobile est le deuxième plus important secteur automobile canadien, avec des échanges commerciaux de 54 milliards de dollars en 2019, soit environ 92 % de la valeur totale, pour les exportations vers les États-Unis. Les États-Unis sont notre principal partenaire du secteur de l'automobile. Il est absolument essentiel qu'un accord commercial soit en place pour servir de base à la production automobile au Canada et aux exportations.
    Nous devons toujours garder à l'esprit que le Canada forme tout simplement le dixième d'une industrie complexe, entièrement intégrée et caractérisée par de longs délais. Les plans de produits et les plans d'investissement manufacturier d'une valeur de plusieurs milliards de dollars s'amorcent habituellement plus de cinq ans avant le début de la production. Les planificateurs doivent avoir des certitudes en matière de réglementation pour prendre leurs décisions. Ils ont particulièrement besoin que le Canada maintienne des normes entièrement harmonisées avec les États-Unis concernant la sécurité, les véhicules, les GES et les critères. C'est impératif pour que nous puissions continuer de faire partie de cette industrie entièrement intégrée qui exige d'importants investissements et qui se caractérise par de longs délais. Je dirais simplement que nous n'avons pas travaillé aussi fort à moderniser le commerce intégré et réglementé de l'Amérique du Nord, pour ensuite perdre de vue nos objectifs et nous mettre à dériver à cause d'orientations réglementaires uniques ou différentes. Cela pourrait nous ramener à la case départ et nous laisser en marge.
    Les représentants du Canada doivent aussi maintenir un degré élevé d'engagement avec leurs homologues des États-Unis et du Mexique. Nous ne pouvons relâcher nos efforts si nous voulons veiller à ce que le Canada soit suffisamment compétitif pour attirer de futurs investissements dans le secteur manufacturier sur lesquels s'appuiera une grande partie de la chaîne d'approvisionnement de l'automobile au Canada. Les coûts de l'exploitation dans le secteur de l'automobile au Canada doivent être compétitifs — plus que compétitifs, en fait —, et cela comprend les incitatifs à l'investissement, les coûts du carbone, les conventions collectives, des taxes qui suivent le rythme des États-Unis, des prix compétitifs pour l'électricité et un contexte concurrentiel en ce qui concerne la réglementation.
    Il est important de se rappeler que le secteur automobile traverse l'une des périodes les plus arides de ses 100 ans d'histoire. Nous devons travailler en étroite collaboration avec tous les ordres de gouvernement. Nous respectons totalement le besoin du Comité d'entendre les Canadiens et de poser des questions.

  (0920)  

    Je comparais devant divers comités de la Chambre depuis maintenant 36 ans. Nous comprenons certainement le processus et nous vous encourageons à faire ce qui s'impose, dans le cadre de votre mandat, pour que le tout se concrétise. Au cours des deux dernières années, nous avons collaboré avec tous les partis afin de discuter des questions très complexes qui entrent en ligne de compte, et nous vous sommes reconnaissants de l'intérêt que vous portez à la tenue d'un dialogue ouvert.
     Je vous remercie encore une fois de cette invitation, et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Nantais.
    Nous allons maintenant passer à Jennifer Mitchell et à Casey Chisick, qui se joignent à nous par vidéoconférence depuis Toronto.
    Vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé. Merci.
     Merci beaucoup, madame la présidente, distingués membres du Comité, de nous donner l'occasion de témoigner devant vous. Je suis ici aujourd'hui avec Casey Chisick, conseiller juridique externe du cabinet d'avocats Cassels pour l'organisme Éditeurs de Musique au Canada, ainsi que pour mes propres entreprises.
    Depuis près de deux décennies, j'ai le bonheur d'exploiter une entreprise indépendante d'édition musicale dont je suis propriétaire et qui appartient à des intérêts canadiens. Je suis ici pour vous parler de la nécessité de mettre en œuvre immédiatement, intégralement et inconditionnellement la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur, en conformité avec l'Accord Canada-États-Unis-Mexique. Ainsi, les petites et moyennes entreprises du secteur de l'édition musicale et les auteurs-composieurs pourront continuer à innover, à croître et à exporter des chansons dans le monde entier.
    L'édition musicale canadienne est une industrie de 329 millions de dollars, qui prend de l'expansion d'année en année grâce à des entrepreneurs innovateurs qui contribuent à créer de la valeur à partir de chansons. À l'ère du numérique et de la mondialisation, les chansons, la musique et la culture ne connaissent pas de frontières, si bien que de nombreux auteurs-compositeurs canadiens parviennent à remporter du succès sur la scène internationale grâce à l'étendue des possibilités qui leur sont offertes à l'étranger.
     Le marché canadien est tout simplement trop petit pour permettre aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs de musique de réussir uniquement à l'intérieur des frontières du pays. Par conséquent, les éditeurs de musique travaillent fort et effectuent des investissements pour aider les auteurs-compositeurs à gagner en popularité et à s'imposer sur les marchés internationaux. En fait, les deux tiers des revenus des éditeurs de musique proviennent maintenant de sources étrangères, ce qui constitue un changement radical par rapport à 2005, où seulement le quart de leurs revenus provenaient de ces mêmes sources étrangères.
     L'élément déterminant qui nous a permis de composer avec les changements technologiques a été notre capacité de prendre de l'expansion à l'échelle mondiale. Les éditeurs de musique se servent de leurs relations dans d'autres pays, relations forgées pendant de nombreuses années, pour créer des occasions favorables à la réussite des auteurs-compositeurs.
    L'édition musicale consiste à représenter les auteurs-compositeurs et leurs chansons tout au long de leur carrière, ainsi qu'à défendre les droits d'auteur. Nous adoptons une perspective à long terme et nous travaillons beaucoup en coulisse pour créer de la valeur. Nous sommes les partenaires des auteurs-compositeurs. Nous ne nous contentons pas d'investir financièrement en eux; nous investissons aussi du temps et nous misons sur nos relations pour faire évoluer leur carrière.
    Il s'agit de mettre en liaison des auteurs-compositeurs comme Jeen O'Brien avec des partenaires qui œuvrent sur des marchés lucratifs comme le Japon pour la coécriture de chansons qui seront interprétées par d'autres artistes ou utilisées à la télévision, au cinéma, dans des publicités ou des jeux vidéo. Il s'agit d'organiser des séances de coécriture, comme nous l'avons fait pour Dan Davidson à Londres, en Angleterre et en Chine, en plus de financer la promotion radiophonique. Ces efforts ont abouti à la création d'une chanson qui s'est hissée au palmarès des 20 chansons country les plus populaires au Canada.
    Il s'agit aussi de prendre des risques, par exemple, en signant un contrat avec Tom Probizanski, un auteur-compositeur en devenir qui a quitté Thunder Bay pour s'installer à Toronto. Nous avons payé ses voyages à Los Angeles et au Danemark afin qu'il puisse coécrire des chansons. Il a sorti son microalbum, sous le nom de « Zanski », et nous avons payé la promotion de son blogue et de sa liste de diffusion afin que l'on parle de lui dans le magazine Clash et sur EARMILK et afin qu'il figure dans diverses listes de diffusion de Spotify.
    Si nous avons pu prendre ces risques et investir ces sommes d'argent dans Jeen O'Brien, Dan Davidson et Tom Probizanski, c'est uniquement parce que nous pouvions compter sur les revenus tirés de plusieurs chansons dont mes entreprises détiennent les droits d'auteur. Ces efforts ont été rendus possibles grâce à la valeur que nous avons pu créer au moyen de chansons comme Imagine, de John Lennon, What a Wonderful World, My Way, Y.M.C.A., Start Me Up, des Rolling Stones, Skinnamarink, de Sharon, Lois et Bram, et même le thème des Simpsons.
    Voilà qui nous amène à la discussion d'aujourd'hui. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir accepté, dans le cadre de l'ACEUM, de prolonger de 20 ans la durée de la protection du droit d'auteur pour les œuvres. Il est toutefois essentiel que le gouvernement mette en oeuvre cette disposition de façon intégrale, immédiate et inconditionnelle, au lieu d'attendre le délai de 30 mois prévu dans l'ACEUM. Le projet de loi C-4 prolongerait la durée de la protection du droit d'auteur pour quelques œuvres seulement: les œuvres anonymes, les œuvres audiovisuelles, etc. Il ajouterait cinq années de plus à la durée de la protection pour les prestations et les enregistrements sonores, durée qui a déjà été prolongée en 2015. Il y a donc certes de quoi s'en réjouir.
    Cependant, le projet de loi ne va pas jusqu'au bout. En effet, il ne prolonge pas la durée de la protection pour les compositions musicales, c'est-à-dire les chansons. Au nom de l'organisme Éditeurs de Musique au Canada et des auteurs-compositeurs avec qui je travaille, j'implore les membres du Comité d'amender le projet de loi C-4 afin d'aligner le Canada sur ses partenaires commerciaux dans le monde en prolongeant immédiatement la durée de la protection du droit d'auteur pour toutes les œuvres musicales, littéraires, dramatiques et artistiques, au lieu de s'en tenir à la période de transition de 30 mois.
    Pourquoi est-ce important? Beaucoup d'œuvres tomberont dans le domaine public au cours des 30 prochains mois. Cela nuira à la capacité des créateurs et des éditeurs de réinvestir dans l'économie canadienne.

  (0925)  

    Comme je l'ai mentionné, de nombreuses entreprises d'édition musicale sont de petites et moyennes entreprises qui comptent sur les revenus réguliers provenant de chansons à succès afin de développer de nouveaux talents. Pour une petite entreprise comme la mienne...
    Madame Mitchell, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons, mais je suis sûre que vous aurez l'occasion d'y revenir durant la période des questions. Je sais que vous nous avez fait circuler un document, que nous avons tous sous les yeux.
    Sur ce, nous allons passer à la période des questions, et chaque parti disposera de six minutes. Le premier intervenant sera M. Patzer.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    En premier lieu, je tiens à remercier tout le monde de comparaître devant nous, malgré le très court préavis, pour prendre part à notre discussion d'aujourd'hui.
    Je suppose que ma première question s'adresse à vous, monsieur Smith. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier encore une fois d'avoir souligné que le secteur de la fabrication de matériel agricole est un élément essentiel pour les régions rurales du Canada. En plus d'offrir des possibilités d'emploi, ce secteur permet aux petites villes de rester viables parce qu'il contribue grandement au tissu social de nos collectivités.
    Monsieur Smith, vous avez parlé notamment des lois sur le droit d'auteur en vigueur au Canada et aux États-Unis. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre ces lois et la façon dont elles touchent votre industrie?
    La principale différence est que la législation américaine sur le droit d'auteur prévoit des exemptions à l'interdiction de contournement. Le contournement de la propriété intellectuelle d'une personne ou de son matériel protégé par le droit d'auteur est généralement illégal, mais lorsqu'une exemption est accordée à des fins d'interopérabilité, c'est une solution très viable et importante. À l'origine, cette disposition a été inscrite dans la loi pour tenir compte des besoins des personnes handicapées qui doivent utiliser différents dispositifs de saisie au clavier, d'où la nécessité de modifier les logiciels pour permettre l'utilisation de ce type d'outils. Dans notre cas, une telle capacité ne s'avère pas nécessaire, mais les fabricants d'équipements d'origine ont décidé d'en faire une exigence, car ils bloquent toute possibilité de conception ouverte dans l'écosystème.
    Depuis 30 ans, nos produits ne sont dotés que de quelques fils qu'il suffit de brancher pour les faire fonctionner. La technologie qui s'ajoute ne change pas la fonctionnalité de l'équipement. Elle ne fait que créer un verrou et une clé numériques afin de pouvoir choisir d'exclure l'équipement.
    Si nous adoptons au Canada l'exemption prévue dans la législation américaine sur le droit d'auteur, cela nous donnera le fondement juridique nécessaire pour procéder à ces adaptations sans enfreindre la loi. Ce n'est pas vraiment l'idéal, comme je l'ai dit. La rétro-ingénierie et la mise au point de systèmes parallèles coûtent très cher, mais c'est un point de départ. Voilà le minimum que nous réclamons; c'est déjà établi dans la législation américaine sur le droit d'auteur, et il est possible de transposer cela dans la législation canadienne sans que les États-Unis s'y opposent ou sans qu'un tel ajout suscite des querelles, etc., avant la signature de l'accord commercial. L'accord commercial est très important pour nous, mais sans une telle disposition, nous sommes cuits. En fait, nous sommes privés de toute capacité d'interopérabilité avec l'équipement d'autres fabricants.

  (0930)  

    J'en conviens. Si la disposition est intégrée à la Loi sur le droit d'auteur du Canada, cela réglera-t-il entièrement la question, ou est-ce simplement, comme vous l'avez dit, un point de départ? Si vous voulez nous en dire un peu plus, que faut-il faire d'autre, mis à part l'ajout d'une telle exemption à la Loi sur le droit d'auteur, pour régler ces problèmes?
    Avec une telle disposition, nous avons un fondement juridique nous permettant de faire ce qui s'impose pour la rétro-ingénierie, mais c'est la voie la plus coûteuse. Pour chaque plateforme, il nous en coûte entre 800 000 $ et 1 million de dollars pour mettre au point un système technique complet qui reproduit tout ce que font déjà les systèmes de tracteurs, puis pour intégrer le tout, brancher le système en parallèle ou le remplacer, selon qu'il s'agisse de notre produit ou de celui d'un autre. Ce n'est pas une solution viable. Ce n'est pas ce que veulent les agriculteurs. On ne veut pas avoir à démonter un clavier pour ensuite le brancher dans un ordinateur portable, câble par câble, touche par touche. On veut simplement le brancher et faire fonctionner le tout.
    Ce qu'il faut vraiment, c'est une sorte de mandat pour l'interopérabilité ouverte. Cela touche, je le répète, l'équipement utilisé dans les secteurs de la construction, de l'exploitation minière, de la foresterie et de l'agriculture. Ils sont tous dans le même bateau. C'est une question sur laquelle nous nous penchons depuis longtemps, et nous avons collaboré avec le gouvernement au cours de l'année dernière par l'entremise d'Affaires mondiales, d'ISDE, de Patrimoine canadien, d'Agriculture Canada et du Bureau de la concurrence pour essayer de trouver une solution axée sur les mesures législatives et les moyens existants. D'ailleurs, la semaine dernière, notre dossier auprès du Bureau de la concurrence a été fermé, faute de dispositions législatives pour appuyer les mesures à prendre.
    Dans le contexte d'un tel accord commercial, c'est un point qui aurait certainement pu et dû être traité davantage. Nous avions une occasion en or, selon moi, pour que cette question soit abordée dans l'accord, mais cela ne semble pas avoir été le cas.
    En effet, cette question n'y a pas été traitée, et elle aurait dû l'être.
    Mes collègues ont-ils des questions à poser?
     Merci.
    Monsieur Boivin, vous avez parlé de la suspension de projets d'une valeur de 300 millions de dollars ou de la perte de l'accès au marché américain. Les représentants d'Unifor étaient ici plus tôt, et ils n'ont rien dit au sujet de leurs préoccupations. C'est par là que j'aimerais commencer.
    Lorsque nous voyons le retrait de tous ces produits, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'aluminium en provenance de l'étranger finit par être stocké au Mexique, ce qui nous préoccupe. Nous avons également entendu l'argument selon lequel le Canada bénéficie maintenant d'une protection de 70 % aux termes de l'accord, alors qu'auparavant, nous n'en avions aucune. Pourtant, en 1994, nous avions une protection de 100 % puisque c'est nous qui fournissions ce produit.
    Pourriez-vous nous dire quelques mots là-dessus?

[Français]

    Oui. Du point de vue historique, nous avions bien sûr un accès protégé.
    Toutefois, dans le reste du monde, l'industrie de l'aluminium s'est beaucoup développée ces dernières années. Le fait que des pays étrangers pouvaient vendre ici demeurait possible. Sur le plan économique, l'industrie de l'aluminium du Canada est celle qui a les coûts de production les moins élevés du monde, entre autres à cause de l'autoproduction à Kitimat, mais aussi de Rio Tinto, au Québec, et, bien sûr, des tarifs préférentiels dont Alcoa ou Aluminerie Alouette bénéficient.
    Sur le plan économique, nous pouvons faire face à la concurrence. Pour des raisons tout à fait légitimes, au Moyen-Orient, en Inde, au Brésil et en Chine, une importante industrie de l'aluminium s'est développée. Le président de l'Association parlait de 35 milliards de dollars seulement pour une compagnie. J'ai aussi des documents à l'appui.
    Des subventions s'élevant à 100 milliards de dollars ont été accordées à l'ensemble des compagnies chinoises. Ces pays encouragent le développement de l'aluminium sur le plan régional. C'est légitime, mais nous ne pouvons pas être sur un même pied.
    Monsieur Boivin, c'est tout le temps que nous avions.
    Vous avez tout à fait raison.
    Je termine en disant que c'est ce qui a changé, et c'est ce qui nous oblige à nous doter d'une protection maintenant.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de Mme Lambropoulos.
    Vous avez six minutes.
     Je tiens à remercier tous nos invités de leur témoignage d'aujourd'hui et de leur présence parmi nous, malgré un si bref préavis.
     Madame Mitchell, je sais que vous avez été interrompue et j'aimerais vous donner l'occasion de terminer ce que vous disiez plus tôt.
     Je voudrais également signaler que, de toute évidence, l'accord prévoit une exception culturelle, ce qui touche, j'en suis sûre, bon nombre des créateurs avec qui vous travaillez et que vous représentez. Pouvez-vous nous en parler un peu aussi?
    Par ailleurs, pouvez-vous terminer vos observations sur le droit d'auteur? Je sais que vous accueillez favorablement notre décision de protéger le droit d'auteur pendant 20 ans de plus, mais vous avez mentionné quelque chose au sujet de la transition.
    Pouvez-vous reprendre à partir de là?

  (0935)  

    Volontiers.
    Juste pour terminer rapidement ce que j'étais en train de dire, le délai de 30 mois avant de mettre en œuvre la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur pour toutes les catégories de propriété intellectuelle, en particulier lorsqu'il s'agit de chansons et de compositions musicales, créera plus de confusion sur le marché.
    En premier lieu, nous étouffons ainsi l'innovation et la créativité, le potentiel d'exportation et la croissance des petites entreprises, mais nous risquons également de semer encore plus de confusion. Les utilisateurs commerciaux qui achètent les droits d'une chanson le font généralement à l'échelle mondiale, ce qui signifie qu'ils doivent obtenir une licence pour le monde entier. Rester en décalage avec tous nos partenaires commerciaux internationaux continuera à compliquer le processus de délivrance de licences pour les utilisateurs, au lieu de leur faciliter la tâche.
    Par ailleurs, nous risquons de rendre la situation encore plus complexe si nous prolongeons la durée de la protection du droit d'auteur pour certaines catégories de propriété intellectuelle, mais pas pour d'autres, comme le prévoit le projet de loi C-4.
     Ce qu'il importe de ne pas perdre de vue, c'est qu'il s'agit, au fond, d'une question internationale. On parle d'œuvres de compositeurs comme Jimmy Hendrix, Janis Joplin, Duane Allman, et la liste est longue; toutes ces oeuvres entreront dans le domaine public pendant la période de transition de 30 mois prévue par l'ACEUM. Pour ce qui est de l'exemption culturelle, il est tentant de dire que ces compositeurs ne sont pas canadiens et que cela n'a donc pas d'importance, mais c'est important, car ce sont les revenus tirés des œuvres de compositeurs du monde entier qui donnent aux éditeurs canadiens comme Mme Mitchell le financement dont ils ont besoin pour réinvestir dans les auteurs et les chansons dont elle a parlé dans sa déclaration préliminaire.
    C'est vraiment une question cruciale. Il est déconcertant de voir que le gouvernement choisit d'attendre encore 30 mois et qu'il laisse ainsi des centaines, voire des milliers de compositions de valeur tomber dans le domaine public, après quoi elles ne pourront plus jamais être récupérées par les éditeurs qui dépendent de ces revenus pour leur investissement dans la culture canadienne.
    [Difficultés techniques] à propos de l'exception culturelle, l'un ou l'autre d'entre vous pourrait-il dire quelques mots sur le maintien de cette protection? Ce n'est pas quelque chose qui figurait dans la version initiale de l'ACEUM au début des négociations.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance d'y inclure une telle protection?
    Je suis désolé. Nous n'avons pas entendu le début de votre question.
    L'exception culturelle prévue dans l'ACEUM touche-t-elle votre industrie? Je crois qu'elle a une incidence sur les créateurs de contenu canadien et sur l'ensemble de l'industrie culturelle.
    Oui, c'est vrai, et cela touche les créateurs de manière positive. Il est important de maintenir la loyauté envers la culture canadienne, car c'est ce qui a permis à l'industrie canadienne de la musique, entre autres, de prospérer au cours des 50 dernières années. Préserver cette protection dans l'ACEUM et dans sa mise en œuvre est, bien sûr, essentiel.
    Malheureusement, cela ne règle pas la question dont nous vous parlons aujourd'hui, à savoir la mise en œuvre de la disposition visant à prolonger la durée de la protection du droit d'auteur.
    Je vous remercie beaucoup de vos réponses.
    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?
    Vous avez une minute et demie.
    Ma prochaine question s'adresse au représentant de Honey Bee Manufacturing.
     Je sais que vous avez proposé certains changements. Bien entendu, les témoins précédents nous ont dit que si nous apportions trop de changements, nous ne pourrions pas ratifier l'accord, ce qui aurait évidemment de graves conséquences pour l'économie canadienne et pour de nombreuses entreprises qui font des affaires avec les États-Unis. En général, cela aurait une incidence énorme en matière de pertes d'emplois et tout le reste.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est important que nous ratifiions cet accord, quels que soient les changements qui s'imposent? En quoi la ratification de cet accord serait-elle bénéfique pour votre entreprise et vos travailleurs?
    Nous sommes en faveur de l'accord commercial dans son ensemble, tel qu'il est présenté.
    Tous nos produits sont fabriqués à partir d'acier et d'aluminium. Par conséquent, les droits de douane imposés sur ces métaux nous ont fait vraiment mal au cours des dernières années. L'autre problème, c'est l'exportation de la production agricole, sans compter celle de nos propres produits. Toutefois, de façon générale, nous reconnaissons la valeur et l'importance d'un accord commercial.
    En ce qui a trait aux mesures législatives sur le droit d'auteur, de notre point de vue, il est urgent d'inclure cette exemption. À défaut de quoi, cet accord commercial ne nous sera d'aucune utilité dans nos collectivités.

  (0940)  

[Français]

    Pour le prochain tour de questions, nous donnons d'abord la parole à M. Sébastien Lemire.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Boivin, d'être parmi nous. Ma première question s'adresse à vous.
    Vous avez parlé d'une étude dans laquelle on mentionne les conséquences de la suspension de projets d'une valeur de 6,2 milliards de dollars. Conséquemment, cela se traduit par une catastrophe pour la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. N'est-ce pas?
    Je vous invite à donner des réponses courtes, car j'ai plusieurs questions.
    Bien sûr, mais il ne faut pas oublier que la production de l'industrie de l'aluminium se fait sur la Côte-Nord, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, à Donnacona, dans la région de Bécancour ainsi qu'à Kitimat, mais la transformation — donc les fonderies — se fait partout. Il y a des milliers de fournisseurs en Ontario et au Québec. C'est une industrie qui a une importance nationale.
    Effectivement, les conséquences sur les PME sont importantes. Il y a tout un jeu politique autour de cette signature, et l'on parle notamment de compensations pour l'industrie. Évidemment, l'industrie s'est montrée satisfaite à cet égard.
    Craignez-vous que cet argent puisse simplement être pris puis investi au Mexique pour la construction d'usines qui pourrait être le fait du dumping chinois?
    C'est une autre bonne observation, monsieur le député.
    Effectivement, le montant de 1,3 milliard de dollars en compensations n'a pas été payé par les producteurs primaires d'acier. Ce n'est pas Algoma qui a payé cela, ce n'est pas Stelco, ce n'est pas Rio Tinto. Ce sont des PME dans le secteur de la transformation qui ont assumé le fardeau et investi 1,3 milliard de dollars dans l'acier et dans l'aluminium.
    Il serait pour le moins indécent que le montant de 1,3 milliard de dollars, s'il était dépensé de nouveau, revienne aux géants de l'aluminium, qui ont leurs propres problèmes. Il faut absolument s'assurer, comme gouvernement, que le 1,3 milliard de dollars revient aux PME qui l'ont payé. Sinon, on indemnise la mauvaise personne. Cela deviendrait une aberration.
    On reconnaît donc qu'en ce moment, cette situation crée énormément d'incertitudes.
    Conséquemment, comment peut-on développer une industrie comme celle de l'aluminium dans le contexte de ces incertitudes, s'il n'y a pas de changements apportés et si l'Accord est ratifié tel quel?
    L'industrie adoptera une position défensive. On va se retrouver avec une industrie de deuxième ou de troisième classe. Elle ne mourra pas, mais elle va décliner. Elle deviendra une industrie qui ne serait plus compétitive. Nous avons une industrie en position offensive qui a beaucoup investi dans le développement de beaux projets.
    Il faut absolument fermer cette porte, mais pas à la production légitime d'aluminium; nous sommes capables de faire concurrence à un autre pays qui vend l'aluminium au prix légitime, mais pas avec ceux recevant des subventions pour la production d'aluminium. Cette porte qui s'ouvre vers le Mexique est la goutte qui fait déborder le vase.
    C'est pour cela que l'industrie nous donne rendez-vous dans 10 ans. Il n'y aurait plus d'investissements majeurs d'ici 10 ans, sauf les investissements liés à la productivité pour demeurer en position défensive. Le Canada et le Québec ont besoin de cette industrie. C'est la deuxième industrie en importance au Québec. C'est une très grosse industrie; elle est en position offensive, je le répète, et elle développe des stratégies très performantes sur le plan mondial.
     C'est une industrie importante au Québec et au Canada.
    Oui.
    Cela vaut la peine de le mentionner.
    Il y aura donc une possibilité de révision dans 10 ans. Y a-t-il des mesures immédiates à prendre pour tenter de sauver l'accord de libre-échange?
    Bien sûr. Il s'agit de la surveillance du dumping. Les Mexicains sont réticents relativement à cela, et on les comprend, puisque ce n'est pas dans leur intérêt. Il faut surveiller tout dumping d'aluminium et l'entrée d'aluminium illégitime, soit celui qui n'est pas produit en Amérique du Nord. Pour ce faire, cela prend une traçabilité. C'est ce que les gens de l'industrie de l'aluminium ont demandé dans leurs sept ou huit points. Ils ont mis l'accent là-dessus. Il faut mettre en place, avec les Américains et les Mexicains, un suivi très étroit du dumping et de l'origine de l'aluminium.
    D'autre part, comme ils l'ont dit, ainsi que le disent les conservateurs et les députés du Bloc québécois, la valeur remarquable de notre aluminium, c'est sa faible teneur en carbone. Notre bois a également une faible teneur en carbone. Nous devons mettre en avant de plus en plus de mesures indirectes dans ce que je pourrais appeler notre « Buy Canada Act ». Je ne sais pas comment appeler cela autrement, mais cela prend quelque chose qui permettrait au gouvernement, dans le cadre de ses appels d'offres, comme le disait le président de l'Association de l'aluminium du Canada, de tenir compte de la faible teneur en carbone de notre aluminium et de valoriser cela. Actuellement, nous vendons notre aluminium au même prix que l'aluminium dont la production, pour chaque tonne, génère 18 tonnes de gaz à effet de serre. C'est parce qu'il n'y a aucune valeur attribuée à cet avantage qu'a notre aluminium. Il faut donc mettre en place des mesures.
    Nous avons pourtant des cerveaux. Pensons aux gens du ministère de l'Industrie. Nous sommes capables de concevoir des mesures de qualité qui profitent non seulement au Québec et au Canada, mais au monde entier. Cette industrie produit moins d'émissions de gaz à effet de serre que toute autre. C'est ce que toute la population veut. On ne peut pas laisser entrer de l'aluminium dont la production a généré, pour chaque tonne, 18 tonnes de gaz à effet de serre. On va détruire les efforts énormes que font tous les gens partout. Cela nous coûte cher de diminuer notre empreinte carbone.
    J'ai du mal à croire que nous allons laisser notre industrie périr ainsi. Je sais qu'aucun de vous ne voulez cela, mais il faut absolument trouver tous ensemble des solutions pour que cette industrie continue de produire cet aluminium à un coût équitable. Ce que nous demandons, c'est l'équité. Il y a donc effectivement des mesures directes à prendre.

  (0945)  

    J'ai une dernière question à vous poser.
    La réaction de l'industrie a été différente de celle des travailleurs de votre région, au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
    Quels intérêts pensez-vous que l'industrie cherche à protéger de cette façon?
    Il faudrait poser la question aux gens de l'industrie, mais j'essaierai de vous répondre.
    La situation embarrasse peut-être l'industrie. Le plus gros actionnaire de Rio Tinto Alcan, c'est l'Aluminium Corporation of China, qui a fait deux offres publiques d'achat hostiles visant cette entreprise dans le passé. Ces offres ont été bloquées par le gouvernement de l'Australie, mais il demeure que 15 % de Rio Tinto appartient à l'Aluminium Corporation of China. Vous savez, l'Australie est le Canada de la Chine. C'est le fournisseur de matières premières de la Chine. Nous pensons avoir un voisin compliqué, mais l'Australie en a un aussi.
    L'industrie est certainement un peu embarrassée par cette question. Rio Tinto a une relation très étroite avec l'aluminium chinois.
    Merci beaucoup, monsieur Boivin.
    Ma dernière question s'adresse à M. Nantais.
    Monsieur Nantais, vous avez beaucoup parlé de l'importance de signer le nouvel accord, mais sentez-vous qu'il y a vraiment une progression par rapport à l'ancien ALENA?

[Traduction]

     Je vous remercie beaucoup de votre question.
    Le progrès réside dans le fait que nous avons pu préserver une approche trilatérale aux termes de l'accord. Sans cela, nous ne pourrons pas, en tant que bloc, livrer concurrence. Nos chaînes d'approvisionnement ne seront pas concurrentielles en l'absence d'un tel accord. Par conséquent, comme je l'ai mentionné dans mes observations, ce dont il faut vraiment se préoccuper, ce sont les conséquences de sa non-adoption.
    Pour notre industrie, la mise en œuvre de l'accord est indispensable. Nous en avons besoin pour assurer notre compétitivité. Nous en avons besoin pour maintenir en activité les usines d'assemblage au Canada et partout en Amérique du Nord. À défaut de quoi, il n'y aura pas de chaîne d'approvisionnement non plus. Bref, que ce soit pour le secteur de l'aluminium, le secteur de l'acier ou bon nombre de nos fabricants de pièces, l'accord est vraiment d'une importance cruciale. Mais je dirai ceci...
    Monsieur Nantais, malheureusement, votre temps est écoulé. Peut-être qu'au prochain tour, on vous posera la même question.
    D'accord.
    Pour la prochaine série de questions, nous allons entendre M. Masse.
    Monsieur Nantais, vous pouvez terminer de répondre, et vous ne faisiez pas de jeu de mots en parlant de « bloc », n'est-ce pas?
    Non, pas dans le contexte du commerce.
    Des députés: Ha, ha!
    M. Mark Nantais: Je dirai que même si, avec le temps, l'accord commercial offrira bel et bien des débouchés notamment aux fournisseurs, il ne donne aucune garantie. Si nous devions perdre les usines d'assemblage situées au Canada ou aux États-Unis, ou même au Mexique, la chaîne d'approvisionnement en souffrirait grandement.
    Voilà ce que j'avais à dire.
    Lorsque l'accord initial a été mis au point, son adoption a été bloquée au Congrès dans la foulée des modifications demandées. Je suis vice-président de l'Association parlementaire Canada-États-Unis. Nous étions souvent à Washington pendant cette période. Grâce aux modifications apportées aux chapitres sur le travail et l'environnement, l'accord a pu être conclu. Votre association professionnelle y est-elle favorable?
     Il semble y avoir maintenant plus d'uniformité pour ce qui est de régler certains problèmes qui entravent la concurrence pour l'embauche de travailleurs canadiens. Nous avons entendu un peu le point de vue des travailleurs. Ces améliorations sont-elles appuyées par l'Association canadienne des constructeurs de véhicules?
    Si vous parlez des dispositions relatives à la teneur en main-d'oeuvre...
    Oui.
    ... oui, nous les appuyons dans le cadre de l'ensemble des mesures.
    Cela dit, vous avez également souligné plusieurs enjeux et défis que le Canada doit surmonter. Voici ce qui m'inquiète: j'ai le pressentiment que si nous signons cet accord, sans rien faire d'autre, et que nous nous arrêtons là... À votre sens, qu'arrivera-t-il au secteur canadien de la construction automobile si nous nous contentons de signer l'accord et d'aller de l'avant, sans nous occuper d'autres questions? Où cela nous mènera-t-il, d'après vous?
    J'ai une opinion bien tranchée là-dessus.
    Nous menons nos activités dans un pays où les coûts sont élevés. Donc, même si nous mettons l'accord en place, il faut tenir compte du contexte général des coûts d'exploitation élevés au Canada. Si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes et si nous ne continuons pas de faire des efforts pour en venir à bout et réaliser des progrès tangibles, tôt ou tard, les gens compareront le Canada à d'autres pays et se demanderont comment nous pouvons être relativement rentables ici. J'utilise le mot « relativement » parce que nous pouvons réaliser des bénéfices dans l'immédiat, mais il s'agit vraiment d'une question d'investissement futur, car c'est ce qui détermine si la rentabilité est meilleure dans d'autres pays. Il faut toujours faire concurrence à d'autres pays, et si nous ne nous occupons pas des coûts d'exploitation locaux ou des autres enjeux qui existent ici, alors nous ne serons pas plus avancés.
    Il est nécessaire d'examiner tout ce dossier de manière très globale, et ce, continuellement.
    Il y a environ cinq ans, le gouvernement fédéral a demandé à Ray Tanguay de produire un rapport sur le secteur de l'automobile. L'auteur a présenté le document, de concert avec le ministre, à Detroit, au Michigan.
    Vous avez dit, dans votre exposé, que cela fait 36 ans que vous témoignez devant des comités. Pensez-vous que l'on a suffisamment donné suite à ce rapport, ou y a-t-il encore des éléments qui pourraient être mis de l'avant pour l'industrie de l'automobile et le secteur manufacturier du Canada? Le rapport est-il maintenant trop désuet, ou y a-t-il des chances qu'il soit encore pertinent?

  (0950)  

    Le rapport Un appel à l'action: II a été mis à jour. C'est le rapport En route pour gagner qui vient le remplacer. On y souligne de nombreuses mesures qui s'imposent toujours. À mon avis, selon toute probabilité, nous avons réalisé très peu de progrès par rapport à bon nombre de ces recommandations.
    Il y a tout juste deux semaines ou une dizaine de jours, le Conseil du Partenariat pour le secteur canadien de l'automobile a tenu une réunion à l'occasion de laquelle il a insisté de nouveau sur le fait que le gouvernement se doit de mettre en œuvre ces recommandations. Cela comprend la collaboration en matière de réglementation et les efforts continus pour harmoniser nos normes techniques avec celles des États-Unis, en plus des mesures à prendre sur le plan de la main-d'œuvre, des compétences et de toutes les autres questions abordées dans le rapport. Il s'agit d'un document qui est constamment mis à jour, et ces recommandations jouissent d'un appui généralisé, que ce soit de la part de l'industrie, des syndicats ou du gouvernement — et par « gouvernement », j'entends le gouvernement fédéral, le gouvernement de l'Ontario et celui du Québec.
    Des investissements ont lieu. J'en vois la preuve presque tous les mois de l'autre côté de la rivière, à Detroit, ce qui montre que nous avons bel et bien une main-d'œuvre concurrentielle parce qu'une grande partie de cet effectif est lié à ma ville, Windsor. Il s'agit de créer des conditions équitables.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Une minute et 40 secondes.
    Très bien.
    Monsieur Boivin, vous avez parlé du montant de 1,3 milliard de dollars et des droits de douane imposés à cet égard. Auriez-vous des suggestions à faire au sujet de ces droits de douane? Si nous ne remboursons pas ces droits de douane ou si nous ne nous en servons pas, ce ne sera qu'une autre forme de taxe. En fait, c'est devenu un fardeau pour les fabricants d'acier de ma région, ainsi que les outilleurs-ajusteurs et tout le reste. J'ai d'ailleurs constaté que de nombreuses entreprises ont renoncé à présenter des soumissions pour l'obtention de contrats qui étaient en fait... Elles ont épuisé leur marge bénéficiaire pour emprunter de l'argent parce que divers fournisseurs tardaient à leur rembourser les sommes qui leur étaient dues.
    Faites-vous face à la même situation?
    Oui, dans l'industrie de l'aluminium, c'est la même chose.
    Elles y ont tout simplement renoncé dans certains cas, même... parce que 3 à 4 % des profits sont immobilisés, étant donné que certaines petites entreprises ont du mal à emprunter de l'argent pour reporter les coûts.
    Exactement.
    D'accord.
    Je vais changer de langue.

[Français]

    Il est vraiment important de retourner cet argent aux industries, peut-être par un mécanisme qui associe des associations sectorielles, par exemple, pour améliorer la compétitivité de notre industrie de transformation de l'acier et de l'aluminium, selon les règles canadiennes. Nous sommes des gens très équitables. Nous ne ferons pas de l'argent incorrectement. Nous sommes capables de réussir.
    Toutefois, donnons-nous des règles claires et équitables. Grâce à cela, nous allons réussir. Nous avons construit un pays comme cela. Nous sommes capables.

[Traduction]

    Je vous remercie. Nous avons d'ailleurs la possibilité de contrôler cela. C'est ce qui est frustrant.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à la deuxième série d'interventions, de cinq minutes chacune. C'est Mme Gray qui commence.
    Merci, madame la présidente.
    Cette question s'adresse à Mme Mitchell. Nous sommes en train d'examiner les dispositions de l'ACEUM qui visent à prolonger la durée de la protection du droit d'auteur, en l'établissant à 70 ans après le décès de l'artiste. Il y a lieu de se demander en quoi une telle modification permettra réellement de favoriser l'innovation et la créativité au sein de l'industrie.
    J'aimerais vous rappeler qu'au cours de la dernière législation, notre comité a effectué un examen législatif très complet de la Loi sur le droit d'auteur. C'était le fruit de 52 réunions et de plusieurs centaines de témoignages, mémoires et courriels.
     Lorsqu'on passe en revue tous les renseignements qui ont été communiqués, on constate que les artistes et les intervenants de l'industrie ne semblent pas s'entendre sur la marche à suivre.
    Je me demande si vous pouvez faire quelques observations à ce sujet. Je vais vous citer un auteur-compositeur bien connu, Bryan Adams. Il a déclaré qu'étendre la durée de validité du droit d'auteur « revient essentiellement à enrichir les grandes entreprises d'intermédiaires, et non à mettre plus d'argent dans les poches des créateurs ». Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez et nous expliquer comment cette mesure aiderait, dans l'ensemble, les créateurs?
    À mon avis, la question que soulève M. Adams n'a rien à voir avec la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur.
    Permettez-moi d'en parler un instant. La plupart des contrats négociés de nos jours, en 2020, entre les éditeurs et les auteurs-compositeurs sont des accords équitables. Cela ressemble davantage à des partenariats. L'auteur-compositeur et l'éditeur participent tous deux à l'édition et agissent ensemble comme partenaires. Nos intérêts sont très similaires. Je crois sincèrement que la situation décrite par M. Adams représente un vieux paradigme qui n'existe plus. Lorsque je m'entretiens avec des auteurs-compositeurs au sujet de ces questions, nous sommes toujours sur la même longueur d'onde. Il n'y a aucune divergence entre nous.
    Pour en revenir à la question de l'innovation, que vous avez évoquée au début, l'argent que nous gagnons grâce aux chansons à succès intemporelles — chansons qui vont tomber dans le domaine public du droit d'auteur — nous permet de prendre des risques pour de nouveaux auteurs-compositeurs. Lorsque je signe un contrat d'exploitation des droits d'auteur ou un contrat d'édition avec un nouvel auteur-compositeur et que nous décidons de partager les droits d'auteur, j'investis alors cet argent pour lui permettre de participer à des séances de coécriture à l'étranger dans l'espoir que ses chansons puissent être enregistrées par des artistes de renommée internationale. Je dépense de l'argent pour l'aider à cultiver son talent artistique, pour faire de la promotion radiophonique et, avant tout, pour lui donner le temps d'écrire et de créer des chansons.
    Nous prenons ainsi des risques énormes. C'est tout un coup de dé. Si je n'ai pas une source de revenus fiable, je ne pourrai pas faire ce genre d'investissements. Je ne pourrai pas investir dans des Canadiens. Nous aurons donc moins de contenu canadien, et je pense que cela va au cœur même de la créativité et de l'innovation.

  (0955)  

    Au bout du compte, toutes ces sources génèrent des revenus pour l'éditeur ou la maison de disques, d'une part, et pour l'auteur-compositeur ou l'artiste-interprète, d'autre part. Comme Mme Mitchell l'a dit, il s'agit vraiment de partenariats.
    Voilà pourquoi il est tout simplement faux de présumer, à l'instar de gens comme Bryan Adams et d'autres, que la prolongation de la durée de protection profitera aux entreprises, et non aux artistes. Ce n'est pas vrai ,et c'est une distorsion flagrante de la réalité.
    Merci.
     Je voudrais vous interroger au sujet du concept d'obligation d'enregistrement, car je sais qu'on en a fait mention. Selon plusieurs personnes dans le domaine, les titulaires de droit d'auteur auraient beaucoup plus de souplesse dans la façon de gérer les choses grâce à une plus longue période de validité du droit d'auteur, car ils pourraient ainsi demander une protection supplémentaire de 20 ans, au lieu de s'en tenir à une procédure automatique. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du concept d'obligation d'enregistrement?
    Je suis heureuse que vous ayez soulevé cette question. Je l'avais incluse dans mon exposé, mais je n'ai pas eu le temps de l'aborder.
     Je sais qu'il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet, mais je m'oppose fermement à l'idée de créer un régime d'enregistrement obligatoire. D'une part, notre régime d'enregistrement de droit d'auteur a été conçu en fonction du système en vigueur, qui repose sur l'enregistrement volontaire. Ce régime ne se prête pas vraiment à l'administration d'un régime d'enregistrement obligatoire.
    D'autre part, l'enregistrement n'est tout simplement pas nécessaire. À l'heure actuelle, les éditeurs et les auteurs-compositeurs enregistrent leurs chansons auprès de la SOCAN et de la CMRRA, qui couvrent 99,9 % du marché, et ce système fonctionne très bien. Les utilisateurs commerciaux qui acquièrent des droits de chansons savent comment repérer les titulaires de droit d'auteur dans le cadre du système existant afin d'obtenir une autorisation adéquate pour l'utilisation des œuvres musicales.
    L'instauration d'un deuxième système d'enregistrement administré par le gouvernement demandera beaucoup de temps, de ressources et d'argent, et je doute que...
    Madame Mitchell, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions pour cette intervention. J'en suis désolée.
    C'est maintenant au tour de M. Ehsassi.
    Merci, madame la présidente.
    Je sais qu'il ne me reste que deux minutes, et je voudrais donc m'adresser à M. Nantais.
    Vous avez longuement expliqué la nature intégrée du secteur de l'automobile. Comme vous le savez, l'une des nouveautés de cet ALENA est le chapitre 26, qui porte sur la compétitivité nord-américaine. On y parle en long et en large de la croissance économique régionale.
    Le chapitre 26 serait-il d'une grande utilité pour le secteur de l'automobile ou, au contraire, est-ce qu'il n'aurait aucune incidence sur la prospérité future du secteur?
    Je ne dirais pas qu'il n'a aucune incidence, mais le fait est que notre secteur est profondément intégré depuis le Pacte de l'automobile. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous allons de l'avant en misant là-dessus.
    Quand on examine les multinationales présentes en Amérique du Nord, on constate qu'elles ont aussi des usines ailleurs dans le monde, mais il est crucial que nous demeurions concurrentiels ici pour soutenir notre base d'approvisionnement. C'est ce qui importe vraiment pour l'avenir — il faut une certitude à cet égard. Je le répète, l'accord pourrait ne pas donner de garanties aux fournisseurs. Si vous perdez une usine d'assemblage, par exemple, les fabricants de pièces iront ailleurs parce qu'ils gravitent généralement autour de ces usines.

  (1000)  

    Merci.
    C'est tout le temps que nous avions pour ce groupe de témoins.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présence ainsi que de votre témoignage.

[Traduction]

     Sur ce, nous allons suspendre la séance pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer.
    Merci beaucoup.

  (1000)  


  (1005)  

    Nous allons commencer à entendre notre troisième groupe de témoins.
    Aujourd'hui, les audiences portent sur les articles 22 à 38 et 108 à 122 du projet de loi C-4.
    Je rappelle aux gens dans la salle que les photos et les conférences vidéo sont interdites. De plus, lorsque vous voyez le petit carton jaune pendant votre témoignage, cela veut dire qu'il vous reste 30 secondes pour conclure. Je vais essayer de vous faire un petit signe pour vous avertir.
    Nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement: M. Steve Verheul, notre négociateur en chef; M. Robert Brookfield, directeur général; M. Loris Mirella, directeur, Propriété intellectuelle; Mme Shendra Melia, directrice exécutive; et Mme Nicola Waterfield, directrice adjointe.
    Bienvenue à tous. Nous aurons d'abord un exposé de 10 minutes des témoins, puis nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Sur ce, je vous cède la parole pour votre exposé.
    Merci.
    Nous vous remercions de votre invitation à témoigner devant le Comité. Nous répondrons avec plaisir à votre question sur le nouvel ALENA après mon allocution.
    Le nouvel ALENA a été signé le 30 novembre 2018 au terme de 13 mois d'intenses négociations qui ont mobilisé un large éventail de représentants gouvernementaux et d'intervenants et qui ont mis à profit les liens étroits tissés entre les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. L'accord a permis d'obtenir plusieurs résultats clés qui ont contribué à renforcer l'intégrité du marché américain, à préserver l'accès du Canada au marché américain et mexicain et à moderniser certaines dispositions de façon à refléter notre économie moderne et l'évolution du partenariat nord-américain.
    Le 10 décembre 2019, après plusieurs mois de discussions intensives avec nos homologues américains et mexicains, les trois pays de l'ALENA ont signé un protocole d'amendement visant à modifier certaines dispositions de l'accord initial relatives au règlement des différends entre États, au travail, à l'environnement, à la propriété intellectuelle et aux règles d'origine dans le secteur de l'automobile. Même si ces modifications sont en bonne partie le résultat de discussions aux États-Unis, le Canada a participé de près aux négociations de fond pour s'assurer qu'elles allaient dans le sens des intérêts canadiens.
    Tout au long des négociations, nous avons consulté de près les entreprises canadiennes, les associations canadiennes, les syndicats, la société civile et des groupes autochtones, dont les avis ont largement contribué au résultat final.
    Il faut se rappeler que les discussions sur la modernisation de l'ALENA étaient particulières, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, parce que c'était la première renégociation à grande échelle d'un accord de libre-échange du Canada. Habituellement, les partenaires d'un accord de libre-échange visent à libéraliser le commerce. Dans ce processus, les États-Unis avaient, dès le début des négociations, pour objectif de rééquilibrer l'accord en leur faveur. De plus, le président Trump avait à maintes reprises brandi la menace de se retirer de l'ALENA s'il était impossible de trouver une solution satisfaisante.
    La position de négociation initiale des États-Unis comprenait des mesures peu conventionnelles. Parmi celles-ci, notons une exigence de 50 % de contenu américain pour l'automobile, ce qui aurait anéanti notre secteur automobile; le démantèlement complet du système canadien de gestion de l'offre; l'élimination du mécanisme binational de règlement des différends commerciaux pour les droits antidumping et compensateurs, que nous avons beaucoup utilisé, en particulier pour les produits comme le bois d'œuvre; un mécanisme de règlement des différends entre États qui aurait rendu l'accord totalement inapplicable; la suppression de l'exception culturelle; un chapitre sur les marchés publics qui aurait retiré l'accès aux marchés prévu dans l'ALENA et ainsi désavantagé le Canada par rapport à tous les autres partenaires d'accords de libre-échange des États-Unis; et une clause de résiliation automatique de l'accord après cinq ans, appelé « clause d'expiration ».
     De plus, l'administration américaine avait pris une mesure sans précédent, soit imposer des droits de douane sur l'acier et l'aluminium en provenance du Canada en invoquant de prétendues menaces à la sécurité nationale, mais sans aucune justification légitime. L'administration américaine avait également lancé une enquête qui aurait pu aboutir au même résultat en ce qui concerne les automobiles et les pièces automobiles exportées du Canada.
    Face à cette situation, le Canada a mené de vastes consultations auprès des Canadiens sur les objectifs du processus de modernisation de l'ALENA. Se fondant sur les vues exprimées et notre expertise interne en matière de politique commerciale, le Canada s'est fixé trois grands objectifs, qu'on peut regrouper sous les grandes catégories suivantes. Premièrement, nous voulions préserver les dispositions importantes de l'ALENA et l'accès au marché américain et mexicain. Deuxièmement, nous voulions moderniser et améliorer l'accord dans la mesure du possible. Troisièmement, nous voulions rendre l'accès au marché des États-Unis et du Mexique encore plus sûr et stable pour les entreprises canadiennes.
    Pour ce qui est de la préservation des acquis de l'ALENA, le Canada a maintenu les engagements tarifaires pris dans l'ALENA, notamment le traitement en franchise de droits pour les produits énergétiques. Nous avons préservé les dispositions prévues au chapitre 19, soit le mécanisme fondé sur des groupes spéciaux binationaux pour régler les différends en matière de droits compensateurs et antidumping. Nous avons préservé l'admission temporaire des gens d'affaires, l'exception culturelle et le règlement des différends entre États.
    Dans le domaine de l'automobile, des modifications ont été apportées au régime des règles d'origine afin d'encourager l'utilisation d'un plus grand nombre d'intrants en provenance du Canada, notamment en augmentant les exigences en matière de teneur en valeurs régionales pour les automobiles et les pièces automobiles, et en supprimant les incitations à produire dans des pays à faible coût. Associées à l'exemption de quotas des éventuels droits de douane américains de l'article 232 sur les automobiles et les pièces automobiles, garantie dans le cadre du résultat final, ces nouvelles règles d'origine pour le secteur automobile encourageront la production et l'approvisionnement en Amérique du Nord, ce qui constitue un résultat important pour nos secteurs de l'acier de l'aluminium.

  (1010)  

    Pour ce qui est de la modernisation de l'ALENA, les disciplines sur le commerce des marchandises et l'agriculture ont été modernisées, notamment en ce qui concerne l'administration et les procédures douanières, les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires. S'y ajoute un nouveau chapitre sur les bonnes pratiques de réglementation, y compris sur la santé et la sécurité, qui encourage la coopération et protège le droit du gouvernement à réglementer dans l'intérêt public.
    Les engagements en matière de facilitation du commerce et de procédures douanières ont été modernisés pour le XXIe siècle afin de faciliter les échanges transfrontaliers, notamment par le recours à des processus électroniques qui réduiront les formalités administratives des exportateurs et leur permettront d'économiser de l'argent.
    Les disciplines nouvelles et modernisées sur les obstacles techniques au commerce dans des secteurs clés sont conçues pour réduire au minimum les obstacles pour les Canadiens qui font des affaires aux États-Unis et au Mexique, tout en préservant la capacité du Canada de réglementer dans l'intérêt public. L'accord comprend également des obligations modernisées sur le commerce transfrontalier des services et les investissements, y compris dans les domaines des services financiers et des télécommunications, en plus d'un nouveau chapitre sur le commerce numérique.
    En ce qui concerne le travail et l'environnement, nous avons négocié des chapitres qui sont pleinement intégrés à l'accord et assujettis au mécanisme de règlement des différends. Ces obligations contribueront à garantir que les parties maintiennent des normes élevées en matière de travail et d'environnement, et que les lois nationales ne seront pas contournées afin d'obtenir un avantage commercial indu.
    Les résultats comprennent également un mécanisme d'application spécial qui fournira au Canada un processus amélioré permettant d'assurer la mise en œuvre efficace des réformes du travail au Mexique, particulièrement en ce qui concerne la liberté d'association et la négociation collective.
    Il y a eu divers autres résultats à souligner. Concernant les secteurs de la gestion de l'offre, rappelons que les États-Unis ont demandé explicitement et publiquement le démantèlement complet du système canadien de gestion de l'offre. En fin de compte, nous avons préservé les trois piliers clés de ce système — le contrôle de la production, le contrôle des importations et le contrôle des prix — et n'avons accordé qu'un accès minimal aux États-Unis.
    En matière de propriété intellectuelle, les obligations couvrent une foule de domaines, notamment le droit d'auteur et les droits connexes, les marques, les indications géographiques, les dessins industriels, les brevets, la propriété intellectuelle pharmaceutique, la protection des données pour les médicaments chimiques et les produits chimiques agricoles, ainsi que les recours possibles au civil et au pénal pour assurer l'application des droits de propriété intellectuelle aux frontières, y compris en ce qui concerne les secrets commerciaux.
    Certains résultats nécessiteront la modification du cadre juridique et politique actuel du Canada dans certains domaines comme le droit d'auteur, et il faudra prolonger certaines durées de protection du droit d'auteur, ainsi que prévoir des recours pénaux en ce qui concerne les renseignements sur le régime des droits.
    Il faudra établir des mécanismes d'application des droits de propriété intellectuelle afin de permettre la prise de mesures d'office par les autorités frontalières contre les produits soupçonnés d'être des produits de marque contrefaits ou des produits pirates qui sont en transit, et prévoir des infractions pénales pour le détournement non autorisé et délibéré de secrets commerciaux.
    Dans nombre de ces domaines, nous avons négocié des périodes de transition pour mettre en œuvre nos engagements, et surtout, les parties ont convenu, en vertu du protocole d'amendement, de supprimer l'obligation d'assurer la protection des données durant 10 ans en ce qui concerne les médicaments biologiques, ce qui signifie que le Canada n'a pas besoin de modifier son régime actuel dans ce domaine.
    L'accord comprend un nouveau chapitre sur le commerce numérique qui exige des parties qu'elles mettent en place des cadres réglementaires pour traiter des questions comme la protection de la vie privée, les pratiques frauduleuses et trompeuses, et elles travailleront ensemble pour atténuer les menaces pesant sur notre cybersécurité.
    L'accord comprend également des engagements visant à lever les obstacles au commerce numérique, comme des dispositions garantissant que les entreprises et les particuliers peuvent faire circuler des renseignements et des données par-delà les frontières de manière fiable et sûre, tout en veillant à ce que les droits légitimes en matière de vie privée et de sécurité soient protégés.
    Parmi les autres résultats à signaler, mentionnons que le mécanisme trilatéral de règlement des différends entre investisseurs et États a été supprimé dans le cas du Canada. Un tel mécanisme ne s'appliquera pas entre le Canada et les États-Unis. Il n'y a aucun chapitre sur les marchés publics: le Canada conserve son accès aux États-Unis en vertu de l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce.
    En terminant, j'aimerais souligner que nos objectifs pour ces négociations ont été éclairés par les priorités et les intérêts du Canada, par un dialogue suivi avec les provinces et territoires, ainsi qu'avec un large éventail d'intervenants que nous avons consultés sur une base régulière.
    Voilà qui conclut mon allocution. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci.

  (1015)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons procéder à notre première série de questions, d'une durée de six minutes.
    Nous commençons par Mme Rempel Garner.
    Merci, madame la présidente.
    Mes premières questions portent sur le chapitre 19.
    À la lecture de ce chapitre, je constate qu'on accepte de ne pas interdire le transfert des renseignements personnels et de ne pas exiger où peuvent se trouver les installations informatiques, ce qui veut dire qu'il y a moins de souplesse en matière de politique sur la localisation des données que dans le Partenariat transpacifique global et progressiste.
    Pouvez-vous déposer l'analyse montrant que le chapitre 19 de l'ACEUM n'empêchera pas le Canada d'adopter des lois pour mettre en place des mesures semblables à ce qui est prévu dans l'article 20 du Règlement général sur la protection des données, ou la Consumer Privacy Act de la Californie?
    Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais inviter un de nos experts à la table.
    Madame la présidente, pourriez-vous arrêter le temps? J'ai déjà perdu environ 20 secondes.

  (1020)  

    Présentez-vous et répondez à la question, s'il vous plaît.
    En fait, pour que ce soit clair, je demande que l'analyse qui a été faite concernant cette disposition soit déposée au Comité.
    Il n'y a pas eu d'analyse sur le sujet.
    Non.
    Merci. Très bien.
    J'aimerais savoir si une disposition quelconque du projet de loi C-4 protégerait les droits du Canada d'adopter des lois de cette nature?
     En général, le projet de loi ne prévoit pas les souplesses en matière de politique, mais plutôt le contraire, c'est-à-dire les limitations. Il n'y a donc rien dans le projet de loi qui prévoit précisément où se trouvent les souplesses à cet égard.
    Pouvez-vous déposer l'analyse qui montre que les lois sur la localisation des données de la Colombie- Britannique pourront résister à une contestation en vertu des dispositions du chapitre 19?
    Une telle analyse n'existe pas sous forme de rapport.
    Très bien. C'est parfait.
    Comme nous n'avons pas de stratégie nationale sur les données, sur quelles lignes directrices le gouvernement s'appuyait-il pour prendre position, au chapitre 19, sur la protection des renseignements personnels, la production et la propriété des données dans un environnement 5G et la place du Canada dans l'économie mondiale des données?
    Au risque de me répéter, le chapitre limite en partie la souplesse de la politique...
    L'équipe de négociation s'est-elle appuyée sur des lignes directrices particulières à ce sujet pour préparer le chapitre 19?
    Notre position reposait sur diverses considérations, mais il n'y a pas de documents qui portent sur cette analyse.
    Il n'y a pas eu de lignes directrices au sujet du chapitre 19.
    J'aimerais souligner ici que des éléments intangibles comme les données et la propriété intellectuelle occupent une place de plus en plus importante dans les grandes économies mondiales. Le gouvernement dépense des milliards de dollars dans des domaines comme les supergrappes. Vous me dites, cependant, qu'il n'y a pas eu d'analyse sur cet enjeu, alors qu'il s'agit sans doute d'un des secteurs où la croissance économique est la plus forte.
    Pouvez-vous déposer l'analyse qui a été faite au sujet des dispositions du chapitre 19 sur la propriété intellectuelle — qui visent essentiellement à garantir un statu quo au cadre stratégique américain — et de ses répercussions sur des éléments comme le programme des supergrappes et la capacité du Canada, en investissant dans ces programmes, de promouvoir le développement et le maintien de la propriété intellectuelle au Canada?
    Je crois qu'il y a une certaine incompréhension ici. Lorsque nous nous préparons pour des négociations, nous n'effectuons pas d'analyses officielles. Nous nous en remettons à l'expertise de notre équipe de la politique commerciale, dont une partie des membres se trouvent ici. Nous nous en remettons aux résultats de nos consultations auprès des intervenants. Nous n'avons pas le temps de produire des rapports d'analyse officiels sur tous ces enjeux, mais je peux vous dire que notre équipe est celle qui les connaît le mieux dans le monde.
    Vous ne pouvez pas, toutefois, me fournir quelques renseignements élémentaires. La localisation des données est un sujet d'une importance considérable, qui fera partie des nouveaux cadres stratégiques sur la protection de la vie privée, etc. L'Union européenne, comme vous le savez très bien, monsieur Verheul, ne discute pas des sujets qui se trouvent dans le chapitre 19, parce qu'il n'y a pas de cadres réglementaires, ou de pratiques exemplaires en la matière, mais vous y avez sauté à pieds joints. Nous avons renoncé à beaucoup de choses dans cette disposition.
    Vous dites que votre équipe avait une vaste expertise, qu'il n'y a pas eu d'analyse, que vous n'avez pas eu le temps, alors dites-moi pourquoi fait-on quelque chose que l'Union européenne hésite à faire?
    Je n'ai pas dit que nous n'avons pas eu le temps. J'ai dit que ce n'est pas quelque chose que nous faisons habituellement. Nous nous en remettons à l'expertise des gens au sein de notre équipe. Nous avons examiné beaucoup de ces enjeux dans le cadre des négociations du partenariat transpacifique. Ils avaient donc déjà fait l'objet de vastes discussions et avaient été examinés dans d'autres tribunes.
    Au sujet des exigences liées à la protection des renseignements personnels, justement, je ferais remarquer qu'il semble y avoir des divergences par rapport au PTPGP, car tout ce qu'on trouve dans le chapitre 19, c'est une note de bas de page indiquant que l'application d'engagements volontaires pris par les entreprises suffit à se conformer à cette obligation. J'ai l'impression que nous avons adopté une position dans ce dossier qui est très éloignée de celle de l'Union européenne.
    Croyez-vous que les divergences entre ce qui est prévu dans notre accord avec les États-Unis sur les données et la position des Européens pourraient causer des problèmes? Si nous adoptons deux approches très différentes dans ce domaine, comment une entreprise qui veut mener des activités dans tous ces environnements procédera-t-elle avec le Canada?
     Eh bien, vous avez tout à fait raison de dire que l'Union européenne a une approche différente des États-Unis sur ces enjeux. Comme vous le savez, nous avons des accords avec l'Union européenne et avec les États-Unis. Nous devons combler l'écart pour avoir l'accès souhaité dans les deux marchés. Nous fonctionnerons un peu différemment dans chacun d'eux, mais nous connaissons les règles.

  (1025)  

    Comment peut-on y arriver?
    Eh bien, cela dépend des dispositions. Dans le cas de certaines dispositions sur la protection des données, nous devrons, de toute évidence, offrir la même chose à d'autres partenaires commerciaux également.
    La prochaine série de questions est pour M. Jowhari.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Verheul, je vous souhaite la bienvenue au Comité. Je vous remercie de l'excellent travail que vous avez accompli en ces temps difficiles.
    Au cours de la première heure, nous avons entendu le témoignage d'un avocat spécialisé dans le commerce international, M. Herman. L'impression que j'ai eue, c'est que nous n'avons pas le choix que de faire face à cet accord et de l'approuver. Par la suite, nous avons entendu le témoignage de nombreux autres organismes. Ils ont souligné les avantages de l'accord, l'aide qu'il procure, la façon dont les acquis avaient été protégés et comment on avait pu le moderniser.
    Par ailleurs, je vois dans les notes d'information que l'équipe de négociation a proposé au moins trois différents mécanismes de règlement des différends. Ces mécanismes de règlement des différends sollicitent la participation de différentes parties prenantes et détaillent la manière dont les différends pourraient être pris en charge. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces trois mécanismes, sur les parties prenantes et sur la façon dont cela est censé préserver et moderniser l'ACEUM?
    Je vous remercie.
    Je pense que tout le domaine du règlement des différends est probablement celui où nous avons fait le plus de gains lors des négociations. Au moment où ces négociations se sont amorcées, les États-Unis insistaient pour supprimer complètement le chapitre 19 de l'ALENA, qui est la seule raison pour laquelle nous avons pu gagner une série de procès sur le bois d'œuvre au fil des ans et maintenir un certain accès à ce marché, même si cela reste difficile. La seule façon que nous avons de contester les lois américaines passe par le processus décrit au chapitre 19. C'est un processus unique au monde. Nous avons réussi à le préserver malgré l'attitude intransigeante des États-Unis en faveur de sa suppression.
    Les États-Unis voulaient également rendre le règlement des différends entre États totalement inopérant. Ils évoquent des raisons de souveraineté pour avancer qu'on ne devrait pas être en mesure de les contester lorsqu'ils enfreignent des obligations internationales. Or, nous avons non seulement réussi à préserver le règlement des différends d'État à État, mais nous l'avons aussi considérablement amélioré. Nous avons supprimé les problèmes qui plombent actuellement ce système où les États-Unis peuvent bloquer — et ils l'ont fait — la formation des groupes d'experts que nous pourrions demander pour tenter de résoudre les différends. Cela a été grandement amélioré.
    Nous avons aussi le nouveau processus de règlement des conflits de travail, le mécanisme d'intervention rapide, qui tient compte des pratiques en usage au Mexique en matière de main-d’œuvre. C'est une autre approche nouvelle et novatrice qui n'existe pas dans d'autres accords, mais qui nous donne la possibilité de nous attaquer à tout type de difficultés que nous pourrions avoir à l'égard d'usines et d'exploitations mexicaines particulières qui ne respecteraient pas la liberté d'association des syndicats, la négociation collective et d'autres exigences en matière de main-d’œuvre. Du point de vue du règlement des différends, je pense que nous nous retrouvons dans une bien meilleure posture qu'avec l'ALENA actuel.
    Merci.
     En plus du chapitre 19, les chapitres 10, 14 et 31 sont-ils de nouveaux ajouts ou d'anciens segments qui ont été modifiés?
    Eh bien, les dispositions relatives aux différends commerciaux et aux droits antidumping et compensateurs — les questions de recours commerciaux — ont en grande partie été laissées dans l'état où elles étaient. Je crois que c'est le chapitre 10 maintenant. Le règlement des différends d'État à État a été considérablement modifié, comme je viens de le souligner. C'est maintenant le chapitre 31. Le mécanisme d'intervention rapide en matière de main-d’œuvre est une toute nouvelle initiative qui n'existait pas dans l'ALENA.
    Comment le chapitre 31 pourrait-il nous aider, le cas échéant, à résoudre une partie de ce différend que nous avons à propos du bois d'œuvre?
    Pour le bois d'œuvre, puisqu'il met en jeu des droits compensateurs et des droits antidumping, nous serions plus enclins à utiliser le chapitre 10 — le nouveau chapitre 10 —, puisqu'aux termes de ce dernier, nous pouvons contester concrètement l'application par les États-Unis de leurs propres lois. Nous avons gagné à de nombreuses reprises dans le passé et nous avons démontré que les États-Unis n'appliquaient pas correctement leurs propres lois lors de l'application et du calcul de ces droits. C'est quelque chose de fondamental pour de nombreux dossiers que nous avons eus, non seulement en ce qui a trait au bois d'œuvre, mais aussi pour toute une série d'autres produits.

  (1030)  

    Merci.
    Je pense qu'il me reste 10 secondes, que je vais céder à la présidence.
    Il vous reste en fait une minute.
    J'ai une minute? Oh, voilà qui est très bien.
    Vous avez parlé du rôle de la période de transition. Pouvez-vous nous aider à comprendre de quoi il retourne? Je pense qu'il s'agit de deux ans. Comment cela s'applique-t-il? Quels en sont les avantages et les inconvénients?
    Il existe un certain nombre de périodes de transition dans certains domaines, principalement en matière de propriété intellectuelle, bien qu'il y en ait aussi dans l'agriculture et dans d'autres secteurs où nous voulions disposer d'un délai supplémentaire pour nous permettre de procéder à des ajustements structurels afin de nous adapter aux changements. Nous avons demandé ces périodes de transition. Nous les avons négociées. Elles permettront d'assurer que le passage des règles existantes aux nouvelles règles se fera beaucoup plus doucement.
    Diriez-vous que cela fait partie de l'aspect « modernisation »?
    Il s'agit plutôt de faciliter la transition, car certaines de ces règles exigeront des ajustements de la part des entreprises et des exportateurs. Il est donc important d'avoir le temps de faire ce qu'il faut pour se préparer à ces nouvelles règles.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Lemire.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Verheul, je vous remercie de votre témoignage.
    Évidemment, nous reconnaissons le travail absolument colossal que vous avez fait. Je vous en remercie. Malheureusement, notre travail est un peu ingrat, c'est-à-dire que nous devons mettre en lumière ce que vous avez, disons, sacrifié dans vos négociations.
    Êtes-vous d'accord pour dire que les industries de l'aluminium et de l'acier bénéficient de la même protection après la nouvelle entente?

[Traduction]

    Je pense qu'il faut prendre un peu de recul. L'ALENA existant ne prévoit aucune protection sur l'aluminium, aucune sorte de disposition indiquant qu'il faut qu'une certaine quantité d'aluminium soit utilisée dans la production des voitures. Selon les nouvelles règles, les fabricants devront faire en sorte qu'au moins 70 % de leurs achats d'aluminium proviennent de sources nord-américaines, c'est-à-dire en grande partie du Canada, et plus particulièrement du Québec. C'est une amélioration significative.
    Il y a une différence entre l'approche utilisée pour l'acier et celle utilisée pour l'aluminium, puisqu'aux termes de ce dernier amendement au protocole que nous avons négocié et accepté le 10 décembre, il y aura une exigence faisant en sorte que l'acier devra être fondu et coulé pour être qualifié comme produit originaire dans ces achats par les fabricants. Or, nous avons également établi un processus nous permettant de surveiller les importations d'aluminium sur le marché nord-américain. Si nous commençons à constater qu'une proportion importante de l'aluminium provient d'autres pays, nous soulèverons cette question auprès des États-Unis et du Mexique en faisant valoir que l'aluminium, pour cette raison, devrait être traité de la même manière que l'acier en ce qui concerne cette disposition.

[Français]

    C'est effectivement très intéressant, et cela apparaît comme un élément nouveau dans les négociations. C'est un mécanisme qui nous permettrait d'apporter un rajustement bien avant les huit ou dix ans dont on parlait pour pouvoir le faire. Il y a là une piste intéressante à explorer.
    Y a-t-il quand même d'autres mécanismes qui pourraient être mis de l'avant pour protéger l'aluminium particulièrement?

[Traduction]

    Oui. Je pense qu'en ce qui concerne l'acier et l'aluminium, il y a deux problèmes. Il y a les dispositions de l'accord proprement dit, puis les mesures de sécurité nationale 232 que les États-Unis ont prises contre l'acier et l'aluminium. Comme vous le savez, nous avons réussi à les supprimer. Par ailleurs, nous avons maintenant un processus de consultation permanente avec les États-Unis au sujet des importations d'acier et d'aluminium en Amérique du Nord, et nous tentons de voir s'il y a des possibilités de transbordement ou des portes dérobées grâce auxquelles d'autres pays pourraient faire entrer de l'acier et de l'aluminium sur le continent. Nous voulons protéger notre secteur manufacturier, tant en ce qui a trait à l'acier qu'à l'aluminium, et ces dispositions nous aideront en ce sens.

  (1035)  

[Français]

     J'aurais dû faire cette intervention à la question précédente, mais je rappelle qu'il y a néanmoins une différence entre les pièces d'aluminium dans les voitures et l'aluminium comme tel.
    Je vous amène sur un autre sujet. Des concessions ont également été faites sur les plafonds d'exportation dans le secteur de l'agriculture, particulièrement sur les concentrés de protéines de lait, le lait écrémé ou le lait en poudre, et ainsi de suite.
    Selon vous, cette façon d'agir concernant les protéines est-elle un moyen, pour les États-Unis, de contourner la gestion de l'offre et, à défaut de l'avoir abolie, de tenter d'influer négativement et considérablement sur ses modalités ?

[Traduction]

    Je suis accompagné par quelqu'un d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui était le négociateur en chef pour l'agriculture. Je pense qu'il est mieux placé que moi pour répondre à cette question.
    Pourriez-vous vous présenter, je vous prie?
    Merci.
    Je m'appelle Aaron Fowler. Je suis le négociateur en chef du Canada en matière d'agriculture . J'appartiens à Agriculture et Agroalimentaire Canada, l'AAC.
    Les dispositions de contrôle des exportations et les seuils d'exportation fixés pour la poudre de lait écrémé dans le cadre de cet accord sont inhabituels. Ces dispositions ne sont pas comme celles du même genre que nous avons conclues dans le cadre de nos autres accords de libre-échange. Elles ont été incluses ici pour tenir compte des préoccupations particulières des États-Unis concernant certains aspects du système canadien de gestion de l'offre pour les produits laitiers et, en particulier, certains aspects de la stratégie nationale sur les ingrédients laitiers qui a été introduite en 2017. Il s'agissait d'une nouvelle approche de fixation des prix de certains produits laitiers qui visait à stimuler l'investissement et l'innovation dans ce secteur.
    Cette nouvelle approche de fixation des prix a donné lieu à deux grands sujets de préoccupation pour les États-Unis. D'une part, ils ont perdu l'accès au marché laitier canadien pour certains produits pour lesquels ils étaient auparavant très concurrentiels et, d'autre part, ils se sont vus confrontés à une concurrence croissante de la part des exportateurs canadiens pour certains types de produits laitiers pour lesquels les exportations canadiennes n'étaient traditionnellement pas si importantes.
    Au lieu de répondre à leurs préoccupations — préoccupations qu'ils voulaient apaiser en démantelant le système de gestion de l'offre pour les produits laitiers —, nous avons cherché un compromis acceptable pour les deux parties. Nous avons examiné de nombreux scénarios pour y parvenir tout en protégeant les exportations de produits laitiers du Canada vers des pays tiers et nous avons finalement décidé que c'était la solution la moins contestable.

[Français]

    Merci.
    Ma dernière question est brève.
    Les gens pensent-ils que l'accord de libre-échange apporte des solutions en ce qui a trait à la crise du bois d'oeuvre qui dure depuis au moins une vingtaine d'années?

[Traduction]

    Le bois d'œuvre fait évidemment partie de l'accord. Les États-Unis ont le droit d'ouvrir des enquêtes et d'imposer des droits sur ce qu'ils considèrent être des droits antidumping et des droits compensateurs, et nous avons le droit, grâce à la protection que nous assure le processus de règlement des différends commerciaux, d'imposer des droits antidumping et des droits compensateurs. C'est ainsi que cela fonctionne. Tout accord sur le bois d'œuvre serait en dehors de l'ALENA et de ses dispositions.
    Notre prochain intervenant est M. Masse.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci à vous et à votre équipe pour le travail colossal que vous faites.
    Je fais partie d'une association interparlementaire du Canada et des États-Unis à laquelle participent le Parlement et le Sénat. Nous nous rendons à Washington deux fois par an et nous sillonnons les États-Unis. Nous avons des réunions conjointes avec le Sénat et le Congrès, et ces réunions regroupent des républicains et des démocrates. Notre groupe est bipartite; nous y allons en tant qu'Équipe Canada. Or, nous savons que les deux capitales peuvent parfois être des univers qui échappent à toute logique.
    Au fil des ans, nous avons pu voir l'émergence de certaines choses. J'aimerais aborder la question de l'environnement et de la main-d’œuvre. En repensant aux réunions que nous avons tenues avec le Congrès et le Sénat au fil des ans, je ne pense pas pouvoir me souvenir d'une seule fois où la main-d’œuvre et l'environnement aient été évoqués par les membres du Congrès et du Sénat comme étant des facteurs qui empêchent les travailleurs d'être concurrentiels ici dans notre pays, et ce, même en ce qui concerne le Mexique. Pourquoi cela ne faisait-il pas partie de l'accord initial? Cette omission a provoqué un délai exceptionnellement long puisque la question a dû être renvoyée au Congrès.
    Puis-je avoir vos commentaires sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pas insisté sur ce point dès le début?
    Je pense qu'il y a eu un effort pour essayer d'améliorer les obligations en matière de main-d’œuvre. C'est la première fois aux termes du nouvel accord que la main-d’œuvre a son chapitre à elle seule et qu'elle fait l'objet d'un règlement des différends. Les dispositions à ce sujet comportent un nombre assez important d'améliorations par rapport à l'accord parallèle qui existe en matière de main-d’œuvre. Ces améliorations concernent notamment la protection contre la violence à l'égard des travailleurs ainsi que le renforcement des disciplines et des obligations en matière de main-d’œuvre.

  (1040)  

    Oui, mais pourquoi cela ne faisait-il pas partie de la proposition initiale? Je veux dire que nous avons laissé au Congrès et aux démocrates le soin de réparer cette omission, et que l'accord est resté dans les limbes pendant près d'un an parce que nous ne l'avons pas fait dès le début.
    Je pense qu'à ce moment-là, toute la notion de mécanisme d'intervention rapide spécifique à une installation n'avait tout simplement pas été développée à ce point. Il n'y a jamais eu de disciplines visant des installations spécifiques dans un autre pays. Cela a nécessité des négociations beaucoup plus longues, notamment avec le Mexique, puisque, de toute évidence, c'est lui qui est visé par cela. L'élaboration de tous ces détails était controversée et a pris beaucoup de temps. C'est quelque chose que nous n'avions tout simplement pas fait au départ.
    L'une des choses qui ont été laissées de côté, et peut-être que vous pouvez nous donner des indications sur ce qu'il conviendrait de faire à cet égard, c'est le visa TN. Nous avons encore des personnes qui font des allers-retours à la frontière avec des professions qui n'existaient même pas dans l'accord initial d'il y a 25 ans. Que faisons-nous à ce sujet? Dans la région que je représente, ainsi que dans de nombreuses communautés frontalières et en région, il semble que les personnes exerçant certaines professions et occupant certains emplois sont autorisées à aller et venir un peu comme bon leur semble. Comme cela n'a pas été pris en compte dans les négociations, que devons-nous faire?
    En ce qui a trait à ce type de questions, lorsque nous avons commencé, la position américaine était de se débarrasser de tout ce chapitre sur l'admission temporaire des hommes d'affaires. Notre position était d'essayer d'améliorer et d'élargir, alors nous partions de deux points de vue complètement différents.
    Nous avons réussi à préserver le chapitre tel qu'il est avec les professions qui y sont évoquées. À mesure que nous avancerons, je pense que nous aurons la possibilité d'approfondir certains points et de fournir des précisions supplémentaires à cet égard, mais j'estime que le principal défi que nous avons dû relever était simplement de garder un chapitre traitant de ces questions, car les États-Unis y étaient catégoriquement opposés.
    Pour ce qui est des données et de la protection de la vie privée, quelles garanties les Canadiens ont-ils en ce qui concerne... Nous avons un commissaire à la protection de la vie privée, par exemple, et eux n'en ont pas.
    Y a-t-il des vulnérabilités dans cet accord quant à l'indépendance de notre commissaire à la protection de la vie privée? Serons-nous en mesure d'élaborer, à la lumière des technologies en mutation, des lois canadiennes aptes à maintenir cette indépendance, mais aussi, je l'espère, à la renforcer avec le temps?
    Nous avons une disposition particulière sur la protection de la vie privée, mais je pourrais peut-être demander à Nolan de nous en dire un peu plus à ce sujet.
    Bien sûr.
     Je m'appelle Nolan Wiebe et je travaille pour Affaires mondiales Canada. J'y suis agent principal de politique commerciale.
    Comme Steve l'a mentionné, il y a des engagements concernant la protection des renseignements personnels aux termes du chapitre sur le commerce numérique et du chapitre sur les exceptions, le chapitre 32. Dans le chapitre sur le commerce numérique, ces engagements concernent spécifiquement les consommateurs en ligne. Le contexte est plus large dans le cas du chapitre 32, Exceptions et dispositions générales, aux termes duquel les engagements s'appliquent à tous les aspects de l'accord.
    Ces dispositions visent à garantir que les pays se donnent des mesures pour protéger les renseignements personnels des entreprises et des consommateurs qui font du commerce en ligne.
    Toutefois, cela n'aura aucune conséquence pour le commissaire à la protection de la vie privée?
     Cette disposition n'aura aucune conséquence pour notre commissaire à la protection de la vie privée et, dans le contexte de cet accord, aucune autre disposition ne nuira à la capacité du commissaire de mettre en oeuvre les mesures que le Canada a prévues pour protéger les renseignements personnels des Canadiens.
    D'accord.
    Finalement, les dispositions Buy America constituent toujours un problème. Quelle est votre recommandation à cet égard? Il y a aussi la Buy American Act, qui passe aussi inaperçue.
    Une voix: C'est le cas.
    Malheureusement, monsieur Masse, c'est tout le temps dont vous disposiez.
    Les interventions de la prochaine série de questions dureront cinq minutes chacune, et nous commencerons par céder la parole à Mme Rempel Garner.

  (1045)  

    Merci, madame la présidente.
    Je vais reprendre mon intervention là où je l'ai laissée. Monsieur Verheul, la dernière observation que vous avez formulée avant que je sois interrompue, c'est qu'il faudrait que nous offrions à d'autres partenaires commerciaux de souscrire aux dispositions qui figurent au chapitre 19. Discutez-vous de cette possibilité avec l'Union européenne?
    Non, pas pour le moment.
    Pour donner suite à là où je voulais en venir la dernière fois, je sais que, selon la plupart des témoignages que notre comité a entendus et que nous avons entendus ailleurs de la part d'organisations qui représentent les producteurs de biens matériels, les dispositions du présent accord représentent une victoire pour les exportateurs de biens matériels.
    Compte tenu de la nouveauté du domaine, des importantes concessions que nous avons accordées relativement aux données et à la propriété intellectuelle dans le chapitre 19 et du fait, je le répète, que l'Union européenne a refusé d'intégrer des dispositions semblables dans son accord commercial, je me demande si nous avons fait des concessions relativement à ces intérêts afin de clarifier des questions qui sont plus tangibles sur le plan politique, comme l'exportation de produits manufacturés.
     Non, nous n'avons pas examiné la possibilité de faire ce genre de compromis. De plus, je suis indigné par la façon dont vous présumez que les dispositions relatives aux données étaient nécessairement des concessions de notre part. Nous avons une politique à cet égard. Ce n'est pas le premier accord dans le cadre duquel nous avons géré des enjeux de ce genre.
    Donc, vous avez une politique à cet égard.
    Le dernier groupe d'experts a déclaré qu'aucune analyse n'avait été menée. En l'absence d'une stratégie nationale en matière de données, j'ai demandé ce qui avait orienté les discussions à ce sujet. Toutefois, vous avez signalé avoir une politique à cet égard. Pouvez-vous la présenter? Voici où j'essaie d'en venir. Quelle stratégie avez-vous utilisée pour orienter vos décisions au sujet de la propriété des données — essentiellement les droits des créateurs de données du Canada —, compte tenu, en particulier, de l'incidence que ces décisions auront sur l'économie canadienne au cours des 10 prochaines années?
    Je crois qu'aucun pays du monde entier qui négocie des accords de libre-échange ne rend publiques les analyses détaillées qu'il a menées sur des enjeux de ce genre.
    D'accord. Parlons alors de la stratégie et de la politique. Vous avez dit que vous aviez une politique à cet égard. Quelle est cette stratégie ou cette politique? À quoi se rattache-t-elle? Comment les concessions qui ont été accordées — ou peu importe comment vous souhaitez caractériser le chapitre 19 — sont-elles liées à la croissance de l'économie canadienne des données au cours des 10 prochaines années, compte tenu du fait que cette politique diffère considérablement de la position de l'Union européenne à propos de l'intégration de ces dispositions dans ses accords commerciaux?
    L'Union européenne adopte une approche différente de la nôtre à cet égard; cela ne fait aucun doute. Nous avons adopté une approche différente dans le présent accord et, dans une certaine mesure, dans l'Accord de partenariat transpacifique.
    Cela a découlé principalement du résultat des consultations que nous avons menées auprès de l'industrie, du secteur privé...
    Quels groupes industriels?
    ... des provinces et des territoires. C'est ainsi que nous avons formulé nos positions, ainsi qu'en consultant notre propre analyse de la façon dont nous devrions mener ces...
    Vous avez dit qu'aucune analyse n'avait été menée, que vous n'aviez pas eu le temps d'en mener une, mais votre propre analyse était terminée. Je suis simplement un peu déroutée à ce sujet.
    Il y a peut-être deux différents types d'analyses. Nous procédons toujours à une analyse de chaque position de négociation que nous présentons, mais ce n'est pas une analyse d'un genre officiel que nous consignons sur papier ou que nous incluons dans une déclaration publique d'un genre ou d'un autre. Cette analyse repose sur les compétences que possèdent nos négociateurs. Nous utilisons cette analyse ainsi que nos consultations auprès du secteur privé pour établir notre position.
    Dans votre analyse économique, quel genre d'échéancier ou d'horizon avez-vous utilisé en vue d'appuyer vos négociations? Lorsque vous avez évalué l'incidence de cet accord sur le PIB, examiniez-vous l'état actuel de l'économie ou son état sur une période de 10 ans?
    Nous étudions toujours les conséquences à long terme de toute disposition que nous négocions. Nous n'examinons pas le statu quo, nous analysons ce qui est susceptible de survenir dans les années à venir.
    En ce qui concerne l'incidence que le chapitre 19 aura sur l'économie des données, les droits des créateurs de données et la valeur des données en tant que biens canadiens intangibles, quel genre d'analyse a été menée sur la croissance économique potentielle aux termes des dispositions négociées dans le chapitre 19?
    Évidemment, les membres du secteur privé ont différents points de vue au sujet de ces enjeux. Il va de soi que nous avons étudié ces points de vue, mais je précise encore une fois que nous nous sommes fiés aux compétences que nous possédons.
    Quels membres de l'industrie canadienne ont plaidé en faveur des dispositions qui figurent dans le chapitre 19?
    Il vous reste 10 secondes.
    Eh bien, nous avons certainement entendu des intervenants.
    Pourriez-vous nous présenter cette information?

  (1050)  

    Les points de vue des intervenants varient énormément au sujet de ces enjeux.
    Qui a plaidé en faveur de ces dispositions?
    Malheureusement, votre temps est écoulé, madame Rempel Garner.
    Pour notre prochaine série de questions, nous cédons la parole à M. Erskine-Smith.
    M. Geist participera à notre prochain groupe d'experts et, comme la majeure partie des travaux que nous menons au sein de notre comité mettent l'accent sur la prolongation de la protection du droit d'auteur, je tenais à citer M. Geist, qui a déclaré ce qui suit: « Les 20 années de protection supplémentaires, qui prolongent la norme internationale prescrite par la Convention de Berne, seront coûteuses pour les Canadiens et leur apporteront très peu d'avantages perceptibles. »
    Je suis curieux de savoir pourquoi nous sommes déterminés à prolonger de 20 ans la durée des droits d'auteur. Est-ce une mesure que nous avons présentée, ou est-ce une disposition que nous acceptons en raison de la teneur de l'ensemble de l'accord?
    C'est le résultat des négociations. Cela s'inscrit dans le cadre des négociations qui ont été menées pour conclure l'accord global.
    C'est de bonne guerre. J'en conclus que ce n'est pas une mesure que nous avons présentée, mais plutôt une disposition que nous avons acceptée parce que, dans l'ensemble, l'accord est dans notre intérêt. L'accord en vaut la peine, même si ce n'est peut-être pas le cas de la disposition.
    J'ai une question très précise à vous poser simplement parce qu'un témoin antérieur a soulevé la question. Dans le projet de loi C-4, pour apporter la modification proposée au paragraphe 6.2(2) de la Loi sur le droit d'auteur, le libellé mentionne 50 ans, ce qui contredit les autres périodes qui figurent partout dans le projet de loi C-4. Je suis curieux de savoir si la mention de 50 ans devrait être remplacée par 70 ans, ou si cette mention est correcte.
     Pardon, pourriez-vous répéter l'article que vous avez mentionné?
    Le paragraphe 6.2(2) proposé, intitulé « Identité généralement connue d’un coauteur », comprend la mention, en anglais, du restant de l’année civile au cours de laquelle l’auteur meurt et des 50 années suivant la fin de cette année civile.
    L'un des témoins a fait observer que la période mentionnée devrait être 70 années. On nous a confié la tâche de présenter des recommandations. Je sais que notre marge de manoeuvre à cet égard est plutôt restreinte, mais cette mention m'a semblé un peu incohérente par rapport au reste du document.
    À ma connaissance, cette mention est liée aux oeuvres anonymes et pseudonymes. Nous tentons de prolonger la période de protection afin qu'elle s'établisse à 70 années.
    Oui, mais dans le projet de loi C-4, le paragraphe 6.2(2) proposé mentionne une période de 50 années.
    Vous n'avez pas besoin de répondre maintenant. Toutefois, quelques éclaircissements seraient utiles.
    En ce qui concerne la disposition liée au Code criminel, je suis curieux de savoir pourquoi elle est nécessaire. Qu'est-ce qu'elle apporte au Code criminel qui manquait auparavant?
    À l'heure actuelle, le droit canadien ne criminalise pas le vol de secrets commerciaux. La common law ou les provinces s'occupent de cette infraction.
    Je ne parlais pas du vol de secrets commerciaux. La nouvelle disposition est liée à la mention « supprime ou modifie l’information sur le régime des droits ». Je suis curieux de savoir pourquoi la présence de cette disposition dans le Code criminel est nécessaire, alors qu'elle existe déjà ailleurs dans le droit.
    Le traité exige que nous ayons des dispositions criminelles liées à l'information sur le régime des droits, et il appartient à vous...
    C'est de bonne guerre.
    ..., les membres du gouvernement, de trouver le meilleur endroit où remplir cette obligation.
    Je comprends.
    Passons au chapitre 19. Mme Rempel Garner a invité des intervenants à lui faire part de leurs préoccupations concernant la localisation des données, même si je remarque que nous avons la possibilité de limiter la circulation transfrontalière de données, s'il est dans l'intérêt de la population de le faire. Nous ne disposons peut-être pas de règles en tant que telles qui régissent la localisation des données, mais nous pouvons établir un genre de norme d'adéquation de la même façon que l'Union européenne le fait.
    Toutefois, je tiens maintenant à aborder la question des dispositions relatives à l'exonération de responsabilité. Au cours de la dernière législature, nous avons examiné la responsabilité qui pourrait, à l'avenir, être attribuée aux Facebook et aux Google de ce monde, et pas seulement à titre de créateurs. L'accord dit ce qui suit: « sauf dans la mesure où le fournisseur ou l’utilisateur a, en tout ou partie, créé ou développé ce contenu ».
    Par conséquent, nous savons que Facebook et Google ne créent pas cette information. Ils l'hébergent, mais ils utilisent leurs algorithmes pour encourager la diffusion de ce contenu. Je suis curieux de savoir dans quelle mesure les dispositions relatives à l'exonération de responsabilité qui figurent à l'article 19.17 limiteraient notre capacité de tenir ces entreprises responsables de l'utilisation de leurs algorithmes pour accroître le nombre de visionnements du contenu et sa visibilité.
     L'article en question n'aurait pas de répercussions sur la capacité du Canada de gérer ces genres de situations où, comme vous l'avez mentionné, des entreprises peuvent, en fait, prendre part à la création du contenu en utilisant leurs algorithmes.

  (1055)  

    Non pas à la création du contenu, mais à sa promotion. Ce sont là deux choses tout à fait différentes.
    Je suis désolée, monsieur Erskine-Smith, votre temps est écoulé.
    Pour notre prochaine série de questions, nous cédons la parole à Mme Jaczek.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     J'aimerais aussi remercier l'équipe, et même la féliciter. Avant d'être élue, je regardais les reportages à ce sujet, et je suis vraiment heureuse que nous soyons maintenant parvenus au stade où nous étudions le projet de loi C-4.
    J'ai écouté attentivement les exposés ce matin, et même les séries de questions.
    La question de l'ensemble de l'industrie de l'aluminium au Québec fait partie des sujets d'inquiétude, et M. Lemire a sondé celui-là en profondeur. Nous avons entendu dire ce matin que la compétitivité de cette industrie sera extrêmement préoccupante dans les années à venir. Les petites et moyennes entreprises sont inquiètes. Par conséquent, j'aimerais entendre un peu plus d'observations à propos du dialogue que vous avez eu avec les acteurs et les intervenants de cette industrie. Je sais que vous avez été en mesure d'obtenir des conditions peut-être meilleures que celles qui existaient auparavant, mais pourriez-vous nous rassurer un peu au sujet de la façon dont vous croyez que les choses se dérouleront à l'avenir?
     Certainement. Je pense que la question de l'aluminium est un sujet qui a été un peu déformé au cours de certaines discussions.
    Comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons présenté une exigence qui n'existe pas en ce moment, selon laquelle 70 % de l'aluminium que les fabricants achètent doit être d'origine nord-américaine. De plus, le contenu nord-américain des automobiles a été accru aux termes des règles d'origine. Par conséquent, les fabricants ont beaucoup moins l'occasion d'utiliser des intrants étrangers que par Ie passé, ce qui incitera encore plus les fabricants à acheter de l'aluminium d'origine nord-américaine.
    En ce qui concerne la différence entre l'acier et l'aluminium, il est à noter qu'après sept ans, l'acier sera traité un peu différemment en raison de l'exigence relative à l'endroit où l'acier est fondu et coulé. Cette exigence ne s'appliquera pas à l'aluminium. Après 10 ans, la situation de l'aluminium sera examinée afin de déterminer si cet intrant nécessite un processus semblable. Nous avons déjà eu des discussions avec les États-Unis et le Mexique pour parler de la façon dont, si les fabricants ont tendance à utiliser de l'aluminium importé de Chine ou d'autres pays qui coupent l'herbe sous le pied du marché nord-américain, nous aurons l'occasion de réexaminer la question et de déterminer si l'aluminium nécessite le même traitement que l'acier.
    En outre, nous ne sommes pas forcés d'attendre 10 ans pour régler le problème. Nous pouvons nous en occuper dès que nous commençons à le remarquer.
    Ce matin, quelques questions ont été posées à propos de la teneur en valeur régionale. Pourriez-vous expliquer un peu plus en détail comment cette teneur est mesurée et comment nous garantissons l'exactitude de ce type de mesure?
    La teneur en valeur régionale est le pourcentage de matériaux d'origine nord-américaine qui doivent être utilisés pour fabriquer un véhicule particulier. Cela s'applique à toutes les pièces qui font partie du véhicule. À l'heure actuelle, la teneur en valeur régionale s'élève à 62,5 %, et elle passera à 75 % en vertu du nouvel accord.
    Par ailleurs, le nouvel accord comporte une nouvelle disposition pour les pièces essentielles, comme les moteurs, les transmissions, les essieux et les autres pièces de ce genre. Ces pièces doivent aussi avoir un pourcentage de contenu régional de 75 %. Cette exigence n'existe pas en ce moment. Bien entendu, il y a aussi l'exigence en matière d'acier et d'aluminium dont nous avons discuté, ainsi que la teneur en main-d'œuvre, dont nous avons également discuté.
    Tout cela contribue au genre d'exigences en matière de contenu que les fabricants d'automobiles seront tenus de respecter, des exigences qui, entre autres, mettent l'accent sur un contenu nord-américain accru.
    Par conséquent, il y aura une amélioration générale.
    Il y a seulement un autre sujet que j'aimerais aborder s'il me reste un peu de temps. En ma qualité de médecin, le prix que les Canadiens paient pour acheter des médicaments m'intéresse toujours. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui a été décidé, dans le cadre de l'accord, au sujet du prix des médicaments, de la protection des brevets, etc.?
    Comme vous le savez, les parties ont convenu d'un accord dont certains éléments ont ensuite été modifiés, notamment ceux relatifs aux médicaments biologiques. Le retrait de l'obligation d'assurer la protection des données signifie que le Canada n'a pas besoin de modifier son régime dans ce domaine pour respecter l'accord.
    Il n'y a pas de disposition propre au coût en tant que tel, mais toute disposition qui empêcherait l'entrée de médicaments génériques aurait une incidence sur le coût futur des médicaments. Puisque cette disposition a été retirée, l'ajustement de la durée des brevets en raison de retards dans le traitement des demandes à un bureau des brevets est le seul autre changement qui doit être apporté au régime du Canada.

  (1100)  

    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons aujourd'hui.
    Je remercie tout le monde de s'être déplacé. Merci beaucoup pour vos excellents exposés.
    Nous allons maintenant suspendre les travaux afin de nous préparer à entendre le prochain groupe de témoins.
    Merci.

  (1100)  


  (1105)  

    Nous reprenons nos travaux.

[Français]

    Bienvenue au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous faisons l'étude des articles 22 à 28 et 108 à 122 du projet de loi C-4.

[Traduction]

    Nous recevons aujourd'hui Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa.

[Français]

    Nous accueillons M. Bruno Letendre, président des Producteurs de lait du Québec; M. François Dumontier, directeur, Communications, affaires publiques et vie syndicale, Producteurs de lait du Québec; ainsi que M. Luc Boivin, propriétaire de Fromagerie Boivin.
    Bienvenue à tous.

[Traduction]

    Nous allons entendre l'exposé de 10 minutes de chaque témoin, puis tenir une période de questions après chacun. Nous allons entendre trois témoins au lieu des quatre habituels, ce qui nous permet de leur accorder un peu plus de temps.

[Français]

    Si vous voyez le carton jaune, cela veut dire qu'il vous reste 30 secondes.
    Nous allons commencer par M. Luc Boivin, qui est le propriétaire de l'entreprise Fromagerie Boivin.
    Bienvenue, monsieur Boivin.
    Merci, madame la présidente.
    Je m'appelle Luc Boivin, et je suis président et directeur général de l'entreprise Fromagerie Boivin. En son nom, je vous remercie de l'invitation à venir discuter aujourd'hui du projet de loi sur la mise en œuvre de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM, et des effets que cela aura sur mon entreprise et sur l'industrie laitière en général.
    Au cours de ma présentation, j'aimerais attirer votre attention sur les préjudices que l'entente et les autres accords commerciaux vont causer à mon entreprise et à ma région. Ensuite, je proposerai des mesures d'atténuation que le gouvernement peut prendre et qui aideraient l'industrie dans ses efforts d'adaptation au nouvel environnement du marché dans lequel nous devons évoluer présentement, compte tenu de l'ACEUM et des autres accords commerciaux.
    Fromagerie Boivin est une entreprise familiale de quatrième génération, qui a été fondée par mon arrière-grand-mère en 1939. À cette époque, la fromagerie servait à transformer les surplus de lait de la ferme familiale et des fermes des environs. Le marché de l'époque était celui du cheddar vieilli destiné aux marchés d'exportation. Depuis l'acquisition de Fromagerie Lemaire, le Groupe Boivin transforme 40 millions de litres de lait nécessaires à la production de 4,3 millions de kilos de fromage. Le Groupe Boivin emploie 340 personnes à temps plein. Nous fabriquons du fromage frais du jour sous la marque Boivin-Lemaire ainsi que les collations Amooza, qui sont vendues partout au Canada grâce à un contrat commercial conclu avec une grande entreprise canadienne.
    Nous exploitons également le seul séchoir situé dans l'est du Québec, où nous séchons le lactosérum de l'entreprise Fromagerie Boivin, mais aussi de Fromagerie Perron et de Fromagerie Saint-Fidèle, à Charlevoix, de laquelle nous sommes également actionnaires. Cette dernière transforme 10 millions de litres de lait en fromage suisse canadien et emploie 45 personnes dans le comté de Charlevoix.
    Fromagerie Boivin est déterminée à continuer d'investir et d'explorer de nouveaux marchés. Malheureusement, l'incertitude créée par les décisions gouvernementales constitue un frein majeur à nos projets d'investissements. La morosité actuelle dans l'industrie de la transformation laitière au Canada a eu des conséquences disproportionnées dans les régions éloignées, notamment dans ma région, le Saguenay—Lac-Saint-Jean. Le système actuel ne favorise pas les bassins laitiers de ces régions pour la transformation laitière, mais plutôt les bassins de consommateurs.
    Lorsque les accords commerciaux seront pleinement en œuvre, l'accès accordé dans l'ACEUM, ajouté aux concessions de marchés dans les autres accords commerciaux, sera sans précédent et représentera 18 % du marché canadien.
    Il faut être naïf pour penser que l'accès au marché de produits laitiers, qui représente 18 % du marché canadien, va se limiter à une perte de volume pour les transformateurs laitiers canadiens. Je vous rappelle que les transformateurs laitiers canadiens, contrairement aux producteurs de lait, n'ont pas accès à un prix réglementé lorsqu'ils vendent leurs produits. Enfin, les transformateurs de produits laitiers vendent leurs produits sur un marché où la concurrence est extrême, non seulement entre les transformateurs laitiers, mais aussi entre les autres transformateurs de produits alimentaires.
    L'accès au marché canadien — à hauteur de 18 % —, qui a été accordé par l'intermédiaire de différentes ententes commerciales conclues par le gouvernement canadien, a pour conséquence une réduction des marges et des prévisions quant au volume pour les transformateurs de lait. Ce sont ces décisions du gouvernement qui ont créé la morosité actuelle et qui font que l'on parle davantage, ces jours-ci, de désinvestissements, de fermetures et de consolidations dans le domaine de la transformation laitière.
    Il faut appeler un chat, un chat. Il y a une contradiction à clamer haut et fort que l'on appuie la gestion de l'offre, alors que l'on est en train d'asphyxier le secteur de la transformation laitière. Il ne peut y avoir une gestion de l'offre durable sans un secteur de la production et de la transformation viable. On entend souvent qu'il n'y aurait pas de transformation alimentaire sans une production agricole prospère. Je me permets de vous rappeler qu'il n'y aura pas de production agricole sans une transformation alimentaire prospère également.
    Je prends l'exemple de l'annonce du versement de compensations s'élevant à 1,75 milliard de dollars aux producteurs laitiers. J'étais vraiment content de cette annonce pour mes amis producteurs laitiers, qui sont mes fournisseurs et des amis avec qui je joue au hockey. Toutefois, plus de six mois après cette annonce, on n'a rien eu encore pour la transformation laitière. À mon avis, c'est une injure.
    Quant à l'atténuation des répercussions négatives des ententes commerciales, il faut qu'un programme de compensation visant la transformation laitière soit annoncé dans les plus brefs délais par le gouvernement fédéral. Le temps des promesses creuses est terminé. C'est le temps de l'action. Un tel programme devrait avoir un volet conçu spécialement pour les PME qui se consacrent à la transformation laitière canadienne, telle que la nôtre, afin de répondre à nos besoins particuliers.
    Cela veut dire de pouvoir compter non seulement sur un accès à de l'expertise technique, mais aussi à des fonds afin de faciliter cette consolidation de l'industrie laitière. L'industrie laitière a été sacrifiée à trois reprises sur l'autel du commerce international, et cela entraînera la mort de plusieurs entreprises. Déjà, des fermetures ont été annoncées. Assurons-nous qu'elle meurt dans la dignité. C'est ce à quoi le gouvernement s'est engagé.

  (1110)  

    Les volumes concédés se traduisent par la fermeture de 16 entreprises de notre taille au Canada.
    Je vous présente des solutions qui vont au-delà de l'aide financière.
    Nous devons examiner aussi les possibilités d'exportation, notamment celle du fromage à poutine, qui est notre fierté au Québec. C'est notre invention et il pourrait y avoir des débouchés pour ce fromage à l'extérieur du Canada, mais les marchés sont très difficiles à percer.
    D'autres mesures d'atténuation visent les allocations de licences d'importation, communément appelées « contingent tarifaire », aux transformateurs laitiers. Je vous lance un cri du cœur à ce sujet: cessez d'attribuer des licences d'importation à nos clients, c'est-à-dire les détaillants et les distributeurs. Est-ce que le gouvernement se rend compte des incidences de ce genre de décisions sur nos marchés? Lorsqu'il alloue des licences d'importation aux distributeurs et aux détaillants, il transfère des volumes de produits dans un secteur que les transformateurs laitiers ont développé par ses investissements à nos clients. Cela n'a pas de sens du point de vue des affaires. Cela déstructure complètement le marché. Cela détruit nos marges et cela crée un environnement très peu propice aux investissements.
    Une fois de plus, je demanderais au gouvernement de tenir compte des besoins particuliers des PME qui se consacrent à la transformation laitière lorsqu'il accorde des licences d'importation.
    En conclusion, voici le message à retenir de ma présentation.
    Il ne peut y avoir une gestion de l'offre durable sans un secteur de production et de transformation viable. Les produits laitiers visés par les ententes commerciales sont ceux à valeur ajoutée, comme le fromage, le yogourt et le lait de consommation, qui offrent le meilleur revenu dans la structure de prix de la gestion de l'offre. Fait encore plus troublant, la gestion de l'offre attaque notre souveraineté en concédant une limite à l'exportation. Bientôt, nous jetterons aux égouts de grandes quantités de lait écrémé.
    J'invite tous les partis à prendre acte de nos recommandations lorsqu'ils clament haut et fort leur appui à la gestion de l'offre. Le temps des belles paroles est terminé. Il est maintenant temps que les bottines suivent les babines — comme on dit dans mon coin de pays —, qu'il y ait un programme de compensation pour les transformateurs de lait ainsi qu'un programme d'allocation de licences d'importation qui est destiné au secteur de la transformation laitière.

  (1115)  

    Merci beaucoup, monsieur Boivin.
    Nous allons donner la parole à M. Letendre et à M. Dumontier. Je ne sais pas qui fera la présentation, mais vous disposez d'une période de dix minutes.
    Je m'appelle Bruno Letendre, et je suis président des Producteurs de lait du Québec, ainsi que membre du conseil d'administration des Producteurs laitiers du Canada. Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire une présentation.
    Le secteur laitier fournit aux consommateurs canadiens un approvisionnement stable de produits nutritifs. C'est l'un des deux premiers secteurs agricoles dans sept provinces sur dix, un moteur de croissance économique et un leader en matière d'innovation et de durabilité.
    Comptant plus de 10 000 fermes et 500 entreprises de transformation laitière, l'industrie laitière est, depuis des générations, le fondement de l'économie des communautés rurales du Canada. En 2015, l'apport du secteur au PIB canadien s'est élevé à près de 20 milliards de dollars, et la recette fiscale, à 3,8 milliards de dollars. En outre, le secteur laitier maintient dans tout le pays l'équivalent de 221 000 emplois à temps plein.
    À l'échelle du Québec, les quelque 5 000 fermes laitières livrent quelque 3,37 milliards de litres de lait, dont la vente totalise des recettes à la ferme de plus 2,6 milliards de dollars. La production et la transformation laitières génèrent au Québec quelque 83 000 emplois directs, indirects et induits, et contribuent à hauteur de 6,2 milliards de dollars au produit intérieur brut. Finalement, elles entraînent des retombées fiscales de 1,3 milliard de dollars.
    Les trois accords commerciaux les plus récents ont été conclus au détriment des producteurs laitiers canadiens. L'ACEUM n'en est que le dernier exemple. Le résultat des négociations liées à l'ACEUM va bien au-delà des concessions portant sur l'accès au marché laitier, qui représentent à elles seules 3,9 % de la production laitière du Canada en 2017. En cumulant les importations déjà autorisées par l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, et celles découlant des accès précédemment accordés dans l'accord conclu avec l'Europe et l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, respectivement de 1,4 % et de 3,1 %, ces importations totales équivaudront d'ici 2024 à 18 % de la production laitière canadienne.
    L'ACEUM exige également une consultation avec les États-Unis sur toute modification à l'administration du système de gestion de l'offre de produits laitiers du Canada. Dans un accord commercial, forcer une industrie canadienne à consulter son concurrent direct dans un autre pays sur les changements administratifs qu'il pourrait apporter à l'avenir sur le plan national est un dangereux précédent. Par le fait même, le Canada renonce à une partie de sa souveraineté.
    Les répercussions des récents accords commerciaux ont créé de l'incertitude, en particulier chez les jeunes producteurs. Ces accords pourraient aussi avoir une incidence considérable sur les investissements dans les exportations agricoles et dans la transformation, en plus d'entraîner des pertes d'emplois dans les communautés de tout le pays. Cette incidence se fait sentir au-delà des considérations économiques. En effet, l'accès accru au marché en raison du déplacement des produits laitiers canadiens crée une incertitude supplémentaire à un moment où l'on s'inquiète déjà de la santé mentale des agriculteurs et des habitants des zones rurales.
    Le premier ministre s'est engagé à plusieurs reprises à indemniser pleinement et équitablement le secteur laitier pour les effets cumulés de l'AECG, le PTPGP et l'ACEUM.
    Cet engagement a été réitéré dans la motion adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes en octobre 2018. La motion est ainsi libellée:
Que la Chambre demande au gouvernement de mettre en place un programme qui compense financièrement les producteurs d'oeufs, de volaille et de lait pour l'intégralité des pertes qu'ils subissent à cause des brèches à la gestion de l'offre contenues dans l'AECG, le PTPGP et l'ACEUM, et ce, avant de demander aux parlementaires de voter sur l'ACEUM.
    Le gouvernement a annoncé, le 16 août 2019, une enveloppe d'indemnisation de 2 milliards de dollars pour atténuer les effets de l'AECG et du PTPGP. Cette enveloppe ne couvre pas l'ACEUM. Sur les 2 milliards de dollars annoncés, 250 millions ont été fournis précédemment dans le cadre du programme d'investissement pour les fermes laitières. Le montant restant de 1,75 milliard de dollars sera versé sur huit ans. Le programme de paiements directs destiné aux producteurs laitiers, lancé à l'automne 2019, devrait permettre de verser 345 millions de dollars aux producteurs laitiers d'ici le 31 mars 2020. L'engagement restant de 1,4 milliard de dollars doit être confirmé sous forme de paiements directs et être versé sur les sept autres années.
    Les producteurs laitiers canadiens sont tous touchés par les récents accords commerciaux, et ils sont les mieux placés pour connaître leurs propres besoins. Ils ont indiqué que les indemnisations devraient prendre la forme de paiement direct. Cette formule est conforme aux recommandations du groupe de travail sur les mesures d'atténuation, créé par le gouvernement fédéral après la signature de l'ACEUM. Elle est aussi conforme à l'engagement du gouvernement d'écouter les producteurs au moment de déterminer les modalités de versement.
    Le programme d'indemnisation annoncé relativement à l'accès accordé dans le cadre de l'AECG et du PTPGP était une première étape à cet égard. Toutefois, afin de respecter son engagement, le gouvernement devra également tenir sa promesse d'indemnisation complète et équitable concernant les répercussions de l'ACEUM.

  (1120)  

    Le gouvernement canadien a déclaré à plusieurs reprises qu'il souhaitait un secteur laitier dynamique, fort et en pleine croissance, qui crée des emplois et favorise les investissements. Cette indemnisation est nécessaire pour rétablir la confiance dans le secteur. Elle apportera aux producteurs laitiers la stabilité nécessaire pour aller de l'avant. Nos fermes laitières ne se délocalisent pas.
     L'aide accordée par le gouvernement sera donc dépensée et réinvestie dans l'économie canadienne. Elle contribuera aussi à garantir que les producteurs puissent poursuivre, aux niveaux actuels, les investissements dans le développement et l'adoption de meilleures pratiques innovantes en ce qui a trait aux exploitations et aux technologies durables. Une industrie laitière viable et durable est essentielle à l'offre continue de produits laitiers nutritifs et sains, et ce, à un coût abordable pour les Canadiens.
     Les producteurs laitiers canadiens auraient préféré que, au lieu de recevoir une indemnisation en échange des concessions accordées dans les récents accords commerciaux, il n'y ait aucune concession laitière. Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
    1- Que le gouvernement canadien continue de verser aux producteurs laitiers, sous forme de paiements directs, les sept années restantes d'indemnisation complète et équitable pour atténuer les effets de l'AECG et du PTPGP, et que le montant total soit inclus dans le budget principal des dépenses de 2020.
    2- Que le gouvernement canadien respecte son engagement à indemniser pleinement et équitablement les producteurs laitiers afin d’atténuer les impacts de l’ACEUM, conformément aux recommandations du groupe de travail sur l’atténuation établi par le gouvernement à la suite de l’annonce de ce même accord commercial.
    Parlons maintenant des taxes à l'exportation.
    L'ACEUM contient également une disposition qui impose des taxes à l'exportation sur certains produits laitiers, au-delà d'un certain plafond, ce qui crée ainsi un dangereux précédent qui pourrait affecter d'autres secteurs dans de futurs accords commerciaux.
    L'ACEUM exige que toute exportation de poudre de lait écrémé, de concentré de protéines laitières et de lait maternisé, au-delà d'une certaine quantité, soit soumise à une taxe à l'exportation qui équivaut en fait à un plafond mondial sur l'exportation de ces produits laitiers canadiens. Par conséquent, ces produits ne seront pas compétitifs par rapport à ceux des autres acteurs mondiaux.
    Il importe d'atténuer les répercussions de ces taxes à l'exportation. On pourrait y parvenir par des ententes administratives avec les États-Unis, même après la ratification de l'ACEUM. Ces plafonds constitueraient un dangereux précédent pour tout produit canadien susceptible d'être exporté, car ils limiteraient la compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux.
    Il importe également de noter que les répercussions des récents accords commerciaux ne se limitent pas aux producteurs laitiers. Ils touchent également les transformateurs laitiers, qui sont essentiels à la durabilité à long terme du secteur, ainsi que d'autres secteurs soumis à la gestion de l'offre.
    Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
    3- Que le gouvernement canadien négocie un accord administratif avec le gouvernement américain pour atténuer l'impact des taxes à l'exportation contenues dans l'ACEUM, qui sont déclenchées au-delà d'un certain volume d'exportations de produits laitiers, comme les concentrés de protéines de lait, le lait écrémé en poudre et les préparations pour nourrissons.
    Il est important de noter que, si l'ACEUM entre en vigueur avant le 1er août, date du début de l'année laitière, les seuils d'exportation de poudre de lait écrémé, de concentré de protéines laitières et de préparations pour nourrissons connaîtront une baisse du volume d'exportation spectaculaire, soit près de 35 % en quelques mois seulement. Ce serait un nouveau coup dur pour le secteur laitier, qui, en pratique, ne pourrait pas bénéficier d'une période de transition. Il est également important de considérer que les répercussions des récents accords commerciaux ne sont pas limitées aux producteurs laitiers.
    Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
    4- Que le gouvernement alloue une période de transition adéquate à l'industrie laitière pour s'adapter au plafond des exportations, en s'assurant que l'ACEUM n'entre en vigueur qu'après le 1er août 2020.
    Malheureusement, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, ne dispose pas de la formation, des outils ou des ressources nécessaires pour surveiller efficacement ce qui entre au Canada. Ces agences doivent garder des frontières poreuses, ce qui deviendra encore plus problématique à mesure que les importations continueront d'augmenter.
    Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
    6- Que des ressources, des outils et une formation accrus soient fournis à l'AFSC afin d'améliorer son efficacité à traiter les questions frontalières en temps opportun et de manière transparente, compte tenu notamment du niveau supplémentaire d'importations accordé dans le cadre des récents accords commerciaux.
    En conclusion, les producteurs laitiers canadiens maintiennent leur position, à savoir qu'aucun accord commercial futur ne doit faire de concessions quant à l'accès au marché pour le secteur laitier.
    Les Producteurs laitiers du Canada comprennent l'importance du commerce international pour l'économie canadienne en général, et ils ne s'opposent aucunement à ce que le Canada explore ou conclue de nouveaux accords commerciaux, à condition que ces accords ne nuisent pas davantage au secteur laitier. Avec le soutien du gouvernement fédéral, les producteurs laitiers canadiens peuvent continuer à accumuler les succès, tout en contribuant à la santé et au bien-être des Canadiens.
    Je vous remercie.

  (1125)  

    Merci beaucoup, monsieur Letendre.

[Traduction]

    J'invite maintenant M. Geist à prendre la parole.
    Merci.
    Je m'appelle en effet Michael Geist et suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, de même que titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également membre du Centre de recherche en droit, technologie et société. Mes champs d'intérêt comprennent les politiques en matière d'économie numérique, la propriété intellectuelle, la vie privée et Internet. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel afin d'exprimer uniquement mes propres points de vue.
    Comme vous le savez, l'approche usuelle quand on témoigne devant un comité qui étudie un projet de loi est d'abord d'examiner le projet de loi, puis d'établir les dispositions que l'on appuie et les points qui doivent faire l'objet d'un amendement. Dans le cas présent, du moins en ce qui a trait aux domaines de mon ressort, ce qui compte n'est pas vraiment le contenu du projet de loi, mais bien ce qui en a été omis. En effet, les questions les plus importantes du point de vue des politiques d'économie numérique, qui ont sans contredit des conséquences majeures pour les dossiers traités par ce comité, sont essentiellement absentes du projet de loi C-4. On les trouve plutôt dans l'Accord Canada—États-Unis—Mexique ou ACEUM, et elles tendent surtout à limiter le champ d'action du Canada dans toute réforme future de ses politiques plutôt que d'exiger des mesures législatives immédiates.
    Le défi est donc de taille, puisque les lacunes de l'accord ne peuvent pas être corrigées dans le projet de loi C-4. C'est plutôt l'accord commercial comme tel qui doit être modifié, et il semble être à prendre ou à laisser.
    J'aimerais aborder brièvement quatre points à la lumière de ces lacunes, certaines pouvant se traduire par des coûts atteignant des centaines de millions de dollars pour le Canada, soit la prolongation de la durée du droit d'auteur, l'exemption culturelle, la protection de la vie privée et des données, et la responsabilité des plateformes Web.
    Je vais d'abord traiter de la prolongation de la durée du droit d'auteur, et je sais qu'on vous en a déjà parlé aujourd'hui. Les dispositions de l'accord portant sur la propriété intellectuelle soulèvent des préoccupations importantes. Aucune n'est cependant aussi inquiétante que la nécessité de modifier la durée du droit d'auteur, qui passerait de la norme internationale applicable du vivant de l'auteur et 50 ans suivant son décès à une norme applicable du vivant de l'auteur et 70 ans suivant son décès. Cette prolongation de 20 ans est une réforme à laquelle le Canada s'est, à juste titre, opposé pendant des décennies, tant sous les libéraux que sous les conservateurs. Vu notre concession sur ce point, l'accord se traduit pour les détenteurs de droits par une somme colossale qui pourrait atteindre des centaines de millions de dollars, en plus de nécessiter la restructuration des lois canadiennes en matière de droit d'auteur afin de rétablir l'équilibre. Par exemple, il pourrait s'agir de remédier à des questions abordées plus tôt et liées aux serrures numériques.
    Les données indépendantes sur la prolongation de la durée du droit d'auteur sont sans équivoque. Elle limite davantage l'accès aux œuvres, augmente les coûts pour les consommateurs et bride la créativité. Comme l'a déclaré Paul Heald, l'un des chercheurs de renom sur les effets d'une prolongation de la durée, « c'est une taxe à la consommation » dont l'imposition n'a pas à être d'intérêt public.
    Dans le cadre de son étude sur le droit d'auteur, ce comité a mené un examen rigoureux et recommandé l'imposition d'un enregistrement pour prolonger la durée du droit d'auteur de 20 ans et ainsi atténuer les inconvénients de la prolongation de la durée et, par le fait même, rendre l'ensemble du régime des droits d'auteur plus transparent.
    La prolongation de la durée du droit d'auteur n'est pas citée dans le projet de loi C-4 parce que le gouvernement a négocié une période de transition de 30 mois pour remédier à la question. Je crois que le gouvernement a été sage de ne pas se précipiter sur la question et qu'il devrait tirer pleinement profit de la période de transition pour suivre les recommandations de ce comité et créer un enregistrement pour la période supplémentaire de 20 ans. Ainsi, les détenteurs qui le souhaitent pourraient se prévaloir de cette protection supplémentaire tandis que l'on assurerait également le transfert au domaine public de nombreuses autres œuvres à l'expiration de la période de protection qui persiste du vivant de l'auteur et pendant les 50 années suivant son décès.
    Deuxièmement, j'attire votre attention sur l'exemption culturelle. Comme la prolongation de la durée du droit d'auteur, l'exemption culturelle ne figure pas dans le projet de loi C-4. En fait, l'exemption ne nécessite aucune réforme législative. J'aurais toutefois tendance à dire que l'exemption est un des aspects de cet accord qui est le moins bien compris, à tout le moins par rapport aux domaines qui m'intéressent.
    Conformément aux déclarations du gouvernement, l'exemption culturelle englobe un large éventail de secteurs où le Canada bénéficie d'une exemption quasi complète. Bien que le gouvernement insiste sur sa grande portée, il aborde rarement ce que les États-Unis ont demandé en contrepartie, soit le droit de répliquer au recours à l'exemption par le Canada en adoptant des mesures ayant un effet commercial équivalent. La disposition sur les mesures de rétorsion permet aux États-Unis d'imposer des droits de douane ou de prendre d'autres mesures qui ont un effet commercial équivalent face aux politiques canadiennes qui, sans l'exemption culturelle, contreviendraient à l'ACEUM.
    Puisque la disposition ne limite pas la réponse des partenaires au secteur culturel, on peut s'attendre à ce que les États-Unis ciblent les secteurs névralgiques de l'économie canadienne, par exemple la production laitière, pour nous dissuader d'y recourir. C'est d'ailleurs la stratégie déployée récemment par les États-Unis en réaction à la décision française de créer une taxe sur les services numériques, qui s'est traduite par des menaces d'imposition ou des droits de douane de 2,4 milliards de dollars américains sur les produits français, comme le vin, le fromage et les sacs à main.
    Quelle forme cela pourrait-il prendre au Canada? Le rapport que vient de déposer le Groupe d'examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunication, aussi appelé le rapport Yale, contient de nombreuses recommandations que je qualifierais de mal avisées sur la réglementation d'Internet et des services de nouvelles en ligne tels que les agrégateurs de nouvelles.

  (1130)  

    Si le gouvernement adopte les recommandations sur le contenu du groupe d'examen, les États-Unis seront très bien placés pour adopter des mesures de rétorsion ayant un effet commercial équivalent. Parmi les propositions du groupe d'examen qui pourraient aller à l'encontre du nouvel accord commercial, mentionnons l'obligation de payer des redevances pour financer le contenu canadien sans bénéficier pleinement des mêmes modèles de financement que les sociétés canadiennes, les exigences relatives aux licences pour les services Internet qui pourraient violer les normes de l'ALENA et les exigences de découvrabilité qui limitent la façon dont l'information est transmise par les services Internet et sur les sites Web.
    J'insiste sur le fait que c'est, à mon sens, une mauvaise politique et qu'elle doit être rejetée. Cela dit, pour les fins de la présente étude, il faut noter que la capacité d'adopter des réformes dans ce domaine est grandement limitée par l'accord, qui permet l'adoption d'une surtaxe de représailles d'une valeur de centaines de millions de dollars.
    Troisièmement, regardons la Charte canadienne du numérique et la protection de la vie privée. Il y a ici aussi des limites imposées aux politiques canadiennes relatives à la protection des données et de la vie privée. Contrairement à l'exemption culturelle, qui permet la violation de l'accord en contrepartie des mesures de rétorsion dont j'ai parlées, le Canada risque de tout simplement passer à côté de son engagement en matière de protection de la vie privée au titre de l'ACEUM.
    Ici encore, aucune disposition du projet de loi C-4 ne traite de la question, et ce serait inutile, puisque l'ACEUM interdit certaines dispositions liées à la vie privée au lieu de les exiger. Par exemple, et je sais que la question a été soulevée par le groupe de témoins précédent, l'ACEUM comporte une disposition qui limite la localisation des données, c'est-à-dire les mesures qui exigent le stockage des données au Canada. Cette disposition est plus restrictive que celle de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Il y a des exceptions générales, mais le gouvernement canadien sera limité dans sa capacité à établir des exigences de localisation au titre de cet accord.
    Selon moi, les conséquences sont considérables. Il suffit de penser au large éventail de dossiers actuellement associés aux données, comme la Charte canadienne du numérique et les réformes qu'elle propose en matière de protection des données et de la vie privée, les préoccupations liées à la souveraineté des données, les questions relatives à l'intelligence artificielle et les craintes associées à la compétitivité des entreprises canadiennes par rapport aux données canadiennes.
    Le gouvernement canadien a lui-même établi des exigences en matière de localisation dans sa politique sur l'infonuagique. En effet, le gouvernement reconnaît qu'il peut parfois s'avérer nécessaire de recourir à la localisation des données, et pourtant, dans cet accord, le Canada a un pouvoir de réglementation limité. C'est tout aussi vrai pour le transfert des données, puisque l'ACEUM limite également la capacité de les restreindre. Tandis que nous entamons des discussions avec l'Union européenne sur le bien-fondé des lois canadiennes en matière de vie privée, certains sont préoccupés par le risque de voir le Canada se retrouver coincé entre l'arbre et l'écorce en matière de transfert des données, l'Union européenne demandant certaines restrictions qui sont interdites par l'ACEUM.
    Enfin, j'aimerais aborder la responsabilité des plateformes Web. Une dynamique semblable s'applique à la responsabilité des plateformes Web, ce qui soulève la question de la nature de la responsabilité des sociétés Internet par rapport au contenu d'une tierce partie sur leurs sites. Cette question touche des acteurs importants comme Google et Facebook, mais bien franchement, elle concerne presque tous les services qui permettent aux utilisateurs de faire des commentaires ou d'afficher du contenu. Là encore, il n'y a aucune disposition à cet effet dans le projet de loi C-4. Et c'est une fois de plus parce que l'ACEUM limite l'adoption de politiques dans ce domaine plutôt que d'exiger de nouvelles dispositions.
    L'ACEUM comprend une règle refuge pour les fournisseurs intermédiaires de services Internet et les plateformes Web par rapport au contenu affiché par leurs utilisateurs. La règle est conçue de façon à les exonérer de toute responsabilité, que le contenu soit retiré ou non. Contrairement à ce que certains affirment, cela ne signifie pas que tout est permis: les sites et les services demeurent assujettis aux ordonnances des tribunaux et à l'application des lois pénales. En outre, l'application des droits de propriété intellectuelle bénéficie aussi d'une exemption. Cela dit, certains avancent maintenant que la responsabilité des fournisseurs intermédiaires de services Internet devrait être plus grande et comporter de possibles conséquences s'ils omettent d'agir, même quand il s'agit de contenu légal, mais préjudiciable. Je crois que la question soulève d'importantes préoccupations liées à la liberté d'expression de même que des questions sur les façons de trouver le juste équilibre entre la liberté d'expression et la protection contre un discours préjudiciable.
    Le projet de loi C-4 et l'ACEUM n'ont pas pour objet de débattre où devrait se situer le Canada. Le Groupe d'examen a recommandé l'imputabilité en cas de contenu en ligne préjudiciable, même si ce contenu est légal. D'autres, dont je fais partie, avancent que la responsabilité devrait se limiter au contenu illégal, et que de l'appliquer au contenu légal permettrait aux sociétés Internet d'être à la fois juge et partie de ce qui est accessible en ligne, ce qui viendrait donner encore plus de pouvoirs aux grandes sociétés, en plus de limiter la concurrence et la liberté d'expression.
    Ce qu'il est important de retenir ici, c'est qu'il doit y avoir un débat sur les politiques et que, dans le cadre de l'ACEUM, le Canada a déjà pris position, une position qui le contraint dans sa capacité à établir la responsabilité associée au contenu de tierces parties.
    Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

  (1135)  

    Merci beaucoup, monsieur Geist.
    Nous allons maintenant commencer la période de questions. Chaque intervenant aura six minutes et la première sera Mme Gray.
    Merci, madame la présidente.
    Merci d'être parmi nous, monsieur Geist. J'ai écouté certains de vos balados; je les trouve intéressants.
    J'ai quelques petites questions. Vous avez d'abord parlé d'innovation et de compétitivité dans le contexte de cette prolongation et de la façon dont elle pourrait les limiter. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus là-dessus ainsi que sur son incidence sur l'industrie, mais aussi sur les organisations publiques comme les bibliothèques et les établissements d'éducation, quant à l'accès futur à l'information.
    Merci pour votre question et pour la promotion de mes baladodiffusions.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Michael Geist: En fait, j'aimerais souligner que le balado de cette semaine, qui a été mis en ligne il y a quelques heures à peine, comprend une entrevue avec Paul Heald, spécialiste de la prolongation de la durée du droit d'auteur. Nous avons discuté plus précisément de ses travaux dans ce domaine et des coûts et conséquences de la prolongation de la durée. Il a fait des recherches vraiment intéressantes sur, par exemple, les données d'Amazon pour essayer d'établir l'incidence de l'accès aux œuvres quand elles sont protégées par un droit d'auteur et après leur entrée dans le domaine public. Il a découvert que les œuvres qui sont épuisées, mais toujours protégées par un droit d'auteur, deviennent beaucoup plus difficiles d'accès. Cela nuit tant aux auteurs qu'au public, alors qu'une œuvre qui devient du domaine public est beaucoup plus accessible. Il s'est intéressé aux données de Wikipédia pour essayer de donner une valeur à la valeur du domaine public en notant l'utilisation d'images qui sont du domaine public et la valeur qu'elles pourraient avoir. Il a noté qu'elle pourrait se chiffrer dans les centaines de millions de dollars.
    Pour répondre directement à votre question, nous disposons maintenant de diverses études qui soulignent les coûts énormes des prolongations de durée. Dans le cas présent, cela aurait littéralement pour effet d'arrêter l'expansion du domaine public pendant 20 ans, donc essentiellement pendant toute une génération. Ce que cela signifie du point de vue éducatif à une époque où, si vous vous rendez dans les écoles, surtout les écoles primaires et secondaires, vous constatez que les œuvres du domaine public jouent encore un rôle crucial... En fait, l'Ontario Book Publishers Organization a mené une étude sur le rôle des œuvres canadiennes dans nos écoles. Elle a constaté que le domaine public demeure une source importante des œuvres consultées et utilisées dans nos salles de classe. Si nous prolongeons la durée du droit d'auteur, nous augmentons les coûts et nous rendons ces œuvres essentiellement moins accessibles et plus coûteuses pour le système d'éducation.
    Excellent, merci pour cette explication.
    Je veux aussi parler de l'enregistrement obligatoire. Vous y avez brièvement fait référence. Il semble y avoir différents points de vue à ce propos et quant à sa véritable valeur. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il serait adéquat pour l'industrie de l'adopter?
    Comme je l'ai dit, c'est quelque chose qui a été recommandé par ce comité dans le cadre de son examen du droit d'auteur. Je crois que l'on tente ainsi d'atteindre le juste équilibre entre ce que nous impose l'accord... Le Comité a aussi souligné qu'il ne prolongerait pas la durée du droit d'auteur, à moins d'y être obligé par un accord du genre, et c'est là que nous en sommes.
    Essentiellement, l'enregistrement viendrait confirmer que nous respectons la norme internationale établie par la Convention de Berne d'une protection du vivant de l'auteur et pendant 50 ans suivant son décès, et que la Convention de Berne ne nous permet pas d'opter pour un enregistrement obligatoire. Voilà en ce qui a trait à la norme de protection pendant la vie de l'auteur plus 50 ans. Pour les 20 ans supplémentaires, cela n'est effectivement pas couvert par la Convention de Berne, donc nous pouvons déclarer avoir une protection pendant la vie de l'auteur et 50 ans post-mortem plus 20 ans. Nous donnerions la possibilité de prolonger la durée du droit d'auteur. Donc, si des témoins ou d'autres personnes affirment qu'ils pourraient bénéficier de la prolongation de la durée avec 20 ans de plus, ils pourraient s'en prévaloir.
    Toutefois, pour la très grande majorité des œuvres, les gens n'ont pas le même type de préoccupations et ils sont souvent heureux de les voir accéder au domaine public. Il ne faut pas oublier que l'on parle de la vie de l'auteur et, actuellement, des 50 années qui suivent son décès. Ces œuvres se retrouveraient dans le domaine public sans cette prolongation. J'estime qu'ainsi le Canada pourrait vraiment faire figure d'exemple pour sa façon de gérer plus efficacement la prolongation de la durée et d'atteindre un juste équilibre entre, d'une part, l'offre d'une protection à ceux qui la veulent et, d'autre part, la prise de mesures pour prévenir les conséquences fâcheuses d'une telle prolongation.

  (1140)  

    Merci.
    Je vais partager mon temps, puisqu'il n'y a qu'une série de questions.
    Merci beaucoup.
    J'ai quelques questions pour les producteurs laitiers et un bref commentaire sur le précédent dans cet accord qui nous fait renoncer à notre souveraineté en matière de poudre de lait écrémé, de concentré de protéines laitières et de lait maternisé, et j'ai également une question sur le plafond des exportations. Y a-t-il eu des discussions à cet effet? Est-ce que l'accord respecte les règles du commerce international à cet égard? Est-ce qu'on vous a consultés?
    D'abord, peut-être que M. Letendre accepterait d'en parler — et je n'ai à peu près qu'une minute pour vous deux.

[Français]

    Merci de votre question.
    Non, nous n'avons pas été consultés sur ces articles. Je vais donner un exemple. La vache donne un produit dont le consommateur n'a pas toujours besoin, donc nous avons toujours des surplus. En ayant accepté de limiter cela, le gouvernement a attaqué la souveraineté du pays. Les transformateurs laitiers pourraient ajouter leurs commentaires, parce qu'ils ont ces produits à transformer et ils sont incapables de les écouler.
    Nous n'avons donc pas été consultés, et c'est une entrave à notre souveraineté et au développement de l'industrie laitière.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Boivin, la parole est à vous.

[Français]

    J'abonde dans ce sens. Je vous fais part des dernières données de consommation provenant de la Commission canadienne du lait, ou CCL.
    Au Canada, cette année, les ventes de lait de consommation sont en baisse de 1,8 % et celles du yogourt, de 3 %. Les ventes de fromage, quant à elles, ont augmenté de 1,5 % , mais cela inclut les mesures liées au contingent tarifaire, c'est-à-dire le fromage importé. Les ventes de fromages canadiens sont donc à la baisse. C'est la hausse de la demande pour la crème et le beurre qui crée le besoin sur le marché, ce qui fait en sorte qu'il n'y a aucun débouché pour les solides non gras. Cela fait diminuer le prix à la ferme. En vertu du mécanisme actuel de la CCL, on décrète, à ce moment-là, un cas de force majeure et on vient augmenter le prix des produits de classe 1, 2 et 3.
    Je suis désolée, monsieur Boivin, il n'y a plus de temps.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole.
    Nous pouvons percevoir clairement que ce nouvel accord de libre-échange constitue pour vous un recul, si nous le comparons à l'ancien ALENA, et qu'il nuit à votre rentabilité.
    Considérez-vous que ce qu'on peut faire par la bande au sujet de la gestion des surplus de protéines, de lait en poudre et de tout cela est un pas concret vers la fin de la gestion de l'offre?
    C'est ce qu'on dit. On a porté tellement de coups à la gestion de l'offre que le modèle est en train de s'écrouler. On ne peut pas demander aux fromageries, aux gens qui fabriquent du yogourt et qui produisent du lait de consommation de continuer à payer un prix plus élevé pour leur lait afin de maintenir le statu quo à la ferme.
    Depuis les dernières ententes, le gouvernement a fait du tort à nos marchés fromagers canadiens lucratifs. Actuellement, nous subissons les effets des prix à la baisse. Je vais prendre l'exemple de l'entreprise Fromagerie St-Fidèle. Le fromage suisse est importé d'Europe à un coût de 5,50 $ le kilo une fois arrivé à Montréal, alors que le coût de notre lait à l'usine est de 9 $ le kilo. Comment voulez-vous que nous soyons compétitifs dans un marché qui n'est pas en croissance? Ce marché est stagnant, malgré quelques petites percées pour le beurre et la crème. Dans l'ensemble, nous devons faire face à une compétition déloyale et cela touche nos marges de profit. Nous perdons des marchés et nos ventes diminuent. C'est ce que nous voyons.
    Les marges de profit du secteur canadien de la transformation laitière s'effondrent. Cela nuit à notre compétitivité et à la pérennité de nos entreprises. Vous avez sacrifié l'industrie laitière et il y aura des répercussions négatives. Vous êtes des députés québécois; écoutez-nous. C'est le Québec qui sera la province la plus touchée. Notre industrie transforme 80 % du yogourt au Canada, et 65 % des fromages fins du Canada sont fabriqués au Québec. Il y aura des répercussions dans toutes les régions du Québec.
    Le système de la gestion de l'offre fait en sorte que nous livrons le lait FOB aux usines. Cela va nuire principalement aux usines qui se trouvent dans des bassins laitiers où il n'y a pas beaucoup de consommateurs pour favoriser la consolidation de l'industrie vers les marchés, donc vers les bassins de consommateurs dans les régions de Toronto et de Montréal.
    Dans l'ensemble, cela ne sera pas bon. Au début des années 2000, j'ai vécu la fermeture du Groupe Lactel dans ma région. Des usines ont été fermées et beaucoup d'emplois ont été perdus dans des régions du Québec. Selon moi, il y aura de grosses répercussions, mais le gouvernement ne réagit pas du tout. Nous proposons des solutions, mais il ne se passe rien.

  (1145)  

    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser à MM. Dumontier et Letendre.
    Messieurs, comme vous l'avez mentionné, la date du 1er  mai est très importante pour vous. Il y a un délai de trois mois avant l'entrée en vigueur de l'ACEUM le 1er  août.
    Vous avez dit que des tonnes de protéines en surplus pourraient être exportées. Quelles seront, concrètement, les répercussions? Actuellement, combien de tonnes exportez-vous?
    Aujourd'hui, nous exportons à peu près 80 000 tonnes et cela pourrait augmenter et s'établir à 100 000 tonnes. Nous avons fait une modélisation sur plusieurs années et l'avons soumise au gouvernement. Cela va continuer pour les raisons qu'a évoquées M. Boivin. La hausse de la consommation de produits gras amène forcément une augmentation des surplus structurels de solides non gras.
    Vous mentionnez que la date de la ratification est importante. En effet, la mise en vigueur se fera en deux phases: un premier plafond à 55 000 tonnes et un deuxième à 35 000. L'Accord prévoit que ces plafonds seront calculés en année laitière, qui commence au mois d'août. Si l'Accord est ratifié avant, nous passerons systématiquement dès le mois d'août du premier plafond au deuxième, qui est à 35 000 tonnes. Cela va accélérer les répercussions que ce plafond aura sur nous.
    Au bénéfice de mes collègues, j'aimerais que vous confirmiez ce que j'ai compris. Si le Canada signe l'Accord avant le 1er mai ou même un mois avant cela, vous entrerez dès lors dans une course contre la montre parce que vous devrez écouler jusqu'à 55 000 tonnes de produits dans une très courte période, soit en deux ou trois mois. C'est bien cela?
     Cependant, s'il signe l'Accord après le 1er mai, vous auriez au moins une année laitière pour écouler 55 000 tonnes avant d'être assujettis à un plafond de 35 000 tonnes. Vous passeriez alors de 80 000 tonnes à 35 000. Est-ce bien cela?
    Cet accord prévoyait une période de transition qui fixe un plafond plus élevé pour la première année, puis un plafond plus bas pour la deuxième année. Alors, si l'Accord est ratifié et entre en vigueur avant la deuxième année du secteur laitier, c'est-à-dire avant le mois d'août, la période de transition va durer moins d'un mois. Nous passerons immédiatement à la deuxième phase et au plafond plus bas.
    En ce qui a trait au programme de compensations, ma question peut s'adresser aux deux groupes.
    On parle d'indemnisation complète et équitable. Auriez-vous préféré un mécanisme de paiement en argent, un mécanisme de protection contre la concurrence ou les deux?
    Monsieur Boivin, avez-vous des commentaires?
    Des présentations ont été faites en ce qui concerne les mesures. L'une des mesures que nous prônons est, bien sûr, est celle liée au code des détaillants. Il s'agit d'encadrer les pratiques pour assurer que, en ce qui concerne la gestion de l'offre, il y a un contrôle dans l'ensemble de la chaîne.
    Nous, nous sommes assujettis à un contrôle des prix relativement à notre matière première, mais, aussitôt que nous commençons à vendre nos produits sur le marché, nous devons faire face à un marché très consolidé sur le plan de la vente au détail. Cela n'est pas encadré. Des mesures semblables ont été mises en place en Angleterre, entre autres, qui ont porté fruit et aidé à contrôler la marge de profit des transformateurs laitiers.
    Un autre point important que nous soulignons, c'est que nous avons été sacrifiés sur l'autel du commerce international. Il faut que le gouvernement prenne des mesures.
    Je suis désolée, monsieur Boivin, mais votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Le prochain intervenant, que j'ai omis par erreur — mille excuses —, est M. Erskine-Smith.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Geist, merci d'être parmi nous.
    On nous a dit un peu plus tôt aujourd'hui que ce n'était peut-être pas notre idée de prolonger la durée du droit d'auteur, que nous ne voulons pas le faire, mais que nous avons accepté dans l'optique de l'ensemble de l'accord et de ses avantages généraux.
    Si je comprends bien, vous nous demandez de faire une recommandation que ce comité a déjà faite, c'est-à-dire d'inviter le gouvernement à utiliser la période de transition de 30 mois pour établir un cadre d'enregistrement pour la prolongation de la durée de 20 ans. C'est exact?
    C'est exact.
    Je suis moins au fait des préoccupations que vous soulevez en matière d'exemption culturelle. Y a-t-il, selon vous, des recommandations particulières que ce comité devrait faire?
    Écoutez, il m'apparaît assez évident que l'on souhaite cette exemption culturelle, et je comprends pourquoi, mais je soulève la question pour m'assurer que les députés comprennent mieux les coûts associés à l'exemption culturelle, surtout dans l'environnement actuel.
    Dans le chapitre sur le commerce numérique, par exemple, l'application de certaines dispositions pourrait être déclenchée. Comme je l'ai dit, il y a des propositions claires, comme celles dans le rapport Yale, qui pourraient en entraîner l'application. J'ai constaté que certains ont la fausse impression que c'est presque une échappatoire, que l'on peut faire tout ce que l'on veut dans le secteur culturel canadien.

  (1150)  

    Donc elle a été maintenue, mais cela a un prix.
    Un prix considérable, oui.
    En ce qui a trait au chapitre sur le commerce numérique, je crois que vous avez souligné quelque chose que Mme Rempel Garner avait elle aussi souligné, c'est-à-dire des préoccupations relatives aux règles de localisation des données.
    Quand je lis l'article 19.12, je crois qu'il aurait été préférable qu'il reflète l'article 19.11, qui a au moins le mérite de nous permettre de limiter le transfert transfrontières des données quand c'est dans l'intérêt public. Il n'y a ni exception ni limite imposées à la localisation des données.
    Quand on regarde le transfert transfrontières des renseignements par voie électronique, est-il le moindrement réconfortant de pouvoir limiter le transfert des données dans l'intérêt public, surtout en référence à l'article 19.8, qui traite de la protection des renseignements personnels?
    Je crois que le réconfort est minime.
    Quand on a négocié ce type de disposition dans le cadre du Partenariat transpacifique, et ce sont en effet des dispositions semblables, même si celle-ci est encore plus restrictive, comme je l'ai déjà dit, le groupe américain Public Citizen a mené une étude sur le réconfort que procurent les exceptions à des fins d'intérêt public. Il s'est plus particulièrement intéressé aux cas soumis à l'OMC, où ce type de libellé était utilisé. Si je ne m'abuse, il a constaté que 43 fois sur 44, le recours à une exception pour des raisons d'intérêt public a été rejeté.
    C'est intéressant.
    En pratique, du moins selon la jurisprudence de l'OMC, on peut dire que cette disposition n'a guère été réconfortante.
    Le fait que l'on considère plus particulièrement l'intérêt public en matière de protection des renseignements personnels dans l'article 19.8 est un point positif, mais je comprends le poids de l'histoire auquel vous faites allusion.
    Quand nous parlons de règle refuge — et vous avez déjà critiqué dans vos écrits la prolongation de la durée du droit d'auteur, mais approuvé la présence d'une règle refuge —, je suis généralement d'accord avec vous que la responsabilité en matière de contenu ne devrait pas s'appliquer quand ce contenu est légal.
    Ce qui m'inquiète dans l'article 19.17, je crois que c'est... Peut-être que je pourrais en lire un petit bout:
[...] aucune des Parties n’adopte ou ne maintient des mesures qui traitent un fournisseur ou un utilisateur d’un service informatique interactif comme un fournisseur de contenu informatif pour déterminer la responsabilité en cas de préjudices [...], sauf dans la mesure où le fournisseur [...] a, en tout ou partie, créé ou développé ce contenu.
    Je ne m'attends pas à ce que Facebook, Google ou n'importe quelle société Internet qui héberge du contenu de tierce partie fasse également de la création de contenu. Sinon, il est certain qu'elle serait responsable. Ce qui me préoccupe, c'est la promotion du contenu.
    Je peux citer bien de formes de contenu illégal: diffamation, harcèlement, discours haineux, désinformation dans le contexte des élections et publicité sur la vente de biens de contrefaçon. Ne devrait-il pas y avoir une certaine responsabilité? Est-ce que la responsabilité est limitée à la loi pénale, et serait-ce une façon de contourner la disposition sur la règle refuge?
    Je crois qu'il y a là plusieurs points. D'abord, quand on parle de contenu illégal, et que l'une des plateformes en est avisée, je crois que, oui, elle doit être tenue responsable de son manque...
    Est-ce que cette disposition nuit à cela de quelque façon?
    Je ne crois pas qu'elle nuise à la législation du contenu illégal. Le problème est en partie lié au fait que les fausses nouvelles ne sont pas nécessairement du contenu illégal, même si on peut en reconnaître les effets préjudiciables...
    Bien sûr.
    ... et donc il faut s'interroger sur la façon de gérer ce type de questions.
    Mais est-ce seulement parce que c'est couvert par la loi pénale et qu'il y a une exception au paragraphe 4 de l'article 19.17 en ce qui a trait à la loi pénale?
    L'applicabilité potentielle ici couvre quand même le contenu illégal.
    Je crois qu'il est important de souligner que ce libellé n'est pas sorti de nulle part, n'est-ce pas? Il est tiré d'une loi américaine...
    ... plus précisément de l'alinéa 230c) de la Communication Decency Act. Je ne crois pas qu'il soit bien difficile d'imaginer de quelle façon ce type de disposition peut être utilisé, et elle le sera. Aux États-Unis, il y a 20 ans de jurisprudence qui montre comment elle est utilisée, et elle a permis d'accorder un très large...
    Donc, si je veux une loi, par exemple, qui stipule que lorsqu'il y a du contenu illégal qui porte à tout le moins, disons, sur la publicité de biens de contrefaçon — ce qui me semble quelque chose qu'on ne devrait évidemment pas voir —, donc, où les biens en promotion sont des contrefaçons, et que Facebook tire des profits de cette publicité ou que YouTube tire des profits de cette publicité, et que j'aimerais qu'ils rendent ces fonds ou ces profits d'une façon ou d'une autre. J'aimerais qu'il y ait une loi qui assure que c'est le cas et qui ne contreviendrait pas à l'article 230 ou à l'ACEUM.

  (1155)  

    Je crois qu'il y a plusieurs questions dans ce que vous dites. D'abord, il faut établir si nous parlons de contenu illégal dans la mesure où la législation que vous avez adoptée a rendu ce genre de contenu illégal et que cette législation ne peut pas faire l'objet d'une contestation au titre de la Charte. Dans ce cas, tout va bien de ce côté.
    N'oubliez pas que vous avez rapidement présumé qu'il s'agissait d'une publicité sur Facebook. Souvent, ce dont nous parlons ici dans le contexte du projet de loi n'est pas nécessairement de la publicité qui profite à Facebook, mais plutôt de contenu de tierces parties qui est affichée par les utilisateurs. C'est sur cet aspect qu'il faut concentrer notre attention.
    Mais...
    Monsieur Erskine-Smith, malheureusement, votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Masse.
    Merci, madame la présidente.
    Merci également à tous nos témoins.
    Monsieur Geist, je vais poursuivre avec vous. L'une des choses que j'espérais voir soulever par les Américains était le droit d'auteur de la Couronne. Il n'y a pas de droit d'auteur de la Couronne aux États-Unis, mais nous nous retrouvons dans une situation où nous devons soit accepter cet accord, avec les quelques améliorations que les démocrates à la Chambre des représentants ont apportées au texte original, ou c'est le statu quo.
    Nous sommes en plein statu quo. Vraiment, il y a tout un débat à avoir sur la capacité de Trump à se retirer de lui-même, ce qui nous ramènerait à l'accord de libre-échange. Il y a tout un processus en place. Il y a tout un débat juridique autour de la façon dont cela se déroulerait, mais il ne nous reste maintenant qu'à choisir entre aller de l'avant ou pas.
    Face à ces deux options, j'estime qu'il est préférable d'aller de l'avant, mais aussi de trouver des façons de pallier certains des dommages que nous avons subis.
    Est-ce que le droit d'auteur de la Couronne pourrait être l'une des petites choses à notre portée? Il s'agit de l'éliminer — j'ai de nouveau présenté un projet de loi à cet effet à la Chambre des communes — de sorte que les données publiques, toutes nos études faites ici et qui sont actuellement d'accès limité... À ce que je sache, le Canada est le seul pays à fonctionner de la sorte. Notre loi s'inspire de lois britanniques de 1909 qui ont été mises à jour en 1911.
    Si nous devions abolir le droit d'auteur de la Couronne pour offrir un plus grand accès public aux documents de recherche et autres documents gouvernementaux, est-ce que cela contribuerait ne serait-ce que légèrement à contrer certaines des limites imposées sur les renseignements et les changements que nous pouvons apporter?
    Bon. Merci pour votre question.
    Écoutez, je suis d'accord avec votre projet de loi d'initiative parlementaire. Je crois qu'il y a beaucoup de gens de partout au pays, dans un large éventail de secteurs, qui sont préoccupés par le maintien du droit d'auteur de la Couronne.
    Voici ce que j'ai à dire là-dessus: j'estime que ce comité a fait un travail exceptionnel quand il s'est penché sur le droit d'auteur. Je suis conscient que vous n'étiez pas tous là quand l'examen a été fait, mais que certains y étaient. Je crois que cet examen peut servir de feuille de route pour ce gouvernement.
    Et c'est particulièrement vrai si nous devons étudier différents dossiers qui, je crois, sont généralement reconnus comme des mesures que le Canada n'avait pas nécessairement l'intention de prendre, mais qui nous sont essentiellement imposées dans le cadre de cet accord... La prolongation de la durée du droit d'auteur en est un exemple. La prolongation applicable aux serrures numériques et la criminalisation en est un autre.
    Oui.
    Il me semble que d'admettre la nécessité d'un juste équilibre dans les droits d'auteur suppose que chercher à rétablir en partie cet équilibre est l'une des choses que le gouvernement doit faire. Le droit d'auteur de la Couronne est une façon d'y parvenir. Les serrures numériques en sont une autre. Franchement, une souplesse totale, avec une disposition sur l'utilisation équitable ou l'utilisation équitable et souple — toutes des choses recommandées dans le Rapport sur l'examen prévu par la Loi de la Loi sur le droit d'auteur du Comité de l'industrie —, voilà le genre de choses qui, selon moi, contribueraient à rétablir l'équilibre. Je crois également que ce serait dans l'intérêt général.
    Bien sûr, il n'est pas nécessaire de recourir à un accord commercial pour y arriver, mais puisque nous disposons de cette période de transition de 30 mois, nous devons utiliser ces 30 mois à la fois pour bien gérer la question de la prolongation de la durée, mais aussi pour bien comprendre que cela a entraîné ou entraînera un déséquilibre dans le régime des droits d'auteur, puisque nous acceptons tout simplement les demandes américaines.
    Ce serait donc dans notre intérêt de rétablir cet équilibre au sein du régime des droits d'auteur à l'aide de l'examen du droit d'auteur effectué par le Comité de l'industrie et d'envisager certains de ces changements, que ce soit le droit d'auteur de la Couronne, l'enregistrement obligatoire, les serrures numériques ou encore l'élargissement de l'utilisation équitable par l'adoption d'une approche flexible d'utilisation équitable.
    Nous avons passé beaucoup de temps là-dessus. Quelques membres étaient là. Nous avons parcouru le pays. Nous venions de finir quand le Parlement a été dissous. Nous pourrions l'utiliser comme feuille de route.
    J'ai posé une question un peu plus tôt sur notre commissaire à la protection de la vie privée. Je veux seulement m'assurer de bien comprendre. Y a-t-il quelque risque que ce soit que, à cause de cet accord, les décisions de notre commissaire à la protection de la vie privée soient contestées? Les États-Unis n'ont pas de commissaire à la protection de la vie privée. Je suis aussi préoccupé par la possibilité que les décisions du CRTC, par exemple, puissent être contestées. Peut-être ne pourrez-vous pas répondre à ma question immédiatement. Mais puisque les États-Unis n'ont pas de commissaire à la protection de la vie privée, je me demande seulement ce que...
    C'est une question vraiment intéressante. D'instinct, je vous dirais que, contrairement à certaines questions liées à la diffusion et aux télécommunications figurant dans le rapport Yale qui seraient essentiellement appliquées par le CRTC, et qui, selon moi, pourraient faire l'objet de contestations... Si vous mettez en place un système d'octroi des licences pour les agrégateurs de nouvelles en ligne et exigez qu'ils paient des redevances, cela me paraît être le type de décision que le CRTC appliquerait, et cela pourrait ouvrir la porte à une contestation.

  (1200)  

    Toutefois, pour ce qui est de la protection de la vie privée, et cela met en relief les lacunes de nos lois en la matière, les décisions du commissaire à la protection de la vie privée ne sont que des conclusions et n'ont pas force de loi.
    Oui.
    Oui.
    Je crois que le commissaire à la protection de la vie privée pourrait formuler une conclusion qui va soi-disant à l'encontre de l'accord. Selon moi, la première réaction serait que personne n'a vraiment besoin de s'y conformer s'il s'agit simplement d'une conclusion. Dans les faits, il faut une ordonnance du tribunal, ce qui soulève une question qui, je l'espère, sera sérieusement étudiée par ce comité dans les mois à venir, c'est-à-dire celle de veiller à l'amélioration des lois sur la protection des renseignements personnels...
    Oui.
    ... afin qu'elles prévoient le type de force exécutoire qui, en théorie, pourrait susciter une contestation s'il y avait une question jugée irrégulière.
    Pour ce qui est de la protection de la vie privée, nous ne saurons pas ce qui est contestable en vertu du nouvel accord tant que nous ne tenterons pas d'établir de nouvelles lois plus strictes en la matière. En ce moment, elles ne risquent pas d'être contestées, car nos lois en matière de protection de la vie privée ne sont pas assez strictes dans leur libellé.
    Comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'une décision du commissaire à la protection de la vie privée puisse être contestée, car elle n'a pas force de loi.
    Oui.
    Pour ce qui est de la teneur de nos lois en matière de protection de la vie privée, l'accord parle de lois semblables, mais il est très souple à cet égard. Il reprend même certaines des normes américaines les plus laxistes jugées être, à bien des endroits aux États-Unis, conformes à « la norme ».
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps que nous avions aujourd'hui. J'aimerais à nouveau remercier les témoins qui ont pris le temps de comparaître devant nous.
    Sur ce, peut-on proposer la motion d'ajournement?
    Un député: J'en fais la proposition.
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: La séance est levée. Merci.
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